Couverture de OUTE_033

Article de revue

Pour rester fidèle au destin de la France

Pages 27 à 32

« En ces temps d’imposture universelle, dire la vérité est un acte révolutionnaire »
(George Orwell)
« Ni talon rouge ni bonnet rouge. Je ne veux plus en France ni jacobins ni royalistes. Je ne connais plus de partis. Je ne vois en France que des Français »
(Bonaparte 1er consul)

Encore une fois la France a rendez-vous avec son Histoire ! Notre vieux Pays se trouve à nouveau confronté à son destin !

1 Les archives de l’humanité nous ont appris que les empires ou les sociétés qui ont perdu la maîtrise de leurs valeurs et ont laissé le doute pénétrer dans leur esprit, ont condamné leur avenir et ont connu la sanction de la décadence conduisant à la mort de toute civilisation. Ainsi Rome a perdu la force de son État prestigieux et l’équilibre d’une société encadrée et fondée sur un ordre du Droit. Le coup fatal a été porté au régime et à l’Empire par le péril extérieur de la sape de la Nation par les barbares et par le péril intérieur de la dissolution des mœurs publiques et privées. Il en fut de même de la Grèce antique qui a connu la chute par l’effet de l’épreuve de la guerre civile dans une nation désunie. Dans les deux cas, il a été trop tard pour sortir de l’impasse dont la seule issue possible a été la mort du système.

2 De nos jours, deux dangers mortels menacent l’intégrité et l’avenir de notre Patrie. Certains croient s’exonérer de leur responsabilité en faisant croire que la crise mondiale est à l’origine de notre désagrégation. Certes sa gravité complique sérieusement la prise de conscience de nos problèmes. En réalité le péril principal est intérieur à notre pays. Il résulte de la division de la nation, entre clans partisans, et de l’ambition impuissante des gouvernants successifs qui s’efforcent de camoufler leur inefficacité dans la débauche d’une communication, plus proche de la propagande que de la vérité d’information.

3 En fait, la sanction ainsi subie exprime une sorte de revanche des démons installés dans l’État. L’exercice du pouvoir a glissé du peuple aux apprentis partisans, privés de la confiance d’une grande partie des citoyens. L’argent devenu maître du jeu impose la loi du veau d’or à l’économie et à la politique. L’image rend fous ceux qui en jouissent abusivement.

4 Les Français sentent le piège se refermer sur leur présent autant que sur leur avenir. Dans les épreuves précédentes, les Français avaient réagi en prenant appui sur l’État de la nation. Aujourd’hui le gouvernement donne une piètre idée d’un État affaibli, aux prises avec un stérile combat fratricide entre les partis politiques et, qui ne pouvant agir sur des forces contraires, se réfugie dans des gesticulations inefficaces. Cette mascarade est aggravée par une avalanche d’affaires troubles qui révèlent la profondeur du mal au cœur même de l’État. L’ambition du maintien au pouvoir qui aveugle le sommet de l’État et l’individualisme des citoyens réfugiés dans leur pré carré entraînent une dislocation de la nation, gangrenée par de nouvelles féodalités, territoriales et corporatives, et par l’oligarchie arrogante des partis politiques.

5 Les dirigeants de la classe politique ne survivent que par la surenchère sur le parti adverse grâce auquel ils trouvent un moyen d’exister et de se faire valoir. Les médias, grisés par le vent changeant, annonciateur des tempêtes, tournent comme des moulins fous, à défaut de pouvoir contribuer à la réflexion salutaire. Quant aux concitoyens, au mieux apeurés, au pire écœurés, ils ne disposent plus que du rejet rageur de tous les bonimenteurs de droite ou de gauche. De jour en jour de nouveaux périls se font plus agressifs. Le choc issu de la déflagration mondiale des milieux bancaires et financiers vient heurter notre pays déjà affaibli dans ses bases politiques, socialement, économiquement et surtout moralement. L’évolution s’accélère, non plus seulement par le mouvement d’un tapis roulant, mais par l’entraînement dramatique d’un toboggan. La diminution des moyens de vie et du pouvoir d’achat des ménages et des individus développe le doute et la peur qui sont le mal suprême d’une nation.

6 Or cette nation doit faire face à l’augmentation constante et désordonnée d’une immigration, encore compliquée par le surgissement d’un Islam offensif qui oppose la charia à la laïcité républicaine et fait naître le germe d’une guerre civile identitaire. Le peuple en effet n’est pas disposé à adhérer spontanément à la médiocre théorie du métissage inventée de façon fumeuse par les gouvernants qui ont perdu le sens et l’esprit de la nation.

7 Alors face à ces défis, comment ne pas être déçu devant la seule pitoyable réaction de la classe politique qui propose le jeu stérile du bipartisme ! Comment les Français en compétition pourraient-ils accepter la formule hémiplégique au moment où ils sont invités à courir après la croissance ?

8 La mauvaise note financière de la France n’est pas qu’une honte. Sera-t-elle un choc fatal ou salutaire ? Comme citoyens nous souffrons pour la blessure de notre cœur de Français, comme patriotes nous voulons combattre et réagir, les poings fermés de colère mais les yeux ouverts, dans l’espoir de reconquête de l’honneur de notre destin.

Mais la France n’a pas le dos au mur. La France a un destin auquel elle doit se montrer fidèle !

9 Il ne faut pas confondre le destin d’un pays avec un quelconque déterminisme historique. La France est vivante depuis 2000 ans, selon une longue trajectoire qui a conduit son peuple jusqu’à la situation actuelle mais l’avenir n’est ni automatique ni linéaire, il n’est écrit nulle part et il dépend de l’action des contemporains. Il ne suffit pas de « se livrer en aveugle au destin qui nous entraîne » (Racine, Andromaque). Il importe de servir la finalité de son destin à condition de le précéder en l’orientant, en l’influençant, en le méritant. Les Français ont tort de regarder la période actuelle avec une sorte de myopie. Il est nécessaire de prendre appui sur notre passé, porté par des milliers de générations, pour tracer les voies incertaines de notre avenir. À travers les nuages lourds et noirs qui s’accumulent au-dessus de nous et du monde, il ne faut pas désespérer d’apercevoir des trouées du ciel qui nous indiquent que l’avenir dépendra de ce que nous voulons qu’il soit.

10 Notre France est pleine de vie et capable d’un nouvel élan. Dans cet esprit il est bon de jeter un coup d’œil sur notre histoire et de considérer autour de nous dans quelques pays européens des exemples toniques.

11 L’Ancien Régime monarchique, devenu usé et impotent, a fait surgir, par ses fautes et sa pusillanimité, la Révolution française. Celle-ci, une fois enfermée dans l’impasse de la Terreur, et après avoir subi la banqueroute, a fait naître Napoléon qui a su inscrire quelques masses de granit sur le sable d’un pays ruiné. En 1940, la tragique défaite n’a pas réussi à éteindre l’étoile du 18 juin qui a conduit les Français à la Libération. En 1958, l’État, une fois rétabli, a généré une république rénovée. Ainsi le cycle de la décadence a toujours engendré la possibilité d’un nouveau départ.

12 Mais il faut faire attention au refus du courage dans l’effort qui conduit à de nouvelles épreuves. Ainsi de même que Turgot ou Necker n’ont pas réussi à convaincre Louis XVI d’engager des réformes indispensables, de même, en 2004, le ministre de l’Économie et des Finances a donné mission à M. Michel Camdessus, ancien directeur général du Fonds Monétaire International, de procéder à une « appréciation de la situation et des perspectives économiques et financières de notre pays, en vue de préciser les contours d’une stratégie pour la croissance, en soulignant les obstacles de nature à entraver le dynamisme de notre économie ». Ce même ministre, devenu Président de la République, n’a pas cru devoir donner suite aux propositions pourtant très précises et à la conclusion de cet éminent expert : « nous sommes subrepticement engagés dans un processus de décrochage qui peut nous conduire, si rien n’est fait, à une situation, à terme d’une dizaine d’années, difficilement réversible » (Le Sursaut, La Documentation française). Une telle absence de réaction est autant une faute grave contre la nation qu’une tromperie contre son peuple.

13 Autour de nous, l’Allemagne est un exemple et un reproche. En 2003, la spirale de la faillite l’avait menacée comme la France. Or, la réaction des dirigeants politiques a changé le profil de la pente, en quelques années. Le courage du chancelier Schröder, agissant contre son intérêt personnel et celui de son parti, n’a voulu voir que la chance de son pays pour prendre de vitesse la chute prévisible. La grande alliance des partis politiques a redressé durablement la situation. Sept ans après, l’Allemagne progresse en tête de l’Europe, tandis que la France glisse sur sa pente fatale : l’une a un commerce extérieur excédentaire, l’autre subit un déficit exceptionnel aggravé chaque année. Il en est résulté un contraste flagrant en ce qui concerne l’emploi et plus particulièrement celui des jeunes, opposant l’Allemagne à la France, dans leur avenir respectif. Le fameux couple, moteur de l’Europe, est devenu mal assorti, car chacun évolue sur sa propre voie.

14 Il existe toutefois un chemin pour le salut public.

15 Lorsque la situation a pris une mauvaise tournure, et que la responsabilité de la classe politique est lourdement engagée, alors le peuple doit reprendre son pouvoir souverain, tombé imprudemment dans des mains indignes. L’appel aux citoyens s’impose, car, dans les grandes épreuves, les Français n’ont jamais accepté de se coucher devant l’oppression, qu’elle soit militaire ou politique, ou devant la manipulation de l’opinion.

16 Ainsi les « Sans-culottes » de 1789, les Volontaires de l’An II à Valmy, les Résistants autour du martyr Jean Moulin, le rassemblement spontané d’un million de citoyens sur les Champs-Élysées, le 30 mai 1968, répondant à l’appel du chef de l’État. Ces événements ont montré la capacité du peuple français à déjouer la pente défavorable et à démasquer les imposteurs impuissants, pour retrouver le destin de la France.

17 Plus récemment en 2011, les émeutes des pays arabes contre les tyrans totalitaires ont témoigné du combat pour la liberté, mais sans pour autant pouvoir assurer le relais démocratique. De même une originale expérience en Inde, en août de la même année, a révélé le pouvoir d’un homme de 74 ans, Anna Hazare, qui a revêtu le style et l’habit de Gandhi, pour imposer au Congrès parlementaire une politique contraire à la corruption. Une grève de la faim et une large mobilisation de la population ont fait plier le gouvernement face à cette croisade anticorruption.

18 Il est regrettable, mais peut-être inévitable, que la colère du peuple ne puisse intervenir qu’après une longue période de soumission, de démission, de renoncement, qui encourage l’imposture politique installée dans la place.

Comment sortir de l’impasse, en dehors des ambitions personnelles ou partisanes ?

19 En effet, les partis politiques, placés dos à dos ou face-à-face, sont incapables de se libérer de la répulsion ou de l’attraction morbide que chacun éprouve vis-à-vis de l’autre. La veille d’une élection présidentielle ne fait qu’exciter les faux-semblants, les surenchères faciles et les mensonges convenus. Tout est bon pour l’emporter sur l’autre et non pour sortir le pays de l’ornière. Les démons de la démagogie se déchaînent dans une lutte de Jocrisses, qui fait regretter le combat des Titans d’autrefois. Il faut savoir que tout est possible, même et surtout le pire, si le jeu malsain d’une fausse alternance recommence. Il ne faudrait pas permettre aux pyromanes de se transformer en pompiers.

20 Après une longue période de tromperie, on ne peut plus se contenter de reconstruire le pays comme en 1945 ou de réhabiliter « un État qui en soit un » comme en 1958. C’est une véritable mutation qu’il faut engager, non pas seulement sur le plan des institutions mais par rapport aux comportements individuels et collectifs. Il ne s’agit pas d’une rupture mais d’une réelle conversion socio-politique, car nous devons changer sans renoncer à notre passé. La crise mondiale ne doit pas servir d’alibi camouflant les responsabilités gouvernementales. On sait bien que cette épreuve est une punition méritée par les États, les milieux financiers et les experts, incapables de démêler le vrai du faux et de dissiper le brouillard qui entoure les sommets internationaux, dont l’utilité se résume souvent à la photo de famille de complices satisfaits. La crise ne peut pas réduire ni exonérer la responsabilité des gouvernements, elle l’aggrave plutôt car il appartient à chaque État de faire les réformes exigées, afin de se redresser pour faire face à la tourmente. Cela revient tout simplement à travailler en regardant au-delà des minuscules échéances électorales et à préserver la valeur morale suffisante pour entraîner la confiance du peuple.

21 Lorsque la tempête est là, les partis politiques, qui ont fait leurs preuves les uns et les autres, doivent céder la place à une équipe gouvernementale de grands serviteurs de la nation, placés au-dessus de la mêlée électorale et à l’écart de tout soupçon, conformément aux souhaits du peuple souverain. L’union nationale se trouve dès lors en charge du salut public.

22 Peut-on attendre ou peut-on espérer une révolution pour se libérer de ces sables mouvants ? Certes un clash explosif permettrait d’agir avec les mains plus libres et de frapper un grand coup. De nos jours le peuple avili, méprisé, paupérisé et surtout anesthésié ne se soulèvera pas aisément, car, tel Gulliver à Lilliput, ce géant est fixé au sol par d’innombrables filins, notamment le confort relatif d’un mode de vie pourtant éphémère et la possibilité de se débrouiller individuellement sans vergogne, en profitant de l’assistance pour les plus démunis et du mauvais exemple d’en haut.

23 Le Deus ex machina révolutionnaire n’arrivera pas facilement. Au surplus il est inutile de s’adresser aux élites actuelles, politiques ou médiatiques, pour trouver des remèdes aux problèmes de la société française, car ces élites, ou plutôt ces oligarchies, ne sont plus républicaines et profitent à titre personnel du désordre grandissant pour accroître leur petite rente.

24 Toutefois, si la classe politique persiste à ne pas comprendre qu’il n’est plus temps de parader et que la foire aux vanités est terminée, un mélange explosif peut se produire : l’aggravation du chômage massif, la réduction drastique des ressources financières de chacun, le scandale flagrant des inégalités croissantes, les turpitudes étalées sans honte, le coin de l’Islam enfoncé dans la nation, le tout sur fond de crise de l’euro dans une Europe défaillante. Si on ajoute l’électrochoc d’une réduction sévère de la notation de la France et la menace d’une banqueroute financière, alors un tel amalgame peut servir de détonateur permettant le changement de société politique. Le mensonge d’État ne pourra pas résister à la persistance des faits économiques plus têtus que jamais.

25 De même que le Titanic ne pouvait pas éviter l’iceberg par de légères modifications du cap, de même on ne pourra pas éviter une révolution, au plein sens d’une remise en orbite.

26 Si nous voulons retrouver la paix civile républicaine, car la pression extrémiste est placée en embuscade, il nous reste donc à préparer la révolution pour qu’elle soit aussi pacifique que possible. À cet effet il faut apprendre à dire non, à dire stop, à la mort de l’État républicain déjà annoncée en 1947 par Michel Debré, et qui est bien avancée aujourd’hui.

27 Le désir d’agir dans un sens constructif existe dans la nouvelle génération, mais notre pays, comme la Chine communiste d’antan, reste conduite par des gérontocrates (quelle que soit leur fausse allure d’hypocrites vieux beaux).

28 Ce sera alors le moment de vérité pour prendre conscience que l’on a touché le fond et qu’il faut remettre l’honnête homme au centre de la vie sociale et publique. Il faudra du temps, cinq à dix ans, pour qu’un gouvernement d’union nationale, libéré du carcan des partis politiques, aide la France à sortir du marécage et à retrouver la voie de son destin.

29 Le redressement passe par plusieurs étapes de prise de conscience :

30 Un constat : le mouvement de réformes ne marche pas et l’imposture défigure notre vie publique.

31 Un besoin de changement et de retour à l’esprit de la République.

32 Des propositions concrètes pour la sauvegarde de nos institutions.

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