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Article de revue

La peur d'un roi désacralisé : la censure des tragédies de Marie-Joseph Chénier sous la Restauration et la monarchie de Juillet

Pages 81 à 94

Notes

  • [1]
    On trouvera une récente bibliographie sur le théâtre de Chénier dans l’édition par Gauthier Ambrus et François Jacob, Marie-Joseph Chénier, Théâtre, Paris, GF Flammarion, 2002, p. 437-439. Voir aussi la contribution ci-jointe, p. 75-91, de Philippe Bourdin : « Du théâtre historique au théâtre politique : la régénération en débat (1748-1790).
  • [2]
    Odile Krakovitch, « Les Mythes du bon et du mauvais roi : Henri IV et François Ier dans le théâtre de la première moitié du XIXe siècle », dans La Légende d’Henri IV (dir. Paul Mironnaud), colloque tenu à Paris le 25 novembre 1994, Société Henri IV, Pau, 1995, p. 215-241 ; « Un exemple modèle de censure théâtrale sous la Restauration : l’affaire du Cid d’Andalousie [de Lebrun] (1823-1830) », dans Orages, n°10, L’œil de la police, mars 2011, p. 135-182 ; « Casimir Delavigne, réformiste tranquille honni des censeurs », dans Casimir Delavigne en son temps (dir. Sylvain Ledda et Florence Naugrette), actes du colloque de Rouen, 24-25 octobre 2011. Paris, Eurédit, 2012, p. 145-171. Hugo censuré. La liberté du théâtre au XIXe siècle, Paris, Calmann-Lévy, 1985.
  • [3]
    Gauthier Ambrus, François Jacob, op. cit., p. 70.
  • [4]
    Gauthier Ambrus, François Jacob, op. cit., p. 174-175.
  • [5]
    Voir, sur les rapports compliqués de l’Empereur et Chénier, Henri Welschinger, La Censure sous le Premier Empire…, Paris, Perrin, 1887, p. 146-153 et 226-229.
  • [6]
    Gauthier Ambrus, François Jacob, op. cit., p. 254-255.
  • [7]
    Corinne Legoy, dans son mémoire de maîtrise La Figure du souverain médiéval sur les scènes parisiennes de la Restauration, soutenu sous la direction d’Alain Corbin, à Paris I, en 1993, montre très clairement la volonté des Bourbons d’implanter, dans l’opinion publique, leur croyance dans le caractère éternel et sacré de la dynastie royale, et l’utilisation plus ou moins efficace, en ce qui concerne le théâtre, de la représentation des souverains du Moyen Âge.
  • [8]
    Victor Hallays-Dabot, Histoire de la censure théâtrale en France. Paris, Dentu, 1862, p. 255-256.
  • [9]
    Arch. nat., F21 966 (année 1843).
  • [10]
    NDLR. Sauf mention contraire, tous les passages sont soulignés par l’auteur, ici et infra.
  • [11]
    Gauthier Ambrus, François Jacob, op. cit., p. 26.
  • [12]
    Ibid., p. 27.
  • [13]
    Arch. nat., F21966 (année 1819). Jean-Charles-Dominique de Lacretelle (1766-1855), journaliste, emprisonné à plusieurs reprises sous la Révolution, obligé de s’enfuir, put rentrer en France sous Napoléon qui le nomma censeur avant de le destituer. Anobli par les Bourbons, il reprit sa fonction de censeur, dont il démissionna par révolte contre la loi de 1827 restaurant la censure de la presse, car, préconisant cette censure pour le théâtre, il la jugeait insupportable pour l’écrit. Pierre-Édouard Lemontey (1762-1826) fut, comme Lacretelle, un grand bourgeois ultra-royaliste, mais un avocat courageux. Exilé pendant la Terreur, nommé censeur par Fouché et maintenu dans ce poste sous la Restauration, il fut célèbre pour ses idées libérales en politique, et réactionnaires en littérature.
  • [14]
    Arch. nat., F18 673.
  • [15]
    Arch. nat., F21 966.
  • [16]
    Jacques-Corentin Royou (1745-1828) connut le même itinéraire que celui de ses deux confrères Lemontey et Lacretelle. Comme eux, avocat et journaliste ultra-royaliste, déporté sous le Directoire, il revint en France après le 18 Brumaire et se consacra sous l’Empire à une vaste Histoire de France et à la rédaction de nombreuses tragédies qui, pour la plupart, furent des échecs. Ce peu de succès comme dramaturge ne favorisa pas son indulgence comme censeur, poste qu’il occupa jusqu’en 1827.
  • [17]
    Arch. nat., F 21 966 (année 1825).
  • [18]
    Le même motif de politique étrangère, à savoir l’engagement, en 1824, des troupes françaises en Espagne afin de rétablir sur le trône le roi Bourbon, Ferdinand, servit de prétexte pour maintenir l’interdiction d’une autre tragédie qui eut à souffrir autant et aussi longtemps qu’Henri VIII de la censure : le Cid d’Andalousie. Cette pièce de Pierre Lebrun ne fut pas autorisée parce que, comme les tragédies de Chénier, elle montrait un roi lâche, violent et violeur. De même, les deux grands drames de Casimir Delavigne, Les Vêpres siciliennes, en 1819 déjà, puis Marino Faliero, dix ans plus tard, furent aussi momentanément suspendus, apparemment pour des raisons de politique étrangère, alors que le réel motif du refus du Ministère fut bien évidemment l’évocation de révoltes populaires contre les puissants en place (voir Odile Krakovitch, op. cit.).
  • [19]
    Delaforest eut, par rapport à ses confrères, cette particularité d’être à la fois censeur et inspecteur. Journaliste comme eux, il fut à ce point réactionnaire qu’il fut sévèrement jugé par son successeur lui-même, l’historien de la censure, Hallays-Dabot qui le trouva trop partisan des anciens contre les modernes.
  • [20]
    Arch. nat., F21 966 (année 1826).
  • [21]
    Idem.
  • [22]
    Alissan de Chazet (1775-1844), ce « chansonnier, gastronome, épicurien, mangeur, voluptueux… », selon Pierre Larousse, fut, comme tous ses confrères, journaliste, dramaturge, et plus particulièrement grand pourvoyeur des théâtres du Vaudeville et des Variétés. En dépit de sa réputation, il se montra étrangement plus sévère à l’égard des comédies, qu’il jugeait grivoises, qu’envers les tragédies politiques.
  • [23]
    Voir la conclusion de l’étude de la pièce par Gauthier Ambrus et François Jacob, op. cit., introduction, p. 29.

1Le propos de cet article n’est pas de reprendre l’étude, déjà réalisée, des répression, censure et réception des pièces de Chénier durant la Révolution [1] mais de poursuivre les recherches pour les périodes suivantes et particulièrement les monarchies constitutionnelles. À étudier ainsi la destinée des œuvres du dramaturge, on se trouve en effet confronté au problème de l’impossible représentation [2], durant la plus grande partie du XIXe siècle, d’un monarque humain et faillible.

2Chénier est incontournable si l’on s’intéresse à l’expression du politique sur scène et, notamment, à l’évolution de la contestation du pouvoir monarchique. Ayant proclamé avec force et détermination son opinion à ce sujet, et dès 1789, dans Le Discours préliminaire à Charles IX, où il invoque Corneille et Voltaire, ses deux modèles, il dénonce ces « gouvernements pas assez raisonnables » pour permettre la mise en scène « des malheurs de la France, occasionnés par la faiblesse des rois, par le despotisme des ministres et l’esprit fanatique du clergé » [3]. Un mois plus tard, il formule plus clairement encore la nécessité d’« une tragédie vraiment nationale », s’interrogeant un peu plus loin : « est-il possible de représenter, sur le théâtre, un roi de France tout à la fois homicide et parjure, un roi de France qui verse le sang de ses sujets ? » [4]

3Pour son combat en faveur de la liberté, il n’hésite pas, autant sous la Révolution que sous le Premier Empire [5], à compromettre sa carrière politique ; il eut en outre à subir constamment la censure jusque sous les monarchies constitutionnelles. Ainsi son Henri VIII, objet d’une cabale lors de sa création en avril 1791, connut la vindicte des censeurs de tous les gouvernements jusqu’en 1841. Charles IX fut, certes, plus facilement autorisé, mais il fut surtout repris et représenté durant les périodes de liberté, preuve du danger qu’il pouvait comporter aux yeux des directeurs qui, en 1830, craignaient encore son audace politique. En définitive, ce fut Tibère, cette tragédie écrite en plein Empire, qui concentra, avec Henri VIII, la hargne des gouvernements et la haine des censeurs. Je me suis donc limitée ici à l’étude des malheurs que connurent ces deux dernières pièces.

Tibère ou l’interdiction sur scène du tyran sanguinaire

4Dans son Épitre dédicatoire au citoyen Daunou, en 1802 déjà, alors que Bonaparte, qui n’était que consul, n’avait pas encore eu le temps de réorganiser la surveillance du théâtre comme il l’entendait, Chénier reprochait déjà aux censeurs en place de penser, en « un abrégé de leur doctrine, que rien de ce qui intéressait la politique et la religion ne [devait être] offert sur la scène » [6]. Point de rois odieux donc, surtout s’ils appartenaient à l’histoire de l’Europe moderne ; ne jamais parler non plus, à leur sujet, de liberté ou de tyrannie. Ces thèmes, qui avaient prospéré dans les temps de révolution et de république, disparurent dès 1801. En février 1801 (pluviôse an IX), Henri VIII est ainsi retiré temporairement de la scène de la Comédie-Française à la demande du ministère de l’Intérieur. Napoléon n’appréciait visiblement pas les remontrances implicites contenues dans la pièce et s’empressa de l’interdire ainsi que toutes les tragédies de Chénier. En 1805, pourtant, durant cette période de disgrâce et d’incertitude, aussi bien sur son sort politique que sur son existence matérielle, le dramaturge entreprit d’écrire une nouvelle tragédie, Tibère. Le héros de la pièce fut aussitôt considéré comme le portrait de Bonaparte et la pièce interdite avant même la « première ». Elle ne fut jamais représentée avant 1843.

5La raison de cet acharnement est que le théâtre, selon Chénier, est indissociable de la politique : dans tous ses écrits, dans toutes ses pièces, le dramaturge tente de prouver que les spectacles ne peuvent être que politiques et moraux, liant toujours et de façon indissoluble les deux adjectifs : « les tragédies d’un peuple libre, d’un peuple éclairé, devraient toujours avoir un but moral et politique », affirme-t-il dans De la liberté du théâtre en France. À cause de cette conception d’un spectacle politique et libre, Chénier fut aux prises avec les censeurs de tous les gouvernements, avant et encore bien après sa mort. Ses deux tragédies Tibère et Henri VIII, avec leurs portraits de deux despotes cruels et pervers en politique et plus encore en privé, furent donc la cible de toutes les répressions. Henri VIII abuse de son pouvoir pour satisfaire ses plaisirs quand Tibère, dès son installation sur le trône, sème la terreur à la cour, dans son entourage le plus proche. Napoléon, en se sentant visé par le portrait d’un empereur tyrannique, donnait raison à la critique du pouvoir dictatorial formulée par Chénier. De la même façon, ou plutôt à l’inverse, les Bourbons qui, réinstallés sur le trône par les puissances étrangères, ne cessaient d’affirmer la continuité de la lignée monarchique dont l’interruption n’avait été, selon eux, que courte et occasionnelle, révélaient leur fragilité en se pensant mis en cause dans les portraits de Tibère et d’Henri VIII. L’ordre politique, social et moral, pour les Bourbons, était immuable, installé depuis le Moyen Âge [7], et devait être ainsi présenté sur les scènes parisiennes. Cet ordre millénaire, forcément moral et bon, entraînait obligatoirement la représentation de rois assurément vertueux, justes, et sanctifiés.

6Plus encore que Charles IX et Henri VIII, Tibère traite de la tyrannie et de l’abus de pouvoir d’un empereur indigne et criminel, de la lutte entre le vice et la vertu, et veut être une leçon de morale et de politique. L’opposition entre la tyrannie de l’Empereur et le courage de Germanicus, son fils, et le cynisme du héros, uniquement préoccupé de son maintien au pouvoir, ne pouvaient qu’entraîner l’interdiction de la pièce pendant quarante ans. En 1819 pourtant, quatre ans après le retour des Bourbons, la Comédie-Française entreprit de créer enfin la pièce. Je n’ai trouvé trace de ce projet que chez Hallays-Dabot, le premier historien de la censure, censeur lui-même sous le Second Empire et le début de la Troisième République :

7

« C’est en 1819… que le Théâtre-Français voulut jouer le Tibère de Chénier. Les censeurs n’osèrent se prononcer et en référèrent au ministre. M. Decazes leur renvoya la pièce et les invita à donner un avis positif… Après avoir, le 16 décembre, démenti l’interdiction dans Le Moniteur, le ministre envoya au Théâtre-Français, le 2 janvier 1820, l’ordre d’interrompre les répétitions. L’art ne perdit rien à la suppression de cette tragédie » [8].

8Le censeur historien balaie ainsi l’affaire d’un trait de plume, feignant de la considérer comme secondaire, tout en l’évoquant durant une page entière. Ce n’est pas tant la peinture d’un pouvoir récemment acquis que semblent en effet avoir craint les autorités dans Tibère, en cette période de réinstallation des Bourbons sur le trône, mais plutôt le mauvais usage de ce pouvoir, les promesses non tenues, les abus et privilèges. La pièce dut attendre vingt-quatre ans pour être enfin créée, au terme, cependant, d’une délibération d’un an conclue contre l’avis des censeurs.

9Sous la monarchie de Juillet, en effet, la création de Tibère, sans arrêt différée, demandée à nouveau par la Comédie-Française en 1843, nécessita un long rapport de sept pages, réunies en un cahier, rédigé conjointement par les quatre censeurs de l’époque, Florent, Haussmann, Overnay et Basset.

10On connaît mal les motifs des interdictions qui se répétèrent durant les gouvernements de cette première moitié du XIXe siècle. Hallays-Dabot a raconté les scrupules des censeurs en 1819 et les hésitations et décisions contradictoires du chef du gouvernement, Decazes. Les censeurs eux-mêmes, dans leur rapport en 1843 [9], s’interrogent sur les raisons de cette interdiction répétée et pensent que la raison en est :

11

« dans des situations donnant lieu à des allusions et dans plusieurs passages contraires aux idées monarchiques… Il est permis de croire que les gouvernements précédents craignaient que le nom du poète républicain n’attirât l’attention publique sur la tragédie et ne donnât lieu à des manifestations contraires à l’ordre public. D’un autre côté, la mort du duc d’Enghien sous l’empire, l’existence du roi de Rome sous la restauration, pouvaient prêter à des allusions que la malveillance aurait avidement saisies. » [10]

12Suit alors un éloge de la monarchie de Juillet par rapport aux régimes précédents et de la force présumée du régime qui le dispensait d’user trop abondamment de la censure :

13

« le gouvernement de Juillet n’est-il pas assez fortement constitué pour ne point s’arrêter à de pareilles appréhensions ? […] Ne serait-il pas à désirer que le gouvernement de juillet 1830, mieux affermi que ceux qui l’ont précédé, permit la représentation d’une œuvre littéraire remarquable et fort connue ? »

14Après cet éloge, suit l’hésitation constante des censeurs lorsqu’ils ont affaire à une œuvre célèbre et/ou reprise : est-il sage de « mutiler des œuvres devenues classiques » ? Le problème se pose encore plus face à « une pièce écrite sous l’impression de la haine contre le despotisme, pièce refusée par l’Empire et par la Restauration ». Autrement dit, les censeurs de la monarchie de Juillet voudraient bien montrer qu’ils exercent une autre censure que celle de l’Empire et de la Restauration, plus libérale, plus réfléchie…, mais s’aperçoivent et avouent vite que la chose est impossible ! Ils citent notamment un article du Charivari qui les met au défi d’oser supprimer certains des plus beaux passages de la pièce. Les censeurs sont d’autant plus sensibles à cette critique qu’ils avaient effectivement l’intention de proposer à leur ministre la suppression d’un nombre important de passages se rapportant presque tous au despotisme et au mauvais usage du pouvoir royal. Suivent en effet dans leur rapport des citations très nombreuses des scènes qu’ils jugeaient indispensables de couper. Ainsi, dès le début :

15

« Le peuple est fatigué du pouvoir despotique :
Naguère, il m’en souvient, le nom de république
A, jusque dans sa cour, effrayé l’oppresseur »
(acte I, scène 1)

16Dans la scène suivante, nouvelle coupure des vers qui décrivent le cynisme du tyran : « Intimide et corromps », ordonne Tibère, « C’est ainsi que l’on règne : /Rome peut me haïr, pourvu qu’elle me craigne » (acte I, scène 2). La place manque ici pour citer tous les passages dont les censeurs réclament la suppression, toutes ces tirades qui fustigent le pouvoir d’un seul. Face à cette éloquence en faveur de la liberté et de la démocratie, face aux choix, ou de défigurer la pièce en multipliant les coupures, ou, plus sagement, de l’autoriser sans toucher à un seul vers en comptant sur la maturité politique du public, ou, enfin, de l’interdire au risque de troubles et de mouvements de protestation, les censeurs choisissent la mauvaise solution, la première, celle de la répression et de l’atteinte à la liberté. Il faut pourtant reconnaître que ce choix fut un bon calcul politique puisque Tibère, défiguré et mutilé, fut créé en décembre 1843 dans l’indifférence générale, malgré la querelle très médiatique, à coup d’articles vengeurs, entre Jules Janin et Félix Pyat. Comme Henri VIII, la pièce fit long feu et ne tint pas plus de sept soirées.

Henri VIII ou l’interdiction sur scène d’un roi lâche et immoral

17Quant à Henri VIII, la Restauration, après sept années d’hésitation, de 1819 à 1826, et quatre rapports de censure préconisant l’interdiction, prit le risque d’autoriser la reprise de la pièce créée, on s’en souvient, au Théâtre-Français, en avril 1791. La tragédie, écrite plusieurs mois avant juillet 1789, reçue, comme Charles IX, à la Comédie-Française, en février 1789, fut tout d’abord interdite par le censeur Suard, comme le raconte Chénier dans un pamphlet paru, au moment de la convocation des États Généraux, sous le titre Dénonciation des inquisiteurs de la pensée. Suard justifia son verdict par des raisons principalement religieuses, à savoir la présence d’un archevêque. Mais Chénier accusa Suard d’avoir dissimulé, en mettant en avant la présence de cet ecclésiastique, les deux véritables raisons de son refus : un roi particulièrement débauché dans sa vie privée et le sous-titre la Tyrannie, donné à Henri VIII, lors de la première édition. Car « il s’agit bien », expliquent Gauthier Ambrus et François Jacob, dans leur introduction à leur récente réédition de la pièce,

18

« de représenter la tyrannie politique au milieu d’une cour royale, où elle élève et abaisse qui bon lui semble, en manipulant la vérité à son gré. Chénier… y trace également des enjeux politiques importants, qui touchent au pouvoir monarchique. On le voit, Suard avait des motifs assez solides pour en contrarier la représentation » [11].

19La première, le 27 avril 1791, se déroula dans le plus grand désordre : l’échec en est attribué aujourd’hui, toujours selon Gauthier Ambrus et François Jacob, à « un manque d’à-propos politique », à une inadéquation entre l’intrigue et la demande exprimée par le public pour des sujets plus franchement politiques [12]. Henri VIII ne connaîtra que vingt représentations en cinq mois. Par la suite, les essais de reprises en 1801 et 1805 furent tous interdits, avant même les premières représentations. Les raisons de cette répression furent les mêmes sous la Restauration et sous l’Empire, mais elles furent plus clairement expliquées et justifiées sous le règne des Bourbons que sous ceux de Bonaparte/Napoléon.

20Le 11 décembre 1819 pourtant, la reprise d’Henri VIII, décidée par le Théâtre-Français, fut, en un premier temps, très calmement admise et même autorisée par les deux censeurs Lemontey et Lacretelle qui ne demandèrent que deux suppressions : ils avaient très probablement connu Chénier et pensèrent que le sujet, orienté principalement vers l’histoire privée du monarque, enlevait tout danger, ainsi qu’ils l’exprimèrent dans leur rapport [13] :

21

« Imprimée et représentée plusieurs fois depuis vingt-cinq ans, [la pièce] fut retirée du théâtre par le gouvernement impérial pour des raisons relatives à la personne de l’auteur. Cette pièce n’offre rien de politique, la condamnation d’Anne de Boulen, causée par un nouvel amour du féroce Henri VIII, en est le seul sujet… La reprise que le Théâtre Français se propose de faire de cette pièce ne paraît susceptible d’aucun inconvénient ».

22Pour les censeurs, on le voit, Henri VIII n’est pas une pièce politique en ce qu’elle traite de la vie privée d’un roi tyrannique et non de son action politique. Deux passages, mentionnés dans le rapport comme devant être corrigés, permettent de comprendre les raisons de l’interdiction de la pièce dès 1819, malgré la bienveillance des censeurs. Le premier concerne le sort d’Anne de Boulen, prisonnière, abandonnée, dont les amis et fidèles sont poursuivis et qui est l’objet cependant de la pitié conjointe de Crammer, l’archevêque, et de Jeanne, la nouvelle favorite. Leur conversation est marquée, en marge de la page du manuscrit [14], d’un trait :

23

« Vous voyez tous ces grands vendus à la puissance…,
Et qui, se disputant la faveur d’un coup d’œil,
À ramper sans pudeur ont placé leur orgueil »
(acte I, scène 1)

24Dans la scène suivante, sur la même page du manuscrit, Crammer flatte Henri VIII dans l’espoir de sauver Anne de Boulen, mais, ce faisant, il dresse le portrait du monarque idéal, démocrate et juste. Le passage est également rayé par la censure :

25

« Nous voyons sur le trône un monarque chéri,
Ministre de son peuple, et roi sans favori ;
Protecteur de la foi, zélé pour sa défense…
Il a d’un grand exemple étonné l’univers :
Londres du Vatican ne porte plus les fers »
(acte I, scène 2)

26Au-delà de ces deux passages qui furent supprimés à cause de la critique plus ou moins explicite du pouvoir absolu qu’ils contenaient, les raisons de l’interdiction d’Henri VIII prononcée en 1819, à la suite du rapport de censure pourtant très favorable, demeurent à ce point mystérieuses que les censeurs, trois ans après, en 1822, lorsque la pièce leur fut à nouveau soumise, reconnurent n’en rien savoir [15]. La mesure fut-elle générale contre le répertoire de Chénier ? Peut-être bien, puisque l’autre pièce étudiée ici, Tibère, fut, en cette même année 1819, également interdite, alors que la Comédie-Française s’apprêtait à la créer. Mais cet établissement, sensible comme les censeurs au classicisme formel, à la belle écriture de Chénier, peut-être également désireux de marquer une certaine indépendance par rapport au nouveau pouvoir monarchique, tenait à la reprise des pièces du dramaturge révolutionnaire. En mai 1822, il demande donc à nouveau une autorisation. Un autre rapport est alors rédigé, cette fois-ci par Royou [16], qui se montra beaucoup plus sévère. Les conditions politiques avaient changé depuis trois ans : après l’assassinat du duc de Berry et le remplacement de Decazes par Villèle, l’équipe des censeurs avait été complètement remaniée et l’exercice de la censure, reflétant les changements de gouvernement et de politique, n’eut plus rien à voir avec les relatives tolérances et indulgences des années précédentes. Le rapport qui commence, on l’a vu, par des interrogations sur les raisons de l’interdiction d’Henri VIII en 1819, se poursuit avec une critique en règle de l’œuvre. La pièce « n’est pas à la vérité politique », admet le censeur,

27

« ou du moins pas uniquement politique : on la soumet de nouveau à l’examen. Les temps sont-ils plus favorables pour cette reprise ? Nous pensons qu’ils le sont encore moins… Il faut considérer par quelle plume, et à quelle époque il [l’ouvrage] fut écrit, car ce n’est pas dans les temps de fermentation qu’on doit toujours séparer l’auteur de l’ouvrage. Celui d’Henri huit, qui eut le malheur d’être un ardent révolutionnaire, avoit déjà composé son Charles neuf, tragédie faite pour enflammer toutes les passions mal-faisantes. Henri huit, quoique plus modéré, participe au même esprit, il nous paroît avoir été composé en partie dans le dessein d’appeler la détestation sur la tête des rois… Le roi, dans cette pièce, semble prendre plaisir à s’avilir par ses discours. Il a, dit-il, connu l’amitié, l’amour, la pitié même, et souvent la vengeance ; en un mot, ajoute-t-il, tous les plaisirs d’un roi [souligné dans le texte]. Il est clair que ce n’est plus Henri VIII, mais l’auteur qui parle et qui veut décrocher un trait satyrique contre les rois… Quoique heureusement les rois ne soient point solidaires, nous pensons qu’une tragédie qui en peint un comme un monstre, comme un être bas et vil, qui, de plus, renferme de violentes déclamations contre les monarques en général et les grands qui les entourent et aussi quelques traits contre la cour de Rome, laquelle à présent ne peut donner aucun ombrage, nous pensons qu’une telle tragédie ne peut, dans le moment actuel, reparaître sur la scène, sans produire du scandale… Quant à Henri huit [souligné dans le texte], le nom de son auteur est extrêmement cher aux partisans de la démocratie, qui sont très loin d’exclure de leur affection les assassins de Louis Seize. Il y a vingt allusions à saisir dans cette pièce ; ils y en trouveroient beaucoup plus. En conséquence, nous croyons devoir proposer à Son Excellence d’en ajourner au moins la reprise. »

28Et effectivement le manuscrit d’Henri VIII, conservé dans le fonds de la censure aux Archives nationales, comporte de nombreux passages marqués, probablement de la main de Royou, d’une croix ou d’un trait dans la marge, et énumérés consciencieusement sur la page de garde. « Les temps », pour le censeur, n’étaient jamais favorables à une reprise de la pièce, pas plus en 1819 qu’en 1822, et moins encore en juillet 1825, date à laquelle la Comédie-Française, têtue, la présenta à nouveau au Ministère, en une habitude prise désormais et renouvelée régulièrement tous les trois ans. Nouveau refus, car « les affaires de l’Amérique et de la Grèce », prétexta alors Royou, changeant brusquement d’argumentation dans son nouveau rapport du 30 juillet 1825 [17], « [ont] enflammé plutôt qu’assommé l’esprit républicain des prétendus libéraux ». Ces motifs de politique étrangère étaient bien évidemment de la poudre aux yeux, de mauvaises raisons ajoutées aux critiques émises trois ans auparavant. Royou restait inébranlablement hostile à la reprise de la pièce, multipliant les arguments pour justifier un refus qu’il formula en 1825 en ces termes :

29

« Je ne puis que persister dans l’opinion émise par moi en 1822… Tout me porte à penser qu’il y auroit autant ou plus d’inconvénient que jamais à [la] permettre qu’il y reparût ».

30Après les hésitations formulées en 1819, on voit que les interdictions furent, au fur et à mesure des années, de plus en plus vigoureusement exprimées. La seule et véritable raison de ces refus restait, malgré les nouveaux arguments relatifs à la politique étrangère, l’image d’un roi injuste, cruel et volage [18]. La différence de ton entre le rapport de 1819 et ceux de 1822 et 1825 indique clairement cependant que l’époque et les mentalités, après l’assassinat du duc de Berry, avaient radicalement changé. Le ministère dirigé par Villèle, nommé en 1821, fut un gouvernement de crise dont l’un des principaux objectifs fut la restauration de l’image royale, du roi sacralisé. Henri VIII ne pouvait qu’être interdit, encore et toujours. Fin 1826, la Comédie-Française qui, décidément, semblait tenir à la représentation des œuvres de Chénier, procéda à des corrections, mais bizarrement, semble n’avoir retenu, parmi les critiques du censeur Royou, que les moins importantes, celles qui, loin de porter sur l’image du roi, s’appliquaient à Crammer, l’archevêque de Canterbury, et à l’influence de l’Église. En cette année 1826, un premier rapport, anonyme, mais très probablement rédigé par Delaforest [19], enregistre donc les corrections opérées et ne se soucie ensuite que du problème de la représentation sur scène de l’Église et des ecclésiastiques. Pas un mot sur le personnage d’Henri VIII, sur ce roi qui réunissait dans la pièce tous les défauts et les vices, pas un mot sur la nécessité de préserver l’image des rois et de la royauté. Étonnant ! Au point qu’on peut se demander si le chef du Bureau des théâtres, un certain Coupart, n’aurait pas sciemment partagé les tâches entre les censeurs et attribué à Delaforest la mission d’évoquer le seul problème religieux pour réserver à Royou, dont il connaissait la violence, le soin de surveiller le respect dû au roi. Et celui-ci, obéissant probablement à la fois aux consignes et à son tempérament, n’y alla pas de main morte, dans son troisième rapport sur Henri VIII, remis au ministre le 23 novembre 1826 [20] : « Il n’y a que des ennemis de la royauté », commence-t-il, « et des amis très mal avisés de la mémoire de cet auteur qui puissent désirer la reprise de cette tragédie ». Suit alors une descente en règle de Chénier qui, selon lui, « a laissé un souvenir abhorré » : Royou va jusqu’à accuser le dramaturge non seulement du meurtre de son roi, mais du massacre de ses concitoyens, après le 13 vendémiaire, et de la proscription d’une multitude de députés, après le 18 fructidor, et finit par lui reprocher sa totale déloyauté, lui qui fut successivement « l’ennemi, puis le flatteur de Bonaparte ». Royou, après cette attaque intuitu personae, s’en prend ensuite au thème commun des deux principales tragédies de Chénier, à savoir la calomnie des deux monarques de France et d’Angleterre, thème que le dramaturge a choisi, selon lui,

31

« pour avilir, s’il se pouvait, le gouvernement monarchique… Dans son Henri 8, il a, sans nécessité, calomnié ce souverain à qui il était fort inutile de chercher des crimes. Certes cette pièce » poursuit-il, « ne peut servir qu’à rabaisser la majesté du trône. On y voit un roi accablé, dans chaque scène, de reproches trop mérités, d’invectives, d’outrages… D’un bout à l’autre, la pièce respire toujours la haine des rois et des souverains pontifes… Il faut laisser à l’histoire le droit de diffamer les mauvais rois. On ne peut le lui ravir. Mais, dans le moment actuel surtout, on ne doit pas souffrir qu’on les expose avec une prédilection affectée sur la scène, qu’on aggrave leurs torts, et sous de faux prétextes, on s’efforce de faire haïr la royauté ».

32Après une telle diatribe, Royou proposa évidemment, une nouvelle fois, l’interdiction. Un troisième rapport fut encore rédigé à cette même date [21] par le troisième membre du Bureau des théâtres qui en comportait normalement quatre. Alissan de Chazet [22] adopta le ton modéré et tolérant de ses prédécesseurs, Lemontey et Lacretelle, et autorisa la pièce d’une courte phrase, après un résumé succinct de l’intrigue qui insistait sur la fin et sur « Henri VIII, seul, livré à ses remords et comme accablé sous le fardeau de ses crimes ». Il se contenta de demander quelques changements. Pourtant, son chef de bureau, Coupart, déforma étrangement ces propos tolérants, en affirmant que « M. de Chazet pensait qu’on ne pouvait autoriser la reprise de la pièce [Henri VIII] qu’autant qu’on rendrait le personnage du Roi moins odieux ». On ne lit pourtant rien de tel sous la plume du censeur : Coupart s’appuya-t-il sur une conversation ou déforma-t-il sciemment les propos de de Chazet afin de les mettre en conformité avec les avis de ses confrères et la volonté du ministre ? Toujours est-il que la fin du court billet du chef du Bureau des théâtres conclut sur la demande d’ajournement d’Henri VIII, non sans avoir signalé plus de treize pages à modifier.

33Mais l’affaire Henri VIII ne s’arrête pas avec la Restauration et témoigne de la permanence des peurs et obsessions des deux régimes, pourtant séparés par une révolution. Une nouvelle demande d’autorisation fut déposée sous la monarchie de Juillet, cette fois-ci par l’Odéon, en décembre 1841. Le rapport, unique, est signé des quatre censeurs de l’époque : Florent, Haussmann, Overnay et Basset. Et là encore, un demi-siècle exactement après la création de la pièce, le verdict de l’ajournement tombe ! Henri VIII possède désormais cette caractéristique originale d’avoir été constamment interdit sous la Révolution, le Premier Empire et les deux monarchies constitutionnelles ! Et les raisons de ces interdictions étaient devenues tellement évidentes que les censeurs, après un court résumé, se contentèrent, faute d’arguments supplémentaires ou pensant que le danger de la pièce serait plus évident à la lecture d’extraits particulièrement démonstratifs, d’énumérer les passages qu’ils jugeaient pouvoir être « prétexte à des manifestations hostiles ». Les vers cités pour leur nocivité sont invariablement ceux qui dénoncent la toute puissance du roi et les méfaits du pouvoir, la lâcheté des courtisans, avilis par un roi despote :

34

« Juges tout à la fois et calomniateurs.
Je vois des courtisans vendus au rang suprême,
Choisis dans ce palais, et choisis par vous-même »
(acte II, scène 4)

35Impossible de citer ici tous les passages (là encore, j’en ai compté au moins treize), marqués par une croix ou un trait, portant la mention « changer » ou signalés par des pages écornées, passages qui, tous, dénoncent les abus de pouvoir, le cynisme du roi tout puissant, la solitude également du meurtrier et de ses victimes, la nocivité du pouvoir incontrôlé…

36Les corrections des censeurs s’ajoutèrent à celles déjà opérées par le directeur de l’Odéon et parvinrent, sinon à transformer, du moins à amoindrir la portée du message de la pièce. Et l’on constate, à la lecture de ces suppressions, que ce qui fut toujours reproché à Henri VIII, ce n’était absolument pas la critique de la faiblesse d’une Église soumise, encore moins les préoccupations de politique étrangère avancées dans l’un des rapports de 1825, mais bien la peinture d’un monarque – fût-il anglais – vicieux, violeur, soudoyeur, menteur, celle d’un homme de pouvoir qui peut tout se permettre en l’absence de tout contre-pouvoir. Le thème pourtant n’était pas nouveau, il fut toléré par bien des régimes où s’exerçait une forte censure (le Néron de Racine n’a pas été interdit) et avait été déclamé sur toutes les scènes à l’heure de la Révolution. Mais les monarchies constitutionnelles étaient trop fragiles pour accepter ces portraits de rois faibles et ambigus qui, peu à peu, envahirent les tragédies en quête d’un renouveau du style classique, prémices de la nouvelle école. Elles refusèrent les personnages de rois pervertis, insouciants ou lâches, les petits rois de Lebrun et Delavigne sous la Restauration ou le François Ier voyou de Victor Hugo sous la monarchie de Juillet. Mais après la Révolution de 1830, ces craintes et ces refus se révélèrent plus difficiles à justifier : on pratiqua alors la répression brutale pour éliminer de la scène ces tableaux de monarques dévoyés. Le Roi s’amuse fut interdit après une seule représentation. Et pour Henri VIII, bien qu’il ait fallu, en 1842 encore, une année de tergiversations et de discussions pour l’autoriser, ce n’est qu’atrophié et mutilé qu’il put, en octobre, être enfin représenté. La pièce ne suscita qu’un relatif intérêt dans le public, tant le contenu en avait été édulcoré. Cette tragédie que l’on craignait tant et depuis si longtemps, ne fut, au fond, qu’un pétard mouillé. Elle ne fut pourtant pas reprise sous le Second Empire, la critique du pouvoir absolu y était encore probablement trop éloquente pour le nouvel empereur.

37Henri VIII et Tibère dénoncent la tyrannie des mauvais rois avec une étonnante modernité, en mettant sur le même plan le privé et le public, en insistant sur la veulerie et la responsabilité des entourages, sur l’exploitation des faibles sans défense et des femmes notamment qui, seules, se révèlent fortes et résistantes. Mais cette plaidoirie contre la monarchie, contre un absolutisme d’autant plus condamnable qu’il s’exerce au sein de la famille, fut mal reçue, et ceci, dès les créations, sous tous les régimes dont aucun ne sut entendre ce que les pièces disaient vraiment[23]. Et après la Révolution de 1848, les temps n’étaient plus à la contestation de la seule monarchie. Le refus de la royauté passait désormais par celui de ses effets, l’inégalité, la pauvreté. La satire de la classe au pouvoir, des ministres et parlementaires, fut préférée à celle des rois et empereurs, la tragédie fut abandonnée au profit de mélodrames en prose mélangeant les rires et les pleurs, traitant du pouvoir patriarcal, patronal, plus encore que du pouvoir monarchique.

Notes

  • [1]
    On trouvera une récente bibliographie sur le théâtre de Chénier dans l’édition par Gauthier Ambrus et François Jacob, Marie-Joseph Chénier, Théâtre, Paris, GF Flammarion, 2002, p. 437-439. Voir aussi la contribution ci-jointe, p. 75-91, de Philippe Bourdin : « Du théâtre historique au théâtre politique : la régénération en débat (1748-1790).
  • [2]
    Odile Krakovitch, « Les Mythes du bon et du mauvais roi : Henri IV et François Ier dans le théâtre de la première moitié du XIXe siècle », dans La Légende d’Henri IV (dir. Paul Mironnaud), colloque tenu à Paris le 25 novembre 1994, Société Henri IV, Pau, 1995, p. 215-241 ; « Un exemple modèle de censure théâtrale sous la Restauration : l’affaire du Cid d’Andalousie [de Lebrun] (1823-1830) », dans Orages, n°10, L’œil de la police, mars 2011, p. 135-182 ; « Casimir Delavigne, réformiste tranquille honni des censeurs », dans Casimir Delavigne en son temps (dir. Sylvain Ledda et Florence Naugrette), actes du colloque de Rouen, 24-25 octobre 2011. Paris, Eurédit, 2012, p. 145-171. Hugo censuré. La liberté du théâtre au XIXe siècle, Paris, Calmann-Lévy, 1985.
  • [3]
    Gauthier Ambrus, François Jacob, op. cit., p. 70.
  • [4]
    Gauthier Ambrus, François Jacob, op. cit., p. 174-175.
  • [5]
    Voir, sur les rapports compliqués de l’Empereur et Chénier, Henri Welschinger, La Censure sous le Premier Empire…, Paris, Perrin, 1887, p. 146-153 et 226-229.
  • [6]
    Gauthier Ambrus, François Jacob, op. cit., p. 254-255.
  • [7]
    Corinne Legoy, dans son mémoire de maîtrise La Figure du souverain médiéval sur les scènes parisiennes de la Restauration, soutenu sous la direction d’Alain Corbin, à Paris I, en 1993, montre très clairement la volonté des Bourbons d’implanter, dans l’opinion publique, leur croyance dans le caractère éternel et sacré de la dynastie royale, et l’utilisation plus ou moins efficace, en ce qui concerne le théâtre, de la représentation des souverains du Moyen Âge.
  • [8]
    Victor Hallays-Dabot, Histoire de la censure théâtrale en France. Paris, Dentu, 1862, p. 255-256.
  • [9]
    Arch. nat., F21 966 (année 1843).
  • [10]
    NDLR. Sauf mention contraire, tous les passages sont soulignés par l’auteur, ici et infra.
  • [11]
    Gauthier Ambrus, François Jacob, op. cit., p. 26.
  • [12]
    Ibid., p. 27.
  • [13]
    Arch. nat., F21966 (année 1819). Jean-Charles-Dominique de Lacretelle (1766-1855), journaliste, emprisonné à plusieurs reprises sous la Révolution, obligé de s’enfuir, put rentrer en France sous Napoléon qui le nomma censeur avant de le destituer. Anobli par les Bourbons, il reprit sa fonction de censeur, dont il démissionna par révolte contre la loi de 1827 restaurant la censure de la presse, car, préconisant cette censure pour le théâtre, il la jugeait insupportable pour l’écrit. Pierre-Édouard Lemontey (1762-1826) fut, comme Lacretelle, un grand bourgeois ultra-royaliste, mais un avocat courageux. Exilé pendant la Terreur, nommé censeur par Fouché et maintenu dans ce poste sous la Restauration, il fut célèbre pour ses idées libérales en politique, et réactionnaires en littérature.
  • [14]
    Arch. nat., F18 673.
  • [15]
    Arch. nat., F21 966.
  • [16]
    Jacques-Corentin Royou (1745-1828) connut le même itinéraire que celui de ses deux confrères Lemontey et Lacretelle. Comme eux, avocat et journaliste ultra-royaliste, déporté sous le Directoire, il revint en France après le 18 Brumaire et se consacra sous l’Empire à une vaste Histoire de France et à la rédaction de nombreuses tragédies qui, pour la plupart, furent des échecs. Ce peu de succès comme dramaturge ne favorisa pas son indulgence comme censeur, poste qu’il occupa jusqu’en 1827.
  • [17]
    Arch. nat., F 21 966 (année 1825).
  • [18]
    Le même motif de politique étrangère, à savoir l’engagement, en 1824, des troupes françaises en Espagne afin de rétablir sur le trône le roi Bourbon, Ferdinand, servit de prétexte pour maintenir l’interdiction d’une autre tragédie qui eut à souffrir autant et aussi longtemps qu’Henri VIII de la censure : le Cid d’Andalousie. Cette pièce de Pierre Lebrun ne fut pas autorisée parce que, comme les tragédies de Chénier, elle montrait un roi lâche, violent et violeur. De même, les deux grands drames de Casimir Delavigne, Les Vêpres siciliennes, en 1819 déjà, puis Marino Faliero, dix ans plus tard, furent aussi momentanément suspendus, apparemment pour des raisons de politique étrangère, alors que le réel motif du refus du Ministère fut bien évidemment l’évocation de révoltes populaires contre les puissants en place (voir Odile Krakovitch, op. cit.).
  • [19]
    Delaforest eut, par rapport à ses confrères, cette particularité d’être à la fois censeur et inspecteur. Journaliste comme eux, il fut à ce point réactionnaire qu’il fut sévèrement jugé par son successeur lui-même, l’historien de la censure, Hallays-Dabot qui le trouva trop partisan des anciens contre les modernes.
  • [20]
    Arch. nat., F21 966 (année 1826).
  • [21]
    Idem.
  • [22]
    Alissan de Chazet (1775-1844), ce « chansonnier, gastronome, épicurien, mangeur, voluptueux… », selon Pierre Larousse, fut, comme tous ses confrères, journaliste, dramaturge, et plus particulièrement grand pourvoyeur des théâtres du Vaudeville et des Variétés. En dépit de sa réputation, il se montra étrangement plus sévère à l’égard des comédies, qu’il jugeait grivoises, qu’envers les tragédies politiques.
  • [23]
    Voir la conclusion de l’étude de la pièce par Gauthier Ambrus et François Jacob, op. cit., introduction, p. 29.
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