Notes
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[1]
Arthur Rimbaud, Œuvres, Paris : Garnier-Flammarion, 1991, p. 231-232.
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[2]
Rimbaud, Œuvres Complètes, Bibliothèque de la Pléiade, Paris : 1965, p. 655.
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[3]
La parenté et les différences de deux conifères : cèdre et genévrier, auraient une valeur symbolique intéressant le rapport des deux rois. Les formes plastiques élaborées pour la construction du Temple sont tout aussi évocatrices.
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[4]
Dans Faim, la proximité des « violettes » et de « Salomon » équivaut à celle des mots « sillon » et « violettes » dans ces vers de Fêtes de la faim : « Au sein du sillon je cueille / La doucette et la violette. » (Derniers vers du poème, avant la reprise du distique liminaire, op. cit., p. 169-170.) Le « sillon » est une figuration de l’Unité dont le sens divin est éclipsé dans ces Fêtes (un idéal honoré par la symétrie des détails floraux, surtout dans Faim). De ce « sillon » au « Salomon » de Faim, la distance n’est pas si grande, le premier mot ayant sans doute, dans l’esprit de Rimbaud écrivant la seconde version de ce poème dans « Délires II », les sonorités du nom de Sion.
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[5]
Après cette nielle, la mention des « sauterelles » a peut-être en partie inspiré à Rimbaud le motif de l’araignée, autre insecte prédateur, dans la strophe précédente.
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[6]
Dans Nocturne vulgaire, les mots « et les Sodomes – et les Solymes », se lisent comme une interprétation scandaleuse d’un verset de l’Apocalypse (si volontiers annotée par le jeune Rimbaud d’après Paterne Berrichon) où Sodome est l’autre nom de « la grande ville » (Babylone ?) : « Et leurs corps [des deux témoins sacrifiés de Dieu] demeureront dans les rues de la grande ville, qui est appelée Sodome » (Ap. XI, 8 ; Lemaître de Sacy). Mais la Jérusalem de Salomon est elle aussi menacée par cette corruption, comme en témoignent la « rouille » et les horreurs qui l’encadrent.
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[7]
« O cent agneaux, de l’idylle soldats blonds, / Des aqueducs, des bruyères amaigries, / Fuyez ! plaine, déserts, prairie, horizons / Sont à la toilette rouge de l’orage ! » (Rimbaud, Œuvres, op. cit., p. 174.)
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[8]
Deux vers de quatre syllabes, dans la strophe 2, un octosyllabe exceptionnel à la fin de la strophe 3. Dans la seconde moitié du poème (strophe 5) un vers de six syllabes (« Les salades, les fruits »), mais encore le vers comportant l’allusion aux violettes, ne comportent que six syllabes – à moins de défaire la liaison des sons des voyelles dans les mots « fruits » et « vio[lettes] » ?
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[9]
Voir J.-P. Bayard, La Symbolique du Temple, Paris : Edimaf, 1991, p. 64.
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[10]
En effet, au chapitre 7 du Deuxième livre des Ch., la fête de « sept jours » est mentionnée au verset 8 ; le verset 9 commence par ces mots : « Le huitième jour », et se termine par une mention redoublée des « sept jours ». Comme si le rédacteur harmonisait le suivi de son texte avec l’évolution chronologique de son récit. Au début du verset 10, « Le vingt-troisième jour [du septième mois] » suggère une hésitation entre un multiple de 7 (21 ?) et 8 (24 ?).
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[11]
Exactement au milieu du Bateau ivre, poème de vingt-cinq strophes, une vision infernale, « au milieu des bonaces », définit l’axe médian du poème. Avant les quatre dernières strophes, la distance des « cinquante lieues » qui est celle du « rut des Béhémots » (autre nom du démon), fait pendant aux « Dix nuits » de la strophe 4. Cette symétrie très légèrement boiteuse des strophes 4 et 21, est corrigée par le « Million d’oiseaux d’or » de la strophe 22. Ces détails chiffrés sont la clé des dispositions symétriques impliquant les vingt-cinq strophes qui, d’une certaine façon se dédoublent toutes, au gré des effets de miroir en symétrie bilatérale associant leurs motifs ; chacune est ainsi liée à sa contrepartie, dans un vertige où les vingt-cinq strophes du poème en valent cinquante.
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[12]
Pas de trace de cet encens dans Faim ? Arthur, qui se compare dans Honte à un chat capable « D’empuantir toutes sphères », Arthur lui-même dans Faim tient lieu de cet encens, tandis qu’un loup régurgitant des volailles est mis pour ce chat : « Comme lui, je me consume. » Rimbaud s’éloigne du modèle biblique, mais pour incarner en même temps le sacrificateur et la victime, dans une explosion du sens qui stigmatise les sacrifices sanglants. Mais les holocaustes de Salomon, limités aux animaux comestibles, sont le prix d’une pacification des tensions millénaires qui déchirent l’âme et le corps même du locuteur de Faim.
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[13]
Les objets de la faim de Rimbaud, ou autres motifs la concernant, notamment les pierres, l’air, le roc, le fer, mais encore les violettes (qui font pendant aux liserons), cette suite fragmentée de motifs évoque les matières que sait si bien travailler, dans le Deuxième Livre des Chroniques, un habile homonyme du roi de Tyr. Notamment le fer, la pierre, le bois, l’écarlate, la pourpre violette, et le cramoisi (Bible de Jérusalem, II : 13). Ce « cramoisi », dont le sens se rapproche de la faim brûlante de l’auteur de Faim, se retrouve dans la traduction de Darby, après la notation du fer, du pourpre et du bleu (à mettre en rapport avec « l’air » de Faim ?) Mais Lemaître de Sacy emploie des termes assez éloignés de ces motifs de Faim…
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[14]
Rimbaud, Œuvres, op. cit., p. 215.
FaimSi j’ai du goût, ce n’est guèreQue pour la terre et les pierres.Je déjeune toujours d’air,De roc, de charbons, de fer.Mes faims, tournez. Paissez, faims,Le pré de sons.Attirez le gai veninDes liserons.Mangez les cailloux qu’on brise,Les vieilles pierres d’églises ;Les galets des vieux déluges,Pains semés dans les vallées grises.—Le loup criait sous les feuillesEn crachant les belles plumesDe son repas de volailles :Comme lui je me consume.Les salades, les fruitsN’attendent que la cueillette ;Mais l’araignée de la haieNe mange que des violettes.Que je dorme ! que je bouilleAux autels de Salomon.Le bouillon court sur la rouille,Et se mêle au Cédron [1].
1À dix-huit ans, Rimbaud, le « plus grand poète de tous les temps », comme dit Sollers, Rimbaud fait ou plutôt évoque son « adieu au monde » et à son art de poète alchimiste dans Une saison en enfer. En particulier dans la section « Délires II », qui forme avec « Délires I » l’axe médian de ce témoignage autobiographique. Le bilan désespéré de l’« Alchimie du verbe » (sous-titre de « Délires II ») se comprend mieux si l’on s’interroge sur le rapport entre ces pratiques alchimiques (la conjonction des opposés dans le verbe poétique, sur tous les plans de la langue) et la dualité violente de la relation des actants de « Délires I ». Cette relation (Verlaine et Rimbaud) figurant le tourment universel, que l’art du poète alchimiste n’a pu vaincre. Quoi qu’il en soit, au milieu de la suite des poèmes retranscrits dans « Délires II » en exemple de cette Alchimie, le poème Faim rayonne comme la clef de tous les « mystères » de Rimbaud.
Fonction du sacrifice
2Dans la seconde moitié de ce poème, la mention des « autels de Salomon » révèle la curiosité du jeune lecteur de la Bible pour l’histoire de Salomon dans le Premier Livre des Rois. La sagesse et l’intelligence « extrêmement grandes » que Salomon a reçues de Dieu, (I Rois, 5 : 9), ont pu séduire Rimbaud, lui-même si conscient de ses incomparables qualités intellectuelles, qu’il rend pourtant à Satan dans Une saison en enfer (en particulier dans « Nuit de l’enfer »)… Dans le même verset, le cœur du jeune Salomon, « aussi vaste que le sable qui est au bord de la mer », coïncide avec un aveu de « Délires II », où Rimbaud se sachant « damné », déclare avoir aimé la mer pour ses vertus purificatrices (qui sont encore celles de « la croix consolatrice »). Un peu plus tôt dans I Rois, les aveux de Salomon parlant à son Dieu peuvent résumer l’état d’esprit de Rimbaud dans certains passages d’Une saison en enfer. Dans la traduction de Lemaître de Sacy, fréquentée par le jeune Rimbaud, Salomon s’exprime ainsi : « mais je ne suis encore qu’un jeune enfant qui ne sait de quelle manière il doit se conduire […] au milieu de votre peuple que vous avez choisi […] innombrable à cause de sa multitude. / Je vous supplie donc de donner à votre serviteur un cœur docile, afin qu’il puisse juger votre peuple, et discerner entre le bien et le mal » (3 : 7 et 9). On songe à l’état d’esprit de l’auteur de « Délires II », mais encore aux aveux d’Arthur, rapportés par son ami Delahaye : « ce monde de lettrés, d’artistes ! […] Je ne sais pas me tenir, je suis gauche, timide… Je ne sais pas parler… […] Ah !… qu’est-ce que je vais faire là-bas [2] ?… » Ce Salomon poète se différencie certes de son modèle occulte par un désengagement apparent du sacré, une damnation, devenue sa marque de fabrique, elle-même considérée comme une leçon définitive par (et pour) la plupart de ses commentateurs.
3La mention des « autels de Salomon » contraste avec celle des « églises », dans la première moitié du poème. Le syncrétisme n’est pas à la faveur des « vieilles pierres d’églises », mises en parallèle avec « les cailloux qu’on brise ». Mais les « autels de Salomon » souffrent de l’autosacrifice qu’ils inspirent au locuteur, tel les bêtes endormies dont il envie la « félicité », un peu plus haut dans « Délires II ». Quoi qu’il en soit, ces cailloux et ces pierres peuvent évoquer, sur le mode le plus négatif, les constructions de Salomon (et jusqu’à la reconstruction d’une cité détruite, I Rois, 9 : 17). Mais si Rimbaud peut songer au roi constructeur, dont le Temple comme le palais, de même que leur décor intérieur, sont l’expression de l’Unicité divine, c’est en raison de son idéal déclaré dans sa seconde lettre dite « du voyant », « le Nombre et […] l’Harmonie », un idéal certes emprunté à la poésie grecque.
4Rimbaud en écrivant Faim, éprouve le dilemme impossible à résoudre que lui pose la nature de son travail de poète : une expression transcendée de la dualité irréductible, éprouvée sur tous les plans de son existence, – ou la célébration du Nombre, à laquelle les constructions de Salomon, avec leurs mesures symboliques, pourraient fournir une sorte de modèle.
5Le locuteur de Faim s’identifie aux victimes si volontiers sacrifiées par Salomon sur un autel (d’abord avec « mille holocaustes », I Rois, 3 : 4 dans la Bible de Jérusalem ; L. de Sacy mentionne des « hosties en holocauste », qui rendent moins chrétiens les « Pains semés » de la strophe 3). Rimbaud, depuis ses lettres dites du « voyant », a toujours envisagé son travail de poète comme un autosacrifice aux allures suicidaires : « l’inconnu » traqué au tréfonds de son être, et médiatisé dans ses poèmes, paraît nommer la dualité qui pétrit nos esprits, à l’aune de laquelle nous percevons quelque chose du mystère du « Nombre et de l’Harmonie », but déclaré du poète. Si les pratiques sacrificielles d’un Salomon ont retenu l’attention de Rimbaud, c’est en raison de l’alliance idéelle dont elles sont le prétexte et que Rimbaud a cru, fort peu longtemps, réaliser dans l’écriture. L’ébouillantement sacrificiel du locuteur est le chiffre ultime d’une division de l’être (mieux cernée dans les poèmes Michel et Christine, Mémoire ou Comédie de la soif) qui discrédite, subjectivement ? la plénitude spirituelle dont les autels de Salomon sont le moyen. Mais si ce pluriel diminue l’aura de « l’autel d’or » (au singulier dans la Bible), la préposition « aux [autels] » confère à cet ébouillantement les vertus d’une prière, qui en estompe la cruauté.
6Le syncrétisme dont je parlais concerne d’ailleurs les vertus sacrificielles des deux religions. La manducation des cailloux brisés (par le « forçat » admiré dans « Mauvais sang » ?) suggère leur identification au corps du Christ, ce pain démultiplié (après la mention des déluges !) dans les « pains semés » de la même strophe, qui ont pourtant, comme on le verra bientôt, une origine vétérotestamentaire.
7Dans Faim, le pluriel des « [pierres d’]églises », évoque la représentation (par le biais du verbe poétique) de l’expansion de l’Un, encore mieux figurée par la succession des six motifs de la première strophe : « la terre et les pierres / […] l’air, / De roc, de charbons, de fer. » L’alternance du singulier et du pluriel nous vaut un chiasme parfait, moins sophistiqué que celui que tendent encore six termes dans la deuxième strophe de Michel et Christine. Je citerai plus loin ces termes, où la variation du genre ajoute à celle du nombre, comme une expression langagière des vertus réconciliatrices incarnées dans Michel et Christine par le « Christ » (autrement dit le « Seigneur » qui, dans la strophe médiane, souffre de sa mise en parallèle graphique avec les « cent Solognes longues comme un railway. »)
8Dans Faim, la conjonction ambiguë des deux traditions (« pierres d’églises ;/ Galets des vieux déluges ») est moins intéressante que le rapport de ces pierres avec les valeurs liquides, associées aux « autels de Salomon » dans la seconde moitié du poème. Les pierres du Temple de Salomon, si fréquemment mentionnées dans I Rois, se délitent sur le mode onirique, dans celles de ces églises qui subissent le sort du Temple jadis détruit (à une époque bien postérieure à l’histoire de Salomon). Le poète alchimiste se joue des différences religieuses, comme de l’espace et du temps, non sans figurer tragiquement, par les caprices de la syntaxe, le mythe, commun aux deux traditions, de l’engendrement du multiple à partir de l’Un. Un mystère que la métaphysique chrétienne ramène à l’idée de la scission de l’Un.
9Or, l’espace textuel du poème est animé par un réseau de correspondances, associant les valeurs dures et douces, qui restituent ingénument le symbolisme unitaire de maints épisodes bibliques. Dans l’histoire de Salomon, des détails récurrents partagent le symbolisme de l’arche d’alliance, évoquée dans ce récit, qui est elle-même la Demeure abritant la Sagesse divine, autrement dit le jeu alterné de la Rigueur et de la Douceur (ou de la Justice et de la Miséricorde). Les deux moitiés de Faim se différencient par les valeurs dures (surtout minérales) et les valeurs douces, bien que certains détails (l’air et les liserons, puis les cris du loup et sa consomption affamée) suggèrent l’inversion de ce rapport, dans des proportions équivalentes (mais le « venin » de ces liserons, plus subtilement que les « feuilles » sous lesquelles crie le loup, retournent cette inversion). Le poème Faim fait ainsi résonner l’ambiguïté, pour des regards humains, de la double polarité des principes agissants que sont la Douceur et la Rigueur, dont le jeu répond en fait aux actions des hommes. Ce phénomène est sans rapport avec une improbable connaissance de la tradition ésotérique concernant la Sagesse en question, même si certains commentaires de la lettre citée (dans notre édition de référence), prête à Rimbaud un vague intérêt pour la kabbale.
10N’oublions pas que le génie constructeur de Salomon (un modèle probable pour Rimbaud qui dans certaines Illuminations applique des métaphores architecturales à son propre travail) est lié à celui du roi de Tyr, Hiram, qui participe à la construction du fameux Temple et du palais de Salomon par une aide matérielle, en raison d’une alliance amicale qui remonte au roi David, père de Salomon. Le rapport de ces deux monarques est lui-même la métaphore d’une participation spirituelle à la gloire divine, envisagée dans son rayonnement comme le jeu alterné de la Rigueur et de la Douceur. Hiram, qui fournit Salomon en bois du Liban [3], est aussi le nom du bronzier de Tyr, sollicité par Salomon : le bronze, complément du cèdre, est une expression métallique de la rigueur, qui appelle en contrepartie les douceurs offertes par Salomon au roi de Tyr : froment et huile (le rapport de ces deux aliments équivalant à celui du bronze et du cèdre). Mais la souplesse de ce roi collaborateur est en proportion de la vigueur innovante d’un Salomon constructeur (cette ambiguïté s’apparente, sans rapport d’influence, à celles que j’ai soulignées dans la thématique du poème Faim).
11Faim est d’ailleurs la réécriture d’un poème écrit un an plus tôt, Fêtes de la faim, qui ne comporte pas cette allusion à Salomon [4] et qui, fait préoccupant, est encadré par une référence elliptique au conte de Barbe-Bleue. De Barbe-Bleue à Salomon, il existe un lien, peu évident : la figure du héros prédateur du conte, pour qui sait le lire, a des traits qui l’apparentent à ses victimes (Maeterlinck y fut sensible, dans sa courte pièce Ariane et Barbe-Bleue, justement saturée de réminiscences de Faim : je l’ai montré dans une longue étude, encore à paraître : « Rimbaud sur d’autres horizons »). Les actions de Salomon, mais encore son goût pour les « femmes étrangères » (I Rois, 11 : 1) révèlent un désir d’unification, dont les visées spirituelles se précisent, emblématiquement, dans ses constructions architecturales. Barbe-Bleue dans son château mystérieux est un Salomon manqué ; le lien impensable de ces deux figures s’éclaire dans l’impossibilité pour les hommes que nous sommes — autant de fils de Barbe-Bleue —, d’intégrer les aspirations unitaires que Salomon incarne à sa manière.
Thérapie de la « rouille’ »
12Il en va du projet du « voyant » comme de celui de Salomon qui, dans la construction de son Temple, exorcise avec l’aide du roi de Tyr les affres communes qui brouillent la vision si imparfaite que les hommes peuvent avoir de l’Unité divine. L’échec de l’auteur d’Une saison en enfer est en partie lié à sa vision du sacré, modulée par ces affres. Malgré le constat d’échec qui referme Faim, ce poème doit son pouvoir subjuguant aux harmonies internes de son bâti, liées dans un rapport d’analogie qui reste à montrer, avec celui du fameux Temple.
13Sous la plume encline aux jeux de mots du poète malicieux, l’allusion au Cédron biblique se lit comme une synthèse des très nombreuses mentions du « cèdre », requis pour la construction de différentes parties du Temple. Et la « rouille » énigmatique sur laquelle « [le] bouillon court », cette rouille est reprise à la prière de Salomon pour son peuple : « Quand le pays subira la famine, la rouille ou la nielle […] [si ce peuple] éprouve le remords de sa propre conscience, s’il étend ses mains vers ce Temple, toi, écoute au ciel, où tu résides, pardonne et agis » (I Rois 8 : 37-39, Bible de Jérusalem). La « famine » du peuple en question est bien sûr l’origine la plus crédible du titre de ce poème.
14Ce mot « rouille » ne se trouve pas dans la traduction de Lemaître de Sacy, qui mentionne la « nielle » (maladie des blés), parmi les calamités auxquelles s’expose le peuple de Salomon [5]. Ce mot « rouille » apparaît néanmoins dans la Bible de John Nelson Darby, dont les traductions en plusieurs langues parurent de son vivant. Darby étant né en 1800 à Londres, où Rimbaud a d’ailleurs séjourné avant d’écrire Une saison en enfer… Son style réputé peu clair, par excès de fidélité aux mots du texte original, est-il pour quelque chose dans l’obscurité des derniers vers de Faim ?
15Dans la traduction du même verset par Darby, la « brûlure » coïncide avec la consomption du locuteur de Faim ; dans la traduction de Sacy, la « corruption de l’air » (pour cette brûlure) correspond à « l’air » de la première strophe, où les « charbons » évoquent le « charbon », dans d’autres traductions (plus modernes seulement ?) de ce verset. Dans Faim, « l’air », les « charbons » et la « rouille » se disposent d’ailleurs dans une symétrie qui suggère le rapport (biblique ?) de ces motifs. Cet effet de symétrie est exemplaire du pouvoir suggestif de ce procédé, encore plus voyant, même s’il est moins subtil, dans maints autres poèmes, à commencer par Fêtes de la faim, mais encore Mes petites amoureuses, données en exemple de la voyance poétique, ou bien les Illuminations Scènes et Nocturne vulgaire [6].
16Si l’auteur de Faim n’a pas lu cette traduction de Darby, dans laquelle est notée la « rouille », il faudrait croire que sa conscience linguistique a devancé les traductions modernes mentionnant la rouille (Jérusalem, Second, etc.). Cette intuition accompagnant celle qui concerne son propre destin, préfiguré dans les détails morbides de certains poèmes ou d’Une saison en enfer. Tout se passe comme si Rimbaud avait modelé son propre destin en imitation de ce verset traduit par Lemaître de Sacy : « Lorsqu’il viendra sur la terre, ou famine, ou peste, ou corruption de l’air ; ou que la nielle […] ou quelque maligne humeur gâtera les blés, ou que votre peuple sera pressé d’un ennemi […], ou frappé de quelque plaie ou de quelque langueur que ce puisse être […] ». Cette langueur coïncide avec l’endormissement suicidaire du locuteur de Faim. Le sort des « volailles » dévorées par le loup comme celui des « violettes », convoitées par l’araignée, peut évoquer celui du peuple de Salomon et des blés, en proie à leurs ennemis respectifs. Ces « blés », qui ne figurent pas dans d’autres traductions, peuvent être rapprochés des « Pains semés » de la strophe 3, dont j’indiquerai plus loin une autre source…
17Le « bouillon » est défini par Littré comme les « petites vagues que forme un liquide qui tombe ». Celui de Rimbaud désigne la pluie, courant sur une terre malsaine. Dans les versets (36 et 37) qui précèdent immédiatement cette menace du pourrissement des blés et celle de la famine et la peste, la mention de la pluie aurait entraîné dans la mémoire de Rimbaud cette idée du « bouillon ». « Lorsque le ciel sera fermé, et qu’il n’en tombera point de pluie à cause de leurs péchés, et que priant en ce lieu ils feront pénitence pour honorer votre nom, et se convertiront et quitteront leurs péchés à cause de l’affliction où ils seront ;/ exhaussez du ciel, et pardonnez les péchés de vos serviteurs et d’Israël, votre peuple ; […] et répandez la pluie sur votre terre, que vous avez donnée à votre peuple, afin qu’il la possédât. »
18Rendues suspectes par l’assonance avec le verbe : « [que je] bouille », les vertus que le bouillon de Faim pourrait exercer sur la « rouille » (ne serait-elle qu’une impression visuelle) semblent démentir celles de la pluie céleste. Mais cette vision sacrilège est liée au tourment suicidaire du locuteur qui projette dans ce poème, nous y reviendrons, une division de l’être qui fausse une éventuelle perception de ce que le « voyant » nomme « le Nombre ».
19Comme cette pluie salvatrice, le bouillon de Rimbaud « court sur la rouille », expression synthétique des « péchés » mentionnés dans les versets précédemment cités. Or, Rimbaud mêle ce bouillon, saturé de rouille, « au Cédron » (l’idée du mélange paraît concerner la rouille elle-même). Dans la Bible, l’aura de Jérusalem rejaillit sur cette rivière fréquemment mentionnée, qui donne son nom à la vallée (du Cédron), multipliée par Rimbaud dans les « vallées grises » qui terminent la strophe 3 ; des « vallées » contrebalancées, en parfaite symétrie, par le « Cédron » dont le nom referme le poème. Lamartine évoque cette vallée dans ses Destinées sur la poésie (1834), mais notre poète « voyant », si condescendant à l’égard de Lamartine, réagit sans doute au rapport, dans nos traductions, du Cédron et des cèdres qui, matériau essentiel du Temple, se voient liquéfiés dans le Cédron de Faim. Ce caprice n’en est pas un, le cèdre étant lui-même, dans ce récit biblique, un symbole végétal et matériel de l’unité, redoublé par son association avec l’or, qui recouvre les lambris du Temple. La « rouille » injectée au Cédron exprime le tourment, signifié par divers mots dans les Derniers vers de Rimbaud, qui fausse la perception du « Nombre et de l’Harmonie », ressentis comme la vaine thérapie de ce tourment. Et si l’or, si présent dans la seconde version de Larme (premier poème retranscrit dans « Délires II ») est absent de Faim, les « vallées grises » ont une couleur dont le symbolisme, si l’on en croit Ernst Jünger (bon lecteur de Rimbaud), équivaut à celui de l’or.
20Ces « vallées grises » qui riment avec les « pierres d’églises », sont précédées par un vers que terminent les mots « vieux déluges ». La vraie rime est celle des mots « grises » et « déluges », qui vérifie l’origine vétérotestamentaire de ces vallées, si l’on en croit la rime inouïe, cette fois dans une strophe de Michel et Christine où le motif des « cent agneaux » a des allures d’holocauste, des mots « amaigries » et « orages » [7]. La ressemblance phonique des mots « amaigries » et « grises », comme celle des mots « orages » et « déluges » implique les potentialités sonores de la lettre G, favorisée par Rimbaud pour une expression de l’inconcevable coïncidence des contraires.
21Rimbaud s’éloigne pourtant du credo de Salomon, pour des raisons qui ne sont pas (seulement) cultuelles. Le symbolisme unitaire des « vallées grises », souffre de la violence des détails qui les suivent ; leur couleur reste le signe du drame universel que figure la tension du noir et du blanc dans la section médiane de Mémoire, où Rimbaud nous offre une représentation autobiographique de la contradiction fondatrice. Ce vers crucial de Faim est plutôt le témoin du pouvoir aveuglant (ou déformant) de cette contradiction dans la perception du sens même de ces versets bibliques.
22Dans Faim, il en va du « bouillon » qui « court sur la rouille », comme de l’étang de Comédie de la soif qui lui, est couvert par « l’affreuse crème » sous laquelle Arthur veut bien « pourrir ». Dans les vers qui précèdent, une déformation onirique de l’astre « Abstinthe » qui rend les eaux « amères » dans l’Apocalypse (Ap. 8 : 11) : « Vois le Bitter sauvage [ce nom signifie amer…] Gagnons, pèlerins sages / L’Absinthe aux verts piliers », serait le masque évangélique de cette source salomonique.
23On verra moins dans les derniers vers de Faim une entorse à la symbolique de l’histoire de Salomon, que la représentation d’une terre gâtée par une dégradation spirituelle, assumée par Rimbaud, mais dont rien ne dit qu’elle sera pardonnée. Les équivalents de cette rouille morbide ne manquent pas dans Une saison en enfer ; Arthur, dans « Mauvais sang », fustige « Ce peuple […] inspiré par la fièvre et le cancer » ; — comme celui qui s’est écarté de la volonté divine, dans la prière de Salomon. Arthur lui-même, un peu plus haut dans cette section, se voit comme « [un] lépreux, sur les pots cassés et les orties », dans une rêverie christique où les « remparts de Solyme » évoquent l’Apocalypse, plutôt que la Jérusalem de Salomon.
24Juste après le poème Faim, le ciel, dans l’aveu de Rimbaud : « j’écartai du ciel l’azur, qui est du noir », est la demeure connue de la divinité dans la Bible. L’azur, avec sa valeur trop esthétique, distrayant le contemplateur d’une vérité purement spirituelle ? Mais au présent l’écriture, cette vérité ne fascine plus Rimbaud, abîmé dans une désacralisation qui l’en a éloigné et qu’il incarne, dans un portrait accusateur. Dans Faim, l’assonance du « bouillon » et du verbe « [je] bouille », exprime la contradiction sans âge, que Salomon, par divers moyen, dépasse dans une célébration bien récompensée de la gloire de son Dieu. Rimbaud exprime d’abord ce tourment dans son étrange faim de matières incomestibles, avec laquelle il ne fait qu’un. Même si les objets de cette faim réfèrent à des détails bibliques qui, vais-je montrer plus loin, sont autant de symboles conjurateurs de cette contradiction.
25Les poèmes Mémoire et Comédie de la soif, cernent bien mieux ce que René Girard nomme le « double bind », objet d’une représentation impliquant le thème parental : l’idée, girardienne si l’on veut, de la contradiction émanée du Père (mythique, et non pas divin), réfléchie sur le plan contingent de la biographie du poète. Quoi qu’il en soit, cette contradiction, surtout dans Mémoire ou Michel et Christine, où son expression la plus spectaculaire occupe l’axe médian du poème, s’impose comme le principe paradoxal de ses harmonies.
Ambiguïtés de la forme
26Le motif des « déluges » est déjà présent dans la première Illumination de Rimbaud, Après le déluge, dans laquelle une mention de « Barbe-Bleue » annonce l’évocation elliptique du conte (de Barbe-Bleue) dans Fêtes de la faim. Dans le même alinéa, « le sceau de Dieu » est lié dans un rapport plus subtil aux « autels de Salomon » de Faim. Ces « autels » au pluriel, si proches des « violettes » de la strophe précédente, peuvent évoquer des sceaux-De-Salomon ; mais cette plante a moins d’intérêt que le fameux sceau de Salomon, chiffre de son génie architectural, qui pourrait si bien s’adapter à la structure de ce poème de six strophes, que divise en deux moitiés un simple trait.
27La correspondance des motifs clefs de ce poème, suggèrent en effet cette analogie. À commencer par la symétrie parfaite les liserons et les violettes, dont contrastent finement les couleurs certes non précisées, si alchimiques. Le « gai venin » des liserons se transmue dans celui, inexprimé, de l’araignée qui, par snobisme sélectif ou par famine ? « Ne mange que des violettes » (plante ornementale, mais ici à l’état sauvage, comme les liserons). Or ces violettes sont la proie de l’araignée, à laquelle s’apparentent les liserons venimeux. Cette quasi-confusion de la victime et du prédateur exprime des préoccupations que le rédacteur de I Rois conjurait sans doute, dans l’amitié de Salomon et d’Hiram ; le rapport amical des deux rois éloignant le danger que leurs peuples soient tour à tour victimes l’un de l’autre. Les autres peuples fournissent d’ailleurs à Salomon des « hommes de corvée servile » (9 : 21).
28Sous la plume de Rimbaud, l’association des salades et des fruits (servis au début et à la fin d’un repas) n’est pas moins subtile que leur attente (complaisante ou angoissée ?) de la cueillette, etc. Notons d’ailleurs que l’allusion cryptique au « pré des sons », livré aux « faims », suggère les vertus sacrificielles de l’art poétique, que résume chez l’auteur de « Délires II » l’idée du ou des « rythmes ». Rimbaud se désengage en fait d’un credo artistique, dont l’ambition salvatrice (dans la seconde lettre du « voyant ») s’apparente à celle des « Cantiques », auxquels renonce l’auteur de « Mauvais sang ». Le « pré des sons », peut paraître bien éloigné des « cantiques » si nombreux de Salomon ; la mention de ces derniers (5 : 12) est pourtant aussitôt suivie par un verset où cette phrase coïncide avec la thématique florale de Faim : « Il traita aussi [après avoir chanté] de tous les arbres, depuis le cèdre […] jusqu’à l’hysope qui sort de la muraille ; et il traita de même des animaux de la terre, des oiseaux, des reptiles et des poissons. » (Lemaître de Sacy). Dans Faim, le loup et ses volailles, mais encore l’araignée, se lisent comme une anamorphose cauchemardesque de ces détails (les « poissons » s’anéantissent dans un Cédron contaminé par la rouille ?)
29Si parenté il y a, entre Rimbaud et Salomon, elle implique surtout le génie de ce roi à marier les bois de différentes essences, mais encore les « coloquintes et [les] rosaces », décorant notamment les lambris du Temple, objet de plusieurs mentions dans la seconde moitié de I Rois, 6 (Bible de Jérusalem). Dans sa traduction, Lemaître de Sacy ne mentionne que des « palmes [et autres ornements] », mais compare à la « feuille d’un lis épanoui » le bassin la Mer de bronze, au chapitre suivant. Le symbolisme unitaire de ce détail végétal se dégrade (en se démultipliant) sous la plume de Rimbaud, dans les « feuilles » sous lesquelles crie le loup et dans les « violettes » dévorées par l’araignée. Dans deux versets antérieurs du même chapitre, l’évocation des chapiteaux « faits en façon de lis [en forme de lis] », complète cette analogie avec les deux détails floraux de Faim.
30Ces coïncidences ne vaudraient presque rien sans la parenté, vraisemblablement ressentie par Rimbaud, entre son génie poïétique et celui du roi bâtisseur. Les mesures codifiées du Temple et celles du palais royal trouveraient une synthèse ingénue dans celles du poème ? Cette supposition mériterait une étude très fouillée, dont la seule idée est donnée par les vers de Faim, la plupart de sept syllabes. Les altérations, plus ou moins certaines, de ce mètre, s’effectuent notamment dans la strophe médiane de chacune des deux moitiés du poème [8]. Si ces mesures sont sans rapport avec celles du Temple et du palais de Salomon, leur valeur expressive supposable se rapproche de la durée même de la construction du Temple, où s’illustre, d’après certaines études, le symbolisme du nombre 7 [9]. Ce soin de la forme se rapproche de celui du rédacteur biblique, rendu apparent par certains détails chiffrés. Dans le dernier verset du chapitre 6, un détail suggestif : « Salomon le construisit [le Temple] en sept ans » (Bible de Jérusalem), annonce le début du chapitre 7. Dans les premiers versets du chapitre 8, la précision chronologique intéressant une fête : « le septième mois », paraît souligner la transition des chapitres 7 et 8, littéralement scellés entre eux par les mentions du « Saint des Saints » (7 : 50) et de l’arche d’alliance (8 : 4). À la fin du chapitre 8, la précision du « huitième jour » est tout aussi remarquable. (Ce phénomène se retrouve dans la seconde version de cet épisode, dans le Deuxième livre des Chroniques [10]). Ces chapitres évoquent en particulier la construction et les aménagements internes du palais de Salomon. La construction du temple n’est pas moins favorisée, par des détails chiffrés dont l’analyse dépasse mon champ de vision.
31Cet effet d’harmonie imitative, qui n’est pas le privilège de ce seul livre biblique, a-t-il été perçu par le « voyant », si désireux d’inventer une langue qui parle à tous nos sens ? Le poème Faim ne comporte aucun détail chiffré. Mais son espace textuel est animé par le même génie qui, dans Le Bateau ivre, sème des détails chiffrés qui révèlent les mesures de cette construction poétique [11].
32Rimbaud n’a pourtant pas appris de Salomon ces mesures. Maints détails de Faim semblent d’ailleurs bien éloignés de la légende de Salomon. Mais dans la strophe 4, le « loup » et son « repas de volailles », notés avant les « autels de Salomon », évoquent le thème du sacrifice animal, si présent dans cet épisode biblique. Il serait bête de voir dans ce loup le substitut néfaste des lions décorant parmi d’autres motifs les traverses des châssis supportant la Mer de bronze au chapitre 7. Mais le rapport du poème avec ce passage se situe sur un autre plan. Associés à ces lions, des chérubins s’apparentent à ceux, très fameux, qui sont décrits au chapitre 6. Cette première évocation des chérubins rayonne parmi toutes celles qui, pas seulement dans cet épisode biblique, illustrent une certaine idée de la Sagesse ou de l’Équité divine, symbolisée par les mesures des chérubins et par leurs ailes, qui « touchent au milieu de la chambre, aile contre aile » (Jérusalem, 6 : 27). Un esprit moderne négligera les visées spirituelles de ce symbolisme, au profit de la dualité violente que Rimbaud, dans la strophe 4, figure avec les « belles plumes » des volailles massacrées, qui seraient sans rapport avec les « autels de Salomon », sans les « ailes » des chérubins. Ces derniers n’ont pourtant pas inspiré la structure en deux ailes de ce poème dont la simple forme révèle les raisons de la faillite poétique de Rimbaud, qui considère sans doute son projet révolu comme une maîtrise des affres de la dualité la plus terrestre. Ce tourment aussi répandu qu’inextinguible parasite une impossible vision de la scission de l’Un ou de l’intrication de la Rigueur et de la Douceur, suivant la tradition qui adapte aux esprits humains ce mystère. Les limites de cette adaptation qui ne peut qu’être imparfaite, sont aggravées par le discrédit du sacré, discrédit dont Rimbaud incarne pour nos yeux les effets les plus intimes dans ce poème exemplaire.
Le nombre fait cailloux
33Les « autels de Salomon » de Faim font pendant aux « vielles pierres d’églises », elles-mêmes faisant contrepoids aux « pierres » de la première strophe. Le désenchantement de Rimbaud paraît s’exercer sur les « pierres de choix » ou « de taille » (ou encore « de carrière ») qui servent à la construction du Temple de Salomon. La symétrie des deux emplois du mot « pierres », dans la première moitié du poème, peut apparaître comme la transposition ingénue des « deux tables de pierre » léguées par Moïse (8 : 9), qui referment cette série minérale. L’allusion aux « vieux déluges » dans le vers suivant, valide cette interprétation. Le contraste des « vieux déluges » et des « vieilles pierres » exprime d’ailleurs, sur le mode dysphorique, l’idéelle unité qui s’exprime dans ces Tables, au moins en raison de cette association du féminin et du masculin, qui est un trait de la Sagesse divine.
34Ces allusions bibliques aux pierres du Temple sont d’ailleurs associées à des motifs métalliques, dont l’association sophistiquée à ces pierres coïncide avec le goût du locuteur de Faim pour les pierres et le « fer ». Au verset 18 du chapitre 6, l’absence de pierre apparente à l’intérieur du Temple, évoque celle des outils de fer, notée au verset 7. Le fer dont Rimbaud, qui se « consume », est si gourmand, évoque encore la « fournaise de fer », comparant de l’Égypte d’où Salomon a tiré son peuple (8 : 51). Cette gourmandise est celle d’une auto-dévoration, si on la rapproche de ces aveux de « Mauvais sang » : « boire […] du métal bouillant, comme faisaient ces chers ancêtres […] Je reviendrai, avec des membres de fer, la peau sombre […] ».
35Cette anticipation rêveuse du destin de Rimbaud au Harar peut se lire comme une remémoration des souffrances du peuple de Salomon dans une Égypte de fer en fusion, devenue la métaphore des égarements spirituels, que Salomon s’efforce de conjurer. La bizarrerie de ce goût de Rimbaud pour le fer, répond d’ailleurs à l’ambiguïté des évocations de l’Égypte dans cette prière de Salomon ; la troisième et dernière mention de l’Égypte semble en neutraliser les maléfices : Salomon, organise « une fête très célèbre, et tout Israël la fit aussi avec lui, y étant venu en foule […] jusqu’au fleuve d’Égypte, […] pendant sept jours, et sept autres jours ensuite, c’est-à-dire, pendant quatorze jours » (8 : 65, Sacy). Je laisse sans commentaire ces détails chiffrés, qui médiatisent l’esprit de cette fête, que Rimbaud retrouve, innocemment, dans la versification de Faim ?
36Dans ce chapitre 8, l’Égypte est mentionnée dans les versets 16, 51 et 65 (avant-dernier verset). Cette proportion parfaite (je laisse le lecteur l’apprécier) n’est bien sûr pas imitée dans Faim, mais dans la seconde moitié du poème, la symétrie parfaite des énoncés : « je me consume » et « que je bouille [Aux autels de Salomon] », est plus apparente que le lien purement graphique de ce premier énoncé avec la fin de la première strophe : « Je déjeune […] de fer. » La « fournaise de fer » biblique éclate ainsi dans le poème, où se voit recreusée son ambiguïté. Le « bouillon » qui s’entend comme un écho du verbe bouillir et qui se « mêle au Cédron », suggère alors le mélange, dans l’esprit de Rimbaud, de ce cours d’eau, témoin de grandes actions bibliques, et du « fleuve d’Égypte » (8 : 65) de sinistre mémoire, et pourtant devenu le décor d’un événement festif.
37Rimbaud, malgré sa grandeur de nouveau Salomon, incarne les failles que le grand roi fustige chez son peuple, ces failles qu’exorcise, sur le plan de la forme textuelle, la disposition des motifs soulignés dans ce passage biblique. Les harmonies internes de Faim semblent plutôt poétiser le bris des galets ou le déchirement des volailles, expression d’une violence fondatrice qui n’occulte pas, dans les yeux de Salomon, le Principe dont émane le multiple, même si ce dernier se laisse égarer par la violence purement terrestre dont il est la proie. Le désespoir de notre poète n’est que le constat de cette fatalité, à laquelle aucun peuple ne peut vraiment se soustraire.
38Juste avant le poème Faim, dans « Délires II », ces énoncés se lisent comme une déformation de ces évocations bibliques, dans le prisme des événements réels ou fictifs auxquels songe consciemment Rimbaud : « […] je m’offrais au soleil, dieu du feu. / Général […] Fais manger [je souligne] sa poussière à la ville. Oxyde les gargouilles. Emplis les boudoirs de poudre de rubis brûlante… » La hantise probable de la « fournaise de fer » est plus sensible dans ces détails que dans le poème qui les suit.
39La « fournaise de fer », au chapitre 8, est le revers néfaste des colonnes de bronze coulées et surtout de la « Mer en métal fondu », dont les évocations se succèdent au chapitre 7 (15, et 23-24 : au milieu de ce chapitre de 51 versets). La symétrie des évocations de l’Égypte au chapitre 8 équivaut à celle de ces objets sanctifiés. Cette énigme se renouvelle, sans rapport d’influence, sous la plume de Rimbaud, ne serait-ce que dans le « gai venin/ Des liserons », eux-mêmes prolongés par l’araignée mangeuse de violettes (détails en position axiale dans les deux moitiés du poème).
Des pains que l’on expose à ceux que l’on sème
40La mise en rapport ou l’association de la pierre et du fer dans certains versets de ce récit biblique, n’est pas moins subtile dans Faim, où la différence des pierres et du fer, est atténuée par le roc et les charbons qu’ils encadrent. La valeur sacrée de ces détails bibliques se dilue chez Rimbaud dans le rapport des pierres (d’églises) et des « Pains semés », dont l’origine n’est pas si chrétienne.
41On songe en effet aux « pains exposés » que Salomon dédie à son Dieu (I Rois, 7 : 48, et Deuxième Livre des Chroniques, 2 : 3-4). (Ou aux « muids de froment [et d’orge] » offerts aux travailleurs). Dans Faim, la mise en parallèle des « Pains semés » et des « galets des vieux déluges » (« fils des déluges » dans Fêtes de la faim !) ravive un mythe parental, abrahamique si l’on veut, dont l’histoire de Salomon colmate les ombres.
42Dans le Deuxième Livre des Chroniques (Paralipomènes II chez Sacy), l’offrande de pains exposés est précédée par une mention du bois de cèdre, qui expliquerait dans Faim la disposition symétrique des « Pains semés » et du « Cédron » (une altération, sous la plume de Rimbaud, de fameux bois ?) : « Faites-moi la même grâce que vous avez faite à David, mon père, lui ayant envoyé des bois de cèdre pour bâtir le palais […] afin que je puisse bâtir un Temple au nom du Seigneur, mon Dieu, et le lui dédier pour y brûler de l’encens [12] en sa présence […] y exposer toujours des pains devant lui ; comme aussi pour offrir des holocaustes […] ».
43Dans Faim, l’absence de transition entre les « Pains semés » et le cri du loup gavé de volailles, n’est pas sans évoquer le rapport de ces pains bibliques et de ces holocaustes, rendus un peu inquiétants par la mise en parallèle de Dieu et du père défunt de Salomon. Mais Rimbaud, pour une fois, dissipe (lui aussi) les ombres qui pourraient menacer le sens du sacrifice, assimilé à une vulgaire purgation de la dualité impliquant le Père et le Fils. Cette dualité se voit transcendée par Rimbaud, qui lui donne une aura cosmique, avec les « galets des vieux déluges » qui, dans Fêtes de la faim où ils sont comparés à des « Pains couchés », sont désignés comme les « fils des déluges ».
44Dans I Rois 5, le nombre répété des muids de froment offerts à Hiram par Salomon (20 000), exprime parmi d’autres détails chiffrés l’idéelle Unité, modèle du rapport des deux hommes. Cette symbolique s’altère sous la plume de Rimbaud, quand le Nombre se fait « vallées grises » (la configuration de la vallée et cette couleur grise, étant deux interprétations de l’Un, reconquis par le multiple dans ce détail spatial relatif aux « Pains semés »).
45La mémoire de l’auteur de Faim néglige maints détails de ce passage biblique (le vin, l’huile) – en raison de l’exigence esthétique, déjà soulignée [13] ? L’« air » et les « charbons » de la première strophe sont d’ailleurs sans équivalent dans ce texte biblique. Ces charbons dont déjeune Arthur, se rapprochent de la « peste carbonique » qui, dans l’Illumination Jeunesse, marque un cheval dont la course est une allégorie dépréciative des « rythmes », mentionnés dans la phrase qui précède. Ces charbons de Faim, sous la plume de ce génie incendiaire, seraient faits des « bois » précieux et dorés, si volontiers utilisés par Salomon pour son Temple ? La beauté de ces lambris de cèdre est celle d’une vertu spirituelle, qui parfois manque au peuple de Salomon, susceptible d’être châtié par « la peste » et par « la rouille », qui est un des derniers mots du poème. Manger des charbons (mis pour le blé noirci par la rouille !), pour expier des écarts qui sont le pain quotidien des hommes modernes…
46Le bois doré est encore une image de la véracité de l’être, trahie dans les faux-semblants (conspués par l’auteur de « Mauvais sang »). La peste biblique en serait l’expression symbolique ; comme dans l’Illumination Jeunesse, où l’évocation du cheval pesteux est suivie par celle d’une « misérable femme de drame », victime complaisante « des abandons improbables » qui sont une autre expression de la facticité. L’« air » qui est le premier mets du déjeuner de l’auteur de Faim, a peut-être le sens des apparences, volontiers désignées par le mot « airs » dans d’autres poèmes de Rimbaud. Le loup, qui est l’objet du mimétisme du locuteur : « Comme lui, je me consume », incarne la violence à double sens de ce travers humain, conjuré par les ailes des chérubins du Temple. Il manque à cette interprétation réductrice une réflexion sur les mesures de ces chérubins, qui évoquent celles que la tradition de Salomon attribue à la Sagesse divine.
Rimbaud sous le masque de Salomon
47L’auteur de Faim conjugue dans son être les traits des actants les plus différents de l’Histoire de Salomon. Le sacré est tenu à distance dans l’autosacrifice du locuteur, qui incarne en fait l’angoisse résultant du discrédit du sacré, devenue insensible pour les hommes d’aujourd’hui. Cet autosacrifice manifeste en fait l’angoisse résultant du discrédit du sacré, vécu par les hommes d’aujourd’hui, pourtant de plus en plus inquiets et de plus en plus isolés, comme un progrès spirituel.
48Cette performance poétique en complète une autre : dans Comédie de la soif, poème écrit un an plus tôt, Rimbaud identifie le pouvoir de sa parole aux « Juifs errants de Norwège », sommés de « [dire] la neige » et qui, dans cette section du poème, font pendant aux « Ondines », sommées de « Divis[er] l’eau fine ». Ce verbe « Divisez » (vers 26) s’inscrit d’ailleurs exactement au milieu du dialogue versifié de 52 vers, qui constitue la quasi-totalité du poème. Le rapport de l’eau et de la neige, autre variation sur le thème de la scission dont nous parlions, prend des allures infernales dans le contraste de cette évocation des Ondines et, à la fin de cette section, de ces vers : « Chansonnier, ta filleule / C’est ma soif si folle / Hydre intime sans gueules/ Qui mine et désole. »
49L’égarement du locuteur est dû aux contradictions comportementales de l’instance parentale, évoquées dans la section précédente, et dont résultent des fantasmes de parricide. Rimbaud constate ainsi, à ses dépens, le règne et les effets de la contradiction fondatrice parmi les hommes. La soif qu’elle génère, malgré ses vertus artistiques, est animée par une inextinguible dualité, qui supplante l’accord de l’eau fine et de la neige… Dans la section suivante, une référence apocalyptique déjà soulignée brouille ce référent judaïque. La Jérusalem céleste, qui n’est pas si oubliée dans ce poème, hante les dernières sections d’Une saison en enfer. De la soif de cette Comédie à la Faim du poème éponyme, l’imagination de Rimbaud mesure la distance qui sépare la Jérusalem réelle et la Jérusalem céleste, une distance qui s’abolit dans la Jérusalem de Salomon, dominée par un Temple… qui ne sera pas éternel.
50L’imitation de Salomon a d’ailleurs pris un tour plus trivial, dans les activités du Rimbaud marchand dans des régions semblables à celles où Salomon, après la construction du Temple, eut des activités de commerçant, toujours avec la collaboration du roi de Tyr, grâce à qui Salomon s’enrichit de « quatre cent cinquante talents d’or » (I Rois : 8, 18).
51Si le vécu du Rimbaud trafiquant a été bien moins grandiose, l’avenir qu’il rêvait avant le constat d’échec filé dans Une saison en enfer, s’en rapproche mieux : « J’aurai de l’or ». En ajoutant : « je serai oisif et brutal » [14], Rimbaud se démarque de son modèle trop parfait ou trop sacré ; mais le retrouve aussitôt en ajoutant : « Les femmes soignent ces féroces infirmes retour des pays chauds. » Comment ne pas songer ici en effet, au verset qui suit la précédente citation de 1 Rois : « La reine de Saba apprit la renommée de Salomon et vint à Jérusalem éprouver Salomon par des énigmes. Elle arriva avec de très grandes richesses […] quantité d’or […] », etc. (I Rois : 9 : 1, 2). Ces richesses ont moins d’importance dans le texte biblique que l’échange spirituel des deux monarques, ce texte suggérant admirablement la réciprocité de leur sagesse.
52Les « soins » dont parle Rimbaud dans ce passage de « Mauvais sang » n’auraient pas d’autre sens que l’aura spirituelle du Nombre, retrouvée dans ce contact avec des femmes qui consacrent sa gloire en soignant les stigmates de son aventure. Mais les « membres de fer » et l’« œil furieux » de cet aventurier dont le masque révèle la « race forte », ne sont pas en adéquation avec les traits et les hauts faits de Salomon. C’est que Rimbaud oscille, entre les sens inconciliables de ces derniers : une expression thérapeutique de la violence universelle, ou bien la célébration de Dieu ? On sait lequel des deux s’est imposé pour Rimbaud qui ajoute : « Maintenant je suis maudit […]. »
Notes
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[1]
Arthur Rimbaud, Œuvres, Paris : Garnier-Flammarion, 1991, p. 231-232.
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[2]
Rimbaud, Œuvres Complètes, Bibliothèque de la Pléiade, Paris : 1965, p. 655.
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[3]
La parenté et les différences de deux conifères : cèdre et genévrier, auraient une valeur symbolique intéressant le rapport des deux rois. Les formes plastiques élaborées pour la construction du Temple sont tout aussi évocatrices.
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[4]
Dans Faim, la proximité des « violettes » et de « Salomon » équivaut à celle des mots « sillon » et « violettes » dans ces vers de Fêtes de la faim : « Au sein du sillon je cueille / La doucette et la violette. » (Derniers vers du poème, avant la reprise du distique liminaire, op. cit., p. 169-170.) Le « sillon » est une figuration de l’Unité dont le sens divin est éclipsé dans ces Fêtes (un idéal honoré par la symétrie des détails floraux, surtout dans Faim). De ce « sillon » au « Salomon » de Faim, la distance n’est pas si grande, le premier mot ayant sans doute, dans l’esprit de Rimbaud écrivant la seconde version de ce poème dans « Délires II », les sonorités du nom de Sion.
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[5]
Après cette nielle, la mention des « sauterelles » a peut-être en partie inspiré à Rimbaud le motif de l’araignée, autre insecte prédateur, dans la strophe précédente.
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[6]
Dans Nocturne vulgaire, les mots « et les Sodomes – et les Solymes », se lisent comme une interprétation scandaleuse d’un verset de l’Apocalypse (si volontiers annotée par le jeune Rimbaud d’après Paterne Berrichon) où Sodome est l’autre nom de « la grande ville » (Babylone ?) : « Et leurs corps [des deux témoins sacrifiés de Dieu] demeureront dans les rues de la grande ville, qui est appelée Sodome » (Ap. XI, 8 ; Lemaître de Sacy). Mais la Jérusalem de Salomon est elle aussi menacée par cette corruption, comme en témoignent la « rouille » et les horreurs qui l’encadrent.
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[7]
« O cent agneaux, de l’idylle soldats blonds, / Des aqueducs, des bruyères amaigries, / Fuyez ! plaine, déserts, prairie, horizons / Sont à la toilette rouge de l’orage ! » (Rimbaud, Œuvres, op. cit., p. 174.)
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[8]
Deux vers de quatre syllabes, dans la strophe 2, un octosyllabe exceptionnel à la fin de la strophe 3. Dans la seconde moitié du poème (strophe 5) un vers de six syllabes (« Les salades, les fruits »), mais encore le vers comportant l’allusion aux violettes, ne comportent que six syllabes – à moins de défaire la liaison des sons des voyelles dans les mots « fruits » et « vio[lettes] » ?
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[9]
Voir J.-P. Bayard, La Symbolique du Temple, Paris : Edimaf, 1991, p. 64.
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[10]
En effet, au chapitre 7 du Deuxième livre des Ch., la fête de « sept jours » est mentionnée au verset 8 ; le verset 9 commence par ces mots : « Le huitième jour », et se termine par une mention redoublée des « sept jours ». Comme si le rédacteur harmonisait le suivi de son texte avec l’évolution chronologique de son récit. Au début du verset 10, « Le vingt-troisième jour [du septième mois] » suggère une hésitation entre un multiple de 7 (21 ?) et 8 (24 ?).
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[11]
Exactement au milieu du Bateau ivre, poème de vingt-cinq strophes, une vision infernale, « au milieu des bonaces », définit l’axe médian du poème. Avant les quatre dernières strophes, la distance des « cinquante lieues » qui est celle du « rut des Béhémots » (autre nom du démon), fait pendant aux « Dix nuits » de la strophe 4. Cette symétrie très légèrement boiteuse des strophes 4 et 21, est corrigée par le « Million d’oiseaux d’or » de la strophe 22. Ces détails chiffrés sont la clé des dispositions symétriques impliquant les vingt-cinq strophes qui, d’une certaine façon se dédoublent toutes, au gré des effets de miroir en symétrie bilatérale associant leurs motifs ; chacune est ainsi liée à sa contrepartie, dans un vertige où les vingt-cinq strophes du poème en valent cinquante.
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[12]
Pas de trace de cet encens dans Faim ? Arthur, qui se compare dans Honte à un chat capable « D’empuantir toutes sphères », Arthur lui-même dans Faim tient lieu de cet encens, tandis qu’un loup régurgitant des volailles est mis pour ce chat : « Comme lui, je me consume. » Rimbaud s’éloigne du modèle biblique, mais pour incarner en même temps le sacrificateur et la victime, dans une explosion du sens qui stigmatise les sacrifices sanglants. Mais les holocaustes de Salomon, limités aux animaux comestibles, sont le prix d’une pacification des tensions millénaires qui déchirent l’âme et le corps même du locuteur de Faim.
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[13]
Les objets de la faim de Rimbaud, ou autres motifs la concernant, notamment les pierres, l’air, le roc, le fer, mais encore les violettes (qui font pendant aux liserons), cette suite fragmentée de motifs évoque les matières que sait si bien travailler, dans le Deuxième Livre des Chroniques, un habile homonyme du roi de Tyr. Notamment le fer, la pierre, le bois, l’écarlate, la pourpre violette, et le cramoisi (Bible de Jérusalem, II : 13). Ce « cramoisi », dont le sens se rapproche de la faim brûlante de l’auteur de Faim, se retrouve dans la traduction de Darby, après la notation du fer, du pourpre et du bleu (à mettre en rapport avec « l’air » de Faim ?) Mais Lemaître de Sacy emploie des termes assez éloignés de ces motifs de Faim…
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[14]
Rimbaud, Œuvres, op. cit., p. 215.