Notes
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[1]
Conseiller d’orientation-Psychologue. Formateur au Centre d’Application de l’INETOP/CNAM (Paris).
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[2]
Les paragraphes en retrait constituent un commentaire sur la consultation pour en aborder les questions diagnostiques ou la perspective dynamique par exemple.
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[3]
Les termes ou les phrases en italiques sont ceux de Salomé.
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[4]
AUBRET F. (1989) QMA – Questionnaire de motivation, EAP : Issy les Moulineaux.
Le QMA permet une approche de la « motivation globale », elle-même décomposée en trois sous-dimensions : la tendance à l’activité, à l’application, à la persévérance ; le besoin de réussite ; l’absence de peur de l’échec. Bâti sur le modèle théorique de la motivation de Atkinson, ce questionnaire se présente sous la forme de propositions qui décrivent chacune un comportement devant le travail scolaire ou des activités plus générales auxquelles le sujet répond en indiquant si l’attitude décrite lui paraît proche ou éloignée de son propre comportement. Avec un étalonnage couvrant la population 14-20 ans, le QMA permet une discrimination fine des sujets (selon l’âge et le sexe), il est un bon prédicteur de la réussite scolaire (succès aux examens et poursuite d’étude pour les différents niveaux scolaires étudiés). -
[5]
DUPONT J.B. (1979) IPH – Inventaire personnel de Holland, EAP : Issy les Moulineaux.
L’IPH est un questionnaire d’intérêt fondé sur la typologie de Holland. Dans ce modèle théorique, le choix professionnel est une expression de la personnalité du sujet (aptitudes, traits de personnalité, mode de vie et relations personnelles), Holland distingue six types de personnes et de milieux (réaliste, investigateur…). Les réponses au questionnaire se font par réponse libre, hiérarchisation ou choix forcé. Les étalonnages permettent de décrire le sujet selon sa plus ou moins grande ressemblance avec chacun des différents types définis. Le profil obtenu à l’issue de la passation a pour objectif de permettre d’établir un pronostic sur le type d’environnement professionnel qui lui conviendrait le mieux. -
[6]
ACHTNICH M. (1986) Le BBT, test de photos de professions – Epreuve projective pour la c1larification des inclinations professionnelles (trad. fr. Leleux A. et Walgraffe R.), Editest : Bruxelles. Le BBT – Berufsbildetest est diffusé en France par les ECPA.
Le BBT est un entretien médiatisé à partir de photos de professionnels en activité qui sont choisies par le sujet et à propos desquelles celui-ci élabore un commentaire personnel afin de clarifier ses propres inclinations. L’entretien BBT permet d’approcher les catégories d’intérêt telles que les perçoit, les construit et les organise le sujet., cette modalité lui offre l’occasion d’exprimer ses inclinations en les mettant à jour et en les explicitant (la relation à l’autre constitue un facilitateur de ce processus). Si le BBT peut s’apparenter dans le déroulement de la passation à l’ADVP, il en diffère néanmoins largement quant aux modalités mises en œuvre. Dans cette démarche d’entretien médiatisé, le stimulus est un ensemble de photographies d’activités peu ou prou définies sur une unique dimension professionnelle, photographies que le sujet choisit classe et organise selon ses propres catégories. En partant des associations du sujet, sur les choix qui ont été les siens, selon une « technique non directive centrée sur la personne », l’objectif de l’entretien est une progressive clarification des déterminants qui ont guidé ses choix et ont présidé à leur organisation. Il ne s’agit pas de lever l’équivoque autour de telle photographie en lui donnant un nom, non plus que de découvrir la dimension cachée qui justifierait tel regroupement de vignettes. Moins que la recherche du métier qui plairait et des raisons qui guideraient ce choix, c’est le questionnement sur soi, ses inclinations et ses valeurs, qui est ici favorisé.
L’utilisation qui est faite ici du BBT diffère sensiblement de celle proposée par Achtnich : les aspects statistiques et typologiques sont laissés de côté au profit d’une perspective d’exploitation clinique [GIRAUD D. (2001) « A partir du Berufsbildertest – BBT », Questions d’orientation, 64, 3, 55-69. -
[7]
Les titres comme le texte en italiques sont de Salomé, les questions entre crochets constituent des relances.
1Si un interlocuteur imaginaire me posait la question de la place qu’occupe la psychologie clinique dans la consultation d’orientation, je lui répondrais invariablement qu’elle est fondamentale. Mais cette assertion manquerait sans doute à le convaincre. J’ajouterais que la clinique est incontournable pour au moins deux raisons : parce que, d’une part, en tant que théorie, elle introduit à une compréhension globale de la personne humaine dans son fonctionnement et ses aménagements psychiques singuliers et que, d’autre part, en tant que pratique, elle organise et donne un retour sur les prises en charge des sujets qui nous consultent. Je soulignerais que l’axe théorique et la dimension pratique ne s’opposent en rien mais au contraire se complètent et s’articulent tout au long du travail et à l’issue de celui-ci. Sans doute ensuite, pour illustrer et mieux lui faire comprendre mon propos, lui donnerais-je un exemple de consultation. Peut-être le suivant...
2Salomé prend rendez-vous par téléphone fin novembre afin de réfléchir à ce qu’elle pourrait faire l’an prochain puisqu’elle envisage d’abandonner les études de pharmacie où elle est inscrite en première année (qu’elle redouble actuellement). La demande a de quoi surprendre : elle intervient très tôt au regard de l’année universitaire qui vient juste de commencer.
Cette précocité amène à formuler deux hypothèses [2]. Dans la première, on peut penser que le redoublement n’a constitué qu’un pis-aller ou une solution de sécurité en s’assurant une inscription universitaire alors que l’idée de réorientation était déjà présente. Dans un deuxième cas de figure, a contrario de cette temporisation, on peut s’interroger sur l’immédiateté de la demande qui alors relève plus du passage à l’acte que d’une élaboration progressive.
4Salomé a 19 ans passés au moment de la première rencontre. Ce qui frappe au premier abord c’est le contraste entre son habillement assez original sinon fantasque et l’impression de tristesse, de lassitude et d’accablement qui ressort de son attitude. Evoquant sa scolarité, elle explique facilement qu’au sortir du bac S, elle s’est dirigée vers des études de pharmacie qui l’intéressaient. Après l’échec de l’an passé en première année de PCEP, l’année qui commence s’annonce mal, elle en est très inquiète. Salomé a souvenir d’un décrochage sensible en classes de première et de terminale : elle avait « la tête ailleurs qu’aux études [3] », elle a fourni peu de travail. Vivant sur ses acquis et sa facilité naturelle dans les matières scientifiques, ses résultats lui ont quand même permis d’obtenir le bac S sans trop d’efforts. En fac, la première année s’est déroulée sur ce régime d’investissements très modérés. « C’était juste après le bac… Je n’ai pas travaillé suffisamment. Je me suis faite coller aux examens. » Elle se réinscrit cette année, et reprend les études dans la même dynamique. Elle reste intéressée par les études de pharmacie mais la masse de travail l’accable, elle a du mal à s’organiser, elle accumule du retard dans ses cours, elle tend à se décourager. Au fil du temps, son intérêt s’émousse, son investissement s’amenuise. « Ça me paraît parfois idiot. Petit à petit, je trouve ça absurde alors qu’au départ ça m’intéressait. Même maintenant il y a des cours qui me passionnent, mais je comprends de moins en moins. Je décroche, je n’ai plus envie d’y aller, je n’ai plus envie de faire l’effort de me lever pour aller en TD par exemple. » Elle évoque un réseau de relations amicales assez dense et fortement investi. Elle parle des amis qu’elle voit peu en raison de sa scolarité et du travail qu’elle doit faire. Cette situation est perturbante pour elle, comme si elle avait à effectuer un choix entre la fac et les amis. Elle n’arrive plus à faire le partage entre sa vie personnelle et son travail, celui-ci est décrit comme un frein aux relations, comme un facteur qui restreint et réduit sa vie sociale et affective, qui la prive des contacts relationnels dont elle a grand besoin. « J’aimerais tourner la page, je voudrais terminer l’année et faire autre chose ensuite. Pharmacie, ça ne me convient pas, ça n’est pas bien pour moi… » Elle évoque les effets de cette situation en s’interrogeant sur ses capacités intellectuelles, sur ses intérêts et sa motivation. « Est-ce que j’ai les moyens de faire des études en fac ? J’ai l’impression de ne plus rien comprendre, et puis je suis perdue, ça ne m’intéresse plus. Je ne me vois pas continuer, je n’en ai pas envie. Et puis je ne sais même pas de quoi j’ai encore envie… » Son choix d’une inscription en pharmacie était lié aux bons résultats dans les matières scientifiques (même si elle n’a jamais beaucoup travaillé ces disciplines, elle y a toujours obtenu de très bonnes notes), elle avait envie de faire de la recherche dans le domaine médical. L’idée de travailler dans un laboratoire, sans trop côtoyer de malades, lui plaisait. Ses parents l’ont encouragée, ils s’attendaient à ce qu’elle réussisse. « Maintenant, je décroche… J’ai envie de faire des choses concrètes qui m’apportent quelque chose… Mais quoi ?… » nous convenons de nous engager dans un bilan qui lui permette de faire le point, d’abord sur ses capacités dont elle doute, puis sur ses intérêts et sa motivation, afin qu’elle puisse alors dépasser son indécision actuelle et envisager une formation qui lui convienne mieux.
Le premier entretien est centré sur les explications que se donne Salomé à propos de son échec scolaire. Il s’agit de son élaboration, de ses réflexions, de ses représentations personnelles ; en bref, de la théorie explicative qui lui permet de comprendre ses difficultés. Ces éléments correspondent à son champ de conscience.
Elle évoque une faiblesse des investissements en terme de travail personnel qui remonte à la classe de première. Elle s’était alors reposée sur ses aptitudes naturelles sans fournir le travail attendu, ce qui lui avait suffi pour assurer la réussite au bac S. Il lui est difficile aujourd’hui de sortir de cette modalité de fonctionnement dont elle perçoit les limites. L’ambiance universitaire d’apparence peu contraignante, l’impression de liberté au sortir du lycée n’ont en rien renforcé sa détermination à fournir un surcroît de travail.
Parallèlement à l’absence d’habitude de travail, Salomé évoque des considérants relationnels qui rendent sa situation particulièrement difficile. Elle parle de ses amis qu’elle a fortement investis et qu’elle ne peut plus voir aussi souvent qu’elle le souhaiterait en raison des cours et du travail à effectuer (on pense ici à l’importance du groupe des pairs qui s’est constitué au fil des années de lycée et que les études supérieures ont peut-être contribué à séparer). Salomé cite aussi ses parents qui souhaitent fortement sa réussite dans les études et l’ont encouragée à s’inscrire en pharmacie alors qu’elle n’y était peut-être pas si déterminée.
Tous ces éléments constituent un faisceau d’explications qui relève de l’attribution externe. Elle n’a pas constitué d’habitude de travail, les études secondaires ne l’y ont pas obligée, la fac ne l’y a pas incitée. Elle a perdu l’occasion de voir ses amis, ce qui la navre. Ses parents placent en elle des espérances qu’elle déçoit…
Salomé a conscience de sa difficulté à investir positivement sa scolarité. Cette dérive actuelle est décrite en termes d’effets ou de conséquences des éléments qui viennent d’être évoqués. On relève dans ce premier entretien la morosité ressentie au premier contact, le désintérêt et le désinvestissement exprimés pour les études en cours, tout comme la conscience aiguë et douloureuse de l’inorganisation de son travail, des problèmes qu’elle rencontre pour structurer sa pensée et les doutes qu’elle tend à entretenir sur ses capacités à mener une réflexion sur des objets abstraits (ce à quoi elle arrivait bien précédemment). Ces éléments permettent d’évoquer un mouvement dépressif dans lequel la symptomatologie (troubles de la pensée et de l’humeur assortis d’un retrait des investissements) bien repérable reste accessible à Salomé. L’échec scolaire ne peut pas se comprendre comme l’élément déclencheur de la dépression mais comme une des conséquences de la symptomatologie dépressive.
6Au deuxième rendez-vous, Salomé se présente toujours vêtue avec recherche, toujours coiffée d’un turban original, les couleurs cependant ont changé pour des tons un peu moins austères. Elle prend très vite la parole pour dire qu’elle a réfléchi depuis notre dernière rencontre. Elle se trouve déprimée. Elle a le sentiment d’avoir perdu ses capacités intellectuelles et elle souligne combien il lui est difficile de penser. « C’est peut-être ma situation actuelle qui explique cela. Ce truc de ne pas réussir dans quelque chose que j’aimerais. » Elle parle alors spontanément du divorce de ses parents, il y a deux ou trois ans. Ils ne s’entendaient plus depuis longtemps, leur séparation était attendue. Cependant elle est très touchée par l’éclatement de la cellule familiale. Son frère aîné (21 ans) a pris un studio, son cadet (17 ans, en terminale) vit avec son père (ingénieur). Salomé reste seule avec sa mère (qui travaille dans le secteur social), elles partagent l’appartement familial dans un climat de tension où les frottements et les altercations font le quotidien. Ses frères lui manquent, ses parents lui semblent inaccessibles, seuls comptent les amis qu’elle ne voit pas assez à son goût.
Le deuxième entretien jette un éclairage complémentaire sur la situation de Salomé. Alors que parallèlement on relève combien sa mise est moins austère, c’est d’elle-même qu’elle revient sur sa problématique. Elle la caractérise en disant qu’elle se trouve déprimée, qu’elle a le sentiment d’avoir perdu ses capacités intellectuelles et elle souligne combien il lui est difficile de penser. « C’est peut-être ma situation actuelle qui explique cela. Ce truc de ne pas réussir dans quelque chose que j’aimerais. »
Alors qu’elle se réfère à une causalité externe, Salomé en vient spontanément à parler du divorce de ses parents et de ses conséquences pour la vie de famille. Le mode de compréhension se renverse au profit d’une internalisation qui s’esquisse et dans laquelle – inutile de le rappeler – nous n’avons pas à intervenir.
La dépression peut alors se comprendre sur un autre mode que celui de la réaction. La séparation des parents constitue en elle-même une blessure vive qui aurait peut-être pu se cicatriser si elle n’avait ouvert en même temps des plaies plus profondes (dont atteste le fléchissement scolaire initial en classe de première). L’économie relationnelle de la famille est totalement remise en cause : les enfants qui constituaient un contrepoids au couple parental sont eux aussi séparés, Salomé se retrouve seule face à sa mère. Alors que les remaniements œdipiens de l’adolescence sont encore d’actualité, les sources de gratifications narcissiques et objectales n’existent plus comme auparavant. La distance à la mère est trop proche pour permettre un rééquilibrage et la relation devient un lieu de tension (d’autant que son métier est de s’occuper des enfants des autres, et peut-être selon Salomé, au détriment des siens). Le père est d’autant moins accessible, œdipe oblige, que Salomé ne bénéficie plus de la protection tutélaire de sa mère pour aménager le rapproché qui risque alors d’être infiltré de fantasmes incestueux. Les deux frères en choisissant l’éloignement d’avec la mère confirment la prégnance de cette dynamique familiale mais en viennent aussi à priver Salomé (et à se priver) du soutien narcissique et des appuis relationnels dont elle (ils) aurait (auraient) eu besoin dans cette période de déchirement.
Dans une situation familiale « normale », le sujet adolescent se détourne des images parentales pour investir progressivement le groupe des pairs qui devient un lieu d’identifications secondaires qui sont à la fois complémentaires et alternatives aux identifications primaires. Les amis et les copains deviennent dans le même temps les pourvoyeurs privilégiés des réassurances que les parents et la famille prodiguaient antérieurement. Dans le cas de Salomé, cet équilibre est rompu : alors qu’elle est dans une période de fragilisation, elle choisit une orientation difficile (sélective) qui la coupe de ses relations amicales…
L’hypothèse d’une dépression réactionnelle à l’échec en PCEP est invalidée car elle ne rend pas compte de la problématique de Salomé. Les troubles sont antérieurs à son entrée en Université (les conditions de scolarisation ne font qu’amplifier les difficultés, elles ne les créent pas). Le divorce des parents constitue un premier impact aggravé par l’éclatement de la cellule familiale puis encore par l’éloignement des amis.
L’atteinte initiale qui aurait pu rester du domaine de la perte relationnelle (comme un événement de vie difficile à dépasser car confrontant à la solitude) prend un tour de plus en plus narcissique au fil de l’accumulation des privations objectales. On a ici pour preuves le retournement sur soi de la négativité ou de la déliaison dans la désorganisation des investissements relationnels, le sentiment d’atteinte de la pensée, l’esquisse de dévalorisation de soi, l’abrasion des investissements intellectuels et des projections d’avenir dans la remise en cause du projet d’études.
8Salomé sort de ce mouvement d’introspection en rappelant que nous étions convenus de nous voir pour faire le point sur ses capacités de logique et de raisonnement qui l’inquiètent beaucoup et la font douter d’elle-même. Sa participation à la passation de la WAIS-R est active, quelques commentaires marquent son agacement à ne pas réussir des items qui lui semblent pourtant faciles. Dans « Information » et « Vocabulaire », les bonnes et mauvaises réponses alternent. Dans « Arithmétique », elle abandonne avant la fin du subtest : « Ça m’énerve de bloquer sur ça, je n’arrive pas à faire les calculs. Je passe ! » Avec « Similitudes », elle dit avoir du mal : « C’est dur de donner les réponses, alors que c’est si clair dans mon esprit… » Dans la partie Performance et au « Code », Salomé a une utilisation prévalente de la main gauche mais les manipulations sont réalisées avec les deux mains. Elle exprime quelques difficultés à organiser les « Assemblages », elle est rapide pour les deux premiers items, lente au troisième (main), elle abandonne pour le dernier : « Ça ressemble à quelque chose que je connais ! Mais quoi ?… C’est un éléphant… Mais dans quel sens il se met, je sais pas… J’arrête, j’y arrive pas. »
9A l’issue de la passation, elle estime avoir été plus à l’aise dans la partie performance. Elle revient encore sur ses difficultés à répondre dans la partie verbale. « J’ai toujours eu des difficultés à m’exprimer, des problèmes de langage peut-être, mais ici c’était encore plus dur… J’ai du mal à me concentrer. Par moment j’ai donné des réponses et puis après j’ai réalisé que c’était faux, c’était trop tard. C’est comme si je n’avais plus de mémoire, comme si je savais pas des choses simples et faciles. Ne pas arriver à faire des opérations de tête, ça la fiche mal !… C’est trop… »
Les résultats obtenus par Salomé à la WAIS-R classent son protocole dans la catégorie d’efficience moyenne par rapport à sa classe d’âge. On ne relève pas d’hétérogénéité statistiquement significative entre la production de la partie verbale et celle de la partie performance (QIT : 109 / QIV : 110 / QIP : 107). L’homogénéité statistique entre les échelles masque une importante disparité des résultats.
Les aptitudes au raisonnement logique, à la conceptualisation et à l’abstraction sont d’un bon niveau, excellentes sur un matériel verbal. Les capacités de représentation mentale sont faibles sur un matériel verbal. La réalité externe reste bien prise en charge. L’adaptation sociale est d’un niveau satisfaisant. La structuration spatiale et temporelle est assurée. Le schéma corporel et l’image du corps font problème. Le réinvestissement scolaire et culturel est de niveau moyen, avec une conscience accrue des erreurs commises ou des lacunes qui cependant ne handicape pas la passation.
La participation aux épreuves est volontaire, active. La verbalisation est parfois imprécise et difficile, mais elle ne pénalise pas pour autant l’engagement participatif et ne nuit pas à la réussite. Les troubles de la concentration sont ponctuels, non-désorganisants. Les difficultés rencontrées dans les subtests mettant en jeu les opérations de représentation mentale amènent des commentaires et des critiques de soi ponctuelles. Les capacités d’autocritique de la production sont présentes, elles permettent une amélioration des performances, comme il en est de son appui constructif sur les relances.
Dans ses commentaires en fin d’épreuve, Salomé se souvient d’anciennes difficultés de langage qui, pour elle, se sont réactualisées dans la passation. Cette réactualisation l’introduit à une auto-estimation péjorative de sa production à laquelle contribuent largement les échecs dans les items les plus connotés scolairement. Plus que de traduire une mobilisation acerbe contre elle-même (comme on pourrait s’y attendre dans un mouvement d’auto-accusation franc), cette dépréciation permet de percevoir la participation projective de Salomé dans un vacillement du repérage entre réalité interne et réalité externe. Cette « erreur de jugement » vaut pour compromis en ce qu’elle constitue à moindre frais l’émergence d’une image de soi dévalorisée.
Dans le même fil, les problèmes rencontrés dans le subtest « Assemblage d’objets », et ceux plus ponctuels dans « Information » et « Complètement d’images » (sur des sollicitations anatomiques et l’image du corps), mettent en évidence l’articulation aiguë de la problématique corporelle propre à l’adolescence.
Les difficultés de mobilisation et de réinvestissement des acquis scolaires sont évidentes pour Salomé. Assorties de troubles de la mémoire, d’une lenteur relative et d’un niveau global de l’épreuve très en dessous des capacités attendues (niveau socioculturel de la famille, parcours scolaire, observations de l’entretien), elles attestent d’un ralentissement relatif de la pensée qui corrobore l’hypothèse d’un mouvement dépressif de fond.
Les très bonnes capacités de mobilisation intellectuelle valent d’être soulignées comme aussi la persévérance malgré l’échec (l’abandon à « Assemblage » vaut aussi pour signifier l’acceptation d’une limite puisque les sollicitations ultérieures n’en sont pas entachées), la capacité à maintenir des liens et à soutenir les associations de pensée. Tous ces éléments relevant de l’appui sur les processus cognitifs (même si Salomé les sous-estime), d’accès à soi et de dynamisme des mouvements de pensée vont dans le sens d’un pronostic d’évolution favorable.
11La troisième entrevue est centrée sur l’approche de la personnalité et des intérêts. Deux questionnaires (le QMA et l’IPH) sont d’abord proposés afin de centrer et d’induire le travail de réflexion, dans le second temps de ce rendez-vous, un entretien sur support photographique (le BBT) est utilisé pour soutenir l’élaboration personnelle.
12Les scores obtenus aux questionnaires sont les suivants : [4], [5]
13On relève que dans les carrières choisies pour les derniers items du questionnaire IPH, Salomé évoque préférentiellement chercheur en cosmétologie puis quelque chose de plus manuel comme la couture ou le stylisme et enfin psychiatre.
Dans l’entretien sur support photographique avec le BBT [6], Salomé retient sept groupes de photos qu’elle classe par ordre préférentiel puis commente successivement.Les questionnaires, que ce soit le QMA ou l’IPH, permettent de situer Salomé par rapport à sa population de référence à partir de sollicitations standardisées. La modalité de réponse à choix forcé laisse peu de place à l’engagement et à l’élaboration personnelle. L’interprétation qui en découle est d’emblée contrainte par le matériel utilisé. Elle oblige dans le cas de l’IPH à réduire les intérêts du sujet à un ensemble de six dimensions définies a priori, dimensions qui ne sont pas toujours parlantes pour le sujet ou dans lesquelles il peut avoir des difficultés à se retrouver.
Les scores au QMA montrent une très faible motivation globale (catégorie 2 sur 11 – l’étalonnage va de 1, catégorie la plus faible, à 11, catégorie la plus élevée). Pour ce questionnaire, seul le besoin de réussite est normatif au regard de la population de référence. On relève la peur de l’échec (catégorie 2 sur 5) et la faiblesse de la motivation-activité (catégorie 1 sur 5). Ces éléments sont congruents au mouvement dépressif. Les scores obtenus à l’IPH sont différenciés, ils attestent de l’émergence et de la maturation d’intérêts personnels. On note l’inclination élective pour les activités du pôle réaliste (catégorie 5 sur 5) et, à moindre poids, l’attirance pour les activités d’investigation ainsi que le rejet des activités sociales (respectivement en catégories 4 et 2). Les trois autres pôles d’intérêt sont normatifs. Les choix préférentiels de carrières mettent en évidence l’acuité du questionnement portant sur le corps et l’esprit (déjà souligné pour la WAIS-R).
La faiblesse de la motivation au QMA confirme le mouvement de découragement et de désinvestissement exprimé lors des entretiens. On remarque que la WAIS-R, comme une sorte de secteur préservé, fait exception dans cette dynamique négative puisqu’on n’y observe pas cette tendance mais au contraire une certaine mobilisation autour des tâches proposées quelle qu’en soit la difficulté. Ceci amène à souligner l’intérêt des investissements cognitifs (relance des processus de pensée) et relationnels (appui et soutien vivant sur la relation à l’autre) en tant que modalités efficaces de lutte contre la dépression.
Le profil de l’IPH montre que malgré l’abrasement des intérêts auquel on aurait pu s’attendre, à partir des entretiens notamment, un tel écrasement ne s’est pas produit. Plutôt qu’une indifférenciation (« rien ne m’intéresse » ou encore « je ne veux être intéressé/e par rien, ni même par le rejet ou l’opposition »), des préférences et des rejets restent formulables pour Salomé.
La recherche [7] :
« Toutes ces manipulations me plaisent. L’observation, les manips, les produits, j’ai toujours aimé ça depuis ma petite enfance. Garder, conserver des choses, regarder au microscope. J’ai eu beaucoup de plaisir en sciences-nat. Ça explique ma vocation en pharmacie, mais ça me paraît trop théorique, il y a trop de cours, pas assez de labo, j’arrive pas à accrocher… [Qu’est-ce qui vous plaît là, dans ces photos ?] Des choses minutieuses qui demandent de l’attention. Chercher quelque chose. Avoir le fruit de sa recherche après, quelque chose qui vient de soi, aboutir à quelque chose de nouveau, qu’on aurait trouvé ou créé. C’est pas contradictoire pour moi de penser et de faire quelque chose, ça doit être possible ensemble. »
Le travail de mère, la vie à côté de la vie professionnelle :
Les manipulations, la dimension inventive :
« C’est la manipulation. Avec les idées, pour la dimension inventive. J’aime les choses minutieuses, j’ai le goût du détail. Il y a un effort de création, comme dans la recherche, mais dans un autre domaine. [Vous pourriez préciser ?] Ce qui m’intéresse c’est la créativité plutôt que la réflexion. Ce qui compte c’est l’intuition, c’est mettre en œuvre quelque chose qu’on a déjà conçu, quelque chose qu’on a imaginé. La réalisation c’est le côté pratique… J’ai toujours eu du goût pour la couture. Je fais ma mode moi-même. Avec mon originalité, c’est ma personnalité qui ressort. C’est important de maintenir une harmonie… La science appartient au domaine de l’éducation. C’est la sécurité de faire des études… Mais j’ai toujours eu de l’intérêt pour les activités artistiques. Ce goût je l’avais enfoui, comme un loisir un peu réprimé… En me posant des questions, ce que j’avais mis de côté sur le plan professionnel revient à la surface. Ça reprend un peu le dessus. A moi d’en faire quelque chose… C’est très important pour moi le talent artistique, la création et l’invention personnelle. Je fais mes vêtements et même j’en fais pour les autres. Mes amies me passent des commandes et si j’ai le temps, je les couds. Si je pouvais je crois que j’aimerais en dessiner aussi pour les hommes, ça me plairait bien. Je voudrais en tout cas essayer de le faire. Ça peut apporter le plaisir d’être reconnue, d’avoir du succès. »
La nature :
« J’aime le contact et le rapport avec la nature, les animaux. J’avais pensé un temps faire vétérinaire, c’est aussi l’idée de préserver la nature. [Qu’est-ce qui vous intéressait ?] Se retrouver en rapport avec soi-même. Se sentir dans la nature, la voir, vivre. C’est essentiel pour un bon équilibre. Il y a un plaisir énorme. J’ai rêvé d’être prix Nobel de chimie et d’avoir mon labo en pleine forêt amazonienne, comme dans un film dont je ne me rappelle plus le nom… »
Les sensations fortes, le dépassement :
« C’est vivre quelque chose d’intense, au sens physique peut-être… J’ai deux frères proches, j’ai suivi leurs jeux de garçons. J’aime bien ce côté là. J’ai suivi leur rythme. Je n’ai jamais été trouillarde. J’aime vraiment ça. [Pour l’engagement physique ?] Pas seulement, aussi pour le risque. Pas le risque idiot, pas du tout de ce côté là qui est trop casse-cou, mais plutôt pour le petit frisson… Je n’ai pas le côté athlète mais plutôt le goût de l’effort, du dépassement personnel. »
Détective privé :
« Il y a un côté Indiana Jones. C’est l’aventure, l’observation, la déduction et l’analyse. Il y a un côté actif qui joue aussi, être engagée dans l’action. C’est quelque chose de sympa et d’important pour moi. »
Les arts (peinture) :
« C’est quelque chose de pas forcément réalisable. Il y a une dimension de plaisir dans le dessin et la peinture. Même si ce n’est pas quelque chose que je ferai comme métier, j’aime bien pour me distraire. Ça suscite une réaction positive et agréable pour moi, mais moins que dans la couture ou quand je crée des vêtements. »
21A la fin de la passation et comme synthèse de ses choix et de ses inclinations, Salomé retient l’intérêt pour les activités de recherche et de manipulation qui se concrétisent dans la couture avec la dimension créatrice qui lui tient à cœur (goût pour le dessin, les tissus et les travaux manuels artistiques et minutieux, offrant une réalisation concrète et une utilité reconnue). En parallèle de cette activité qu’elle dédie à la sphère professionnelle, elle évoque les tâches maternelles. « C’est une chose importante que j’aimerais réaliser le mieux possible pour donner un maximum à mes enfants : ne pas mettre en avant mon travail professionnel et délaisser mes enfants. »
Salomé retient sept groupes de photos, chaque groupe illustre une inclination personnelle importante pour elle, une dimension de sa personnalité qu’elle aimerait trouver à satisfaire dans l’avenir. Dans un raccourci schématique qui recondense son élaboration, il est possible de distinguer les thèmes suivants :
– Le goût pour les activités d’ordre intellectuel telles qu’elles peuvent se mettre en œuvre dans la recherche scientifique ou la déduction policière (groupes 1 et 6) ;
– L’attrait pour la réalisation concrète pour ce qu’elle entre en jeu dans la manipulation de laboratoire ou la couture et qu’elle tempère les aspects trop théoriques du travail intellectuel : il s’agit là de l’opération du sujet qui permet le passage à la réalité matérielle d’objets qui auparavant relevaient du domaine idéatif (groupes 1, 3 et 6) ;
– L’inclination pour les activités de création à valence artistique où l’intuition trouve à s’exprimer dans un objet de préférence beau et utile (groupes 3 et 7) ;
– La projection dans le rôle de mère qu’elle distancie dans le temps (groupe 2) ;
– Les intérêts écologiques et l’attirance pour les situations de risque, de dépassement de soi (groupes 4 et 5).
23La synthèse que Salomé élabore elle-même en fin de passation est particulièrement performante. Elle réintègre, sous le primat de la création artistique utile, dans l’activité de couture et de stylisme, les dimensions de recherche et de manipulation. Elle spécifie deux registres d’activités qui recoupent globalement la distinction généralement établie entre vie publique et vie privée, entre activités professionnelles et activités domestiques. On assiste là à ce qui peut paraître comme un retournement des pondérations qui apparaissaient lors des entretiens et des questionnaires précédents. L’activité de couture (dessin de modèles personnels, coupe et couture) n’avait pas été évoquée précédemment, la mise vestimentaire assez originale de Salomé était le seul signe de cet intérêt. Cet indice est resté à la périphérie des entretiens comme élément de gestion du contact : on a relevé l’habillement plus lumineux lors du second rendez-vous qui peut attester d’un mouvement de reprise au regard de l’humeur. Il aurait été difficile, sans les associations de Salomé au BBT, de postuler la nature de son intérêt pour le vêtement puisque l’observation reste d’autant plus équivoque qu’elle porte sur le produit fini (et non sa réalisation) et peut donc traduire tout autre mouvement de la coquetterie à l’étrangeté en passant par la séduction ou le souci d’attirer le regard de l’autre.
Salomé utilise le BBT comme l’occasion d’une mise à jour de la congruence de ses intérêts : ce qu’elle fait, ce qu’elle dit, ce qui s’observe dans les questionnaires. Cet entretien lui offre la possibilité d’exprimer ses inclinations, d’en éprouver la cohérence, d’y trouver une continuité personnelle.
Cet entretien constitue à la marge, car tel n’en est pas le but, un renforcement du Moi et de la cohésion narcissique. L’activité de couture, ou plutôt de stylisme, constitue une formulation de compromis dans laquelle les aspirations narcissiques et objectales peuvent trouver satisfactions. L’intuition artistique, la créativité, le beau, le soin de soi sont mis au service d’une réalisation concrète. L’objet créé est à destination d’un public auquel il procurera du plaisir, en retour duquel Salomé pourra trouver la gratification d’une reconnaissance. De la belle ouvrage…
A l’issue de la synthèse du BBT et dans le fil de ce qu’elle vient d’élaborer, Salomé prolonge sa réflexion. Elle effectue une partition entre les projets de vie concernant la sphère professionnelle et la sphère privée pour laquelle elle évoque la maternité. Ce partage est pour Salomé l’occasion de faire un lien avec la relation à sa mère. Cette dernière est directement visée dans l’apostrophe sur les tâches maternelles. « C’est une chose importante que j’aimerais réaliser le mieux possible pour donner un maximum à mes enfants : ne pas mettre en avant mon travail professionnel et délaisser mes enfants. » Salomé exprime ici l’ambivalence relationnelle qui l’unit à sa mère : elle l’aime et en même temps peut lui reprocher vivement d’être absente, elle souhaite se détacher/différencier d’elle et en même temps peut la prendre comme modèle identificatoire au travers de la maternité…
25A l’issue de cette troisième rencontre, Salomé repart sur son inscription en fac de pharmacie. Elle en arrive à remettre ce choix en cause. Elle y voit l’influence de ses parents qui l’ont encouragée à aller dans une voie où elle ne se retrouve pas. « C’est déjà bien difficile de gérer ma vie personnelle mais je pense qu’il y a là aussi ce que mes parents ont voulu pour moi. Ils souhaitent que je réussisse bien, mais ce qu’ils ont choisi comme façon de réussir ça ne me va pas, à moi. Ce que je veux c’est faire des choses pratiques et concrètes qui me plaisent. Ça ne m’intéresse pas de réussir dans les études. Enfin ça ne m’intéresse plus comme avant quand j’étais petite… » La fin d’entretien permet un dernier retour sur les choix de formation qui ont présidé à son inscription en PCEP. Ces choix sont remis en cause : trop inféodés aux idéaux parentaux, ils ne lui conviennent pas ou plus. Il ne s’agit pas d’un rejet massif dans lequel l’aspiration à la réussite personnelle aurait pu passer à la trappe mais plutôt de l’émergence d’une exigence personnelle en lien avec la prise de conscience actuelle : une possible projection dans l’avenir, pour soi et avec les autres.
26Nous convenons de nous revoir une quatrième fois pour terminer ce bilan en envisageant concrètement les perspectives qui s’offrent à elle. Cette phase de restitution orale doit reprendre les éléments de la demande initiale et leurs variations dans le temps et la relation. Elle se prépare dans le double objectif de permettre au sujet de se réapproprier les éléments de bilan et de se séparer d’avec le psychologue qui l’a reçu. Elle devait donc permettre à Salomé de faire le point sur sa situation actuelle (dépressivité, échec scolaire, doute sur les capacités intellectuelles, orientation future) et d’imaginer les solutions qui s’offrent à elle pour trouver de meilleurs aménagements.
La question de la dépression est centrale dans la problématique de Salomé : les difficultés observées ou alléguées sont secondes, elles en sont des conséquences et des ré-aménagements symptomatiques. Cependant, la dépression en tant que telle (et encore moins dans les hypothèses explicatives que nous pouvons nous en formuler) ne semble pas devoir être abordée directement dans l’entretien, même comme élément diagnostic, au risque sinon de faire fuir Salomé ou de provoquer une levée de ses résistances devant l’intrusion interprétative. Un accès possible reste celui de la morosité, du désintérêt, de la baisse des performances qu’elle a constatée, qui lui ont valu de venir consulter, que nous avons pu repérer ensemble dans la consultation. Il importe donc d’attester de la réalité du mouvement dépressif, de le nommer, pour donner sens au vécu actuel et le dégager d’un risque d’enlisement, d’indifférenciation, d’indifférence. Les entretiens, pour leur vécu expérientiel, constituent un mode d’entrée au questionnement personnel qui devrait pouvoir être poursuivi ailleurs, dans une relation psychothérapique. Les résultats obtenus à la WAIS-R lèvent le doute quant aux problèmes de compréhension qu’évoquait Salomé dans le premier entretien et qui, associés aux troubles de l’humeur et aux légers éléments de discordance, auraient pu nous faire penser à un tableau plus lourd (l’hypothèse d’une entrée dans la schizophrénie n’était peut-être pas à exclure au premier contact). L’échec scolaire et la question de l’orientation trouvent leur résolution dans les entretiens et ne demandent qu’à être repris dans la restitution. Les clés pratiques relèvent de l’autodocumentation et de la démarche personnelle (année de remise à niveau artistique pour préparer l’entrée en BTS stylisme ou en DMA textile ou costume par exemple)…
28S’il est bien sûr impossible de prévoir comment se déroulera un entretien de synthèse et de restitution, tout du moins peut-on envisager comment l’initier. « Vous avez peut-être réfléchi depuis la dernière fois où nous nous sommes rencontrés… » La réponse ne s’est pas faite attendre. Salomé avait repensé à tout ce qu’elle avait fait et dit, à tout ce dont nous avions parlé. Elle s’était documentée sur les métiers de la mode pour porter son choix sur le stylisme. D’importantes discussions étaient en cours avec ses parents à propos de ce changement d’orientation, ces échanges n’étaient pas si difficiles à mener qu’elle aurait pu le penser auparavant. Une chose encore faisait question pour elle : me serait-il possible de lui donner l’adresse d’un thérapeute qui puisse la recevoir ?…
Mots-clés éditeurs : conseil et accompagnement, réorganisation psychique, perspective clinique, investissements narcissiques et objectaux, mouvement dépressif
Date de mise en ligne : 01/07/2012
https://doi.org/10.3917/pcp.007.0199Notes
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Conseiller d’orientation-Psychologue. Formateur au Centre d’Application de l’INETOP/CNAM (Paris).
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Les paragraphes en retrait constituent un commentaire sur la consultation pour en aborder les questions diagnostiques ou la perspective dynamique par exemple.
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[3]
Les termes ou les phrases en italiques sont ceux de Salomé.
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AUBRET F. (1989) QMA – Questionnaire de motivation, EAP : Issy les Moulineaux.
Le QMA permet une approche de la « motivation globale », elle-même décomposée en trois sous-dimensions : la tendance à l’activité, à l’application, à la persévérance ; le besoin de réussite ; l’absence de peur de l’échec. Bâti sur le modèle théorique de la motivation de Atkinson, ce questionnaire se présente sous la forme de propositions qui décrivent chacune un comportement devant le travail scolaire ou des activités plus générales auxquelles le sujet répond en indiquant si l’attitude décrite lui paraît proche ou éloignée de son propre comportement. Avec un étalonnage couvrant la population 14-20 ans, le QMA permet une discrimination fine des sujets (selon l’âge et le sexe), il est un bon prédicteur de la réussite scolaire (succès aux examens et poursuite d’étude pour les différents niveaux scolaires étudiés). -
[5]
DUPONT J.B. (1979) IPH – Inventaire personnel de Holland, EAP : Issy les Moulineaux.
L’IPH est un questionnaire d’intérêt fondé sur la typologie de Holland. Dans ce modèle théorique, le choix professionnel est une expression de la personnalité du sujet (aptitudes, traits de personnalité, mode de vie et relations personnelles), Holland distingue six types de personnes et de milieux (réaliste, investigateur…). Les réponses au questionnaire se font par réponse libre, hiérarchisation ou choix forcé. Les étalonnages permettent de décrire le sujet selon sa plus ou moins grande ressemblance avec chacun des différents types définis. Le profil obtenu à l’issue de la passation a pour objectif de permettre d’établir un pronostic sur le type d’environnement professionnel qui lui conviendrait le mieux. -
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ACHTNICH M. (1986) Le BBT, test de photos de professions – Epreuve projective pour la c1larification des inclinations professionnelles (trad. fr. Leleux A. et Walgraffe R.), Editest : Bruxelles. Le BBT – Berufsbildetest est diffusé en France par les ECPA.
Le BBT est un entretien médiatisé à partir de photos de professionnels en activité qui sont choisies par le sujet et à propos desquelles celui-ci élabore un commentaire personnel afin de clarifier ses propres inclinations. L’entretien BBT permet d’approcher les catégories d’intérêt telles que les perçoit, les construit et les organise le sujet., cette modalité lui offre l’occasion d’exprimer ses inclinations en les mettant à jour et en les explicitant (la relation à l’autre constitue un facilitateur de ce processus). Si le BBT peut s’apparenter dans le déroulement de la passation à l’ADVP, il en diffère néanmoins largement quant aux modalités mises en œuvre. Dans cette démarche d’entretien médiatisé, le stimulus est un ensemble de photographies d’activités peu ou prou définies sur une unique dimension professionnelle, photographies que le sujet choisit classe et organise selon ses propres catégories. En partant des associations du sujet, sur les choix qui ont été les siens, selon une « technique non directive centrée sur la personne », l’objectif de l’entretien est une progressive clarification des déterminants qui ont guidé ses choix et ont présidé à leur organisation. Il ne s’agit pas de lever l’équivoque autour de telle photographie en lui donnant un nom, non plus que de découvrir la dimension cachée qui justifierait tel regroupement de vignettes. Moins que la recherche du métier qui plairait et des raisons qui guideraient ce choix, c’est le questionnement sur soi, ses inclinations et ses valeurs, qui est ici favorisé.
L’utilisation qui est faite ici du BBT diffère sensiblement de celle proposée par Achtnich : les aspects statistiques et typologiques sont laissés de côté au profit d’une perspective d’exploitation clinique [GIRAUD D. (2001) « A partir du Berufsbildertest – BBT », Questions d’orientation, 64, 3, 55-69. -
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Les titres comme le texte en italiques sont de Salomé, les questions entre crochets constituent des relances.