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Article de revue

Le bilan psychologique dans les cliniques « périnévrotiques » en période de latence

Pages 279 à 308

Notes

  • [*]
    Valérie Boucherat-Hue, maître de conférences en psychologie clinique et psychopathologie à l’université d’Angers, psychologue clinicienne, attachée de psychothérapie à l’hôpital Sainte-Anne, Clinique des maladies mentales et de l’encéphale, service du Pr F. Rouillon, psychanalyste, membre de la spp.
  • [1]
    C’est nous qui soulignons.
  • [2]
    C’est nous qui soulignons.
  • [3]
    Âge de raison qui culmine avec la tombée des dents de lait comme support physiologique, biologiquement déterminé, de la figuration de la castration secondaire.
  • [4]
    Œdipes originaire, infantile et pubertaire.
  • [5]
    Les modalités de mise en latence seront développées dans le chapitre suivant.
  • [6]
    Et, ultérieurement, de ses modalités pubertaires : le conflit « féminin/masculin » autour de la complémentarité métaphorisable « pénis-vulve ».
  • [7]
    Pour peu que l’enfant réussisse bien à l’école, les signalement sont rares et la souffrance psychique susceptible de sous-tendre d’autres secteurs du comportement, notamment avec les inhibitions, passe plus inaperçue qu’à d’autres âges, tant le « phare » sur la réussite scolaire est puissant.
  • [8]
    Selon le cadre théorique auquel on se réfère, l’agitation témoigne d’un défaut d’inhibition « à dire » (au sens normalo-névrotique du terme), c’est-à-dire d’une fragilité du refoulement de l’expression pulsionnelle directe et de sa psychisation qui aurait permis la substitution du fantasme à l’acte. Mais l’agitation relève aussi d’un mécanisme d’inhibition majeure, au sens d’une inhibition « à penser » versus répression du fantasme et trouble de la mentalisation et de la symbolisation.
  • [9]
    À ce propos, il est amusant de constater qu’au moment où les dents de lait tombent, le rituel social troque l’objet perdu par l’enfant, symbole de la castration secondaire, contre une pièce d’argent, via le mythe de la souris. Tout se passe comme si la régression partielle vers les pôles pré-œdipiens était accompagnée collectivement, l’investissement de la rétention anale venant compenser le refoulement de la revendication phallique-œdipienne et la perte narcissique afférente.
  • [10]
    Voire triphasé, si l’on réintroduit le rôle pré-organisateur pour la névrotisation ultérieure de la psyché que joue le conflit primaire anal avec l’intégration de l’angoisse du 8e mois qui tiercéïse la psyché autour de la figure de l’Étranger, ce « Non mère » dont parle Cl. Le Guen (1974).
  • [11]
    Merci à C. Arbisio pour son gros travail sur les théories pédagogiques, éducatives et psychanalytiques de la latence, avant, pendant et après S. Freud, une somme dont je me suis inspirée, ou que j’ai parfois reprise, compte tenu de ses qualités.
  • [12]
    Sont rapportées entre parenthèse les « notes standard », c’est-à-dire les scores pondérés qui, calculés statistiquement à partir des « notes brutes », permettent la comparaison entre les résultats chiffrés des différents subtests.
  • [13]
    Les échecs perceptifs (F-) sont systématiques et s’accompagnent de sensations « en quête » de représentation symbolique, qui s’expriment dans les modes d’appréhension vagues ou impressionnistes (en G comme en D) et dans des déterminants peu élaborés (kob, CF, C purs).
  • [14]
    Le choix du cat à 8 ans n’est pas des plus fréquents, mais, dans le cas de Fabienne, cette option intervient après la passation très désorganisée du Rorschach, afin de favoriser le déplacement des fantasmatiques conflictuelles et pulsionnelles latentes du matériel sur le règne animal, et partant, soutenir la secondarisation de la pensée.
  • [15]
    En référence à la sous-catégorie des « Troubles du caractère » au sein de la catégorie « Organisation névrotique » définie dans la cftmea (Misès et Quemada, 1993-2000).
  • [16]
    C’est nous qui soulignons.
  • [17]
    C’est nous qui soulignons.

Latence, cliniques névrotiques plurielles et conduite diagnostique

Le « prénévrotique » et le « périnévrotique » en période de latence

1Dans les contextes cliniques « normalo-névrotiques », l’expression symptomatique de l’enfant en période de latence est souvent décrite comme plus discrète et moins diversifiée dans ses manifestations que celle qui se noue autour des conflits pulsionnels, qu’ils soient préœdipiens, œdipiens ou pubertaires. Cette apparente économie de fonctionnement en période de latence peut être conçue comme une des caractéristiques du destin évolutif de la névrose infantile banale et de ses refoulements : « Ainsi, si elle a une expression clinique, la névrose infantile, résidu du développement, processus de la sexualité infantile, grosse du complexe d’Œdipe, est une pré-névrose[1]. Structurellement, elle serait l’hystérie infantile avec ses colères, ses crises de rage, la faiblesse de ses déplacements phobogènes. De ce fait, on peut concevoir [...] la période de latence comme l’expression d’un processus plus ou moins réussi de déshystérisation[2] » (Lebovici, 1980).

2En quelque sorte, avec le déclin œdipien comme passage tout à la fois balisé par l’idéal du moi et obligé par le surmoi, la période de latence scanderait une certaine « fin de représentation », au sens de la métaphore théâtrale. L’entrée dans « l’âge de raison [3] » marque en effet un temps d’élaboration de l’excitation pulsionnelle par les voies de l’intériorisation et du renoncement provisoire à la mise en drame des conflits relationnels au profit des identifications.

3Mais « en coulisse », avec le refoulement comme puissant organisateur et le déplacement sublimatoire qu’il appelle, la « mise en latence » engage une intense activité de représentation psychique, au sens métapsychologique du terme, qui, sous des détours secondarisés, inscrit définitivement le travail de symbolisation propre aux tiercéités primaires dans l’ordre des déclinaisons subtiles de la triangulation secondaire. Et la période de latence ne fait pas fructifier uniquement l’héritage du conflit œdipien, mais en opérationnalisant la structure intrapsychique de la psyché, elle met à l’épreuve toutes les prémices de la névrotisation psychique. Ainsi, la latence réexpérimente la « primo-névrotisation » de la psyché, c’est-à-dire les « préformes de secondarisation » (Szwec, 1993) de la pensée qui, dans le second semestre de vie, inaugurent l’activité de représentation psychique avec le processus de négation appelé par l’organisateur pré-phobique du 8e mois (Spitz, 1957). La latence teste aussi l’après-coup de cette primo-névrotisation : l’organisation « pré-névrotique » ultérieure de la psyché, ce que S. Lebovici (op. cit.) appelle « noyau pré-névrotique » ou « pré-névrose » pour qualifier la névrose infantile de l’étape œdipienne. Comme le souligne M. Ody (2003), dans cette perspective « pré-névrotique », « […] la névrose infantile est un processus qui se structure en deux temps, c’est-à-dire après l’adolescence […] [avec] un premier temps (l’œdipe infantile) métabolisé par la période de latence (p. 1344) ».

4En revanche, dans le champ de la psychopathologie infantile, le terme « prénévrotique » est plus souvent synonyme de « pré-œdipien » pour caractériser ce qui est fixé aux en-deçà de la constitution de la névrose infantile, comme dans les états-limites ou les psychoses, autrement dit les configurations cliniques dans lesquelles la problématique œdipienne n’est, à aucun de ses trois niveaux [4], organisatrice de la conflictualité psychique. C’est la perspective de J.-L. Lang (1979) pour qui les « états pré-névrotiques » ne sont pas « […] des précurseurs d’une névrose de l’enfant, mais antérieurs à tout processus de névrotisation des conflits […], [donc] ne débouchant pas sur l’Œdipe » (p. 334).

5De ce point de vue, le « prénévrotique » peut être différencié de ce qu’on peut appeler le « périnévrotique » (Boucherat-Hue, 2012a), les deux renvoyant néanmoins à la psychopathologie, et pour le cas qui nous intéresse, à celle de l’enfant « latent ». Le prénévrotique concerne la psychopathologie du « pré-œdipien » et le périnévrotique celle du « prégénital ». Le terme « prégénital » est ici employé dans la perspective de la seconde théorisation freudienne de la libido infantile (Freud, 1922-1923) qui le situe entre le début du stade phallique de l’œdipe infantile et l’organisateur pubertaire. Dans ce cadre, le concept de « génital » renvoie stricto sensu à l’étape de structuration de la libido adulte au cours de l’adolescence, c’est-à-dire à la « génitalité pubertaire ». Dans cette acception, l’étape œdipienne est « prégénitale », même si elle est parfois évoquée comme « organisation génitale infantile » (Freud, 1923). Quant au terme « pré-œdipien », il fait référence aux conflits libidinaux des stades du développement précédant l’accès psychique à l’œdipe infantile (Freud, 1931).

6Cela étant dit, le « périnévrotique » est une configuration psychopathologique fixée à la seconde étape de névrotisation, au « pré-névrotique » selon Lebovici, c’est-à-dire à la névrose infantile. On peut entendre par « périnévrotiques » les organisations psychiques d’enfants latents qui ont eu accès à une représentation de la castration secondaire, de la perte objectale, de la différence des sexes et des générations, mais chez qui la conflictualisation du nœud œdipien ne se révèle guère négociable spontanément (Boucherat-Hue, 2012b), à la différence du « névrotique » dans lequel l’élaboration œdipienne a lieu, à des degrés divers, même si dans les « névroses de l’enfant » la résolution du conflit est difficile, voire dans l’impasse. Le périnévrotique témoigne d’une mise en souffrance durable de l’organisation de la névrose infantile en période de latence et, plus tard, de sa structuration pubertaire. « Périnévrotique » désigne la fixation-régression de l’organisation psychosomatique à un registre de fonctionnement névrotique infantile insuffisamment transformé dans ses après-coups successifs, latents puis pubertaires, ce qui se traduit, au plan psychique, par le maintien actif du fantasme œdipien « d’origine ». Ce scénario, modelé au stade phallique-narcissique (Grunberger, 1971), se caractérise par l’importance des résonnances narcissiques de la problématique de castration autour de ses modalités infantiles : le conflit « châtré/nanti » sous le primat du « phallus », au détriment de sa mise en latence [5][6]. Au niveau de cette « stase génitale infantile » (Freud, op. cit. 1923) s’actualise un noyau d’excitation d’ordre caractériel, à traduction comportementale, qui mobilise des passages par l’acte à effets symbolisants plutôt que des passages à l’acte à effets démentalisants. Ces investissements sensori-moteurs accompagnent le travail figuratif de l’enfant latent « périnévrotique », au prix parfois d’un véritable handicap (somato)psychique (Boucherat-Hue 2012c). Cette configuration clinique infantile privilégie la mise en avant des conflits dépressifs abandonniques au profit de l’évitement des conflits pulsionnels œdipiens, et maintient le potentiel excitatoire hystériforme de la névrose infantile œdipienne.

Latence, névrose de l’enfance et bilan psychologique

7Quant à la véritable « névrose » de l’enfant latent, au sens psychopathologique du terme, elle n’est pas si fréquente puisqu’à cette période « le névrotique » se confond avec la structure développementale de la psyché infantile qui produit en elle-même des styles cognitifs et défensifs dont les versants phobo-obsessionnels sont bien connus, et socialement valorisés, y compris lorsqu’ils pourraient sembler trop rigides aux cliniciens [7]. L’écart entre le normalo-névrotique et le névrotique (pathologique) de la latence apparaît souvent subtil. « […] Complexifiée par une problématique narcissique […] c’est souvent l’intensité de la symptomatologie névrotique qui alerte et questionne (Ody, op. cit., p. 1344). Et si l’on veut conserver son sens à la formule : « la vraie névrose de l’enfant à la période de latence est […] essentiellement caractérisée par l’inhibition intellectuelle » (Lebovici, op. cit.), c’est à condition d’y entendre une inhibition de nature « névrotique », une inhibition « à dire » qui, se rangeant du côté de l’occulte, signale l’échec des compromis défensifs appelés par le renoncement œdipien, l’émergence du symptôme proprement dit, et, tout compte fait, l’intégration insuffisante de la névrose infantile normale dont la pression pulsionnelle encore trop vive nécessite des contre-investissements défensifs très coûteux.

8Dans les contextes névrotiques, l’investigation diagnostique en période de latence prend une tournure volontiers économique. Elle évalue le dispositif défensif visant à refouler les conflits, son éventail, sa qualité secondaire et sa souplesse, alors qu’aux périodes de conflit pulsionnel, elle teste plutôt la capacité de l’appareil psychique à mettre en scène et à traiter le conflit. Or, on peut se demander si la névrose manifeste, symptomatique et invalidante, à la période de latence, ne témoigne pas toujours d’un échec de l’organisation névrotique, recouvrant des fixations préœdipiennes encore trop actives, des problématiques plus archaïques auxquelles des îlots névrotiques plus ou moins fonctionnels, à la fois bétonnés et insuffisamment structurants, pourraient servir d’écran ? Est-ce à dire que les symptômes authentiquement névrotiques, lorsqu’ils sont massifs et entravent la latence, sont à considérer systématiquement comme des rejetons « pseudo-névrotiques » ? Autrement dit, comment ne pas rabattre systématiquement cette clinique sur les destins et pronostics des états-limites de l’enfance, ce qui risquerait d’enfermer le sujet dans une trajectoire préœdipienne masquant le nœud « périnévrotique » de l’organisation lorsqu’il existe ?

9Les consultations de pédopsychiatrie sont pourtant motivées pour moitié pour des enfants en âge de latence (Arbisio-Lesourd, 2000), et les motifs de consultation pédopsychiatrique mettent classiquement en avant des difficultés liées à la scolarité, que celles-ci concernent la réussite ou l’intégration scolaire : échecs dans les apprentissages (Emmanuelli, 2004, p. 259), blocages instrumentaux touchant les secteurs du langage (Jumel, 2003, p. 265) ou de la psychomotricité, troubles du comportement (Bréchon, 2004, p. 46) ou de l’adaptation en classe (Chabert-Babinet, 1998, p. 48), etc.

10La plupart de ces troubles, s’ils entravent peu ou prou l’actualisation des processus de pensée dans les apprentissages scolaires, relèvent rarement de carences cognitives ou de défaillances instrumentales caractérisées (Gardey et coll., 2003). Ils s’organisent dans des contextes affectifs certes variés mais principalement dominés par l’inhibition, versus rétractation ou agitation [8], révélant généralement, à des degrés divers, une difficulté de contrôle pulsionnel, que celui-ci joue en « trop » ou en « pas assez ».

11Le bilan psychologique aide à saisir la problématique psycho-affective qui sous-tend les troubles scolaires, dans le cas d’une intelligence normale (Raffier-Malosto, 1998, p. 230), voire chez les enfants bien doués (Weismann-Arcache, 2004, p. 227) et qui se noue autour des questions centrales que pose la période de latence : celle du refoulement des conflits pulsionnels, en terme de défaillance, de faiblesse ou de mobilisation trop rigide, bref en termes de trop grande ou de trop faible perméabilité psychique. R. Debray (1983) a métaphorisé ce processus en proposant de centrer l’investigation clinique sur les liens de conjonction ou de disjonction entre ce qu’elle appelle « appareil cognitif » et « appareil psychique » : « L’appareil psychique est cette capacité purement humaine mais très inégalement développée selon les individus, de tolérer, négocier, gérer l’angoisse, la dépression et les conflits intrapsychiques et interpersonnels. L’appareil psychique contient la vie durant l’appareil cognitif vu comme le réservoir et le support des conduites intelligentes. C’est l’appareil psychique qui en permet le bon fonctionnement puisqu’il ne peut y avoir de raisonnement intelligent que si les quantités d’excitation et donc d’affects ne sont pas trop élevées au sein de l’appareil psychique. Filtrer les excitations et permettre que les affects soient d’intensité discrète, c’est assurer un champ mental libre favorisant les conduites intelligentes et donc le bon fonctionnement de l’appareil cognitif » (p. 3).

12Quelques rappels sur les aménagements psychiques de la latence permettront d’introduire la présentation du cas clinique d’une fillette de 8 ans dont le bilan psychologique révèle des aspects psychopathologiques inattendus et permet de préciser la problématique affective de l’enfant en référence aux modèles psychodynamiques de la latence.

À propos des organisateurs psychiques de la latence

Un refoulement de la génitalité infantile « à tout prix »

13La notion de « période de latence sexuelle » (Lantenzperiode) apparaît pour la première fois sous la plume de S. Freud en 1905. Elle correspond à l’étape de la seconde enfance où le refoulement de la génitalité infantile s’organise par nécessité de renoncer provisoirement aux fantasmes œdipiens : « Cette première configuration de l’amour chez l’enfant, qui se rattache typiquement au complexe d’Œdipe, succombe ensuite […] dès le début de la période de latence, à une poussée de refoulement » (Freud, 1921).

14Au profit du refoulement, l’excitation sexuelle est dérivée vers des « buts non sexuels » par des mécanismes secondarisés comme le déplacement et les sublimations qui aident l’enfant à se dégager du conflit pulsionnel œdipien. Conjointement, s’opère comme appoint défensif un mouvement de régression vers la psychosexualité préœdipienne, en particulier anale [9], qui va à son tour faire l’objet d’un contre-investissement défensif. Du point de vue économique, ce dernier est plus coûteux que celui qui s’opère par les défenses mentales névrotiques car il emprunte les voies caractéro-comportementales (Freud, 1912-1913), mais il structure durablement la personnalité de l’enfant : « À l’époque de la vie que l’on peut caractériser comme période de latence sexuelle, de la cinquième année accomplie jusqu’aux manifestations de la puberté (vers la onzième année), on voit même se créer dans la vie psychique, aux frais de ces excitations fournies par les zones érogènes, des formations réactionnelles, des contre-puissances […] qui s’opposent comme des digues à la mise en activité ultérieure des pulsions sexuelles » (Freud, 1908).

15La latence s’engage donc par le déclin du conflit œdipien, sous l’impact de l’angoisse de castration et de l’intériorisation du surmoi, alors que se développe une intense activité psychique compensatrice de la double perte objectale et narcissique subie par l’enfant : « La menace [de castration] a pu le faire renoncer à la masturbation, mais non aux fantasmes qui accompagnaient celle-ci. Bien au contraire, l’activité fantasmatique, seule forme de satisfaction sexuelle qui lui reste, s’exerce plus qu’auparavant » (Freud, 1938-1940).

16Freud conçoit le processus de latence comme une « inhibition » de la sexualité infantile, et parfois, de manière plus discutable, comme un « temps d’arrêt » dans le développement sexuel : « Le procès dans son ensemble a, d’un côté, sauvé l’organe génital, il a détourné de lui le danger de le perdre, et, d’un autre côté, il l’a paralysé, il a supprimé son fonctionnement. Avec lui, commence le temps de latence qui vient interrompre le développement sexuel de l’enfant » (Freud, 1923, op. cit.).

17Si Freud a laissé la question de la période de latence en suspens, on peut néanmoins lui reconnaître d’une part d’en avoir entrevu la complexité et, d’autre part, de l’avoir maintenue ouverte à plusieurs reprises : « Sans nous faire d’illusion sur la nature hypothétique et la clarté insuffisante de nos connaissances concernant les processus de la période enfantine de latence ou d’ajournement, nous allons revenir à la réalité pour avancer qu’un tel fonctionnement de la sexualité infantile représente un idéal d’éducation, dont le développement individuel s’écarte le plus souvent à un moment quelconque et souvent de façon considérable » (Freud, 1905, op. cit.).

18Ainsi, en viendra-t-il à préciser que ce qu’il nomme tour à tour « répression » progressive des motions sexuelles infantiles ou « régression » du développement sexuel en période de latence : « […] peut à son tour être interrompue par des poussées régulières du développement sexuel et arrêtée par des particularités individuelles » (Freud, 1908, op. cit.). « Entre la sixième et la huitième année environ, le développement sexuel subit un temps d’arrêt ou de régression qui, dans les cas socialement les plus favorables, mérite le nom de période de latence. Cette latence peut aussi manquer ; en tout cas, elle n’entraîne pas fatalement une interruption complète de l’activité et des intérêts sexuels » (Freud, 1916-1917).

19En dépit des critiques qui peuvent leur être faites, l’apport principal des vues freudiennes sur la latence est surtout d’avoir jeté des ponts pour faire du concept de latence une pierre angulaire de l’édifice psychanalytique (David, 1969). En abandonnant la théorie de la séduction traumatique pour celle du fantasme organisateur, Freud entrevoit le lien entre l’ajournement de la maturation sexuelle propre à la période de latence et la notion centrale d’après-coup sur laquelle repose toute la métapsychologie du fonctionnement psychique, normal et névrotique. La période de latence témoigne du développement biphasé de la sexualité [10] et permet de comprendre les effets constitutifs et structurants de la sexualité infantile dans la psyché humaine.

Des remaniements psychiques au « projet narcissique » de la latence

20En France, nous devons la métapsychologie la plus féconde de la période de latence à P. Denis. Il s’inscrit, pour la compléter, voire la dépasser, dans la perspective freudienne en donnant une valeur organisatrice à la conflictualité intrapsychique de l’étape post-œdipienne. Par cette orientation résolument psychodynamique, il rompt avec l’Égopsychologie anglo-saxonne centrée sur le rôle du moi, de l’éducatif et de l’intersubjectivité. Il se passe également de l’hypothèse d’un déterminisme biologique sous-jacent à la latence auquel Freud est resté attaché en faisant de cette période une étape à part entière du développement psycho-affectif. Bien plus qu’une stase libidinale ou qu’un repli purement régressif lié aux contraintes défensives du déclin du complexe d’Œdipe, cette phase charnière et fondamentale de l’histoire infantile peut être conçue comme un levier élaboratif puisqu’elle a pour tâche de transformer le conflit œdipien en organisation triangulée de la psyché : « La formule selon laquelle la période de latence succède à la destruction du complexe d’Œdipe devrait être complétée ainsi : la période de latence succède à la destruction du complexe d’Œdipe comme projet et correspond à son assomption comme système de référence symbolique. Elle est ainsi une période très intense d’élaboration mentale, d’enrichissement des fantasmes […] » (Denis, 1985, p. 63).

21Chemin faisant, et c’est là l’originalité de ses apports, P. Denis met au jour l’importance structurale des remaniements narcissiques spécifiques de la latence. Celle-ci a pour tâche de trouver des voies de dégagement à la blessure narcissique laissée par la destruction du complexe d’Œdipe en dialectisant les courants génitaux et prégénitaux de la libido infantile : « La période de latence apparaît donc finalement comme un relais important dans le développement, comme une sorte de palier identificatoire pendant lequel les premières lignes de développement tendent à se fixer. En d’autres termes, une période d’élaboration du narcissisme » (Denis, 1995, p. 2146).

22La reconnaissance par l’enfant de son immaturité fonctionnelle étant devenue incontournable dans le champ du narcissisme secondaire, la période de latence œuvre pour en diluer les effets dans la psyché : l’enfant latent va surseoir à statuer sur ses limites en recourant à l’imaginaire pour colmater provisoirement sa faille narcissique et tempérer l’impact du deuil auquel il est confronté. Dans cette perspective, la période de latence ne saurait être simplement conçue comme une « salle d’attente », aconflictuelle, voire asexuelle, entre les conflits œdipien et pubertaire. Si elle peut être figurée sous l’angle du complexe de « la Belle-au-Bois-Dormant », c’est à condition de montrer que ce sommeil apparent est problématisé par la fonction onirique et ses équivalents dans la vie diurne. Au fond, il s’agit de conserver au mot « latent » la valeur que Freud lui accorde dans sa théorie du rêve et du symptôme, c’est-à-dire d’intense activité psychique secrète, cachée.

23Au cœur de ces agissements fantasmatiques « souterrains », se tient en effet l’organisateur psychique de la latence : « Aujourd’hui je suis trop petit, mais plus tard, je serai grand, et je pourrai… ». Mais celui-ci gagne à être entendu non pas tant comme une « promesse œdipienne », si celle-ci recouvre l’espoir de voir se réaliser ultérieurement les rêves incestueux (Arbisio-Lesourd, 1997) [11], mais comme une nouvelle « promesse narcissique ». Le projet, remis à plus tard, reste de parvenir à « maîtriser le monde » et repose sur l’identification narcissique aux images parentales. Celles-ci sont certes différenciées mais encore idéalisées, dans un contexte où la constitution du « roman familial » est régulée par la réélaboration d’un mythe « héroïque ». En ce sens, la période de latence apparaît plutôt comme une « anti-chambre » du « pouvoir », au sens politique du terme, car elle abrite une revendication phallique-narcissique active, puissamment alimentée par l’imaginaire : « Plus tard, quand je serai grand…, expression dont les points de suspension ouvrent, grâce au refoulement, un immense champ d’investissement » (Ribas, 1985).

Fabienne : une fillette apparemment « trop sage » ?…

Une clinique d’appel « qui ne paie pas de mine »

24Fabienne a presque 8 ans lorsqu’elle m’est adressée par un pédopsychiatre pour faire le point tout à la fois sur son niveau intellectuel, son adaptation sociale et scolaire et son organisation psychoaffective. En effet, contacté par les parents sur les conseils de l’institutrice, ce consultant a rencontré plusieurs fois la fillette afin d’évaluer la nécessité d’une prise en charge thérapeutique.

25Fabienne est en ce2, et l’école, la sentant mal à l’aise avec ses camarades et constatant qu’elle se met de plus en plus en retrait en classe, signale une « souffrance psychique ». Depuis peu, elle arrive en retard à l’école car elle a besoin d’un temps considérable pour se préparer le matin et ritualiser son départ de la maison. Le psychiatre soupçonne l’expression « masquée » d’une angoisse dont il voudrait préciser la nature et le contexte. Cette angoisse prend parfois l’allure de plaintes somatiques, comme lorsque Fabienne a mal au ventre juste avant l’examen psychologique.

26Fabienne aurait été une enfant plutôt précoce dans ses premiers développements. D’ailleurs, elle réussit très bien à l’école sans avoir fait de cp et ses parents se demandent même si elle aurait intérêt à aller directement en cm2, sans passer par le cm1. Ils voudraient savoir si les difficultés d’adaptation scolaire de Fabienne pourraient être liées à une avance intellectuelle la faisant désinvestir les apprentissages et « s’ennuyer » en classe.

27Les parents m’apprennent qu’ils se sont séparés lorsque Fabienne avait 2 ans, sa mère ayant quitté le foyer « sans l’en avertir » pendant que la fillette était en vacances chez ses grands-parents, car « elle ne savait pas comment lui annoncer qu’elle la quittait ». Depuis lors, sur accord entre les parents, Fabienne vit chez son père qui en a la garde, avec sa belle-mère et sa demi-sœur âgée de 7 mois. L’année dernière, au cours du ce1, la mère a relancé une procédure judiciaire pour demander la garde de sa fille parce que cette dernière semblait lui signifier « qu’elle n’était pas bien » chez son père. Mais elle a retiré sa demande lorsqu’un expert-psychiatre a suggéré à la famille que Fabienne tenait des propos différents selon les interlocuteurs, cherchant ainsi à réconcilier ses parents dans l’espoir de les voir vivre à nouveau ensemble.

28Dans ce contexte, les parents s’interrogent sur les répercussions affectives qu’aurait pu avoir leur divorce sur « l’évolution de la personnalité » de Fabienne. Ils la présentent en effet comme une enfant secrète, insaisissable derrière « sa carapace » de sorte qu’il serait difficile de savoir « ce qu’elle ressent ». Ainsi, elle aurait tendance à éviter les conflits et chercherait à faire « passer ses avis » après ceux des autres. Pour « aplanir » les situations ou « faire plaisir » aux adultes, il pourrait même lui arriver « d’enjoliver la réalité » en « inventant des histoires ». Elle se montrerait « trop gentille » dans l’ensemble, étonnement serviable et affectueuse comme quand elle a accueilli, « sans réticence » apparente, la naissance de sa demi-sœur du côté paternel, et l’arrivée prochaine d’un bébé du côté maternel.

29Durant l’entretien qui, en sa présence, eut lieu avec son père et sa mère, Fabienne a entrepris de mimer une partie de « cache-cache ». Elle a d’abord joué discrètement avec les stores, puis elle est allée « se poser », silencieuse, au centre de la pièce, avant de « s’animer », en rampant sur le sol d’un adulte à l’autre, ou en se cachant derrière sa mère. À la fin de l’entretien, elle a voulu déplacer un fauteuil en direction de la porte, comme pour empêcher ses parents de quitter la pièce… À l’évidence, il s’agit d’une enfant qui a beaucoup à dire ; elle le dit sur un mode non verbal mais assez transparent au plan symbolique. Elle semble ainsi mettre en scène à mon intention la « façade policée » dont me parlent ses parents, tout en me donnant à imaginer ce qu’elle pourrait recouvrir, me le dévoilant peu à peu… Fabienne est très présente par son regard qui oscille entre vivacité, quête affective et morosité. Son expression psychomotrice témoigne de subtiles variations de l’humeur. Au fond, je m’interroge sur la valence dépressive et contra dépressive des conduites psychiques et agies de Fabienne (Marcelli, 1997).

30Lors de l’échange entre ses parents et moi, son père lui a expliqué plus clairement les conditions du départ de sa mère quand elle avait 2 ans, de même qu’il lui a précisé les aléas de la demande de garde formulée par cette dernière, il y a un an. À ce propos, la mère est restée silencieuse, en retrait. Fabienne a écouté avec grand intérêt, comme suspendue dans une attitude figée, avec le faciès douloureux d’un « serious baby » (Burgner, 1985). Sont-ce des indices de ce qui pourrait déprimer ou angoisser Fabienne : une histoire familiale difficile à symboliser, à mettre en mots entre elle et sa mère (Weil, 2000) ? Au fil de l’examen psychologique, Fabienne s’est montrée coopérante, mais devoir dessiner un bonhomme ou une famille l’a plongée dans la perplexité, l’inhibition la submergeant. Ses réactions de refus confirment-elles l’impact d’un traumatisme actuel, et que réactive-t-il ?

31Par ailleurs, il s’agit d’une enfant vive, très attachante, agréable dans la relation où elle s’exprime avec une certaine aisance. Le contact est bon et adapté dans l’ensemble, bien que par moments, emportée par ses fantaisies imaginaires, elle devienne plus difficile à suivre, comme le signalent ses parents en disant qu’elle peut enjoliver la réalité et (se) raconter des histoires. Dans ce cas, elle a du mal à conserver la « bonne » distance avec l’adulte et doit, de temps à autre, être recadrée par des limites sécurisantes qui apportent un frein à son excitabilité (Denis, 2001). Je me demande si ces fuites vers l’imaginaire ne témoignent pas d’une discrète activité hypomaniaque exploitée dans la lutte anti-dépressive.

32Fabienne s’est montrée très sensible au climat affectif établi et particulièrement vigilante à ce que j’écrivais qui risquait de lui échapper. Sa sensitivité et sa dépendance affective m’ont semblé patentes, tout comme son anxiété qu’elle essaie de canaliser par des rituels, notamment des vérifications qui peuvent occasionner une certaine lenteur dans l’exécution des tâches qui lui sont proposées, à l’image de ses préparatifs pour l’école le matin.

33Enfin, elle a tendance à dévaloriser ses productions et a besoin d’être stimulée, encouragée et dynamisée pour se faire confiance, car dans le fond, il s’agit d’une enfant qui semble garder en elle (et pour elle) une certaine tristesse que ses efforts pour transformer les choses sur un mode ludique ne parviennent pas toujours à dissiper.

34Ainsi, la fillette qui commence à se dessiner à l’observation clinique correspond assez bien à celle que son entourage décrit. Dans ce contexte, l’analyse des tests devrait contribuer à préciser et à comprendre plus avant la souffrance psychique que Fabienne exprime.

Un monolithisme symptomatique propre à la période de latence ?

35L’écart entre ce qui entre dans le cadre des variations de « la normale » et ce qui relève de la « pathologie » en période de latence est parfois difficile à préciser. Il repose sur une évaluation plus économique que dynamique du fonctionnement psychique. Et quand bien même la psychopathologie est avérée, les signes cliniques ne sauraient être définitifs et figés. La conduite diagnostique et pronostique en période de latence est suspensive, en particulier dans les cas cliniques qui relèvent de constellations « périnévrotiques » sur lesquelles je vais revenir.

36Fabienne présente une symptomatologie d’appel marquée par l’inhibition. Le symptôme manifeste actuel s’apparente à une phobie sociale gênant son adaptation scolaire. La phobie scolaire est relativement fréquente en période de latence et peut entrer dans des contextes névrotiques classiques. Il s’agit d’un symptôme prototypique de la subtilité et de la variété des contextes psychopathologiques. Dans ce cadre, elle peut signaler une problématique œdipienne encore chaude dans laquelle les déplacements de la curiosité sexuelle vers l’intellect et les relations n’ont pas trouvé de compromis suffisant et sont frappés d’interdit surmoïque. Mais elle peut signaler aussi l’exaspération d’une période de latence où la régression vers les dimensions préœdipiennes des conflits, au service du refoulement du génital infantile, vont déplacer pour la fille le conflit d’agressivité à l’image maternelle dans la sphère d’opposition (active/passive) anale. Mais la phobie scolaire en période de latence peut aussi signaler la recrudescence d’angoisses de séparation. Celles-ci peuvent être liées au contexte névrotique en voie d’organisation, la réélaboration de la position dépressive, tant du côté du deuil objectal que de la blessure narcissique de la problématique de castration, pouvant amener la réactivation d’angoisses précoces. Ces angoisses de séparation peuvent aussi être liées à une problématique préœdipienne encore agissante et signaler la précarité des aménagements névrotiques et la réouverture de problématiques archaïques mal résolues (Salmeron-Touati, 2003, p. 88-89).

37Mais l’inhibition est souvent considérée comme pathognomonique de la période de latence (Valentin, 1987). Quand elle devient trop massive du fait d’un conflit psychique sous-jacent resté vif ou de l’insuffisance des autres modalités défensives, l’inhibition peut devenir invalidante, envahir un secteur ou l’ensemble du fonctionnement, et prendre le statut de symptôme. L’inhibition doit être évaluée du point de vue de son degré mais aussi de sa nature. Le jeu de cache-cache établi par Fabienne dans la relation clinique donne à penser que l’inhibition qui l’entrave s’organise plutôt du côté du refoulement comme une inhibition « à dire » que du côté de la répression qui signalerait une inhibition « à penser », selon l’expression de R. Debray (1980) : « Renonçant à la réalisation de ses désirs dans l’immédiat, l’enfant latent va opérer un changement dans la répartition de ses investissements, conservant la tendresse post-œdipienne pour ses parents et libérant une part importante de son énergie pulsionnelle pour des investissements hors du triangle œdipien […], investissements qui vont permettre la mise en place des acquisitions scolaires et sociales si importantes durant la période de latence » (p.15).

38Fabienne présente en outre une certaine forme d’obsessionnalisation de son fonctionnement, que l’on repère dans les formations réactionnelles de l’agressivité d’une part, dans le registre des comportements ritualisés d’autre part, et enfin, dans le surinvestissement précoce des activités cognitives. Or, l’obsessionnalisation de la personnalité et du fonctionnement mental est normalement attendue en période de latence : « Une grande partie de la maîtrise permettant le refoulement et une plus grande limitation de la circulation des affects provient d’un mouvement régressif accentuant considérablement tous les processus intervenus dans le contrôle du passage entre le dedans et le dehors, liés à l’érotisme anal, aussi remis au premier plan, contrôlant et réprimant les effets des pulsions génitales œdipiennes » (Diatkine, 1985).

39La latence conjugue une palette défensive qui fait coexister, au service du refoulement du génital infantile, comme du prégénital :

  • les dégagements par déplacement et sublimation vers l’intellect ;
  • les défenses secondarisées de registre rigide comme l’isolation, l’annulation et la dénégation ;
  • les défenses régressives d’ordre caractériel comme le renversement dans le contraire et retournement contre soi de l’agressivité ;
  • et les mécanismes extra-psychiques investissant le corps et le régime des comportements.
La clinique donne à penser que Fabienne est aux prises avec une symptomatologie dépressive plus ou moins masquée derrière l’inhibition, la phobie scolaire, l’angoisse à expression somatique (de Becker, 2011), les discrètes variations thymiques empruntes de moments d’excitation psychique et d’effondrement. Or, la dimension dépressive du fonctionnement est inscrite au cœur même du processus de latence, le deuil objectal et narcissique étant central et susceptible de réactiver plus ou moins fortement les séparations de la première enfance : « Cette prise de distance inscrite dans un autre mode de rapproché que celui des années antérieures induit à cet âge une nostalgie devant le processus de séparation qui s’annonce et que l’enfant commence à pressentir » (Emmanuelli, 1996).

40Dans ce cadre, la lutte anti-dépressive passe classiquement par des défenses hypomaniaques d’appoint, qui se jouent à la fois dans l’excitabilité psychomotrice et dans le recours à l’emballement de l’imaginaire, dans un contexte où, comme chez Fabienne, le rapport au réel n’est pas perdu et le contact à l’autre reste adapté. Selon son entourage, Fabienne se replie fréquemment vers les fantaisies imaginatives et enjolive la réalité, se raconte des histoires. Or, l’imaginaire comme défense représente un puissant contre-investissement à l’élaboration des deuils et à la confrontation à l’immaturité fonctionnelle propres à la période de latence. Chez Fabienne, le subtile aller-retour entre des positions de maturité et d’immaturité affective pourrait bien signaler : « […] les vicissitudes de la prise de distance relationnelle d’avec les objets œdipiens qui s’amorce à la latence et qui nécessite pour être négociée l’appui sur la relation aux parents réels, positionnés dans un registre narcissique, et sur les identifications » (Emmanuelli, 1998, p. 121).

Les « contrastes » de l’examen psychologique

Du wisc-r au Rorschach…

41L’efficience intellectuelle de Fabienne fut évaluée à partir des échelles composites du wisc-r.

42Au plan quantitatif, le niveau apparaît très supérieur, avec un qi Total à 138, un qi Verbal à 136 et un qi Performance à 132. Ces résultats chiffrés pointent une importante homogénéité « inter échelles », entre performances verbales et non verbales ; ils appuient l’hypothèse d’un fort potentiel cognitif, voire d’une avance intellectuelle par rapport à la moyenne de la classe d’âge.

43Le calcul de la dispersion « intra échelles » signale néanmoins des résultats plus hétérogènes qu’il n’y paraît de prime abord, en particulier au sein de l’échelle verbale où l’écart des scores entre subtests est de ± 10 points, et, dans une moindre mesure, au sein de l’échelle non verbale où cet écart est quand même de ± 5 points.

44L’approche clinique de la passation et l’analyse qualitative des subtests du wisc-r nous renseigneront sur les particularités et les fonctions de l’excellence intellectuelle de Fabienne, et partant, nous conduiront aux premières hypothèses sur son fonctionnement psychique. Ces hypothèses seront alors confrontées à l’interprétation psychodynamique des tests projectifs, Rorschach et cat.

45Ainsi, au wisc-r, les épreuves d’efficience corrélées aux facteurs d’intelligence générale sont les mieux réussies, tant en conceptualisation verbale (19 [12] aux « Similitudes ») qu’en raisonnement logique non verbal (18 aux « Cubes »). Vont également dans ce sens l’aisance de Fabienne aux épreuves symboliques et chiffrées (16 à « Arithmétique » et à « Arrangement d’images »), ainsi que l’étendue de ses acquis scolaires et culturels (18 à « Information »). À ce premier niveau d’analyse, on peut évoquer un goût prononcé pour l’abstraction, sous-tendu par un important et efficace investissement des objets de savoir, qu’ils soient mathématiques ou verbaux.

46Mais à un second niveau d’interprétation, les épreuves projectives, analysées au plan des modalités de fonctionnement intellectuel et du potentiel d’élaboration créative, nous permettent d’avancer que les performances cognitives de Fabienne au wisc-r, d’une part recouvrent un surinvestissement intellectuel à valeur défensive coûteuse et, d’autre part, ne sont opérantes qu’à certaines conditions.

47En effet, le Rorschach montre l’incapacité actuelle de Fabienne à exploiter sa maîtrise intellectuelle en dehors d’un cadre strictement « cognitivo-scolaire ». Sa production floride persévère autour d’une dynamique pulsionnelle désintriquée qui surexcite, envahit et désorganise durablement le fonctionnement psychique. Contrairement à ce qui se passe au wisc-r, les capacités intellectuelles de Fabienne sont très largement mises en échec dans la confrontation à un matériel projectif faiblement structuré qui, parce que non figuratif, appelle à un double mouvement de déliaison puis de reliaison psychique :

48

Planche II : « Pfou ! ! [> < V] 30’’ Je dirais des explosifs (G vague kobC± fragt)… De la fumée (D impressionniste C’F± fragt) avec du feu (D impressionniste CF+ Élt) à la fin… Et en bas, les traces de pieds là, comme quelqu’un qui a saigné, donc la couleur, pas qui a marché dans le sang (D vague FC± fragt/sang) ». Réponses additionnelles de l’enquête : « [V] Des ours qui font de la fumée, comme s’ils lançaient quelque chose ensemble, avec une explosion qui commence à venir, c’est ce qu’ils lancent le rouge (D/D combiné kanC- A/Fragt C’ ? Ban dégradée)… y’a plus que la peau d’ours en fait… Aussi un oiseau avec une queue rouge (Dbl/D combiné FC- A).

49

Planche IV : « [>] imm. Oh là là ! J’ai une grenouille ! (rires) (G simple F- A)… [?] Une sorte d’animal géant (G simple F+ ? Clob A)… [V] Euh [? < > V] qu’est-ce que je pourrais dire… Ah tu écris ce que je dis, c’est malin !… Un gros missile qui craque tout, qui casse tout, avec une sorte de porte qui s’est craquée en fait (D/G combiné à tendance confabulée DG kob- Obj/Scène)… Et puis des petits missiles qui partent sur les côtés et on voit les traces (Ddbl/D kob- Obj/Fragt) ».

50

Planche V : « imm. Une chauve-souris (G simple F+ A Ban)… Deux crocodiles… attachés, tout ensemble (DG confabulé F- A)… [V] Un oiseau (G simple F+ A)… Deux missiles, pareil, de chaque côté (D/D combiné F- Obj), plus des missiles sur les ailes de l’oiseau…ce qui tire…la boule, elle se porte au bout du nez et pouf ! Ça tire !… ça commence à se fabriquer, comme de la fumée (D/G combiné kobE- Obj/Scène)… l’oiseau est grand, il a les pouvoirs, ça va tirer !… Et maman, qu’est-ce qu’elle va dire ? »

51

Planche VI : « imm. Là je vois un tigre avec les moustaches (G F+ A)… Une flèche dans un arc (D/G combiné F- Obj)… Des missiles avec des truffes de chiens sur les côtés, un peu là des têtes de chien d’où partent les missiles et dès qu’il est près de la cible, il casse toute la cible (D vague kob- Ad/Obj)… Les balles qui vont tirer, des mitraillettes peut-être, des balles qui commencent à se former avec les mitraillettes (Dd/D combiné ? confabulée F- Obj)… Y’en a encore ?… »

52

Planche VIII : « imm. Là je dirais un feu d’artifice, la couleur partout (G impressionniste Ckob± Fragt)… Et des dents, avec des flèches entre les dents (Ddbl/D combiné F- Hd/Obj) »

53

Planche IX : « 4’’ [>] Une flèche qui casse tout avec du feu (il prend le chronomètre), c’est tout (D/G combiné kobC- Obj/Élt Scène)… (?) C’est tout ce qui est autour de lui… une maison où on lance quelque chose dans le ciel, et là c’est le ciel (affabulations) »

54Ainsi, les tentatives itératives de Fabienne pour organiser cognitivement le percept (en G ou en D élaborés) échouent la plupart du temps sous l’impact d’une pression pulsionnelle inorganisée. Celle-ci attaque les liens de pensée, les contenants corporels et les repères psychiques en débouchant sur des confusions perceptives, des contaminations de règnes et des confabulations entre objets de représentation. La violence pulsionnelle, sexuelle et agressive, effracte de manière taraudante la psyché sous forme de préoccupations archaïques obsédantes qui vont crescendo, et dont la massivité interne est difficile à métaboliser, à filtrer, si ce n’est par moments à symboliser.

55Transitoirement, le potentiel cognitif permet la récupération d’un travail minimal de symbolisation et de secondarisation de la pensée, mais le contexte projectif des réponses trahit toujours, aux planches relationnelles et conflictuelles, la crudité sous-jacente d’un fantasme trouvant sa traduction dans le registre primaire :

56

Planche III : « [>] 2’’ Là je représente un monstre déjà… avec des dents, beurk !, qui se transforme en animal (D simple Fclob- H ?A)… [V] Des poumons (D impressionniste CF+ Anat)… Des têtes avec un bâton et la moustache là (Dd/D combiné F+ Hd/obj)… [?] Des… des humains avec une boule, qu’ils tiennent avec des piques (Dd/G combiné K+ H/Scène Ban) ».

57

Planche VII : « [V] Je sais pas quoi [? > ?] 20’’ Deux ours qui se cognent les fesses là, tu vois ce que je veux dire ! (D/G combiné kan- A/Scène)… Des petites marionnettes (D/D combiné F+ obj) ».

58Dans ces conditions, l’on comprend bien la nécessité pour Fabienne de maîtriser cette réalité interne potentiellement « dangereuse », « explosive », en s’accrochant aux supports concrets de la réalité externe et à des objets de pensée moins excitants au plan fantasmatique. C’est ainsi que les tâches cognitives abstraites et chiffrées, comme les subtests « Arithmétique » et « Cubes » du wisc-r, l’aident à tenir à distance ses préoccupations projectives angoissantes. Au tout début du Rorschach, elle tente d’ailleurs de les contenir par des images de protection narcissique qui, à l’instar de sa « carapace » adaptative, ne « résistent » que provisoirement :

59

Planche I : « 2’’ Je dirais un sanglier (Gbl simple FC’- Ad)… Ou là non, un papillon (G simple FC’+ A Ban)… Je dirais même un scarabée (G simple FE+ A)… [> V <] Un masque… de loup (répète) (Gbl simple FC’+ Obj?Ad) ».

60Dès lors, on peut penser que le surinvestissement intellectuel du subtest « Similitudes » du wisc-r témoigne de l’effort de Fabienne pour « lier ensemble » des objets de pensée abstraite (ici, des concepts) en catégories communes (conformément à la consigne du subtest). Il s’agit de « faire un tout », ce qu’elle tente désespérément au Rorschach avec ses très nombreux D/G combinés, sans toutefois y parvenir véritablement [13].

… Puis du cat au wisc-r

61Au cat[14], le fonctionnement psychique de Fabienne est en opposition apparente avec celui qui se révèle au Rorschach, ce qui confirme bien la nécessaire complémentarité entre les deux tests projectifs. Le matériel thématique et figuratif du cat, hautement saturé en facteurs adaptatifs, permet à Fabienne la récupération effective d’une certaine continuité psychique. La temporalité induite par le percept et la consigne (« raconter une histoire ») l’aide à « ordonner le réel » en lui offrant un support perceptif externe, et donc le cadre normatif indispensable à l’efficacité de son contrôle psychique.

62Ainsi, la production de Fabienne au cat, chapeautée par l’inhibition, s’organise autour de descriptions défensives qui éludent les représentations de relation et évacuent les sollicitations conflictuelles sexuelles-agressives appelées par les contenus manifestes et latents du matériel :

63

Planche 5 : « 8’’ Maman et papa ours dorment dans le grand lit. Moi et mon frère nous dormons dans le lit, c’est tout ».

64

Planche 9 : « 10’’ Monsieur Lapin dort dans son petit lit… dort dans sa chambre, c’est tout ».

65Ces mécanismes d’évitement, qui recourent à l’indifférenciation des personnages (sexes, générations, rôles agresseur/agressé), sont à l’image de la couverture adaptative de Fabienne ; au cat, ils masquent la tonalité projective de la fantasmatique qui se faisait jour au Rorschach :

66

Planche 1 : « 20’’ Trois petits oiseaux qui mangent de la crème, non, les trois petits oiseaux (surveille ce que j’écris)… C’est tout ».

67

Planche 2 : « 3’’ Les trois ours ++ (?) Trois ours tirent la corde sur une colline… (?) Non, je décris simplement ».

68

Planche 4 : « 15’’ C’est quoi tu as écrit là ?… Maman kangourou et ses petits vont faire un tour dans la forêt, c’est tout. Y’en a combien là ?… ».

69

Planche 8 : « 1’’ La famille singe prépare un goûter dans la salle à manger et ils ont accroché dans un cadre la photo de mamy singe ».

70L’adaptation conformiste aux modèles externes, sur fond de répression pulsionnelle, se traduit également au wisc-r par l’accrochage de Fabienne aux normes sociales fortement mobilisées à certains subtests (18 à « Compréhension » et 16 à « Arrangements d’images »). Les apports du cat permettent d’ailleurs d’aller plus loin dans cette interprétation.

71En effet, le surinvestissement des épreuves adaptatives s’accorde, chez Fabienne, avec une problématique dépressive et une sensibilité abandonnique qui apparaissent plus clairement au cat qu’au Rorschach où la surexcitation pulsionnelle combat la dépression :

72

Planche 3 : « 6’’ Je peux dire si c’est une fable de La Fontaine ?…Le Lion et le Rat… Le roi lion en fait, et le rat… C’est tout…(?) Ben le lion il a une canne et une pipe, donc il est vieux…et puis le rat, on le voit dans le trou en bas ».

73

Planche 6 : « Imm. Les ours dorment dans la caverne de Lascaux, tranquilles, et il neige dehors ».

74

Planche 7 : « 1’’ Le tigre essaie d’attraper un singe… un pauvre singe… Le lion va manger le… le pauvre singe… Le pauvre singe, il a plus de lianes entre ses mains, donc il va tomber ».

75La sur-adaptation de Fabienne aux épreuves sociales du wisc-r peut alors être comprise comme un accrochage aux règles parentales et aux normes extérieures chez une enfant mal à l’aise dans ses repères internes, si ce n’est perdue dans son histoire affective.

76Cette hypothèse interprétative éclaire peut-être aussi l’étonnant – et détonant – résultat de Fabienne au « Vocabulaire » (9), l’épreuve la moins réussie du wisc-r, et sa conduite au « Code ». Ce qui est frappant, c’est le contraste entre les formidables capacités de conceptualisation émergeant à une autre épreuve sollicitant le facteur verbal (« Similitudes ») et la pauvreté du langage, l’approximation, voire parfois la confusion des mots (et des objets auxquels ils renvoient) à l’épreuve de « Vocabulaire » :

77

Item 3 (Essence) : « Pour avancer le voiture »
Item 4 (Caramel) : « Un aliment »
Item 5 (Camion) : « Un véhicule grand »
Item 6 (Paresseux) : « Têtu comme une mule »
Item 9 (Locomotive) : « Un véhicule »
Item 10 (Canif) : « Un chien »
Item 11 (Gencive) : « Une dent »
Item 12 (Gravier) : « Matière dure »
Item 14 (Contagieux) : « Être malade »
Item 16 (Doublure) : « Quand on double deux fois, quand on répète »
Item 17 (Appétissant) : « Quand on a faim ».

78Subtest de définition de mots par élaboration hic et nunc, le « Vocabulaire » du wisc-r est susceptible de renvoyer à la manière dont le langage a été investi dans la relation précoce mère/enfant et, de ce fait, il est considéré comme une épreuve particulièrement sensible aux carences affectives (Emmanuelli, op. cit. 1998, p. 37). Or, il plonge Fabienne dans des mécanismes de désinvestissement transitoires du sens des mots, parfois même de mots usuels. Aucun plaisir à penser, à élaborer les concepts ne se dégage de sa passation. Mais ce ne sont pas les préoccupations projectives qui entravent l’efficience à cette épreuve qui favorise pourtant l’intrusion des affects et aurait pu, de ce fait, être envahie par le fantasme pulsionnel comme au Rorschach. Il semble que ce soit plutôt la dimension dépressive du fonctionnement de Fabienne qui s’actualise, en résonance avec des souffrances affectives abandonniques (vécues dans le fantasme et réactivées dans le réel ?) liées à la relation à l’image maternelle, souffrances dépressives qui transparaissent clairement au cat.

79La même hypothèse peut être proposée pour le « Code » du wisc-r, substest le moins « investi » de l’échelle non verbale (13). Ce ne sont pas les sollicitations abstraites et chiffrées qui pénalisent légèrement la note de Fabienne à ce subtest qu’elle effectue sans faute, mais sa lenteur. Cette lenteur semble s’accorder avec un repli dépressif lié au fait qu’il s’agit non seulement de la seule épreuve où Fabienne est laissée seule devant sa feuille, mais aussi de la dernière épreuve du wisc-r, annonçant la séparation d’avec le test.

80La fin du Rorschach donne également lieu à des représentations dévitalisées, à tonalité dysphorique :

81

Planche X : « [>?] 30’’ Des squelettes, l’ensemble… plusieurs parties des os (D/G combiné FC- Anat). »

82Ailleurs, des défenses hypomaniaques tentent de lutter contre l’envahissement dépressif ; elles sont repérables cliniquement, mais aussi dans l’emballement de la pensée au Rorschach et dans l’excitation qui gagne en fin de cat quand les défenses de contrôle et d’inhibition s’épuisent, à l’approche de la séparation :

83

Planche 10 : « 6’’ Petit chien, le chiot a envie d’aller aux toilettes car il a très envie mais papa n’est pas content, alors le chiot rit… Et là, j’ai pas décrit !… ».
Choix des planches : pl. 1 et 10 « Les deux qui soient marrantes alors ! ; pl. 2 et 8 « Parce qu’elles sont pas marrantes, elles ! ».

84Cette hypothèse sur la dépression et son contre-investissement me paraît en outre rendre compte, au wisc-r, du moindre investissement du subtest « Complètement d’images » (13), où la confrontation au « manque » (perceptif et affectif) conduit à un mouvement de découragement nécessitant de stimuler Fabienne pour répondre, alors qu’elle aurait tendance à abandonner facilement la tâche. De même, aux « Assemblages d’objets », autre subtest du wisc-r corrélé avec l’image du corps et la représentation de soi, l’alternance thymique donne lieu à des moments d’excitation psychique (provocation, agitation corporelle et chantonnement), sans pour autant que cela entraîne une baisse de performance significative (14), car le recadrage et les encouragements s’avèrent efficaces au maintien de la mobilisation cognitivo-motrice.

85La même interprétation pourrait éclairer, a posteriori, le refus opposé par Fabienne aux Dessins du Bonhomme et de la Famille, épreuves qui mobilisent, comme le « Complètement d’images » et l’« Assemblage d’objets » du wisc-r, la relation à l’image du corps. Celle-ci est évitée, voire désinvestie chez Fabienne, dans un contexte où, comme le montre l’analyse des deux épreuves projectives, la question de l’intégrité du schéma corporel et de l’identité ne se pose pas dans un registre psychotique.

Quelques réflexions psychopathologiques pour conclure

L’hypothèse d’un état-limite de l’enfance, et sa limite « traumatique »

86Le cat de Fabienne, verrouillé par la contrainte d’inhibition visant à contrôler des éprouvés massifs, notamment dépressifs, débouche sur un appauvrissement des processus de pensée, une entrave à la liberté psychique et à l’utilisation des capacités créatrices. Il s’agit aussi de pallier la menace projective qui se « débride » au Rorschach à travers un fantasme monolithique de scène primitive violente, source de surexcitation. Au fond, les aptitudes cognitives de Fabienne, qui se déploient au wisc-r et font partie de ses ressources personnelles, se trouvent invalidées au Rorschach comme au cat du fait d’un conflit pulsionnel trop « chaud ». Celui-ci envahit le Rorschach en menaçant d’« écraser » les contenants psychiques alors qu’il est drastiquement défendu au cat sur un mode sur-adaptatif qui écarte de la psyché les contenus fantasmatiques (Mancini, 1998). La proximité de l’angoisse à connotation persécutrice et de l’angoisse de perte intimement associée, que Fabienne masque habituellement par des comportements policés, conduit, du fait des risques d’envahissement tant pulsionnel que dépressif, au désinvestissement que la fillette opère actuellement vis-à-vis de son environnement scolaire et relationnel. Ses symptômes d’allure phobique et dysphorique traduisent ce compromis défensif certes efficace pour limiter les effets de l’excitation, mais économiquement très coûteux.

87Ainsi, le bilan de Fabienne pourrait conduire à former l’hypothèse d’une disjonction défensive entre l’appareil psychique et l’appareil cognitif, entre affects et intellect, sous-tendue par un clivage du moi en deux secteurs : l’un hyperadaptatif, l’autre projectif. L’organisation psychique, ainsi aménagée dans ce qui ressemble à un faux-self, pourrait aisément être comprise et argumentée comme un état-limite de l’enfance, à versant dépressif. En effet, dominent des difficultés de maniement pulsionnel, en particulier une agressivité encore trop agissante et destructurante dans la sphère sadique-anale. Se découvre aussi la prégnance d’une imago maternelle phallique et dangereuse dans un contexte de grande difficulté identificatoire. La confrontation à l’impuissance renvoie Fabienne tantôt à des angoisses archaïques concernant l’intégrité corporelle, tantôt à une angoisse primaire de défaut d’étayage. L’évocation de la séparation et de la perte réactualise même par moment des angoisses de perte perceptive de l’objet (Freud, 1926) dévoilant des défaillances intermittentes de la symbolisation (Wiener, 2005).

88Néanmoins, se pose chez Fabienne la question d’un fonctionnement « à empreinte traumatique » (Bokanowski, 2002), ce qui doit rendre le diagnostic pour le moins prudent, si ce n’est suspensif. Un potentiel dépersonnalisant et hallucinatoire sous-jacent à l’excitation, sans doute lié à des micro « catastrophes de symbolisation » (Roman, 1997), pourrait bien inscrire indéfiniment dans le psyché-soma ce qui achoppe à se représenter clairement d’une angoisse à résurgence corporopsychique, à la fois précoce et actuelle. Il se pourrait d’ailleurs que des impacts traumatiques intervenus de manière cumulative dans le réel n’aient pas été suffisamment métabolisés psychiquement, et qu’ils aient eu pour effet d’actualiser les fixations préœdipiennes d’une organisation mentale infantile à d’autres moments plus élaborée, notamment au temps œdipien. Fantasmes et réalité semblent en effet s’être télescopés dans la relation de Fabienne à son image maternelle, en fragilisant du même coup l’appareillage défensif de la fillette, en particulier le clivage « fonctionnel » qui lui permettait de préserver antérieurement la qualité de son fonctionnement adaptatif, cognitif et relationnel. La régression vers les fixations primitives de la psyché, qui fait partie du processus normal de la latence et contribue à déployer l’éventail défensif, envahit chez Fabienne le fonctionnement psychique parce que le conflit pulsionnel est resté à vif et que le refoulement comme les sublimations ne sont pas assez structurants pour le réguler en période de latence. On peut même penser que les entraves défensives et élaboratives empêchent chez elle la mise en place de la latence proprement dite et sont liés à un « break-down » développemental (Laufer, 2002), de nature traumatique.

89En revanche, comme on l’a vu au fil du bilan, les données cliniques chez Fabienne nous conduisent à écarter les hypothèses diagnostiques « normalo-névrotique » et « (psycho)névrotique ». Au profit du refoulement, la période de latence opère un déplacement et une sublimation de la curiosité sexuelle vers les investissements cognitifs et sensori-moteurs à valence auto-érotique (E. et J. Kestemberg, 1966), de sorte qu’elle suscite une créativité et un plaisir de fonctionnement qui préserve, dans les cas les plus heureux, la souplesse de l’organisation psychique. L’investissement de l’intelligence, des apprentissages et de l’adaptation ne semble pas, chez Fabienne, sous-tendu par des sublimations. Les activités cognitives surinvesties sont au service des défenses, de la contention et de l’emprise plutôt que de la satisfaction (Denis, 1997). Il en émerge un fonctionnement intellectuel parfois déconnecté du monde interne qui risque de se « mécaniser ». Les enfants dont l’excellence scolaire est au premier plan sont rarement signalés en latence car ils correspondent à l’idéal normatif. Fabienne a la « chance », pour être aidée, que des symptômes phobiques viennent nuire à son adaptation et fassent se craqueler la carapace défensive. L’excellence scolaire et intellectuelle peut faire symptôme et signaler une souffrance psychique sous-jacente. Le surinvestissement scolaire de Fabienne, qui représente une de ses ressources, l’aide à maintenir à distance ses difficultés majeures à gérer la perte d’objet, la castration et la confrontation distanciée aux objets œdipiens auxquels elle s’accroche, mais ce processus défensif entrave le développement de sa personnalité qui est comme suspendu, « en arrêt sur image »…

Le « périnévrotique » et son potentiel « identificatoire » à renforcer

90La construction psychique structurante de la latence est indissociable de la représentation et de l’élaboration psychique de la perte (Dollander et de Tychey, 2002), tant au niveau primaire que secondaire. Chez les enfants abandonniques, l’élaboration de la position dépressive étant défaillante, la configuration œdipienne manque et les mouvements pulsionnels archaïques sont souvent « gelés » derrière une adaptation (de Tychey et coll., 2004) ou une inhibition de surface : « faux-self » selon Winnicott (1960), « pseudo-latence » selon Bergeret (1974). Chez Fabienne, la dépression, à la fois centrale et masquée, absorbe actuellement la libido sur le mode de l’excitabilité hypomaniaque, mais c’est souvent la confrontation à la problématique œdipienne qui entraîne les décharges pulsionnelles. Du fait du caractère mouvant du fonctionnement psychique infantile, les conflictualités dépressives primaires et œdipiennes peuvent chez certains enfants latents être indissociables et se renvoyer l’une l’autre dans le jeu des mouvements psychiques (Palacio Espasa, 2003) sans pour autant réaliser une organisation limite de l’enfance. Ainsi, F. Palacio Espasa et R. Dufour (1995) ont décrit chez l’enfant des « organisations paranévrotiques » dont « […] la problématique psychique dominante n’était plus le complexe d’Œdipe propre aux névroses (bien que toujours présent), mais la perte des objets libidinalement investis […]. […] prédominent des fantasmes de perte de l’amour de l’objet avec des sentiments d’être rejeté, abandonné, exclu, etc. » (Palacio Espasa, 2010, p. 68) dans des contextes cliniques où la triangulation est toutefois reconnue, même si elle s’avère insuffisamment structurante. Chez Fabienne, le conflit psychique de nature « prégénitale » qui articule étroitement angoisse dépressive et angoisse de castration pourrait entrer dans le cadre d’une configuration « périnévrotique » (Boucherat-Hue, 2012a, op. cit.).

91En effet, l’angoisse de castration reste chez elle centrale, même si elle est trop vive, mal dégagée de ses précurseurs préœdipiens, sans issue actuelle, et que la surenchère du symbolisme phallique aux épreuves projectives témoigne de son impact plus déstabilisant que dégageant. La problématique phallique pourrait, avec une prise en charge, gagner en élaboration alors qu’elle s’exprime dans un registre encore très infantile traduisant des difficultés identificatoires importantes et l’échec de la confrontation œdipienne. La lutte anti-dépressive condense des angoisses de perte de vue du premier objet et de perte d’amour des objets œdipiens. Elle emprunte les voies de l’excitabilité psychosomatique qui alterne avec l’inhibition massive entravant l’adaptation scolaire. L’arsenal défensif est lourd et coûteux : un hypercontrôle vigilant tente de tenir à l’écart le monde interne, le comportement assurant par l’« acte-symptôme » (Mc Dougall, 1982) une position de prestance compensatrice évitant la menace narcissique-dépressive de l’angoisse de castration. Ce véritable handicap (somato)psychique caractéristique me semble-t-il les configurations « périnévrotiques » de l’enfance (Boucherat-Hue, 2012b, op. cit.), des troubles de la sphère « caractéro-névrotique [15] », souvent accompagnés de perturbations des conduites instrumentales et dans lesquels s’actualise un noyau traumatique. Dans ces cliniques « périnévrotiques », le passage se fera plutôt du conflit œdipien à la formation de caractère (Boucherat-Hue, 2012b, op. cit.). Dans ce cas, l’intégration insuffisante de la névrose infantile, qui exerce une pression pulsionnelle encore trop vive, nécessite un contre-investissement défensif coûteux. Plus coûteux que celui qui opère par les défenses mentales névrotiques car il emprunte en excès les voies caractéro-comportementales dévolues par Freud à la période de latence : formations réactionnelles et « contre-puissances » qui s’opposent comme des digues à la mise en activité ultérieure des pulsions sexuelles, dira-il en 1912-1913.

92Un certain nombre d’auteurs tentent de préciser ces configurations psychopathologiques composites de la période de latence comme celle de Fabienne, et en discutant la place dans le cadre des états-limites de l’enfance ou de leurs contreforts. Ainsi, B. Jumel (2006) décrit, à partir notamment des tat d’enfants de 10-12 ans dyslexiques, un « mécanisme de défense mental de type pré-névrotique », au sens de ce qui se situe avant l’organisateur œdipien, qu’il rattache à une problématique abandonnique entrant dans le cadre des angoisses de perte d’objet rencontrées dans les états-limites de l’enfance. Les troubles des apprentissages sont conçus comme un blocage entrainant un accrochage au percept défensif contre l’angoisse de perte du rapport visuel à l’objet. Il s’appuie sur les travaux de J.-L. Lang (1979, op. cit.), qui qualifiait d’« états pré-névrotiques » certaines pathologies limites de l’enfance, au sens de R. Misès (1990). D’autres auteurs, s’appuyant sur le concept de « clivage pré-phobique » comme « compromis non névrotique » (Lang, 1991), tentent de rendre compte des particularités de certains tableaux cliniques que j’appellerai « interstitiels », en décrivant des « organisations pré-névrotiques […] [qui] constituent un syndrome composite […] et ne doivent pas être comprises comme une organisation provisoire pré-exitant à une structuration névrotique. Elles s’apparentent[16] certes aux pathologies limites […] (Mille et coll., 2003, p. 678), mais si ces enfants donnent le sentiment de rester bien en deçà d’une névrotisation des conflits […] on ne saurait pour autant se résoudre à situer ce trouble dans le cadre des pathologies limites[17] dans la mesure où les enfants concernés ne semblent pas aussi sévèrement entravés dans la construction de leur personnalité (op. cit., p. 676).

93Quoiqu’il en soit de ces discussions diagnostiques fines, le pronostic évolutif chez Fabienne, à partir d’une psychothérapie psychanalytique attentive aux particularités de sa complexité clinique, me semble favorable à une meilleure structuration œdipienne.

94(conflit d’intérêt : aucun)

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Mots-clés éditeurs : pseudo-latence, inhibition, handicap psychique, périnévrotique, bilan psychologique, fausse-latence, latence

Mise en ligne 28/02/2013

https://doi.org/10.3917/pcp.018.0279

Notes

  • [*]
    Valérie Boucherat-Hue, maître de conférences en psychologie clinique et psychopathologie à l’université d’Angers, psychologue clinicienne, attachée de psychothérapie à l’hôpital Sainte-Anne, Clinique des maladies mentales et de l’encéphale, service du Pr F. Rouillon, psychanalyste, membre de la spp.
  • [1]
    C’est nous qui soulignons.
  • [2]
    C’est nous qui soulignons.
  • [3]
    Âge de raison qui culmine avec la tombée des dents de lait comme support physiologique, biologiquement déterminé, de la figuration de la castration secondaire.
  • [4]
    Œdipes originaire, infantile et pubertaire.
  • [5]
    Les modalités de mise en latence seront développées dans le chapitre suivant.
  • [6]
    Et, ultérieurement, de ses modalités pubertaires : le conflit « féminin/masculin » autour de la complémentarité métaphorisable « pénis-vulve ».
  • [7]
    Pour peu que l’enfant réussisse bien à l’école, les signalement sont rares et la souffrance psychique susceptible de sous-tendre d’autres secteurs du comportement, notamment avec les inhibitions, passe plus inaperçue qu’à d’autres âges, tant le « phare » sur la réussite scolaire est puissant.
  • [8]
    Selon le cadre théorique auquel on se réfère, l’agitation témoigne d’un défaut d’inhibition « à dire » (au sens normalo-névrotique du terme), c’est-à-dire d’une fragilité du refoulement de l’expression pulsionnelle directe et de sa psychisation qui aurait permis la substitution du fantasme à l’acte. Mais l’agitation relève aussi d’un mécanisme d’inhibition majeure, au sens d’une inhibition « à penser » versus répression du fantasme et trouble de la mentalisation et de la symbolisation.
  • [9]
    À ce propos, il est amusant de constater qu’au moment où les dents de lait tombent, le rituel social troque l’objet perdu par l’enfant, symbole de la castration secondaire, contre une pièce d’argent, via le mythe de la souris. Tout se passe comme si la régression partielle vers les pôles pré-œdipiens était accompagnée collectivement, l’investissement de la rétention anale venant compenser le refoulement de la revendication phallique-œdipienne et la perte narcissique afférente.
  • [10]
    Voire triphasé, si l’on réintroduit le rôle pré-organisateur pour la névrotisation ultérieure de la psyché que joue le conflit primaire anal avec l’intégration de l’angoisse du 8e mois qui tiercéïse la psyché autour de la figure de l’Étranger, ce « Non mère » dont parle Cl. Le Guen (1974).
  • [11]
    Merci à C. Arbisio pour son gros travail sur les théories pédagogiques, éducatives et psychanalytiques de la latence, avant, pendant et après S. Freud, une somme dont je me suis inspirée, ou que j’ai parfois reprise, compte tenu de ses qualités.
  • [12]
    Sont rapportées entre parenthèse les « notes standard », c’est-à-dire les scores pondérés qui, calculés statistiquement à partir des « notes brutes », permettent la comparaison entre les résultats chiffrés des différents subtests.
  • [13]
    Les échecs perceptifs (F-) sont systématiques et s’accompagnent de sensations « en quête » de représentation symbolique, qui s’expriment dans les modes d’appréhension vagues ou impressionnistes (en G comme en D) et dans des déterminants peu élaborés (kob, CF, C purs).
  • [14]
    Le choix du cat à 8 ans n’est pas des plus fréquents, mais, dans le cas de Fabienne, cette option intervient après la passation très désorganisée du Rorschach, afin de favoriser le déplacement des fantasmatiques conflictuelles et pulsionnelles latentes du matériel sur le règne animal, et partant, soutenir la secondarisation de la pensée.
  • [15]
    En référence à la sous-catégorie des « Troubles du caractère » au sein de la catégorie « Organisation névrotique » définie dans la cftmea (Misès et Quemada, 1993-2000).
  • [16]
    C’est nous qui soulignons.
  • [17]
    C’est nous qui soulignons.
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