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Article de revue

La stratégie charismatique gaullienne

Pages 75 à 93

Notes

  • [*]
    Docteur en Sciences politiques, auteur de Régulations et stratégies dans l’espace politique français: l’exemple du pouvoir présidentiel depuis 1958, Paris, Éditions Connaissances et Savoirs, 2005 (à paraître).
  • [1]
    Michel Dobry, Sociologie des crises politiques, Paris, Presses de Sc. Po., 1992, p. 228.
  • [2]
    Jean Lacouture, De Gaulle. 3. Le souverain, Paris, Le Seuil, 1986, p. 427 et suiv. En appuyant sa démonstration sur de nombreux témoignages qu’il recoupe, il démontre combien barons et fidèles du gaullisme (en l’occurrence, Edmond Michelet, Louis Terrenoire, Jacques Chaban?Delmas, etc.) ont pris part pendant deux ans à l’orchestration de contacts, qui permettent au général de Gaulle de rechercher des alliés, de tester ses tactiques et de recueillir des informations…
  • [3]
    Pour comprendre l’activisme armé en politique voir notamment Michel Winock, La fièvre hexagonale, Paris, Le seuil, 1987, p. 290.
  • [4]
    Cf. Christophe Nick, Résurrection. Naissance de la Ve République, Paris, Fayard, 1998.
  • [5]
    Odile Rudelle, « De Gaulle et l’élection directe du président », dans O. Duhamel et J.?L. Parodi (dir.), La constitution de la Cinquième République, Paris, RFSP, n° 4?5, vol. 34, août-oct. 1984.
  • [6]
    Pierre Viansson?Ponté, Histoire de la République gaullienne, Paris, Fayard, 1971, t. 2, p. 26.
  • [7]
    Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, 3 t., Paris, Éditions de Fallois/Fayard, 2000, t. 1, p. 213.
  • [8]
    Maires des petites communes, maires et conseillers municipaux des plus grandes, conseillers généraux et membres des assemblées des territoires d’outre-mer.
  • [9]
    François Goguel, Chroniques électorales, 3 t., Paris, Presses de la NFSP, 1983, t. 1, p. 68.
  • [10]
    François Goguel, op. cit., p. 76. Le rôle joué par les ministres d’État fut, en effet loin d’être négligeable : Pierre Pflimlin défendit la suppression de l’initiative parlementaire en matière financière et Guy Mollet insista pour que soient fixés le nombre et la durée des sessions extraordinaires du Parlement, mais aussi pour que soit maintenue une suprématie de l’Assemblée nationale sur le Sénat en ce qui concerne le vote de la Loi. Par contre, ils s’opposèrent à la transformation du Sénat en une chambre représentative des intérêts économiques et sociaux.
  • [11]
    Pour les citations qui précèdent voir Alain Peyrefitte, C’était…, t. 1, op. cit., p. 217-148.
  • [12]
    Olivier Duhamel Olivier, La gauche et la Ve République, Paris, PUF, 1980.
  • [13]
    Cité dans Jacques Chapsal, La vie politique en France sous la Ve République, Paris, PUF, coll. « Thémis », 1990, t. 1, p. 243.
  • [14]
    René Rémond, Notre Siècle, Paris, Fayard, p. 563.
  • [15]
    Alain Peyrefitte, C’était…, t. 1, op. cit. p. 249 et 252.
  • [16]
    Jacques Chapsal, op. cit., p. 250.
  • [17]
    P. Martin, Les systèmes électoraux et les modes de scrutin, Paris, LGDJ, 1994, p. 148.
  • [18]
    François Goguel, « L’élection présidentielle », RFSP, vol. XIV, n° 2, avril 1966.

1Si l’on peut invoquer la dimension charismatique, associant régression des repères juridiques et contexte critique, c’est parce que la genèse de la Ve République offre un exemple révélateur de personnification de l’espace politique, à la fois en matière d’organisation et de légitimation du pouvoir. Le premier aspect retiendra ici l’attention. Est offerte une lecture rétrospective de nombreux faits à travers le stratégiste construit. Sont distinguées l’attaque et la défense ; la première donnant lieu au couplage de deux techniques, la confrontation – tactiques de duel et d’enfermement – et la diversification – tactiques de concession secondaire et d’intransigeance. Ainsi, dans un premier temps, entre 1958 et 1962, est-il possible d’analyser les tactiques de duel gaullien, puis celles de fermetures gaullistes permettant au chef de l’État d’imposer l’institutionnalisation de l’onction démocratique présidentielle. Une seconde phase correspond, d’une part à l’intransigeance présidentialiste lors du couplage référendum/législative en 1962, d’autre part à la campagne présidentielle de 1965, manifestant la concession au régime des partis et au clivage bipolaire : le général de Gaulle s’engage dans la première campagne présidentielle et est mis en ballottage face à François Mitterrand. Les structures de la Ve République sont établies, résultant d’une stratégie charismatique gaullienne.

Légitimations du gaullisme

2Dans la position initiale du général de Gaulle – extérieur au système des partis et dont les relais au cœur de l’arène politicienne sont marginaux – la stratégie de communication commande de condamner une nouvelle fois le régime d’assemblée. En 1962, la réédition d’un référendum institutionnel, alors que l’abcès algérien est résorbé, est un nouveau défi. Dans les deux cas, des duels opposent le gaullisme personnel et de réseaux aux partis traditionnels des républiques antérieures.

Duels gaulliens

3En 1958, avant l’adoption de la Constitution, le duel avec les parlementaires procède à la fois de la menace voilée et de l’aptitude au compromis républicain ; ainsi, le retour en grâce du Général doit beaucoup à ses apparitions publiques savamment calculées et aux effets d’annonce des visites que lui rendent les caciques. En 1962, face à un front d’opposition à la révision projetée par l’exécutif, la méthode des petits pas guide la démarche gaullienne, tentant de mettre à profit des événements dramatiques pour promouvoir l’idée de l’élection au suffrage universel.

• 1958 : un référendum constituant charismatique

4Sans adopter une lecture héroïque du leadership et encore moins de l’histoire, « restreignant l’appréhension… [d’une telle entreprise politique]… aux performances strictement personnelles du chef charismatique » [1], il ne s’agit pas de nier l’aspect déterminant de la conduite du duel par de Gaulle. La tactique de dissimulation activée en 1958, faite d’hommes liges [2] et de silences brisés par des interventions prudentes mais dramatisées à l’initiative du leader, lui octroie une place centrale. L’organisation du retour au pouvoir est tangible ; ainsi le pilotage des soutiens n’est pas laissé au hasard.

5D’une équipe réduite, structurée en dehors du pouvoir mais y trouvant des relais notamment militaires, ressort par exemple l’allégeance contrainte des figures de la IVe République à de Gaulle. La gestion du temps structure la gradation des pressions : lors de la conférence de presse du 16 mai, le général de Gaulle ne désavoue pas les Algérois, jouant consciemment de son charisme contre les professionnels de la politique. Au dernier moment, les affidés sont capables d’encadrer la rébellion éventuelle des militaires durant la négociation entamée avec les parlementaires lors de la semaine du 20 mai, afin d’enfermer le gouvernement dans un étau [3]. La nécessité de laisser planer le fantôme de la dictature tient au fait qu’in fine, l’autorité républicaine s’affirme. Le 19, le général de Gaulle donne une conférence de presse à Paris. Il y dénonce certes le « système », mais donne une fois de plus des gages de sa bonne volonté : « Croit-on qu’à soixante-sept ans je vais commencer une carrière de dictateur ? ». Il fait référence à Guy Mollet, son « compagnon » devenu membre du gouvernement.

6La dénonciation des putschistes n’est toujours pas prononcée ; il a encore besoin de la menace pour se rendre indispensable à une République qui se ressaisit. Il fait clairement allusion au fait qu’une obstruction prolongée des parlementaires à son retour au pouvoir risquerait de précipiter le coup d’État prévu par les militaires. Il ne prononce toujours pas de désapprobation des insurrectionnels. Enfin, Pierre Pflimlin, président du Conseil consent à le rencontrer sous la pression de René Coty, président de la République. Dans la nuit du 26 au 27, une entrevue a lieu à Saint-Cloud. Le général de Gaulle prend de vitesse le pouvoir en place, déclarant en effet dans un communiqué : « J’ai entamé hier le processus régulier nécessaire à l’établissement d’un gouvernement républicain », suite de quoi, pour la première fois, il désavoue toute opération remettant en cause l’ordre public, ce qui interrompt l’opération « résurrection » [4]. Pierre Pflimlin est sommé de ne pas démentir, même si en aucun cas ce dernier n’a, au cours de l’entretien, fait part à de Gaulle de son retrait éventuel de la tête de l’exécutif. Le gouvernement démissionne le 28 au matin, malgré un vote de confiance de 408 voix contre 165 ! L’intervention du Président Coty le 29 mai, par le biais d’un message parlementaire, met au défi l’Assemblée de refuser le vote d’investiture à de Gaulle comme président du Conseil. Ce dernier obtient de justesse le ralliement d’une partie des parlementaires socialistes. De Gaulle est devenu le centre de gravité des interactions.

• 1962 : institutionnalisation du fait présidentiel

7En octobre 1962, le pouvoir légal du chef de l’État donne lieu à un duel plus institutionnalisé. Il résulte de la décision d’organiser un référendum constituant relatif à l’élection du Président au suffrage universel direct, nouveau défi lancé aux parlementaires. Ces derniers, moins « sonnés » qu’en 1962, s’opposent alors au projet gaulliste, mais divisés, ne parviennent pas à en entraver la réalisation. Quel est le contexte du référendum ? Depuis 1961 au moins, le général de Gaulle envisage à haute voix devant de petits comités graduellement élargis, la réforme institutionnelle. Odille Rudelle note que, dès 1960, il consulte, écoute, note et pose même les premiers jalons [5]. En mars 1961, lors de ses assises à Strasbourg, « …le mouvement gaulliste inscrit, avec l’accord et en présence du Premier ministre, une réforme de la Constitution au nombre de ses objectifs. Et il en détaille les modalités : élection du président de la République au suffrage universel, transformation du Sénat, extension de l’usage du référendum, etc. » [6]. Pendant plus d’un an, associant l’idée de la réforme aux événements les plus critiques, il crée un contexte idéel propre à dramatiser l’enjeu. Le processus atteint son paroxysme lors de l’attentat qui le vise le 22 août 1962, alors que la nomination du gouvernement Pompidou en avril a été mal accueillie par les milieux politiques. Ainsi, comme le révèle Alain Peyrefitte, le Général s’exclame sept jours plus tard avec malice : « l’attentat tombe à pic » ! Pour la première fois, à la sortie du Conseil des ministres, est annoncée publiquement la volonté gaullienne de prendre « les initiatives nécessaires » pour assurer la continuité de l’État et, surtout, celle de la présidence de la République, « garant de la stabilité des institutions » [7].

8En conséquence, le référendum de 1962 proposant l’élection du président de la République engage un duel avec l’ensemble des formations politiques en dehors des deux partis se réclamant du gaullisme, l’UNR et l’UDT. Avec 23 % d’abstention des inscrits (contre 15 % en 1958), le désintérêt ou la protestation passive manifestée à l’occasion de ce scrutin croissent. Avec 62,3 % de « oui » et 37,8 % de « non », le gaullisme n’atteint pas une majorité d’adhésion auprès des inscrits. Par rapport aux autres consultations référendaires, le résultat des « oui » est nettement inférieur à l’approbation donnée auparavant aux initiatives gaulliennes. Ainsi, combattu par l’ensemble des formations traditionnelles hormis certaines fédérations départementales du MRP, le « oui » recrute ses bataillons à l’Est et à l’Ouest, bastions de droite, mais aussi dans la France du Nord, traditionnellement à gauche. Le « non » est un phénomène essentiellement méridional. Ainsi, persiste la culture politique radicale, soutien indéfectible du parlementarisme. Le résultat du « oui » préfigure cependant la présidentialisation plus partisane et donc controversée qui structure la vie politique ultérieure.

Fermetures gaullistes

9Pour gérer la transition constitutionnelle de 1958, il s’agit de promouvoir une rénovation de la société et de la République dans son ensemble en dépassant et de loin les préoccupations juridiques. La communication met au secret les parlementaires et leaders d’opinion sur les détails du débat constituant, si bien que l’opinion publique ne semble pas percevoir clairement l’importance de la naissance d’un nouveau régime. L’exécutif est maître du jeu parlementaire délibérant la transition constitutionnelle. En 1962, la révision supprime le collège qui élit jusqu’alors le président de la République. Or les partis politiques, en tant que réseaux de notables, trouvent à ce sujet une compensation à la rationalisation du parlementarisme. Ce corps électoral a été élargi dès 1958, l’extension de la participation politique à certains élus locaux [8] accroissant en fait l’épaisseur du filtre élitaire sélectionnant le premier magistrat de France. Dans les deux cas, est assurée la fermeture du jeu des influences traditionnelles.

Affiche « Oui à la France », pour le référendum sur la Constitution de la Ve République, 30 septembre 1958

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Affiche « Oui à la France », pour le référendum sur la Constitution de la Ve République, 30 septembre 1958

© Coll. Roger-Viollet

• La révision constitutionnelle de 1958 sous la férule gaullienne

10En 1958, un compromis implicite est trouvé au cœur du changement, sur la question de la continuité républicaine et des institutions de la démocratie représentative. La rencontre organisée à l’hôtel La Pérouse, le 31 mai 1958, réunit les « leaders des groupes parlementaires et du conseil de la République à l’exception de ceux du parti communiste » [9]. Par la suite, la commission du suffrage universel, des lois constitutionnelles, du règlement et des pétitions, désigne des rapporteurs qui procèdent à l’audition des ministres d’État et donne lieu à l’expression des revendications des parlementaires. Leurs observations amènent l’exécutif à opter pour quelques concessions secondaires afin d’apaiser les craintes. L’investiture le 1er juin 1958 permet au général de Gaulle de préciser, en effet, publiquement ses vues : il y fixe les principes du régime républicain à venir, une séparation « effective » des pouvoirs ; mais aussi, il détermine la modification des modalités de révision de la Constitution de 1946 qui doit déboucher sur l’adoption de la nouvelle Loi fondamentale. De Gaulle revient dans la nuit du 2 dans l’enceinte de l’Assemblée nationale car le projet législatif de délégation au gouvernement du pouvoir constituant est bloqué. L’amendement Apithy, déposé en séance publique par quelques députés MRP, SFIO et Indépendants, rétablit le texte gouvernemental après une intervention du président du Conseil mettant le poids de sa démission dans la balance. L’adoption par le Sénat est moins problématique. La loi est donc adoptée le 3 juin 1958. Par la suite, le comité consultatif constitutionnel, inventé par Raymond Janot, inclut un nombre limité de parlementaires, permettant au gouvernement de nommer ses propres représentants à raison du tiers des effectifs. Les risques de contestation de la révision constitutionnelle sont réduits, notamment du fait de l’intégration des ténors au gouvernement. Cependant, des réserves sont faites qui portent sur l’article relatif aux pouvoirs exceptionnels du Président en cas de crise grave, sur l’incompatibilité des fonctions ministérielles et parlementaires, sur la composition du collège chargé d’élire le président. Le comité est une institution délibérative, mais les débats occasionnés lors de l’examen du projet du gouvernement se terminent sur l’injonction du général de Gaulle qui, suite à une audition, considère avoir répondu aux inquiétudes exprimées et demande aux parlementaires de rendre leur avis.

11L’impulsion du projet est exécutive. Seuls les ministres d’État que sont Mollet, Houphouët?Boigny, Jacquinot, et Pflimlin participent avec le général de Gaulle aux comités interministériels ; ils y discutent ensemble des propositions du groupe de travail. Les textes éventuellement précisés sont ensuite transmis au conseil de cabinet puis au conseil des ministres. La procédure tenue discrète permet selon François Goguel aux ministres de « se rallier sans difficulté aux diverses mesures techniques préconisées par le garde des Sceaux pour supprimer ces obstacles [à l’action du gouvernement], quand, même ils n’en ont pas préconisé le renforcement, comme ils l’ont fait en matière financière… » [10]. De Gaulle fait des concessions marginales, mais ne cède rien sur le fond afin de parvenir à changer de République. Il faut encore remonter plus avant dans les négociations ouvertes avec les leaders parlementaires ralliés à la réforme constitutionnelle pour rendre compte du contrôle du dispositif par le gouvernement. En effet, le comité interministériel réagit aux propositions initiales d’un comité d’experts formé dès le 12 juin pour rédiger le nouveau texte constitutionnel, et constitué en grande partie par des membres du Conseil d’État dont son vice?président (René Cassin) et son secrétaire général (Raymond Janot), également membre du cabinet du général de Gaulle, dirigé par Georges Pompidou. L’avis du comité consultatif suit celui donné par le conseil d’État. Ainsi les experts sont-ils, selon les vœux du « plus illustre des Français », omniprésents dans la procédure qui va conduire au changement de régime. La concession aux parlementaires reste donc marginale, tant par ce geste, la « technocratie » ne se départit en rien de la maîtrise du processus de transition constitutionnelle.

• La désignation du président au suffrage universel direct contre les parlementaires

12En 1962, le général de Gaulle veille, lors de la préparation du texte instaurant la désignation du Président au suffrage universel, à ce que l’influence des parlementaires soit minime sur le choix du candidat. Pendant la confection du texte, le Premier ministre tente d’élargir l’assiette des présentations et se heurte à un chef de l’État inflexible, ne souhaitant en aucune manière revoir les notables arbitrer les candidatures du premier tour. Il refuse toute présélection des présidentiables par le Parlement : « …Ne doutez pas que le suffrage restreint écartera toujours Clemenceau au profit de Deschanel. Ne doutez pas que les notables désigneront toujours le plus faible, le plus irrésolu, le plus inconsistant… Les Français ont été dépossédés par le Parlement de leur souveraineté. Ils vont pouvoir faire du saute-mouton par-dessus les intermédiaires abusifs, par-dessus les notoires ». Les candidats ont à recueillir des signatures auprès de cent élus locaux ou nationaux (contre 50 initialement) et dans au moins dix départements, dont chacun est représenté à hauteur maximale de 10 %. Autrement dit, l’assiette des élus à convaincre est relativement réduite.

13De façon plus procédurale, le 12 septembre, en Conseil des ministres, le général de Gaulle explique que « le président de la République, selon l’article 11, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics. Ces termes désignent une notion aussi ancienne que la République. La Constitution de 1875… comportait un titre significatif : “Loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics”… [Il] ne peut pas être soumis à contestation ». Au garde des Sceaux de l’époque, qui une semaine plus tard lui propose de soumettre à référendum un projet de loi renvoyant à une modification de la Constitution d’après vote du Parlement, le général de Gaulle répond par : « mais un référendum n’est pas un Gallup ! ». La séance du Conseil des ministres du 19 septembre est celle du tour de table pendant laquelle chacun se positionne au regard du fond et de la forme de la révision. Ils sont plusieurs (Robert Boulin, Raymond Triboulet) à « partager les scrupules du garde des Sceaux ». D’autres plaident à nouveau pour un filtre parlementaire opérant un tri des candidatures (Edgar Pisani). Pierre Sudreau qui met semble-t-il (ce n’est alors qu’une rumeur) sa démission dans la balance, « conjure » le Général de renoncer au référendum afin de demeurer un rassembleur ; peine perdue… Le ministre des Finances, Valéry Giscard d’Estaing, se prononce sept jours plus tard pour l’élection au suffrage universel direct, mais opte pour une pré-sélection par les notables (15 % de leurs suffrages au moins) ; le général de Gaulle réplique : « votre système, c’est la continuation du suffrage restreint ». Pour ce dernier, la question majeure est tranchée : de bout en bout, « il faut faire confiance au peuple ». Les ministres donnent à nouveau leur avis. Restent en suspens au niveau gouvernemental, la désignation de procédures afin d’écarter les « fumistes », l’existence d’un second tour, l’assurance de l’intérim par le président du Sénat. Le 2 octobre, le chef de l’État tranche : 100 parrains sont définitivement requis, le second tour est réservé aux deux leaders du premier. Le Premier ministre voulait un nombre de parrains plus élevé (800 à 1000 présentateurs) dans 40 à 50 départements. Reste la question de l’intérim (laissé au Premier ministre comme le voudrait de Gaulle ?) ; le Président finit par donner raison à ce dernier sur le maintien du rôle du président du Sénat. Verdict : « c’est Pommepidou q ui a eu peur de renverser le pot au fleur ». Sudreau revient sur son opposition radicale ; il évoque l’inopportunité de la réforme, et « supplie » le Général, « symbole de la légitimité », de ne pas devenir le symbole de « l’illégalité ». La réplique présidentielle est la suivante : « je vous remercie, M. le Ministre de l’Éducation nationale » [11]

Légitimations présidentialistes

14En avril 1962, la nomination de Georges Pompidou en remplacement de Michel Debré comme Premier ministre ajoute initialement au courroux des parlementaires. Simultanément ragaillardis par l’extinction de la poudrière algérienne, ils pensent que l’heure est venue d’en découdre et votent donc une motion de censure contre le tout nouveau gouvernement Pompidou, avec l’espoir de gagner cette fois le bras de fer engagé avec le général de Gaulle. Ce dernier riposte immédiatement en dissolvant l’Assemblée nationale et provoque donc de nouvelles législatives, qui succèdent ainsi de près au référendum d’octobre. Mi-novembre, la dissolution a bien eu l’effet escompté par le chef de l’État, d’une sanction à la fois contre la majorité hétéroclite d’avant le scrutin, et ce faisant d’une confirmation politique du présidentialisme gaullien. Le jeu partisan se referme, structuré par la férule présidentielle.

15Cette opération sanctionne les partis du centre et surtout du centre droit s’opposant au nouveau régime. Modérés, Indépendants et Chrétiens démocrates non ralliés, sortent exsangues des législatives de 1962. La gauche crée une dynamique lorsqu’elle allie opposition au gaullisme institutionnel à une opposition contestant la politique gouvernementale au nom d’une rhétorique franchement identifiable, soit lorsqu’elle parvient à sceller un accord en vue du second tour entre communistes et gauche non stalinienne. L’expérience est tentée in extremis lors du scrutin par Guy Mollet, d’abord réticent.

16Elle est surtout confortée par la présidentielle de 1965 qui crée un précédent, parce qu’elle démontre la possibilité de l’acceptation du charisme de fonction par la gauche, dont la culture est rétive à tout présidentialisme, et la pratique effective de l’Union [12] ; le vote permet à un candidat unique des gauches, François Mitterrand, de faire vaciller tout au moins au premier tour, un gaullisme surpuissant. La révélation de la légitimité spécifique de la présidentielle transparaît également du fait de la tentative de Jean Lecanuet, qui exploite au maximum les recettes du marketing politique, prouvant qu’un centrisme laminé sur le plan parlementaire peut renaître sous la forme charismatique. Les électeurs peuvent alors prendre la mesure du pouvoir du fait présidentiel constitutionnalisé en 1962, même si cette incursion centriste arrange le gaullisme et empêche François Mitterrand d’incarner seul, la modernité.

Le couplage punitif : législatives et référendum en 1962

17La nomination d’un Premier ministre technicien en avril 1962 avec l’obtention d’une courte confiance, puis le départ des ministres MRP en mai, alors que la moitié du groupe s’est abstenu lors du vote de confiance, l’annonce du référendum (septembre), la motion de censure et la dissolution-sanction (octobre) font du second semestre 1962 la période charnière signalant la mutation à la fois du régime et du système politique : bipolarisation et présidentialisation des partis sont alors initiées. En 1962, le vote survient dans un contexte en fait continu de dégradation des relations entre le Président et le Parlement (démission des Ministres pro-européens, politique algérienne). Paul Reynaud, modéré, opposé à l’élection au suffrage universel direct s’insurge contre la dissolution. Il désavoue la démocratie référendaire à laquelle le général de Gaulle a si souvent recours et au-delà renie la démocratie personnifiée à laquelle il veut donner le jour : « Pour nous, Républicains, la France est ici et non ailleurs… Les représentants du peuple, ensemble, sont la Nation, et il n’y a pas d’expression plus haute que la volonté du peuple que le vote qu’ils émettent après une délibération publique » [13]. En effet, 280 députés sur 480 votent la censure du gouvernement Pompidou.

• Dissolution gaulliste

18Le général de Gaulle ne cède pas à la pression parlementaire ; il ne reçoit son Premier ministre que deux jours plus tard, le confirme et prononce la dissolution le 10 ! Les résultats obtenus aux deux scrutins permettent au Président de légitimer ses options. Le délai très resserré décidé par l’exécutif entre référendum et législatives n’autorise en rien un débat public propre à l’élection des députés. L’ordre de la combinaison des prérogatives présidentielles mis en œuvre témoigne de la réorganisation graduée du jeu politique : le premier acte met en scène une communion entre le chef de l’État et le peuple, le second présidentialise le gouvernement par défaut (puisque sa parlementarisation échoue), le troisième, présidentialise la majorité. Une nouvelle fois, la stratégie gaullienne parvient à coupler une consultation présidentialisée et un renouvellement de l’Assemblée nationale. L’usage de la Constitution substitue alors la responsabilité du gouvernement devant le Parlement à la responsabilité du Premier ministre devant le Président. Comme le remarque René Rémond, cet épisode « consacre le déplacement du centre de décision qu’avait imposé la guerre d’Algérie et institutionnalise l’évolution… qui avait amené le chef de l’État à intervenir dans la conduite de l’action quoti-dienne » [14].

19Pendant la campagne électorale, du côté gaullien, la situation alors décrite est celle d’une France enfin rétablie dans sa grandeur, d’une Nation unie qui assisterait impuissante à la rébellion des forces politiques « contre de Gaulle ». Et ce dernier, dans la même allocution, de demander aux Français après « avoir scellé la condamnation du régime désastreux des partis,… [de] confirmer, par la désignation des hommes, le choix qu’en votant Oui vous avez fait quant à notre destin ! ». La personnalisation du débat, cantonnée en 1958 au référendum, s’applique alors aux législatives. Sur le plan organisationnel, le couplage est explicitement revendiqué par un général de Gaulle qui, cette fois, ne répugne par à désigner son camp ; les candidats du « oui » reçoivent pour les législatives sa bénédiction et ses encouragements. Ainsi, le gaullisme universel de 1958 cède-t-il la place à un gaullisme partisan qui s’ouvre modérément à des factions retournées de la droite traditionnelle. En 1962, les formations ont davantage apprivoisé le mode de scrutin. « … On avait dit que le scrutin d’arrondissement n’est qu’un scrutin de personnes. Cette idée, traditionnellement admise n’est plus vraie dans de nombreux cas. On a voté pour des candidats UNR rigoureusement inconnus… » [15] ; le parti a apprivoisé l’élection. Un dispositif d’alliances organise la campagne via la distribution des investitures. Se joignent à ce concert, les appuis de 24 Indépendants menés par trois ministres de Michel Debré, Raymond Marcelin, de Broglie et Giscard d’Estaing…

• Oppositions

20De leur propre aveu, les « non » forment un cartel ; qu’est-ce à dire ? « Association de groupements politiques en vue d’une action commune » précise le Robert, le rassemblement des partis opposés à la stratégie gaullienne semble plus hétéroclite que l’alliance précitée. Le « cartel des non » juxtapose des formations issues de droite et de gauche : Parti communiste, PSU, SFIO, radicaux, MRP, CNI, décident de faire bloc contre de Gaulle. Ne disposant pas d’un leader clairement identifié, éclose de ralliements hétérogènes, la lisibilité de l’alliance paraît compromise. Les accords locaux sont parfois choquants pour l’électeur ; « … dans le Nord, le Parti socialiste ne présente de candidat ni contre Paul Reynaud, ni contre Bertrand Motte, leader des Indépendants, et d’une grande famille patronale du Nord » [16]. Les formations arrivent néanmoins à cette occasion à se doter d’un programme de gouvernement. Si Indépendants, MRP, et socialistes parviennent à passer des pactes de non agression voire à s’allier dès le premier tour, les communistes se présentent toujours seuls. Il est incontestable qu’un nouveau jeu entre les partis politiques sourd des législatives de 1962 ; se profile le début de la bipolarisation. Le taux d’abstention de 31 % est le plus élevé constaté aux élections législatives depuis 1881 ; il indique le couplage avec le référendum et que l’opposition résolue au gaullisme de partis le soutenant auparavant, a pu déstabiliser un certain nombre d’électeurs. Ainsi, la carte de l’abstention diffère-t-elle de celle du référendum. Les notables du MRP ou des Indépendants ne résistent pas au gaullisme lors des législatives ; d’ailleurs, ils n’obtiennent respectivement que 14 et 12 élus au premier tour. Les partis de droite du « cartel des non » sont les plus sévèrement sanctionnés. Le gaullisme triomphant dès le premier tour devient le pôle incontesté de la droite. De ce côté, le résultat est en effet sans appel, qui condamne les « partis de jadis » et intronisent l’UNR-UDT comme pivot du Parlement : la formation obtient 32 % au premier tour ce qui d’emblée lui offre 46 sièges ! Le résultat honorable est loin cependant de lui ouvrir les portes de la majorité parlementaire.

21À gauche aussi, hormis les communistes (qui progressent par rapport à 1958 et atteignent 22 % des exprimés), les notables payent cher leur refus de la présidentialisation des élections : les socialistes conservent 12,5 % des exprimés, les radicaux approfondissant leur marginalisation (5 et 3 %). Entre les deux tours, l’engagement surprenant et unilatéral pris par Guy Mollet de faire voter communiste contre un UNR enclenchant une dynamique de Front populaire jusqu’ici dénoncée, décontenance non seulement un certain nombre d’électeurs, mais aussi et surtout ses alliés centristes et conservateurs. Ils refusent explicitement cette tactique, ce qui brise le cartel, mais sonne pour la première fois le carillon de l’union des gauches. Le leader de la SFIO réveille à son corps défendant un mythe mobilisateur, mais surtout teste une logique au potentiel certain, note P. Martin : « alors qu’aucun des 40 élus socialistes de 1958… ne devait son élection à des suffrages communistes, plus de la moitié des 65 élus socialistes de 1962… devait son élection aux suffrages communistes » [17]. La bipolarisation est en marche. Elle devra beaucoup à la dynamique mentionnée ci-dessus et la capitalisation stratégique qu’en fera François Mitterrand. Au soir du second tour, le parti du général de Gaulle obtient 43,6 % des suffrages exprimés et 233 sièges, soit une majorité absolue ratée de 10.

Vers la bipolarisation : concessions aux partis

22La mise en place d’un premier alignement servant de modèle par la suite émerge entre 1962 et 1965, du fait de la diversification réussie par rapport au référendum que représentent les législatives de 1962. Programmées dans l’urgence du second tour de 1962 après l’échec du cartel au premier, l’union entre socialistes et communistes survient en 1965 sous la houlette de François Mitterrand et crée un événement mémorisé, puisqu’elle provoque alors la mise en ballottage de l’intouchable chef de l’État.

• Une nouvelle configuration du jeu parlementaire

23À l’issue des législatives, les Indépendants favorables au général obtiennent 18 députés (8 %) ; ils parviennent néanmoins du fait du ralliement in extremis de ceux d’entre eux jusqu’au bout opposés au gaullisme, à former un nouveau groupe de 35 députés, celui des « Républicains indépendants » créé à l’initiative de Giscard d’Estaing dans une perspective gouvernementale. Ils s’allient ensuite à l’UNR pour constituer une majorité. Le « privilège » de former un groupe est retiré au MRP de Pierre Pflimlin (5 %), dont les parlementaires doivent s’associer à la droite de l’UDSR menée par René Pleven, pour constituer le « Centre démocratique » (55 députés), opposé désormais mollement au gaullisme de gouvernement. L’électorat le plus rural se détourne par contre de la droite classique. Ainsi, le grand creux de la carte de la droite traditionnelle sous la Ve République correspond à des espaces plus ruraux que la moyenne nationale, qui s’ancrent à gauche. Ces zones, les plus hostiles au référendum, appartiennent au Sud et au centre, desquels se détachent cependant Allier et Corrèze. Au Parlement, le centre-gauche et les radicaux (8 %) s’associent à la gauche de l’UDSR pour former le « Rassemblement démocratique » également hostile à la présidentialisation du régime ; le groupe compte 39 membres. Pour les socialistes, qui disposent de 66 sièges (15 %), la progression est certaine (23) ; ils forment un groupe à part entière de même que les communistes qui obtient 41 députés (21 %) contre 10 en 1958. La polarisation du vote débouche ainsi sur une polarisation des sièges. L’élection de la nouvelle Assemblée nationale sanctionne l’aboutissement de l’affrontement graduel mais intransigeant, entre le Président et le « système parlementariste ». Elle permet enfin au Général de composer une majorité parlementaire autour d’un parti gaulliste présidentialisé. À la sortie des urnes, le visage du Parlement a singulièrement changé d’expression, semblant désormais trouver le chemin du clivage droite-gauche.

• 1965 : le précédent présidentiel

24La présidentielle de 1965 apparaît comme confirmation du cycle électoral ouvert en 1958. Trois ans après la condensation des épreuves (référendum, motion de censure, dissolution), la première présidentielle achève d’inscrire dans la réalité politique, d’une part le présidentialisme initié, d’autre part la progressive restructuration du jeu politique bipolaire. La télévision joue pour la première fois un rôle important et ouvre la représentation imagée de la politique au pluralisme ; en tout, deux heures sont offertes au candidat, seuls ou en compagnie d’un journaliste. La jeunesse des candidats centristes et de gauche tranche cruellement avec le vieux monarque hautain, et le premier des deux challengers surprend pour son usage innovant du marketing politique. Le général de Gaulle interdit à l’UNR de faire campagne pour lui ; une association UDT est créée, qui peut se réclamer du gaullisme alors que Jacques Foccart, Oliver Guichard, Lefranc, plus ou moins entourés par Georges Pompidou, Roger Frey, Malraux voire Debré, dirigent l’action militante. Confrontés au suc-cès tôt mesuré par l’IFOP des candidatures opposées dans l’opinion, le gouvernement réagit. Mais il semble trop tard pour contrer la tendance ; l’aspiration au changement se manifeste.

Affiche électorale représentant le général de Gaulle. Élections présidentielles, décembre 1965

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Affiche électorale représentant le général de Gaulle. Élections présidentielles, décembre 1965

Ph © Coll. Roger-Viollet

25La participation record (85 % des inscrits), qui égale celle de 1958, rapproche cette première de la ferveur du rite initiatique. Elle semble corroborer l’adhésion au présidentialisme tel que défendu par le Président en titre. La carte électorale de la présidentielle reproduit en grandes tendances celle du référendum de 1962 comme le souligne d’emblée François Goguel [18]. Le président sortant est mis en ballottage (43,7 % contre 32,23 % et 16 %). À un de Gaulle sûr de lui et dominateur avant le premier tour, s’offusquant de ce qu’on lui demande de faire campagne à la télévision et répliquant : « quoi, vous voulez que je dise aux Français, je m’appelle le général de Gaulle ? », succède un président/candidat ballotté par la secousse du premier tour. Aussi, cette fois, en compagnie de Michel Droit, use-t-il et, au regard des règles, abuse-t-il, de la télévision. Les militants gaullistes se déchaînent dans des meetings menés par des notoriétés qui ne sont pas membres de l’UNR, mais de fervents soutiens du Général. La course aux soutiens auprès des personnalités des arts et spectacles est lancée. Dans le dialogue à distance entretenu via la télévision, les deux protagonistes du second tour proposent à l’électorat une véritable confrontation programmatique et contribuent à la dualité du débat public. Comme le remarque Pierre Viansson-Ponté, la première campagne présidentielle crée un choc dans l’organisation de la communication politique électorale. Cette dernière force le gaullisme à devenir moins emphatique et indiciel, plus précis et didactique. Le général de Gaulle n’est plus un mythe mais politicien, il accepte les règles du jeu démocratique. 1965 donne le la de la désacralisation du pouvoir gaullien.

Affiche électorale de François Mitterrand pour les élections présidentielles de 1965

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Affiche électorale de François Mitterrand pour les élections présidentielles de 1965

Ph © Hpp/Keystone

26Au final, la France du Nord, de l’Est et de l’Ouest demeure fidèle au général de Gaulle dès le premier tour, lui offrant la majorité absolue dans treize départements ; le second tour offre peu de surprise sinon une meilleure pénétration de la France du Sud-Est qu’en 1962. Le candidat centriste conservant les faveurs d’une partie de l’Ouest intérieur (et Normand), a joué son rôle de rempart contre le basculement d’un électorat démocrate en direction du candidat socialiste sauf dans le Sud-Ouest et Languedoc. Le candidat de l’union de la gauche réalise normalement ses performances du premier tour (majorité relative cependant) dans le Sud-Ouest, le Sud méditerranéen et le Centre ; le second tour confirme la tradition électorale de gauche de certaines régions.

27La période étudiée condense le code génétique des stratégies présidentialisation : la structuration du jeu partisan et parlementaire par les différents chefs d’État, usera du couplage légitimation présidentielle – référendaire ou élective –, et législatives ; de sorte que le second scrutin trouve son sens dans l’onction charismatique provoquée par le premier. La bipolarisation en sort momentanément renforcée (1972, 1981, 1988). Mais en 2002 pour la première fois, le scrutin législatif est sur ce plan plus déterminant que la présidentielle. Ce fait rappelle l’importance du débat de 1962 sur la procédure électorale : compte notamment la définition des seuils exigibles lors du recueil des présentations. Ce point est ignoré par le législateur depuis 2001. Dans un paysage politique à nouveau émietté, la présidentielle peut-elle rester l’élection de tous les tribuns, ou doit-elle retrouver sa dimension structurante du jeu parlementaire et partisan et si oui, comment ?

Notes

  • [*]
    Docteur en Sciences politiques, auteur de Régulations et stratégies dans l’espace politique français: l’exemple du pouvoir présidentiel depuis 1958, Paris, Éditions Connaissances et Savoirs, 2005 (à paraître).
  • [1]
    Michel Dobry, Sociologie des crises politiques, Paris, Presses de Sc. Po., 1992, p. 228.
  • [2]
    Jean Lacouture, De Gaulle. 3. Le souverain, Paris, Le Seuil, 1986, p. 427 et suiv. En appuyant sa démonstration sur de nombreux témoignages qu’il recoupe, il démontre combien barons et fidèles du gaullisme (en l’occurrence, Edmond Michelet, Louis Terrenoire, Jacques Chaban?Delmas, etc.) ont pris part pendant deux ans à l’orchestration de contacts, qui permettent au général de Gaulle de rechercher des alliés, de tester ses tactiques et de recueillir des informations…
  • [3]
    Pour comprendre l’activisme armé en politique voir notamment Michel Winock, La fièvre hexagonale, Paris, Le seuil, 1987, p. 290.
  • [4]
    Cf. Christophe Nick, Résurrection. Naissance de la Ve République, Paris, Fayard, 1998.
  • [5]
    Odile Rudelle, « De Gaulle et l’élection directe du président », dans O. Duhamel et J.?L. Parodi (dir.), La constitution de la Cinquième République, Paris, RFSP, n° 4?5, vol. 34, août-oct. 1984.
  • [6]
    Pierre Viansson?Ponté, Histoire de la République gaullienne, Paris, Fayard, 1971, t. 2, p. 26.
  • [7]
    Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, 3 t., Paris, Éditions de Fallois/Fayard, 2000, t. 1, p. 213.
  • [8]
    Maires des petites communes, maires et conseillers municipaux des plus grandes, conseillers généraux et membres des assemblées des territoires d’outre-mer.
  • [9]
    François Goguel, Chroniques électorales, 3 t., Paris, Presses de la NFSP, 1983, t. 1, p. 68.
  • [10]
    François Goguel, op. cit., p. 76. Le rôle joué par les ministres d’État fut, en effet loin d’être négligeable : Pierre Pflimlin défendit la suppression de l’initiative parlementaire en matière financière et Guy Mollet insista pour que soient fixés le nombre et la durée des sessions extraordinaires du Parlement, mais aussi pour que soit maintenue une suprématie de l’Assemblée nationale sur le Sénat en ce qui concerne le vote de la Loi. Par contre, ils s’opposèrent à la transformation du Sénat en une chambre représentative des intérêts économiques et sociaux.
  • [11]
    Pour les citations qui précèdent voir Alain Peyrefitte, C’était…, t. 1, op. cit., p. 217-148.
  • [12]
    Olivier Duhamel Olivier, La gauche et la Ve République, Paris, PUF, 1980.
  • [13]
    Cité dans Jacques Chapsal, La vie politique en France sous la Ve République, Paris, PUF, coll. « Thémis », 1990, t. 1, p. 243.
  • [14]
    René Rémond, Notre Siècle, Paris, Fayard, p. 563.
  • [15]
    Alain Peyrefitte, C’était…, t. 1, op. cit. p. 249 et 252.
  • [16]
    Jacques Chapsal, op. cit., p. 250.
  • [17]
    P. Martin, Les systèmes électoraux et les modes de scrutin, Paris, LGDJ, 1994, p. 148.
  • [18]
    François Goguel, « L’élection présidentielle », RFSP, vol. XIV, n° 2, avril 1966.
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