Le dernier livre de Pierre Salama, « Les économies émergentes latino-américaines, entre cigales et fourmis », est une lecture passionnante pour toute personne s’interrogeant sur le caractère d’économie émergente, aujourd’hui attribué à certains pays latino-américains. Le Brésil en constitue, on le sait, le prototype consacré par l’invention de l’acronyme BRIC médiatisant la prédiction du monde de la finance selon laquelle, avec la Chine, l’Inde et la Russie, il serait devenu un des nouveaux moteurs de l’économie mondiale. L’analyse de l’économie brésilienne que Pierre Salama mène dans une perspective comparatiste avec le reste de la région et avec l’Asie est aux antipodes de ce type d’exercice de prospective. L’analyse comparée des potentiels de croissance qu’il propose met les théories à l’épreuve des expériences et des performances que l’Amérique latine a connues depuis l’an 2000 en matière de croissance, de déconcentration des revenus, de niveaux des salaires ainsi que de dépenses sociales. C’est là une rupture historique, particulièrement au regard des effets délétères de la libéralisation économique des années 1990, s’ajoutant à ceux des hautes inflations des deux décennies précédentes. L’analyse de Pierre Salama se concentre sur la double fragilité des succès obtenus dans la dernière décennie : une dépendance accrue aux exportations de matières premières dont les prix sont très volatils et une croissante spécialisation industrielle sur des productions de moyenne ou faible technologie, très sensibles aux prix, et donc à la concurrence de pays plus compétitifs…