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Article de revue

Propalestinisme et judéophobie en France, 2000-2012

Pages 157 à 171

Notes

  • [1]
    Philosophe, politologue et historien des idées, directeur de recherche au CNRS, Paris, Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF). Cet article s’inspire, en les actualisant, d’analyses exposées dans deux de mes livres récents : La Nouvelle Propagande antijuive. Du symbole al-Dura aux rumeurs de Gaza, Paris, PUF, 2010 ; Israël et la question juive, St-Victor-de-Mor, Les provinciales, 2011.
  • [2]
    Cf. Robert S. Wistrich, Antisemitism : The Longest Hatred, Londres, Thames Methuen, 1991.
  • [3]
    Cf. Léon Poliakov, De Moscou à Beyrouth. Essai sur la désinformation, Paris, Calmann-Lévy, 1983, pp. 13, 178.
  • [4]
    Cf. Pierre-André Taguieff, La Judéophobie des Modernes. Des Lumières au Jihad mondial, Paris, Odiel Jacob, 2008, pp. 262-308 ; id., La Nouvelle Propagande antijuive, op. cit., p. 229-374 ; id., Aux origines du slogan « Sionistes, assassins ! ». Le mythe du « meurtre rituel » et le stéréotype du Juif sanguinaire, Paris, Les Études du CRIF, n° 20, mars 2011.
  • [5]
    Pour un inventaire des slogans de ce type inscrits sur des banderoles ou des pancartes, voir in Pierre-André Taguieff, Prêcheurs de haine. Traversée de la judéophobie planétaire, Paris, Mille et une nuits, 2004, le cahier iconographique (non paginé) qui contient nombre de photos prises au cours de manifestations propalestiniennes/anti-israéliennes dans le monde entre 2000 et 2003. De nombreux autres exemples in id., La Nouvelle Propagande antijuive, op. cit.
  • [6]
    Cf. Pierre-André Taguieff, La Nouvelle Judéophobie, Paris, Mille et une nuits, 2002, pp. 130-131, 140-145 ; id., Prêcheurs de haine, op. cit., p. 336 sq.
  • [7]
    Cf. Pierre-André Taguieff, La Nouvelle Propagande antijuive, op. cit., p. 183-188.
  • [8]
    Cf. Barak Ravid, « BBC : Israel is third Worst Country in the World », 17 mai 2012, <www.paltelegraph.com/world/ middle-east/77-middle-east/10571-bbc-israel-is-third-worst-country-in-the-world.html>.
  • [9]
    Sur ce traitement discriminatoire d’Israël, cf. Pierre-André Taguieff, La Nouvelle Propagande antijuive, op. cit., p. 39 sq.
  • [10]
    Cf. Natan Sharansky, « Anti-Semitism in 3 D », The Jerusalem Post, 23 février 2004.
  • [11]
    Voir Pierre-André Taguieff, La Judéophobie des Modernes, op. cit., p. 495-496.
  • [12]
    Pour une analyse approfondie des questions lexicologiques et sémantiques posées par les désignations de la haine des Juifs et leurs usages, voir Pierre-André Taguieff, Prêcheurs de haine, op. cit., pp. 18 sq., 137-200 ; id., La Judéophobie des Modernes, op. cit., pp. 83 sq., 127-131, 166-171, 175 sq., 247 sq.
  • [13]
    Pour une analyse de cette grande vague antijuive des années 2000, cf. Pierre-André Taguieff, Prêcheurs de haine, op. cit. ; id., La Judéophobie des Modernes, op. cit., pp. 9-80, 335-496 ; Walter Laqueur, The Changing Face of Antisemitism : From Ancient Times to the Present Day, Oxford, New York, Oxford University Press, 2006, p. 125-208 ; Robert S. Wistrich, A Lethal Obession : Anti-Semitism from Antiquity to the Global Jihad, New York, Random House, 2010, en particulier p. 600 sq.
  • [14]
    Par exemple : « Dieudonné victime d’un incroyable chantage à l’antisémitisme », 20 février 2004, <soutiendieudo. free.fr/article.php3?id_article=59>.
  • [15]
    Cf. Pierre-André Taguieff, La Judéophobie des Modernes, op. cit., p. 376 sq. ; CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’homme), La Lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Année 2008, Paris, La Documentation française, 2009, pp. 11, 19, 25-26, 34-41 ; Service de Protection de la Communauté Juive, <www.spcj.org/index. php?action=antisemitisme (données chiffrées, 1er semestre 2009) >. (données chiffrées, 1er semestre 2009).
  • [16]
    AFP, 13 décembre 2009 : « Racisme : hausse des actes antisémites, nomination d’un préfet coordonnateur » ; <www. lefigaro.fr/actualite-france/2009/12/13/01016-20091213ARTFIG00196-forte-hausse-des-actes-antisemites-en-france-.php>.
  • [17]
    « France : hausse des actes antisémites en 2009 », Guysen International. News, 4 février 2010 ; « Le S.P.C.J. publie les chiffres de l’antisémitisme pour 2009 : augmentation et banalisation de l’antisémitisme », 5 février 2010, <www.crif. org/?page=sheader/detail&aid=18700&artyd=2>.
  • [18]
    CNCDH, La Lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Année 2009, Paris, La Documentation française, 2010, pp. 28, 30-31.
  • [19]
    Rappelons qu’il s’agit là de l’un des critères retenus par l’Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes dans sa « définition de travail » (mars 2005) pour définir le « nouvel antisémitisme ». Cf. Pierre-André Taguieff, La Nouvelle Propagande antijuive, op. cit., p. 60-61. Natan Sharansky l’a également retenu dans son modèle de la stigmatisation antijuive d’Israël ; Cf. P.-A. Taguieff, ibid., p. 431, note 1.
  • [20]
    Site lemonde.fr, 25 janvier 2010.
  • [21]
    <www.spcj.org/index.php?action=antisemitisme>.
  • [22]
    <spcj.org/publications/rapport2010.pdf>.
  • [23]
    <spcj.org/publications/SPCJ-PRESSE-2011.pdf>.
  • [24]
    <www.tariqramadan.com/spip.php?article11912>. Mise en ligne : 22 mars 2012. Citons seulement cet extrait : « Le problème de Mohamed Merah n’était ni la religion ni la politique. Citoyen français frustré de ne pas trouver sa place, sa dignité, et le sens de la vie dans son pays, il va trouver deux causes politiques pour exprimer son dépit : les peuples afghan et palestinien. Il s’attaque à des symboles, l’armée, et tue juifs, chrétiens, musulmans sans distinction. Il exprime une pensée politique d’un jeune adulte dérouté qui n’est habité ni par les valeurs de l’islam, ni par des pensées racistes ou antisémites. Jeune, désorienté, il a tiré sur des repères qui avaient surtout la force et le sens de leur visibilité. Ni plus ni moins. Un pauvre garçon, coupable et à condamner, sans l’ombre d’un doute, même s’il fut lui-même la victime d’un ordre social qui l’avait déjà condamné, lui et des millions d’autres, à la marginalité, à la non reconnaissance de son statut de citoyen à égalité de droit et de chance. Mohamed, au nom si caractérisé, fut un citoyen français issu de l’immigration avant de devenir un terroriste d’origine immigrée. Son destin fut très tôt enchaîné à la perception que l’on avait de ses origines. Dans la provocation, il a bouclé la boucle : il s’est perdu dans cette image, autant déformée que dégradante, pour devenir “l’autre” définitif. Pour les Français de France, il n’y a plus rien de français chez l’Arabo-musulman Mohamed ».
  • [25]
    La meilleure réponse à Tariq Ramadan est due au philosophe musulman Abdennour Bidar, « Un monstre issu de la maladie de l’islam », Le Monde, 23 mars 2012, <www.lemonde.fr/idees/article/2012/03/23/un-monstre-issu-de-la-maladie-de-l-islam_1674747_3232.html>.
  • [26]
    Pierre-André Taguieff, Prêcheurs de haine, op. cit., pp. 331-332, 350, 546-547.
  • [27]
    Ibid., p. 395.
  • [28]
    Ibid., pp. 62, 559-560, 925.
  • [29]
    Cf. Holger Knothe, Eine andere Welt ist möglich – ohne Antisemitismus ? Antisemitismus und Globalisierungskritik bei Attac, Bielefeld, Transcript Verlag, 2009.

1 Depuis la fin des années 1960, la haine des Juifs est portée par ce qu’il est convenu d’appeler l’antisionisme, mélange d’hostilité systématique à l’égard d’Israël et de compassion exclusive pour les Palestiniens, quoi qu’ils puissent faire. Le propalestinisme inconditionnel est désormais le principal vecteur de la haine des Juifs dans le monde. Il fournit en même temps les principaux motifs d’agir contre l’État d’Israël, réduit à une « entité » criminelle, et contre « le sionisme », figure incarnant l’un des grands mythes répulsifs de notre temps. L’islamisation croissante de la « cause palestinienne », cause victimaire universalisée par le jeu de propagandes croisées, lui a conféré en outre le statut symbolique d’un front privilégié du jihad mondial. C’est pourquoi la dernière grande vague judéophobe se caractérise par une forte mobilisation du monde musulman contre Israël et le « sionisme mondial », s’accompagnant, chez les prédicateurs islamistes, d’une vision apocalyptique du combat final contre les Juifs. Comme le répète l’article 28 de la Charte du Hamas, qui résume en une phrase l’idéologie antijuive du mouvement islamiste : « Israël, parce qu’il est juif et a une population juive, défie l’Islam et les musulmans. » Le programme « antisioniste », considéré dans ses formulations radicales, a un objectif explicite qui revient à vouloir « purifier » ou « nettoyer » la Palestine de la « présence sioniste » ou « juive », considérée comme une « invasion » qui souille une terre palestinienne ou arabe (pour les nationalistes) ou une terre d’Islam (pour les islamistes). L’enracinement et l’expansion, dans l’imaginaire du monde musulman, d’un grand récit négatif sur Israël et « le sionisme » constituent l’un des principaux obstacles à l’établissement d’une paix véritable et durable au Proche-Orient.

2 Ce qui caractérise la judéophobie dans l’Histoire, c’est d’abord qu’elle est « la haine la plus longue [2] », ensuite qu’elle n’a cessé de prendre des formes nouvelles, de s’adapter à l’esprit du temps, de trouver de nouveaux alibis, d’inventer des justifications inédites. Peu importe aux antijuifs le caractère contradictoire des griefs : les Juifs sont en même temps et indifféremment accusés d’être trop « communautaires » ou « identitaires » (trop religieux, « solidaires » entre eux, nationalistes, sionistes, etc.) et trop cosmopolites (nomades, internationalistes, « mondialistes », etc.). Léon Poliakov rappelait que « les Juifs ont de tout temps stimulé l’imagination des peuples environnants, suscité des mythes, le plus souvent malveillants, une désinformation au sens large du terme », et qu’« aucun autre groupe humain ne fut entouré, tout au long de son histoire, d’un tel tissu de légendes et superstitions [3] ». Les Juifs sont perçus par ceux qui les haïssent comme aussi redoutables que vulnérables. Cette perception ambivalente entretient et renforce la haine antijuive. D’où, dans les passages à l’acte, ce mélange de lâcheté (s’attaquer à des passants, à des enfants ou des écoliers sans défense) et de ressentiment (la rage née d’un sentiment d’impuissance devant la satanique sur-puissance juive, inévitablement occulte). Dans tous les cas, la défense des Palestiniens érigés en victimes du « sionisme » constitue le noyau idéologique des modes de légitimation des violences antijuives contemporaines, le thème majeur étant celui de la « vengeance des enfants palestiniens assassinés par les sionistes », thème qui réveille la vieille accusation de « meurtre rituel [4] ». Les rassemblements et les marches en faveur de la « cause palestinienne » constituent des rituels qui entretiennent ou intensifient les passions « antisionistes », dont les frontières avec les passions antijuives sont devenues, dans la plupart des situations, indiscernables.

3 Les manifestations inséparablement propalestiniennes et anti-israéliennes de masse observables au cours des années 2000-2012, en France et dans de nombreux pays européens (ainsi qu’aux États-Unis et au Canada) ne se réduisent certes pas à des expressions politisées de la haine des Juifs. Il va de soi que tous les manifestants propalestiniens ne sauraient être, pris individuellement, considérés comme des judéophobes convaincus, et que leurs protestations peuvent être motivées par une authentique compassion pour les victimes palestiniennes du conflit. Le problème vient de ce que ces manifestants sincères eux-mêmes ne descendent dans la rue que d’une façon sélective : on ne les voit jamais exprimer une compassion pour les victimes israéliennes, ni manifester contre les attaques terroristes ayant fait des victimes juives, de nationalité israélienne ou non. Bref, l’indignation et la compassion propalestiniennes sont à sens unique, elles ne sont pas universalisables.

4 En outre, le simple fait que, dans ces mêmes manifestations où l’on peut reconnaître une certaine hétérogénéité idéologique (gauchistes de diverses obédiences, islamistes de toutes les chapelles, etc.), puissent régulièrement être scandés ou arborés d’une façon simultanée des slogans tels que « Paix en Palestine ! », « Stop au génocide des Palestiniens », « Stop au terrorisme juif hitlérien ! », « Sionistes assassins », « Bannissons le sionisme = racisme et fascisme = terrorisme », « Juifs au four » et « Mort aux Juifs ! [5] », montre que l’expression de la haine antijuive s’y est banalisée. À considérer l’évolution du discours judéophobe depuis les années 1970, on constate que la grande nouveauté idéologique en la matière réside dans le fait que la haine des Juifs s’exprime désormais dans la langue de la « lutte contre le racisme » ou de la « défense des droits de l’homme ». Un pseudo-antiracisme, devenu le cœur du néo-antifascisme, est devenu le véhicule discursif privilégié de la nouvelle judéophobie, c’est-à-dire de l’antisionisme radical ou absolu.

ISRAËL DÉMONISÉ

5 L’une des plus significatives manifestations internationales du pseudo-antiracisme centré sur la diabolisation d’Israël a été mise en spectacle au cours de la première « Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance », organisée par l’ONU à Durban (Afrique du Sud) du 31 août au 8 septembre 2001, quelques jours donc avant les attentats antiaméricains du 11-Septembre [6]. Un tract massivement diffusé au cours de la « Marche contre le racisme » organisé dans la ville affichait une photo d’Adolf Hitler, accompagnée de la légende suivante : « Si j’avais gagné il n’y aurait pas eu d’Israël, et il n’y aurait pas eu de sang palestinien versé. » L’évidence même, présentée comme un motif de regret. Sur le thème : « Mieux vaut Hitler qu’Israël ». L’argument semble décalqué sur la formule : « Hitler plutôt que Blum ». Comme si la forme de l’argument avait migré de l’extrême droite des années 1930 à l’extrême gauche des années 2000. À Durban en 2001, comme dans les prêches du vendredi partout au Proche-Orient, les « sionistes » de la judéophobie euphémisée des années 1970-1990 se sont transformés en « Juifs », criminalisés et diabolisés, par exemple à travers ce slogan crié et diffusé par tracts alors que se tenait la prétendue Conférence mondiale contre le racisme : « Un Juif, une balle » (« One Jew, one bullet »). Des manifestants « antiracistes » et « propalestiniens » n’ont plus dissimulé leur désir profond en hurlant à Durban : « Kill (the) Jews ! » Fidel Castro termina son discours par le slogan « Free, free Palestine ! », et la foule, décryptant le message, reprit en chœur « Kill, kill the Jews ! ». Les appels à « tuer les Juifs », à isoler (par le boycott) et à détruire Israël mis en équivalence avec l’appel à « libérer la Palestine » au nom des « droits de l’homme » et de la « lutte contre le racisme » : c’est ainsi que, depuis le début du XXIe siècle, s’articulent les principaux mots d’ordre de la nouvelle judéophobie mondialisée [7].

6 La corruption idéologique de la défense des droits de l’homme et de la lutte contre le racisme, détournées et instrumentalisées par les promoteurs d’un néo-tiers-mondisme mâtiné d’islamisme, s’est révélée à travers le déchaînement de haine contre Israël et l’Occident qui marqua cette prétendue « Conférence mondiale contre le racisme ». Ce qui s’est passé à Durban, où des milliers d’ONG ont déversé leur haine, a montré que la démonisation « antiraciste » d’Israël et du « sionisme » restait le principal geste rituel des nouveaux judéophobes. Mais l’accusation de « racisme » véhiculant une série d’autres accusations diabolisantes et criminalisantes, qui culminent dans celle d’extermination et de génocide, une nouvelle figure du Juif comme ennemi absolu a été construite. Condamner l’État d’Israël comme « État raciste », en l’assimilant à l’État nazi ou au régime sud-africain d’apartheid, c’est le vouer à la destruction. On ne discute pas avec l’ennemi absolu, absolument haïssable, on l’élimine physiquement. La nouvelle propagande antijuive a précisément pour objectif de préparer le terrain idéologique et culturel pour rendre acceptable l’élimination de l’État juif.

7 Depuis le début des années 1980, en particulier depuis l’invasion israélienne du Liban et les massacres de Sabra et Chatila (été 1982) - commis par les Phalanges chrétiennes et abusivement attribués en propre aux Israéliens -, suivis de l’exploitation qu’en ont fait les propagandes du monde arabo-musulman, l’image d’Israël n’a cessé de se dégrader dans l’opinion européenne jusqu’à la fin des années 2000, avec une nette accélération à partir de la seconde Intifada, lancée fin septembre 2000. Pour en donner une idée, on peut se référer aux résultats du sondage intitulé « L’Irak et la paix dans le monde », commandé par la Commission européenne dans le cadre de l’Eurobaromètre et réalisé à la mi-octobre 2003 dans les quinze États membres de l’Union européenne, sur un échantillon de 7 515 personnes. Ce sondage, rendu public le 3 novembre 2003, révèle qu’Israël est considéré par 59% des Européens comme « une menace pour la paix dans le monde », ce qui le place en tête des pays jugés belligènes, devant les États-Unis, l’Iran et la Corée du Nord, ces trois pays, estimés dangereux par 53 % des personnes interrogées, occupant la deuxième place à égalité. Cette catégorisation négative d’Israël rencontre une forte adhésion aux Pays-Bas (74 %), en Autriche (69 %), au Luxembourg (66 %), en Allemagne (65 %), au Danemark (64%), en Belgique (63%), en Irlande (62%) et en Grèce (61%). La France, avec un rejet s’élevant à 55% des personnes interrogées, se situe entre l’Italie (48 %) et l’Espagne (56 %). Voilà qui montre la pénétration dans l’opinion européenne de l’une des représentations « antisionistes » les plus diffusées après ce que Léon Poliakov appelait « le tournant de la guerre des Six Jours » : Israël belliciste (et/ou impérialiste), voire Israël « cause de la Troisième Guerre mondiale ». Dans le sondage de la BBC publié le 19 avril 2010, Israël, avec en moyenne 50% d’opinions négatives (pour 19% d’opinions positives), fait partie du groupe des pays les plus rejetés, après l’Iran (56 % d’opinions négatives, pour 15 % d’opinions positives), le Pakistan (51 %, pour 16 % d’opinions positives) et la Corée du Nord (48 %, pour 17 % d’opinions positives). L’influence d’Israël est jugée négative, selon un ordre décroissant, par l’Égypte (92 %), la Turquie (77 %), l’Allemagne (68 %), le Brésil (61%), l’Espagne (60%), la Thaïlande (59%), les Philippines (58%), la France (57%) et l’Indonésie (56%). L’influence d’Israël n’est jugée positive que par les États-Unis (40%, pour 31 d’opinions négatives) et le Kenya (39%, pour 34% d’opinions négatives). Deux ans plus tard, en mai 2012, dans un nouveau sondage de la BBC réalisé par GlobeScan dans 22 pays de décembre 2011 à février 2012 (plus de 24 000 personnes interrogées), on apprend qu’Israël est classé parmi les quatre pays qui influencent le monde le plus négativement. L’Iran apparaît en première position, avec 55% des sondés le classant comme un pays négatif. Le Pakistan est classé deuxième avec 51%. Israël et la Corée du Nord sont classés ex aequo en troisième position, avec 50% des réponses. Aux États-Unis, 50% des personnes interrogées ont émis une opinion positive sur Israël. Le contraste avec les pays européens est frappant : 74 % des Espagnols, 56 % des Français, 69 % des Allemands et 68 % des Britanniques se disent convaincus qu’Israël a globalement une influence négative. Dans les pays musulmans étudiés, cette opinion négative est partagée par 85 % des personnes interrogées [8]. L’efficacité de la propagande antisioniste et israélophobe peut ainsi être évaluée sur la base d’enquêtes d’opinion aux résultats convergents.

UN MODÈLE DE L’ANTISIONISME RADICAL COMME NOUVELLE FORME DE LA JUDÉOPHOBIE

8 Les manifestations anti-israéliennes de masse, comme les critiques permanentes et hyperboliques lancées contre Israël, illustrent le principe « deux poids, deux mesures » (« double standard »), dont l’accusation de « réaction » ou « riposte disproportionnée » est l’une des illustrations les plus courantes [9]. Cette pratique systématique de la mauvaise foi, dès qu’il s’agit de l’État juif, conduit à la condamnation unilatérale d’Israël, indépendamment de toute analyse des faits. Elle constitue une méthode de diabolisation, visant à justifier notamment l’application de mesures de boycott généralisé d’Israël, ainsi traité comme un État raciste et criminel, assimilable au Troisième Reich ou au régime sud-africain d’apartheid. La nazification d’Israël est le préalable obligé des appels au boycott polymorphe, visant d’une façon scandaleusement discriminatoire le seul État démocratique du Proche-Orient, coupable de se défendre contre les attaques permanentes de groupes islamo-terroristes dont l’objectif déclaré est la destruction de l’État juif. Dans un article publié en février 2003, « Anti-Semitism in 3 D », Natan Sharansky, à l’époque ministre israélien des Affaires de la Diaspora et de Jérusalem, a défini ce qu’il appelle le « test des 3 D », qui, sur la base de critères précis, est censé permettre de « distinguer la critique légitime d’Israël de l’antisémitisme », c’est-à-dire de l’antisionisme radical [10]. Le premier D est le test de la diabolisation (demonization), laquelle revient à traiter l’État juif comme l’incarnation du mal. Le deuxième D est le test du deux poids deux mesures (double standard) : « Aujourd’hui, nous devons nous demander si la critique d’Israël est faite de manière sélective. En d’autres termes, des comportements semblables, de la part d’autres gouvernements, donnent-ils lieu à la même critique, ou y a-t-il deux poids deux mesures dans l’appréciation ? ». Le troisième D est le test de la délégitimation : il implique de déterminer si le droit à l’existence de l’État juif est reconnu ou nié, ou si le droit du peuple juif à vivre dans un État-nation souverain est reconnu ou non.

9 Pour clarifier la terminologie qui ne cesse d’être obscurcie par l’effet des polémiques, il convient en effet de se donner une définition de l’antisionisme radical ou absolu dénuée d’ambiguïté. Il importe en effet de le distinguer clairement des formes démocratiquement légitimes de critique de la politique menée par tel ou tel gouvernement israélien. Abordé dans sa dimension idéologico-politique, l’antisionisme radical se reconnaît à son argumentation, dont la finalité est de légitimer la destruction d’Israël, en banalisant l’assimilation polémique d’Israël à un « État raciste » ou d’« apartheid », « colonialiste » et « criminel », qu’il est dès lors justifié de boycotter à tous les niveaux – la destruction étant susceptible de s’accomplir par la force des armes, ou bien par une voie indirecte, qu’il s’agisse de la création d’un État binational ou du retour de tous les « réfugiés » palestiniens (descendance comprise) sur le territoire israélien. Chez les antisionistes radicaux, l’objectif de destruction finale de l’État juif peut ne pas être totalement conscient, ni clairement affirmé. Dans tous les cas, cependant, l’élimination d’Israël apparaît comme la conséquence logique d’une argumentation diabolisante dirigée contre Israël et qui, condamnant systématiquement les décisions et les actions politiques de l’État juif, aboutit à faire d’Israël un État en trop, le seul État au monde à être ainsi traité [11]. L’antisionisme radical postule donc que les Juifs n’ont pas le droit de se constituer en communauté nationale dotée d’un territoire et d’un toit étatique. Le peuple juif est ainsi discriminé : il est le seul peuple auquel est nié le droit à l’existence stato-nationale.

10 L’antisionisme radical représente la dernière figure historique prise par la haine des Juifs idéologiquement élaborée, configuration idéologique de longue durée que j’ai proposé d’appeler « judéophobie » (plutôt qu’« antisémitisme », terme mal formé [12]). Dans ma perspective, le terme « judéophobie » désigne une catégorie descriptive transhistorique. La « nouvelle judéophobie » désigne donc l’antisionisme radical, inconditionnel ou absolu, tel qu’il s’est constitué sur la triple base du nationalisme arabe, du nationalisme palestinien et de l’islamisme jihadiste, réactivant d’anciens stéréotypes antijuifs d’origine européenne (meurtre rituel, conspiration, manipulations financières, impérialisme, etc.) non sans en fabriquer de nouveaux (racisme, apartheid, génocide, etc.), pour devenir une configuration idéologique mobilisatrice par elle-même dans le dernier tiers du XXe siècle, au cours duquel elle s’est mondialisée. Forgé dans le cadre de la guerre arabo-musulmane contre Israël sur la base d’emprunts aux diverses formes européennes d’antisémitisme adaptés aux représentations antijuives éparses dans le Coran et les hadiths – donc soumis à une « islamisation » –, l’antisionisme radical est revenu au sein du monde occidental dans les fourgons de la propagande palestinienne, pour mobiliser principalement l’extrême gauche (du PCF aux groupes trotskistes et aux Verts) et l’extrême droite (le Front national restant partagé sur la question), mais aussi, avec plus ou moins d’intensité, toutes les gauches et certaines mouvances de droite. C’est par la voie du propalestinisme inconditionnel, devenue une néo-religion de salut, que s’est produite la renaissance contemporaine de la haine antijuive.

LE SENS DES MANIFESTATIONS ISRAÉLOPHOBES

11 Ce qui est déterminant, dans les motivations des manifestants anti-israéliens ou « antisionistes », ce n’est pas tant la qualité « palestinienne » de la victime supposée que la qualité « israélienne », « sioniste » ou « juive » du coupable désigné. Un agresseur supposé n’indigne et ne mobilise contre lui que s’il est reconnu comme « sioniste ». Prenons un exemple, pour illustrer la pratique du « deux poids, deux mesures ». Le 26 mars 2010, un sous-marin nord-coréen lance une torpille contre une corvette sud-coréenne qui coule. Dénuée de toute justification, l’attaque nord-coréenne fait 46 morts parmi les marins de la corvette sud-coréenne. Or, aucune campagne d’indignation internationale n’est déclenchée, aucune manifestation de masse n’est organisée hors de la Corée du Sud, les journaux ne publiant que fort peu d’éditoriaux dénonçant l’agression inqualifiable, et les intellectuels engagés, si prompts à réagir contre Israël, gardant le silence. Aucun Stéphane Hessel ne descend dans la rue pour s’indigner avec véhémence devant les caméras de télévision. Deux mois plus tard surgit dans l’espace médiatique l’affaire de la « Flottille » dite « humanitaire ». Le contraste est saisissant dans la différence de traitement. Ce qui frappe aussitôt tout observateur des médias est l’unanimisme dans la condamnation morale d’Israël depuis que l’intervention israélienne du 31 mai 2010 contre un groupe d’islamistes radicaux turcs accompagnés de « pacifistes » et d’« humanitaires » propalestiniens leur servant d’alibis est devenue l’affaire de la « Flottille de la liberté », avec ses « martyrs » mis en avant par la propagande des islamistes du Hamas et exploités à des fins géopolitiques par le gouvernement turc d’obédience islamiste, soucieux d’apparaître comme le « champion » de la cause palestinienne. On peut y voir une nouvelle preuve du conformisme, du suivisme et du politiquement correct qui règnent dans l’espace médiatique. Et bien sûr aussi une illustration parfaite du « deux poids, deux mesures » dans le traitement médiatique d’Israël.

12 Les manifestations anti-israéliennes de masse qui se sont multipliées depuis le début de la seconde Intifada peuvent être interprétées comme des indices socialement visibles, parmi d’autres, de la puissante vague mondiale de judéophobie apparue dans la période post-nazie, et plus particulièrement dans les années 1990 et 2000 [13]. En Europe, la France fait partie des pays les plus touchés par la vague. Mais l’on doit reconnaître que les violences antijuives se seraient vraisemblablement intensifiées au point de menacer la paix civile si les pouvoirs publics n’avaient pas pris des mesures rigoureuses, à partir du printemps 2002, pour endiguer le phénomène. Or, le système médiatique français tend à faire silence sur cette spécificité négative, ou à minimiser les incidents antijuifs. Nombreux sont les éditorialistes ou les intellectuels en vue qui répètent de temps à autre le refrain bien connu : la cible principale du racisme ou de la xénophobie à la française se serait transformée, le Juif aurait été remplacé par l’Arabe ou le musulman, voire « l’immigré » - les « Roms » ont récemment pris place sur la liste médiatique officielle des victimes du « racisme » et de la « xénophobie d’État ». Ou encore, l’on observe régulièrement que des personnalités plus ou moins bien intentionnées, mais toujours mal informées, affirment publiquement qu’« il n’y a pas d’antisémitisme en France », ou encore que l’antisémitisme, en France, est « en baisse », le cas échéant « en voie de disparition ». Certains ajoutent qu’il est temps d’« en finir » avec « le chantage à l’antisémitisme [14] ». Tel est l’argument principal des antijuifs déclarés comme des antisionistes radicaux, qui cherchent ainsi à se présenter comme les victimes d’une « censure » insupportable dans une société démocratique. En exigeant une totale liberté de parole, même dans les appels à la haine et à la violence contre Israël, les « sionistes » ou les Juifs (tous suspectés d’être des « sionistes »), ils jouent la carte de la liberté d’expression sans limites, faisant mine d’oublier que, même dans les démocraties libérales/pluralistes, il existe une limite qui est fixée par la loi. Mais l’on saisit bien leur objectif : arriver à faire croire que l’accusation d’« antisémitisme » n’est qu’une manière perverse de discréditer, sans raison, un individu désireux de « lutter contre l’injustice faite aux Palestiniens ». Ici encore, le « deux poids, deux mesures » fonctionne : la plupart de ceux qui dénoncent avec indignation le « chantage à l’antisémitisme » dénoncent avec véhémence et conviction l’« islamophobie » des Européens, et des Français en particulier, ou le « génocide des Palestiniens ». Transparence des mauvaises raisons en chaîne dont s’habille la mauvaise foi.

RETOUR AU RÉEL : DONNÉES STATISTIQUES

13 Les thèses optimistes annonçant le déclin ou la fin prochaine de l’antisémitisme, assurément réconfortantes aux yeux de certains militants engagés dans le combat idéologique contre Israël, sont toutes fausses, en regard des statistiques disponibles sur les faits antijuifs relevés en France au cours des années 1998-2010. L’analyse de l’évolution des actes ou des faits antijuifs (violences et menaces confondues), recensés en France de 1998 à 2009, démontre une augmentation globale de la judéophobie depuis le début des années 2000, avec des « pics » en 2000, 2002, 2004 et 2009 [15]. Le plus simple est de considérer l’évolution des totaux annuels des faits antijuifs (actions violentes et menaces) : 1998 : 81, 1999 : 82, 2000 : 744, 2001 : 219, 2002 : 936, 2003 : 601, 2004 : 974, 2005 : 508, 2006 : 571, 2007 : 402, 2008 : 397, 2009 : 631 au cours du 1er semestre 2009, dont 113 violents (chiffrage provisoire), et 704 de janvier à octobre 2009. Le 13 décembre 2009, le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, a précisé que les « actes antisémites » avaient plus que doublé au cours des neuf premiers mois de 2009 par rapport à la même période de l’année précédente (350 faits, dont 99 actions et 251 menaces), avec 704 « faits antisémites » recensés, dont 123 actions et 581 menaces, qu’il s’agisse d’agressions verbales, de dégradations de bâtiments ou d’inscriptions [16]. Dans son rapport annuel publié le 4 février 2010, le SPCJ (Service de Protection de la Communauté juive) fait état de 832 « actes antisémites » en France en 2009, dont 354 pour le seul mois de janvier, période de l’opération « Plomb durci » dans la bande de Gaza. En 2008, le SPCJ en avait enregistré 474 (pour 402 en 2007) [17]. Le rapport annuel de la CNCDH mentionne pour l’année 2009 un total de 815 faits antijuifs, dont 172 actions violentes et 643 menaces [18]. L’année 2009 s’inscrit donc bien dans la série des « pics » atteints en 2000, 2002 et 2004, en France comme dans nombre d’autres pays occidentaux. Un rapport officiel présenté le 24 janvier 2010 au Conseil des ministres israélien estime que le nombre des actes antijuifs dans le monde en 2009 – comprenant aussi bien des actions violentes contre des Juifs que des proclamations visant à « délégitimer l’existence de l’État d’Israël » [19] – est le plus important depuis dix ans, « notamment en France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis » [20]. Le 20 octobre 2010, le SPCJ a rendu publiques les statistiques des actes antijuifs en France durant le seul 1er trimestre 2010 : 33 actions et 105 menaces, soit un total de 138 faits antijuifs [21]. Selon le rapport du SPCJ pour l’année 2010, le nombre des actes antijuifs recensés pour cette année s’élève à 466 [22]. Chiffres montrant, si l’on met entre parenthèses le pic de janvier 2009, une relative stabilité à un haut niveau, depuis l’année 2000, des attitudes et des comportements hostiles aux Juifs. D’après le rapport du SPCJ pour l’année 2011, 389 actes antijuifs ont été répertoriés, traduisant une diminution globale de 16,5% par rapport à l’année 2010 (466 actes). Mais le nombre d’actions violentes s’est maintenu à un niveau égal à celui de 2010, et le degré de violence constaté dans les agressions a augmenté [23].

14 L’année 2012 a commencé par une recrudescence des actions violentes contre les Juifs. Les meurtres antijuifs commis à Toulouse par le jihadiste Mohamed Merah le 19 mars 2012 semblent avoir réactivé les passages à l’acte : selon le SPCJ, 148 actes antisémites, dont 43 violents, se sont produits entre le 19 mars et le 30 avril 2012. Les musulmans de France, à quelques rares exceptions près, ne se sont pas mobilisés pour condamner ces assassinats antijuifs commis au nom de l’Islam : organisée par des musulmans le 28 avril à Paris, quelques jours après la tuerie antijuive de Toulouse, une manifestation pour défendre les « valeurs de tolérance » a réuni à peine deux cents personnes. À Villeurbanne, le 2 juin 2012, trois jeunes Juifs, reconnaissables à la kippa qui leur couvrait la tête, ont été insultés, puis frappés à coup de marteau et de barres de fer. Les agresseurs, des jeunes décrits par des témoins comme d’origine maghrébine, se sont enfuis après avoir blessé leurs victimes. Dans la soirée du 4 juillet 2012, un jeune Juif de 17 ans, qui portait une étoile de David autour du cou, a été roué de coups par deux jeunes gens d’origine maghrébine âgés de 18 ans dans le TGV Toulouse-Lyon. Le jeune Lior est un élève du lycée juif Ozar Hatorah de Toulouse où il avait assisté au quadruple meurtre commis par Merah. L’agression aurait été motivée par la mention au téléphone du prénom juif du frère de la victime. Durant les cinq premiers mois de 2012, les actes antijuifs ont augmenté de 53 % par rapport à la même période en 2011. On peut faire l’hypothèse que ces passages à l’acte, notamment lorsqu’ils sont occasionnels et non prémédités, sont l’expression de la banalisation d’une culture antijuive dans certains milieux issus de l’immigration.

L’ASSASSIN MERAH TRANSFORMÉ EN VICTIME : L’OPÉRATION RAMADAN

15 À l’instar des gauchistes de la chaire ou de la tribune qui, face au terrorisme, donnent dans le discours victimaire et la culture de l’excuse, Tariq Ramadan, dans un article titré « Les enseignements de Toulouse » mis en ligne sur son blog peu après les massacres de Montauban et de Toulouse et l’identification du tueur [24], dénonce la société française qui, par son « racisme », son « système d’exclusion » et ses « discriminations », aurait fabriqué cette victime qu’est Mohamed Merah, ce « citoyen français frustré de ne pas trouver sa place, sa dignité, et le sens de sa vie dans son pays ». Dans le monstre, il faudrait voir la victime et le désespéré, le « pauvre garçon » doté d’un cœur d’or, mais « dérouté » par la société française qui l’excluait, par l’armée française qui ne voulait pas de lui. Les voisins du tueur ont témoigné en sa faveur, selon un rituel déjà bien rodé : il était « calme » et n’hésitait pas à « rendre service » ou à « donner un coup de main ». Et il aimait les filles, les voitures et les boîtes de nuit. Au chômage, mais bénéficiant d’allocations, il frimait en BMW. « Intégré », donc. Bref, pour ses voisins, Merah était un « jeune » des « cités » comme un autre, ni plus ni moins délinquant qu’un autre. Ramadan présente Merah comme un « grand adolescent, un enfant, désœuvré, perdu, dont le cœur est, de l’avis de tous, affectueux ». Pour l’intellectuel islamiste, le tueur est « une victime d’un ordre social qui l’avait déjà condamné, lui et des millions d’autres, à la marginalité, à la non reconnaissance de son statut de citoyen à égalité de droit et de chance ». Et surtout, dans cette affaire, l’islam ne serait nullement en cause : l’essentiel aux yeux de Ramadan est que ce pauvre bougre n’était pas habité « par les valeurs de l’islam » [25]. Il n’était pas non plus habité « par des pensées racistes ou antisémites ». Tuer des innocents serait dès lors, pour le « désespéré », un « acte désespéré ». L’axiome est devenu slogan après un long séjour dans la propagande palestinienne justifiant le terrorisme antijuif. La déduction est imparable, bien qu’elle se heurte à la revendication religieuse explicite : si Merah a crié « Allah ou-Akhbar » après ses assassinats filmés, c’est qu’il était convaincu d’avoir choisi la bonne voie, c’est-à-dire d’être « sur le chemin d’Allah », celui du jihad contre « les Croisés et les Juifs ». Ce produit de la « société d’exclusion » a lu le Coran, et tout s’est éclairé. Sa vie a pris du sens. L’espoir était dès lors au bout du chemin. La « victime » de la société française, cet « Indigène de la République » - une République jugée islamophobe -, pouvait rejoindre les salafistes habillés à l’européenne, ces salafistes invisibles, même aux yeux des services spécialisés. Dès lors, après l’épreuve et la mort en martyr, le héros islamiste était en droit d’obtenir la récompense promise, à savoir les dizaines d’authentiques vierges tant convoitées par tous les moudjahidin. Et, ici-bas, l’admiration de ses contemporains, surtout des « jeunes » endoctrinés.

16 Transfiguré par sa mort « les armes à la main », le délinquant Merah est voué à devenir l’objet d’un culte : victime, héros et martyr de la révolte contre « le racisme » de la « société française », intrinsèquement « islamophobe ». Célébrer Merah, tueur d’enfants juifs, c’est inciter à attaquer les Juifs, c’est rêver publiquement de tuer d’autres enfants juifs. Et, de fait, dans la société française où, répètent pieusement de piteux sociologues, l’antisémitisme ne cesserait de « baisser », de jeunes Juifs sont agressés chaque jour depuis la mort du Zorro des banlieues balayées par le verbe islamiste. Les assassinats-spectacles sont commis pour être imités. Quant aux « Indigènes de la République », ces Indignés de l’extrême, ils se sont promis d’importer en France le sanglant « printemps arabe » (qui n’a profité qu’aux islamistes), manière de prévenir les « souchiens »/ « sous-chiens » qu’ils vont s’entendre dire « dégagez ! », vraisemblablement sur l’ex-place de l’Étoile. Leur seul programme est la haine de la France et des Français non issus de leur immigration de référence. Le désir d’avenir est chez ces « indigènes » imaginaires un désir de guerre civile. Qui sait si le pire n’est pas sûr…

JUDÉOPHOBIE D’EN BAS, JUDÉOPHOBIE D’EN HAUT

17 La violence judéophobe est inséparable de la propagande et de l’endoctrinement « antisionistes » mis en place par divers réseaux sur le territoire français comme ailleurs (en Europe ou aux États-Unis), liés soit aux milieux d’extrême gauche, soit aux diverses mouvances islamistes. À cet égard, la corruption idéologique de l’antiracisme et l’instrumentalisation de ce dernier à des fins antijuives représente un processus dangereux pour la vie démocratique. Certaines organisations dites antiracistes réduisent leur lutte contre le racisme à la dénonciation d’une « islamophobie » qui reste à définir précisément - et n’a guère servi qu’à interdire ou discréditer les critiques de l’Islam politique -, et surtout à la condamnation diabolisante du « sionisme » et d’Israël. L’illustration la plus caricaturale de cette dérive idéologique est fournie par le MRAP, création des milieux staliniens français, qui, d’une façon significative, a modifié à la fin des années 1970 sa dénomination, tout en conservant le même acronyme : le « Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et pour la paix » s’est rebaptisé « Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples ». La suppression du mot « antisémitisme » dans le sigle de cette officine pseudo-antiraciste en dévoile la véritable nature. Au cours des années 1990 et 2000, le MRAP est devenu l’une des principales instances de légitimation de l’antisionisme ainsi que de l’islamisme, pour peu que ce dernier s’habille d’anti-impérialisme et de propalestinisme. En privilégiant la lutte contre « l’islamophobie » et en s’engageant dans la défense des « filles voilées » [26], ou en soutenant le 20 février 2004 un Dieudonné « antisioniste » en tant que martyr de la liberté d’expression [27], son secrétaire général puis président Mouloud Aounit – non sans être contesté à l’intérieur de son association - s’est rapproché des prêcheurs islamistes « convenables » comme Tariq Ramadan, accueilli triomphalement au Forum social européen des 13 et 14 novembre 2003 [28]. De telles agences de propagande et de délation pervertissent le débat démocratique en France en organisant, au nom de « l’antiracisme », des campagnes de diffamation ou des chasses aux sorcières contre diverses personnalités du monde intellectuel et politique qui, selon des critères relevant du terrorisme intellectuel, ne pensent pas « bien ». C’est là confondre la nécessaire lutte contre toutes les discriminations avec l’imposition d’une orthodoxie liée à un système légal de répression des opinions hérérodoxes. À la peur de l’islam conquérant s’ajoute, chez les citoyens français non musulmans, la crainte de paraître islamophobe et, partant, d’être montré du doigt, voire poursuivi devant les tribunaux. L’intimidation est totale, le terrorisme intellectuel est redevenu, après l’ère stalinienne et moyennant quelques bricolages ingénieux, une machine idéologique en parfait état de marche.

18 De nouvelles élites antijuives – camouflées derrière leur masque « antisioniste » - se sont ainsi formées dans la plupart des démocraties occidentales, en même temps qu’un néo-antiracisme antijuif s’y est constitué. Il s’agit, pour ceux qui observent et analysent ces phénomènes inquiétants, de mieux comprendre les relations entre la judéophobie sociétale « d’en bas » et la judéophobie des élites, celle qui se diffuse désormais, portée par les mobilisations propalestiniennes et israélophobes, chez les intellectuels et les artistes, dans l’espace médiatique et dans la culture politique. Mais la vague judéophobe « d’en bas » ne touche pas le « peuple français » dans son ensemble. Ce qu’on persiste à nommer « l’antisémitisme » n’est pas un phénomène populaire. En ce sens, il faut reconnaître que la société française n’est pas antijuive, ou du moins qu’elle ne l’est plus comme elle avait pu l’être à l’époque de l’affaire Dreyfus. Seuls certains secteurs bien déterminés de la population française sont touchés par la récente vague antijuive portée par l’antisionisme radical et son islamisation croissante.

19 Disons, pour aller vite, que le vieil antisémitisme politico-religieux à la française survit dans les classes moyennes et supérieures, qui prennent soin cependant d’euphémiser leur discours - d’où le peu de visibilité de la judéophobie des élites traditionnelles dans l’espace public. L’antisionisme radical, postulant que tout Juif est un sioniste (serait-il caché ou honteux) et visant la destruction de l’État juif, est observable dans tous les milieux sociaux, mais il s’exprime surtout, avec une forte intensité polémique, dans certaines mouvances de l’extrême droite et de l’extrême gauche, et bien sûr dans certaines populations issues de l’immigration et spatialement ségréguées, particulièrement soumises à l’endoctrinement et à la propagande islamistes. On observe dans ces milieux une montée de la jalousie sociale, alimentée par divers stéréotypes, dont celui du « Juif riche », celui du Juif puissant dans la finance, la politique, les médias. D’où le raisonnement-type qu’on rencontre dans certains entretiens semi-directifs avec des « jeunes » marginalisés : « Si nous sommes malheureux, pauvres, exclus, sans travail, c’est de leur faute ». Les Juifs sont accusés de prendre toutes les places (les bonnes), d’occuper tous les postes désirables. S’ajoute l’accusation classique de la « solidarité juive » : « Ils se tiennent entre eux ». Les antijuifs convaincus voient les Juifs (ou les « sionistes ») comme une espèce de franc-maçonnerie ethnique, pratiquant le népotisme à tous les niveaux, dans tous les domaines, et organisant dans les coulisses un système pervers de manipulation des esprits. « Ils sont partout », « Ils ont le pouvoir », « Ils nous manipulent » : thèmes d’accusation fantasmatiques exprimant un paranoïa socialement banalisée. Dans le jeu des passions antijuives, le ressentiment mène la danse : une haine accompagnée d’un sentiment d’impuissance, qui ne cesse de l’aiguiser comme de l’aiguillonner. La jalousie sociale en est la traduction courante. Mais il faut creuser plus profondément. L’essentiel sur la question a été exposé par Elias Canetti qui, en 1960, disait des Juifs : « Ils ont suscité l’admiration parce qu’ils existent encore. (…) Il leur avait été donné le maximum de temps pour disparaître sans traces, et pourtant ils existent aujourd’hui plus que jamais ». L’admiration, saisie par l’envie et le ressentiment, tourne vite à la haine. Comment peut-on encore être juif, en Israël ou ailleurs ? C’est la question qui taraude toujours l’esprit des ennemis des Juifs.

20 Le phénomène inquiétant ne se situe donc pas dans la société globale : il n’est ni dans la permanence des passions antijuives (de tradition catholique/réactionnaire ou de tradition anticapitaliste/révolutionnaire), ni dans les résurgences du vieil antisémitisme politique d’obédience nationaliste. Le phénomène inquiétant réside dans l’irruption de la judéophobie par la porte de derrière, par les banlieues et les « quartiers sensibles », porté par le nouveau Lumpenproletariat issu de l’immigration, endoctriné à la haine des Juifs et de la France par les prédicateurs islamistes, encouragé dans leurs actions violentes par les agitateurs du nouveau gauchisme « anticapitaliste » et islamophile. Le propre de ce Lumpenproletariat émergent, c’est qu’il oscille entre la délinquance, petite ou grande (de l’économie parallèle au grand banditisme), et l’action jihadiste, c’est-à-dire le terrorisme au nom de l’Islam. Le tueur islamiste Merah est devenu l’emblème de ce type humain émergent, dont les pulsions criminelles, stimulées par un fort ressentiment à l’égard de la société d’accueil, sont légitimées et transfigurées, dans le cadre d’un Islam politique centré sur l’appel au jihad « contre les Juifs et les croisés », par la « défense » des Palestiniens-victimes. Ainsi, en assassinant des enfants juifs, Merah affirmait-il vouloir « venger les enfants palestiniens ». Pour parler comme Marx, disons que ce nouveau Lumpenproletariat islamisé ou islamisable est l’allié objectif de tous les ennemis de l’Occident libéral/ démocratique, des Juifs et du peuple français, ennemis qu’on rencontre dans toutes les classes sociales et dans toutes les mouvances politiques, bien qu’ils soient surreprésentés dans l’extrême gauche « révolutionnaire » et la gauche démagogique. Pour comprendre la nouveauté du phénomène, il faut supposer l’existence, dans le champ des opinions et des croyances idéologisées, d’une forte corrélation entre la haine de l’Occident (l’hespérophobie), la haine de la France (la francophobie) et la haine des Juifs (la judéophobie).

21 La question, ironique et grave, a été posée à propos du mouvement « altermondialiste » : un autre monde, sans antisémitisme, est-il possible [29] ? Et corrélativement : un mouvement « altermondialiste » sans haine des Juifs est-il possible ? Plus généralement : une autre Europe, moins israélophobe, est-elle pensable ? Mais une question plus modeste se pose, qui nous touche directement : une autre France, sans islamisation judéophobe croissante, est-elle possible ? À ces questions, il n’y a pas de réponse optimiste, il n’y a qu’une réponse volontariste. Lucidité, fermeté, détermination et courage plutôt qu’abandon aux rêves de lendemains qui chanteraient l’amour d’Israël et la paix universelle. Les Juifs n’ont jamais eu autant de raisons de lancer à leurs ennemis, comme Golda Meir naguère aux dirigeants palestiniens rêvant d’un « israélicide » : « Je comprends bien que vous voulez nous rayer de la carte, seulement ne vous attendez pas à ce que nous vous aidions à atteindre ce but. » Mieux vaut souffrir de n’être pas aimé que disparaître sous les applaudissements de ses ennemis. Il est dangereux de croire que la marche de l’Histoire récompense les postures morales et les démonstrations de vertu. Faut-il rappeler le mot de Renan, qui sonne comme un avertissement ? : « L’histoire est tout le contraire de la vertu récompensée ». Le courage est sa propre récompense.


Date de mise en ligne : 30/01/2013

https://doi.org/10.3917/oute.033.0157

Notes

  • [1]
    Philosophe, politologue et historien des idées, directeur de recherche au CNRS, Paris, Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF). Cet article s’inspire, en les actualisant, d’analyses exposées dans deux de mes livres récents : La Nouvelle Propagande antijuive. Du symbole al-Dura aux rumeurs de Gaza, Paris, PUF, 2010 ; Israël et la question juive, St-Victor-de-Mor, Les provinciales, 2011.
  • [2]
    Cf. Robert S. Wistrich, Antisemitism : The Longest Hatred, Londres, Thames Methuen, 1991.
  • [3]
    Cf. Léon Poliakov, De Moscou à Beyrouth. Essai sur la désinformation, Paris, Calmann-Lévy, 1983, pp. 13, 178.
  • [4]
    Cf. Pierre-André Taguieff, La Judéophobie des Modernes. Des Lumières au Jihad mondial, Paris, Odiel Jacob, 2008, pp. 262-308 ; id., La Nouvelle Propagande antijuive, op. cit., p. 229-374 ; id., Aux origines du slogan « Sionistes, assassins ! ». Le mythe du « meurtre rituel » et le stéréotype du Juif sanguinaire, Paris, Les Études du CRIF, n° 20, mars 2011.
  • [5]
    Pour un inventaire des slogans de ce type inscrits sur des banderoles ou des pancartes, voir in Pierre-André Taguieff, Prêcheurs de haine. Traversée de la judéophobie planétaire, Paris, Mille et une nuits, 2004, le cahier iconographique (non paginé) qui contient nombre de photos prises au cours de manifestations propalestiniennes/anti-israéliennes dans le monde entre 2000 et 2003. De nombreux autres exemples in id., La Nouvelle Propagande antijuive, op. cit.
  • [6]
    Cf. Pierre-André Taguieff, La Nouvelle Judéophobie, Paris, Mille et une nuits, 2002, pp. 130-131, 140-145 ; id., Prêcheurs de haine, op. cit., p. 336 sq.
  • [7]
    Cf. Pierre-André Taguieff, La Nouvelle Propagande antijuive, op. cit., p. 183-188.
  • [8]
    Cf. Barak Ravid, « BBC : Israel is third Worst Country in the World », 17 mai 2012, <www.paltelegraph.com/world/ middle-east/77-middle-east/10571-bbc-israel-is-third-worst-country-in-the-world.html>.
  • [9]
    Sur ce traitement discriminatoire d’Israël, cf. Pierre-André Taguieff, La Nouvelle Propagande antijuive, op. cit., p. 39 sq.
  • [10]
    Cf. Natan Sharansky, « Anti-Semitism in 3 D », The Jerusalem Post, 23 février 2004.
  • [11]
    Voir Pierre-André Taguieff, La Judéophobie des Modernes, op. cit., p. 495-496.
  • [12]
    Pour une analyse approfondie des questions lexicologiques et sémantiques posées par les désignations de la haine des Juifs et leurs usages, voir Pierre-André Taguieff, Prêcheurs de haine, op. cit., pp. 18 sq., 137-200 ; id., La Judéophobie des Modernes, op. cit., pp. 83 sq., 127-131, 166-171, 175 sq., 247 sq.
  • [13]
    Pour une analyse de cette grande vague antijuive des années 2000, cf. Pierre-André Taguieff, Prêcheurs de haine, op. cit. ; id., La Judéophobie des Modernes, op. cit., pp. 9-80, 335-496 ; Walter Laqueur, The Changing Face of Antisemitism : From Ancient Times to the Present Day, Oxford, New York, Oxford University Press, 2006, p. 125-208 ; Robert S. Wistrich, A Lethal Obession : Anti-Semitism from Antiquity to the Global Jihad, New York, Random House, 2010, en particulier p. 600 sq.
  • [14]
    Par exemple : « Dieudonné victime d’un incroyable chantage à l’antisémitisme », 20 février 2004, <soutiendieudo. free.fr/article.php3?id_article=59>.
  • [15]
    Cf. Pierre-André Taguieff, La Judéophobie des Modernes, op. cit., p. 376 sq. ; CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’homme), La Lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Année 2008, Paris, La Documentation française, 2009, pp. 11, 19, 25-26, 34-41 ; Service de Protection de la Communauté Juive, <www.spcj.org/index. php?action=antisemitisme (données chiffrées, 1er semestre 2009) >. (données chiffrées, 1er semestre 2009).
  • [16]
    AFP, 13 décembre 2009 : « Racisme : hausse des actes antisémites, nomination d’un préfet coordonnateur » ; <www. lefigaro.fr/actualite-france/2009/12/13/01016-20091213ARTFIG00196-forte-hausse-des-actes-antisemites-en-france-.php>.
  • [17]
    « France : hausse des actes antisémites en 2009 », Guysen International. News, 4 février 2010 ; « Le S.P.C.J. publie les chiffres de l’antisémitisme pour 2009 : augmentation et banalisation de l’antisémitisme », 5 février 2010, <www.crif. org/?page=sheader/detail&aid=18700&artyd=2>.
  • [18]
    CNCDH, La Lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Année 2009, Paris, La Documentation française, 2010, pp. 28, 30-31.
  • [19]
    Rappelons qu’il s’agit là de l’un des critères retenus par l’Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes dans sa « définition de travail » (mars 2005) pour définir le « nouvel antisémitisme ». Cf. Pierre-André Taguieff, La Nouvelle Propagande antijuive, op. cit., p. 60-61. Natan Sharansky l’a également retenu dans son modèle de la stigmatisation antijuive d’Israël ; Cf. P.-A. Taguieff, ibid., p. 431, note 1.
  • [20]
    Site lemonde.fr, 25 janvier 2010.
  • [21]
    <www.spcj.org/index.php?action=antisemitisme>.
  • [22]
    <spcj.org/publications/rapport2010.pdf>.
  • [23]
    <spcj.org/publications/SPCJ-PRESSE-2011.pdf>.
  • [24]
    <www.tariqramadan.com/spip.php?article11912>. Mise en ligne : 22 mars 2012. Citons seulement cet extrait : « Le problème de Mohamed Merah n’était ni la religion ni la politique. Citoyen français frustré de ne pas trouver sa place, sa dignité, et le sens de la vie dans son pays, il va trouver deux causes politiques pour exprimer son dépit : les peuples afghan et palestinien. Il s’attaque à des symboles, l’armée, et tue juifs, chrétiens, musulmans sans distinction. Il exprime une pensée politique d’un jeune adulte dérouté qui n’est habité ni par les valeurs de l’islam, ni par des pensées racistes ou antisémites. Jeune, désorienté, il a tiré sur des repères qui avaient surtout la force et le sens de leur visibilité. Ni plus ni moins. Un pauvre garçon, coupable et à condamner, sans l’ombre d’un doute, même s’il fut lui-même la victime d’un ordre social qui l’avait déjà condamné, lui et des millions d’autres, à la marginalité, à la non reconnaissance de son statut de citoyen à égalité de droit et de chance. Mohamed, au nom si caractérisé, fut un citoyen français issu de l’immigration avant de devenir un terroriste d’origine immigrée. Son destin fut très tôt enchaîné à la perception que l’on avait de ses origines. Dans la provocation, il a bouclé la boucle : il s’est perdu dans cette image, autant déformée que dégradante, pour devenir “l’autre” définitif. Pour les Français de France, il n’y a plus rien de français chez l’Arabo-musulman Mohamed ».
  • [25]
    La meilleure réponse à Tariq Ramadan est due au philosophe musulman Abdennour Bidar, « Un monstre issu de la maladie de l’islam », Le Monde, 23 mars 2012, <www.lemonde.fr/idees/article/2012/03/23/un-monstre-issu-de-la-maladie-de-l-islam_1674747_3232.html>.
  • [26]
    Pierre-André Taguieff, Prêcheurs de haine, op. cit., pp. 331-332, 350, 546-547.
  • [27]
    Ibid., p. 395.
  • [28]
    Ibid., pp. 62, 559-560, 925.
  • [29]
    Cf. Holger Knothe, Eine andere Welt ist möglich – ohne Antisemitismus ? Antisemitismus und Globalisierungskritik bei Attac, Bielefeld, Transcript Verlag, 2009.

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