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Article de revue

Un doctrinaire « homme du peuple » ? Eugène Janvier, sous-préfet de Dinan en 1847-1848

Pages 75 à 94

Notes

  • [1]
    Il sera connu plus tard sous le nom de Janvier de la Motte. Au moment de son passage à Dinan, l’ajout de la particule ne semble pas encore avoir eu lieu. L’ensemble de la documentation disponible le désigne sous le seul nom de Janvier.
  • [2]
    Ces différentes pétitions se trouvent dans son volumineux dossier de carrière, conservé aux Archives nationales (désormais AN) sous la cote F/1bI/164/2. Le dossier personnel de Janvier conservé aux Archives départementales des Côtes-d’Armor (nom donné aux Côtes-du-Nord après 1990) sous la cote 2 M 27 est en revanche presque vide. Les rares documents que l’on y trouve (fiche de renseignements administratifs, demandes de congés) ne présentent aucun intérêt significatif.
  • [3]
    La pétition qui rassemble 235 signatures est désignée dans le dossier d’archives comme la « 3e pétition des habitants de Dinan » alors que ce dossier ne compte que deux pétitions adressées au Gouvernement provisoire par les habitants de cette ville.
  • [4]
    Le père d’Eugène Janvier porte le même prénom que son fils : voir la notice qui lui est consacrée sur la base Sycomore, qui reprend celle du Dictionnaire des parlementaires français depuis le 1er mai 1789 jusqu’au 1er mai 1889 édité par Robert Adolphe, Bourloton Edgar et Cougny Gaston (Paris, Bourloton, 1889-1891). Toutefois cette notice comporte une erreur puisqu’elle fait de notre sous-préfet le neveu et non le fils du premier Eugène Janvier, erreur que l’on retrouve ici ou là dans une partie de la documentation.
  • [5]
    André-Jean Tudesq évoque le cas de Janvier dans les fortes pages qu’il a consacrées aux « déficiences morales et idéologiques » du régime de Juillet dans ses dernières années : Les grands notables en France (1840-1849). Étude historique d’une psychologie sociale, Paris, PUF, t. II, 1964, p. 920-921.
  • [6]
    Question abordée en partie dans le seul et très bref article consacré au passage d’Eugène Janvier à Dinan : Dubreuil Léon, « Eugène Janvier de la Motte », Nouvelle Revue de Bretagne, 1951, p. 140-145.
  • [7]
    AN, F/1bI/164/2. Dossier Janvier de la Motte. Lettre du maire de Dinan aux membres du Gouvernement provisoire, le 5 mars 1848. Cette lettre accompagne l’envoi de la pétition des pompiers et de la première pétition des habitants de Dinan.
  • [8]
    Cité dans Le Sage Joseph, Éphémérides dinannaises 1847-1850, Dinan, J. Bazouge, 1863, p. 39. La collection du Messager breton est très difficilement accessible pour 1847 et 1848. Les Archives départementales des Côtes-d’Armor n’en ont numérisé que trois numéros pour 1848 et aucun pour 1847. La Bibliothèque Nationale de France permet quant à elle l’accès à deux numéros de 1848 seulement. Pour un recensement des journaux paraissant dans les Côtes-du-Nord au xixe siècle, voir Kerviler René, Essai d’une bibliographie des publications périodiques de Bretagne, Rennes, J. Plihon et L. Hervé, 1884-1898, t. 2 : Côtes-du-Nord.
  • [9]
    Tous les numéros de 1847 et 1848 de ce journal hebdomadaire sont numérisés et accessibles sur le site internet des Archives départementales des Côtes-d’Armor. Ils ont tous été dépouillés dans le cadre de la préparation de cet article. Le récit de la manifestation du 17 mars se trouve dans le numéro du 19 mars.
  • [10]
    Ces rapports sont conservés aux Archives départementales des Côtes-d’Armor (désormais ADCA) sous les cotes 4 M 37 (1845-1854) et 1 M 335 (1848-1853). Il n’y est jamais question des événements de Dinan au début du mois de mars 1848. Les cartons rassemblant les rapports préfectoraux sur la situation morale et politique du département n’apportent pas davantage de secours, ni aux ADCA (1 M 250 et 4 M 26), ni aux AN (F/1cIII/Côtes-du-Nord/13. Comptes rendus administratifs an VIII-1870).
  • [11]
    De février à juin-juillet 1848, les titres de « préfet » et « sous-préfet » ont été remplacés par ceux de « commissaire » et de « sous-commissaire ». La situation est partout confuse et l’historiographie quasi inexistante, à quelques exceptions près : Brault Pierre, « La Révolution de 1848 et l’Administration préfectorale », La Revue administrative, mai-juin 1948, p. 15-17 ; Haury Pierre, « Les commissaires de Ledru-Rollin en 1848 », La Révolution française, juillet-décembre 1909, t. 57, p. 438-474, et, pour un exemple local, Gouallou Henri, Hamon, commissaire du Gouvernement puis préfet d’Ille-et-Vilaine (3 mars 1848-25 janvier 1849), Paris, Klincksieck, 1973.
  • [12]
    Sur Michel Rocher, voir de Berrenger Henri, « Michel Rocher, commissaire général des cinq départements bretons en 1848 », Nouvelle Revue de Bretagne, 1950, no 6, p. 411-420. Les Archives départementales de Loire-Atlantique (anciennement Loire-Inférieure) conservent les papiers de son secrétaire, Ernest Ménard, dans le fonds 13 J. Ce dernier a conservé toute la correspondance reçue par Rocher pendant sa mission et a retranscrit toute sa correspondance active à destination des départements bretons et du ministère de l’Intérieur.
  • [13]
    AD Loire-Atlantique (désormais ADLA), 13 J 13. Lettre du ministre de l’Intérieur à Michel Rocher, le 24 mars 1848.
  • [14]
    ADLA, 13 J 15. Lettre d’Honoré Couard à Michel Rocher, le 4 avril 1848.
  • [15]
    ADLA, 13 J 12. Copie d’un rapport adressé par Michel Rocher au ministère de l’Intérieur, le 16 avril 1848.
  • [16]
    ADLA, 13 J 12. Lettre d’Honoré Couard à Michel Rocher le 30 avril 1848.
  • [17]
    ADCA, 1 M 335. Proclamation du sous-préfet Eugène Janvier aux habitants de l’arrondissement de Dinan, le 28 juillet 1848.
  • [18]
    AN, F/1bI/164/2. « Renseignements fournis sur M. Janvier (Eugène), sous-préfet, par M. Ernest Le Roy, préfet de la Seine-Inférieure, le 3 mai 1851 ». Janvier est alors en poste à Dieppe.
  • [19]
    AN, F/1bI/164/2. Lettre anonyme du 6 février 1868. De même, d’après Léon Dubreuil, les libéraux de l’Eure racontaient au moment de sa nomination à la tête du département en 1856 que Janvier se serait empressé de jeter le buste de Louis-Philippe par la fenêtre dès l’annonce de la révolution (article cité, p. 144) : rien dans la documentation existante ne permet de confirmer cette rumeur postérieure. Quant à la mention du seul sous-préfet maintenu, elle est peut-être exagérée. P. Haury donne le chiffre de douze sous-préfets de Louis-Philippe (sur plus de 300) maintenus par Ledru-Rollin (article cité, p. 15).
  • [20]
    L’Impartial est signalé par André-Jean Tudesq comme l’un des quelques journaux légitimistes de province dans les années 1840 (op. cit., t. I, p. 209). L’année 1847 et le début de 1848 avant mars sont absents de la collection numérisée des Archives départementales des Côtes-du-Nord. Trois numéros supplémentaires de ce journal hebdomadaire ont pu être consultés à la bibliothèque des Champs-Libres de Rennes (28 janvier, 18 et 25 février 1848). Dans ces numéros de janvier, février et mars 1848, toutes les mentions au sous-préfet Janvier sont très positives. De l’autre côté du spectre politique, le « voltairien » Moniteur Breton (l’adjectif est de Kerviler René, Essai d’une bibliographie…, op. cit.) n’attaque jamais personnellement Janvier alors qu’il est très critique envers l’administration en général et appelle les sous-préfets à agir pour le progrès (consultation en ligne de tous les numéros de cette revue mensuelle de février 1847 à février 1848).
  • [21]
    Lilti Antoine, Figures publiques. L’invention de la célébrité (1750-1850), Paris, Fayard, 2014, p. 251-264.
  • [22]
    Saint-Chamans (Vicomte de), De la popularité, Paris, Le Normant, 1824, p. 2-3.
  • [23]
    Clavel François-Timoléon Bègue, article « popularité », dans Dictionnaire politique. Encyclopédie du langage et de la science politiques. Rédigé par une réunion de députés, de publicistes et de journalistes, Paris, Pagnerre, 1842, p. 731-732.
  • [24]
    AN, F/1bI/164/2. « Renseignements fournis sur M. Janvier (Eugène), sous-préfet, par M. Ernest Le Roy, préfet de la Seine-Inférieure, le 28 mars 1852 ».
  • [25]
    Reproduit dans Le Dinannais, le 8 août 1847.
  • [26]
    Reproduits, respectivement, dans Le Dinannais, le 15 août 1847 et Le Messager breton, le 18 août 1848.
  • [27]
    Reproduits dans Le Dinannais, les 19 et 26 septembre, 3, 10 et 17 octobre 1847 pour la session de 1847, les 22 et 29 octobre, 5 et 12 novembre pour 1848.
  • [28]
    Voir sa notice de la base Sycomore, qui reprend celle du Dictionnaire des parlementaires français…, op. cit.
  • [29]
    AN, F/1bI/157/34, Dossier Honoré Couard. Pétitions adressées au ministre de l’Intérieur, le 4 novembre 1848.
  • [30]
    En avril 1848, les Côtes-du-Nord constituent le seul département breton où sont élus des candidats républicains ; en avril 1849 en revanche, tous les candidats élus appartiennent de près ou de loin au Parti de l’Ordre.
  • [31]
    La lecture des Éphémérides dinannaises du maire de la ville (op. cit.) s’avère aussi décevante sur ce point que la série M des ADCA et le fonds 13 J des ADLA.
  • [32]
    Les deux procédés étaient alors fréquents d’après AgnèsBenoît, L’appel au pouvoir. Les pétitions aux Parlements en France et au Royaume-Uni (1814-1848), Rennes, PUR, 2018, p. 91-92.
  • [33]
    Pour une réflexion sur le clientélisme, voir Briquet Jean-Louis et Sawicki Frédéric (dir.), Le clientélisme politique dans les sociétés contemporaines, Paris, PUF, 1998.
  • [34]
    Sur sa popularité dans l’Eure, voir Defrance Jean-Pierre, Janvier de la Motte, préfet de l’Eure 1856-1868, thèse de l’école des Chartes, 1981.
  • [35]
    Lagadec Yann, Le Bihan Jean, « Les sous-préfets de Bretagne sous la monarchie de Juillet (1830-1848) : une génération d’administrateurs à part ? », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, tome 111, no 4, 2004, p. 47-70.
  • [36]
    Offerlé Michel, « “À Monsieur Schneider”. Quand des ouvriers demandent à leur patron de se présenter à la députation (janvier 1902) », dans Pierre Favre et al. (dir.), L’atelier du politiste : théories, actions, représentations, Paris, La Découverte, 2007, p. 163-188.
  • [37]
    AN, F/1bI/166/17, Dossier Le Bare.
  • [38]
    Le Dinannais, le 17 janvier 1847. Janvier a été nommé le 4 janvier.
  • [39]
    Le Dinannais, le 21 février 1847.
  • [40]
    Le Dinannais, les 14 mars, 2 mai, 4 juillet et 5 décembre 1847.
  • [41]
    Successivement : Le Dinannais, le 11 avril 1847 ; Le Dinannais, le 19 septembre 1847 ; Éphémérides dinannaises…, opcit., p. 30.
  • [42]
    Successivement Le Dinannais, le 17 janvier 1847 ; Éphémérides dinannaises…, opcit., p. 25. Néel de la Vigne, ancien sous-préfet de Dinan, verse 12 000 francs pour la salle d’asile.
  • [43]
    AN, F/1bI/164/2. « Renseignements fournis sur M. Janvier, sous-préfet, par M. Couard, préfet des Côtes-du-Nord, le 29 octobre 1848 ».
  • [44]
    Procès Janvier de la Motte. Débats complets. Cour d’assises de la Seine-Inférieure. Audiences des 26, 27, 28, 29 février, 1er, 2, 3 et 4 mars 1872, Évreux, Hippolyte Rode, 1872, p. 53.
  • [45]
    AN, F/1bI/159/19. Dossier Amédée Bertin. L’attention portée au progrès matériel et « moral » est un trait caractéristique de cette génération d’administrateurs (Lagadec Yann, Le Bihan Jean, « Les sous-préfets de Bretagne… », art. cité).
  • [46]
    AN, F/1bI/164/2. Lettre du maire de Dinan aux membres du Gouvernement provisoire, le 5 mars 1848.
  • [47]
    Karila-Cohen Pierre, La masse et la plume. Essai sur le charisme préfectoral dans la France du xixe siècle, mémoire inédit d’HDR, Université Paris 1, 2014.
  • [48]
    VatarDes Aubiers Marc Étienne Frédéric, Manuel des préfets et des sous-préfets, Paris, Paul Dupont, 1852, 2e éd., p. 11 pour la citation [première édition : 1846].
  • [49]
    Le Dinannais, 17 octobre 1847 ; Le Messager breton, le 18 août 1848. En réalité, Janvier n’est breton que par un seul de ses grands-pères, du côté paternel, né en Ille-et-Vilaine.
  • [50]
    L’Impartial de Bretagne, le 18 février 1848.
  • [51]
    Le Dinannais, le 13 février 1847.
  • [52]
    Le Publicateur des Côtes-du-Nord, le 11 décembre 1847.
  • [53]
    Le Dinannais, le 29 mars 1848, lorsque la nouvelle de la nomination de Janvier comme sous-commissaire de l’arrondissement de Dinan est connue dans la ville.

1Entre le 5 et le 9 mars 1848, alors que le régime de Juillet venait de tomber pour laisser place à la Seconde République, une série de pétitions furent signées pour demander le maintien d’Eugène Janvier [1] comme sous-préfet de l’arrondissement de Dinan, fonction qu’il occupait depuis février 1847. Successivement, 65 membres de la compagnie de sapeurs-pompiers de la ville, 606 habitants, 40 maires de l’arrondissement, puis, de nouveau, 235 Dinannais réclamèrent la reconduction de Janvier [2]. Cumulées, les signatures dinannaises – environ 900 – représentent un peu plus de 10 % de la population d’une ville qui compte 8 159 habitants lors du recensement de 1846. Une autre pétition, qui aurait pu faire augmenter ce chiffre, semble même avoir été perdue [3]. Qu’un habitant sur dix d’une ville modeste comme Dinan se mobilise est loin d’être anodin. Il est rare en outre que de telles pétitions soient rédigées en faveur de hauts fonctionnaires territoriaux. Dans les dossiers de carrière des préfets et des sous-préfets, on trouve en effet bien plus souvent des lettres signées par des conseillers généraux ou d’arrondissement, parfois des maires, exprimant leur gratitude à un administrateur partant ou demandant son maintien. Dans ces cas relativement banals, on ne sort pas de cercles institutionnels ou sociaux étroits. Or, à Dinan en mars 1848, les signataires sont, dans l’immense majorité des cas, des citoyens ordinaires, qui appartiennent très souvent aux classes populaires, particulièrement aux « classes ouvrières », pour reprendre une expression commune à cette époque. Cette mobilisation exceptionnelle surprend d’autant plus lorsque l’on examine le profil de son bénéficiaire. Fils d’un député de la majorité fidèle à Guizot [4], Eugène Janvier a été nommé sous-préfet de Dinan alors qu’il n’avait pas même 23 ans. Cette faveur constitue l’un des exemples de népotisme qui nourrissent la crise morale de la monarchie de Juillet finissante [5] : l’objet de cet article consiste donc à interroger cette popularité paradoxale, celle d’un héritier auprès du peuple de Dinan et d’un sous-préfet de Louis-Philippe au début de la Seconde République [6]. Il s’agit d’abord d’en décrire les formes et l’ampleur avant de poser des hypothèses pour en comprendre les origines. On interrogera ainsi trois rapports au peuple de ce représentant des élites sociales et administratives de son temps : un rapport idéologique (ce qu’est le peuple pour Janvier), un rapport instrumental (l’éventuelle mise en place d’un rapport de domination sur une clientèle) et un rapport fonctionnel, lié au fait d’être sous-préfet et de ce que cela suppose dans les relations avec la population dans son ensemble.

« Nul n’est plus populaire et aimé que ce magistrat »

2Évoquer la « popularité » de Janvier ne consiste pas à transposer de manière anachronique une notion actuelle et les enjeux qui s’y rattachent dans le contexte des années 1847-1848. Il suffit pour s’en rendre compte de lire ce qu’écrivent les pétitionnaires. « Nous aimons notre sous-préfet, et le gouvernement qui aime le peuple doit écouter sa voix », écrivent les pompiers. « Il est l’homme du peuple élevé par l’intelligence et le cœur depuis qu’il est à Dinan », écrivent-ils avec enthousiasme. « Nul n’est plus populaire et plus aimé que ce magistrat », renchérissent les signataires de ce qui est désigné comme la troisième pétition. Cette ferveur ne se limite pas à la signature de ces manifestes. Le maire de la ville, Joseph Le Sage, rapporte que, lors de la revue de la garde nationale du 5 mars, les cris qui ont fusé mêlaient « Vive la République » à « Vive le sous-préfet [7] ». Un peu moins de quinze jours plus tard, le 17 mars, une « manifestation spontanée, inouïe, sans précédents », selon les termes d’un journal républicain local, Le Messager breton[8], agite la petite cité bretonne. Au départ destiné à empêcher le maire et son premier adjoint de démissionner, le rassemblement populaire, décrit par un autre journal, Le Dinannais[9], sous les traits d’une « foule compacte et pressée », fait procession de la mairie à la demeure de Joseph Le Sage d’une extrémité à l’autre de la ville. Là, le sous-préfet convainc le maire de renoncer à la démission. C’est ensemble que les deux hommes sont alors ovationnés dans une véritable scène de triomphe. « Le peuple » les serre dans ses bras puis les place par deux fois « sur ses larges épaules » pour parcourir la ville. La foule fait entendre des « cris frénétiques », entonne la Marseillaise, s’exclame « Vive le maire » et « Vive le sous-préfet ». Le commandant de la garde nationale est à son tour ovationné. La musique de la Garde joue des « airs nationaux » tandis qu’un feu de joie est allumé. Les trois hommes sont de nouveau portés en triomphe jusqu’à la sous-préfecture, devant laquelle une sérénade est donnée, d’abord au sous-préfet, « qui succombait, pour ainsi dire, sous le poids du bonheur », puis aux deux autres figures honorées. Le Dinannais, très favorable au sous-préfet, y va de ses propres éloges en estimant que celui-ci compte dans la ville et l’arrondissement « autant d’amis que d’administrés ».

3L’expression de cette ferveur populaire a certainement sauvé Janvier d’une destitution qui aurait logique en mars 1848. Il n’existe certes aucune trace directe de la manière dont ces pétitions, adressées au Gouvernement provisoire, furent interprétées à Paris. De même, aucun rapport administratif interne au département – par exemple ceux que le commandant de la compagnie de gendarmerie des Côtes-du-Nord adressait au préfet – n’évoque les pétitions et la manifestation du 17 mars [10]. Les trois premières semaines de mars sont donc entourées d’un certain flou documentaire, reflet d’un moment d’incertitude plus général : la nouvelle administration républicaine, représentée à Nantes par Michel Rocher, commissaire général des cinq départements bretons, et à Saint-Brieuc par Honoré Couard, commissaire général des Côtes-du-Nord [11], ne commence à travailler qu’aux alentours du 21 mars [12]. Très vite alors, le maintien de Janvier irrite le ministère de l’Intérieur, qui s’en ouvre à Rocher le 24 mars [13]. Celui-ci se retourne vers Couard, qui, dès le 4 avril, lui répond que « si [Janvier] a été maintenu dans le poste qu’il occupe, c’est […] aux démarches incessantes des populations qu’il le doit [14] ». Fervent républicain, fâché de cette situation, Michel Rocher accepte de temporiser après une visite effectuée à Dinan dans les jours suivants, sans doute aux alentours du 10 avril. Il faut, écrit-il à Paris à son retour, attendre la fin des élections législatives à venir, le 23 avril, pour le destituer [15]. Or, Janvier obtient de bons résultats électoraux dans une région où les candidats républicains sont battus partout ailleurs. Honoré Couard souligne à cet égard le mérite du sous-commissaire de Dinan puisque cette ville avait été « choisi[e] pour champ de manœuvre du légitimisme et du clergé [16] ».

4Dans cette affaire, ce n’est pas tant l’opportunisme de Janvier qui surprend – il n’est ni le premier ni le dernier préfet ou sous-préfet du xixe siècle qui se rallie à un nouveau régime après avoir servi le précédent – que le rôle des manifestations populaires d’attachement dans son maintien puisque celles-ci retiennent sa hiérarchie d’agir contre lui à un moment crucial. Effectivement maintenu comme sous-commissaire au printemps 1848, Janvier survécut administrativement à ses deux supérieurs, emportés par le reflux de la révolution de 1848. Confirmé comme sous-préfet en juillet de la même année, fonction qu’il occupa jusqu’en juillet 1849, il s’adressa par voie d’affiche à ses administrés pour les remercier de l’avoir « soutenu par d’éclatantes manifestations » et de lui avoir « donné la consécration du vœu populaire » alors que « tant d’existences politiques » étaient alors « brisé[es] par la “tempête” révolutionnaire [17] ».

5Son maintien à Dinan en mars 1848 « suite à la démarche de ses administrés » lui conféra une réputation flatteuse, puisque cet épisode fut rappelé en ces termes dans une feuille de notation que lui consacra le préfet de Seine-Inférieure en 1851 [18]. Elle put aussi, il est vrai, être évoquée à charge pour dénoncer son cynisme. On signale ainsi longtemps après, dans l’Eure, qu’il a été le seul sous-préfet de Louis-Philippe maintenu sous-commissaire de la République par Ledru-Rollin [19]. Quoi qu’il en soit, dans un contexte où l’immense majorité de ses collègues durent renoncer à leurs fonctions, son cas est aussi exceptionnel que les manifestations d’attachement qui lui furent alors prodiguées.

6Quel est donc ce « peuple » qui porte Janvier sur ses épaules le 17 mars ? Le seul récit dont on dispose, celui du Dinannais, ne s’embarrasse pas de la question car il s’agit de démontrer l’unanimité de la « population entière » en faveur du sous-préfet : lors de son passage sur les épaules du « peuple », « toutes les maisons s’illumin[en]t » et laissent entendre des « acclamations ». On peut toutefois en savoir davantage sur la sociologie des admirateurs de Janvier en examinant les pétitions. Il apparaît clairement que l’élément ouvrier et populaire y est dominant. Les pompiers insistent d’eux-mêmes sur le fait que leur compagnie est « composée d’ouvriers ». Dans les autres pétitions des habitants de Dinan, la présence ouvrière, et, au-delà, des classes populaires urbaines, saute aux yeux. Surtout, elle est confirmée par le décompte précis que l’on peut faire. Une majorité de signataires a en effet apposé sa profession ou sa fonction à côté de son nom. Parmi les 343 signataires qui se trouvent dans ce cas dans la première pétition, 144 appartiennent aux mondes ouvriers ou à d’autres métiers urbains modestes (boulangers, jardiniers, cuisiniers…), auxquels on peut sans doute adjoindre au moins une partie des 40 individus qui ont signé en tant que gardes nationaux et des 30 militaires, dont beaucoup sont des hommes de troupe. Quant aux 163 signataires de la « 3e pétition » dont l’identité sociale est affichée, 119 appartiennent à ces mêmes classes populaires et ouvrières, soit à peu près les deux-tiers. A contrario, les notables, ou même les simples capacités, sont peu nombreux dans les deux pétitions : quelques gens de justice, quelques « propriétaires », des « marchands », de rares professeurs viennent apporter une quarantaine de signatures tout au plus. On remarque aussi, de loin en loin, un nom à particule. Ce sont bien les « gens de métiers » si typiques de la vie urbaine du premier xixe siècle qui occupent la majeure partie de l’espace de ces pétitions, surtout la « 3e » : menuisiers, tailleurs, tisserands, peintres, serruriers, bien d’autres encore se pressent pour soutenir Eugène Janvier. Ces documents suscitent à cet égard une certaine émotion, tant ils donnent à voir des écritures tremblées, peu maîtrisées, parfois peu à l’aise avec l’orthographe [cf. annexe 1]. On y croise, entre autres, un « chapeulier », un « menuisieur », un « aux bergiste », des « gardiniers » et de très nombreux « tiserants » ou « tisserents ». Tous ou presque savent écrire, néanmoins, et les hiérarchies propres au monde des métiers sont visibles dans ces documents, non pas seulement grâce à la fermeté de l’écriture ou de l’orthographe de certains, mais aussi parce que l’on trouve parmi ces ouvriers urbains quelques « maîtres », par exemple deux « maîtres bottiers ».

7Dominante comme dans la population de la ville elle-même, la place des gens de métiers et plus généralement des classes populaires est toutefois loin d’être exclusive dans les pétitions. Des fonctionnaires et employés de l’État ou de la municipalité sont présents, quelques employés des octrois par exemple, mais aussi le gardien chef de la prison de Dinan, un ingénieur et un conducteur des Ponts-et-Chaussées, sans compter l’ex-commissaire de police et deux gendarmes à la retraite. L’Église n’est pas absente : la première pétition est signée par un abbé et la « troisième » comprend les signatures du curé et de plusieurs vicaires de Saint-Sauveur de Dinan, auxquels il faut ajouter plusieurs membres du séminaire. Quelques signatures isolées complètent la variété du tableau, deux docteurs en médecine, un chirurgien, un « philosophe », un « artiste », entre autres. L’attachement à Janvier abolit jusqu’aux barrières d’âge puisque trois « élèves », cinq « écoliers », sept « étudiants » et un « bachelier es lettres » signent la première pétition. En revanche, ces manifestes semblent presque exclusivement masculins, à l’exception d’une signature que l’on lit comme celle des « filles Leroy » dans la pétition du 5 mars et de deux autres signatures laissant peut-être deviner une « Julie » et une « Léonore » dans l’autre pétition disponible. Sur ce point comme plus généralement, seule une vérification exhaustive des noms et des professions, parfois difficilement lisibles sur les documents originaux, permettrait d’affermir les résultats déjà obtenus en opérant la retranscription des 841 noms des deux pétitions et des 509 professions ou qualités déclarées et lisibles. Grâce au recensement de 1846, à l’état-civil et aux annuaires administratifs existants, l’opération est en partie possible mais requiert un long travail d’identification qui pourrait également dévoiler, à rebours, qui n’a pas signé, une dimension tout aussi intéressante pour comprendre dans quels secteurs sociaux et éventuellement quels quartiers de la ville se déploie cette popularité. Pour l’heure, on ne peut que constater que le nom de Janvier est capable de réunir dans la même pétition des segments divers de la population dinannaise, même si, répétons-le, les classes ouvrières et populaires sont les plus nombreuses. L’effet visuel est frappant sur les documents eux-mêmes puisqu’on peut y voir la signature d’un notaire côtoyer celle d’un serrurier et des membres du clergé partager la même page que des ouvriers. Le printemps 1848 est certes propice à ce genre de fusions romantiques, mais celles-ci s’exercent rarement en faveur d’administrateurs en place sous le régime déchu. Or, dans le cas de Janvier, cette transversalité n’est pas seulement sociale, elle semble être également politique. Le Dinannais, qui n’était pas hostile au régime de Juillet avant de se rallier à la république, Le Messager breton, républicain, et L’Impartial, légitimiste, se réjouissent tous du maintien du sous-préfet à son poste [20].

8La situation très favorable connue par ce dernier dans l’opinion dinannaise rencontre des questionnements contemporains autour de la définition et des origines de la popularité, une notion qui polarise un certain nombre de débats depuis la Révolution française [21]. S’agit-il d’une affection légitime pour un bienfaiteur du bien public ou d’un engouement passager et superficiel, éventuellement obtenu par des moyens démagogiques ? On ne s’étonnera pas que, sous un régime censitaire, certaines plumes penchent du côté de la dénonciation de ce genre d’affection populaire. Un publiciste royaliste conservateur, le vicomte de Saint-Chamans, lui consacra ainsi un ouvrage très critique en 1824, dans lequel il opposa le « désir de popularité », un « mal qui mine intérieurement et affaiblit le gouvernement du roi », et la recherche du « bonheur du peuple », qui ne nécessite pas de rechercher « l’approbation du vulgaire [22] ». Sous la monarchie de Juillet, c’est-à-dire sous le règne d’un roi qui voulut lui-même être populaire, l’ambivalence de la notion est remise sur le métier. Casimir Delavigne écrit une pièce sous ce titre en 1838, dans laquelle le protagoniste, héros de l’opposition, doit trancher entre l’ordre public et les passions de la multitude : il fait le choix moral du sacrifice de sa popularité personnelle pour le bien de l’État. Transposée dans l’Angleterre de Georges II, cette trame constitue une référence transparente aux troubles des premières années du régime de Juillet, au cours desquels, selon l’auteur, seuls les hommes d’honneur surent résister à la tyrannie de l’engouement populaire. Les républicains portent au même moment un regard plus indulgent, même s’il reste teinté de méfiance, sur cette relation entre un homme et le peuple. Le Dictionnaire politique dirigé par quelques personnalités républicaines définit l’homme populaire comme « celui qui par son affabilité, par ses actes ou par ses discours, s’est fait aimer du peuple [23] ». Or, cette affection, lit-on, peut s’acquérir de deux manières : « en flattant, pour les exploiter à son profit, les passions et les préjugés populaires, ou en défendant avec courage ou dévouement les intérêts du peuple », « contre un pouvoir mal intentionné », précise-t-il, ce qui siérait mal à un sous-préfet. Plus tard encore, le Grand Dictionnaire universel de Pierre Larousse évoquera de manière plus large des services rendus à la patrie comme origine possible de la popularité d’un homme. Tout entourée qu’elle soit d’ambiguïté, la notion de popularité s’installe donc dans le vocabulaire politique du xixe siècle, y compris sous des régimes censitaires, héritiers dans ce domaine comme dans d’autres des tensions de la modernité accouchée par la Révolution française. Celle qui entoure le sous-préfet de Dinan constitue donc un point d’observation privilégié. En quoi « son affabilité, ses actes et ses discours », pour reprendre les termes du Dictionnaire politique, peuvent-ils expliquer la ferveur que nous venons de décrire ?

« Il est des hommes qui, à leur insu, sont doués des sentiments les plus démocratiques »

9L’examen des discours officiels de Janvier est une première piste digne d’être explorée. « Les opinions de son père ont toujours été les siennes et se sont invariablement rattachées à la cause de l’ordre », écrit à son propos le préfet Le Roy en 1852 [24]. On ne peut que le confirmer à la lecture de ses discours devant les élèves de l’école mutuelle de Dinan, en août 1847 [25], ceux du collège de la ville en août 1847 et août 1848 [26], et à l’occasion des deux sessions du conseil d’arrondissement des automnes 1847 et 1848 [27]. L’engagement momentané de son père auprès de Lamartine au sein d’un microscopique et éphémère « parti social » au cœur des années 1830 ne semble pas avoir laissé de traces dans les conceptions politiques du fils, très éloignées de celles du poète devenu peu à peu républicain. On y reconnaît nettement le conservatisme de Guizot. Devant les élèves de l’école mutuelle, le sous-préfet fait l’apologie « d’une vie pieuse et honnête, de l’amour de l’ordre et du travail, du dévouement à notre Roi et à notre patrie ». Devant ceux du collège, il rappelle l’aspect chimérique, à ses yeux, d’une égalité complète entre les hommes – « tous ne naissent pas également favorisés par la nature et la fortune » – mais il insiste sur l’importance de l’instruction, « droit de s’élever en proportion de ses mérites et de ses œuvres ». Cela, il l’affirme aussi bien en 1847 qu’en 1848, avant et après la révolution, soulignant lui-même la continuité de sa définition de l’égalité, qui « n’est pas le nivellement social ». On ne peut lui dénier une certaine constance dans ses prises de position publiques, à peine compatibles avec le républicanisme le plus pâle. Ses discours paraissent plus conservateurs encore en 1848, notamment après juin, lorsqu’il loue les « saintes lois de la famille et de la propriété ». Ce conservatisme politique et social ne semble pas rebuter les ouvriers de Dinan, du moins ceux qui se mobilisent pour lui. La modération de leur républicanisme, à vrai dire très récent, peut se lire dans le texte des pétitions favorables au sous-préfet qu’ils n’ont sans doute pas écrit eux-mêmes. Il y est certes question de « joie publique » provoquée par l’avènement de la République, mais aussi de « maintien de l’ordre et de la sécurité publique » : on note en revanche l’absence de toute mention concernant la liberté, l’égalité et la fraternité. Dans leurs pétitions, les maires empruntent un langage plus centré encore sur l’ordre, présentant Janvier comme le garant de la « tranquillité publique » à un moment critique de révolution. Il s’agit, en le maintenant, de défendre « l’ordre, […] la propriété et […] tous les véritables principes sociaux ». On le voit, Janvier a l’échine suffisamment souple pour se rallier à la République après avoir servi la monarchie de Juillet, mais les principes qu’il défend publiquement ont peu varié d’un régime à l’autre. D’une certaine manière, en se faisant le défenseur d’un régime d’ordre fondé en l’espèce sur l’acquiescement du peuple, Janvier esquisse l’idéal politique qu’il servira toute sa vie, celui d’un préfet du second Empire, puis d’un député bonapartiste après la chute de Napoléon III [28]. On peut souligner par comparaison que lorsque Honoré Couard, commissaire du gouvernement puis préfet des Côtes-du-Nord de mars à novembre 1848, fut révoqué, les pétitions qui protestèrent contre le départ de cet authentique républicain furent signées par deux à trois fois moins de citoyens, parmi lesquels les ouvriers semblent quasiment absents [29]. Le républicanisme du lendemain de Janvier convient assurément mieux à ce département breton que l’engagement sincère et plus progressiste de Couard. D’une certaine manière, les Côtes-du-Nord connaissent la même évolution politique que Janvier en 1848-1849 : de l’acceptation de la République en avril 1848 à la préférence pour des solutions d’ordre, qui l’emportent dans le département aux élections présidentielles de décembre 1848 et aux législatives de mai 1849 [30]. La rencontre entre Janvier et le « peuple » de Dinan peut donc reposer en partie sur une compatibilité idéologique.

10Celle-ci n’explique pas tout. À dire vrai, elle n’est peut-être pas si fortuite et il convient d’interroger la manière dont le sous-préfet a pu fabriquer sa propre popularité pour l’afficher au moment opportun. On ne sait rien en définitive des circonstances concrètes ni de l’écriture ni de la signature des pétitions [31]. Tout au plus peut-on constater que celles-ci présentent des paraphes groupés, soit au sein d’une même famille (des pères et des fils signent ensemble) soit dans un environnement commun de travail (le clerc d’huissier avec son patron, les tisserands, tanneurs ou autres groupes d’ouvriers ensemble). S’agit-il d’initiatives spontanées ou de démarches plus encadrées ? A-t-on déposé le formulaire à signer à la mairie ou bien des émissaires sont-ils partis collecter des signatures dans la ville [32] ? Même dans la version idyllique qu’en présente Le Dinannais, la manifestation du 17 mars présente elle aussi des aspects mystérieux, voire artificiels, par exemple la façon dont Janvier apparaît tout d’un coup dans le rassemblement et convainc Joseph Le Sage de renoncer à sa démission de maire de Dinan par la seule force de son éloquence. Ce qui affleure, bien sûr, est le soupçon d’un encadrement de type paternaliste, voire clientéliste [33]. On sait l’empire que Janvier exerça plus tard sur les pompiers de l’Eure, véritables phalanges au service d’une popularité encore plus éclatante. Son expression la plus spectaculaire fut la manifestation de plusieurs milliers de personnes qui eut lieu à Évreux en 1868 pour empêcher son départ au moment de sa destitution [34]. Le sous-préfet de Dinan possède-t-il déjà vingt ans plus tôt, dans son premier poste, un tel savoir-faire dans l’encadrement des masses ? Tout interroge, en tout cas : l’origine du texte des pétitions, l’autonomie laissée aux signataires, la spontanéité de la manifestation du 17 mars, la compréhension, enfin, de cet engagement par ceux qui y participèrent. Il paraît clair à tout le moins que le maire de Dinan et le sous-préfet, tous deux du même âge, s’épaulent dans leur recherche commune de maintien à leur poste. L’encadrement clientéliste suppose toutefois généralement une inscription des liens dans la durée, souvent hérités, qui font complètement défaut ici puisque Janvier n’est en poste que depuis un an lorsqu’il bénéficie d’un tel soutien populaire. Parmi les sous-préfets en poste en Bretagne sous la monarchie de Juillet, il n’est qu’un « étranger de passage », pour reprendre la typologie proposée par Yann Lagadec et Jean Le Bihan [35]. Les paysans de la Manche qui suivirent Tocqueville en procession en avril 1848 pour aller voter ou les ouvriers du Creusot qui supplièrent Schneider de se présenter à la députation en 1902 [36]étaient pris dans des relations de domination autrement plus anciennes. Le seul autre sous-préfet en poste en Bretagne qui semble bénéficier lui aussi à peu près à la même époque d’une forte mobilisation pour son maintien en 1830, François Le Bare, était en poste depuis 1819. Il eut même droit à une sérénade, comme Janvier [37].

11Dans le jeu du don et du contre-don qui structure toute relation de ce type, les Dinannais peuvent malgré tout avoir le sentiment d’avoir déjà reçu un certain nombre de bienfaits grâce à leur sous-préfet, directement ou indirectement. Avant même son arrivée à Dinan le 19 février, il fait savoir qu’il a obtenu du ministère de l’Intérieur des crédits de 1 000 francs pour le bureau de bienfaisance et de 500 francs pour l’hospice de la ville [38], ce qui est appréciable dans un contexte de crise sociale et de cherté des grains. La proximité entre Eugène Janvier père et le ministre de l’Intérieur, Duchâtel, explique ce premier succès. C’est d’ailleurs le père lui-même qui, très vite, met en avant sa propre capacité à attirer des fonds au bénéfice de Dinan. Il accompagne son fils lors de sa première visite de la ville et s’engage à obtenir du gouvernement des aides financières et des dons d’objets et de livres pour le musée et la bibliothèque de Dinan [39]. Il tient ses promesses et au-delà : il soutient à Paris les demandes des commerçants de la ville pour l’agrandissement de son port, un des enjeux importants pour le chef-lieu d’arrondissement à la fin des années 1840, obtient plusieurs allocations pour les pauvres en mars et décembre 1847 et s’entremet avec succès auprès du ministère de l’Intérieur pour qu’un tableau soit commandé à un artiste à destination de l’église Saint-Sauveur [40]. Ces gestes sont d’autant plus intéressants à examiner qu’Eugène Janvier père, né à Laval et député du Tarn-et-Garonne, n’a pas d’autres liens avec Dinan et les Côtes-du-Nord que la présence de son fils à la tête de l’arrondissement. Les résultats qu’il obtient et la manière dont il les met en scène se situent donc dans un registre mixte, assez trouble, entre philanthropie propre aux élites, évergétisme indirect et ce qui pourrait s’apparenter à une forme de corruption.

12Eugène Janvier fils emprunte la même voie. Il obtient une aide pour les petits cultivateurs en avril 1847, un secours pour le bureau de bienfaisance en septembre et participe en décembre à une souscription destinée à l’achat de blés étrangers afin de les vendre à des populations nécessiteuses en dessous des prix du marché [41]. Surtout, lors de la manifestation du 17 mars 1848, il s’écrie dans le feu de l’émotion (feinte ?) que « [sa] joie ne serait pas complète si les malheureux ne la partageaient » et il annonce faire un don de mille livres de pain aux pauvres, ce qui suscite dans la foule un « frisson électrique » de reconnaissance et d’admiration. Ces gestes de générosité hautement proclamés sont assez communs de la part d’administrateurs dans ce contexte de crise économique : l’ancien préfet des Côtes-du-Nord et l’ancien sous-préfet de Dinan ouvrent également les cordons de leur bourse au même moment en faveur des pauvres [42]. Toutefois, il semble que la générosité de Janvier, par sa régularité ou son ampleur, atteigne des niveaux dignes d’être remarqués. On lit sous la plume du préfet Couard, peu suspect de sympathie à l’égard de Janvier mais toujours soucieux de dire le vrai, que celui-ci « donne beaucoup » à « la classe ouvrière », « sans rien exiger en échange, pas même du travail [43] ». A-t-il procédé dès ce premier poste à des distributions de secours comme il l’a fait dans l’Eure dans les années 1860 ? Lors d’un procès qui lui fut intenté en 1872, il fut beaucoup question de ces distributions de pièces sonnantes et trébuchantes à des particuliers, qu’il présentait aux bénéficiaires comme des dons personnels et qui s’apparentaient plutôt à des détournements de diverses aides de l’État. En 1872, l’un de ses avocats déclara posséder des preuves de la générosité personnelle de Janvier à l’égard des miséreux et des classes populaires dès les années dinannaises [44]. En l’absence de traces documentaires, il est impossible de trancher.

13On peut en revanche se pencher sur son action administrative pour essayer de déterminer quels furent les « services rendus au pays » qu’évoque Le Dinannais à la fin du grand récit de la manifestation du 17 mars. Après un an seulement en fonction, le bilan apparaît forcément mince. À l’automne 1848, lors du discours annuel qu’il prononce devant le conseil d’arrondissement, il ne se gratifie lui-même que d’un seul succès déjà effectif, la rénovation de la prison de Dinan, qui tombait en ruines. Sur tous les autres dossiers en cours – l’agrandissement du port de Dinan, la demande du rehaussement du viaduc qui relie Dinan à Lanvallay, alors en construction, celle aussi d’une deuxième brigade de gendarmerie – il ne peut afficher qu’un discours volontariste, celui d’un sous-préfet actif qui écrit aux ministres concernés à Paris mais n’a pas encore obtenu gain de cause. Porteur d’un discours modernisateur, sur le développement des routes et de l’instruction notamment, Janvier est sous-préfet dans une ville marquée par l’immense chantier du viaduc, en construction de 1846 à 1852. Sa personne peut dès lors à être associée à un moment de transformation de la ville, après un hiver 1846-1847 particulièrement dur dans l’arrondissement comme partout en France. Cette posture et même les réalisations qui pourraient en résulter ne suffisent toutefois pas toujours à construire la popularité d’un individu, surtout dans ces dimensions. Pas très loin de Dinan, Amédée Bertin, sous-préfet de Fougères de 1831 à 1847, peut en témoigner. Ce médecin, sous-préfet modernisateur et philanthrope, a avancé les fonds nécessaires à la création d’une salle d’asile, rendu possible la création d’une bibliothèque et lancé un journal d’arrondissement : on ne trouve pourtant dans son dossier de carrière aucune trace de la faveur dont il pourrait bénéficier dans la population de la ville et de l’arrondissement pour ces services rendus au pays au nom du progrès [45].

14Il convient dès lors de se tourner vers une dernière hypothèse explicative de l’extraordinaire popularité de Janvier à Dinan en 1847-1848, « l’affabilité » posée par le Dictionnaire politique comme l’une des origines possibles de ce sentiment. Sans qu’elle exclue les premières, cette piste paraît digne d’un intérêt particulier. Dans son évaluation par ailleurs critique, Honoré Couard évoque sa « bienveillance », sa « tolérance pour toutes les opinions », son « caractère franc et loyal » et la « facilité de ses rapports ». « Il voit tout le monde et est vu partout », écrit-il. Même la légèreté dont il lui fait grief dans le traitement des affaires administratives semble être d’une importance relative au regard de sa capacité à « gagner l’estime de tout le monde », pour reprendre cette fois le jugement du maire [46]. En cela, Janvier ne montre pas seulement une personnalité sympathique, il remplit parfaitement un rôle administratif que l’on peut désigner sous le vocable de charisme institutionnel. Dès la naissance de la fonction en l’an VIII, il a en effet été demandé aux préfets et sous-préfets de « gagner les sympathies » des populations de leur ressort dans le but de les attacher au régime et au gouvernement en place [47]. Un répertoire d’action spécifique a été mis en place à cette fin, qui comprend tournées et réceptions, audiences à la préfecture et présence sur le terrain, dans un objectif général de proximité qui anticipe celui des candidats en campagne, puis coexiste avec lui avant de laisser à ces derniers, à la fin du siècle, toute la lumière ou presque. Eugène Janvier est le produit parfait de ces injonctions. Son passage à Dinan est exactement contemporain de la publication du Manuel des préfets et sous-préfets de Vatar des Aubiers, qui développe l’idée que « l’art de plaire » constitue l’un des objectifs premiers des administrateurs [48]. Il remplit même le rôle si complètement qu’il finit par le subvertir, captant pour lui-même la popularité destinée au régime. Janvier sait flatter l’orgueil local, se déclarant lui-même demi-breton, chantant les louanges de l’arrondissement après une tournée ou évoquant sa présence à l’enterrement de Chateaubriand [49]. Il sait également valoriser les fonctionnaires et employés de l’administration, en nommant des instituteurs méritants devant le conseil d’arrondissement en 1847 ou en remerciant les employés de la sous-préfecture dans la même enceinte en 1848. Sa reconnaissance se fait plus universelle, et ostentatoire, à la suite de l’incendie du bureau de la sous-préfecture au début du mois de février 1848. Il fait un don de cent francs à la compagnie des pompiers de Dinan, geste que salue le journal légitimiste L’Impartial[50], et il fait diffuser une lettre de remerciements aux habitants de Dinan pour les témoignages d’amitié qu’il a reçus d’eux à cette occasion [51]. Enfin, Janvier sait jouer de sa jeunesse, sans cesse rappelée dans les articles qui le concernent et dans les pétitions. Celle-ci offre un fort contraste avec l’âge de son principal prédécesseur, Néel de la Vigne, qui prit sa retraite de sous-préfet de Dinan en 1846 à 84 ans. Assortie d’un réel courage physique, elle fit sensation en décembre 1847 lorsque le sous-préfet se plaça des heures durant à la tête de la compagnie des pompiers pour éteindre l’incendie d’une ferme à Beauregard, tout près de Dinan. Cet acte de bravoure connut un retentissement important. Publié à Saint-Brieuc et habituellement indifférent à ce qui se passe à Dinan, Le Publicateur des Côtes-du-Nord entonna l’éloge du « zèle remarquable » de Janvier et de sa sollicitude à l’égard des « malheureux incendiés [52] ».

15

16Sans doute est-il usurpé d’affirmer comme Le Dinannais que Janvier a développé « à son insu » des sentiments démocratiques [53], formule qui prête à sourire. Toutefois, la proximité qu’il a su installer dans son rapport avec la population de l’arrondissement et surtout de la ville, toutes classes confondues, constitue une réelle réussite, en partie explicative de sa popularité. Son cas fait sans aucun doute figure d’hapax des relations ordinaires entre élites et classes populaires à la fin de la monarchie de Juillet, mais il éclaire puissamment tout aussi bien les ressorts du métier préfectoral que les ambiguïtés du clientélisme politique et les dynamiques de démocratisation en œuvre au cœur du xixe siècle. À ce titre, il peut constituer une intéressante opportunité de réflexion sur le populisme de certaines élites sociales aujourd’hui comme hier.


Mots-clés éditeurs : popularité, transition politique, classes populaires, administration, clientélisme

Date de mise en ligne : 20/07/2020

https://doi.org/10.3917/parl2.031.0075

Notes

  • [1]
    Il sera connu plus tard sous le nom de Janvier de la Motte. Au moment de son passage à Dinan, l’ajout de la particule ne semble pas encore avoir eu lieu. L’ensemble de la documentation disponible le désigne sous le seul nom de Janvier.
  • [2]
    Ces différentes pétitions se trouvent dans son volumineux dossier de carrière, conservé aux Archives nationales (désormais AN) sous la cote F/1bI/164/2. Le dossier personnel de Janvier conservé aux Archives départementales des Côtes-d’Armor (nom donné aux Côtes-du-Nord après 1990) sous la cote 2 M 27 est en revanche presque vide. Les rares documents que l’on y trouve (fiche de renseignements administratifs, demandes de congés) ne présentent aucun intérêt significatif.
  • [3]
    La pétition qui rassemble 235 signatures est désignée dans le dossier d’archives comme la « 3e pétition des habitants de Dinan » alors que ce dossier ne compte que deux pétitions adressées au Gouvernement provisoire par les habitants de cette ville.
  • [4]
    Le père d’Eugène Janvier porte le même prénom que son fils : voir la notice qui lui est consacrée sur la base Sycomore, qui reprend celle du Dictionnaire des parlementaires français depuis le 1er mai 1789 jusqu’au 1er mai 1889 édité par Robert Adolphe, Bourloton Edgar et Cougny Gaston (Paris, Bourloton, 1889-1891). Toutefois cette notice comporte une erreur puisqu’elle fait de notre sous-préfet le neveu et non le fils du premier Eugène Janvier, erreur que l’on retrouve ici ou là dans une partie de la documentation.
  • [5]
    André-Jean Tudesq évoque le cas de Janvier dans les fortes pages qu’il a consacrées aux « déficiences morales et idéologiques » du régime de Juillet dans ses dernières années : Les grands notables en France (1840-1849). Étude historique d’une psychologie sociale, Paris, PUF, t. II, 1964, p. 920-921.
  • [6]
    Question abordée en partie dans le seul et très bref article consacré au passage d’Eugène Janvier à Dinan : Dubreuil Léon, « Eugène Janvier de la Motte », Nouvelle Revue de Bretagne, 1951, p. 140-145.
  • [7]
    AN, F/1bI/164/2. Dossier Janvier de la Motte. Lettre du maire de Dinan aux membres du Gouvernement provisoire, le 5 mars 1848. Cette lettre accompagne l’envoi de la pétition des pompiers et de la première pétition des habitants de Dinan.
  • [8]
    Cité dans Le Sage Joseph, Éphémérides dinannaises 1847-1850, Dinan, J. Bazouge, 1863, p. 39. La collection du Messager breton est très difficilement accessible pour 1847 et 1848. Les Archives départementales des Côtes-d’Armor n’en ont numérisé que trois numéros pour 1848 et aucun pour 1847. La Bibliothèque Nationale de France permet quant à elle l’accès à deux numéros de 1848 seulement. Pour un recensement des journaux paraissant dans les Côtes-du-Nord au xixe siècle, voir Kerviler René, Essai d’une bibliographie des publications périodiques de Bretagne, Rennes, J. Plihon et L. Hervé, 1884-1898, t. 2 : Côtes-du-Nord.
  • [9]
    Tous les numéros de 1847 et 1848 de ce journal hebdomadaire sont numérisés et accessibles sur le site internet des Archives départementales des Côtes-d’Armor. Ils ont tous été dépouillés dans le cadre de la préparation de cet article. Le récit de la manifestation du 17 mars se trouve dans le numéro du 19 mars.
  • [10]
    Ces rapports sont conservés aux Archives départementales des Côtes-d’Armor (désormais ADCA) sous les cotes 4 M 37 (1845-1854) et 1 M 335 (1848-1853). Il n’y est jamais question des événements de Dinan au début du mois de mars 1848. Les cartons rassemblant les rapports préfectoraux sur la situation morale et politique du département n’apportent pas davantage de secours, ni aux ADCA (1 M 250 et 4 M 26), ni aux AN (F/1cIII/Côtes-du-Nord/13. Comptes rendus administratifs an VIII-1870).
  • [11]
    De février à juin-juillet 1848, les titres de « préfet » et « sous-préfet » ont été remplacés par ceux de « commissaire » et de « sous-commissaire ». La situation est partout confuse et l’historiographie quasi inexistante, à quelques exceptions près : Brault Pierre, « La Révolution de 1848 et l’Administration préfectorale », La Revue administrative, mai-juin 1948, p. 15-17 ; Haury Pierre, « Les commissaires de Ledru-Rollin en 1848 », La Révolution française, juillet-décembre 1909, t. 57, p. 438-474, et, pour un exemple local, Gouallou Henri, Hamon, commissaire du Gouvernement puis préfet d’Ille-et-Vilaine (3 mars 1848-25 janvier 1849), Paris, Klincksieck, 1973.
  • [12]
    Sur Michel Rocher, voir de Berrenger Henri, « Michel Rocher, commissaire général des cinq départements bretons en 1848 », Nouvelle Revue de Bretagne, 1950, no 6, p. 411-420. Les Archives départementales de Loire-Atlantique (anciennement Loire-Inférieure) conservent les papiers de son secrétaire, Ernest Ménard, dans le fonds 13 J. Ce dernier a conservé toute la correspondance reçue par Rocher pendant sa mission et a retranscrit toute sa correspondance active à destination des départements bretons et du ministère de l’Intérieur.
  • [13]
    AD Loire-Atlantique (désormais ADLA), 13 J 13. Lettre du ministre de l’Intérieur à Michel Rocher, le 24 mars 1848.
  • [14]
    ADLA, 13 J 15. Lettre d’Honoré Couard à Michel Rocher, le 4 avril 1848.
  • [15]
    ADLA, 13 J 12. Copie d’un rapport adressé par Michel Rocher au ministère de l’Intérieur, le 16 avril 1848.
  • [16]
    ADLA, 13 J 12. Lettre d’Honoré Couard à Michel Rocher le 30 avril 1848.
  • [17]
    ADCA, 1 M 335. Proclamation du sous-préfet Eugène Janvier aux habitants de l’arrondissement de Dinan, le 28 juillet 1848.
  • [18]
    AN, F/1bI/164/2. « Renseignements fournis sur M. Janvier (Eugène), sous-préfet, par M. Ernest Le Roy, préfet de la Seine-Inférieure, le 3 mai 1851 ». Janvier est alors en poste à Dieppe.
  • [19]
    AN, F/1bI/164/2. Lettre anonyme du 6 février 1868. De même, d’après Léon Dubreuil, les libéraux de l’Eure racontaient au moment de sa nomination à la tête du département en 1856 que Janvier se serait empressé de jeter le buste de Louis-Philippe par la fenêtre dès l’annonce de la révolution (article cité, p. 144) : rien dans la documentation existante ne permet de confirmer cette rumeur postérieure. Quant à la mention du seul sous-préfet maintenu, elle est peut-être exagérée. P. Haury donne le chiffre de douze sous-préfets de Louis-Philippe (sur plus de 300) maintenus par Ledru-Rollin (article cité, p. 15).
  • [20]
    L’Impartial est signalé par André-Jean Tudesq comme l’un des quelques journaux légitimistes de province dans les années 1840 (op. cit., t. I, p. 209). L’année 1847 et le début de 1848 avant mars sont absents de la collection numérisée des Archives départementales des Côtes-du-Nord. Trois numéros supplémentaires de ce journal hebdomadaire ont pu être consultés à la bibliothèque des Champs-Libres de Rennes (28 janvier, 18 et 25 février 1848). Dans ces numéros de janvier, février et mars 1848, toutes les mentions au sous-préfet Janvier sont très positives. De l’autre côté du spectre politique, le « voltairien » Moniteur Breton (l’adjectif est de Kerviler René, Essai d’une bibliographie…, op. cit.) n’attaque jamais personnellement Janvier alors qu’il est très critique envers l’administration en général et appelle les sous-préfets à agir pour le progrès (consultation en ligne de tous les numéros de cette revue mensuelle de février 1847 à février 1848).
  • [21]
    Lilti Antoine, Figures publiques. L’invention de la célébrité (1750-1850), Paris, Fayard, 2014, p. 251-264.
  • [22]
    Saint-Chamans (Vicomte de), De la popularité, Paris, Le Normant, 1824, p. 2-3.
  • [23]
    Clavel François-Timoléon Bègue, article « popularité », dans Dictionnaire politique. Encyclopédie du langage et de la science politiques. Rédigé par une réunion de députés, de publicistes et de journalistes, Paris, Pagnerre, 1842, p. 731-732.
  • [24]
    AN, F/1bI/164/2. « Renseignements fournis sur M. Janvier (Eugène), sous-préfet, par M. Ernest Le Roy, préfet de la Seine-Inférieure, le 28 mars 1852 ».
  • [25]
    Reproduit dans Le Dinannais, le 8 août 1847.
  • [26]
    Reproduits, respectivement, dans Le Dinannais, le 15 août 1847 et Le Messager breton, le 18 août 1848.
  • [27]
    Reproduits dans Le Dinannais, les 19 et 26 septembre, 3, 10 et 17 octobre 1847 pour la session de 1847, les 22 et 29 octobre, 5 et 12 novembre pour 1848.
  • [28]
    Voir sa notice de la base Sycomore, qui reprend celle du Dictionnaire des parlementaires français…, op. cit.
  • [29]
    AN, F/1bI/157/34, Dossier Honoré Couard. Pétitions adressées au ministre de l’Intérieur, le 4 novembre 1848.
  • [30]
    En avril 1848, les Côtes-du-Nord constituent le seul département breton où sont élus des candidats républicains ; en avril 1849 en revanche, tous les candidats élus appartiennent de près ou de loin au Parti de l’Ordre.
  • [31]
    La lecture des Éphémérides dinannaises du maire de la ville (op. cit.) s’avère aussi décevante sur ce point que la série M des ADCA et le fonds 13 J des ADLA.
  • [32]
    Les deux procédés étaient alors fréquents d’après AgnèsBenoît, L’appel au pouvoir. Les pétitions aux Parlements en France et au Royaume-Uni (1814-1848), Rennes, PUR, 2018, p. 91-92.
  • [33]
    Pour une réflexion sur le clientélisme, voir Briquet Jean-Louis et Sawicki Frédéric (dir.), Le clientélisme politique dans les sociétés contemporaines, Paris, PUF, 1998.
  • [34]
    Sur sa popularité dans l’Eure, voir Defrance Jean-Pierre, Janvier de la Motte, préfet de l’Eure 1856-1868, thèse de l’école des Chartes, 1981.
  • [35]
    Lagadec Yann, Le Bihan Jean, « Les sous-préfets de Bretagne sous la monarchie de Juillet (1830-1848) : une génération d’administrateurs à part ? », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, tome 111, no 4, 2004, p. 47-70.
  • [36]
    Offerlé Michel, « “À Monsieur Schneider”. Quand des ouvriers demandent à leur patron de se présenter à la députation (janvier 1902) », dans Pierre Favre et al. (dir.), L’atelier du politiste : théories, actions, représentations, Paris, La Découverte, 2007, p. 163-188.
  • [37]
    AN, F/1bI/166/17, Dossier Le Bare.
  • [38]
    Le Dinannais, le 17 janvier 1847. Janvier a été nommé le 4 janvier.
  • [39]
    Le Dinannais, le 21 février 1847.
  • [40]
    Le Dinannais, les 14 mars, 2 mai, 4 juillet et 5 décembre 1847.
  • [41]
    Successivement : Le Dinannais, le 11 avril 1847 ; Le Dinannais, le 19 septembre 1847 ; Éphémérides dinannaises…, opcit., p. 30.
  • [42]
    Successivement Le Dinannais, le 17 janvier 1847 ; Éphémérides dinannaises…, opcit., p. 25. Néel de la Vigne, ancien sous-préfet de Dinan, verse 12 000 francs pour la salle d’asile.
  • [43]
    AN, F/1bI/164/2. « Renseignements fournis sur M. Janvier, sous-préfet, par M. Couard, préfet des Côtes-du-Nord, le 29 octobre 1848 ».
  • [44]
    Procès Janvier de la Motte. Débats complets. Cour d’assises de la Seine-Inférieure. Audiences des 26, 27, 28, 29 février, 1er, 2, 3 et 4 mars 1872, Évreux, Hippolyte Rode, 1872, p. 53.
  • [45]
    AN, F/1bI/159/19. Dossier Amédée Bertin. L’attention portée au progrès matériel et « moral » est un trait caractéristique de cette génération d’administrateurs (Lagadec Yann, Le Bihan Jean, « Les sous-préfets de Bretagne… », art. cité).
  • [46]
    AN, F/1bI/164/2. Lettre du maire de Dinan aux membres du Gouvernement provisoire, le 5 mars 1848.
  • [47]
    Karila-Cohen Pierre, La masse et la plume. Essai sur le charisme préfectoral dans la France du xixe siècle, mémoire inédit d’HDR, Université Paris 1, 2014.
  • [48]
    VatarDes Aubiers Marc Étienne Frédéric, Manuel des préfets et des sous-préfets, Paris, Paul Dupont, 1852, 2e éd., p. 11 pour la citation [première édition : 1846].
  • [49]
    Le Dinannais, 17 octobre 1847 ; Le Messager breton, le 18 août 1848. En réalité, Janvier n’est breton que par un seul de ses grands-pères, du côté paternel, né en Ille-et-Vilaine.
  • [50]
    L’Impartial de Bretagne, le 18 février 1848.
  • [51]
    Le Dinannais, le 13 février 1847.
  • [52]
    Le Publicateur des Côtes-du-Nord, le 11 décembre 1847.
  • [53]
    Le Dinannais, le 29 mars 1848, lorsque la nouvelle de la nomination de Janvier comme sous-commissaire de l’arrondissement de Dinan est connue dans la ville.

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