Pardès 2009/1 N° 45

Couverture de PARDE_045

Article de revue

Tropismes juifs dans la pensée française

Pages 83 à 95

Notes

  • [1]
    Le mécontemporain. Péguy, lecteur du monde moderne, Gallimard, 1991. Toutes les citations ultérieures renvoient à cette édition.
  • [2]
    Nous autres, modernes est le titre d’un récent recueil d’Alain Finkielkraut, Ellipses, 2005. Finkielkraut y reprend le motif de l’ingratitude et de la trahison de testament, au titre de l’arrogance qui caractérise une modernité qui se pense comme auto-engendrée.
  • [3]
    « Péguy nationaliste ? Péguy socialiste ? La question, du coup, n’a plus grand intérêt. Ce qui ressort de ces quelques remarques c’est que les deux bords se touchent, sont parfaitement contigus l’un à l’autre. En ce qui se dit là, d’un bord à l’autre, comme chez Barrès, c’est la réalité, simplement, de ce qu’il faut bien appeler, déjà, un national-socialisme à la française. » Bernard-Henri Lévy, L’Idéologie française, Grasset, 1981, p. 123.
  • [4]
    Tzvetan Todorov, Nous et les autres, Seuil, 1989 : « Car on ne peut oublier que les passions nationalistes se trouvent à l’origine de toutes les guerres menées par la France pendant cette période : comme le montre l’exemple de Péguy (plutôt que ses affirmations), une déclaration patriotique conduit facilement à une déclaration de guerre. Si l’on étend le champ de l’observation jusqu’à l’Allemagne, on doit constater que le nationalisme est un des principaux ingrédients de l’idéologie qui conduit aussi à la Seconde Guerre mondiale », p. 335. Todorov identifie Péguy à Barrès et à Maurras (p. 293) (voir également Finkielkraut, Le Mécontemporain, p. 17).
  • [5]
    Les frontières d’Auschwitz, LGF, 2005. Finkielkraut y reprend le motif de l’ingratitude et de la trahison de testament, au titre de l’arrogance qui caractérise une modernité qui se pense comme auto-engendrée.
  • [6]
    Voir De quoi Sarkozy est-il le nom ?, Nouvelles Éditions Lignes, 2007.
  • [7]
    Voir supra les jugements de B.-H. Lévy ou de Todorov sur Péguy et les analogies entre l’auteur de Notre jeunesse et les représentants de « l’idéologie française », Seuil, 1980.
  • [8]
    Le temps et l’autre, PUF, 1989, p. 85-86 (première publication en 1948).
  • [9]
    Je renvoie à Pierre-André Taguieff, Résister au bougisme : Démocratie forte contre mondialisation techno-marchande, Fayard, 2002.
  • [10]
    Maurice Blanchot, L’Entretien infini, Gallimard, 1969.
  • [11]
    Voir Pierre Bouretz, Témoins du futur, philosophie et messianisme, Gallimard, 2003, chapitre consacré à Emmanuel Levinas.
  • [12]
    Op. cit.
  • [13]
    Jaime Semprun, associé aux Éditions de « l’Encyclopédie des Nuisances », éditeur néosituationniste, a également recours à cette formule, depuis Dialogues sur l’achèvement des temps modernes (1993) jusqu’au plus récent Défense et illustration de la novlangue française (2005).
  • [14]
    Voir Jean-François Lyotard, Political Writings, translated by Bill Readings and Kevin Paul Geiman, University of Minnesota Press, 1993. Titre de l’essai : « The War, the Gulf, and the Sun : A Fable », p. 112-123. Je cite le texte original de la conférence, en anglais.
  • [15]
    Pour reprendre le titre du recueil d’articles du même auteur, Moralités postmodernes, Galilée, 1993.
  • [16]
    Voir Charles Baudelaire, Fusées, « Le monde va finir », 1867.
  • [17]
    Voir Emmanuel Levinas, Difficile liberté. Essais sur le judaïsme, deuxième édition refondue et complétée, Paris, Albin Michel, 1976, p. 299-303.
  • [18]
    Économie libidinale, Éditions de Minuit, 1974, p. 24.
  • [19]
    Jean-François Lyotard, « The War, etc. », op. cit., p. 118. C’est moi qui traduis.
  • [20]
    Voir Affective Genealogies : Psychoanalysis, Postmodernism and the Jewish Question After Auschwitz, University of Nebraska Press, 1997.

1Dans cette étude, j’examinerai deux exemples de réponse d’intellectuels français à la crise idéologique à laquelle l’Europe est confrontée à la fin des années 1980. Dans ces deux exemples se dessine une certaine figure juive. Dans le premier cas, on verra s’esquisser une vision critique de l’usage des Juifs dans une pensée en déshérence, orpheline de repères nationaux et idéologiques. Le second cas exemplifie la perpétuation de l’idéalisation des Juifs dans l’Europe chrétienne. Cette nouvelle forme d’idéalisation inverse une abjection séculaire en célébration endeuillée. Je souhaite donc illustrer le contraste saisissant entre une pensée demeurée résolument en marge du postmodernisme, et une philosophie apocalyptique, en deuil de la modernité et en particulier du marxisme, hantée par l’héritage du colonialisme et de l’antisémitisme européen.

Réinterpréter la modernité

2À la charnière historiale de l’écroulement de l’Empire soviétique, deux ans après la chute du mur de Berlin, tandis que tremblent les repères idéologiques et que la subjectivité postmoderne, complice du tout économique et du technocosme, semble incarner désormais l’unique horizon de l’humanité, Alain Finkielkraut publiait un essai intitulé Le mécontemporain. Péguy, lecteur du monde moderne[1]. Cet ouvrage, qui ressortit au genre apologétique, s’efforçait de réparer un tort en dénonçant le dévoiement de l’œuvre de Péguy, que seul un retour à la fidélité herméneutique pouvait sauver des lecteurs « ingrats » que nous sommes, « nous autres modernes [2] ». Ces modernes arrogants et ingrats, ce sont notamment Bernard-Henri Lévy, qui, dans L’Idéologie française[3], nazifiait Péguy. Et, dix ans plus tard, Tzvetan Todorov, qui imputait à Péguy rien moins que la responsabilité anticipée de la Shoah [4]. Le devoir de mémoire, rappelle justement Shmuel Trigano [5], a fait des ravages depuis le début des années 1980, nous sommant de dresser des réquisitoires contre les morts et les œuvres du passé, comme si une inéluctable téléologie emportait la France vers Vichy, la Collaboration et les lois raciales, mouvement qu’Alain Badiou qualifiait récemment, à l’occasion de son pamphlet contre Sarkozy, de « pétainisme transcendantal » [6].

3Il s’agissait donc, pour Finkielkraut, de déplorer l’appropriation par la droite nationaliste de l’auteur de Notre jeunesse, Dreyfusard patriote, républicain et catholique, critique intransigeant du monde moderne, tombé en 1914 pour la défense d’une « patrie charnelle » dont il aura éprouvé, dès 1905 et le « coup de Tanger », la fragilité. Approprié par la droite nationaliste, Péguy se trouvait symétriquement jeté par la gauche aux oubliettes de l’histoire des idées, aux côtés de protofascistes ou d’antisémites tels que Charles Maurras ou Maurice Barrès, ces obsédés du sang, de la terre et des morts. Sauver Charles Péguy de l’infamie, pour Finkielkraut, en 1991, un siècle après l’Affaire et la publication de La France juive d’Édouard Drumont, requérait de rappeler son indéfectible engagement dreyfusard – engagement moins conjoncturel que structurel de la vie et de l’œuvre du fondateur des Cahiers de la quinzaine littéraire. Cette pensée inclassable et paradoxale pourrait se caractériser ainsi : à la fois catholique et républicaine, à la fois héritière, tournée vers les morts et les œuvres du passé, et progressiste, mue par un méliorisme social qui transite par l’étude et la transmission des humanités.

4Progressiste, donc, mais réfractaire à l’arraisonnement du monde par la techno-science. De cette pensée, à la fois progressiste et conservatrice, qui exigerait par ailleurs une déconstruction de ces catégories, la révolution n’étant pas à rechercher dans le radicalisme du progrès mais dans le souci de la précarité du monde, on retrouvera des traces chez Georges Duhamel, chez Georges Bernanos, entre autres, et l’on pourrait hasarder l’hypothèse que Finkielkraut en est un des héritiers aujourd’hui.

5Or, l’épicentre de la pensée de Péguy, pour ce dernier, aura été un certain philosémitisme, qu’on observe notamment dans l’ouvrage de 1910 Notre jeunesse, poignante apologie de son ami Bernard-Lazare, mort en 1903, livre qui fondait la mystique républicaine sur l’engagement dreyfusard. De même que la foi de Job fut mise à l’épreuve par l’abandon d’un Dieu aux desseins incompréhensibles, la foi de Bernard-Lazare dans la nouvelle alliance des Juifs avec la République (ce qu’on a appelé le franco-judaïsme) fut ébranlée par l’Affaire. Bernard-Lazare finira comme Job sur son fumier, désenchanté par la terre promise spirituelle de l’assimilation, les yeux tournés vers le sionisme naissant, languissant, nouveau « prophète d’Israël », comme l’appellera Péguy, d’une terre promise charnelle qu’il ne verra jamais.

6Cette lecture empathique de Péguy dans laquelle nous entraîne Finkielkraut, si l’on ne saurait la qualifier sans impatience herméneutique de « judéocentrique », n’en est pas moins infléchie par l’expérience d’un Juif français né après la Shoah, auteur, dix ans plus tôt, du Juif imaginaire[7]. Par ailleurs, le lecteur attentif y entendra des inflexions levinassiennes, bien que le nom de Levinas n’apparaisse qu’une fois dans l’ouvrage, et dans un contexte plutôt défavorable puisque, selon Finkielkraut, l’auteur de Totalité et infini aurait été à l’origine de la captation des Juifs par la pensée postmoderne. Il ne s’agit pas de faire ici de Levinas un penseur juif, mais l’ancrage dans le Livre et dans l’exégèse talmudique est présent dans l’œuvre du philosophe, même si sa phénoménologie et sa réflexion sur le temps doivent plus à la tradition husserlienne, voire heideggérienne, qu’à la tradition juive ou rabbinique. Levinas tiendra lieu de médiateur entre, en amont, l’analyse existentielle ontologique, compromise avec le nazisme, et la phénoménologie husserlienne, et en aval, le postmodernisme et la déconstruction, en particulier chez des penseurs tels que Maurice Blanchot, Jacques Derrida et Jean-François Lyotard, précisément parce que cette pensée demeure suffisamment familière dans son enracinement européen (allemand et grec) tout en nourrissant, du fait de la référence biblique voire talmudique, un philosémitisme français qu’on pourrait dire de contrition. La vulgate levinassienne bénéficiera ainsi du sentiment de régler une dette envers les Juifs, tout en évitant une confrontation charnelle, littérale plutôt que littéraire, avec le judaïsme.

7Finkielkraut identifie chez Péguy une éthique du sacrifice de soi, dans laquelle il est difficile de ne pas entendre une préfiguration de l’éthique levinassienne qui voue le moi, selon la métaphore de prédilection de Levinas, à se faire l’otage d’autrui. Ainsi, Finkielkraut écrit, au sujet du plaidoyer de Péguy en faveur du père de famille, ici retraduit par son exégète, dans la langue de Levinas :

8

Lui seul [le père de famille] déjoue les contraintes de la finitude : son être déborde son moi. Et ce que lui vaut cette prouesse ontologique, ce n’est pas un pouvoir accru, c’est une vulnérabilité plus grande. Il souffre d’autres, qu’on appelle à tort les siens, car ils ne sont pas à lui, mais lui à eux : il n’est pas leur possesseur, il est leur possession, il leur appartient, il leur est livré il est, risque même Péguy, leur « otage ».
(Le mécontemporain, p. 32)

9Si l’on se souvient que, quelques années auparavant, Finkielkraut avait publié une introduction à la philosophie de Levinas, on ne s’étonnera pas de déceler dans cette apologie de Péguy des échos du philosophe qui écrivait, en 1947, dans Le temps et l’autre, réponse à Être et temps et à l’ontologie heideggérienne :

10

La paternité est la relation avec un étranger qui, tout en étant autrui, est moi ; la relation du moi avec un moi-même, qui est cependant étranger à moi. Le fils en effet n’est pas simplement mon œuvre, comme un poème ou comme un objet fabriqué ; il n’est pas non plus ma propriété. Je n’ai pas mon enfant ; je suis en quelque manière mon enfant [8].

11L’éthique levinassienne est donc convoquée par Finkielkraut aux fins d’une relecture de Péguy dans le sens d’une critique du monde moderne. Cette critique s’étaie sur celle de l’ontologie ou du conatus spinoziste, c’est-à-dire de la persévérance dans l’être sans égard pour autrui, critique de la colonisation de l’altérité naturelle par le progrès technique et l’arraisonnement du monde. Une telle lecture balaie les clichés qui encombraient jusqu’alors l’œuvre de Péguy, en s’efforçant d’affranchir l’idée de patriotisme de toute virilité et de toute maîtrise, et d’élaborer un héroïsme de la vulnérabilité, une sorte de nationalisme en mode mineur. Mais lecture contrapuntique, qui fait dialoguer ontologie heideggérienne et éthique levinassienne, pourtant mutuellement exclusives puisque c’est avec et contre Heidegger que Levinas entreprend de refonder une métaphysique de la responsabilité après Auschwitz et les totalitarismes du xxe siècle. En effet, d’une part, Finkielkraut prolonge la critique heideggérienne de la technologie comme tentative de domination sans reste de l’être par l’homme (anthropocentrisme contre lequel Heidegger écrivit sa « Lettre sur l’humanisme » où il rappelle que l’homme est le gardien de l’Être plutôt que l’Être l’esclave de l’homme). Mais d’autre part, l’ontologie anti-humaniste de Heidegger fait elle-même l’objet d’une critique implicite, à partir des catégories levinassiennes, en tant qu’elle repose sur le conatus et sur la virilité héroïque et invulnérable dans laquelle on reconnaît un certain Heidegger, celui de la trans-appropriation et de l’authenticité dans l’expérience de la mort. La lecture qu’élabore Finkielkraut de Péguy est donc tendue entre Heidegger et Levinas, entre un certain attachement à des formes d’expérience authentique (la matière virile et résistante, le travail des mains, l’artisanat, l’obédience à l’Être) qui évoquent le rapport ambivalent de Heidegger à la technologie, et la sainteté levinassienne, en tant qu’elle s’oppose au sacré païen et qu’elle ne révoque pas la technique et la domination d’une nature au service de l’homme. Lecture oscillant entre paganisme (attachement à la patrie, au lieu, au pagus), et judaïsme du déracinement et du désintéressement non pas mystique (bien que le motif mystique soit insistant chez Péguy) mais éthique. Dialectique, donc, entre patrie et exil, racines et diaspora, qui caractérise l’articulation entre politique et éthique dans la réflexion de Finkielkraut, où celui-ci refuse de sacrifier l’une au profit de l’autre. Si l’exigence éthique ou l’accueil d’autrui ne saurait être désincarné, ni inconditionnel, la fidélité ethnique ou communautaire, quant à elle, ne saurait s’affranchir de la demande que l’autre m’adresse ni se substituer à cette demande.

Le sujet postmoderne

12L’essai de Finkielkraut se clôt sur une lecture à la manière de Péguy de l’éthique « postmoderne ». Finkielkraut définit ici le sujet postmoderne comme mû, si l’on peut dire, par un éthos du surplace, mais d’un surplace qui se donne l’illusion du mouvement. Le sujet postmoderne, en effet, s’il ne croit plus dans le progrès, croit moins encore dans les regrets. Ni retour à la terre, ni marche en avant vers l’émancipation du genre humain, le sujet postmoderne s’imagine avoir dépassé les deux grandes idéologies totalitaires du xxe siècle, et se croit vacciné à la fois contre les croyances dans les grands récits de l’humanité en marche vers son émancipation et contre le mythe particulariste de la nation. Ce rejet du progrès comme de la réaction, inertie paradoxale puisqu’elle s’accompagne d’un mouvement perpétuel et d’un tourisme ou de ce que Taguieff appellerait un « bougisme » [9] repeint en nomadisme, serait, suggère Finkielkraut avec lucidité, à l’origine de « l’engouement contemporain pour la thématique juive de l’exil » :

13

Alors que les esprits modernes déclarent achevée la mission historique du judaïsme, et que les antimodernes lui imputent l’écroulement de la tradition, le sujet « postmoderne » veut s’inspirer de cette « liberté à l’égard des formes sédentaires de l’existence » qui constitue, selon Levinas, la définition juive de l’humain.
(p. 177)

14Le sujet postmoderne s’oppose donc d’une part à ce que Jean-François Lyotard appelait les « grands récits », à commencer par le récit paulinien de dépassement de la loi par la foi, de la lettre/chair par l’esprit, jusqu’aux récits marxiste, scientiste ou néolibéral, et, d’autre part, à l’anti-modernisme, c’est-à-dire à l’idéologie réactionnaire. Cette double révocation se traduit par une double opposition, d’une part à l’anti-judaïsme moderne qui voit dans les Juifs une forme culturelle fossile, un anachronisme à dépasser, et d’autre part à l’antisémitisme antimoderne qui voit dans le judaïsme une puissance de dissolution des traditions culturelles et nationales. Or cet « anti-antisémitisme », qui semble caractériser le sujet postmoderne (son éthique ou son idéologie ?), n’est pas sans effets pervers pour autant qu’il utilise le signe ou le mot « juif » pour remplir un vide idéologique ou un malaise dans une civilisation qui, à la charnière des années 1990, s’imagine entrée dans une paix perpétuelle et dans la fin de l’histoire. En effet, tout se passe comme si, pour combler cette déréliction idéologique, le sujet postmoderne se taillait un être juif sur mesure, à la mesure ou à la démesure du monde post-national et post-idéologique. Une certaine figure juive, idéalisée et aseptisée, érigée en paradigme, un certain trope, un tropisme juif, sert ici d’étai à une « sortie de la modernité » :

15

[Le sujet postmoderne] prend exemple sur cette affirmation de la vérité nomade et sur cette exigence de ne pas nous contenter de ce qui nous est propre que Blanchot voit poindre dans le « Me voici » d’Abraham. Il s’approprie ce génie du non-lieu dont parle Jabès (quitte à déplorer parfois que les Juifs d’aujourd’hui, eux, lui deviennent infidèles), et, même s’il n’est pas religieux, il accorde une valeur éminente à la légende généalogique qui, contrairement à celle des autres peuples de la terre, ne commence pas par l’autochtonie […] Bref il érige la vocation diasporique et le renoncement juif au séjour en paradigme de la sortie de la modernité.
(Le mécontemporain, p. 177)

16Identité paradoxale, le Juif de Blanchot, dont on trouve un portrait existentiel au cœur de L’Entretien infini, en 1969 [10], n’est lui-même que pour autant que le même est toujours autre. Le propre du Juif, selon Blanchot, serait d’être toujours déjà exproprié de son propre, identité sans ipséité ni retour sur soi, impropriété ontologique, pur réceptacle d’autrui, passivité qu’on retrouve dans les réflexions de l’essayiste sur l’écriture, l’espace littéraire, l’auteur, le désœuvrement, etc. Il n’est pas sûr, et je ne puis ici l’examiner, que l’éthique de Levinas, fondée sur la passivité du moi dans la rencontre avec autrui, puisse se réduire à cette vision atrophiée de l’être Juif, quoique Blanchot mime avec virtuosité la rhétorique de Levinas, pour l’appliquer à l’existence juive.

17Nous sommes là, semble-t-il, au cœur de notre sujet. Levinassien, Finkielkraut n’est pas dupe de la captation de la pensée de Levinas par la vulgate postmoderne, d’autant que celui-ci, s’il fut critique à l’égard d’Israël, restera, comme l’a rappelé Pierre Bouretz, toujours fidèle au projet sioniste [11]. Cette critique du philosémitisme d’après-guerre, et notamment d’après les années 1960, est présente chez Finkielkraut depuis les années 1980, et à certains égards, Le Juif imaginaire résonne déjà comme une mise en garde contre la célébration française d’une identité juive désincarnée, réduite à une subjectivité exilée et victimaire, sur l’autel de laquelle est immolé le Juif charnel, c’est-à-dire le Juif historico-politique. Ce sacrifice, Shmuel Trigano l’a quant à lui analysé à partir du paradigme théologico-politique des deux corps du roi dans Les Frontières d’Auschwitz[12]. Le Juif sans feu ni lieu, avatar sécularisé du Juif errant, traverse donc la pensée postmoderne.

18Au rebours de Blanchot, si Finkielkraut « judaïse » implicitement Charles Péguy, ce n’est pas en le désancrant ou en le déterritorialisant. En effet, renoncement au séjour et vérité nomade ne constituent guère pour lui des paradigmes existentiels. Ni Blanchot, ni moins encore Deleuze, Finkielkraut, malgré son attachement à Heidegger, est toujours resté en marge de la pensée post-humaniste. Péguy, eu égard à son apologie de la transmission de la culture, à sa passion pour la justice, à ses avertissements contre la persévérance dans l’être qui caractérise à la fois le nationalisme guerrier et le progressisme utopiste et internationaliste, à son éthique fondée sur la responsabilité envers la vulnérabilité du monde et en même temps attachée à un ancrage territorial et historique, incarne pour Finkielkraut un visage français et républicain du judaïsme, ou, si l’on préfère, Péguy révèle un visage juif de la République et de la nation.

Le mythe juif et arabe de Lyotard

19Il existe de multiples équivoques autour du concept de postmodernité, équivoques et contradictions que je ne prétends pas résorber ici. J’en relève une : on peut dire « postmoderne » la « mondialisation techno-marchande », pour employer le vocabulaire de Pierre-André Taguieff, ou d’autres critiques de l’affaiblissement de la démocratie par le néolibéralisme depuis l’École de Francfort jusqu’à des penseurs comme Giorgio Agamben, en passant par l’Internationale Situationniste et ses héritiers aujourd’hui [13]. « Postmoderne », en ce sens, désignerait le processus inéluctable de complexification des machines techno-bureaucratiques qui culminerait avec la seconde révolution industrielle, notamment avec l’essor des sciences informatiques, en un mot, un processus de néguentropie qui emporte les sociétés humaines vers des formes à la fois rationnelles et aliénantes d’organisation. Monde où les frontières s’abolissent et s’annulent les diversités humaines dans le village planétaire, de plus en plus désincarné, réduit à l’échange et à la communication virtuelle, à la rentabilité, à la raison instrumentale, et à la décision des experts.

20Cependant, « postmoderne » peut aussi se dire d’une résistance à ce processus. C’est précisément à la même époque, celle du triomphe annoncé et sans alternative de la démocratie néolibérale et du vide idéologique laissé par l’effondrement du bloc communiste, tandis que Finkielkraut se tourne vers Charles Péguy pour chercher une âme sœur dans son chagrin métaphysique tout en résistant au nihilisme ambiant, que Jean-François Lyotard, pilier de la pensée postmoderne, très critique, à partir des années 1980, et non sans réminiscence heideggérienne et francfortienne, de la réduction de l’expérience à l’expertise et de l’art au marché des biens culturels, prononçait une conférence en Allemagne conjoncturellement intitulée Le Mur, le Golfe et le Soleil : Fable[14]. Dans cette « moralité postmoderne » [15], texte de circonstance ou de situation, Lyotard prenait lui aussi la mesure de la fin des idéologies, et de l’abîme existentiel ouvert par la chute du communisme et la fin de la Guerre froide, au moment de l’invasion du Koweït par Saddam Hussein, à la veille de la première guerre du Golfe. Cet essai constitue une curieuse méditation métaphysique, écrite dans l’esprit des fables philosophiques à la manière de Diderot. Tout d’abord, Lyotard se tourne vers son passé de militant à « Socialisme ou Barbarie », au temps où le philosophe croyait dans une émancipation de l’humanité par la révolution. Il observe que cette foi dans l’émancipation s’est peu à peu éteinte, que l’échec du marxisme et le délitement lent du communisme qui culmine dans l’événement historial de la chute du mur de Berlin ne laissent plus de place à l’espoir d’un triomphe prochain du prolétariat. La téléologie marxiste est désormais obsolète, et avec elle les récits de la modernité. Isolé désormais, orphelin du grand soir, l’ancien militant en est réduit à des luttes locales et à la signature de quelques pétitions pour les droits des minorités. Rien d’exaltant, dans ces petits récits, dans ces micro-combats, parodies dérisoires de la lutte finale.

21Mais l’essai de Lyotard propose également une vue prospective. « Le monde va finir », comme disait l’apocalyptique Baudelaire dans une célèbre « fusée » consacrée au déclin de la civilisation moderne, à l’heure de l’homme égalitaire [16]. À l’ère de l’astrophysique, cependant, cette prophétie doit s’entendre à la lettre. Il ne s’agit plus d’un eschaton culturel ou civilisationnel, mais d’un désastre à l’échelle cosmique. Après l’épuisement calculable du Soleil, la vie sur terre est promise à disparition. Privé de sol, littéralement confronté à l’Abgrund heideggérien, celui qu’ouvre la question originelle de la métaphysique : « Pourquoi y a-t-il des étants plutôt que rien ? », qu’adviendra-t-il d’un humain sans humus ? L’humanité émigrera-t-elle ? Doit-on voir cet ultime exode comme un affranchissement salutaire de tout ancrage païen, comme aurait dit un Levinas qui, en 1963, et contre Heidegger, célébrait la prouesse du cosmonaute Gagarine, cet homme sans gravité [17] ? Cette perspective d’un exode futur devrait-elle conférer à l’homme de la hauteur de vue, ou au contraire le condamner à un cynisme désespéré ?

22L’essai est donc tendu entre deux fins, d’une part le constat de la fin de toute espérance dans l’émancipation du genre humain dont la chute du mur de Berlin est une métonymie, de l’autre cette projection dans un avenir terrifiant, dont l’horizon cataclysmique n’est autre que l’effondrement du système solaire. Entre-temps, Lyotard élabore une théorie matérialiste et néo-darwinienne du développement des organisations humaines. Le système néolibéral, intégrant sa propre critique en vue de son amélioration et de sa complexification illimitées, capable de se renforcer de toute forme de résistance ou d’opposition, sans extériorité qui ne soit aussitôt intégrée, optimiserait les chances de survie des sociétés humaines. Dès lors, ce système serait voué à supprimer toutes les formes d’organisation sociale alternatives, selon la loi de la survie des organismes les mieux adaptés. Ce processus de néguentropie, qui porte le nom politique de « libéralisme » ou de « système ouvert », saura régler le problème de la survie de l’espèce après l’épuisement du Soleil et l’exode extraterrestre de l’humanité.

23Où sont les Juifs, ou leur figure, dans cette eschatologie désabusée du dernier Lyotard qui rappelle plus 2001, L’Odyssée de l’espace que L’Apocalypse de Jean ? Pourquoi se tourner vers les Juifs pour faire son deuil du marxisme et pour décrire le processus inéluctable qui entraîne l’humanité vers la démocratie néolibérale et, à long terme, l’effondrement du système solaire ?

24Au milieu de sa fable, le philosophe postmoderne se tourne vers ce qu’il entrevoit comme des formes anthropologiques et communautaires de résistance à l’irréversibilité du processus décrit. Ces formes, éminemment fragiles, vouées elles aussi, comme les formes de résistance de type marxiste révolutionnaire, à être absorbées et dissoutes dans le processus néolibéral, ne sont autres que l’Islam et les Juifs. On ne s’étonnera pas que Juifs et Arabes soient amalgamés, en dépit d’un conflit qui les sépare si possible plus que jamais, puisque les villes de Haïfa et Tel-Aviv seront, lors de la première guerre du Golfe, la cible de missiles irakiens. Mais peu importent à la métaphysique, la géopolitique et la Realpolitik. Israël, fruit de l’auto-émancipation et de l’entrée des Juifs dans la modernité, forme un obstacle à leur idéalisation postmoderne puisque c’est l’émancipation et les récits de la modernité que le postmoderne récuse. De toute évidence, l’hypothèse lyotardienne est surdéterminée par une longue histoire au cours de laquelle, pour la psyché européenne en général et française en particulier, le Juif et l’Arabe, de manière interchangeable, ont été érigés en ennemi. Après la Shoah et le mouvement de décolonisation que Lyotard a accompagné aux côtés des Algériens, dans la période de culpabilité qui succède à l’idéologie coloniale et à l’antisémitisme français, cet ennemi intime est devenu l’ami exotique, tandis que l’Occident et l’homme blanc incarnent désormais le pouvoir obscur de la barbarie. Rappelons cette citation de Lyotard, qui fait écho au dernier Jean Genet, au moment où l’auteur de L’Économie libidinale célèbre, en invoquant les mânes des fondateurs du Collège de Sociologie, les intensités d’affects, au-delà de la critique de l’aliénation : « […] c’est la blancheur de l’Occident en expansion, l’ignoble impérialisme cannibale [18]. »

25Les Juifs, les Arabes, donc, deux civilisations, deux rapports à la transcendance, deux éthiques fondues par Lyotard en un éthos, voire un ethnos. Cet éthos se caractérise par une résistance à la modernité comme l’hétéronomie résiste à l’autonomie et la transcendance s’oppose à l’immanence. Cette résistance fragile, selon Lyotard, serait, comme toute forme de résistance au totalitarisme du développement du système ouvert, vouée à terme à l’échec. Si l’homme moderne est l’esclave d’un processus d’émancipation, alors l’obédience au Coran ou à la Torah permet, paradoxalement, de s’affranchir de l’émancipation, de rejeter le joug de la liberté. Juif-Arabe devient le trope d’une résistance au mouvement qui emporte l’humanité vers cette allégeance à l’homogénéisation politique, économique et culturelle à l’œuvre dans le processus néolibéral. Tradition juive et tradition islamique, à en croire Lyotard, opposeraient à la démocratie moderne, fondée sur une autorité déléguée par contrat, une communauté fondée sur une élection traumatique et la transcendance du Livre :

26

Dans la tradition islamique (comme dans la tradition juive) […] le « père » choisit son peuple, désigne ses représentants et ses prophètes, et leur dicte sa Loi. Posée comme insondable, la Loi transcendante n’est accessible que par la lecture des lettres (la voix elle-même est inouïe, sauf des prophètes) qui furent inscrites dans le Livre par les premiers témoins et ont été transmises aux générations successives. L’autorité est une affaire d’interprétation plutôt que d’argumentation – une interprétation de type particulier, qui n’ajoute rien aux lettres, mais s’efforce de « remplir » les blancs entre elles, disons, quelque chose comme une lecture talmudique. En fait, la notion d’autorité comme pure altérité est commune aux Musulmans et aux Juifs [19].

27Ce qui insiste dans cette analyse idéalisante, c’est le désir de dissoudre tout différend et toute différence entre la tradition de l’interprétation talmudique et la tradition des hadith. Et quand bien même il existerait des ressemblances structurelles entre hadith et lectures talmudiques, ce que ma compétence ne me permet pas d’établir, ce qui insiste dans cet essai est la nécessité de faire du Juif et de l’Arabe, du judaïsme et de l’Islam une incarnation commune de la résistance à l’immanentisme de la démocratie néolibérale. Juifs et Arabes opposeraient au développement du système ouvert, processus irréversible en passe de subsumer toute forme d’altérité, l’hypostase d’une Loi transcendante, d’une irréductible hétéronomie, d’une extériorité incommensurable et inintégrable. Demeuré intouché par les ravages de la modernité, obstinément pré-démocratique, l’être-Juif-Arabe, hypostasié par Lyotard comme pré-moderne, est amené à se dissoudre, pour autant qu’il représente une forme archaïque et inférieure, ou disons vulnérable car, ontologiquement, c’est-à-dire quant à la capacité de survie, moins performante que le système néolibéral. Nous sommes là en présence d’un des topoï du philosémitisme postmoderne remarquablement décrit par Elisabeth Bellamy [20]. Ce topos prolonge les prémisses de l’anti-judaïsme moderne depuis Hegel plutôt que de l’antisémitisme antimoderne (archaïsme des Juifs, forme anthropologique fossile, amenée à se dissoudre avec les progrès de l’humanité) pour les élever en idéal ontologique, capable d’opposer une résistance, fût-elle infime et dérisoire, au processus altéricide de la démocratie moderne. Remarquons également que le motif de l’auteur et de l’autorité est renversé en celui de l’autre et de l’altérité selon un geste théorique qui rappelle la souveraineté chez Georges Bataille, l’exigence de l’œuvre chez Blanchot, et, d’une manière générale, la déconstruction de l’auctoritas et de toute forme d’autonomie du sujet dans la pensée postmoderne.

28*

29Ce deuxième exemple d’un tropisme juif (passivité, obédience, pur dehors à la civilisation occidentale, etc.) domine la pensée française depuis Blanchot. Cette pensée est surdéterminée par la synthèse psychique entre antisémitisme et culpabilité dans la culture française d’après-guerre (Collaboration, Shoah, guerre d’Algérie). C’est cette synthèse qui est la raison du malaise des Juifs réels dans l’aire franco-européenne, sommés de renvoyer une confirmation narcissique à cet avatar postmoderne de l’antijudaïsme que constitue un certain philosémitisme.


Date de mise en ligne : 26/02/2013

https://doi.org/10.3917/parde.045.0081

Notes

  • [1]
    Le mécontemporain. Péguy, lecteur du monde moderne, Gallimard, 1991. Toutes les citations ultérieures renvoient à cette édition.
  • [2]
    Nous autres, modernes est le titre d’un récent recueil d’Alain Finkielkraut, Ellipses, 2005. Finkielkraut y reprend le motif de l’ingratitude et de la trahison de testament, au titre de l’arrogance qui caractérise une modernité qui se pense comme auto-engendrée.
  • [3]
    « Péguy nationaliste ? Péguy socialiste ? La question, du coup, n’a plus grand intérêt. Ce qui ressort de ces quelques remarques c’est que les deux bords se touchent, sont parfaitement contigus l’un à l’autre. En ce qui se dit là, d’un bord à l’autre, comme chez Barrès, c’est la réalité, simplement, de ce qu’il faut bien appeler, déjà, un national-socialisme à la française. » Bernard-Henri Lévy, L’Idéologie française, Grasset, 1981, p. 123.
  • [4]
    Tzvetan Todorov, Nous et les autres, Seuil, 1989 : « Car on ne peut oublier que les passions nationalistes se trouvent à l’origine de toutes les guerres menées par la France pendant cette période : comme le montre l’exemple de Péguy (plutôt que ses affirmations), une déclaration patriotique conduit facilement à une déclaration de guerre. Si l’on étend le champ de l’observation jusqu’à l’Allemagne, on doit constater que le nationalisme est un des principaux ingrédients de l’idéologie qui conduit aussi à la Seconde Guerre mondiale », p. 335. Todorov identifie Péguy à Barrès et à Maurras (p. 293) (voir également Finkielkraut, Le Mécontemporain, p. 17).
  • [5]
    Les frontières d’Auschwitz, LGF, 2005. Finkielkraut y reprend le motif de l’ingratitude et de la trahison de testament, au titre de l’arrogance qui caractérise une modernité qui se pense comme auto-engendrée.
  • [6]
    Voir De quoi Sarkozy est-il le nom ?, Nouvelles Éditions Lignes, 2007.
  • [7]
    Voir supra les jugements de B.-H. Lévy ou de Todorov sur Péguy et les analogies entre l’auteur de Notre jeunesse et les représentants de « l’idéologie française », Seuil, 1980.
  • [8]
    Le temps et l’autre, PUF, 1989, p. 85-86 (première publication en 1948).
  • [9]
    Je renvoie à Pierre-André Taguieff, Résister au bougisme : Démocratie forte contre mondialisation techno-marchande, Fayard, 2002.
  • [10]
    Maurice Blanchot, L’Entretien infini, Gallimard, 1969.
  • [11]
    Voir Pierre Bouretz, Témoins du futur, philosophie et messianisme, Gallimard, 2003, chapitre consacré à Emmanuel Levinas.
  • [12]
    Op. cit.
  • [13]
    Jaime Semprun, associé aux Éditions de « l’Encyclopédie des Nuisances », éditeur néosituationniste, a également recours à cette formule, depuis Dialogues sur l’achèvement des temps modernes (1993) jusqu’au plus récent Défense et illustration de la novlangue française (2005).
  • [14]
    Voir Jean-François Lyotard, Political Writings, translated by Bill Readings and Kevin Paul Geiman, University of Minnesota Press, 1993. Titre de l’essai : « The War, the Gulf, and the Sun : A Fable », p. 112-123. Je cite le texte original de la conférence, en anglais.
  • [15]
    Pour reprendre le titre du recueil d’articles du même auteur, Moralités postmodernes, Galilée, 1993.
  • [16]
    Voir Charles Baudelaire, Fusées, « Le monde va finir », 1867.
  • [17]
    Voir Emmanuel Levinas, Difficile liberté. Essais sur le judaïsme, deuxième édition refondue et complétée, Paris, Albin Michel, 1976, p. 299-303.
  • [18]
    Économie libidinale, Éditions de Minuit, 1974, p. 24.
  • [19]
    Jean-François Lyotard, « The War, etc. », op. cit., p. 118. C’est moi qui traduis.
  • [20]
    Voir Affective Genealogies : Psychoanalysis, Postmodernism and the Jewish Question After Auschwitz, University of Nebraska Press, 1997.

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.9.168

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions