1Le temps court de la préadolescence interroge : constitue-t-il une simple voie de frayage de la latence à l’adolescence ou est-il le siège de mutations psychiques singulières ? Dans des services de neuropédiatrie infantile, la rencontre avec des préadolescents présentant des symptômes de conversion somatique nous a permis le recueil de données psychopathologiques propices à une tentative de compréhension de la spécificité des enjeux de la préadolescence, faite « de ce qu’elle craint d’abandonner tout en n’ayant pas encore ce qu’elle doit acquérir », selon G. Bayle (2004).
2Le présent article se propose d’étudier les mécanismes psychiques sous-tendant l’apparition de phénomènes de conversion somatique à travers l’étude d’un cas unique de préadolescent. Nous tenterons de montrer comment l’exploration approfondie de la dynamique intrapsychique et de la place qu’occupent de tels symptômes au sein de l’économie globale du sujet nous permet d’une part, d’affiner nos critères diagnostiques de trouble conversif, et d’autre part, d’en améliorer l’abord clinique. La capacité d’établir un diagnostic précoce et d’orienter le patient vers des soins appropriés est un élément avéré de bon pronostic à moyen terme : le risque de chronicisation d’une symptomatologie invalidante peut être ainsi évité.
3De manière générale, la fréquence de la conversion somatique chez les jeunes sujets demeure probablement sous-estimée. Si les données épidémiologiques relatives aux conversions sont nombreuses chez les adultes, elles sont en revanche plus éparses et contradictoires en ce qui concerne les enfants. Nous pouvons cependant, au regard des études effectuées sur des cohortes de patients, voir se dessiner certaines tendances caractéristiques de ce trouble chez les jeunes.
4Tout d’abord, l’incidence des troubles de conversion chez l’enfant est estimée être de 2,3 à 4,2/100 000 (Kozlowska, 2007), contre 11 à 300/100 000 chez les adultes. Ces troubles représenteraient seulement 0,04 % des consultations en santé mentale chez l’enfant, contre 1 à 3 % des consultations chez l’adulte. Il convient cependant de noter la difficulté à évaluer la fréquence de la conversion, étant donné que les patients sont amenés à consulter non seulement dans le domaine de la santé mentale, mais aussi dans celui de la médecine somatique. D’après l’étude de Tomasson et coll., (1991) menée auprès de patients conversifs adultes, 41 % d’entre eux sont hospitalisés en neurologie ou en neurochirurgie, tandis que seulement 12 % sont hospitalisés en psychiatrie. Ce même phénomène se produit dans la population de patients plus jeunes : ils consultent auprès de soignants de spécialités médicales diverses, selon la nature des conversions présentées (pédiatrie, neurologie, hépato-gastro-entérologie, cardiologie) et selon si le diagnostic de conversion a été posé ou non (poursuite des consultations dans le champ de la médecine somatique ou orientation vers des services psychologiques et psychiatriques).
5D’après les études menées auprès de cohortes de jeunes patients conversifs (Kozlowska, 2007 ; Malhi et Singhi, 2003 ; Pehlivanturk et Unal, 2002), plusieurs tendances se dégagent. En premier lieu, il apparaît que les troubles de la motricité sont les symptômes de conversion les plus souvent retrouvés, suivis des troubles sensoriels puis des pseudo-crises convulsives et des troubles respiratoires (chez les adultes aussi on retrouve une prévalence des troubles moteurs sur les autres types de troubles). Pour les deux tiers d’entre eux, une hospitalisation s’avère nécessaire. On retrouve une comorbidité importante du trouble conversif avec des troubles anxieux, dépressifs, des symptômes de douleur et de fatigue (Kozlowska, 2007). Les troubles anxio-dépressifs sont susceptibles de perdurer après l’amendement des troubles conversifs (Pehlivanturk et Unal, 2002).
6D’autre part, le trouble de la conversion a un pronostic favorable chez les enfants et les adolescents, lorsqu’ils bénéficient d’une prise en charge précoce : l’état de santé des patients ayant bénéficié d’un diagnostic rapide et d’une prise en charge thérapeutique adaptée s’améliore rapidement. Ce constat justifie pleinement que l’on se préoccupe d’affiner notre connaissance psychopathologique des patients conversifs, afin de favoriser d’une part l’établissement d’un diagnostic rapide (et pas seulement basé sur l’absence d’organicité), et d’autre part d’ouvrir des voies de compréhension nécessaires à des propositions thérapeutiques appropriées.
7Ainsi deux catégories de patients peuvent, selon nous, être décrites. Une première catégorie, qui concerne le plus grand nombre de patients, pour lesquels la conversion manifeste des difficultés psychiques transitoires en lien avec des conflits développementaux. La seconde catégorie, moins représentée, concerne des patients pour lesquels la conversion s’inscrit dans un fonctionnement plus nettement pathologique, ce dont témoigne la présence de manifestations anxieuses et dépressives au-delà même de la résolution de la conversion.
8La recherche médico-psychologique que nous avons menée à l’hôpital Necker dans le service de Neurologie pédiatrique du Pr O. Dulac, en collaboration avec le Dr L. Ouss, corrobore ces données générales de la littérature. Sur les 18 patients rencontrés, âgés de 10 à 16 ans, la conversion connaît un pic d’apparition à l’âge de 11-12 ans. La majorité d’entre eux sont des préadolescents (12 sujets). Les symptômes de conversion les plus retrouvés sont les troubles moteurs touchant les membres inférieurs (7 sujets sur 18). Seuls un tiers d’entre eux présentent des modalités de fonctionnement psychique pathologiques. Parmi ces 6 patients, 2 se situent dans un registre limite, et les 4 autres dans un registre névrotique hystérique. Les 12 autres patients s’organisent sur un mode névrotique, non pathologique au regard de l’analyse des épreuves projectives.
9Les patients hospitalisés étant souvent originaires de Province, un suivi longitudinal n’a pas pu être établi. Chez tous, le diagnostic de trouble conversif a été posé et expliqué au patient et à sa famille. Les entretiens individuels et familiaux avec un pédopsychiatre et/ou une psychologue ont conduit à une amélioration symptomatique pour les patients qui en ont bénéficié. La moitié d’entre eux a pu être orientée soit vers une prise en charge rééducative par kinésithérapie, soit vers une prise en charge psychothérapeutique (ou les deux). En revanche, certains n’ont pas donné suite aux rendez-vous proposés par le pédopsychiatre, et nous ignorons par conséquent quelle a été leur évolution.
10Pour les 12 sujets préadolescents, soit pour les deux tiers des patients rencontrés au cours de notre étude, il est important de noter que la conversion précède ou succède immédiatement à l’apparition des premiers signes pubertaires. Leur potentialité traumatique est connue, mais nous avons pu constater, et nous y reviendrons, que l’anticipation de ces transformations et de leur retentissement sur la vie relationnelle du sujet est susceptible, à elle seule, de recouvrir une portée traumatique.
11Il apparaît intéressant de se pencher sur la particularité des vicissitudes des processus psychosexuels de la préadolescence, à travers l’étude des modalités de fonctionnement psychique de patients conversifs, telles qu’elles peuvent être explorées à travers les données d’entretien et l’analyse des épreuves projectives. Dans ce but, nous allons, dans une première partie, reprendre en les détaillant les différentes facettes du travail psychique engagé à la préadolescence. Nous aborderons tout d’abord l’existence de phénomènes d’après-coup en amont de la puberté, pouvant rendre compte de l’apparition d’une symptomatologie névrotique à cette période de la vie ; puis l’importance du travail identificatoire, en particulier des capacités introjectives du sujet, essentiel au refoulement de la conflictualité œdipienne mais aussi au traitement de la problématique de perte d’objet.
12Dans une seconde partie clinique, nous illustrerons les différents aspects de la problématique préadolescente à l’appui de l’analyse des entretiens et des épreuves projectives de Martin, 12 ans, très représentatif des patients conversifs de son âge.
Spécificité du travail psychique à la préadolescence
Les effets d’après-coup en amont de la puberté
13Dans les travaux freudiens, la théorie de l’après-coup et son corollaire, la théorie de la séduction, permettent de rendre compte de la formation de symptômes névrotiques. La conversion somatique hystérique consiste en une transposition corporelle des conflits et réalise une satisfaction sexuelle substitutive. Si l’on retient la définition psychanalytique de la conversion somatique, celle-ci relève d’une formation de compromis névrotique. Sa survenue dès la préadolescence, avant même que la puberté ait pu jouer sa fonction d’après-coup, pose la question de l’existence d’effets d’après-coup en amont de la puberté. Dans la théorie freudienne, le « retard de la puberté », succédant à la période de latence, permet le remaniement après-coup de souvenirs, de fantasmes, d’impressions, qui permettent au sujet adolescent d’accéder à un nouveau type de significations et de réélaborer ses expériences antérieures.
14Or, la temporalité de l’après-coup ne peut se résumer au développement en deux temps de la sexualité, explique J. André (2010). En effet, le phénomène d’après-coup est aujourd’hui entendu comme un phénomène non seulement temporel mais aussi économique : les changements de sens ne sont pas uniquement la conséquence du développement, mais peuvent survenir à partir du moment où un « coup », c’est-à-dire un événement psychique, se produit : « seul un moment d’effraction traumatique, un événement psychique, a la force et la vertu de donner sens à ce qui n’en n’avait pas encore […]. Il est important de ne pas réduire l’effet d’après-coup à une modification de sens rétrospective, à un simple décalage temporel entre l’événement et sa signification » (André, 2010).
15Ce constat n’exclut pas bien sûr les effets d’après-coup provoqués par l’adolescence, mais d’autres conjonctures peuvent les déclencher. D’après H. Benhamou (1983), c’est le cas de certains évènements somatiques (maladies corporelles) et relationnels (naissance d’un puiné, deuil, dépression d’un proche, évènement sexuel ponctuel). Nous ajouterons que la perception des changements adolescents chez un proche peut aussi provoquer un « coup » (arrivée des règles chez une sœur aînée, apparition de conflits entre un frère aîné adolescent et ses parents).
16À la préadolescence, constate M. Emmanuelli (1996), les sujets anticipent la séparation à venir : « La préadolescence constitue un moment où s’amorce la prise de conscience des changements physiologiques qui vont bouleverser l’adolescent, apportant les prémices du processus de séparation qui va bientôt se rejouer ». L’approche imminente de la puberté a pour effet de lever le refoulement portant sur les désirs œdipiens.
17À l’instar de M. Emmanuelli, ajoutons une particularité de la préadolescence : la possible amplification du décalage entre la maturation psychique et la maturation biologique. La sexualité adolescente et adulte est de plus en plus présente dans le monde psychique de l’enfant et d’après R. Roussillon (2010), il se crée en lui une « inquiétante familiarité énigmatique » avec le sexuel parental. Cette conception s’appuie sur celle de la théorie de la séduction généralisée de J. Laplanche (1987) selon laquelle l’enfant est confronté à des signifiants énigmatiques que l’adulte implante en lui. Les charges « énigmatiques » s’accumulent chez les préadolescents, provoquant une importante tension sexuelle. Mais il ne dispose pas pour autant d’un système satisfaisant d’éconduction de ses émois, compte tenu de son immaturité physiologique. Le travail psychique va être mobilisé afin de limiter l’impact effractant de cet afflux pulsionnel.
18Lorsque ses capacités de traitement sont saturées, l’enfant tente d’endiguer cette tension pulsionnelle par les moyens dont il dispose, et notamment à travers le langage corporel. Il est par conséquent peu surprenant d’observer à cette période l’apparition d’une symptomatologie somatique chargée d’un surplus d’excitation libidinale, telle que la conversion, dont la symbolique sexuelle est souvent transparente. Le développement d’un tel symptôme signe l’échec du traitement psychique de l’afflux pulsionnel, dont l’impact peut être qualifié de traumatique.
19Ce décalage est manifeste chez les patients conversifs : leurs parents et eux-mêmes décrivent souvent une hétérogénéité au sein de leur personnalité. D’un côté, ils se montrent très intéressés par les centres d’intérêts d’ordinaire réservés aux adultes, se démarquent de leurs camarades du même âge dont ils ne partagent pas les préoccupations jugées trop infantiles, mais d’un autre côté, ils se comportent comme de jeunes enfants avec des demandes très régressives.
20En synthèse, la succession d’effets d’après-coup pourrait être considérée comme une des caractéristiques de la transition préadolescente. Elle permet l’intégration des étapes psychiques précédentes et prépare aux futures transformations adolescentes. Lorsque ces après-coups sont mutatifs pour le psychisme, le préadolescent anticipe et intègre les changements à venir, à l’abri de son immaturité biologique.
Le travail identificatoire : fantasmatisation et capacités d’introjection
21Le préadolescent poursuit le traitement des conflits œdipiens amorcé durant la période de latence. L’enfant latent, découragé par son immaturité biologique et effrayé à l’idée de perdre l’amour de ses parents dont il est dépendant, abandonne ses projets œdipiens. Le projet œdipien ainsi abandonné est refoulé et prend sa valeur de complexe organisateur de l’ensemble de la vie psychique inconsciente, rappelle P. Denis (2001). Les coordonnées symboliques représentées par la différence des sexes et des générations jouent leur rôle de régulation de la vie pulsionnelle du sujet. Les parents œdipiens sont de moins en moins investis comme objets susceptibles de procurer des satisfactions, mais de plus en plus comme interdicteurs par rapport aux revendications pulsionnelles. La substitution de l’identification à l’amour objectal permet l’intériorisation progressive des désirs, des volontés et des idéaux des adultes.
22C’est l’étude de la capacité de fantasmatisation acquise au cours de la latence qui va permettre d’apprécier la manière dont le conflit œdipien acquiert une valeur structurante pour le sujet et contribue à la constitution d’objets internes. Pour exemple, la fantaisie du « roman familial », très fréquente chez les enfants en période de latence, a pour fonction de traiter les réaménagements des investissements objectaux consécutifs à l’abandon du projet œdipien, tout en préservant les sujets sur un plan narcissique. Tout comme la rêverie « on bat un enfant » (Freud, 1919), elle protège les fantasmes incestueux en les maintenant inconscients. Par ailleurs, ce type de rêverie favorise chez l’enfant l’investissement d’un fantasme de parents, et non plus les parents eux-mêmes. Plus les parents seront représentés à l’intérieur de sa psyché, plus les remaniements objectaux ultérieurs pourront se faire avec souplesse. Le roman familial, en tant qu’organisé autour du fantasme originaire de scène primitive, montre comment l’enfant est parvenu à se représenter des fonctions parentales différenciées (maternelle et paternelle), souligne A. Konicheckis (2003). La qualité de ces objets précocement constitués conditionnera les futures introjections et identifications.
23Dans la majorité des cas, le travail identificatoire aboutit à l’instauration d’une instance représentante des exigences du monde externe : le surmoi. Au regard des conceptions d’Anna Freud (1936), il devient ainsi possible d’envisager dès la période de latence la mise en place d’une topique intrapsychique différenciée, assurant aux conflits leur facture intériorisée. Or il n’est pas rare, dans les productions projectives de notre échantillon de préadolescents conversifs, d’assister à la mise en défaut du refoulement de la conflictualité œdipienne. Ceci peut s’expliquer par le caractère inabouti du processus de constitution des instances intrapsychiques. Soit les capacités de traitement psychique du moi se retrouvent ponctuellement débordées face à l’afflux pulsionnel, soit l’instance surmoïque, insuffisamment intériorisée, laisse émerger des motions de désirs désorganisantes.
24André Green (1982) rappelle que le surmoi symbolise dans la théorie freudienne « les puissances protectrices du destin » : il résulte de l’intériorisation de l’autorité de l’objet mais aussi de l’amour que le parent porte à l’enfant. Il joue un rôle interdicteur mais aussi protecteur à l’égard du sujet. Parmi les sujets constituant notre échantillon de préadolescents, notamment Martin, l’intégration de l’instance surmoïque est encore inaboutie. La vie fantasmatique est riche, mais assez régulièrement débordante : le moi se révèle fragile, au regard de la fatigabilité défensive observée, notamment lorsqu’est convoqué le registre sexuel œdipien. Néanmoins, pour la majorité d’entres eux, les capacités de récupération par les processus de pensée secondarisés attestent de la constitution d’une topique interne différenciée et de défenses par le refoulement. Si à ce constat nous ajoutons celui d’une vie pulsionnelle susceptible d’être contenue par des représentations à caractère symbolique, nous pouvons affirmer l’appartenance au registre névrotique de leur fonctionnement psychique global.
Surmonter la menace dépressive de perte d’amour : l’importance de la constitution d’objets internes
25Le futur adolescent se voit contraint de réorganiser son moi du fait de l’acquisition d’un appareil génital mature : il doit intégrer cette nouvelle donne dans son système relationnel libidinal. Or ce travail de séparation avec les premiers objets d’amour caractéristique de l’adolescence met à l’épreuve la qualité des assises narcissiques du sujet, c’est-à-dire la manière dont les investissements objectaux antérieurs ont pu être introjectés de façon stable et sécurisante. L’issue de la réactivation de la problématique dépressive à l’adolescence dépendra essentiellement de la qualité du travail identificatoire mobilisé, souligne C. Chabert (2002).
26Dans la théorie freudienne, l’identification est une modalité privilégiée de traitement de la perte. Elle est définie comme le substitut régressif d’un choix d’objet abandonné, d’un lien objectal libidinal, par introjection de l’objet dans le moi. Une identification réussie permet la transformation du sujet par assimilation de certaines caractéristiques de l’objet. Il existe cependant des identifications pathologiques. C’est le cas de l’identification hystérique telle que S. Freud (1905) la décrit dans « Fragment d’une analyse d’hystérie (Dora) ». L’identification hystérique est très labile et caricaturale, ne permettant pas d’introjection utile des qualités de l’objet, parce qu’elle correspond à un conflit œdipien non résolu. En effet, la toux conversive de Dora réalise un compromis : ce symptôme condense l’hostilité à l’égard de la mère (prendre sa place) et la punition qui en découle (souffrir comme elle). D’après S. Freud, l’identification à l’objet du désir du père se fait sous l’influence de la conscience de la culpabilité : « Tu as voulu être la mère, maintenant tu l’es, au moins dans la douleur » (Freud, 1921). Lorsque l’identification réussit, c’est une façon pour le moi du sujet de s’approprier certaines qualités de l’objet aimé et de pouvoir ainsi y renoncer, en conservant le lien qui lui est attaché à l’intérieur de soi.
27À l’adolescence, le sujet est pris dans un dilemme, constatent P. Jeammet et M. Corcos (2001). Pour développer sa propre personnalité, il doit se nourrir des autres mais en même temps s’en différencier. Il existe donc une contradiction à être soi-même : à la fois comme l’autre, mais différent. L’identification sélective de l’adolescent à certaines particularités de ses parents permettra de réduire ce paradoxe. Pour que l’identification partielle aux parents réussisse, il est important que l’objet ne soit plus pris dans le « pour soi » du narcissisme primaire, mais qu’il soit reconnu comme indépendant du sujet. La qualité des intériorisations précoces et la solidité des assises narcissiques sont capitales lorsqu’est réactivée la problématique de dépendance au moment de l’entrée dans l’adolescence. Si elles sont bonnes, elle rendent le sentiment de dépendance moins fort, apaisent en partie la haine pour l’objet et permettent d’éviter les décompensations dépressives.
28Dans le cas particulier du préadolescent, celui-ci est toujours protégé par son immaturité physiologique, mais plus pour très longtemps. Il pressent la fin imminente des relations tendres aux objets parentaux : le danger d’une séparation plane et ravive le sentiment de dépendance. Dans le cas où les représentants intrapsychiques des parents se sont constitués de manière fragile, le sentiment de perte lui-même, éprouvé par l’enfant, est une façon de maintenir un lien à l’objet et à sa représentation, explique P. Denis (2001). En entretenant une relation fétichique à l’ombre de l’objet, le sujet assure le maintien d’une « certaine représentativité de la permanence de l’objet ». Il n’y a donc pas d’identification à proprement parler, le moi n’est pas modifié par le processus introjectif. En revanche, il y a « intériorisation d’une image qui laisse le moi sans apport et vise à rétablir avec l’image intériorisée la relation interrompue » (P. Denis, 2001, p. 117). Le mouvement dépressif ne permet pas de réelle introjection, mais assure le maintien d’un « objet dépressif » interne.
29La possibilité d’identification sélective à certaines qualités des parents, à l’origine de leur introjection, semble être un des enjeux majeurs de la préadolescence. Si des imagos parentales sont constituées, elles peuvent soutenir des mouvements de désirs et incarner des interdits. Mais si elles sont précaires, elles sont inattaquables et entravent le processus de maturation du moi. La fragilité des imagos parentales créerait d’importantes difficultés identificatoires. Le préadolescent conversif semble se trouver au cœur d’un « conflit d’introjection » : il a besoin d’identification, mais peur de celle-ci, car l’assimilation de certaines caractéristiques de l’objet se mêle à des enjeux œdipiens peu refoulés (« ressembler à », « devenir comme », devient alors équivalent à « détrôner », « séduire », « assassiner »), tout comme c’était le cas pour Dora, la patiente de S. Freud.
30De plus, la charge agressive qu’abrite le mouvement identificatoire plonge le sujet dans l’abîme de l’angoisse de perte d’amour. La fragilité dépressive observée chez ces patients s’inscrit dans un contexte œdipien d’angoisse de perte d’amour de l’objet. Un certain nombre d’entre eux présentent des aménagements antidépressifs caractéristiques, composés d’une association de défenses narcissiques et labiles. Ils sont repérables notamment à travers les récits au tat : l’intensité de la dramatisation, l’érotisation insistante des relations et l’hyper-labilité identificatoire leur confèrent une tonalité maniaque. La présence d’un large éventail de défenses narcissiques (idéalisation, relations spéculaires) signale la proximité d’une sensibilité dépressive, activement combattue.
31La nécessité impérieuse pour certains patients à tendance « hypomaniaque » (dont Martin) d’introduire au tat des personnages non figurant sur les planches, et d’activer un monde interne peuplé d’objets très investis libidinalement, correspond au besoin de combler un vide autrement inquiétant et potentiellement dépressiogène. Cette position défensive rappelle celle mentionnée plus haut et décrite par P. Denis : le lien à l’objet, ainsi que sa représentation, est sans cesse convoqué, maîtrisé, et susceptible de se substituer à une introjection plus satisfaisante des objets parentaux. L’activation permanente du lien à l’objet recouvre probablement une fragilité dans la formation des assises narcissiques.
Le cas de Martin, Étude des données d’entretien clinique et des données projectives
L’intérêt du cas unique
32Suite à l’analyse approfondie des données issues des entretiens et des épreuves projectives effectués auprès des 18 patients de l’étude, nous avons isolé un profil de patient conversif prévalent au sein de l’échantillon. Il s’agit d’un groupe de 12 préadolescents, dont 7 filles et 5 garçons, qui présentent de nombreuses similitudes, tant dans les circonstances d’apparition de la conversion que dans les modalités d’organisation de leur personnalité. En effet, la survenue des troubles précède immédiatement l’apparition de la puberté, intensément pressentie chez ces jeunes qui ne s’inscrivent pas dans un registre psychopathologique franc. Ils sont le plus souvent de bons élèves très investis dans leur scolarité, mais leurs parents rapportent un fort décalage entre leur maturité intellectuelle et leur maturité affective. Ces jeunes sont capables de rivaliser de connaissances avec les adultes, mais ils restent néanmoins très sensibles et dépendants des manifestations d’attention et d’affection exprimées par leurs proches. Cet investissement appuyé de l’univers adulte a tendance à les isoler parfois de la communauté de leurs pairs d’âge. Au niveau du fonctionnement intrapsychique, nous avons retrouvé chez tous l’existence d’une scène interne investie, et au niveau des aménagements défensifs, l’existence d’une frange labile hystérique marquée par l’érotisation, associée à des fragilités narcissiques (lutte antidépressive). Nous rappelons que tous ces patients ont été évalués dans des conditions équivalentes : au cours de leur hospitalisation dans le service, peu de temps après leur admission.
33Martin, 12 ans, est apparu représentatif de ce groupe de patients. L’étude d’un cas unique nous a semblé propice à l’exploration de la complexité clinique encadrant la survenue de la conversion. En effet, ce trouble est non seulement en lien avec les particularités psychologiques individuelles (conflit interne) et familiales (économie groupale) du sujet, mais s’articule aussi avec une étape particulière du développement (le début de la puberté) et avec la présence d’évènements conjoncturels (décès dans la famille, frère ou sœur en conflit avec les parents, etc.). En exploitant exhaustivement les données issues des entretiens familiaux et individuels et des épreuves projectives – ce que nous autorise la méthode du cas singulier –, nous souhaitons rendre compte de la dynamique psychique inconsciente qui accompagne l’émergence d’une symptomatologie somatique dont les ressorts restent mystérieux. La richesse de la vie imaginaire de Martin, telle qu’elle se déploie notamment au Rorschach et au tat, en constitue une réelle opportunité.
34Dans le champ de la psychanalyse, les connaissances se sont beaucoup enrichies à travers des observations singulières. Sans pour autant la considérer comme directement transposable aux autres patients et reproductible, cette étude de cas permettra de dégager des pistes de réflexion concernant la particularité des enjeux de la préadolescence. Nous estimons que la formation symptomatique pathologique que réalise la conversion est susceptible de nous renseigner sur les processus qui caractérisent une telle période, à la manière d’une loupe grossissante. Une meilleure connaissance des processus psychiques mis en jeu pourra alimenter la réflexion concernant les modalités d’intervention thérapeutique les plus adaptées à ces situations cliniques.
Présentation
35Martin est un garçon menu, de petite taille, aux traits fins et emprunts de vivacité. Il paraît plus jeune que son âge. Lorsque nous le rencontrons, il est hospitalisé depuis plusieurs jours dans un service de neurologie pédiatrique pour paralysie et faiblesse des membres inférieurs. Ses jambes sont « molles », dit-il, et il ne peut plus marcher. Il se déplace seulement en fauteuil roulant. Un soir, tandis qu’il présente une faiblesse de la jambe gauche, sa mère décrit le comportement suivant : « Il ne parlait plus, ce qui est rare chez lui […] Il était dans tous ses états et disait qu’il ne voulait plus me parler de toutes façons, il hurlait, pleurait, ne supportait plus rien, même ma voix […] On a l’air de le déranger, de l’exaspérer, mais après il se calme ». Par rapport à ses symptômes, il nous dit : « On a peur, entre parenthèses, qu’on nous coupe les jambes ». Installé dans son fauteuil, il donne à plusieurs reprises des coups à sa mère, en se rapprochant d’elle. Depuis l’apparition des symptômes, Martin ne peut plus pratiquer ni le basket, ni le piano. Il ne pratique plus non plus le roller, lors de ballades qu’il avait l’habitude de faire avec sa mère. Martin est un très bon élève au collège, exigeant, déçu « s’il n’obtient pas 18 ». En revanche, il n’est pas très à l’aise avec les camarades de son âge.
36Martin est né avec un pied-bot dont il a été opéré à l’âge de 1 an. Il a été énurétique jusqu’à l’âge de 8 ans. À l’âge de 7 ans, au décours d’une crise, on lui découvre une épilepsie partielle lésionnelle (cicatrice temporale), qui a été soignée. À partir de là, des symptômes apparaissent, certains pouvant éventuellement être expliqués par cette lésion neurologique (des dystonies des mains et de la jambe gauche), mais d’autres pas (une cécité psychogène et des faiblesses musculaires). Ces troubles surviennent le plus souvent au moment de la rentrée scolaire, lorsque Martin passe un eeg de contrôle pour son épilepsie.
37Cette dernière année, Martin a connu beaucoup de décès en un temps rapproché (grands-parents, amis de la mère et un chien). Il est persuadé que ses parents lui préfèrent sa sœur cadette, âgée de 10 ans. La mère se décrit comme anxieuse (phobies) et le père comme une personne hyperactive et angoissée. Les grands-parents maternels sont qualifiés d’hypocondriaques. Lorsque le pédopsychiatre demande à sa mère si sa grossesse s’est bien déroulée, Martin répond « oui » à sa place. « Il se mêle de tout, comme son père », fait remarquer sa mère. Petit déjà, il était très vif et « en avance sur tout », lui à qui pourtant les médecins avaient promis un avenir « amputé de son pied » au moment de la découverte du pied-bot à sa naissance. Sa mère pense qu’il est gêné par sa petite taille et le rassure : « C’est la taille du papa qui est importante pour les garçons ». Immédiatement, Martin réagit : « Ça veut dire que mon fils il sera petit… ». Madame se sent très proche de son fils, et reconnaît exclure le père, dont elle souligne l’impulsivité.
38Après deux semaines d’hospitalisation, le trouble de la marche s’amende. Au terme d’une psychothérapie individuelle (dont l’indication a été posée en cours d’hospitalisation) qui durera un an et demi, l’évolution de Martin sera positive.
Défauts ponctuels de refoulement du conflit œdipien
39Le conflit œdipien est intégré, mais les désirs sont extrêmement vifs et par moments peu refoulés, comme en témoigne leur expression crue :
tat, planche 6BM (relation mère/fils) : « Alors… il était une fois un homme qui avait perdu sa femme et sa grand-mère qui avait perdu son mari. Alors ils vivaient ensemble mais ils couchaient pas ensemble, hein ! […] »
41Sur le plan transférentiel aussi, la séduction est à l’œuvre : à l’épreuve des choix du Rorschach, Martin choisit la planche IV (celle de la puissance phallique) comme celle qu’il a le moins aimée :
« Je trouve qu’il n’y a pas assez de couleurs, c’est pas assez gai, j’aime pas, c’est pas joli… Il faudra pas le dire à Hermann Rorschach, hein ! », dit-il avec complicité.
43Ce défaut de refoulement provoque une attitude de « marche arrière » lorsque le matériel projectif confronte Martin de trop près aux désirs incestueux et parricidaires. On note alors le repli sur des positions féminines passives (activation du versant « négatif » du conflit œdipien). Seulement, celles-ci le menacent de castration et sont immédiatement contre-investies par la mise en jeu de la puissance phallique.
44La différence des sexes, si elle est reconnue, entraîne une lutte défensive assurée par des fantasmes de complétude narcissique bisexuelle. La réaffirmation phallique œuvre aussi dans le sens de la minimisation de l’angoisse de castration, comme en témoigne la forte occurrence des réponses portant sur des extrémités corporelles ou des objets chargés d’un symbolisme phallique (« têtes de taupe » ; « têtes de serpent » ; « têtes de crocodiles », « antennes » ; « des plumes » « des moustaches » ; « une tête de monstre », « les bois du cerf et sa tête », « un oiseau avec un long bec », « deux garçons avec un long nez », « deux chiens avec un gros nez », « une aiguille », « des stalactites »).
45L’instabilité des identifications sexuelles se conjugue à l’instabilité de la place du sujet dans la succession des générations :
tat, planche 2 (triangulation œdipienne) : « […] Alors cette jeune femme, euh, non, demoiselle adorait l’école, un jour un drame arriva : l’école fit grève. Elle se dit alors qu’il y aurait bientôt école puis au bout de deux jours, six jours, une semaine, quatre mois, un an, l’école, enfin, l’université, n’était toujours, n’avait toujours pas enlevé la grève. Elle était triste et décida de construire sa propre école. Elle mit deux ans et presque tous les adolescents du village y allèrent et travaillèrent très heureux. Je vais finir par ne plus avoir d’idées. »
47Dans les récits de Martin, les âges ne sont jamais assurés, et le temps file… Des enfants prennent des initiatives d’adultes et, en un temps éclair, passent de l’école à l’université et se retrouvent même à fonder leur propre famille, comme à la planche 3BM mentionnée plus bas.
48Ces potentialités identificatoires présentent des avantages et des inconvénients : d’un côté, elles lui permettent de contourner de manière magique l’impuissance infantile, évacuant ainsi la tristesse liée au sentiment d’exclusion du couple parental en occupant fantasmatiquement plusieurs places (parent/enfant, homme/femme) ; mais de l’autre, elles se combinent à la rivalité œdipienne : prendre la place du parent envié équivaut à le déposséder, voire à le tuer, et engendre des craintes de rétorsion. Ce sont ces conflits de rivalité qui ne parviennent pas à se déployer au sein de scénarios relationnels.
49La confrontation à l’immaturité infantile suscite un sentiment d’impuissance et une blessure narcissique que Martin ne parvient pas à dépasser malgré l’amorce d’un projet identificatoire :
tat, planche 1 : « Il était une fois un enfant qui rêvait de jouer du violon, alors un jour sa mère décida de lui en acheter un et le petit garçon il était heureux. Le petit garçon commença à jouer avec un prof que sa mère avait engagé mais il s’en rendait compte qu’il n’y arrivait pas du tout. Je vais faire une histoire triste. Au bout de trois ans il se rendit compte qu’il ne pouvait pas y jouer alors il arrêta. Dès lors il n’y joua plus. »
51Le fantasme de castration reste néanmoins organisateur de la vie psychique inconsciente puisqu’il peut se figurer :
Rorschach, planche II : « deux ours qui se tapent la main (sourit), comme ça (se tape les mains), du sang (il rit)…des animaux blessés, c’est tout » ; planche VIII : « un ciseaux (fait la grimace)… une feuille déchirée » ; planche IX : « deux ailes de chauve-souris, il ne manque plus que la chauve-souris, il n’y a que les ailes ».
53Pour Martin, camper une position masculine active soulève le problème du maniement des charges pulsionnelles agressives qui lui sont associées. Plusieurs stratégies défensives en découlent. Tout d’abord le recours à une position féminine passive, comme nous l’avons vu précédemment. Ensuite la mise en avant des motions libidinales : l’érotisation des relations permet de masquer l’agressivité sous-jacente. Et enfin, la régression à un registre libidinal prégénital le met à l’abri de la menace de castration :
Rorschach, planche III : « Les deux hommes sont pas contents, alors ils se tournent le dos et ils se lancent un nuage noir entre eux », « deux hommes qui se tiennent par la main. »
55L’investissement de l’homosexualité apparaît défensif vis-à-vis de la relation hétérosexuelle et les fantasmes de scène primitive qu’elle recouvre :
Enquête de la planche III : « C’est comme si les hommes tenaient les têtes des dames et les dames tenaient les têtes des hommes quand on retourne la planche. »
57Les fantasmes de scènes primitives sont régulièrement convoqués et sont chargés d’angoisse :
tat, planche 10 : « […] Alors un jour elle invita un ami et il dîna chez elle. Elle l’invita aussi à dormir, et cette nuit là… et c’est de là que l’on raconte qu’on ne la vit plus jamais. »
59Le contournement de l’expression de l’agressivité phallique d’une part, et l’évitement de la confrontation à la relation hétérosexuelle génitalisée d’autre part, entraînent une fluctuation importante des choix identificatoires sexués et ne permettent pas à Martin de se positionner clairement par rapport à l’ordre des générations.
Les retombées dépressives de la problématique œdipienne
60Au tat surtout, Martin est prolixe et les moments d’inhibition sont rares. Les fonctions pare-excitantes apparaissent débordées par l’excitation d’allure maniaque (notamment en fin de passation). La vitesse dans la narration, le recours à l’humour et aux pirouettes se révèlent être des moyens défensifs destinés à lutter contre des affects dépressifs. L’hypomanie s’accompagne de nombreuses défenses labiles hystériques (dramatisation excessive, rebondissements, érotisation du lien, introduction de personnages ne figurant pas sur les planches), participant de l’arsenal antidépressif. L’hyper libidinalisation du lien permet de se prémunir d’angoisses de perte en maintenant l’objet sous haute tension et de s’assurer ainsi la permanence de sa présence.
61L’expression plus intense au tat qu’au Rorschach de la lutte antidépressive témoigne de la nette intrication entre conflit œdipien et problématique de séparation, compte tenu des sollicitations plus particulièrement relationnelles et œdipiennes du matériel tat. En effet, la nécessité de se séparer des objets œdipiens mobilise fortement les processus de pensée. L’élaboration de la position dépressive se lie étroitement au travail de renoncement :
tat, planche 3 (dépressive) : « Il y avait très longtemps, vers 1864, un enfant très malheureux car ses parents ne s’occupaient jamais de lui… Je parle pas des miens ! Puis, il était très, très, très malheureux, il se dit qu’il allait s’enfuir, faire une fugue […] et en cachette un soir il partit. Il resta deux jours devant sa maison pour voir si ses parents allaient s’en rendre compte, mais non, alors il partit et au bout de quatre ans, ses parents s’en rendirent compte […] ils ne l’avaient toujours pas retrouvé donc ils abandonnèrent […] personne ne voulait de lui […] l’adolescent rencontra une jeune femme, demoiselle, et ils tombèrent amoureux et il l’épousa et vécurent heureux et eurent quatre enfants dont ils n’eurent pas de mal à s’en occuper. »
63La répétition des mouvements de séparations et de retrouvailles entre les protagonistes traduit l’acuité de la problématique de perte et la volonté d’aménager une distance tolérable aux objets parentaux, entre l’insupportable proximité incestueuse et le non plus supportable vécu d’abandon. Comme à la planche 2 évoquée précédemment, les références itératives au temps et à la durée témoignent de la préscience des changements imminents de l’adolescence. Tout se passe comme si le sujet se trouvait à la fois désireux de grandir, mais aussi pris dans une accélération temporelle sur laquelle il n’a pas de prise et qui l’inquiète.
64À l’abri de son immaturité (et de son symptôme), les bonds identificatoires effectués par Martin se chargent de promesses d’avenir, et le risque de s’attirer les foudres interdictrices du surmoi est atténué.
La qualité des assises narcissiques en question
65L’inefficacité des aménagements défensifs à contenir les émergences œdipiennes (faiblesse du refoulement) et à traiter la problématique de perte d’objet (maintien d’une forte dépendance relationnelle) rend compte de la faiblesse du moi dans son rôle de canalisation et de traitement de l’excitation pulsionnelle. C’est dans ce contexte de défaut de refoulement et d’afflux pulsionnel que survient la création symptomatique. La conversion somatique, au regard de la dimension symbolique sexuelle attribuée aux parties du corps concernées, réalise une transposition corporelle du conflit psychique.
66Dans le cas de Martin, la « solution inconsciente » du symptôme est presque contenue dans le récit de la planche 4, où il s’identifie à un homme qui devient aveugle. Nous rappelons qu’il a lui-même présenté une cécité psychogène à l’âge de 11 ans :
tat, planche 4 : « […] Un jour l’homme ne voulait plus de sa femme, il ne l’aimait plus alors il voulut divorcer […] Puis il repartit très loin, il était déjà en Russie, mais un jour il vit qu’il n’avait plus d’argent, mais il se rendit compte qu’il ne voyait pas très bien mais flou de plus en plus, mais ça n’était pas la vieillesse car il avait 43 ans et il voyait de moins en moins bien et il est devenu aveugle. Et depuis ce jour-là, il rôde dans les parages et il se dit tout le temps : “pourquoi ai-je divorcé ?” »
68L’identification à une figure masculine amputée d’une partie de ses fonctions sensorielles (« il avait 43 ans et il voyait de moins en moins bien, et il est devenu aveugle »), relève de manière typique du processus d’identification hystérique, véritable solution de compromis, en ce qu’il condense à la fois le désir de prendre la place de l’autre et la sanction qui en résulte : la castration, figurée par la mise hors-service d’une fonction sensorielle investie symboliquement.
69L’identification hystérique apparaît ici comme une réponse au « conflit d’introjection » rencontré par le sujet, entre le besoin et la peur de s’identifier. Un même mouvement s’observe en cours d’entretien, lorsque Martin se projette en tant que père (« Ça veut dire que mon fils aussi il sera petit… »). La petite taille s’inscrit fantasmatiquement dans les retombées punitives du désir transgressif de prendre la place du parent rival. La crainte de la réalisation de la menace de castration, comme sanction aux vœux œdipiens, est par moments à peine symbolisée (« On a peur, entre parenthèses, qu’on nous coupe les jambes »).
70Cette crainte a pour corollaire le fantasme d’endommager la figure parentale en lui empruntant certains traits, fantasme probablement sous-tendu par une fragilité dans la constitution d’objets internes pas suffisamment distingués des objets externes, et qui freine les possibilités identificatoires.
71La séduction et la relation érotique à l’objet, massivement utilisées par Martin, semblent pallier le défaut d’introjection, à la manière de la relation dépressive à l’objet décrite par P. Denis.
72La conversion somatique entrave le fonctionnement du sujet en l’invalidant : Martin se déplace en chaise roulante. Elle peut être perçue comme un moyen d’éprouver la « survivance » de l’objet, dans un moment où le préadolescent alterne entre l’introjection de l’objet (nécessaire pour tolérer son absence) et la vérification de sa présence dans la réalité externe.
73La conversion maintient Martin en position de dépendance vis-à-vis de son entourage. La mobilisation des parents, au plus près de leur enfant, représente un bénéfice secondaire non négligeable compte tenu des angoisses d’abandon du patient. Nous avons vu comment des évènements extérieurs peuvent provoquer des effets d’après-coup traumatiques. Les deuils récents auxquels Martin a été confronté, combinés à l’anticipation de la séparation redoutée de l’adolescence, contribuent certainement à accentuer la menace dépressive.
74Il convient cependant de souligner qu’en vertu des conflits internes qui agitent sa vie psychique, Martin ne manque pas de ressources autoérotiques. Son intelligence et le plaisir qu’il retire de l’exercice de sa pensée attestent de la consistance du moi, et corrigent la frustration liée à son sentiment de « petitesse » (éventuellement renforcé par sa petite taille dans la réalité, sans oublier que c’était un enfant promis à un avenir « amputé de… »).
75Par ailleurs, la densité des fantasmes révèle ses potentialités élaboratives et créatives, à l’instar du récit donné à la planche 8BM, comparable à une rêverie de type roman familial, dont les bienfaits concernant le traitement de la rivalité fraternelle (rappelons que Martin a une sœur cadette qu’il pense préférée par ses parents) sont manifestes :
tat, planche 8BM : « Il y avait jadis deux enfants qui avaient été adoptés par deux personnes. Ils se rendirent compte très vite que c’était deux malfrats. Mais comme le plus grand, le plus âgé, était le petit chouchou des deux hommes, il avait compris qu’ils allaient tuer son frère […] Alors l’enfant fut agressé par les deux hommes : s’il le disait à la police, il mourrait aussi. Alors il ne dit rien. Alors vint le jour où ils allaient tuer l’enfant, alors son frère se retourna, et la dernière fois qu’il vit son frère c’était quand il était mort. L’enfant fit une fugue et ne revint jamais. Les malfrats tentèrent de la retrouver car ils savaient qu’il allait le dire à la police. Mais comme ce garçon était très intelligent il essaya de conduire une voiture abandonnée […]. »
77Au terme de l’analyse des données projectives, un paradoxe émerge chez Martin : la menace de castration est intense, mais la figure paternelle est peu incarnée. Ses vertus interdictrices et par conséquent protectrices ne s’exercent pas de manière satisfaisante. Nous pouvons aussi remarquer qu’à son inconsistance sur le plan de la réalité psychique, s’ajoute son absence sur le plan de la réalité externe (le père est décrit comme très accaparé par son travail, et dévalorisé dans le discours maternel car jugé trop impulsif).
78Or l’on sait dans quelle mesure l’interdit paternel protège le narcissisme de l’enfant, en lui épargnant un sentiment d’impuissance dans la conduite de ses projets œdipiens. Compte tenu des exigences de Martin (notamment sur le plan de l’excellence scolaire), nous pouvons faire l’hypothèse que les instances idéales prennent ici le relais des instances surmoïques.
79Dans ce contexte, la conversion aurait aussi pour fonction de pallier la défaillance du surmoi et soutenir le refoulement. C’est « handicapé », depuis sa chaise roulante, que Martin bouscule sa mère pendant l’entretien : c’est la réalité extérieure qui fait obstacle à la réalisation de désirs.
Conclusion
80En ce qui concerne Martin, l’anticipation du futur est omniprésente dans ses récits, voire obsédante. La conversion somatique, sous-tendue par des conflits inconscients, oppose à la force des désirs de grandir, la puissance de l’immobilisme et de la paralysie.
81En mettant certaines fonctions du moi hors service, elle est un antidote provisoire à l’angoisse suscitée par les remaniements engagés par les transformations pubertaires. Martin pressent les bouleversements irrémédiables de la nature de sa relation aux premiers objets d’amour. Parallèlement, il fait l’expérience de son absence de maîtrise sur le cours du temps, et sa curiosité le mène sur les traces des mystères de la sexualité adulte. Face aux reviviscences fantasmatiques (scène primitive, castration, etc.) engageant une forte excitation pulsionnelle, le refoulement cède. Il se trouve en situation de rechercher une solution d’éconduction des émois sexuels, pour reprendre la formule de R. Roussillon (2010), sans pour autant disposer de la maturité physiologique adéquate. C’est alors que la conversion intervient.
82Ce processus est repérable pour la majorité des patients préadolescents conversifs rencontrés. La conversion s’apparente à une solution défensive, dont les déterminismes psychiques sont inconscients. Elle a pour fonction de traiter un trop plein pulsionnel en lien avec l’imminence des changements adolescents.
83La conversion semble se produire chez les préadolescents de notre échantillon lorsque deux conditions sont réunies : d’une part lorsque les besoins régressifs de contacts avec les parents sont rendus impossibles du fait de l’excitation provoquée par un tel rapproché, et d’autre part lorsque les objets internes, précipités d’identifications, ne se sont pas suffisamment constitués, ne fournissant pas l’appui nécessaire pour tolérer l’absence des objets externes, ni les attaques haineuses dont ils font l’objet. On observe en effet fréquemment chez ces patients, parallèlement à l’émergence de la conversion, un moment de « crise » (rapporté par les parents) où le sujet remet en cause l’amour et l’attention que l’entourage lui porte, ce qui peut se traduire par une alternance entre des moments d’isolement, de rejet, et des moments de forte demande de réassurance. Tel préadolescent s’isole brusquement dans sa chambre, pour aller se blottir dans les bras de ses parents quelques minutes plus tard. Un autre revendique son droit à l’autonomie, puis s’effondre en larmes en déclarant n’être aimé de personne. C’est dans ce contexte très précis que surgissent les manifestations somatiques conversives, avec pour effet une mobilisation anxieuse et le plus souvent affectueuse des parents. La perception des premiers changements pubertaires, ou leur anticipation, sonnent le glas de l’enfance, ce que les patients redoutent particulièrement. Ce que nous avons pu constater à travers l’étude de ce groupe de préadolescents, dont Martin, c’est l’existence de difficultés identificatoires entravant (momentanément) le travail d’intériorisation des figures parentales, ou tout du moins de certains aspects de ces figures susceptibles de nourrir les assises identitaires. Les appuis internes font alors défaut, tout comme un acrobate se retrouve dans le vide, le temps de passer d’un trapèze à un autre. La présence des parents dans la réalité externe, mobilisée par les soins que nécessitent les troubles conversifs (paralysie, douleur, impotence, etc.), constitue alors un gage de la permanence de leur amour. Le préadolescent peut ainsi poursuivre son travail identificatoire chargé d’ambivalence et d’agressivité destructrice avec minimisation des retombées fantasmatiques en terme d’angoisse de perte d’amour. Quant à l’angoisse de castration, elle est, comme nous l’avons vu précédemment, contenue dans le symptôme de conversion (mise hors service de certaines fonctions du moi).
84Ainsi, la survenue d’une symptomatologie névrotique, même transitoire, peut justifier pleinement d’une intervention psychothérapeutique, dans un but de renforcement du narcissisme et de soutien du processus identificatoire, à l’aube de transformations dont on connaît la portée réorganisatrice, mais aussi potentiellement délétère.
85Au total, l’étude des modalités de fonctionnement psychique de Martin, qui ne sauraient être tenues comme révélatrices du fonctionnement des préadolescents en général, permet cependant la mise en exergue de certains aspects qui mériteraient d’être explorés plus amplement : la préadolescence est le siège de nombreux effets d’après-coup permettant le dépassement d’étapes antérieures du développement et la mise en place d’identifications essentielles aux remaniements psychiques imposés par l’adolescence.
86Si à l’évidence les préadolescents sont mus par une intense curiosité à l’égard de la sexualité adulte (ce dont témoigne le formidable engouement pour la bande dessinée Titeuf crée par Zep), leurs découvertes sont autant de « chocs » dont l’incidence pulsionnelle peut s’avérer traumatique et donner lieu à la survenue d’un symptôme invalidant. Néanmoins, la transition préadolescente ne se pose pas systématiquement de manière pathologique. La singularité de chacun façonne les modalités d’appréhension de l’avenir, et l’angoisse ne l’emporte heureusement pas toujours sur le plaisir de grandir.
Martin (12 ans) : Rorschach
Choix - : IV ; I Je trouve qu’il y a pas assez de couleur, c’est pas assez gai, j’aime pas, c’est pas joli. Il faudra pas le dire à Hermann Rorschach !
Martin (12 ans) : tat
871. Il était une fois un enfant qui rêvait de jouer du violon, alors un jour sa mère décida de lui en acheter un et le petit garçon il était heureux. Le petit garçon commença à jouer avec un prof que sa mère avait engagé mais il s’en rendait compte qu’il n’y arrivait pas du tout. Je vais faire une histoire triste. Au bout de trois ans, il se rendit compte qu’il ne pouvait pas y jouer alors il arrêta. Dès lors il n’y joua plus.
882. Là y a une fille, là y a un garçon, une fille, des garçons, l’histoire est terminée ! (rit) Là je vois pas du tout… Il y avait jadis une dame qui s’appelait Jeannette, oui Jeannette c’est ancien, alors elle habitait à la campagne et vivait dans une petite étable. Alors cette jeune femme, euh, non, demoiselle adorait l’école, un jour un drame arriva : l’école fit grève. Elle se dit alors qu’il y aurait bientôt école puis au bout de deux jours, six jours, une semaine, quatre mois, un an, l’école, enfin l’université, n’était toujours, n’avait toujours pas enlevé la grève. Elle était triste et décida de construire sa propre école. Elle mit deux ans et presque tous les adolescents du village y allèrent et travaillèrent très heureux. Je vais finir par ne plus avoir d’idées.
893BM. C’est quoi ? C’est quoi ? Il m’en reste combien ? (rit) Il y avait très longtemps vers 1864, un enfant très malheureux car ses parents ne s’occupaient jamais de lui, je parle pas des miens ! Puis il était très très malheureux, il se dit qu’il allait s’enfuir, faire une fugue, alors il fit ses bagages en cachette et un soir il partit. Il resta deux jours devant sa maison pour voir si ses parents allaient s’en rendre compte, mais non, alors il partit et au bout de quatre ans (rit) ses parents s’en rendirent compte et ils appelèrent la police, et en deux ans ils ne l’avaient toujours pas retrouvé alors ils abandonnèrent. Il avait déjà 16 ans alors il était parti de Paris, alors il était en Allemagne à Berlin, il sonnait aux portes pour être recruté car il n’avait plus d’argent pour aller à l’hôtel mais personne ne voulait de lui. Un jour, en 1861, c’est-à-dire une année après, une famille l’accepta, mais c’est grand Berlin, il l’a cherché, hein ! Il était tout heureux, ils acceptèrent de l’adopter, il fit connaissance avec les autres enfants qu’ils avaient. Ils vécurent heureux et à 20 ans, l’adolescent rencontra une jeune femme, demoiselle, et ils tombèrent amoureux et il l’épousa et vécurent heureux et eurent quatre enfants dont ils n’eurent pas eu de mal à s’en occuper.
904. Ça ressemble. Bon alors là on va dire, dans le futur, c’est pas assez cohérent, bon, c’est pas grave. Cette histoire se passe en… je trouve pas… déjà en 1000..900..60..3 ! (il est très excité). C’était un bel homme qui était marié avec une belle femme et ils étaient riches. Un jour l’homme ne voulait plus de sa femme, il ne l’aimait plus alors il voulut divorcer, alors il divorça avec sa femme et partit très loin. Alors un jour il rencontra une pauvre femme, pas qui est pauvre mais qui a pas de chance et il tomba amoureux, alors il commença à sortir avec elle et ça ne marche pas, alors il partit loin, loin et rencontra une femme très riche, il l’invita à dîner mais elle ne voulut pas car elle était déjà mariée. Puis il repartit très loin, il était déjà en Russie, mais un jour il vit qu’il n’avait plus d’argent, mais il se rendit compte qu’il ne voyait pas très bien mais flou de plus en plus, mais ça n’était pas la vieillesse car il avait 43 ans et il voyait de moins en moins bien et il est devenu aveugle. Et depuis ce jour-là, il rôde dans les parages et il se dit tout le temps : « Pourquoi ai-je divorcé ? »
915. (très concentré). Il y avait de cela très longtemps une femme assez vieille de 69 ans qui vivait seule mais qui tenait beaucoup à un vase avec des fleurs qui lui avait été offert anonymement, alors jours après jours elle les arrosait mais ils ne fanèrent jamais, depuis deux ans elles n’avaient plus de racines pourtant, c’était juste une tige dans un vase d’eau mais les fleurs devenaient de plus en plus jolies. Alors, elle reçut les fleurs d’un ami à elle et elle dut acheter un autre vase, elle l’acheta mais il était tellement beau qu’elle voulut mettre son autre bouquet de fleurs dans ce vase. Mais au bout de… les fleurs offertes par un ami devenaient de plus en plus belles alors que les fleurs reçues il y a deux ans devenèrent (sic) de plus en plus moches, elle ne savait pas pourquoi. Alors elle réfléchissait et deux jours après elles étaient presque fanées. Puis, l’après-midi elle se dit : « Mais oui ! c’est le vase, il est magique ! » Alors elle échangea les bouquets de fleurs et les mit dans le vase, et comme par magie elles repoussaient alors que les fleurs de son ami fanèrent et moururent comme toutes les autres fleurs.
92(pause).
936BM. Alors… il était une fois un homme qui avait perdu sa femme et sa grand-mère qui avait perdu son mari. Alors ils vivaient ensemble mais ils couchaient pas ensemble ! (insiste en me regardant) Mais un jour ils en eurent marre et ils se disputèrent. Ils n’arrêtaient pas de se dire des gros mots, ils ne se parlaient jamais, sauf des gros mots. C’était toujours des silences. Mais un jour l’un décida d’une manière intelligente de pardonner, de faire la paix. Mais comme la grand-mère n’était pas très intelligente donc elle refusa. Alors il lui dit de partir mais elle ne voulut pas. Alors, il lui fit un compromis : « Si tu ne veux pas faire la paix, tu pars, si tu fais la paix, tu restes. » Elle réfléchit et elle lui demanda dix jours. Les dix jours passèrent et un soir elle lui dit : « Je ne fais pas la paix ». Alors, elle partit. Et l’homme en était désolé. Un jour, deux ans après, la vieille dame revint chez l’homme et elle lui dit : « Je veux faire la paix », alors ils vécurent heureux et ne se disputèrent plus jamais.
947BM. Là, c’est plus sérieux (regarde combien de planches il reste, voit la planche blanche et dit : « c’est fait exprès ? » puis commence son histoire en baillant). Il était une fois deux hommes qui voulaient cambrioler une banque. Alors ils essayaient de trouver un plan car c’était la banque la plus connue et la plus sécurisée au monde. Un jour ils eurent trouvé un plan formidable pour pouvoir cambrioler cette banque. Le lendemain ils engagèrent deux hommes très entraînés pour cambrioler cette banque. Le soir même ils le firent et ils avaient oublié qu’il y avait pas que les alarmes infra-rouge mais il y avait les alarmes de vibration. Alors d’abord ils passèrent à travers les alarmes infra-rouge et quand ils entrèrent dans une salle une alarme se déclencha, ils tentèrent de s’enfuir, mais trop tard. Ils n’y arrivèrent pas. Les policiers les avait attrapés la main dans le sac. Ils restèrent six ans en prison. Les quatre hommes. Six après, ils décidèrent de recommencer, mais cette fois ils savaient qu’il y avait l’alarme sonore, alors ils la détruirent. Puis, arrivés au coffre-fort, les deux hommes qu’ils avaient engagés les enfermèrent dans le coffre-fort et repartirent sans l’argent car, devinez qui étaient ces deux hommes ? C’était des policiers, des agents secrets qui avaient mis des masques, alors que les deux complices n’avaient pas été arrêtés. Et c’est ainsi que les deux hommes jurèrent de ne plus voler (Ce sont les deux hommes du dessin ?) Oui.
958BM. Il y avait jadis deux enfants qui avaient été adoptés par deux personnes. Ils se rendirent compte très vite que c’était deux malfrats. Mais comme le plus grand, le plus âgé, était le petit chouchou des deux hommes, il avait compris qu’ils allaient tuer son frère, alors les deux hommes comprirent aussi. Alors l’enfant fut agressé par les deux hommes : s’il le disait à la police, il mourrait aussi. Alors il ne dit rien. Alors vint le jour où ils allaient tuer l’enfant, alors son frère se retourna, et la dernière fois qu’il vit son frère c’était quand il était mort. L’enfant fit une fugue et ne revint jamais. Les malfrats tentèrent de le retrouver car ils savaient qu’il allait le dire à la police. Mais comme ce garçon était très intelligent il essaya de conduire une voiture abandonnée et il réussit. C’était en Russie, il alla en Allemagne pour pas se faire trouver et appela la police. Il expliqua tout depuis le début, alors la police de Berlin appela la police de Russie et la police de Russie fit son enquête. Ils retrouvèrent les deux hommes et les enfermèrent, et c’est tout.
9610. J’ai pas d’idées. Bon maintenant je vais faire court. C’est l’histoire d’une dame qui vivait dans une ville redoutée car il y vivait un cannibale. Mais on ne savait pas qui. Ça pouvait être n’importe qui. Alors un jour elle invita un ami et il dîna chez elle. Elle l’invita aussi à dormir, et cette nuit là, et c’est de là que l’on raconte qu’on ne la vit plus jamais.
9711. C’est l’histoire d’un petit garçon qui vivait dans une ville qui avait une mauvaise réputation car il y vivait un dragon. Et ce petit garçon voulait devenir aventurier. Un jour quand il eut 16 ans il décida de partir à la recherche du dragon. Au bout d’un certain moment, dans une vaste étendue de pierre il vit une énorme grotte, il s’approcha et en sortit une énorme tête de dragon, puis les ailes, puis les pattes, puis la queue, et en entier. Puis alors il décida de l’affronter avec une longue lutte acharnée. Il finit par le tuer en enfonçant une pierre jaune dans le corps. C’est ainsi que la ville de Bourgueville eut la meilleure réputation du pays. Mais ce pays, il n’existe pas.
9812BG. J’ai aucune idée.
9913B. Oh, misère ! Toujours des petits garçons. C’est la même que l’histoire de l’enfant très malheureux qui fait une fugue, sauf qu’il a cinq ans de moins. T’as qu’à mettre : « C’est la même histoire que, etc. »
10016. Il était une fois une feuille blanche cartonnée dont on ne connaît pas la valeur qui fut jetée dans un lac. Puis elle flottait, flottait, flottait, flottait, puis un jour un enfant la trouva sur le bord du lac de Gennwing. Mais cette feuille n’était pas du tout abîmée. Comme cet enfant était très très très pauvre, il se dit qu’elle avait de la valeur. Il alla chez un bijoutier mais rien de spécial. Un jour il alla dans une petite boutique, là où on pouvait trouver la valeur des choses, toute petite qui allait fermer et le monsieur lui dit : « Miracle, la feuille d’Okotomo, c’est une feuille si vieille qu’elle peut te faire, te réaliser trois vœux ». Alors comme il était très pauvre il demanda non pas de devenir riche, mais de vivre heureux, même sans argent, ensuite il fit le vœu de trouver une demoiselle jolie et qu’il allait épouser et le troisième vœu vous ne le trouverez jamais car il est écrit sur cette feuille blanche.
101(Durée le la passation : 50 minutes)
Bibliographie
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