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Article de revue

Le théâtre au tournant du XXe siècle : un enjeu politique. L'exemple de la Maison du Peuple de Montmartre (1891-1901)

Pages 123 à 136

Notes

  • [1]
    Groupe socialiste qui revendique la journée de travail de 8 heures.
  • [2]
    Maurice Barrès a, dans les années 1894-1895, adhéré à la Maison du Peuple : il y défend l’idée d’un théâtre populaire. Un journaliste de L’Éclair (6 avril 1901) rappelle ces propos de Barrès : « Ce sera un moyen de lutte au service des idées. Il attirera des curieux et répandra ses façons de voir. Ce n’est pas au bien-être matériel seulement qu’aspirent les travailleurs : le bien-être matériel n’est qu’une étape, il n’a de valeur que tant qu’il est une condition indispensable de la perfection intellectuelle… Que jouera-t-on sur le théâtre de la Maison du Peuple ? Des pièces d’auteurs nouveaux, s’il s’en présente. C’est dans un théâtre analogue qu’en Allemagne on a créé les Tisserands. »
  • [3]
    Rapport de police du 23 novembre 1891.
  • [4]
    L’Égalité, 30 juillet 1891.
  • [5]
    Jean Jaurès, texte repris dans Chantal Meyer-Plantureux, Théâtre populaire, enjeux politiques, de Jaurès à Malraux, préface de Pascal Ory, Bruxelles, Complexe, 2006.
  • [6]
    Le Père Peinard, 18 mars 1893.
  • [7]
    1872-1923. Anarchiste (ami de Laurent Tailhade), il milite pour un théâtre populaire. Le Théâtre Civique joue « des pièces de révoltes », instaure la gratuité et propose des conférences et des débats auxquels participent Jaurès, Mirbeau, Lugné-Poe… À sa création, le théâtre civique bénéficie de la notoriété de l’acteur vedette Mévisto.
  • [8]
    Le Chaos, t. 2 de Un Jeune Homme dans la société, Paris, Stock, 1901, p. 115-116.
  • [9]
    Poète nicaraguayen (1867-1916) considéré comme le rénovateur de la poésie espagnole et hispano-américaine. Venu très jeune à Paris, il devient l’ami de Verlaine, de Mallarmé et du poète anarchiste Laurent Tailhade qui l’emmènera à la Maison du Peuple.
  • [10]
    Cet extrait de son journal intime a été traduit par Pierre Michel : http://www.scribd.com/doc/8470113/Pierre-Michel-Ruben-Dario-Tailhade-et-Lepidemie.
  • [11]
    Le Grand Pan, Paris, Charpentier et Fasquelle, 1896, p. 206.
  • [12]
    Fonds Maison du Peuple de Montmartre. Dans le cadre de son Master, Vanessa Rouil a photographié l’ensemble des documents (près de 2 000) qui forment ce fonds, ce qui a grandement facilité ce travail.
  • [13]
    Cette source est particulièrement utile car une grande partie des pièces n’a pas été éditée.
  • [14]
    Adèle Paulina Mekarska, dite Paule Mink (1839-1901), fille d’un noble polonais, mariée à un prince dont elle divorcera, rejoindra en 1868, la Ière Internationale : elle signe des textes féministes et socialistes. Elle fonde la Société fraternelle de l’ouvrière, une organisation influencée par les principes mutualistes de Proudhon. Elle participe à la Commune de Paris et crée un comité pour les Droits de la femme. Elle épousera un ouvrier anarchiste qui lui donnera la nationalité française. Elle écrit deux pièces qui seront jouées au Théâtre social de la Maison du Peuple de Montmartre. Elle sera très active au sein de cette organisation
  • [15]
    Pour avoir participé à la Commune, Clovis Hugues (1851-1907) est condamné à quatre ans de prison. Libéré, il milite pour l’amnistie des communards et se présente aux élections de 1881 sous l’étiquette du Parti Ouvrier français. Député des Bouches du Rhône durant deux mandats, il devient, en 1893, député de Paris et fut réélu jusqu’en 1906. Parallèlement il publia des poésies, des romans, des pièces de théâtre. Personnage haut en couleurs, fougueux et passionné, il fut l’un des piliers de la Maison du Peuple de Montmartre.
  • [16]
    Nous disposons de très peu d’informations sur cet auteur. Il a écrit, outre Montjuich, d’autres drames sociaux : L’Exemple, Charité, Le Charbonnier (pièce interdite par la censure) et Lovélie ou ni Dieu ni Maître – apparemment seule de ses pièces éditée. Libertaire, il est passé, fin 1899, au POF de Jules Guesde. Il a été, dans les années 1910, rédacteur en chef du Journal de la Seine, organe de défense des intérêts de la banlieue Nord.
  • [17]
    1850-1904. Sa pièce La Pâque socialiste a été l’un des plus grands succès de l’époque. Créée à la Maison du Peuple en 1894, elle a été jouée plus de 1 500 fois à travers la France. Il est également l’auteur de Aux Courses en 1898, de Frêle et forte qui entra au répertoire de la Comédie Française en 1901, mais Veyrin fut surtout un homme d’affaires et un inventeur.
  • [18]
    1864-1935. Poète (il a écrit, entre autres, de la poésie érotique), journaliste, écrivain pour le cabaret Le Chat noir, il est l’auteur de nombreuses pièces. Un moment anarchiste, sa pièce Mais un jour quelqu’un troubla la fête témoigne de cet engagement.
  • [19]
    1863-1927. Fils d’un compositeur, il fut acteur à ses débuts, devint le secrétaire de Fernand Xau (créateur du Journal) avant de devenir lui-même journaliste et critique dans différents journaux, dont Le Figaro.
  • [20]
    Georges Lecomte, « Théâtre », La Revue Socialiste, juin 1894, p. 743-744.
  • [21]
    Anonyme, « Quinzaine dramatique », La revue d’art dramatique, 1er juillet 1892.
  • [22]
    Jean-Marie Villégier qui l’a mise en scène en 2006 écrit dans le Programme : « Devançant Ibsen, Villiers dénonce les médiocrités du couple bourgeois et l’infantilisation de la femme. La « parfaite épouse », révoltée, devient une « mauvaise mère » : son enfant, qu’elle n’ose élever selon son cœur, la regarde comme une étrangère. Elisabeth est et veut rester inadaptée à la férocité d’un temps où l’argent triomphe, où il est permis de demeurer distrait devant la misère des déshérités, où l’on joue avec la ruine des autres. Sans doute est-il déjà bien tard pour secouer le joug, pour tenter l’évasion. Mais il n’est pas trop tard, peut-être, pour faire entendre le chant du cygne. Celui d’une femme humiliée, asservie. Celui d’un être humain qu’obsèdent les interminables souffrances des spoliés éternels. »
    http://racine.cccommunication.biz/v1/wents/users/13119/docs/DP%20la%20revolte.pdf.
  • [23]
    Cité par Caroline Granier dans Les Briseurs de formule, les écrivains anarchistes à la fin du XIXe siècle, Cœuvres, Ressouvenances, 2008, p. 99.
  • [24]
    Le Théâtre civique, p. 21-22.
  • [25]
    « Revue des revues », Revue socialiste n°114, 15 juin 1894, p. 747.
  • [26]
    Un Domino, Le Gaulois, lundi 25 mars 1895.
  • [27]
    Rapport de police du 18 mars 1895.
  • [28]
    Dans cette pièce, comme dans celle de Veyrin, il n’y a aucune critique de la figure du Christ, mais celle de la domination du clergé dans la société du XIXe siècle.
  • [29]
    Cité dans l’article « Un théâtre socialiste, à la Maison du Peuple » de la Presse du 27 janvier 1897.
  • [30]
    R.S., « Émile Veyrin : La Pâque socialiste », La Revue socialiste n°124, avril 1895, p. 437-450.
  • [31]
    Conférence de Laurent Tailhade faite au Nouveau-théâtre, le 15 avril 1899, reprise dans la revue mensuelle de l’Idée Libre n°98 de février 1927.
  • [32]
    Thierry Cazes, député du Gers, dans sa conférence qui a précédé la représentation du 18 mars 1895, cité dans La Revue socialiste, n°124.
  • [33]
    Philippe Ivernel, Au temps de l’anarchie, un théâtre de combat 1880-1914, Paris, Éditions Séguier, 2001.
  • [34]
    Sébastien Faure a adopté la fille de l’anarchiste Auguste Vaillant, exécuté après son attentat à la bombe contre l’Assemblée Nationale.
  • [35]
    Archive du 18 mars 1895.
  • [36]
    Rapport de police du 19 décembre 1898.
  • [37]
    Marjorie Gaudemer, thèse soutenue sous la direction de Christian Biet, le 5 décembre 2009 : Le théâtre de propagande socialiste en France 1880-1914. Mise au jour d’une fraction de l’histoire du théâtre militant, note 7 p. 327, note 3 p. 450.
  • [38]
    Grâce à Ruben Dario, nous avons la chance d’avoir une description très précise de cette soirée du 9 juin 1900, qui comportait une conférence de Laurent Tailhade et la pièce de Mirbeau : http://www.scribd.com/doc/8470113/Pierre-Michel-Ruben-Dario-Tailhade-et-Lepidemie.
  • [39]
    Elle sera à nouveau jouée au théâtre du Château, précédée d’une conférence de Jaurès. Elle fera l’objet, à la Chambre des Députés, d’une interpellation d’Eugène Fournière (débat du 18 juin 1906) sur les raisons de cette censure.
  • [40]
    Caroline Granier, op. cit., p. 109.

1Le 8 août 1891, quelques jours après l’inauguration de la nef du Sacré Cœur, le groupe des 8 heures du XVIIIe[1] (arrondissement) crée la Maison du Peuple de Montmartre. La première pierre est posée le 22 août 1892 et l’inauguration a lieu à peine un mois plus tard. L’idée qui a présidé à la fondation de cette Maison du Peuple est l’union de toutes les fractions socialistes. Jules Guesde (Parti Ouvrier français), Benoit Malon, Eugène Fournière, Jean Jaurès (socialistes indépendants), Jean Allemane (Parti Ouvrier Socialiste Révolutionnaire), Marcel Sembat (Parti socialiste Révolutionnaire) et Maurice Barrès [2] (Parti boulangiste) se succéderont sur l’estrade de cette misérable bâtisse édifiée impasse Pers, galvanisant une foule de travailleurs enthousiastes qui rêvent d’une société plus juste.

Les buts de la Maison du Peuple de Montmartre

2Si la Maison du Peuple se donne comme mission d’unifier les courants socialistes et d’être « un foyer révolutionnaire qui fera sauter, comme une cartouche de dynamite, les gouvernements bourgeois de notre époque » [3], elle interdit néanmoins à ses membres de s’immiscer dans les différentes élections et de donner des consignes de vote. Au début, elle refuse également l’entrée aux anarchistes qui, pourtant, la rejoindront assez rapidement. La Maison du Peuple entretient avant tout le souvenir de la Commune – et, dans une moindre mesure, des révolutions de 1789 et de 1848 – et chaque année, on fête, impasse Pers, l’anniversaire du 18 mars avec d’autant plus d’éclat que nombre de ses membres sont d’anciens communards. Le lieu se veut aussi très anticlérical : lutter contre l’Église et son symbole qui domine Montmartre, le Sacré Cœur, « qui déshonore la butte » [4] est l’une des priorités. La Maison du Peuple soutient aussi activement les différents mouvements de grève – Le Creusot, Carmaux – et organise des soupes populaires pour venir en aide aux miséreux de la Butte.

3À partir de 1894, la Maison du Peuple institue la propagande par l’art en créant le Théâtre Social. Le théâtre est considéré par beaucoup comme le meilleur moyen de faire passer des idées politiques : pour Jaurès le « théâtre [est] considéré comme moyen de lutte sociale, comme moyen de hâter la décomposition d’une société donnée, et de préparer l’avènement d’une société nouvelle » [5] comme, d’ailleurs, pour l’anarchiste Père Peinard :

4

« Le théâtre, voilà un riche moyen de semer les idées, nom de Dieu ! En effet, si mal bâtie que soit une pièce, elle a cette supériorité sur un bouquin, c’est que le plus niguedouille saisit ce que l’auteur a voulu dire : y a pas besoin de se crever la caboche, les idées nous défilent sous le nez, comme qui dirait toutes vivantes. » [6]

Le lieu et ses spectateurs

5De nombreux artistes, intellectuels ou hommes politiques ont décrit le lieu et le public qui le fréquente : indications précieuses qui donnent une vision très précise de ce qui se déroulait dans cette Maison du Peuple. Pour Louis Lumet [7], fondateur du Théâtre civique en 1897, qui y offre sa première représentation, l’accent est mis sur la scène :

6

« La grande salle de la Maison du Peuple est d’une simplicité touchante. On y pénètre après avoir monté sept marches, par une porte à double battant, et l’on est saisi de son aspect misérable et apostolique. Des planches jointes forment les murs sur lesquels se posent les madriers du toit, en angle aigu comme la primitive ogive. À droite, se dresse une étroite construction de bois et de plâtre où le conseil délibère, et d’elle jusqu’au fond s’allonge une galerie légèrement exhaussée du sol. Le théâtre en face de l’entrée ouvre sa scène béante, chaire auguste qu’emplit le fracas des paroles qui prophétisent les temps futurs. Il y a au-dessus de la porte une tribune soutenue par des piliers, jeunes arbres à peine dépouillés de leur écorce. Et tout cela resplendit d’une lumière abondante et profonde. Car une force secrète anime la bonne grange qui recèle et prépare les semences. Et tout cela respire un joyeux et cruel effort. Car sur la foule qui germe dans un obscur désir, des phrases éclatent qui présagent les lointaines fleurs d’espoir. – Prolétaires de tous les pays, unissez-vous. – Tous pour un, chacun pour tous. – Ni dieu ni maître. – et tout cela est pauvre et mystérieux comme une source fraîche qui monte de la terre, et tout cela semble gronder comme les flots orageux de la mer. Des drapeaux rouges sommeillent sur leur hampe, bâton vulgaire. Le grand vent de Révolte couve entre leurs plis lourds. » [8]

7Pour Ruben Dario [9], c’est la découverte de la face cachée de Montmartre, celle de la misère :

8

« Je fus ponctuel, à l’heure indiquée, à la Maison du Peuple. Elle se trouve là-bas, du côté de Montmartre, mais le Montmartre qui travaille, celui des ouvriers, loin des pourris, des Cyranos et des Abbayes de Thélème abrutissantes. Le théâtre, lieu de réunions et de conférences, est situé au bout d’une impasse, et l’aspect de l’entrée n’a rien, à coup sûr, de décoratif. On voit bien que c’est la maison du peuple, et que le peuple est pauvre. À l’intérieur il y avait déjà pas mal de gens, et peu à peu le bâtiment s’est entièrement rempli. La chaleur était étouffante. » [10]

9Quant à Georges Clemenceau, c’est en homme politique qu’il décrit l’antre socialiste ; il tient à voir par lui-même une distribution de soupe populaire à la Maison du Peuple :

10

« Le fiacre s’arrête et nous apercevons au bout de l’impasse une foule noire, immobile, silencieuse, dans un magma de boue gelée. C’est là. Une modeste façade en torchis avec un écriteau : Maison du Peuple de Paris. […] Nous poussons la porte et nous voilà dans le terrible repaire d’où la révolution sociale doit s’élancer quelque jour pour dévorer le dernier bourgeois expirant. Rien dans l’aspect des lieux ne fait prévoir la catastrophe tant prédite. Un hall exigu de bois et de plâtre. À gauche, le comptoir de la Société coopérative avec quelques bottes d’épiceries. En face un court escalier accédant à la salle de réunion, dans le fond de laquelle on aperçoit le minuscule théâtre. À droite, trois marches nous font redescendre au niveau de la rue, dans une grande salle, au sol de terre battue, dans le fond de laquelle deux tables disposées en équerre sont installées pour l’humble festin du pauvre. » [11]

11Outre ces témoignages, une autre source permet d’appréhender avec précision la fréquentation de ce lieu : ce sont les archives de la Préfecture de police de Paris [12]. L’endroit est en effet très surveillé et chaque réunion et chaque représentation font l’objet d’une recension minutieuse. Les discours sont soigneusement reproduits, les pièces sont résumées en soulignant les passages subversifs [13]. Très intéressantes aussi sont les données chiffrées sur les spectateurs qui assistent aux représentations et la description de leurs réactions : cris à certaines répliques, applaudissements, chants révolutionnaires…

Le répertoire

12Peut-on parler réellement de répertoire à la Maison du Peuple de Montmartre ? Les auteurs sont très différents les uns des autres : certains, comme Paule Mink [14], Clovis Hugues [15] puis Chéri Vinet [16], sont engagés politiquement, militants et très présents (surtout pour deux d’entre eux, Chéri Vinet n’apparaissant que tardivement) dans l’organisation de la Maison du Peuple et l’on comprend bien qu’ils y fassent jouer leurs pièces. Les autres sont des sympathisants sans toutefois être militants : Émile Veyrin [17], Louis Marsolleau [18], Georges Docquois [19]. Le cas d’Octave Mirbeau est plus complexe : proche des anarchistes (et sa pièce s’apparente à ce courant) et de Jean Grave, il se rallie aux socialistes ou, plus exactement, à Jaurès. À la diversité des auteurs correspond la variété des esthétiques : la majorité des pièces jouées appartient aux genres dramatiques populaires. Ce sont principalement des mélodrames mais la farce et l’allégorie sont aussi représentées. En réalité le seul critère de choix qui guide les organisateurs est la dénonciation d’une injustice sociale. Mais la façon dont est traitée cette thématique renseigne sur les différents groupements qui dirigent la Maison du Peuple. On peut distinguer trois types de pièces qui correspondent à des courants différents :

  • Les pièces de constat : la dénonciation violente de l’injustice de la société. Elles traitent principalement des femmes et surtout des femmes ouvrières – ce sous-prolétariat : on y voit l’influence de Paule Mink mais aussi de Jules Guesde et de Marcel Sembat.
  • Les pièces d’espoir qui montrent le chemin vers le but suprême : la justice sociale : elles accompagnent le « rêve » de Fournière, de Jaurès, de Malon.
  • Les pièces anarchistes qui arrivent tardivement sur la scène de la Maison du Peuple de Montmartre avec l’acceptation totale des anarchistes : elles prônent l’insurrection face à l’injustice de l’organisation sociale et face à l’autisme de la bourgeoisie.
Les pièces de constat. Les premières pièces jouées à la Maison du Peuple le 24 mai 1894 sont les deux pièces de Paule Mink : Qui l’emportera et Le Pain de la Honte. Ces deux pièces n’ont pas été éditées mais on en retrouve une recension assez précise dans La Revue Socialiste :

13

« Son [Paule Mink] esprit lucide fait le procès de l’argent, et son âme généreuse, qui sent le désespoir des misérables, réclame l’indulgence pour leurs défaillances, souvent si légitimes. Ils ne sont pas responsables, moralement des actes auxquels les contraint la misère. L’organisation sociale, qui les déprime et les affame, le farouche écrasement par l’argent, et surtout les bouleversements qu’apportent dans les idées morales les théories de l’enrichissement et de la jouissance, doivent être accusés tout d’abord. […] Comment n’être pas pris de pitié, lorsque Mme Paule Mink nous montre, pour son héroïne, la nécessité fatale de ce que l’on est convenu d’appeler son avilissement ? Son mari est à l’hôpital ou sans travail, les enfants souffrent, ils ont faim. La famille a épuisé les secours de l’Assistance publique, si humiliants pour un homme que, dans une société mieux faite, son travail devrait nourrir. La pauvre femme est lasse d’entendre gémir les petits dans la désolation du morne logis. Personne ne leur viendra en aide. Tous les objets ayant quelque valeur sont engagés. Il n’y a plus qu’à mourir. Mais la mère se révolte contre cette idée d’anéantir ce qu’elle a créé, elle se souvient que, dans l’état social actuel, son corps aussi est une valeur. Elle se donne. Qui sera sévère à sa faute ? Les glorificateurs de la société présente n’auront eux-mêmes qu’une moue d’indifférence impuissante. Ils sentent que ces hontes sont fréquentes et, d’eux-mêmes, ils les classent avec tranquillité parmi ce qu’ils appellent les « nécessités » de leur ordre social. Comme si un ordre social qui comporte de pareilles nécessités, qui laisse encore des gens sans pain sombrer dans l’infamie parce qu’ils sont affolés par la détresse, était un ordre social respectable ! » [20]

14La prostitution est en effet souvent la seule alternative pour la femme d’échapper à la misère : c’est August Bebel qui écrivait, en 1891, dans La Femme et le socialisme : « Qu’on se représente seulement le misérable salaire qui vient en partage à la majeure partie des ouvrières, salaire qui ne leur permet pas de vivre et qui les pousse à chercher des gains accessoires dans la prostitution. » Pour Paule Mink, quant à elle, la femme est le véritable sous-prolétariat et son action pour la libération des femmes va être au cœur de son action à la Maison du Peuple ; mais elle n’est pas la seule et le premier discours de Jules Guesde, le 21 novembre 1891, pour l’inauguration de la Maison du Peuple, est, lui aussi, un appel aux femmes :

15

« Jusqu’à présent la femme était exclue de la société, une ère nouvelle se prépare pour vous, citoyennes, vous les esclaves de l’humanité, vous allez être appelées à prendre part à nos luttes, à nous aider à faire notre révolution. La femme a aussi été à l’avant garde en 1789. Les femmes sont allées à Versailles chercher le boulanger, la boulangère et le petit mitron ; sans remonter si loin, en 1871, les femmes ont mis les fusils entre les mains des fédérés. Aujourd’hui, nous cherchons à attirer le plus possible de femmes, je vois que c’est encore par elles que nous arriverons à faire notre révolution. »

16Le choix des pièces la Râleuse, La Révolte ou Mélie, dont les auteurs ne sont pas engagés politiquement comme le fût Paule Mink, obéit au même impératif : dénoncer la situation faite aux femmes. Dans Mélie, la jeune fille ouvrière qui vit dans un misérable logis à Belleville, fuit à la veille de son mariage lorsqu’elle prend connaissance d’un fait divers particulièrement horrible : elle le lit comme un présage de ce que sera son avenir : « Une malheureuse femme abandonnée de son mari et ne pouvant plus trouver d’ouvrage, réduite à la dernière misère, se tue avec ses cinq enfants. » [21] Et dans La Révolte de Villiers de l’Isle Adam, s’il s’agit là d’un couple bourgeois, la pièce n’en demeure pas moins une réflexion sur la femme et sur l’injustice sociale [22]. Cette dernière pièce, cependant, est plutôt mal reçue par les journaux révolutionnaires. Dans Le Père Peinard du 25 juillet 1897, La Révolte est qualifiée de « piécette philosophique […] d’un réac carabiné » et dans L’Almanach de la question sociale, Jehan Rictus affirme que c’est à cause du titre que la pièce a été prise car « elle n’a rien à voir avec une pièce révolutionnaire » [23].

17Quoi qu’il en soit, ce répertoire a plusieurs avantages : il fait venir les familles entières et pas seulement les hommes. Or l’un des premiers buts de la Maison du Peuple, est de réunir les familles : les conférences n’attirent pas forcément les femmes, les spectacles oui. Et lorsque les sujets des pièces les touchent particulièrement, elles viennent en masse. Louis Lumet le constate avec bonheur lors de la soirée consacrée à la Révolte : « la salle était comble […] La soirée fut triomphale. […] des applaudissements, des sourires de femmes. » [24] Paul Lagarde constate également, dans La Revue socialiste, ce pouvoir du théâtre :

18

« Je songeais à l’étrange et mystérieuse force de l’Art, qui entraîne les foules en faisant battre à l’unisson les cœurs, et je pensais que peut-être, mieux que de savantes conférences, la poésie et le drame nous gagneront des sympathies. Une larme, un frisson valent tous les chiffres du monde, surtout pour nous, Français, tout d’impressions et de sentiments. » [25]

19Les pièces d’espoir. La Pâque socialiste et Le Mauvais Larron se distinguent des pièces de constat : les premières montrent le monde tel qu’il est, les autres rêvent de justice sociale et montrent le monde tel qu’il sera lorsque les idées socialistes auront gagné. Ce sont des pièces « réconfortantes » : elles accompagnent parfaitement les discours d’Eugène Fournière. Celui-ci, lors de la conférence du 25 mars 1895 qui précède une représentation de La Pâque socialiste, décrit la société future telle qu’il la rêve :

20

« À ce sombre tableau [Fournière vient de peindre la situation politique], il oppose le spectacle de la société future telle qu’il la rêve : la socialisation des moyens de transport et de production de l’outillage et de la terre, sol et sous-sol, permettant de donner à chacun gratuitement la nourriture, le logement et l’habillement ; les représentations gratuites dans d’immenses salles des productions théâtrales, l’instruction, les sciences et les arts répandus à profusion et mis à la portée de tous ; la famille reconstituée et agrandie par l’égalité des sexes, la suppression de l’autorité paternelle et du mariage qu’il qualifie d’acte aussi monstrueux que les vœux prononcés par les prêtres ».

21Les deux pièces, si elles remportent un grand succès (La Pâque socialiste est jouée sept fois alors que les autres sont jouées une ou deux fois), n’en ont pas moins été contestées jusqu’à, dans le cas du Mauvais Larron, susciter la raillerie : on parle de « conversion » de Clovis Hugues à l’image d’un journaliste du Gaulois qui s’en amuse :

22

« On parle beaucoup en ce moment, dans les cénacles, de ce qu’on a appelé la « conversion » de M. Clovis Hugues. Le mot est d’un chroniqueur spirituel – M. Charles Fromentin – mais il est quelque peu exagéré. Pourtant nous avons plaisir à constater que le député-poète a écrit une pièce en un acte, en vers, pour la Maison du Peuple, et prenant comme sujet la lutte entre le principe de la justice et le principe de la charité, a parlé de Jésus en termes extrêmement élevés. Le Mauvais Larron a obtenu hier, à la Maison du Peuple, un très gros succès et chose piquante à constater, les vers dits par Jésus sont ceux qu’on a le plus souvent applaudis. Nous n’éprouvons aucun scrupule à faire tous nos compliments à M. Clovis Hugues. » [26]

23Le commissaire chargé de la surveillance, lui, n’y voit aucune apologie du christianisme :

24

« C’est une critique de l’œuvre du Christ. Les actes de la vie de Jésus sont critiqués par le mauvais larron et soutenu par le bon. Ce dernier tremble devant la mort et se raccroche désespérément à la vie future que lui laisse entrevoir le Christ. Le mauvais larron représente l’opinion moderne de la libre pensée, qui ne voit dans l’œuvre du Christ qu’une grande et généreuse idée de pitié pour les humbles et les déshérités mais en repousse le spiritualisme. […] Cette pièce a produit sur le public une certaine impression et même de l’enthousiasme. L’auteur, les artistes ont été acclamés à plusieurs reprises. » [27]

25Elle est d’ailleurs reprise quelques jours plus tard mais la tournée prévue sous la houlette de Fernand Pelloutier n’a finalement pas lieu. Les socialistes ont-ils réalisé toute l’ambiguïté de la pièce [28] ? Clovis Hugues lui-même, dans certaines déclarations à la grande presse, souligne son attachement à la figure de Jésus :

26

« Est-ce à dire, comme certains ont pu le croire, que je veux diminuer la figure de ce grand philosophe qui s’est appelé Jésus ? Nullement. Jésus a fait pour l’humanité de son temps tout ce qu’il était alors possible de faire pour améliorer le sort des malheureux et des déshérités ; et il a introduit dans le monde les principes de charité et de bonté, et c’est pourquoi, si nous combattons aujourd’hui ceux qui se réclament de lui et veulent gouverner en son nom, nous nous inclinons respectueusement devant Jésus. » [29]

27Les deux pièces tournent autour des notions de justice et charité – le christianisme parlant de charité, le socialisme, lui, revendiquant l’idée de justice – tout en établissant un parallèle entre socialisme et christianisme. Dès le premier acte de La Pâque socialiste, l’amalgame est assumé et c’est au 4e acte que le parallèle devient troublant : intitulé le « repas symbolique », il substitue, dans une mise en scène très claire, le personnage de Micheline à celui du Christ lors de la Cène. La phrase récurrente de l’acte mêle cependant les deux inspirations, chrétienne et socialiste : « Une idée court à travers les siècles » : c’est celle du partage des richesses, de la réhabilitation du juste, de l’affranchissement du salariat. Cet acte se termine d’ailleurs sur les voix fortes des ouvriers qui, en chœur, répètent : « Jour sacré ». La dernière didascalie donne cette indication : « les bras et les yeux au ciel, ils restent tous immobiles jusqu’à ce que la toile soit tout à fait tombée ». Pour la Revue socialiste, la pièce aurait dû se terminer sur cet acte (le cinquième étant jugé plus médiocre ; il a d’ailleurs été joué tardivement, seuls les quatre premiers actes étaient joués lors des premières représentations) dont il loue « la grandeur » :

28

« L’émotion grandissante au cours de cet acte atteint à la fin une intensité extraordinaire, émotion pure de tout élément inférieur – pas de haine –, dégagée de tout accessoire dramatique – pas d’intrigues –, c’est la fibre humaine vibrant librement dans la pure atmosphère des aspirations vers l’Idéal. Au début de l’ère chrétienne, les catacombes ont dû retenir de pareilles scènes d’enthousiasme. […] »

29Et le journaliste de conclure :

30

« Il y a là, en effet, une œuvre éminemment socialiste, qu’il n’est guère donné qu’au peuple d’apprécier dans toute sa valeur. » [30]

31Jaurès lui-même dans la conférence qui précède la première représentation où sont joués les cinq actes de La Pâque socialiste, donne à l’œuvre de Veyrin son « brevet de socialisme », ajoutant : « c’est la meilleure réponse faite aux détracteurs du socialisme de leur monter que non seulement celui ci ne tue pas l’art mais qu’il le vivifie ». Laurent Tailhade revenant, en 1899, sur cette Pâque socialiste ironise pourtant :

32

« Le socialisme débonnaire de M. Veyrin promet aux générations futures des ruisseaux de lait et de miel, un Eldorado fleuri d’actions vertueuses et de paroles bienveillantes ; mais ne voyez là qu’un rêve de poète, le jeu d’esprit d’une âme tendre, encline aux suaves utopies. » [31]

33Ce deuxième courant de pièces accompagne les « rêves » des socialistes Fournière, Jaurès et Malon : « le poète est, par nature, un prophète qui découvre les horizons à venir, ayant un don de seconde vue, c’est à lui de nous faire entrevoir la société future. » [32]

34Les auteurs de la dernière série de pièces ne sont pas des rêveurs : ils appellent à la révolte, à la lutte, à l’insurrection. Leur théâtre est direct, « frontal » comme le qualifie Philippe Ivernel [33], et ne donne lieu à aucune ambiguïté d’interprétation.

35Les pièces anarchistes : l’année 1900. À part la troupe de Maxime Lisbonne (lui-même est passé en vieillissant du socialisme à l’anarchisme) qui intervient dès 1894 sur la scène de la Maison du Peuple, et Sébastien Faure qui accompagne au piano des chants anarchistes, il n’y eut pas vraiment de pièces anarchistes sur cette scène durant les premières années. Pourtant, malgré le refus sans appel en 1891 de la présence anarchiste dans ce lieu, celle-ci va faire progressivement son apparition : la Maison du Peuple organise même une soirée familiale au profit de l’anarchiste Clément Duval.

36Les soirées commémorant la Commune sont souvent l’occasion de la venue de quelques anarchistes : le 18 mars 1895, les chants sont accompagnés au piano par Sébastien Faure « venu – précise le commissaire – avec plusieurs individus paraissant être des anarchistes. Sébastien Faure avait aussi avec lui la petite Sidonie Vaillant [34] […] » [35]. Le 18 mars 1898, l’assistance se sépare en criant Vive l’Anarchie et en chantant « Le drapeau dans la M. et d’autres “dansons la Ravachole” » [36].

37C’est la pièce de Chéri Vinet, Montjuich, qui installe sur la scène la révolte anarchiste : la pièce n’ayant pas été éditée, seul le récit du commissaire (heureusement très méthodique dans la description) permet de comprendre ce « drame révolutionnaire » qui fait écho au combat contre la torture envers les anarchistes de Montjuich, mené principalement, à partir de 1897, par La Revue blanche puis par La Justice de Clemenceau. Le 11 mars la pièce est jouée devant un parterre de 300 à 350 personnes, mais le commissaire ne note aucun incident ; les spectateurs sortent en chantant l’Internationale. Le lendemain une autre représentation a lieu en matinée : le public est moins nombreux mais lance des « Vive l’anarchie » durant la pièce. Elle sera rejouée le 17 juin 1900. De nombreuses autres pièces de Chéri Vinet sont jouées en 1900 et 1901, ainsi du Charbonnier (qui est interdit par la censure) ou de l’Exemple qui est, avec Montjuich, considéré comme une « grande épopée libertaire » [37].

38La pièce de Mirbeau, L’Épidémie, qui est représentée le 9 juin 1900 à la Maison du Peuple, a déjà été jouée en 1898 au théâtre d’André Antoine mais ce dernier, qui jouait le rôle du Maire, n’appréciait pas la pièce et l’a massacrée. La presse a été assez tiède, seule la presse anarchiste – et principalement Le Père Peinard – a saisi la violente portée de la pièce. Mallarmé, lui aussi, a compris « ce cri-là », celui de la vérité. Mais à la Maison du Peuple, Mirbeau, qui joue lui-même le rôle du maire, conquiert le public populaire [38].

39Le 21 juillet 1900, la Maison du Peuple joue Mais quelqu’un troubla la fête de Louis Marsolleau qui a été interdite par la censure [39]. La pièce est le « développement d’un topos anarchiste : les exclus revendiquant leur place au “banquet social” » [40]. La pièce est très virulente, laissant loin derrière elle les mièvreries mélodramatiques, et sa représentation de la Cène – car il s’agit encore d’une représentation de la Cène – ne comporte aucune ambiguïté : elle n’est plus, comme chez Veyrin, synonyme de partage mais au contraire d’exclusion. Cette « allégorie sociale », comme la qualifie Jean Jaurès, ne suscite aucun doute : le peuple ne gagnera sa place au « banquet » que par l’insurrection. Le paysan qui frappe violemment à la porte et croit encore à Dieu tout puissant, l’ouvrier qui ouvre la porte sans frapper, tentant de prendre en main son destin sans attendre qu’on lui permette de s’exprimer, viennent réclamer leur part mais ils sont bernés par de belles paroles. Alors surgit, dans un fracas de vitres brisées, l’Inconnu qui sème la terreur et une tempête provoquant la nuit tandis que résonnent ces mots : « Mais quelqu’un troubla la fête ».

40Avec cette dernière série de pièces, le répertoire de la Maison du Peuple est passé à la vitesse supérieure comme si la fin proche de ce lieu excluait toute prudence. À mesure que les politiques désertent ce lieu (Marcel Sembat s’en désole d’ailleurs lors d’une réunion du 20 janvier 1901) et acquièrent des places sur les bancs de l’Assemblée jusqu’à la victoire de 1902, les spectacles se font plus radicaux. En ses deux dernières années, la scène de la Maison du Peuple accueille le courant théâtral le plus révolutionnaire, sans pour autant inquiéter outre mesure les commissaires chargés de la surveillance : ils résument en quelques phrases rapides les soirées. Les enjeux ne sont en effet plus les mêmes, les attentats anarchistes se sont arrêtés et le courant réformiste a remporté la bataille : il a accepté de s’intégrer à la vie politique. La Maison du Peuple est une coquille vide qui va fermer. L’histoire de la gauche s’écrit ailleurs.


Mots-clés éditeurs : maison du peuple, anarchisme, Montmartre, socialisme, théâtre

Date de mise en ligne : 27/09/2012.

https://doi.org/10.3917/parl.hs08.0123

Notes

  • [1]
    Groupe socialiste qui revendique la journée de travail de 8 heures.
  • [2]
    Maurice Barrès a, dans les années 1894-1895, adhéré à la Maison du Peuple : il y défend l’idée d’un théâtre populaire. Un journaliste de L’Éclair (6 avril 1901) rappelle ces propos de Barrès : « Ce sera un moyen de lutte au service des idées. Il attirera des curieux et répandra ses façons de voir. Ce n’est pas au bien-être matériel seulement qu’aspirent les travailleurs : le bien-être matériel n’est qu’une étape, il n’a de valeur que tant qu’il est une condition indispensable de la perfection intellectuelle… Que jouera-t-on sur le théâtre de la Maison du Peuple ? Des pièces d’auteurs nouveaux, s’il s’en présente. C’est dans un théâtre analogue qu’en Allemagne on a créé les Tisserands. »
  • [3]
    Rapport de police du 23 novembre 1891.
  • [4]
    L’Égalité, 30 juillet 1891.
  • [5]
    Jean Jaurès, texte repris dans Chantal Meyer-Plantureux, Théâtre populaire, enjeux politiques, de Jaurès à Malraux, préface de Pascal Ory, Bruxelles, Complexe, 2006.
  • [6]
    Le Père Peinard, 18 mars 1893.
  • [7]
    1872-1923. Anarchiste (ami de Laurent Tailhade), il milite pour un théâtre populaire. Le Théâtre Civique joue « des pièces de révoltes », instaure la gratuité et propose des conférences et des débats auxquels participent Jaurès, Mirbeau, Lugné-Poe… À sa création, le théâtre civique bénéficie de la notoriété de l’acteur vedette Mévisto.
  • [8]
    Le Chaos, t. 2 de Un Jeune Homme dans la société, Paris, Stock, 1901, p. 115-116.
  • [9]
    Poète nicaraguayen (1867-1916) considéré comme le rénovateur de la poésie espagnole et hispano-américaine. Venu très jeune à Paris, il devient l’ami de Verlaine, de Mallarmé et du poète anarchiste Laurent Tailhade qui l’emmènera à la Maison du Peuple.
  • [10]
    Cet extrait de son journal intime a été traduit par Pierre Michel : http://www.scribd.com/doc/8470113/Pierre-Michel-Ruben-Dario-Tailhade-et-Lepidemie.
  • [11]
    Le Grand Pan, Paris, Charpentier et Fasquelle, 1896, p. 206.
  • [12]
    Fonds Maison du Peuple de Montmartre. Dans le cadre de son Master, Vanessa Rouil a photographié l’ensemble des documents (près de 2 000) qui forment ce fonds, ce qui a grandement facilité ce travail.
  • [13]
    Cette source est particulièrement utile car une grande partie des pièces n’a pas été éditée.
  • [14]
    Adèle Paulina Mekarska, dite Paule Mink (1839-1901), fille d’un noble polonais, mariée à un prince dont elle divorcera, rejoindra en 1868, la Ière Internationale : elle signe des textes féministes et socialistes. Elle fonde la Société fraternelle de l’ouvrière, une organisation influencée par les principes mutualistes de Proudhon. Elle participe à la Commune de Paris et crée un comité pour les Droits de la femme. Elle épousera un ouvrier anarchiste qui lui donnera la nationalité française. Elle écrit deux pièces qui seront jouées au Théâtre social de la Maison du Peuple de Montmartre. Elle sera très active au sein de cette organisation
  • [15]
    Pour avoir participé à la Commune, Clovis Hugues (1851-1907) est condamné à quatre ans de prison. Libéré, il milite pour l’amnistie des communards et se présente aux élections de 1881 sous l’étiquette du Parti Ouvrier français. Député des Bouches du Rhône durant deux mandats, il devient, en 1893, député de Paris et fut réélu jusqu’en 1906. Parallèlement il publia des poésies, des romans, des pièces de théâtre. Personnage haut en couleurs, fougueux et passionné, il fut l’un des piliers de la Maison du Peuple de Montmartre.
  • [16]
    Nous disposons de très peu d’informations sur cet auteur. Il a écrit, outre Montjuich, d’autres drames sociaux : L’Exemple, Charité, Le Charbonnier (pièce interdite par la censure) et Lovélie ou ni Dieu ni Maître – apparemment seule de ses pièces éditée. Libertaire, il est passé, fin 1899, au POF de Jules Guesde. Il a été, dans les années 1910, rédacteur en chef du Journal de la Seine, organe de défense des intérêts de la banlieue Nord.
  • [17]
    1850-1904. Sa pièce La Pâque socialiste a été l’un des plus grands succès de l’époque. Créée à la Maison du Peuple en 1894, elle a été jouée plus de 1 500 fois à travers la France. Il est également l’auteur de Aux Courses en 1898, de Frêle et forte qui entra au répertoire de la Comédie Française en 1901, mais Veyrin fut surtout un homme d’affaires et un inventeur.
  • [18]
    1864-1935. Poète (il a écrit, entre autres, de la poésie érotique), journaliste, écrivain pour le cabaret Le Chat noir, il est l’auteur de nombreuses pièces. Un moment anarchiste, sa pièce Mais un jour quelqu’un troubla la fête témoigne de cet engagement.
  • [19]
    1863-1927. Fils d’un compositeur, il fut acteur à ses débuts, devint le secrétaire de Fernand Xau (créateur du Journal) avant de devenir lui-même journaliste et critique dans différents journaux, dont Le Figaro.
  • [20]
    Georges Lecomte, « Théâtre », La Revue Socialiste, juin 1894, p. 743-744.
  • [21]
    Anonyme, « Quinzaine dramatique », La revue d’art dramatique, 1er juillet 1892.
  • [22]
    Jean-Marie Villégier qui l’a mise en scène en 2006 écrit dans le Programme : « Devançant Ibsen, Villiers dénonce les médiocrités du couple bourgeois et l’infantilisation de la femme. La « parfaite épouse », révoltée, devient une « mauvaise mère » : son enfant, qu’elle n’ose élever selon son cœur, la regarde comme une étrangère. Elisabeth est et veut rester inadaptée à la férocité d’un temps où l’argent triomphe, où il est permis de demeurer distrait devant la misère des déshérités, où l’on joue avec la ruine des autres. Sans doute est-il déjà bien tard pour secouer le joug, pour tenter l’évasion. Mais il n’est pas trop tard, peut-être, pour faire entendre le chant du cygne. Celui d’une femme humiliée, asservie. Celui d’un être humain qu’obsèdent les interminables souffrances des spoliés éternels. »
    http://racine.cccommunication.biz/v1/wents/users/13119/docs/DP%20la%20revolte.pdf.
  • [23]
    Cité par Caroline Granier dans Les Briseurs de formule, les écrivains anarchistes à la fin du XIXe siècle, Cœuvres, Ressouvenances, 2008, p. 99.
  • [24]
    Le Théâtre civique, p. 21-22.
  • [25]
    « Revue des revues », Revue socialiste n°114, 15 juin 1894, p. 747.
  • [26]
    Un Domino, Le Gaulois, lundi 25 mars 1895.
  • [27]
    Rapport de police du 18 mars 1895.
  • [28]
    Dans cette pièce, comme dans celle de Veyrin, il n’y a aucune critique de la figure du Christ, mais celle de la domination du clergé dans la société du XIXe siècle.
  • [29]
    Cité dans l’article « Un théâtre socialiste, à la Maison du Peuple » de la Presse du 27 janvier 1897.
  • [30]
    R.S., « Émile Veyrin : La Pâque socialiste », La Revue socialiste n°124, avril 1895, p. 437-450.
  • [31]
    Conférence de Laurent Tailhade faite au Nouveau-théâtre, le 15 avril 1899, reprise dans la revue mensuelle de l’Idée Libre n°98 de février 1927.
  • [32]
    Thierry Cazes, député du Gers, dans sa conférence qui a précédé la représentation du 18 mars 1895, cité dans La Revue socialiste, n°124.
  • [33]
    Philippe Ivernel, Au temps de l’anarchie, un théâtre de combat 1880-1914, Paris, Éditions Séguier, 2001.
  • [34]
    Sébastien Faure a adopté la fille de l’anarchiste Auguste Vaillant, exécuté après son attentat à la bombe contre l’Assemblée Nationale.
  • [35]
    Archive du 18 mars 1895.
  • [36]
    Rapport de police du 19 décembre 1898.
  • [37]
    Marjorie Gaudemer, thèse soutenue sous la direction de Christian Biet, le 5 décembre 2009 : Le théâtre de propagande socialiste en France 1880-1914. Mise au jour d’une fraction de l’histoire du théâtre militant, note 7 p. 327, note 3 p. 450.
  • [38]
    Grâce à Ruben Dario, nous avons la chance d’avoir une description très précise de cette soirée du 9 juin 1900, qui comportait une conférence de Laurent Tailhade et la pièce de Mirbeau : http://www.scribd.com/doc/8470113/Pierre-Michel-Ruben-Dario-Tailhade-et-Lepidemie.
  • [39]
    Elle sera à nouveau jouée au théâtre du Château, précédée d’une conférence de Jaurès. Elle fera l’objet, à la Chambre des Députés, d’une interpellation d’Eugène Fournière (débat du 18 juin 1906) sur les raisons de cette censure.
  • [40]
    Caroline Granier, op. cit., p. 109.
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