Le judaïsme a instauré un certain modèle de couple et de parenté qu’il a partiellement légué à l’Occident à travers le Christianisme et l’Islam ; inspiré par le récit de la Genèse (I-II), ce modèle définit la sexualité dans les limites du couple hétérosexuel régulé par les lois du mariage, compris comme lien religieux et social. Cette définition, qui n’allait pas de soi dans le monde antique, est restée contestée tout au long de l’histoire, mais seulement par des individus souvent clandestins, en marge du consensus. La situation a changé de nos jours : les modèles alternatifs ont reçu droit de cité, et plus encore : une autorité légale et morale équivalente, sinon supérieure, à celle du modèle traditionnel. Le présent article se propose de réfléchir sur cette mutation, non pas à la lumière des théories contemporaines, mais à partir du judaïsme lui-même. La tradition juive aurait-elle quelque chose à dire sur la situation présente, en dehors de la formulation sèche du permis et de l’interdit ? Il s’agirait moins de penser la transgression ou la « polymorphie » sexuelle en elles-mêmes que de réfléchir sur leur quasi-institutionnalisation de nos jours. Comment comprendre que la civilisation occidentale, héritière du judaïsme et du christianisme, abandonne officiellement un de ses fondements les plus anciens, et comment comprendre le moment historique de cet abandon, au tournant du xxie siècle ?
Cette étude est forcément limitée et j’insiste sur son caractère partiel et expérimental…