Notes
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[1]
C’est notamment le cas en France (Poitou-Charentes, Nord-Pas-de-Calais), en Italie (Toscane, Émilie-Romagne) et en Espagne (Catalogne).
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[2]
Quelle que soit la notion utilisée, il s’agit de centrer l’attention sur la capacité d’individus à faire circuler des idées ou des pratiques au regard de leurs ressources et de leur multipositionnement.
-
[3]
Michel Callon définit l’intéressement comme « l’ensemble des actions par lesquelles une entité […] s’efforce d’imposer et de stabiliser l’identité des autres acteurs qu’elle a définis par sa problématisation » (1986, p. 185).
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[4]
On utilisera davantage la notion de « référence » qui permet de se défaire d’une vision substantialiste que peuvent charrier ces trois notions.
-
[5]
La question de la réception et de l’hybridation de références étrangères a donné lieu à une littérature abondante (Dumoulin, Saurugger, 2010).
-
[6]
La comparaison transnationale adossée à une approche monographique évite de penser isolément les cas, c’est-à-dire permet de s’intéresser à leurs interdépendances mais également de prendre en considération les processus plus que les variables dans l’approche comparative (Hassenteufel, 2005).
-
[7]
La convention industrielle de formation par la recherche, dispositif qui a financé ma thèse, me liait contractuellement à la région Nord-Pas-Calais pour laquelle je devais produire de l’expertise (Alam et al., 2012).
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[8]
Agostino Fragai est élu pour la première fois comme conseiller régional en 2000. Membre du Partito Democratico (PD), il entre dans l’exécutif à la faveur d’équilibres territoriaux entre les différentes fédérations locales de Toscane.
-
[9]
Celui-ci s’entoure alors d’un directeur de cabinet membre du PD et spécialiste des questions sécurité urbaine, Manuele Braghero, et nomme Antonio Floridia, directeur de l’observatoire régional des élections, fonctionnaire et politiste spécialiste en sociologie électorale.
-
[10]
En entretien, il explique être « non colto » – que l’on pourrait traduire par « inculte » – et avoir tout appris au contact de ces experts (Entretien Agostino Fragai, vice-président à la démocratie participative, Empoli, 6 juin 2013).
-
[11]
Ils ne sont pas les seuls experts mobilisés dans le cadre de l’élaboration de la loi. Il existe également tout un groupe d’urbanistes organisés au sein d’un collectif – la Rete nel nuovo municipio – qui participent à l’élaboration de la loi. Sans pouvoir entrer dans les détails, ils sont davantage inscrits dans la mouvance altermondialiste et promeuvent une version latino-américaine de la participation, en mettant tout particulièrement en avant le budget participatif de Porto Alegre.
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[12]
L’ensemble de ces acteurs forme un comité technico-politique qui se réunit plusieurs fois par mois pendant l’élaboration de la loi.
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[13]
Luigi Bobbio connaît bien Iolanda Romano. Il joue régulièrement le rôle de garant pour des dispositifs qu’elle organise.
-
[14]
On retrouve des références aux travaux de Luigi Bobbio dans le premier document administratif recensé pendant l’enquête, relatif à la réforme et rédigé par Antonio Floridia en septembre 2005. Voir A. Floridia, Democrazia deliberativa, democrazia rappresentativa, concertazione sociale : ipotesi e note preliminari per una legge regionale sulla partecipazione, 30 septembre 2005 (http://www.regione.toscana.it/-/il-percorso-di-costruzione-della-legge-sulla-partecipazione, accès le 25/03/2016).
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[15]
Entretien Manuele Braghero, directeur de cabinet du vice-président à la démocratie participative, Florence, 1er décembre 2011. Toutes les traductions pour les besoins de cet article ont été effectuées par mes soins.
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[16]
Notamment au sein du master 2 « Affaires publiques, parcours ingénierie de la concertation » dirigé par Loïc Blondiaux à l’Université de Paris Panthéon-Sorbonne.
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[17]
Ce laboratoire a été fondé par Luigi Bobbio en 2003 à la suite d’un rapport émis pour le compte de la présidence du Conseil italien, conçu comme un état des lieux des pratiques participatives en Italie et dans le monde. Ce laboratoire ne développe des recherches que sur commande publique.
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[18]
Luigi Bobbio organise dans le cadre de ces recherches les premiers jurys citoyens en Italie, ou encore des sondages délibératifs.
-
[19]
L. Bobbio, 2005, « Quando la deliberazione ha bisogno di un aiuto: metodi e tecniche per favorire i processi deliberativi [Quand la délibération a besoin d’aide : méthodes et techniques pour favoriser les processus délibératifs] », in L. Pellizzoni (dir.), La deliberazione pubblica, Rome, Meltemi, p. 177-202 ; L. Bobbio, 2005, « La democrazia deliberativa nella pratica [La démocratie délibérative en pratique] », Stato e mercato, 73, p. 67-88. Il est également l’auteur d’un rapport pour le compte de la présidence du Conseil italien. Voir Bobbio L. (dir.), 2004, A più voci. Amministrazioni pubbliche, imprese, associazioni e cittadini nei processi decisionali inclusivi, Dipartimento della funzione pubblica per l’efficienza delle amministrazioni, Presidenza del Consiglio del ministri, Analisi e strumenti per l’innovazione.
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[20]
Concomitamment à sa participation à la création de la loi toscane.
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[21]
Son objectif est alors d’expérimenter les dispositifs dont elle a pu avoir connaissance via son expérience à l’international, comme elle le raconte en entretien (Entretien Iolanda Romano, directrice d’Avventura Urbana, Paris, 16 décembre 2010).
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[22]
Luigi Bobbio écrit notamment dix-sept publications entre le milieu des années 1990 et le milieu des années 2000 dans des revues étrangères (en français, allemand, portugais et anglais). Il parle par ailleurs couramment le français, l’italien et l’anglais.
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[23]
Il s’agit d’ailleurs de la seule tâche pour laquelle il est rémunéré.
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[24]
Entretien Luigi Bobbio, professeur de science politique à l’université de Turin, Turin, 13 avril 2013.
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[25]
On peut évoquer l’article d’un grand quotidien national, La Repubblica, qui en dresse un portrait particulièrement élogieux. Voir S. Poli, « Cittadini e partecipazione. La Toscana impara dal mondo », La Repubblica, 20 mai 2006.
-
[26]
Cette mise en scène n’a d’ailleurs rien d’original. On retrouve la même stratégie en région Poitou-Charentes, où dès 2006 est organisé un colloque intitulé « Rencontre Europe-Amérique sur la démocratie participative », qui réunit chaque année et jusqu’en 2010 des universitaires et praticiens. On y retrouve d’ailleurs peu ou prou les mêmes experts (Nick Wates, Yves Sintomer, Luigi Bobbio). En outre, l’invitation d’acteurs toscans comme Manuele Braghero ou Luigi Bobbio montre comment la fin des années 2000 voit la constitution d’un petit réseau restreint d’acteurs spécialisés sur la DP régionale.
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[27]
Il s’agit pour la plupart de chercheurs italiens voire toscans spécialistes de la question participative. On y trouve Paul Ginsborg, historien à l’Université de Florence d’origine anglaise, naturalisé italien et militant reconnu nationalement dans la réforme de la démocratie italienne ; Massimo Morisi, professeur de science politique à l’Université de Florence ; ou encore Giovanni Allegretti, chercheur florentin en urbanisme, professeur à l’Université de Coimbra au Portugal.
-
[28]
L. Bobbio, Proposta di convegno, note de présentation du colloque, 7 février 2006 [archive personnelle].
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[29]
Dans le rapport soumis aux parlementaires lors du premier débat sur la proposition de loi, le 27 mars 2007, ce colloque est expressément mentionné. Il est évoqué comme un colloque « lors duquel ont été présentés divers modèles de “démocratie participative”, qui lors de la dernière décennie, ont été expérimentés dans diverses parties du monde : de l’Australie à la France, de la Grande-Bretagne au Brésil. Il s’est agi, aux dires de nombreux observateurs et des scientifiques présents, du premier colloque italien où cet objet a été traité et analysé ». L’ensemble des universitaires présents sont présentés ainsi qu’un résumé des propos qu’ils ont pu tenir lors du colloque. Voir Consiglio regionale, Documento preliminare : orientamenti per una legge sulla partecipazione, http://www.regione.toscana.it/-/il-percorso-di-costruzione-della-legge-sulla-partecipazione (accès le 25/03/2016).
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[30]
Dans les sources écrites toscanes, les acteurs toscans utilisent régulièrement l’expression « débat public » en français ou alors il est fait mention du « dibattito pubblico francese ». Le débat public est une procédure participative instituée en France par la loi Barnier, en 1995, qui oblige à la mise en œuvre de procédures de concertation sur des projets d’infrastructures dont le montant dépasse les trois cents millions d’euros. Ces procédures de concertation sont « garanties » par une autorité administrative indépendante, la Commission nationale du débat public.
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[31]
Il s’agit de la thèse de Jacques Lolive sur le projet de ligne TGV Méditerranée qui constitue un tournant dans l’institutionnalisation du débat public en France (Lolive, 1997).
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[32]
Le directeur « jeunesse » de la ville de Turin, qu’elle connaît – elle dira de lui : « C’est un visionnaire vraiment, c’est aussi la première personne qui utilise l’open space technology en Italie, toutes les plus grandes expérimentations de ces dernières années je les ai faites avec lui » –, lui explique devoir organiser une rencontre pour les jeunes et est à la recherche d’un dispositif permettant de « marquer le coup ». On voit bien ici comment l’offre n’est possible que parce qu’une demande existe, et que cette dernière est liée aux réseaux d’interconnaissances préexistants.
-
[33]
Une réflexion équivalente est menée par Marie-Hélène Sa Vilas Boas pour le Brésil sur l’engagement d’intellectuels, d’experts et de chercheurs en science politique dans la construction d’un État central défaillant (Sa Vilas Boas, 2012).
-
[34]
L. Bobbio, 2006, « Discutibile e indiscussa : l’Alta velocità alla prova della democrazia », La rivista il Mulino, 423, p. 127 (je souligne).
-
[35]
Outre l’ouvrage américain Breaking the Impasse. Consensual Approaches to Resolving Public Disputes (Susskind, Cruikshank, 1987), des auteurs français évoquant des expériences de débat public sont cités : les travaux de Jacques Lolive sur la ligne TGV Méditerranée (1997), l’ouvrage de Michel Callon, Pierre Lascoumes et Yannick Barthe (2001) ou encore un article de Cécile Blatrix sur le débat public (2002). La littérature sert ici explicitement à montrer les avantages du débat public français dans le cadre de conflits de ce genre.
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[36]
Il faudrait s’intéresser sur le temps long au processus d’« harmonisation cognitive » dont fait l’objet le débat public à travers la formation de « communauté d’interconnaissance » et d’« intertextualité », processus entendu comme emprunts croisés d’écrits entre espaces savants et politiques. Cela permettrait de mieux comprendre comment cette solution est valorisée et diffusée sur la base d’un stock de connaissances communes par-delà les frontières (Saunier, 2008).
-
[37]
Il y est d’ailleurs présenté comme appartenant à la grande famille des dispositifs délibératifs aux côtés du plus célèbre d’entre eux pour les professionnels de la participation, le deliberative polling de James Fishkin. S’il n’est d’ailleurs jamais fait référence au père de la démocratie délibérative, Habermas, la plupart de ses dimensions sont mobilisées.
-
[38]
Avventura Urbana, non daté, Che cos’è il Town Meeting, p. 2, http://www.comune.torino.it/treguaolimpica/youngwords/programma/townmeeting.pdf, accès le 26/03/2016 (souligné par l’auteure).
-
[39]
Ibid. (souligné par l’auteure).
-
[40]
Entretien Iolanda Romano, directrice d’Avventura Urbana, Paris, 16 décembre 2010.
-
[41]
I. Romano, 2006, Costruire una Legge Regionale sulla partecipazione : proposta per la realizzazione di un evento di democrazia partecipativa, Avventura Urbana, janvier 2006 [archive personnelle].
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[42]
Ibid. Souligné par l’auteure.
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[43]
Ce processus d’intéressement s’inscrit bien évidemment sur le temps long. Si les acteurs institutionnels nous expliquent en entretien avoir lu les différents travaux de ces experts, il n’en demeure pas moins que les discussions au sein du comité technico-politique ont pu permettre aux uns et aux autres de déployer bien plus finement leurs argumentaires.
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[44]
En comparaison, le coût moyen d’un dispositif participatif financé par la suite dans le cadre de la loi régionale est d’environ 30 000 euros. R. Lewanski, 2013, Rapporto annuale 2012-2013, Autorità regionale per la partecipazione.
-
[45]
Avventura Urbana, 2006, Le vie della partecipazione. Verso une legge regionale per la partecipazione des cittadini. Guida del partecipante, Electronic Town Meeting. Carrara fiere, 18 novembre 2006, p. 3, http://www.regione.toscana.it/documents/10180/23652/Guida%20del%20partecipante/0bc30937-baca-4f17-b1a8-bbf372bae1fb, accès le 25/03/2016 (je souligne).
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[46]
Entretien Agostino Fragai, vice-président à la démocratie participative, Pistoia, 6 juin 2013.
-
[47]
La CNDP est une autorité administrative indépendante instaurée par l’État français par la loi Barnier de 1995 qui organise et garantit le débat public sur les projets d’infrastructures.
-
[48]
Entretien Manuele Braghero, directeur de cabinet d’Agostino Fragai, siège du Conseil régional, Florence, 1er décembre 2011.
-
[49]
La maîtrise d’une expertise participative les amène d’ailleurs à être auditionnés en février 2012 et à présenter le débat public français dans le cadre d’une commission de réflexion sur la traversée ferroviaire Lyon-Turin créée par le gouvernement italien en 2006.
-
[50]
Entretien Agostino Fragai, Pistoia, 6 juin 2013.
-
[51]
Il participe en effet à un colloque en Chine organisé par un think tank local où il est invité par Yves Sintomer pour présenter le dispositif. Il explique, alors qu’on l’interpelle sur la différence de taille entre la Toscane et la Chine, que « the problem is not the population size but whether there are the techniques of drawing more people in. What are important are the tools you use ». L’argument technique qu’il mobilise ici est une preuve supplémentaire d’un intéressement réussi (voir l’interview sur le site : http://www.rights-practice.org/en/news/09aug_pp_conference.html).
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[52]
Le premier se déroule en novembre 2007 sur la politique de santé régionale. Puis, en 2009, un ETM transrégional avec la région du Piémont et les communes de Turin et de Florence porte sur la fin de vie. En février 2010, une variante de l’ETM, l’ETM-plan met en débat le plan paysager régional. L’année suivante, un ETM est organisé sur la politique de tourisme (Floridia, 2013). Les expérimentations multiples et leurs mises en adéquation avec le contexte spécifique de la politique publique en question participent d’un intéressement durable des acteurs de l’institution régionale.
-
[53]
Projet de fondation européenne pour la démocratie participative porté par la région Poitou-Charentes.
-
[54]
Cette coopération participe à la diffusion de l’ETM. Les agents picto-charentais l’utilisent dans le cadre de la réforme de leur budget participatif des lycées en 2010.
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[55]
Dans le cadre du programme, une série d’ETM est mise en œuvre à Belfast, Palerme, Houtskar en Finlande, Voroklini à Chypre. Voir http://www.parterre-project.eu.
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[56]
On pourrait faire la même analyse pour le cas du débat public où le rapprochement entre Luigi Bobbio et certains universitaires français proches de la CNDP – dont Loïc Blondiaux et Jean-Michel Fourniau – contribue à faire circuler et à faire connaître la loi toscane.
-
[57]
Cette association a été fondée en 1990 sous le nom d’Association internationale des praticiens en participation publique. Elle est de fait essentiellement composée de professionnels de la participation.
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[58]
Cet Italo-Américain est directeur de l’autorité régionale de 2008 à 2014. Professeur de science politique à l’université de Bologne, il est spécialiste des politiques environnementales. Il enseigne dans plusieurs universités étrangères (Sofia, Barcelone et Sidney) et est l’auteur de nombreuses publications sur la démocratie délibérative. Ses publications sont également l’occasion de défendre la loi toscane comme incarnation de la démocratie délibérative. Voir notamment R. Lewanski, 2013, « Institutionalizing Deliberative Democracy: the “Tuscany laboratory” », Journal of Public Deliberation, 9 (1), Article 10.
-
[59]
De 1989 à 1995, il est chargé de recherche, puis directeur de recherche à l’Institut régional pour la programmation économique de la région Toscane, un organisme de recherche financé par le Conseil régional. Il est le seul non-économiste de l’Institut : lui sont alors confiées des recherches davantage orientées vers la science politique, notamment l’étude des systèmes politiques et de la sociologie électorale. À la suite d’une réforme de cet institut, un certain nombre de chercheurs sont intégrés à l’administration régionale. Il prend alors la tête de l’Observatoire électoral régional. Il est à ce titre membre de la Société italienne d’études électorales, dont il prend la présidence en 2014.
-
[60]
Il participe par exemple à une conférence organisée par le Conseil de l’Europe le 5 novembre 2013 à Strasbourg pour présenter la loi régionale.
-
[61]
Il a récemment fait une communication portant sur la loi toscane au congrès de l’Association française de science politique organisé à Aix-en-Provence du 22 au 24 juin 2015.
-
[62]
A. Floridia, 2013, La democrazia deliberativa : teorie, processi e sistemi, Rome, éditions Carroci.
-
[63]
Il a par exemple été discuté par Nadia Urbinati, chercheuse en science politique à l’université de Columbia, le 13 juin 2013 à Florence.
-
[64]
Outre moi-même et les chercheurs cités plus bas, on peut également évoquer la thèse en cours d’Igor Fonseca de l’Université de Coimbra qui réalise une comparaison entre la Toscane et l’État brésilien du Rio Grande do Sul sous la direction de Giovanni Allegretti, un universitaire florentin ayant participé à l’élaboration de la loi toscane.
-
[65]
Il s’agit de Laurence Behrer (Université de Montréal), Louis Simard (Université d’Ottawa), Mario Gauthier (Université de Québec en Ouataouais) et de deux chercheuses françaises Magali Nonjon (Université d’Avignon) et Alice Mazeaud (Université de La Rochelle).
-
[66]
Sa trajectoire n’est pas sans rappeler celle de Luigi Bobbio et Iolanda Romano. Cet expert français qualifié de « gourou de la démocratie participative » par Antonio Floridia est ingénieur des ponts et chaussées, diplômé d’une prestigieuse école de commerce (ESSEC) et docteur en urbanisme. Il dirige le programme de développement urbain des Nations unies (UN-Habitat) et est expert auprès du groupe de recherche et d’échanges technologiques (GRET). Il enseigne par ailleurs dans plusieurs universités reconnues (London School of Economics, Université Paris 8, Harvard).
-
[67]
Séance de présentation de la loi toscane, Florence, 15 novembre 2010.
-
[68]
Ibid.
-
[69]
Cette remarque est d’ailleurs valable pour les sciences sociales : Andy Smith (2000) évoquait la tendance de nombreux travaux de recherche comparée à conférer un exotisme a priori aux cas étrangers, amenuisant fortement l’intérêt des mises en perspectives proposées.
-
[70]
Réunion de débriefing du voyage d’études, Orchies, siège de l’entreprise Leroux, 2 février 2011.
-
[71]
Ibid.
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[72]
Il participe notamment en tant qu’observateur à un jury citoyen en 2010 et engage une série d’enquêtes pour le compte du Conseil régional avec les étudiants de son master.
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[73]
Réunion de débriefing du voyage d’études, Orchies, siège de l’entreprise Leroux, 2 février 2011.
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[74]
« Le principal enseignement tiré de ce voyage d’études est qu’il existe une grande similitude entre les deux Régions : communauté de concepts, de référentiels, de langage ». Conseil régional Nord-Pas-de-Calais, Rapport à l’attention du bureau exécutif, 3 octobre 2011, p. 5.
1Dans le courant des années 2000, plusieurs Conseils régionaux en Europe développent des politiques publiques de démocratie participative (DP) [1]. Certaines régions, à l’image du Poitou-Charentes en France, s’érigent en laboratoire de la DP régionale (Mazeaud, 2010), constituant pour d’autres régions françaises le maître étalon qu’il s’agirait de copier (O’Miel, Mongy, 2014). C’est également le cas de la région Toscane en Italie et de la région Catalogne en Espagne, qui font figure de « modèles » tant elles sont vantées par une série d’experts, chercheurs et consultants.
2La façon dont certaines politiques publiques peuvent apparaître comme des exemples pour d’autres et sont érigées au rang de « bonnes pratiques » a été notamment traitée par la littérature sur la circulation des politiques urbaines. Les cas de villes comme Bilbao, devenue un véritable « fantasme » urbain suite à une politique de marketing territorial promue à l’international (Nicolas, 2014) ou de Vancouver hybridant des éléments urbains hongkongais et new-yorkais et circulant à travers des réseaux de professionnels de l’urbanisme (Douay, 2015), montrent la façon dont les standards se fabriquent au local (Devisme, Dumont, Roy, 2007). L’urbanisme apparaît comme un secteur où circulent des politiques publiques dont une série d’acteurs participe de leur promotion internationale, de leur circulation et in fine de leur réappropriation par d’autres collectivités. Le champ de la DP n’est pas en reste. Des dispositifs participatifs sont érigés en standards et diffusés à travers le monde. Le budget participatif constitue à bien des égards l’emblème de cette circulation. Forgé dans la ville de Porto Alegre, il a circulé par l’entremise d’experts internationalisés (Porto de Oliveira, 2010) et a été réapproprié sur les cinq continents, tout particulièrement en Europe (Sintomer, Herzberg, Röcke, 2008). Néanmoins, ces travaux apparaissent fortement marqués par les policy transfer studies (PTS), plus attachées à l’établissement de typologies de transferts et à la constitution de listes de variables expliquant la distance de la réappropriation locale au modèle qu’à une sociologie des acteurs qui y participent (Delpeuch, 2008, 2009).
3Cet article s’inscrit davantage dans le sillon des approches en termes de circulation (Saunier, 2004, 2008) et vise à saisir le travail des acteurs locaux et des experts internationalisés dans les jeux de circulations transnationales entre différentes collectivités locales. En s’intéressant à la manière dont la politique participative menée par le Conseil régional de la Toscane a été élaborée et aux acteurs qui y ont contribué, l’article vise à mettre en lumière la façon dont ce travail apparaît comme une référence mobilisable dans d’autres espaces réformateurs à la fin des années 2010. Il centre tout particulièrement l’attention sur le rôle de courtiers (Dezalay, Garth, 2002) ou de passeurs (Pierru, 2007) [2], et notamment d’experts internationalisés, dans les usages locaux de références étrangères qui constituent des recettes utiles pour des acteurs en quête de légitimité et de dispositifs pour produire leur politique publique (Béal, Pinson, 2009). Il s’intéresse par ailleurs aux opérations de théorisation (Strang, Meyer, 1993), de certification (Ancelovici, Jenson, 2012) de ces références et au travail d’intéressement des acteurs locaux opéré par ces experts (Callon, 1986 ; Akrich, Callon, Latour, 1988a, 1988b) [3]. L’article vise in fine à produire une sociologie des acteurs locaux et des experts engagés dans la production d’une politique publique, pour comprendre comment une institution parvient à se constituer en laboratoire d’expérimentations (Chelle, 2013) et à susciter l’intérêt d’autres institutions. Il s’agit par là d’interroger les notions mêmes de « standard », de « modèle » ou de « bonne pratique », pour montrer comment celles-ci relèvent d’un travail politique spécifique plutôt que d’une essence caractéristique d’une réforme qui se voudrait par nature innovante selon ses promoteurs [4]. Par ailleurs, l’hypothèse qu’avance cet article est que la circulation d’une pratique n’engage pas sa réappropriation locale. L’héritage séquentialiste des PTS amène souvent à séparer l’analyse des processus de circulation de la question de la réception [5]. Ainsi, à travers l’analyse d’un voyage d’études entrepris par le Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais en Toscane dans le but d’importer et de se réapproprier certains éléments de la politique toscane, on montrera que la (non-)réception d’une politique se joue dans le processus de transfert, les deux étant toujours inextricablement liés.
4L’enquête sur laquelle repose l’objet de cet article s’adosse à une comparaison transnationale [6] de la fabrique des politiques participatives toscane et nordiste visant à saisir les circulations transnationales de références étrangères entre différents espaces d’action publique locale. L’article concentre néanmoins l’attention sur le cas toscan, qui apparaît emblématique d’une réforme dont la fabrique se joue au centre d’une « configuration transnationale » (Hassenteufel, 2005). Plusieurs dispositifs étrangers ont en effet été importés et érigés en symboles de la politique publique (electronic town meeting américain, débat public français).
5Empiriquement, l’article s’appuie sur l’observation sur le long terme des relations entre les deux régions, et tout particulièrement du voyage d’études, menée dans le cadre d’une convention CIFRE [7]. La participation observante a par ailleurs permis d’étudier ces relations en actes (Alam, Gurruchaga, O’Miel, 2012). L’enquête s’appuie également sur une série d’entretiens menés avec des agents des Conseils régionaux (élus et techniciens) et avec les experts mobilisés localement (consultants et chercheurs en sciences sociales). Des archives ont été consultées, tant publiques que privées, permettant de retracer la façon dont ces références ont été promues et mises en œuvre localement.
6La première partie de l’article s’intéresse à la façon dont la politique régionale toscane a été élaborée. Elle concentre l’attention sur le profil d’experts internationalisés mobilisés localement, et à la manière dont ceux-ci contribuent à légitimer le processus de construction de la loi régionale et à fournir des références étrangères aux réformateurs locaux. La deuxième partie montre comment la loi régionale est promue par différents groupes d’acteurs (universitaires, fonctionnaires, élus) qui investissent des réseaux transnationaux et des scènes internationales (ONG, colloques, séminaires). Elle nuance néanmoins l’ascension du « modèle toscan » en décrivant les relations qui se nouent entre la région Toscane et la région Nord-Pas-de-Calais, et montre qu’il n’existe aucun automatisme entre circulation et réappropriation.
Experts et références étrangères dans la fabrique d’une politique régionale
L’engagement d’experts internationalisés
7En Toscane, le projet d’une loi régionale sur la DP émerge lors des élections régionales de 2005. La coalition sortante de centre gauche, nommée Toscana Democratica, l’inscrit dans son programme à la suite de mobilisations locales en faveur d’une politique régionale spécifique de participation. À l’issue de la victoire de cette coalition, un nouvel exécutif est nommé. Le président de Région octroie à Agostino Fragai [8] une vice-présidence aux réformes institutionnelles, et lui confie la mission d’élaborer la loi régionale [9]. Particulièrement ignorant du sujet [10], il s’entoure de deux experts turinois – Luigi Bobbio et Iolanda Romano – susceptibles de nourrir la construction de la politique [11]. Ils ne sont pas les seuls experts mobilisés dans le cadre de l’élaboration de la loi. Participe également un groupe d’urbanistes organisés au sein d’un collectif – la Rete nel nuovo municipio – ayant directement participé à l’inscription du projet de loi à l’agenda régional. Ces experts sont davantage inscrits dans la mouvance altermondialiste et promeuvent une version latino-américaine de la participation dont le budget participatif constitue l’étendard (O’Miel, 2015) [12]. Le premier contact entre les réformateurs locaux et les deux Turinois se fait via Iolanda Romano, lors d’un colloque sur la participation organisé par la municipalité de Florence en décembre 2005, auquel assiste A. Fragai. I. Romano y présente un dispositif de démocratie délibérative appelé l’electronic town meeting (ETM). A. Fragai l’invite alors à jouer le rôle de modératrice de l’assemblée de lancement du processus d’élaboration de la loi qui doit avoir lieu le 16 janvier 2006. C’est via cette dernière qu’il prend contact avec L. Bobbio [13], enseignant-chercheur en science politique spécialiste des questions de participation, dont il connaît déjà le nom [14].
8La mobilisation de ces différents experts est liée à la légitimation de la production de la politique publique, tout comme à la nécessité de l’alimenter en dispositifs participatifs. Mais plus largement, il s’agit de faire de la Toscane un laboratoire d’expérimentations :
« On a vu qu’il y avait aussi Bobbio qui avait été impliqué comme garant du Town Meeting et donc on a pris contact […] pour rappeler un peu l’histoire de la Toscane dans l’optique de la Toscane de la Renaissance, et donc, avec l’idée “regardons si la Toscane peut amener à elle de bonnes expériences”, de bonnes pratiques dans le monde, pour donner un coup de main, pour construire et nous, nous offrons un laboratoire pour tirer de nouvelles œuvres d’art, de nouvelles idées… c’est un peu l’idée de la Renaissance […] une occasion de trouver des expériences innovantes pour l’Italie et pour le monde sur le thème de la participation [15]. »
10Il s’agit donc de faire renaître la DP en Toscane, de constituer cet espace politique local en laboratoire mondial de la participation. Il est difficile de déterminer avec certitude l’antériorité de cette ambition par rapport à l’engagement de ces experts. Il n’en demeure pas moins que leur profil respectif apparaît bien ajusté avec cet objectif.
11Ces experts ont une trajectoire internationalisée et entretiennent un rapport au savoir qui fait d’eux à la fois des universitaires et des militants de la DP. Tout d’abord, ils se caractérisent par l’importance de leurs capitaux universitaires. Luigi Bobbio est titulaire d’un doctorat en sociologie et Iolanda Romano est diplômée en architecture et docteure en urbanisme. L. Bobbio est professeur de science politique à l’université de Turin. I. Romano enseigne également dans différentes universités européennes [16]. Elle est par ailleurs membre du laboratoire des politiques publiques, laboratoire de recherche de l’université de Turin dirigé par L. Bobbio. À travers ce laboratoire [17], ils s’engagent tous deux dans une série de recherches appliquées qui combinent études empiriques et action. Elles visent à produire des savoirs empiriques, mais également à promouvoir l’expérimentation de dispositifs participatifs plus ou moins inédits en Italie (jurys citoyens, open space technology, planning for real, sondages délibératifs) [18]. En définitive, ils sont autant universitaires spécialisés que praticiens confirmés de la DP.
12Cette dualité est d’ailleurs perceptible dans les publications qu’ils produisent sur la participation. Une partie d’entre elles promeut le développement de formes participatives et se présente comme une aide à leur mise en œuvre. C’est notamment le cas de L. Bobbio qui publie au début des années 2000 deux articles qui visent explicitement à démultiplier les dispositifs délibératifs comme réponse aux problèmes liés à la construction de projets d’infrastructures en Italie [19]. Ces deux experts participent ainsi à la production de savoirs pratiques sur la mise en œuvre de dispositifs participatifs, ainsi qu’à la défense de méthodes particulières, la plupart du temps issues d’expérimentations étrangères.
13Luigi Bobbio et Iolanda Romano disposent en outre d’un important capital cosmopolite, qui tient pour beaucoup à leur trajectoire professionnelle internationalisée. C’est tout particulièrement le cas de I. Romano qui exerce, à la suite de ses études, le métier d’urbaniste pour le compte de différentes agences publiques anglaises et néerlandaises spécialisées dans la rénovation urbaine (Bethnal Green City Challenge et CLAWSE à Londres et Die Architekten Cie à Amsterdam). Elle fonde dès son retour, en 1992, Avventura Urbana, une association visant au développement et à l’accompagnement de dispositifs participatifs dans le domaine de la rénovation urbaine. Forte de son succès, l’association est transformée en société en 2006 [20]. Via cette entreprise, elle développe une série de dispositifs qu’elle dit avoir importée de ses séjours passés à l’étranger [21]. Tous deux maîtrisent également plusieurs langues, ce qui leur permet d’interagir et d’entretenir des connexions avec des acteurs étrangers de la DP [22].
14Au demeurant, ces acteurs détiennent un capital universitaire important : doctorat, pratiques de recherches, enseignement dans de prestigieuses universités. Ce capital s’ajoute à une expertise de terrain dont une bonne partie est accumulée à l’étranger, leur conférant une sorte de capital symbolique associé à l’international. Ce capital s’incarne notamment dans la symbolique de la distance. Comme le dit Christian Le Bart à propos du voyage d’Alain Juppé au Québec où il enseigne à l’École nationale d’administration publique, « la distance géographique vaut alors gage d’objectivité, selon une symbolique classique du surplomb » (2009, p. 33). L’appétence des réformateurs locaux pour ce genre d’experts tient en effet à leur capacité à jouer sur les distances, à rapprocher le lointain, tout en apparaissant suffisamment éloignés pour garantir la neutralité et l’objectivité de leur intervention.
La légitimation de la réforme locale par la référence étrangère
15La participation de ces experts contribue à donner une envergure internationale et experte à la loi toscane. Elle s’incarne notamment à travers l’organisation d’un colloque international, par Luigi Bobbio [23], le 16 mai 2006 dans les locaux du Conseil régional de Toscane à Florence. Ce colloque matérialise la façon dont la mobilisation d’un parterre d’universitaires étrangers contribue à faire du processus d’élaboration de la politique un lieu de circulation d’expertises étrangères sur la DP. Cette circulation apparaît, pour L. Bobbio, nécessaire au regard d’une situation participative italienne perçue comme archaïque :
« Ma contribution spécifique a été d’organiser ce colloque qui a très bien fonctionné parce qu’on a fait le tour de différentes possibilités. Parce qu’à ce moment-là dans la tradition italienne, il n’y avait pas d’idées précises sur comment on peut faire la participation. On faisait des grandes assemblées, les gens parlaient, un peu comme les choses de proximité en France, c’étaient des trucs assez banals, très peu délibératifs, très peu participatifs [24]. »
17Ce colloque est construit comme une scène hybride qui articule mondes de la recherche, de l’expertise et de l’action publique. Les participants, ainsi que la forme que prend le colloque, montrent comment il est envisagé comme un point de jonction entre d’une part l’espace réformateur local, et d’autre part une nébuleuse internationale universitaire et experte.
18Ce colloque vise à constituer un espace de rencontre entre des expérimentations étrangères incarnées par des experts spécialisés, et un public local composé de fonctionnaires, d’élus locaux et de militants. Le prestige de ce colloque tient à sa dimension internationale. Sa réception locale, dont témoigne la couverture qu’en fait la presse [25], repose sur la capacité d’un acteur comme Luigi Bobbio à mobiliser autour de lui des représentants d’innovations, de références étrangères, ainsi qu’aux moyens mobilisés par le Conseil régional pour inviter ces différents protagonistes. Il ne s’agit pas ici de mettre l’accent sur ce qui a effectivement circulé, mais de montrer que la mise en scène de la circulation – l’invitation d’experts étrangers – peut tenir lieu d’instrument de légitimation de la réforme locale [26].
Un colloque à la croisée de l’international et du local
19Cette scène renvoie en premier lieu à la circulation d’individus [29]. On y invite le gotha de la recherche sur la DP, preuve que l’innovation en matière de participation passe par la mobilisation des réseaux scientifiques sur la question. Les cas présentés auraient très bien pu être abordés et connus sans l’entremise de ces individus. On peut douter qu’en quelques heures ces dispositifs puissent faire l’objet d’une appropriation par les réformateurs locaux. Néanmoins, le colloque donne une certaine onction scientifique au processus d’élaboration de la loi. Il constitue une façon de communiquer, de montrer la capacité à enrôler des membres éminents de la communauté mondiale des experts sur le sujet, mais également une manière de neutraliser la critique d’un débat orienté politiquement. Par ailleurs, l’orientation particulière donnée à ce colloque par L. Bobbio – les possibilités d’adaptation locale de ces dispositifs – permet de bénéficier de l’efficacité symbolique du statut des participants – l’expertise, la science –, tout en parant la critique du biais théoriciste. Au-delà du surcroît de légitimité que procure ce colloque, les experts mobilisés contribuent également à l’intéressement et à la mise en œuvre de dispositifs étrangers dans la réforme toscane.
Les références étrangères comme recettes d’action publique
20Ces experts contribuent par ailleurs à fournir des recettes d’action publique aux réformateurs locaux. En adaptant « leur » dispositif aux problématiques de l’action publique, en les adossant à des concepts scientifiques, ils contribuent à intéresser les acteurs locaux. La promotion de ces dispositifs passe alors par un travail de mise en forme et de rationalisation de leurs avantages supposés. Luigi Bobbio comme Iolanda Romano prennent connaissance de ces dispositifs via leurs activités professionnelles. L. Bobbio entend parler du débat public [30] lors d’un séjour de recherche à l’Université de Montpellier, où l’un des premiers chercheurs français à s’intéresser aux problèmes liés aux grands projets d’infrastructure a fait sa thèse [31]. Le caractère mobile des profils universitaires, la reconnaissance dont bénéficie L. Bobbio, ses positions académiques et son capital cosmopolite lui permettent de jouer le rôle de passeur de références étrangères. Quant à I. Romano, son intérêt pour l’ETM est essentiellement lié à son activité de consultante et à la quête de l’innovation que cette activité impose, qui tient autant à une appétence pour la chose qu’à la forte compétition interne de ce marché. Elle en prend connaissance, en 2002, à travers un article du New York Times qui traite du projet de réaménagement de Ground Zero suite aux attentats du 11 septembre. Dans ce cadre, une ONG américaine spécialisée, America Speaks, organise un ETM dont elle détient le brevet. Intriguée, I. Romano cherche alors une occasion pour reproduire le processus en Italie. Via ses connexions avec la municipalité de Turin et sa forte implantation locale (le siège de sa société est à Turin), elle trouve l’occasion d’y expérimenter le dispositif lors des Jeux olympiques de 2006. La circulation de ces dispositifs tient ici à des stratégies individuelles d’importation qui ne se réalisent que parce qu’elles s’insèrent dans des réseaux relationnels préexistants facilitant l’expérimentation [32].
21Par ailleurs, ces passeurs produisent des argumentaires – qualifiés d’« habillage savant » (Payre, Vaneuville, 2003) – pour défendre la mise en œuvre de ces dispositifs. Les arguments renvoient d’une part à la construction de problèmes liés à l’action publique en Italie et, d’autre part, à l’éloge de la modernité démocratique de ces dispositifs. L. Bobbio participe, dès les années 1990, à la construction des conflits liés aux grands projets d’infrastructures en problèmes d’action publique [33]. Un des ouvrages dans lesquels il publie en février 2006 sur le sujet donne le ton de son engagement en faveur du déploiement en Italie du débat public français :
« [À propos des conflits autour du projet de ligne TGV Lyon-Turin dans la vallée de Suse] Quand, il y a quinze ans, la France […] fait face à une opposition assez semblable et tout aussi obstinée de la part des vignerons de la vallée de Rhodes contre la ligne TGV Méditerranée, elle tente au moins d’en tirer les leçons. En 1995 est adoptée une loi qui impose de soumettre tous les projets d’infrastructures d’une certaine importance à un débat public préventif lors duquel l’écoute de tous les acteurs intéressés est garantie par des commissaires super partes et lors duquel la première question dont il faut débattre est : “Doit-on réaliser le projet ? Est-ce qu’il existe des alternatives ?” […] Il est évident qu’en Italie nous en sommes à des années-lumière [34]. »
23Il participe ainsi à réduire le débat public à deux dimensions qu’il valorise fortement : l’écoute d’un large panel d’acteurs, et l’existence d’une commission indépendante du pouvoir politique – super partes. Par ailleurs, si le support dans lequel est publié cet article est résolument scientifique, le ton adopté n’en est pas moins normatif. Luigi Bobbio mobilise dans son ouvrage une littérature sociologique éclectique, tant américaine que française, portant sur les enjeux de la résolution des conflits [35]. L’usage des sciences sociales, ou plus généralement d’écrits savants, participe de la légitimation d’un projet normatif (Alam, 2010) [36]. Le message qu’il défend est clair : il faut promouvoir des méthodes de résolution des conflits, et parmi celles-ci le modèle français apparaît comme exemplaire.
24L’ETM fait quant à lui l’objet d’une mise en forme adossée au concept de « démocratie délibérative » par les consultants d’Avventura Urbana. Dans un document présentant le dispositif, l’ETM est présenté comme « une expérimentation de démocratie délibérative » [37]. Sont également rappelées ses origines américaines et sa récente expérimentation par la ville de New York. Les auteurs en rationalisent par ailleurs les différentes étapes :
« L’ETM se déroule en trois phases de travail successives qui visent à aider les participants dans le traitement des thèmes, objets de la discussion.
1. Une première phase d’information et d’approfondissement grâce à l’apport de documents et d’experts.
2. Une seconde phase de discussion en petits groupes.
3. Une troisième phase pendant laquelle les thèmes, synthétisés et restitués sous forme de questions, sont proposés aux participants qui peuvent donc s’exprimer de façon directe en votant individuellement par télécommande.
Le potentiel de ce modèle pour les processus de démocratie délibérative est reconnu au niveau international et de telles méthodes se répandent actuellement dans divers contextes [38]. »
26La façon dont est décrit l’instrument illustre l’adaptation sémantique des professionnels de la participation aux effets de modes participatives (Bonaccorsi, Nonjon, 2011, p. 36). Cette technologie apparaît comme adaptée aux contraintes de la démocratie délibérative en ce qu’elle constitue une « méthode […] qui se distingue par l’usage combiné de techniques qui permettent de conjuguer les avantages de la discussion en petits groupes, et ceux d’un sondage adressé à un large public » [39]. L’adoption de cet instrument contribuerait, de fait, à labelliser toute démarche le promouvant ou l’intégrant comme répondant aux canons de la démocratie délibérative.
27Ces argumentaires constituent le socle d’un travail d’intéressement des acteurs locaux autour de ces dispositifs étrangers. La séance de lancement de l’élaboration de la loi, pendant laquelle Iolanda Romano réalise la modération, lui sert de point d’appui pour critiquer les méthodes utilisées jusque-là. Elle participe à démontrer l’intérêt de son dispositif au regard d’une critique circonstanciée de cette journée de lancement :
« Il y avait l’idée de faire ce colloque de lancement. On l’a fait, de nombreuses personnes y ont participé, mais c’était une assemblée où 35 personnes ont parlé […] les gens étaient affamés, épuisés. C’est pour ça que, quand ils m’ont demandé de gérer ce processus, ce n’est pas que j’avais beaucoup de marges de manœuvre pour changer les choses, mais je leur ai proposé quelques dispositifs. Je lui ai dit [à Agostino Fragai] : ce n’est pas la seule façon de faire, on peut aussi faire prendre des décisions, même avec un grand nombre de participants, mais avec des instruments qui permettent des discussions “formatées” qui permettent de prendre des décisions. Alors ça les a rendus curieux, et puis je lui ai écrit un document, très stratégique, dans lequel je lui ai dit pourquoi selon moi le Town Meeting pouvait être utile [40]. »
29Le document évoqué constitue un véritable argumentaire pro domo pour l’ETM. I. Romano y met une nouvelle fois en avant l’aspect technologique et démocratique de son dispositif. L’argumentaire vise à enrôler le vice-président toscan en lui montrant l’intérêt spécifique de l’ETM pour l’élaboration de la loi. Selon la consultante, l’ETM n’est pas un instrument mobilisable « seulement pour produire une loi mais pour construire un modèle de référence », c’est-à-dire que « le processus de construction de la loi devrait être “exemplaire” non seulement du point de vue des principes desquels elle s’inspire mais également du point de vue des modalités de réalisation ». Elle conclut : « Pour ce faire, il est nécessaire de se doter des instruments appropriés dans toutes les phases du processus [41]. » Si plusieurs dispositifs participatifs sont déjà prévus – notamment une série de débats visant à amorcer une phase de réflexion avec les acteurs locaux de la DP –, I. Romano participe à inscrire l’ETM dans l’agenda d’élaboration de la loi. Elle s’appuie sur la volonté du vice-président d’organiser un grand événement conclusif. Elle propose alors d’organiser un ETM montrant comment celui-ci permettrait de réaliser la synthèse des débats tout en tranchant les controverses :
« Est avancée ici l’hypothèse selon laquelle il pourrait être utile d’organiser un grand événement public de démocratie délibérative, comme instrument approprié pour recueillir et synthétiser tous les résultats de la phase d’animation territoriale qui se sera déroulée dans le cours du premier semestre du processus. […] La prévision d’un grand événement public l’automne prochain semble donc coïncider avec l’opportunité de mettre en œuvre un moment collectif de grande ampleur qui puisse fonctionner comme point de pivot [snodo] entre le moment d’enquête (et, bien évidemment de la première préfiguration de scénarios) et celui de la préfiguration du produit final. […] Dans cette note est présentée la technique du Town Meeting, dont certaines caractéristiques semblent particulièrement intéressantes au regard de la situation présente [42]. »
31Pour preuve de l’intéressement des acteurs régionaux au dispositif [43], il faut voir comment l’ETM est effectivement organisé en grande pompe et dans des conditions assez remarquables. L’ETM se déroule le 18 novembre 2006, pendant la foire de l’innovation pour les collectivités territoriales, nationalement reconnue, organisée par la région Toscane et l’Association nationale des communes italiennes (ANCI) depuis 2004. L’institution régionale investit plus de 100 000 euros rien que pour l’organisation physique du dispositif [44], présentée comme la pointe de la technologie, et mobilise de nombreux moyens de communication. La mise en scène est d’ailleurs particulièrement travaillée, puisqu’un train est spécialement affrété pour mener les participants de Florence à Carrara, ville côtière où il se déroule. La presse locale est là pour couvrir l’événement, et le discours du vice-président Fragai donne la mesure de l’événement pour l’institution régionale :
« L’événement, que nous organisons à l’occasion de la foire Dire & Fare avec la collaboration de l’ANCI, verra la participation de 500 personnes, citoyens et représentants d’organisation. […]. Nous avons choisi l’instrument du Town Meeting – dans sa version électronique – pour ses caractéristiques innovantes et participatives, c’est-à-dire qu’il rend possible, grâce aux nouvelles technologies, la discussion démocratique entre des centaines de personnes sur des thèmes cruciaux de la vie publique [45]. »
33De la même manière, Luigi Bobbio convainc Agostino Fragai de l’intérêt du débat public et, quelques années plus tard, A. Fragai reprend à son compte les arguments quant à la pertinence du débat public pour désamorcer la conflictualité autour de projets d’aménagement.
« — Pourquoi ça a été une solution adaptée à la Toscane ?
— Surtout à propos d’un sujet dont on discute depuis longtemps en Italie, mais aussi en Toscane, c’est-à-dire l’extrême lenteur des décisions. Nous, depuis des années, on discutait de la croissance lente de l’Italie, la croissance encore plus lente de la Toscane en matière de développement. Et, une des choses qu’on observait au sujet de cette croissance lente était la construction extrêmement lente des infrastructures, des infrastructures publiques, tout ce qui devrait être la base d’une modernisation plus avancée, et il fallait un instrument. […] On s’est dit avec ça je peux faire l’autoroute sans nier aux citoyens le droit de participer [46]. »
35La mobilisation de cette référence donne lieu à l’inscription d’une procédure de débat public dans la loi régionale, ainsi qu’à la création d’une « autorité pour la promotion et la garantie de la participation » (APGP) inspirée de la Commission nationale du débat public (CNDP) [47].
36L’intéressement des acteurs régionaux à ces dispositifs donne à voir comment la « démocratie délibérative » devient le nouvel étendard de la loi régionale. L’imposition de cette norme participative n’est pourtant pas exempte de controverses. En effet, alors que les experts de la Rete del Nuovo Municipio défendent le développement du budget participatif, cette référence n’est pas mise en œuvre par le Conseil régional, apparaissant comme trop contraignante pour l’institution :
« Et donc à la fin ça n’a pas été un modèle “très social”, latino-américain, mais plutôt un modèle débat public et anglo-saxon et donc la recherche de solution aux problèmes […] laissant la partie plus sociale à l’intérieur du budget participatif […]. C’est une chose qu’on voulait faire mais au niveau régional c’est beaucoup trop compliqué. Et donc on a fait théoriquement le choix de laisser tomber ça, et puis aussi le Town Meeting nous a emmenés sur cette voie de la démocratie délibérative [48]. »
38Contre le budget participatif qui tend à remettre en cause le pouvoir de décision des élus, la démocratie délibérative, parce qu’elle ne touche qu’aux modalités d’organisation du débat, semble plus acceptable pour l’institution. En outre, si cette expertise participative leur assure une assise locale, elle est également une ressource pour légitimer leur position au sein de leurs espaces professionnels respectifs, ainsi que pour devenir des experts incontournables sur le sujet au niveau national [49]. En définitive, la circulation et la réappropriation de ces dispositifs tiennent, d’une part, à la nécessité pour ces acteurs de légitimer et de produire leur politique publique, et d’autre part, au travail opéré en amont puis en situation par ces experts. Ces derniers, par leur double travail de théorisation et d’ajustement au contexte local, intéressent les élus et fonctionnaires locaux à ce qu’ils construisent comme des recettes quasi magiques. La circulation de ces références se joue donc à l’interstice de ces « interactions complices » (Massardier, 1996) entre experts et acteurs institutionnels. Plus encore, ces interactions, qui se poursuivent et se renforcent, consacrent des alliances qui participent à forger la notoriété de la politique publique à l’international.
La loi toscane comme modèle d’action publique ?
La promotion internationale d’une politique publique
39À la suite de sa promulgation le 27 décembre 2007, la politique toscane fait l’objet d’une promotion internationale prenant différentes formes. Tout d’abord, à travers les dispositifs étrangers qui lui servent de référence, se forge une série d’alliances entre experts promoteurs et réformateurs locaux. Elles permettent, en intéressant de nouveaux acteurs, une circulation des dispositifs, en complément de la loi. L’ETM illustre à bien des égards une stratégie d’intéressement réussi, c’est-à-dire d’un enrôlement des acteurs locaux autour du discours promotionnel produit par Iolanda Romano, devenant alors, eux aussi, des porte-parole du dispositif (Callon, 1986). Comme le dit en entretien Agostino Fragai, « le Town Meeting a été un instrument de communication, ça a été la vitrine de la loi » [50]. Il explique alors qu’il a pu participer à des conférences en Italie, en Europe et dans le monde pour promouvoir l’ETM et la loi régionale toscane [51]. Dans les années qui suivent la promulgation de la loi toscane, l’ETM est utilisé comme instrument pour mettre en participation différents secteurs de l’action publique régionale. Quatre ETM sont ainsi organisés entre 2010 et 2012, tous coordonnés par la société Avventura Urbana [52]. Mais c’est l’ETM organisé conjointement par les régions Toscane, Catalogne et Poitou-Charentes qui consacre le déploiement transnational du dispositif. Ces trois régions profitent de l’engagement du Parlement européen dans la lutte contre le réchauffement climatique, à travers la création d’une commission temporaire sur le changement climatique avec laquelle est coorganisé le dispositif (Talpin, 2011). Sa mise en œuvre s’explique par l’investissement de ces régions dans une réforme participative et par leur volonté de s’imposer dans le paysage participatif européen. Si un projet de formalisation de cette coopération entre les trois régions existe dès 2005 [53], celui-ci peine à s’inscrire dans la réalité. Ce projet d’ETM inter-régions contribue alors à faire exister, au moins pour un temps, une coopération européenne entre trois régions qui revendiquent le statut de laboratoire participatif. Elle contribue à faire connaître l’ETM au-delà des frontières toscanes [54]. Au-delà de cet événement, l’ETM connaît une forte diffusion à l’échelle européenne via un programme européen de « valorisation des bonnes pratiques en matière d’instruments électroniques de participation pour la planification spatiale et le développement territorial » nommé « projet Parterre ». Ce projet, soutenu financièrement par la Commission européenne, associe Avventura Urbana en tant que propriétaire du dispositif et la région Toscane en tant que chef de file institutionnel. Il associe une série d’entreprises publiques, d’universités, d’ONG ainsi que des collectivités territoriales européennes dans le but de mettre à disposition les savoirs et savoir-faire relatifs à l’ETM, et vise explicitement sa mise en œuvre dans d’autres contextes locaux [55].
40La diffusion de l’ETM en Europe, à partir de l’expérimentation toscane, prend donc racine dans la coopération initiale entre Avventura Urbana et la région Toscane. L’ETM place l’un comme l’autre en bonne position dans la compétition pour l’innovation, et leur permet de tirer des ressources tant symboliques que financières pour le développer [56]. Par ailleurs, la diffusion de la politique toscane comme « bonne pratique » est consubstantielle d’un amalgame entre les références étrangères qui la composent – et le capital de notoriété construit par les experts – et la politique régionale elle-même. Enfin, la diffusion européenne de ce dispositif s’inscrit dans la démultiplication des acteurs intéressés. L’enrôlement de la Commission européenne, d’une série d’universités étrangères et de collectivités locales contribue à créer de nouveaux porte-parole de l’ETM, tant dans le champ académique que dans celui de l’action publique.
41Ce double engagement des experts et réformateurs locaux ne constitue pas la seule et unique voie de reconnaissance internationale de la loi. Les fonctionnaires participant de sa mise en œuvre, dont le profil est particulièrement hybride, s’investissent également à l’échelle internationale. La loi régionale a d’abord fait l’objet d’une « certification » (Ancelovici, Jenson, 2012), c’est-à-dire d’un processus de labellisation comme bonne pratique par un certain nombre d’acteurs internationaux. Elle a, à titre d’exemple, pu recevoir le prix Core values de l’Association internationale pour la participation publique (IAP2) [57], qui récompense chaque année les meilleures pratiques en matière de DP dans le monde.
Extrait du communiqué de presse de l’IAP2
Le récipiendaire, M. Rodolfo Lewanski [58], a déclaré : « Nous devons trouver des réponses solides à la défiance croissante des citoyens envers le champ politique, aussi bien en ce qui concerne ses valeurs que ses capacités d’action. Ce phénomène est particulièrement présent en Italie, bien qu’il affecte nombre de démocraties, et se trouve renforcé par une crise économique profonde et durable. Le défi est complexe, mais une implication accrue des citoyens dans les processus décisionnels représente sans aucun doute une partie de la solution. La politique que mène la région Toscane dans ce domaine peut, je crois, représenter un grand intérêt pour de nombreux pays à différents niveaux de gouvernance, locale comme nationale. »
42Cette reconnaissance de la loi toscane doit être analysée au prisme de l’insertion des agents locaux de la réforme dans ces réseaux internationaux. En effet, Rodolfo Lewanski, le directeur de l’autorité régionale toscane, est également président de l’antenne italienne de l’IAP2. Inséré dans de nombreux réseaux internationaux de recherche et militant de la DP, il contribue à la diffusion et à la reconnaissance internationale de l’expérience toscane, tant à travers ses écrits qu’à travers ses différents engagements professionnels et militants. Ainsi, la certification et la reconnaissance de la loi régionale dans certains réseaux transnationaux ou certaines scènes étrangères doivent beaucoup à la multipositionnalité de certains chercheurs, élus ou fonctionnaires toscans. L’entrepreneur de circulation le plus intéressant est, sans nul doute, Antonio Floridia, le directeur des politiques publiques participatives de la région Toscane, cheville ouvrière de la loi toscane. Fonctionnaire de l’institution et chercheur en science politique [59], il participe à la diffusion du modèle toscan aussi bien en tant que fonctionnaire invité dans des conférences internationales [60] que par son insertion dans les réseaux internationaux de recherche (il communique dans les grands congrès nationaux et internationaux [61]) et par ses écrits. L’ouvrage qu’il publie sur la loi toscane [62] est ainsi discuté dans le milieu académique national et étranger mais également dans les médias [63]. Finalement, la circulation de la loi toscane est permise par la multipositionnalité des acteurs administratifs qui contribuent à la faire vivre – que cela soit A. Floridia ou R. Lewanski – à la fois en tant qu’acteurs et chercheurs.
43Enfin, la circulation de la loi toscane se joue également à travers l’objet d’étude qu’elle constitue pour un certain nombre de chercheurs travaillant sur la participation [64]. J’ai moi-même participé de sa circulation. Sollicité par différentes institutions pour présenter le cas toscan en France et à l’étranger, j’ai par exemple présenté mes recherches sur la loi toscane au Québec lors d’une assemblée informelle de l’Institut du Nouveau Monde (INM), une ONG québécoise militant pour la DP et proche de réseaux de chercheurs québécois spécialisés sur la participation. Par ailleurs, j’ai été invité à présenter la loi lors d’un symposium organisé conjointement par l’INM et un réseau de chercheurs franco-québécois [65] pendant le congrès mondial de l’association internationale de science politique, l’IPSA. S’il est impossible d’objectiver les effets propres de ces différentes interventions dans la circulation du cas toscan, il n’en demeure pas moins que celle-ci suscite l’intérêt des ONG, organisations internationales, collectivités locales et de nombre de chercheurs étrangers. Or cet intérêt est bel et bien construit par l’engagement d’entrepreneurs de circulation directement impliqués localement et/ou par la circulation d’observateurs d’un cas considéré comme « innovant », dont font indéniablement partie les chercheurs en sciences sociales.
44Les multiples réseaux par lesquels elle transite, l’engouement national et international qu’elle suscite pourraient laisser entendre que la politique régionale toscane a fait l’objet de nombreuses réappropriations. Pourtant, l’observation en actes d’une multitude d’interactions (échanges d’e-mails, courriers officiels, séminaires de préparation du voyage d’études) au cœur desquelles se situe un voyage d’études entre la région Toscane et la région Nord-Pas-de-Calais dans le but d’importer le « modèle toscan » montre le contraire. Contre toute attente, le cas toscan a plutôt été un repoussoir pour les réformateurs nordistes.
La désillusion du voyageur : la démonétisation du cas toscan dans la réforme nordiste
45Au Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, la DP fait l’objet d’un investissement relativement ancien. Des dispositifs participatifs émergent dès les années 1980 dans le cadre de la politique de la ville (Fonds de participation des habitants). D’autres dispositifs participatifs sont le fruit d’investissements éclatés et sporadiques de fonctionnaires ou d’élus socialistes (comités de ligne TER, programme d’E-démocratie, etc.). Néanmoins, ce sont les écologistes, entrés dans l’institution en 1992, qui investissent tout particulièrement la thématique. Dans le courant des années 2000, la DP fait d’ailleurs l’objet d’un surcroît d’investissement par les élus d’Europe Écologie-Les Verts (EELV). Une conseillère régionale, Myriam Cau, nouvelle entrante, obtient en 2007 une délégation à la démocratie participative de la part du président de Région, négociée par le président du groupe EELV. Cette nomination intervient concomitamment à la création d’un poste de chargé de mission « démocratie participative » et à la formalisation d’un premier « programme de démocratie participative ». Le programme prévoit un budget spécifiquement dédié à l’organisation de voyages d’études dans différentes régions françaises ainsi qu’en Toscane. À la faveur des élections régionales de 2010, l’élue déléguée se voit attribuer une vice-présidence au développement durable, à la démocratie participative et à l’évaluation. Si les socialistes octroient cette vice-présidence, c’est parce qu’elle permet l’affichage d’une politique en vogue dans les régions, mais également parce qu’elle constitue une rétribution peu coûteuse à l’égard de leur allié. D’une certaine manière, l’exécutif socialiste leur sous-traite l’enjeu tout en limitant les possibilités. Il est alors difficilement envisageable que la participation remette en cause les règles du jeu institutionnel.
46Un des projets phares du mandat de la vice-présidente est la réactualisation d’un projet ancien de création d’une « instance régionale du débat public », dont l’objet est d’organiser et de garantir des débats publics sur des projets d’infrastructures sur le modèle de la Commission nationale du débat public. C’est dans ce cadre que s’inscrit l’organisation d’un voyage d’études en Toscane dans le courant de l’année 2010. L’intérêt des réformateurs nordistes pour la loi régionale toscane est néanmoins plus ancien. En effet, lors d’un séminaire interne en 2008, Yves Cabannes [66], un expert internationalisé, signale cette expérience qu’il présente comme exemplaire. Les objectifs initiaux de ce voyage d’études visent à importer des connaissances à propos du débat public régional et de l’autorité toscane, et tout particulièrement sur la manière dont son indépendance a pu être construite.
47L’organisation concrète du voyage passe d’abord par la constitution de la liste des participants. L’ambition initiale de la vice-présidente d’« acculturer », selon ses mots, des agents du Conseil régional – fonctionnaires et élus – à la DP visait à élargir le spectre des convertis. Pourtant, très rapidement les différents groupes politiques invités déclinent l’invitation (UMP et PS). Seule une élue communiste du Front de gauche participe au voyage. Du côté des fonctionnaires, participent essentiellement des agents spécialisés sur la DP, auxquels s’ajoutent : un chercheur en science politique lillois, Rémi Lefebvre, ainsi qu’un consultant, deux représentants associatifs, un membre du Conseil économique, social et environnemental (CESER) et un conseiller spécial du président de Région. Malgré une tentative de mobilisation d’acteurs plus centraux de l’institution qu’il s’agissait d’intéresser – notamment des élus socialistes –, les participants au voyage d’études apparaissent comme des agents déjà initiés à la démocratie participative.
48Le déplacement à Florence s’organise en trois temps. La première séance porte sur une présentation du fonctionnement général de la loi et de l’autorité régionale par Antonio Floridia et Rodolfo Lewanski. S’ensuit la présentation de plusieurs dispositifs financés par le Conseil régional toscan. Lors de la deuxième journée sont présentés les cadres de la concertation institutionnalisée avec les partenaires sociaux dans le cadre de l’action publique en Toscane. Une synthèse conclusive est réalisée par Rémi Lefebvre. La présentation générale de la loi et de l’autorité apparaît comme la plus centrale pour les participants nordistes. Si A. Floridia, en tant que directeur des politiques participatives, présente la loi sous son meilleur jour, l’intervention de R. Lewanski, directeur de l’autorité, apparaît beaucoup plus nuancée. En l’absence d’A. Floridia, parti vérifier les préparatifs pour le déjeuner, R. Lewanski intervient pour minorer l’indépendance qui lui est conférée :
« Je suis – je peux le dire, Antonio [Floridia] n’est pas là, on est entre nous – je suis indépendant de nom, mais pas dans les faits. Parce que l’indépendance, ce sont les ressources, le staff, l’argent toutes ces choses-là et j’ai très peu de tout ça. Donc c’est bien de nommer une autorité indépendante mais, de fait, je ne suis pas très indépendant (rires dans la salle) [67]. »
50La procédure de débat public toscane fait également l’objet d’une discussion. De fait, après quatre années d’exercice de la loi, aucun débat public n’a été mis en œuvre. Les réponses données par R. Lewanski et A. Floridia restent pour le moins évasives. Le premier rappelle que « son bureau est ouvert mais que personne n’est venu demander un débat public », alors que le second s’attarde sur un cas revendiqué de débat public « à la française » organisé en Toscane avant la promulgation de la loi. À l’issue de plus de deux heures de présentation, certains participants nordistes apparaissent frustrés, à l’instar de Rémi Lefebvre qui interpelle les deux Toscans pour leur demander des précisions :
« Mais je pense que nous sommes un peu frustrés parce qu’on aurait voulu savoir un petit peu plus comment fonctionne cette autorité, on sait qu’il y a un budget de 700 000 euros, qu’il n’y a pas énormément de moyens humains mais comment les dossiers sont instruits, les saisines, les critères de choix, concrètement comment l’aide méthodologique passe [68] ? »
52Finalement, ce sont davantage les problèmes soulevés par la mise en application de la loi que tout autre élément qui sont retenus par les participants.
53La quête de l’exotisme est souvent perçue sous l’angle de l’émerveillement : décentrer le regard serait propice à l’inspiration, chaque voyageur emporterait en soute les merveilles recueillies dans une contrée lointaine [69]. Pourtant, pour les réformateurs nordistes, le voyage d’études a davantage constitué un point de rupture avec la vision initiale du cas toscan qu’une occasion d’en importer différents aspects. Si leur première image de la loi toscane est tributaire des informations relayées par des experts qui ne connaissent finalement cette réforme que de loin, leur rencontre avec les principaux protagonistes participe d’une redéfinition du statut de la référence étrangère. Le voyage d’études donne lieu à une réunion de débriefing avec l’ensemble des participants. Lors de cette réunion, les ressemblances entre le Nord-Pas-de-Calais et la Toscane font l’objet d’une bonne partie des discussions. Les grandes similitudes font apparaître la région Toscane non comme un modèle mais bien davantage comme une homologie rassurante :
« C’est un déplacement qui m’a plutôt rassurée sur, je dirais, par rapport à la proximité effectivement des questions qu’on s’est posées, d’une culture partagée aussi, de ce qu’est la participation, ses enjeux politiques, ses enjeux territoriaux, qui m’a certes ouvert des questions mais qui m’a plutôt aidée d’un point de vue personnel, en tant qu’élue, à diminuer mon niveau d’incertitude [70]. »
55Ce voyage d’études se pose donc comme un moment de réassurance au regard de la position de la région Nord-Pas-de-Calais dans la compétition participative. Rémi Lefebvre, à l’instar de sa synthèse lors du déplacement d’étude, revient sur le paradoxe de ce genre de voyage :
« Ce qui m’avait frappé avec le recul, c’est le fait que quand on fait un séminaire comme ça à l’étranger, il y a un effet vitrine, c’est-à-dire que la collectivité va valoriser, va se présenter comme innovante et qu’au fil, quand même, des heures passées on s’est rendu compte que “petit un” la région Nord-Pas-de-Calais n’avait pas à rougir de ce qu’elle faisait, “petit deux”, les failles et les limites, et les écueils de leur politique étaient tout de même assez patents [71]. »
57Les prises de position de R. Lefebvre, et le rôle qu’elles jouent dans la démonétisation du cas toscan, doivent être rapportées à sa propre trajectoire. Elle apparaît très éloignée de la figure de passeur d’un Luigi Bobbio. Il ne dispose d’abord pas du même capital cosmopolite que ses homologues toscans, et est très peu engagé à l’international. En outre, il s’est spécialisé sur la DP à la faveur de travaux menés sur la sociologie du métier d’élu local, notamment à travers la question de la proximité en politique. Il participe peu à la mise en œuvre concrète de dispositifs participatifs [72] et défend une perspective critique, refusant de se faire le promoteur inconditionnel de ces dispositifs. Il prend par ailleurs connaissance de la politique toscane pendant le voyage d’études et ne participe donc pas, à la façon des experts italiens, à la mise en forme de l’intérêt du cas toscan pour les acteurs du Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais.
58La comparaison de leur profil renforce la compréhension du rôle des experts dans les opérations de traduction et d’intéressement des acteurs locaux. En outre, le débat se prolonge sur la question de la création d’une autorité indépendante. Les différents degrés de maîtrise de la question, la position des participants dans l’espace institutionnel, alimentent des visions très différentes du rôle joué par ce type d’autorité, montrant parfois un décalage entre les attentes des uns et des autres. Les prises de position peuvent ainsi célébrer la prise de risque des Toscans au regard de la création d’une telle instance, sans que tous les participants soient convaincus de sa légitimité. Il n’est pas étonnant que ce soit le représentant du CESER qui condamne l’instauration d’une institution souvent perçue comme concurrente.
« Mais est-ce qu’il n’y a pas aussi un enjeu de nommer une structure quelque part pérenne alors qu’il serait plus intéressant qu’il y ait, je ne sais pas, en fonction des sujets un certain turnover. Parce que si on crée encore une assemblée parallèle, alors qu’on pourrait en fonction des sujets constituer un groupe [73]. »
60À la fin de la réunion, ce sont bien les critiques de la loi toscane qui ressortent, plus qu’une série de recettes qu’il s’agirait de reproduire localement. Ce voyage d’études peut être conçu comme un processus de disqualification croisée. Les critiques opérées par les acteurs toscans sont reprises et répercutées lors du retour dans le Nord-Pas-de-Calais. La réappropriation d’une référence étrangère n’a donc rien d’une évidence. Elle est construite dans l’interaction entre les représentants du cas observé et les réformateurs en quête de dispositif à reproduire ou imiter. À la suite du débriefing, la loi toscane est utilisée de façon sténographique dans les documents administratifs internes [74]. Le modèle toscan devient par ailleurs de plus en plus difficile à défendre au regard de la marginalité des réformateurs nordistes. Le projet initial d’instance régionale du débat public prévoyait en effet l’instauration d’une institution plus ou moins autonome du Conseil régional, notamment à travers l’éviction dans sa composition des conseillers régionaux. Cette proposition fait alors l’objet d’un refus catégorique du président de Région, l’opportunité d’un débat devant rester aux mains de la majorité régionale. Dans ce cadre, le cas toscan devient particulièrement inaudible. Il disparaît alors des radars réformateurs en même temps que la possibilité de défendre l’idée d’une instance indépendante du Conseil régional. La désillusion des voyageurs, la manière dont les réformateurs toscans présentent leur loi joue indéniablement sur la réception voire la réappropriation du « modèle » toscan. Cependant, les jeux politiques internes pèsent également dans la possibilité pour des acteurs relativement marginaux de promouvoir une référence étrangère (Huré, 2014). Il suffit qu’elle n’entre pas dans l’espace du pensable et du possible localement, pour qu’elle ne puisse constituer un modèle à suivre.
Conclusion : circulez, il n’y a rien à voir !
61Cet article montre que les processus de circulation de références étrangères ne peuvent se comprendre qu’en prenant au sérieux le travail des experts et l’ancrage local des processus transnationaux dans la mise en circulation des dispositifs participatifs. La plupart des travaux portant sur ces processus se consacrent davantage à la mise au jour des réseaux européens ou mondiaux, plutôt qu’à l’analyse de la « fabrique localisée » de la circulation des références et des recettes d’action publique. La prise en compte de la dimension locale de la circulation se limite alors à dire, le plus souvent, que ces réseaux légitiment les réformes locales, sans aller plus loin dans l’analyse des modes de légitimation (Kaluszynski, Payre, 2013). L’analyse met par ailleurs en lumière les conditions sociales de la circulation d’une ingénierie participative dans cette configuration circulatoire spécifique. L’existence d’experts internationalisés de la participation apparaît comme une condition nécessaire mais non suffisante de la circulation. Le cas étudié montre bien que le travail de mise en forme et de promotion de ces références étrangères par les experts tire une partie de son efficacité de son adossement à des expérimentations locales concrètes. Ces références « ne peuvent être isolées de situations d’action desquelles elles tirent une part notable de leur légitimité, de leur opérationnalité » (Devisme, Dumont, Roy, 2007, p. 9). En outre, l’enquête enrichit la réflexion en démontrant que la circulation d’une politique publique n’implique pas nécessairement sa réappropriation locale. En effet, les interactions entre acteurs au cœur de ces processus de circulation participent d’une redéfinition continue de ce qui vaut ou non comme référence. Le cas toscan apparaît à ce titre archétypal d’une politique qui circule sans être réappropriée. À notre connaissance, seule la région Émilie-Romagne a repris un certain nombre d’éléments de la politique toscane et le revendique, bien que les deux politiques soient très différentes dans leur fonctionnement. De plus, l’observation de scènes intermédiaires comme les voyages d’études permet de saisir au concret les conditions de réappropriation de telles références. Dans le cas présent, la confrontation entre l’expérience des promoteurs d’une politique et ceux venus y chercher l’inspiration amène ces derniers à relativiser, voire à rejeter, ce que des experts leur ont pourtant présenté comme « bonne pratique » ou « modèle ». L’article montre in fine qu’il existe un monde entre la circulation de représentations instituant une politique publique en « modèle » et la réalité locale observée par les voyageurs, qu’ils ne saisissent d’ailleurs qu’à travers le prisme de leurs propres contraintes politiques.
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Notes
-
[1]
C’est notamment le cas en France (Poitou-Charentes, Nord-Pas-de-Calais), en Italie (Toscane, Émilie-Romagne) et en Espagne (Catalogne).
-
[2]
Quelle que soit la notion utilisée, il s’agit de centrer l’attention sur la capacité d’individus à faire circuler des idées ou des pratiques au regard de leurs ressources et de leur multipositionnement.
-
[3]
Michel Callon définit l’intéressement comme « l’ensemble des actions par lesquelles une entité […] s’efforce d’imposer et de stabiliser l’identité des autres acteurs qu’elle a définis par sa problématisation » (1986, p. 185).
-
[4]
On utilisera davantage la notion de « référence » qui permet de se défaire d’une vision substantialiste que peuvent charrier ces trois notions.
-
[5]
La question de la réception et de l’hybridation de références étrangères a donné lieu à une littérature abondante (Dumoulin, Saurugger, 2010).
-
[6]
La comparaison transnationale adossée à une approche monographique évite de penser isolément les cas, c’est-à-dire permet de s’intéresser à leurs interdépendances mais également de prendre en considération les processus plus que les variables dans l’approche comparative (Hassenteufel, 2005).
-
[7]
La convention industrielle de formation par la recherche, dispositif qui a financé ma thèse, me liait contractuellement à la région Nord-Pas-Calais pour laquelle je devais produire de l’expertise (Alam et al., 2012).
-
[8]
Agostino Fragai est élu pour la première fois comme conseiller régional en 2000. Membre du Partito Democratico (PD), il entre dans l’exécutif à la faveur d’équilibres territoriaux entre les différentes fédérations locales de Toscane.
-
[9]
Celui-ci s’entoure alors d’un directeur de cabinet membre du PD et spécialiste des questions sécurité urbaine, Manuele Braghero, et nomme Antonio Floridia, directeur de l’observatoire régional des élections, fonctionnaire et politiste spécialiste en sociologie électorale.
-
[10]
En entretien, il explique être « non colto » – que l’on pourrait traduire par « inculte » – et avoir tout appris au contact de ces experts (Entretien Agostino Fragai, vice-président à la démocratie participative, Empoli, 6 juin 2013).
-
[11]
Ils ne sont pas les seuls experts mobilisés dans le cadre de l’élaboration de la loi. Il existe également tout un groupe d’urbanistes organisés au sein d’un collectif – la Rete nel nuovo municipio – qui participent à l’élaboration de la loi. Sans pouvoir entrer dans les détails, ils sont davantage inscrits dans la mouvance altermondialiste et promeuvent une version latino-américaine de la participation, en mettant tout particulièrement en avant le budget participatif de Porto Alegre.
-
[12]
L’ensemble de ces acteurs forme un comité technico-politique qui se réunit plusieurs fois par mois pendant l’élaboration de la loi.
-
[13]
Luigi Bobbio connaît bien Iolanda Romano. Il joue régulièrement le rôle de garant pour des dispositifs qu’elle organise.
-
[14]
On retrouve des références aux travaux de Luigi Bobbio dans le premier document administratif recensé pendant l’enquête, relatif à la réforme et rédigé par Antonio Floridia en septembre 2005. Voir A. Floridia, Democrazia deliberativa, democrazia rappresentativa, concertazione sociale : ipotesi e note preliminari per una legge regionale sulla partecipazione, 30 septembre 2005 (http://www.regione.toscana.it/-/il-percorso-di-costruzione-della-legge-sulla-partecipazione, accès le 25/03/2016).
-
[15]
Entretien Manuele Braghero, directeur de cabinet du vice-président à la démocratie participative, Florence, 1er décembre 2011. Toutes les traductions pour les besoins de cet article ont été effectuées par mes soins.
-
[16]
Notamment au sein du master 2 « Affaires publiques, parcours ingénierie de la concertation » dirigé par Loïc Blondiaux à l’Université de Paris Panthéon-Sorbonne.
-
[17]
Ce laboratoire a été fondé par Luigi Bobbio en 2003 à la suite d’un rapport émis pour le compte de la présidence du Conseil italien, conçu comme un état des lieux des pratiques participatives en Italie et dans le monde. Ce laboratoire ne développe des recherches que sur commande publique.
-
[18]
Luigi Bobbio organise dans le cadre de ces recherches les premiers jurys citoyens en Italie, ou encore des sondages délibératifs.
-
[19]
L. Bobbio, 2005, « Quando la deliberazione ha bisogno di un aiuto: metodi e tecniche per favorire i processi deliberativi [Quand la délibération a besoin d’aide : méthodes et techniques pour favoriser les processus délibératifs] », in L. Pellizzoni (dir.), La deliberazione pubblica, Rome, Meltemi, p. 177-202 ; L. Bobbio, 2005, « La democrazia deliberativa nella pratica [La démocratie délibérative en pratique] », Stato e mercato, 73, p. 67-88. Il est également l’auteur d’un rapport pour le compte de la présidence du Conseil italien. Voir Bobbio L. (dir.), 2004, A più voci. Amministrazioni pubbliche, imprese, associazioni e cittadini nei processi decisionali inclusivi, Dipartimento della funzione pubblica per l’efficienza delle amministrazioni, Presidenza del Consiglio del ministri, Analisi e strumenti per l’innovazione.
-
[20]
Concomitamment à sa participation à la création de la loi toscane.
-
[21]
Son objectif est alors d’expérimenter les dispositifs dont elle a pu avoir connaissance via son expérience à l’international, comme elle le raconte en entretien (Entretien Iolanda Romano, directrice d’Avventura Urbana, Paris, 16 décembre 2010).
-
[22]
Luigi Bobbio écrit notamment dix-sept publications entre le milieu des années 1990 et le milieu des années 2000 dans des revues étrangères (en français, allemand, portugais et anglais). Il parle par ailleurs couramment le français, l’italien et l’anglais.
-
[23]
Il s’agit d’ailleurs de la seule tâche pour laquelle il est rémunéré.
-
[24]
Entretien Luigi Bobbio, professeur de science politique à l’université de Turin, Turin, 13 avril 2013.
-
[25]
On peut évoquer l’article d’un grand quotidien national, La Repubblica, qui en dresse un portrait particulièrement élogieux. Voir S. Poli, « Cittadini e partecipazione. La Toscana impara dal mondo », La Repubblica, 20 mai 2006.
-
[26]
Cette mise en scène n’a d’ailleurs rien d’original. On retrouve la même stratégie en région Poitou-Charentes, où dès 2006 est organisé un colloque intitulé « Rencontre Europe-Amérique sur la démocratie participative », qui réunit chaque année et jusqu’en 2010 des universitaires et praticiens. On y retrouve d’ailleurs peu ou prou les mêmes experts (Nick Wates, Yves Sintomer, Luigi Bobbio). En outre, l’invitation d’acteurs toscans comme Manuele Braghero ou Luigi Bobbio montre comment la fin des années 2000 voit la constitution d’un petit réseau restreint d’acteurs spécialisés sur la DP régionale.
-
[27]
Il s’agit pour la plupart de chercheurs italiens voire toscans spécialistes de la question participative. On y trouve Paul Ginsborg, historien à l’Université de Florence d’origine anglaise, naturalisé italien et militant reconnu nationalement dans la réforme de la démocratie italienne ; Massimo Morisi, professeur de science politique à l’Université de Florence ; ou encore Giovanni Allegretti, chercheur florentin en urbanisme, professeur à l’Université de Coimbra au Portugal.
-
[28]
L. Bobbio, Proposta di convegno, note de présentation du colloque, 7 février 2006 [archive personnelle].
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[29]
Dans le rapport soumis aux parlementaires lors du premier débat sur la proposition de loi, le 27 mars 2007, ce colloque est expressément mentionné. Il est évoqué comme un colloque « lors duquel ont été présentés divers modèles de “démocratie participative”, qui lors de la dernière décennie, ont été expérimentés dans diverses parties du monde : de l’Australie à la France, de la Grande-Bretagne au Brésil. Il s’est agi, aux dires de nombreux observateurs et des scientifiques présents, du premier colloque italien où cet objet a été traité et analysé ». L’ensemble des universitaires présents sont présentés ainsi qu’un résumé des propos qu’ils ont pu tenir lors du colloque. Voir Consiglio regionale, Documento preliminare : orientamenti per una legge sulla partecipazione, http://www.regione.toscana.it/-/il-percorso-di-costruzione-della-legge-sulla-partecipazione (accès le 25/03/2016).
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[30]
Dans les sources écrites toscanes, les acteurs toscans utilisent régulièrement l’expression « débat public » en français ou alors il est fait mention du « dibattito pubblico francese ». Le débat public est une procédure participative instituée en France par la loi Barnier, en 1995, qui oblige à la mise en œuvre de procédures de concertation sur des projets d’infrastructures dont le montant dépasse les trois cents millions d’euros. Ces procédures de concertation sont « garanties » par une autorité administrative indépendante, la Commission nationale du débat public.
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[31]
Il s’agit de la thèse de Jacques Lolive sur le projet de ligne TGV Méditerranée qui constitue un tournant dans l’institutionnalisation du débat public en France (Lolive, 1997).
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[32]
Le directeur « jeunesse » de la ville de Turin, qu’elle connaît – elle dira de lui : « C’est un visionnaire vraiment, c’est aussi la première personne qui utilise l’open space technology en Italie, toutes les plus grandes expérimentations de ces dernières années je les ai faites avec lui » –, lui explique devoir organiser une rencontre pour les jeunes et est à la recherche d’un dispositif permettant de « marquer le coup ». On voit bien ici comment l’offre n’est possible que parce qu’une demande existe, et que cette dernière est liée aux réseaux d’interconnaissances préexistants.
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[33]
Une réflexion équivalente est menée par Marie-Hélène Sa Vilas Boas pour le Brésil sur l’engagement d’intellectuels, d’experts et de chercheurs en science politique dans la construction d’un État central défaillant (Sa Vilas Boas, 2012).
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[34]
L. Bobbio, 2006, « Discutibile e indiscussa : l’Alta velocità alla prova della democrazia », La rivista il Mulino, 423, p. 127 (je souligne).
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[35]
Outre l’ouvrage américain Breaking the Impasse. Consensual Approaches to Resolving Public Disputes (Susskind, Cruikshank, 1987), des auteurs français évoquant des expériences de débat public sont cités : les travaux de Jacques Lolive sur la ligne TGV Méditerranée (1997), l’ouvrage de Michel Callon, Pierre Lascoumes et Yannick Barthe (2001) ou encore un article de Cécile Blatrix sur le débat public (2002). La littérature sert ici explicitement à montrer les avantages du débat public français dans le cadre de conflits de ce genre.
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[36]
Il faudrait s’intéresser sur le temps long au processus d’« harmonisation cognitive » dont fait l’objet le débat public à travers la formation de « communauté d’interconnaissance » et d’« intertextualité », processus entendu comme emprunts croisés d’écrits entre espaces savants et politiques. Cela permettrait de mieux comprendre comment cette solution est valorisée et diffusée sur la base d’un stock de connaissances communes par-delà les frontières (Saunier, 2008).
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[37]
Il y est d’ailleurs présenté comme appartenant à la grande famille des dispositifs délibératifs aux côtés du plus célèbre d’entre eux pour les professionnels de la participation, le deliberative polling de James Fishkin. S’il n’est d’ailleurs jamais fait référence au père de la démocratie délibérative, Habermas, la plupart de ses dimensions sont mobilisées.
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[38]
Avventura Urbana, non daté, Che cos’è il Town Meeting, p. 2, http://www.comune.torino.it/treguaolimpica/youngwords/programma/townmeeting.pdf, accès le 26/03/2016 (souligné par l’auteure).
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[39]
Ibid. (souligné par l’auteure).
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[40]
Entretien Iolanda Romano, directrice d’Avventura Urbana, Paris, 16 décembre 2010.
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[41]
I. Romano, 2006, Costruire una Legge Regionale sulla partecipazione : proposta per la realizzazione di un evento di democrazia partecipativa, Avventura Urbana, janvier 2006 [archive personnelle].
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[42]
Ibid. Souligné par l’auteure.
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[43]
Ce processus d’intéressement s’inscrit bien évidemment sur le temps long. Si les acteurs institutionnels nous expliquent en entretien avoir lu les différents travaux de ces experts, il n’en demeure pas moins que les discussions au sein du comité technico-politique ont pu permettre aux uns et aux autres de déployer bien plus finement leurs argumentaires.
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[44]
En comparaison, le coût moyen d’un dispositif participatif financé par la suite dans le cadre de la loi régionale est d’environ 30 000 euros. R. Lewanski, 2013, Rapporto annuale 2012-2013, Autorità regionale per la partecipazione.
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[45]
Avventura Urbana, 2006, Le vie della partecipazione. Verso une legge regionale per la partecipazione des cittadini. Guida del partecipante, Electronic Town Meeting. Carrara fiere, 18 novembre 2006, p. 3, http://www.regione.toscana.it/documents/10180/23652/Guida%20del%20partecipante/0bc30937-baca-4f17-b1a8-bbf372bae1fb, accès le 25/03/2016 (je souligne).
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[46]
Entretien Agostino Fragai, vice-président à la démocratie participative, Pistoia, 6 juin 2013.
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[47]
La CNDP est une autorité administrative indépendante instaurée par l’État français par la loi Barnier de 1995 qui organise et garantit le débat public sur les projets d’infrastructures.
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[48]
Entretien Manuele Braghero, directeur de cabinet d’Agostino Fragai, siège du Conseil régional, Florence, 1er décembre 2011.
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[49]
La maîtrise d’une expertise participative les amène d’ailleurs à être auditionnés en février 2012 et à présenter le débat public français dans le cadre d’une commission de réflexion sur la traversée ferroviaire Lyon-Turin créée par le gouvernement italien en 2006.
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[50]
Entretien Agostino Fragai, Pistoia, 6 juin 2013.
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[51]
Il participe en effet à un colloque en Chine organisé par un think tank local où il est invité par Yves Sintomer pour présenter le dispositif. Il explique, alors qu’on l’interpelle sur la différence de taille entre la Toscane et la Chine, que « the problem is not the population size but whether there are the techniques of drawing more people in. What are important are the tools you use ». L’argument technique qu’il mobilise ici est une preuve supplémentaire d’un intéressement réussi (voir l’interview sur le site : http://www.rights-practice.org/en/news/09aug_pp_conference.html).
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[52]
Le premier se déroule en novembre 2007 sur la politique de santé régionale. Puis, en 2009, un ETM transrégional avec la région du Piémont et les communes de Turin et de Florence porte sur la fin de vie. En février 2010, une variante de l’ETM, l’ETM-plan met en débat le plan paysager régional. L’année suivante, un ETM est organisé sur la politique de tourisme (Floridia, 2013). Les expérimentations multiples et leurs mises en adéquation avec le contexte spécifique de la politique publique en question participent d’un intéressement durable des acteurs de l’institution régionale.
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[53]
Projet de fondation européenne pour la démocratie participative porté par la région Poitou-Charentes.
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[54]
Cette coopération participe à la diffusion de l’ETM. Les agents picto-charentais l’utilisent dans le cadre de la réforme de leur budget participatif des lycées en 2010.
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[55]
Dans le cadre du programme, une série d’ETM est mise en œuvre à Belfast, Palerme, Houtskar en Finlande, Voroklini à Chypre. Voir http://www.parterre-project.eu.
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[56]
On pourrait faire la même analyse pour le cas du débat public où le rapprochement entre Luigi Bobbio et certains universitaires français proches de la CNDP – dont Loïc Blondiaux et Jean-Michel Fourniau – contribue à faire circuler et à faire connaître la loi toscane.
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[57]
Cette association a été fondée en 1990 sous le nom d’Association internationale des praticiens en participation publique. Elle est de fait essentiellement composée de professionnels de la participation.
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[58]
Cet Italo-Américain est directeur de l’autorité régionale de 2008 à 2014. Professeur de science politique à l’université de Bologne, il est spécialiste des politiques environnementales. Il enseigne dans plusieurs universités étrangères (Sofia, Barcelone et Sidney) et est l’auteur de nombreuses publications sur la démocratie délibérative. Ses publications sont également l’occasion de défendre la loi toscane comme incarnation de la démocratie délibérative. Voir notamment R. Lewanski, 2013, « Institutionalizing Deliberative Democracy: the “Tuscany laboratory” », Journal of Public Deliberation, 9 (1), Article 10.
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[59]
De 1989 à 1995, il est chargé de recherche, puis directeur de recherche à l’Institut régional pour la programmation économique de la région Toscane, un organisme de recherche financé par le Conseil régional. Il est le seul non-économiste de l’Institut : lui sont alors confiées des recherches davantage orientées vers la science politique, notamment l’étude des systèmes politiques et de la sociologie électorale. À la suite d’une réforme de cet institut, un certain nombre de chercheurs sont intégrés à l’administration régionale. Il prend alors la tête de l’Observatoire électoral régional. Il est à ce titre membre de la Société italienne d’études électorales, dont il prend la présidence en 2014.
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[60]
Il participe par exemple à une conférence organisée par le Conseil de l’Europe le 5 novembre 2013 à Strasbourg pour présenter la loi régionale.
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[61]
Il a récemment fait une communication portant sur la loi toscane au congrès de l’Association française de science politique organisé à Aix-en-Provence du 22 au 24 juin 2015.
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[62]
A. Floridia, 2013, La democrazia deliberativa : teorie, processi e sistemi, Rome, éditions Carroci.
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[63]
Il a par exemple été discuté par Nadia Urbinati, chercheuse en science politique à l’université de Columbia, le 13 juin 2013 à Florence.
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[64]
Outre moi-même et les chercheurs cités plus bas, on peut également évoquer la thèse en cours d’Igor Fonseca de l’Université de Coimbra qui réalise une comparaison entre la Toscane et l’État brésilien du Rio Grande do Sul sous la direction de Giovanni Allegretti, un universitaire florentin ayant participé à l’élaboration de la loi toscane.
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[65]
Il s’agit de Laurence Behrer (Université de Montréal), Louis Simard (Université d’Ottawa), Mario Gauthier (Université de Québec en Ouataouais) et de deux chercheuses françaises Magali Nonjon (Université d’Avignon) et Alice Mazeaud (Université de La Rochelle).
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[66]
Sa trajectoire n’est pas sans rappeler celle de Luigi Bobbio et Iolanda Romano. Cet expert français qualifié de « gourou de la démocratie participative » par Antonio Floridia est ingénieur des ponts et chaussées, diplômé d’une prestigieuse école de commerce (ESSEC) et docteur en urbanisme. Il dirige le programme de développement urbain des Nations unies (UN-Habitat) et est expert auprès du groupe de recherche et d’échanges technologiques (GRET). Il enseigne par ailleurs dans plusieurs universités reconnues (London School of Economics, Université Paris 8, Harvard).
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[67]
Séance de présentation de la loi toscane, Florence, 15 novembre 2010.
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[68]
Ibid.
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[69]
Cette remarque est d’ailleurs valable pour les sciences sociales : Andy Smith (2000) évoquait la tendance de nombreux travaux de recherche comparée à conférer un exotisme a priori aux cas étrangers, amenuisant fortement l’intérêt des mises en perspectives proposées.
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[70]
Réunion de débriefing du voyage d’études, Orchies, siège de l’entreprise Leroux, 2 février 2011.
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[71]
Ibid.
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[72]
Il participe notamment en tant qu’observateur à un jury citoyen en 2010 et engage une série d’enquêtes pour le compte du Conseil régional avec les étudiants de son master.
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[73]
Réunion de débriefing du voyage d’études, Orchies, siège de l’entreprise Leroux, 2 février 2011.
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[74]
« Le principal enseignement tiré de ce voyage d’études est qu’il existe une grande similitude entre les deux Régions : communauté de concepts, de référentiels, de langage ». Conseil régional Nord-Pas-de-Calais, Rapport à l’attention du bureau exécutif, 3 octobre 2011, p. 5.