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Article de revue

De l’utilité des groupes de pairs pour produire des savoirs fondés sur l’expérience : l’exemple des entendeurs de voix

Pages 29 à 51

Notes

  • [1]
    Loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale ; loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
  • [2]
    Ce travail d’enquête s’est d’abord développé au sein du programme ANR SocioResist (2012-2016). Il se poursuit aujourd’hui dans le cadre du programme EXPAIRs, labellisé par la Maison des Sciences de l’Homme de Bretagne.
  • [3]
    État partie : terminologie désignant un État ayant signé le texte international porté par l’ONU.
  • [4]
    UPSIA : Union of the Physically Impaired Against Segregation.
  • [5]
    RIPPH : Réseau international sur le Processus de production du handicap.
  • [6]
    La littérature scientifique recensant les cas d’entente de voix est relativement restreinte et soumise aux aléas de l’autodéclaration d’une qualité faisant l’objet d’une forte stigmatisation. Les travaux dénombrant les cas de schizophrénie sont eux beaucoup plus nombreux et plus rigoureux d’un point de vue épidémiologique. Mais ils présentent le désavantage majeur de ne prendre en compte que les personnes ayant reçu un diagnostic psychiatrique, autrement dit une population plus réduite (estimée à environ 16 % de la population des entendeurs de voix. Voir Romme, Escher, 2000).

1La participation des personnes en situation de handicap correspond aujourd’hui à une incitation forte des politiques publiques faisant suite aussi bien à des mobilisations sociales qu’à la diffusion de nouveaux modèles scientifiques du handicap. En France, un renouvellement des rapports aux usagers de services et d’établissements, tout particulièrement aux personnes en situation de handicap, a été engagé dans le cadre de réformes successives de différents cadres légaux. Ces changements visent la participation des personnes en situation de handicap à la vie des institutions leur étant dédiées. Qu’il s’agisse du secteur social et médico-social ou du secteur sanitaire, les lois de 2002 [1] ont chacune apporté leurs injonctions, et ce à deux niveaux : leur implication dans les projets personnalisés ou thérapeutiques d’une part, leur contribution à des instances institutionnelles de concertation, de consultation et de médiation d’autre part.

2Un certain nombre de critiques, essentiellement portées par les professionnels des secteurs d’activité concernés, ont été adressées à ces réformes impulsant la participation des usagers. Parmi celles-ci, on trouve le risque de la fragilisation des usagers par une injonction à l’autonomie, le possible effet de sélection entre ceux ayant les capacités de participer et les autres, l’aléa d’une instrumentalisation des usagers au sein d’instances telles que le Conseil à la vie sociale (CVS), le risque d’un passage de la figure de l’« usager » à celle du « client-roi » et la judiciarisation envisageable des rapports entre professionnels et usagers. À cette liste déjà longue, Serge Ebersold (2002) ajoute le risque d’un projet participatif trop normatif, excluant alors les plus vulnérables.

3Des réformes politiques visant davantage cette fois la participation sociale des personnes en situation de handicap ont également été impulsées. La loi du 11 février 2005 en fait partie. Intitulée « Pour l’égalité des droits, des chances, pour la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », cette loi promeut un changement de notre société vers davantage d’inclusion, condition essentielle de la participation sociale des personnes en situation de handicap. Toutefois, toutes les initiatives en faveur de la participation sociale des personnes en situation de handicap ne relèvent cependant pas du cadre politique et réglementaire. Par exemple, dans le contexte français, l’entraide par et pour les pairs se déploie depuis la Première Guerre mondiale au moins. Moins connues et reconnues, ces pratiques visent pourtant un même objectif : une pleine participation des personnes en situation de handicap à notre société.

4Issues de l’esprit self-help/mutual aid (Delaporte, 1996 ; Borkman, 1999), ces pratiques se développent sous diverses formes, en lien ou pas avec les dispositifs légaux. Une pluralité de figures et d’appellations dans les champs du handicap existe aujourd’hui en France : pair-aidant, pairémulateur, médiateur santé pair, travailleur pair, facilitateur pair, conseiller pair, etc. Ces pairs sont bénévoles, praticiens informels, salariés, en libéral, autoentrepreneurs. Ils travaillent ou non en lien avec des institutions et des professionnels des secteurs d’activité concernés. Ils affirment être détenteurs de savoirs issus de l’expérience, desquels ils tirent une relative légitimité.

5Ces pratiques et les savoirs y afférant ont fait l’objet de nombreuses recherches. Une première voie épistémologique a porté sur les savoirs expérientiels. Le rapport et les écarts entre savoirs issus de l’expérience et savoirs issus de l’activité scientifique ont été élaborés par John Dewey (1910) à travers son concept de savoir de première main, ou encore par Jacques Rancière (1987) à travers celui de savoir profane. D’autres recherches connexes ont également porté sur l’autodidaxie (Bézille-Lesquoy, 2003) ou encore sur la construction sociale de la réalité (Berger, Luckmann, 1996). Thomasina Borkman (1976) a, quant à elle, forgé le concept de savoir expérientiel pour analyser des groupes de soutien par les pairs.

6Une seconde veine de travaux scientifiques a fait davantage porter la focale sur les questions de l’injustice et du manque de reconnaissance de certains types de savoirs, au premier chef desquels les savoirs expérientiels. Bruno Latour (2005) a fermement critiqué la position hégémonique des savoirs scientifiques et rappelé que la science est sociale. Éric Fassin (2009) a dénoncé une impossible neutralité scientifique et appelé à un travail de neutralisation de la position du chercheur. Au-delà de cet examen du travail scientifique lui-même, d’autres chercheurs ont aussi investi une réflexion portant sur les rapports de domination entre savoirs (Godrie, Dos Santos, 2017).

7Parallèlement, de nombreux travaux ont souligné l’efficience et les apports des pairs aux services professionnels (Salzer et al., 2010 ; Jalovcic, Pentland, 2010 ; Chinman et al., 2014 ; Laval et al., 2015). Il s’agit principalement de mesurer les effets produits et d’apporter la preuve de leur efficacité. Les difficultés majeures d’intégration des pairs dans certains terrains professionnels ont également été documentées (Provencher, Gagné, Legris, 2011 pour le Québec ; Demailly et al., 2014 pour la France).

8Un quatrième sillon de connaissances scientifiques reste ainsi à creuser : quels sont les apports en positif et en spécifique de cette forme de participation sociale que sont les pratiques de soutien et d’accompagnement par les pairs ? Quels sont les facteurs environnementaux repérables participant à expliquer cette production de savoirs expérientiels spécifiques ? Poursuivant cette quatrième voie, le présent article propose d’analyser une forme effective de participation sociale de personnes handicapées hors des dispositifs conçus par les politiques publiques françaises : les groupes d’entendeurs de voix.

9L’analyse développée ici est fondée sur les données issues d’une ethnographie [2] du Réseau français sur l’entente de voix (REV France), débutée en 2013. Cette enquête de terrain allie observation participante et entretiens semi-directifs. Diverses situations de participation ont été étudiées : les rassemblements nationaux annuels des entendeurs de voix, le congrès international sur l’entente de voix en 2016, les témoignages publics ponctuels d’entendeurs de voix, deux groupes d’entendeurs de voix à hauteur d’une fois par mois. Un carnet d’enquête a été tenu dans l’objectif de consigner les nombreux verbatim de propos tenus lors des réunions et rencontres, ainsi que la description des situations observées. J’ai été accueillie et ai développé des relations au sein de ce réseau en tant que sociologue s’intéressant aux questions de handicap. Au fur et à mesure des interactions, j’ai trouvé ma place en tant que participante non entendeuse de voix. Je suis donc adhérente au REV. Il ne s’agit pas d’une recherche-action ou d’une recherche participative.

10Cet article débutera par l’explicitation des conceptions de la participation dans les perspectives politiques et scientifiques contemporaines du handicap. Le modèle du Processus de production du handicap (le PPH) sera retenu pour la suite des analyses en raison de ses apports spécifiques concernant la participation sociale des personnes en situation de handicap. Les principales notions de ce cadre théorique seront aussi présentées : facteurs personnels, facteurs environnementaux, participation sociale et handicap. Puis l’étude des groupes d’entendeurs de voix se déroulera en deux temps. Le premier portera sur l’aménagement des facteurs environnementaux au sein des groupes d’entendeurs de voix. Quelles sont les conditions rendant possible la participation des entendeurs de voix à ces groupes ? Le second temps de cet article mettra en valeur les apports spécifiques produits au sein de ces groupes : les savoirs expérientiels issus de l’analyse entre pairs des expériences d’entente de voix. Quels savoirs émergent des échanges et de la confrontation des expériences d’entente de voix ?

La participation : un concept au cœur des modèles scientifiques contemporains du handicap

11Les conceptions du handicap fondées sur des compréhensions biomédicales ont été très largement discutées, débattues et critiquées dans la seconde partie du xxe siècle. Au cours des années 1980, une perspective très politisée – le modèle social du handicap – a éclairé et dénoncé les facteurs sociaux construisant les situations de handicap, conduisant à définir ces situations en focalisant sur les limitations de participation sociale qu’elles génèrent. Nous reviendrons brièvement dans cette première partie sur cette évolution, en évoquant d’une part la dynamique de dénaturalisation et de politisation du handicap portée par des mouvements sociaux internationaux, et en soulignant d’autre part le déploiement de l’enjeu de la participation au sein des modèles scientifiques holistiques du handicap, permettant d’unifier différentes formes de limitation imposées aux personnes handicapées.

Politisation et dénaturalisation des conceptions du handicap

12À partir des années 1950, un processus de dénaturalisation du handicap (Barral, 2008) a été impulsé en différents points du globe, sous l’effet des actions d’une diversité d’acteurs, conduisant à mettre en avant différentes difficultés de « participation » auxquelles sont confrontées les personnes handicapées.

13Des mouvements sociaux internationaux, tel l’Independent Living Movement ou Survivors Speaking Out, portés par des personnes en situation de handicap, ont lutté pour obtenir davantage de possibilités : 1) d’autodétermination impliquant un procès de démédicalisation de leurs vies et l’enracinement dans des pratiques self-help/mutual aid entre pairs, 2) de participation à la vie sociale ordinaire supposant une fermeture des institutions les accueillant, une mise en accessibilité des environnements publics et privés, la reconnaissance et l’application de leurs droits à égalité avec les autres citoyens, des soutiens et services adaptés pour permettre leur existence en milieu ordinaire (Zames Fleicher, Zames, 2001). Ces mouvements sociaux furent pour certains très soutenus par des alliés des secteurs professionnels concernés.

14Les limitations environnementales à la participation ont été, par exemple, fortement mises en avant par des acteurs du logement et les architectes. Les principes d’accessibilité des logements et de l’extérieur des bâtiments, de mobilité plus générale furent largement promus par des ONG de professionnels dès les années 1950, notamment en Suède et au Danemark (Bregain, 2014). Dans le programme d’actions de la FIMITIC (Fédération internationale des mutilés, des invalides du travail et des invalides civils), un article relatif aux barrières architecturales défend le point de vue suivant : « [Elles] constituent un obstacle pour l’emploi illimité des logements, des ateliers, des moyens de transport et des bâtiments publics. Il faut assurer aux handicapés une liberté de déplacement aussi grande que possible dans tous les domaines de la vie » (ABIT, 1968). Le premier congrès international de l’Union internationale des architectes sur les besoins des personnes handicapées se déroula en 1968.

15Parallèlement, l’enjeu de la participation au milieu ordinaire (hors institution) est porté à travers l’idée de réadaptation intégrale par des équipes pluriprofessionnelles (médecin, physiothérapeute, kinésithérapeute, prothésiste, infirmière, ergothérapeute, psychologue, conseiller d’orientation professionnelle, professeur, etc.) dès les années 1950 (Bregain, 2014). Cette perspective consiste en une intervention articulant soins, rééducation des corps et réadaptation de l’individu à la société. Là encore, l’idée de participation sociale est au cœur des enjeux, tout particulièrement la participation au monde du travail considéré à l’époque comme le grand intégrateur (Barel, 1990). Les instigateurs et les promoteurs de ces pratiques furent des spécialistes renommés du champ de la rééducation et de la réadaptation, diverses ONG internationales ainsi que l’ONU et ses agences (Observatoire international du travail, Unesco, Organisation mondiale de la santé).

16De même, un mouvement international en faveur des droits des personnes handicapées pour leur permettre de bénéficier d’une participation sociale à égalité avec les autres citoyens s’est déployé. L’ONU est un acteur majeur de cette nouvelle inflexion des politiques relatives au handicap, soutenu en cela par de nombreuses ONG. L’ONU structura cette évolution en trois étapes. Tout d’abord, elle opéra un travail d’unification et d’harmonisation des droits entre les différentes catégories de publics concernés aboutissant en 1975 à la Déclaration sur les droits des personnes handicapées. Il s’agit alors d’établir et de mettre en œuvre des normes d’égalité de traitement (égalité de droits, non-discrimination) et d’accès aux services en milieu ordinaire (soutiens hors vie en institution). Puis l’ONU impulsa une décennie de travaux terminant par un texte international intitulé Règles standards d’égalisation des chances des handicapés (1993). L’égalisation des chances s’entend alors comme l’aménagement par les différents États parties [3] de conditions favorables à la participation sociale des personnes handicapées à égalité avec les autres citoyens. Enfin, l’ONU mènera un dernier grand chantier aboutissant à la rédaction de la Convention internationale des droits des personnes handicapées (ONU, 2006). Cette convention signée par plus de 177 États parties définit le handicap comme une restriction de la participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres.

Évolution des modèles scientifiques du handicap

17Jusqu’à la fin des années 1970, les apports des sciences humaines et sociales restent assez marginaux, le modèle biomédical sous-tendant les conceptions du handicap s’appuyant plutôt sur les sciences de la vie et de la matière. Erving Goffman (1963) avait déjà mis en lumière les procès sociaux de stigmatisation. Cependant, les autres conséquences sociales des incapacités n’étaient pas encore véritablement éclairées. L’individu était considéré comme responsable de sa situation, sans prise en compte des obstacles et freins rencontrés dans son environnement. En 1974, Thomas T. H. Wan a apporté une réflexion épidémiologique sur les facteurs environnementaux déterminant la probabilité d’émergence des incapacités, leur sévérité et leur gravité. Les facteurs environnementaux étaient alors appréhendés comme des facteurs contextualisants du handicap en termes de pauvreté, de résidence, de statut autochtone ou immigrant.

18Au début des années 1970, une première tentative d’intégration des facteurs sociaux aux conceptions du handicap fut commandée au professeur de santé publique Philip Wood par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il proposa avec son équipe un premier modèle systémique du handicap (1980) articulant à la fois facteurs biomédicaux et facteurs sociaux, et clarifiant les liens de causalité les reliant : la Classification internationale des déficiences, incapacités et handicap (CIDIH). La question du désavantage social est un élément central de cette modélisation. Elle éclaire une restriction de participation sociale par limitation ou interdiction de l’accomplissement normal d’un rôle social (compte tenu de l’âge, du sexe, des facteurs socioculturels). Cette classification promue par l’OMS a suscité beaucoup d’intérêt au niveau international. De nombreuses critiques furent avancées, notamment celle de la non-prise en compte des facteurs environnementaux et de leur impact sur la participation sociale.

19Deux nouvelles voies de conceptualisation émergeront de ces débats : le modèle québécois du Processus de production du handicap (PPH) en 1989, et la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) en 2001. Ce dernier modèle scientifique du handicap, la CIF, est porté par l’OMS. Il répond à beaucoup des critiques adressées à la CIDIH. Il s’agit en effet d’une perspective articulant facteurs biomédicaux et facteurs environnementaux. Néanmoins, il n’éclaire pas véritablement les questions de participation sociale. Ce modèle s’intéresse à la participation comme « fait de prendre part à une situation de vie réelle » et évince toute prise en compte et évaluation des restrictions de participation sociale rencontrées par les personnes handicapées en situation. La mesure porte sur « les problèmes qu’une personne peut rencontrer pour prendre part à une situation de vie réelle ».

20Le modèle québécois ouvre quant à lui véritablement sur la question de la participation sociale. Dès 1989, une première mouture de ce modèle articulant facteurs biomédicaux et facteurs environnementaux est présentée par l’anthropologue Patrick Fougeyrollas et ses collaborateurs. Plusieurs concepts y sont déployés : habitudes de vie, facteurs environnementaux, participation sociale, processus de production du handicap. L’idée phare de ce modèle est une conception du handicap comme résultant des interactions permanentes entre facteurs personnels (système organique et aptitudes) et facteurs environnementaux (socioculturels, politico-économiques, techniques, juridiques, écologiques, aménagements et urbanisme, etc.). Plus avant, ces interactions permettent plus ou moins de participation sociale, autrement dit d’effectivité des habitudes de vie (activités de la vie domestique et rôles sociaux). Quant au handicap, il est produit par « une perturbation dans la réalisation d’habitudes de vie compte tenu de l’âge, du sexe, de l’identité socioculturelle, résultant d’une part de déficiences et incapacités, et, d’autre part d’obstacles découlant de facteurs environnementaux » (Fougeyrollas, 2010). Le handicap désigne donc, dans ce modèle, une restriction de la participation sociale. Cette conceptualisation présente une plus-value : la possibilité de mesurer la participation sociale des individus handicapés dans divers domaines des habitudes de vie, et notamment : relations interpersonnelles, vie communautaire, éducation, travail, loisirs et autres habitudes.

21Ainsi, c’est au cours de la seconde moitié du xxe siècle que se sont progressivement élaborées d’autres conceptions du handicap. Forgées dans les actions et par les remises en question des mouvements sociaux internationaux de personnes en situation de handicap, des ONG de professionnels des champs de la santé, de la réadaptation, de l’architecture et de l’urbanisme et des agences internationales telles l’ONU, l’OMS, etc., conceptualisées par des réseaux scientifiques (UPSIA [4], OMS, RIPPH [5]), ces nouvelles perspectives promeuvent l’influence déterminante des facteurs environnementaux sur les situations vécues et la participation sociale des personnes handicapées. Les facteurs biomédicaux ne sont plus seuls explicatifs de la restriction de participation sociale constatée. L’étude des facteurs environnementaux devient incontournable pour comprendre et améliorer la participation sociale des personnes en situation de handicap.

Les groupes de pairs : un environnement favorable à la participation sociale des entendeurs de voix

22Les groupes d’entendeurs de voix se développent depuis près de quarante années à l’international. Ils permettent une participation sociale qualifiée de communautaire selon le modèle québécois du PPH. Ils facilitent l’établissement de relations interpersonnelles entre entendeurs de voix, autre type de participation sociale toujours selon le modèle du PPH. Leurs membres ont généralement le sentiment de se soutenir réciproquement dans l’épreuve commune qu’ils rencontrent.

23Cette partie présentera dans un premier temps les apports théoriques permettant l’appréhension des spécificités caractérisant les relations d’entraide entre pairs, et cela au-delà du seul partage de l’expérience du phénomène de l’entente de voix. Dans un second temps, les principes fondant le cadre propice à la participation sociale au sein de ces groupes et aux échanges sur l’expérience d’entente de voix seront mis en lumière.

De la spécificité de la contribution des relations entre pairs à la participation sociale des individus

24La sociabilité primaire (Castel, 1995), à l’instar de la sociabilité secondaire, fait partie de ces liens sociaux fondant et perpétuant les collectifs et les sociétés : famille, voisinage, relations affinitaires et engagements citoyens sont à la fois un étayage des individus et un terreau du vivre-ensemble. L’accompagnement et le soutien entre pairs, s’ils sont également une forme de sociabilité primaire, ne peuvent être confondus avec celles précédemment citées. En effet, peu importe l’inscription territoriale, familiale et sociale du pair, qu’il soit un membre de la famille ou non, qu’il soit préalablement connu ou pas, qu’il soit du même âge, de la même génération, du même sexe, du même quartier, du même milieu socioculturel, du même secteur professionnel, du même groupe d’appartenance ou pas, etc., la rencontre entre pairs implique une mixité sociale des échanges inhabituelle. Cette originalité démographique est effectivement constatable dans les groupes d’entendeurs de voix : hommes et femmes ; adolescents, adultes et plus âgés ; inscriptions dans des milieux sociaux divers ; origines culturelles variées.

25L’identification du pair ne repose pas sur les processus sociaux de reconnaissance habituels. Il est pair, et reconnu comme tel, pour la raison de vivre ou d’avoir vécu des problèmes similaires (Borkman, 1976). Ce qui constitue l’autre comme pair est un ressenti subjectif d’une proximité avec lui fondée sur l’expérience commune de situations spécifiques, par exemple liées au handicap, à la maladie ou à des troubles de santé mentale. Les collectifs de pairs sont très courants dans la culture anglo-saxonne et répondent aux catégories de groupes self-help ou mutual aid (Borkman, 1999). Ils concernent des situations de vie variées : violences domestiques, migrations, dépendance à l’alcool ou aux stupéfiants, allaitement du nourrisson, diabète, cancer, échec scolaire, abus sexuel, hypersensibilité, etc.

26Cette proximité expérientielle (Provencher, 2011) est spontanément associée par les pairs à la conviction que l’autre le comprendra aisément du fait même de son habitude de situations ou d’épreuves similaires. Cette compréhension imputée a priori n’est pas nécessairement d’ordre analytique, mais possiblement. L’entendement du pair se caractériserait par une compréhension d’ordre pratique (divers savoir-faire, par exemple concernant les effets secondaires des médicaments), émotionnelle (expériences de la stigmatisation et de la discrimination) et stratégique (postures à adopter dans les interactions sociales : comment faire face et comment sauver la face ? Comment négocier avec son psychiatre ?).

27La rencontre avec un pair est usuellement porteuse d’un a priori favorable à l’échange d’une certaine intimité. Cette communauté supposée des expériences est généralement envisagée comme spontanément porteuse de sympathie et d’empathie. Les pairs ont l’a priori d’un accueil favorable par leur pair. Ils ressentent une proximité relationnelle (Provencher, 2011). Ils disent faire plus facilement et davantage confiance.

28La symétrie est un autre élément constitutif de ce rapport entre pairs. Ces derniers ont le sentiment d’échanger sur un pied d’égalité. De fait, ils se rencontrent de pair à pair, entre personnes vivant les mêmes difficultés, hors du champ des rapports de normaux à normaux. Leurs différences fondent leur parité, mais aussi la communauté des écarts vécus aux dits normaux. Le respect entre pairs est généralement supposé a priori, car l’égalité leur semble donnée. La non-mixité peut devenir un principe de composition des groupes de pairs pour faciliter les échanges et la conscientisation des problèmes, pour réduire la peur du jugement. Les non-pairs sont alors appréhendés comme pouvant potentiellement empêcher l’émergence de savoirs expérientiels collectifs par leurs points de vue situés hors de l’expérience (Smith, 1987, 1999 ; Haraway, 1991), mais ayant la légitimité d’une certaine normalité. Pour ces raisons épistémologiques, certains courants féministes et postcolonialistes (Godrie, Dos Santos, 2017) optent d’ailleurs pour la non-ouverture des rencontres organisées entre pairs, même à leurs meilleurs alliés.

29Enfin, non seulement le pair est perçu comme comprenant mieux, mais ses points de vue apparaissent plus crédibles du fait de son expérience (Gardien, 2008). Les savoirs expérientiels du pair sont couramment pris très au sérieux, parfois même aux dépens des savoirs professionnels (Borkman, 1976).

30Tout ceci vaut pour les groupes d’entendeurs de voix, mais demande à être rediscuté et précisé à l’aune de l’ethnographie effectuée. En effet, l’émergence récente des groupes d’entendeurs de voix en France a sa propre histoire, ses propres acteurs. Le modèle hearing voices n’a pas été transféré en l’état, malgré des liens forts avec les leaders du mouvement social international. Si des débats internes portent sur les causes des voix et l’intérêt même de les connaître, sur la pathologisation opportune ou non de ses expériences, d’autres efforts ont porté sur l’aménagement des facteurs environnementaux pour favoriser les échanges et le soutien entre pairs. Au nombre de ceux-ci, deux méritent particulièrement d’être considérés : la composition des groupes de pairs et les règles données pour sécuriser les échanges.

Une composition mixte des groupes d’entendeurs de voix valorisant la parole des pairs

31Au sein des groupes de pairs du REV, une pluralité de compositions est constatable. Certains admettent uniquement des entendeurs de voix en leur sein : les groupes dits fermés ou réservés. D’autres sont davantage mixtes, incluant également professionnels, parents, amis et toute autre personne s’estimant concernée. Ces groupes sont dits ouverts. Cette composition est le fruit du consentement accordé par chaque membre du groupe. Les raisons de ce consentement sollicité auprès de chacun sont la préservation des a priori favorables inhérents aux relations entre pairs, des conditions d’une confiance réciproque et de la possibilité de s’épancher. La composition peut donc varier au cours du temps pour un même groupe, selon le consentement obtenu ou non à l’introduction d’un nouveau membre.

32Aujourd’hui, en France, toutes les options de composition sont représentées, avec une petite majorité de groupes dits mixtes ou l’ayant été. Cet état de fait s’explique en partie par l’engagement d’institutions et/ou de professionnels au démarrage de certains groupes, moment où la question de la légitimité est cruciale. Depuis, plusieurs de ces groupes se sont organisés en autogestion, les institutions et les professionnels estimant ne plus être nécessaires au bon fonctionnement de ces espaces de rencontre entre pairs s’étant retirés. D’autres groupes maintiennent cette relative mixité pour permettre aux proches, mais aussi aux professionnels, de s’ouvrir à cette perspective de l’entente de voix. Il s’agit donc de décisions locales, pouvant évoluer avec le temps et les aspirations. Ceci étant dit, la mixité pairs/non-pairs doit se comprendre comme autorisant une toute petite minorité de personnes n’entendant pas de voix à participer aux groupes, rarement plus d’une ou deux personnes, lesquelles doivent s’engager dans la durée. L’objectif de faciliter la prise de parole sur les expériences de voix reste prioritaire. Les groupes mixtes sont massivement composés de personnes vivant l’expérience de l’entente de voix.

33La proposition de groupes spécifiquement dédiés aux parents et aux proches a déjà été portée au sein du réseau français sur l’entente de voix. Des échanges s’en sont suivis sur une période de plusieurs mois. Il a finalement été admis qu’aucun groupe sur l’entente de voix ne pouvait se passer de l’expérience des entendeurs de voix. Aussi, pour cette raison, les groupes dédiés exclusivement aux proches n’ont pas vu le jour. Ces groupes n’existent pas non plus au niveau international, pour les mêmes raisons.

34Par contre, ces groupes rencontrent des difficultés pouvant mettre en péril le principe de composition des groupes de pairs. En effet, le recrutement des membres pose couramment question dans les groupes déjà constitués ou en cours de création. La perspective de l’entente de voix est encore mal connue et diffusée dans l’espace public, aussi peu postulent spontanément. Nombre de personnes concernées ignorent tout simplement l’information concernant l’existence de ces groupes de pairs. En outre, la plus grande part des personnes vivant des expériences de ce type [6] le cache, en raison de la stigmatisation et de la discrimination découlant de ces attributs identitaires (Goffman, 1963). Il est donc difficile de leur transmettre l’information de façon ciblée. Enfin, l’intitulé « entente de voix » lui-même ne permet pas à tous de se reconnaître. En effet, cette expression met en avant seulement l’un des marqueurs les plus courants de ce type d’expérience. Or, toutes les possibilités sensorielles sont en réalité impliquées : odeurs, formes, touchers, couleurs, etc.

35En pratique, l’adhésion aux groupes de nouveaux membres se fait souvent par orientation de leurs patients par des psychiatres favorables, moins par un effet de bouche-à-oreille entre patients et ex-patients, encore moins par réseautage entre l’ensemble des personnes qui seraient susceptibles d’être concernées (usagères de services ou pas). Or, cette modalité d’entrée dans un groupe par orientation d’un psychiatre peut poser divers problèmes. Suivant la présentation effectuée préalablement par le psychiatre, les groupes entendeurs de voix peuvent être perçus comme un moyen thérapeutique proposé par l’établissement public de santé mentale, voire comme une contrainte supplémentaire imposée dans le cadre de l’hospitalisation.

36Les spécificités de la relation entre pairs nécessitent pour exister une reconnaissance réciproque entre pairs. Or, la qualité de pair attribuée par un professionnel ou un acteur institutionnel modifie la perception dudit pair. Il est alors souvent appréhendé davantage comme un professionnel, ou bien comme un bénévole au service d’une institution. La relation de pairs, avec ses effets corollaires, ne s’enclenche alors pas.

37Si les groupes d’entendeurs de voix aménagent systématiquement l’espace social dans la perspective d’une pleine participation de chaque membre par la mise en œuvre du principe de consentement de chacun à l’introduction d’un nouveau venu, ou encore en veillant à une composition donnant la part belle aux entendeurs de voix, il n’en reste pas moins que ce type de relation est sensible aux types d’identification et de reconnaissance réciproques établies. Le pair n’est pas pair par sa désignation extérieure à la conscience de l’individu, mais par sa reconnaissance subjective et singulière.

Des principes de fonctionnement sécurisant la participation au groupe de pairs

38Partager une expérience stigmatisée avec d’autres, y compris avec ses pairs, suppose une sécurisation a priori des échanges. C’est pourquoi un autre type de travail sur les facteurs environnementaux a été engagé. Il a porté sur les principes de fonctionnement des groupes.

39Une grande variété de fonctionnements est observable in situ. À chaque groupe son organisation, sa fréquence, sa taille, ses règles, ses horaires, ses lieux, ses modalités d’adhésion, ses réseautages ou non, ses partenariats ou non, etc. Cependant, un principe fait unité : ne pas décider à la place de l’entendeur de voix du sens à attribuer à ses expériences. Les explications données à l’expérience des voix par l’entendeur peuvent être de tous ordres : psychiatriques, parapsychologiques, religieuses, métaphysiques, ou encore issues de la psychologie cognitive, de la psychologie sociale, des modèles psychanalytiques, etc. Les membres des groupes s’engagent à accepter toute explication et à ne pas imposer les leurs propres. Second principe au fondement de ces rencontres entre pairs : construire un espace social de rencontres au sein duquel chacun se sent suffisamment à l’aise pour s’exprimer en confiance sur son expérience. Les groupes se donnent donc des règles, les modifient ou en rajoutent avec l’arrivée de nouveaux membres. En début de séance, chacun peut exprimer aux autres ce dont il a besoin pour pouvoir s’exprimer librement. Ces règles doivent recevoir le consentement de chacun pour être appliquées. Elles peuvent porter sur la confidentialité, le respect de la vie privée, sur les modalités de la prise de parole, sur la facilitation du groupe, sur le respect réciproque, etc.

40Les fonctionnements de ces groupes, aussi hétérogènes soient-ils, présentent donc la double caractéristique de bâtir des règles d’échanges sur mesure, en fonction de chacun, également de ne pas sémantiser l’expérience de l’entendeur de voix à sa place. Ainsi, ces principes partagés par les membres du groupe génèrent un espace social spécifique par l’aménagement des facteurs environnementaux « organisations communautaires » et « règles sociales » (voir PPH). La participation est favorisée par l’établissement d’un cadre sécurisant, mais aussi par l’attention portée au fait de ne pas déposséder l’autre de son expérience. On voit ici apparaître deux conditions nécessaires à la participation sociale au sein d’un groupe de pairs, chacune permettant d’éviter les écueils des échanges sociaux plus ordinaires. On peut faire l’hypothèse que les pairs ayant vécu cette dépossession du sens de leurs expériences et la stigmatisation sont enclins à accepter les règles proposées par leurs pairs et à les appliquer. Une fois chacun s’étant exprimé sur la manière dont il a besoin d’être respecté, peu de discussions se développent.

Les apports spécifiques de la participation aux groupes de pairs : les savoirs expérientiels

41Une relation de pair à pair se déroulant favorablement peut apporter beaucoup à ceux vivant l’épreuve de voix négatives, la stigmatisation et la discrimination au quotidien : l’espoir d’une vie meilleure, le renforcement de l’estime de soi et de la confiance en soi, la conviction en sa capacité propre de changement, le sentiment de ne plus être seul au monde et d’avoir trouvé une communauté d’appartenance, la croyance en sa dignité à être aidé et la possibilité de s’ouvrir à l’entraide, l’acceptation de son besoin d’aide, également d’autres supports identitaires moins stigmatisés et d’autres perspectives d’avenir (Gardien, 2017). Le groupe de pairs est également un espace social au sein duquel les échanges et les confrontations des expériences similaires permettent l’élaboration et la production d’un type de savoir spécifique : les savoirs expérientiels.

Élaborer entre pairs à partir de l’expérience

42La rencontre entre pairs ouvre la possibilité de partages et d’échanges autour de la mise en récit d’expériences d’entente de voix. Cette possibilité est généralement excessivement rare dans un autre contexte social, y compris dans le cadre d’un rendez-vous avec son psychiatre. Cette opportunité permet de se départir des habitudes et croyances de sens commun sur le sujet, de s’émanciper des points de vue situés hors de l’expérience. En effet, les entendeurs de voix vivent usuellement une franche remise en cause de leur lucidité pour ce qui est de leurs expériences, et ce quels que soient les acteurs sociaux. Leurs expériences sont couramment qualifiées d’hallucinations, de délires, de folie, d’égarements ou bien de divagations, etc. En conséquence de ces épreuves récurrentes, les entendeurs de voix ne s’autorisent pas souvent à développer une réflexivité sur leurs vécus, à l’instar d’autres groupes vivant des situations sociales aux conséquences similaires, par exemple les personnes en situation de grande pauvreté (Carrel et al., 2017).

43D’autres raisons viennent également surdéterminer cette non-émergence des savoirs expérientiels. Les inégalités épistémiques n’expliquent pas à elles seules ces effets de non-production, de non-diffusion ou encore d’ignorance. En effet, certains savoirs participent à l’activité perceptivo-cognitive (Weil-Barais, 2001). Leur incorporation permet leur mobilisation spontanée et sans réflexion. Elle favorise une reconnaissance rapide de l’entité s’imposant à la conscience de l’entendeur de voix, permet d’anticiper sa personnalité et les modalités pratiques d’adaptation à cette relation non choisie. Autrement dit, des savoirs issus des expériences antérieures de la relation à la voix contribuent à la lecture de la situation présente. L’incorporation de ces savoirs n’autorise plus leur distinction des perceptions en cours, ni leur discrimination en savoirs distincts de l’expérience présente. Certains savoirs expérientiels participent de l’expérience des voix ; pour cette raison, ils sont ignorés en tant que savoir et reconnus comme expérience. Il peut en être de même pour des savoirs pratiques, dont la formalisation orale et la transmission s’avèrent difficiles du fait de l’impossibilité courante de leur mise en mots rigoureuse. D’autres causes expliquent également cette ignorance quasi généralisée des savoirs expérientiels relatifs à l’entente de voix, par exemple le contexte de pertinence (Berger, Luckmann, 1996). Les savoirs sur l’entente de voix ne peuvent être élaborés hors de l’expérience et intéressent principalement ceux la vivant. En outre, dans le champ de la santé mentale, les professionnels optent couramment pour refuser d’investiguer les expériences d’entente de voix au motif de ne pas les susciter ou les renforcer. Aussi, ces savoirs sont-ils peu distribués socialement, sans être véritablement réservés à des privilégiés. Ils peuvent également être disqualifiés car n’étant pas fondés sur une démarche scientifique, etc.

44Il n’est pas évident de construire des savoirs sur des expériences aussi stigmatisées et stigmatisantes que l’entente de voix. Le challenge du passage de l’expérience à un savoir formalisé n’est pas seulement cognitif. Il s’agit également d’une épreuve sociale. Le rassemblement entre pairs, au moins temporaire, peut permettre de la dépasser. L’efficacité des groupes de pairs pour produire des savoirs sur des situations stigmatisantes a été également attestée dans le cadre des épistémologies féministes et postcolonialistes (Carrel et al., 2017).

45La rencontre avec des pairs peut initier des échanges menant au constat d’une certaine similarité des expériences traversées. Au sein de cet espace social, prendre au sérieux les vécus de ce type, les confronter, les examiner est une possibilité offerte sans la contrepartie systématique de jugements négatifs. En outre, ne relevant plus uniquement de l’expérience d’un seul, l’individu ne se sent plus en minorité ou isolé. Sa parole retrouve une certaine crédibilité, tout du moins à l’intérieur du groupe de pairs – autant de conditions favorisant l’élaboration des expériences.

46L’écoute des expériences de ses pairs amène couramment à les confronter avec les siennes propres. Ces dernières sont alors regardées et comprises à l’aune d’autres questions, d’autres hypothèses, d’autres perspectives. Ces récits sont comparés, distingués pour certains aspects, assimilés pour d’autres, les expériences sont caractérisées, etc. Cette réflexion, stimulée par les échanges, ce recul acquis au fil des rencontres, ces conclusions progressivement établies forment un premier niveau de savoirs expérientiels. Partagés avec les pairs, ils sont parfois aisément acceptés, d’autres fois âprement discutés. Cette réflexivité collective les modifie, les façonne, les affine vers davantage d’exactitude et de pertinence au fur et à mesure des échanges.

47Les retours sur l’expérimentation de certains de ces savoirs permettent également de les perfectionner. Un second niveau de savoirs expérientiels, plus collectif, davantage intersubjectif, ancré dans l’analyse de l’expérience, se constitue alors.

48Le consensus peu à peu établi sur la base de l’examen collectif des informations partagées autorise certains groupes à définir autrement les problèmes rencontrés, hors des habitudes de penser et des conventions sociales, du point de vue de l’expérience :

49

« [E]ntendre des voix n’est pas une maladie. […] Ce qui définit cet état de fait [l’entente de voix] comme un problème est notre rapport aux voix, le sens que nous leur donnons et les conséquences que leurs présences peuvent avoir sur notre vie. Nous entendons tous des voix dans nos rêves sans que cela pose la moindre difficulté. Aussi, pour ceux qui sont capables d’entendre des voix à l’état de veille, le défi est avant tout de développer une vigilance suffisamment forte, un état d’esprit plein d’acuité, pour empêcher que cette expérience ne soit envahissante ».
(May, Hayes, 2012, p. 195)

50Définir le problème à partir de l’analyse collective entre pairs de l’expérience d’entente de voix peut donc orienter vers d’autres solutions que l’hospitalisation et la médication. En l’occurrence, les pairs souhaitent généralement retrouver du pouvoir sur eux-mêmes et sur leur vie, et pourquoi pas tirer bénéfice de leurs expériences. Au-delà de la peur déclenchée par le fait même de ce vécu hors norme, ceux qui vivent ces expériences affirment que toutes les voix ne s’avèrent pas négatives ou destructrices. Certaines peuvent même être qualifiées d’amies (Jo, 2015, p. 5-6). Et, lorsque les voix sont vécues comme envahissantes et tyranniques, leur disparition n’est pas toujours pour autant un soulagement, mais l’expérience d’une perte de repères structurant le quotidien.

51Aussi, au sein du mouvement des entendeurs de voix, la finalité n’est pas la guérison ou l’arrêt de l’entente des voix. Il s’agit plutôt d’apprendre à s’adapter à ces phénomènes, à faire avec, en fonction des objectifs propres à chaque individu, à limiter leur impact et leur emprise sur la vie quotidienne. C’est dans cette perspective qu’au sein des groupes de pairs se développent peu à peu des techniques de « gestion des voix ».

De quelques savoirs expérientiels pour faire avec l’expérience des voix

52L’expérience d’entendre des voix et la relation bâtie à cette expérience sont complexes. Des entendeurs ayant des voix négatives et/ou souhaitant reprendre en main leur existence ont inventé des façons de faire face à ces phénomènes, également aux émotions qu’ils suscitent. Il n’existe cependant aucune solution miracle. Certaines techniques conviennent à tel entendeur de voix, mais pas à tel autre. Les solutions présentées ci-après sont parmi celles les plus couramment reconnues comme utiles.

53La plupart des entendeurs de voix menant une vie faisant sens à leurs yeux allient l’exercice de plusieurs techniques, en fonction de ce qu’ils ont compris de ces phénomènes et d’eux-mêmes, de leurs objectifs et aspirations du moment, des contraintes et des ressources de leur environnement, de leur potentiel personnel du moment.

54Découlant de l’analyse des conditions favorisant l’apparition des phénomènes, certains entendeurs de voix savent prévenir l’apparition de ces expériences, réduire leur fréquence ou leur emprise en réaménagement certains aspects de leur mode de vie (Deegan, 1995, p. 14-21). Par exemple, ils pourront décider de ne plus consommer différentes substances catalysatrices : stupéfiants, médicaments, produits naturels. D’autres opteront pour une meilleure hygiène de vie : veiller à la quantité et à la qualité de leur sommeil, faire du sport, pratiquer régulièrement de la relaxation, etc. D’autres encore seront particulièrement attentifs à ne pas dépasser un certain niveau de stress ou de fatigue.

55D’autres techniques mobilisent l’environnement pour réguler l’apparition, l’intensité ou l’emprise des voix (Deegan, 1995, p. 5-15). Aussi étonnant que cela puisse être, certains entendeurs de voix introduisent des bouchons de cire dans leurs oreilles pour diminuer le volume sonore ou réduire au silence les voix. Pour d’autres ou les mêmes, s’isoler ou au contraire s’investir dans des relations humaines permet un peu de répit. Les stratégies dites « de distraction » – par exemple : jouer à des jeux vidéo, lire un bon roman à voix haute, écouter de la musique, pratiquer un sport collectif – peuvent également être très efficaces à court terme (May, Hayes, 2012).

56Une meilleure compréhension de l’expérience des voix fondée sur la prise de recul émotionnelle et l’analyse que permettent les groupes de pairs, également l’expérimentation de diverses techniques, apportent aussi leur lot de solutions durables (Smith, Coleman, Good, 2003 ; May, Hayes, 2012). La rédaction d’un journal intime et sa relecture analytique permet à certains de réaliser progressivement que leurs voix n’ont pas les pouvoirs qu’elles prétendent. Ils peuvent alors se positionner autrement vis-à-vis d’elles et transformer progressivement ses relations imposées pour qu’elles leur soient moins néfastes. D’autres, grâce au soutien de leurs pairs, trouvent le courage de résister volontairement aux ordres des voix, de répliquer frontalement aux injures et aux humiliations, de mettre au défi les voix d’exécuter leurs menaces. Ils obtiennent alors peu à peu la certitude et les preuves du peu de puissance réelle des voix, et peuvent alors desserrer l’emprise de ces phénomènes sur leur vie. D’autres entendeurs de voix encore adoptent la technique du « temps partagé ». Il s’agit de réserver un moment aux voix – plusieurs fois dans la journée ou par semaine – et de renvoyer toute manifestation des voix à ces temps de disponibilité dédiée, en refusant de les écouter dans l’immédiat. La détermination à imposer ce cadre de relation aux voix permet couramment d’imposer à terme qu’une large part de leur vie quotidienne soit exempte de ces phénomènes. Leur vie reprend alors un cours normal entre deux temps de rencontres avec les voix.

Conclusion

57Le groupe d’entendeurs de voix est couramment vécu comme un espace social sécurisant où l’expérience des voix peut être abordée sans subir en retour stigmatisation et discrimination. Pour les membres de ces groupes, ces rencontres permettent de briser le silence, de pouvoir parler ouvertement et régulièrement des phénomènes, d’être écouté et soutenu, de s’ouvrir à l’expérience des autres dans toute leur diversité, de rencontrer des pairs dont l’expérience est proche, et, pour certains entendeurs de voix, de trouver une communauté d’appartenance.

58Selon le modèle du PPH, le handicap découle de l’interaction entre facteurs personnels et facteurs environnementaux et se caractérise par une moindre participation sociale. Il est donc possible d’intervenir sur ce processus de production du handicap à deux niveaux : celui de l’individu et celui de son environnement. L’analyse de ces groupes à l’aune de ce modèle théorique met en lumière leurs spécificités : l’action ne porte pas tant sur l’individu ayant des expériences d’entente de voix que sur l’aménagement des facteurs environnementaux pour faciliter la participation sociale aux groupes de pairs. Penser la composition des groupes de façon à valoriser la parole des pairs, ne pas déposséder l’entendeur de son expérience, mais le laisser la sémantiser, ne pas le juger négativement du fait de ses expériences, produire des règles de fonctionnement sur mesure et avec le consentement de chacun sont autant de principes ouvrant cet espace social sur la possibilité d’échanger, d’élaborer, de définir les problèmes et d’inventer des solutions sur la base des expériences partagées entre pairs.

59Des savoirs expérientiels peuvent alors se constituer : savoirs portant sur les conditions d’émergence des phénomènes et leur régulation, savoirs focalisant sur la gestion à court terme des phénomènes, savoirs centrés sur la réduction à long terme de l’emprise des phénomènes sur la vie ordinaire. Ces savoirs expérientiels issus de la créativité et du partage entre pairs sont en écart aux définitions du problème en termes pathologiques proposé par la psychiatrie ou par les professionnels du champ de la santé mentale. Les solutions découlant de ce processus d’élaboration collective entre pairs sont également assez différentes. Ces dynamiques d’« autodéfinition » par l’élaboration d’une perspective propre ont déjà été constatées dans d’autres espaces sociaux tels certains courants féministes noirs (Collins, 2000, p. 251-272). Elles permettent de construire progressivement, collectivement et autrement, la réalité institutionnalisée et intersubjective au fondement des vies quotidiennes (Berger, Luckmann, 1996), de renégocier les identités (De Queiroz, Ziolkowski, 1997) en sortant régulièrement bien que momentanément de l’ornière de la stigmatisation.

60Autre particularité de la production de ces savoirs expérientiels : chaque pair est autorisé à s’essayer. Aucun prérequis à la participation n’est véritablement exigé, aucune sélection n’est organisée : chacun reste légitime à penser son expérience et interroger celles des autres tout le temps de sa participation au groupe. Chacun peut donc contribuer à l’élaboration collective de savoirs expérientiels et potentiellement monter progressivement en compétences. Cette non-évaluation a priori des capacités est-elle un impensé ? Un déni ? Un évitement ? L’analyse au long cours de ces groupes de pairs permet d’avancer une autre hypothèse. En effet, les capacités à être facilitateur sont par exemple discutées. La question des capacités fait donc sens et argument. En outre, parmi les entendeurs de voix ayant été hospitalisés, un certain nombre se sont vus mis sous tutelle ou curatelle au motif de leurs incapacités. Ce sujet des capacités est donc sensible, innervant en filigrane l’expérience d’entente de voix, induisant perte de confiance et baisse de l’estime de soi. C’est pourquoi, dans ses groupes de pairs, il est tacitement évité de reproduire les comportements et les jugements antérieurement subis. Les entendeurs de voix ne jugent pas a priori des incapacités de leurs pairs, mais, au contraire, laissent leurs capacités se déployer. Cette posture implicite est communément partagée.

61Néanmoins, si un nouveau type d’adresse ou d’habileté émerge de la rencontre et de la réflexion partagée entre pairs, si chacun est jugé légitime, certains seulement développent un véritable art de faire avec leurs voix, une aisance à éviter leurs possibles rapports d’emprise sur la vie quotidienne. Ces entendeurs de voix peuvent être d’un grand soutien pour leurs pairs, sous réserve de certaines conditions (Gardien, 2017). Ce développement d’une facilité dans l’adaptation au phénomène des voix est, en ce sens, une expertise (Evans, 2008), même si celle-ci n’est pas reconnue par un diplôme ou un mandat, même si elle ne procède pas d’une démarche scientifique. Cette expertise sur la « gestion des voix » n’est pas nécessairement à opposer à celles du champ de la psychiatrie et de la santé mentale. Qu’il s’agisse de pairs engagés dans un accompagnement de leurs pairs, ou simplement de membres participant à un groupe d’entendeurs de voix, nombreux sont ceux sollicitant toujours le soutien des professionnels du secteur psychiatrique.

62L’édification de savoirs et d’une possible expertise expérientiels redéfinit les rapports aux experts patentés. Le psychiatre comme le travailleur social sont toujours interpellés pour leurs compétences spécifiques. Mais les raisons de cette sollicitation sont l’évaluation par la personne directement concernée de ses besoins. Elle est donc actrice et au cœur de son accompagnement, tout en étant autodéterminée car décidant par elle-même des soutiens qu’elle demandera. Les soutiens sont recherchés en fonction de ce qu’ils sont imaginés pouvoir apporter. Il ne s’agit plus de se remettre dans les mains du médecin psychiatre ou du travailleur social pour résoudre la situation, mais de mobiliser les compétences de ces experts professionnels dans une vie restant orientée par la personne. Dans ce nouveau rapport aux experts patentés, leur utilité et leur pertinence sont redéfinies comme soutien, ressource ou encore moyen. Le pouvoir de décider de sa vie reste dans les mains de la personne directement concernée. Ainsi la participation sociale à des groupes de pairs, par la production de savoirs et d’une éventuelle expertise expérientiels qu’elle suscite, a également des effets de démocratisation des champs sanitaire, social et médico-social, de capacitation des usagers, d’émancipation de ces derniers de la tutelle des professionnels.

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Mots-clés éditeurs : pair, entraide mutuelle, entente de voix, expérience, soutien, savoir expérientiel, savoir, handicap, expertise, participation, schizophrénie, groupe

Date de mise en ligne : 28/03/2019

https://doi.org/10.3917/parti.022.0029

Notes

  • [1]
    Loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale ; loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
  • [2]
    Ce travail d’enquête s’est d’abord développé au sein du programme ANR SocioResist (2012-2016). Il se poursuit aujourd’hui dans le cadre du programme EXPAIRs, labellisé par la Maison des Sciences de l’Homme de Bretagne.
  • [3]
    État partie : terminologie désignant un État ayant signé le texte international porté par l’ONU.
  • [4]
    UPSIA : Union of the Physically Impaired Against Segregation.
  • [5]
    RIPPH : Réseau international sur le Processus de production du handicap.
  • [6]
    La littérature scientifique recensant les cas d’entente de voix est relativement restreinte et soumise aux aléas de l’autodéclaration d’une qualité faisant l’objet d’une forte stigmatisation. Les travaux dénombrant les cas de schizophrénie sont eux beaucoup plus nombreux et plus rigoureux d’un point de vue épidémiologique. Mais ils présentent le désavantage majeur de ne prendre en compte que les personnes ayant reçu un diagnostic psychiatrique, autrement dit une population plus réduite (estimée à environ 16 % de la population des entendeurs de voix. Voir Romme, Escher, 2000).

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