Notes
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[1]
EIPF and Law School, Université de Ljubljana.
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[2]
Le cadre avait été élaboré en 1990-1991, soit avant l’indépendance politique. Un système simple, transparent et non discrétionnaire d’impôts directs avec la loi sur l’impôt sur le revenu et la loi d’imposition du profit. L’encadrement du système monétaire et financier, les lois sur la Banque de Slovénie, la loi sur les institutions bancaires et d’épargne, la loi sur les opérations de change, la loi sur la réhabilitation des banques et des institutions d’épargne vinrent avec la déclaration d’indépendance de juin 1991. Après l’indépendance, ce furent les lois d’encadrement de l’activité économique (loi sur les sociétés) et les modalités de régulation du monde des affaires comme d’application et de résolution des contentieux (faillite, compétition).
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[3]
L’opposition entre « thérapie de choc » et « gradualisme » en tant que modèles de transition n’est pas une bonne base pour regrouper les pays en catégories. D’abord, les transitions furent plutôt des mélanges d’éléments ressortissant aux deux méthodes ; ensuite, ce qui relevait d’un modèle dans un cas relevait de l’autre dans un cas différent quand l’élément n’était pas consubstantiel aux conditions initiales qui elles prévalaient réellement.
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[4]
La préoccupation des leaders et du peuple slovène confrontés à la désintégration de la Yougoslavie et à la création d’un pays nouveau allait aussi tempérer les tensions entre les élites ancienne et nouvelle et affecta la transition économique. Tandis que le public et nombre de politiques martelaient le slogan, extrêmement populaire, de la « grave exploitation » subie au sein de la Yougoslavie, le gouvernement calculait pour sa part les coûts et les bénéfices de l’indépendance. Marché réduit ; restriction de l’approvisionnement en matières premières et en produits finis bon marché à partir du reste de la Yougoslavie ; liquidation des relations commerciales avec les sociétés yougoslaves ; perte probable de biens possédés dans d’autres parties de la Yougoslavie ; moindre intérêt des investisseurs pour un marché de petite taille. Autant de contraintes pesant sur la sécession. Il était aussi évident que la résolution des questions comme la dette extérieure, la dette intérieure libellée en devises étrangères, les réserves en devises étrangères, les actifs non financiers de la Fédération, les 2 500 accords bi- et multilatéraux sur les quotas à l’exportation, les licences de transport et le contrôle aérien pouvait prendre des années. Les bénéfices relevaient plus du potentiel que de la réalité. Mais avec l’indépendance, la Slovénie pouvait éviter l’agitation politique yougoslave, améliorer les perspectives de la transition, permettre l’exercice de politiques économiques appropriées et faciliter l’intégration à l’Union européenne. À l’automne 1990, les bénéfices potentiels apparurent comme supérieurs aux coûts économiques et sociaux, l’indépendance devenant un « cas d’urgence », une condition sine qua non pour la démocratisation et le changement de système.
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[5]
On avait le choix entre un taux fixe et un taux de change flottant. Même si les théories n’apportaient pas de réponse définitive, une majorité d’experts étaient d’avis qu’un taux de change fixe convenait mieux aux pays en transition ou bien ils proposaient une parité à crémaillère, voire une caisse d’émission.
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[6]
Résultat assez prévisible des privatisations formelles massives, une structure de la propriété faite d’initiés, de petits propriétaires dispersés, d’institutions privées et détenues par les institutions financières étatiques et de relativement peu de propriétaires étrangers. Une partie considérable de l’économie était restée propriété directe ou indirecte de l’État. La privatisation théorique fut suivie d’une lente consolidation progressive de la propriété laquelle autorisait toutefois les ingérences politiques. Bien que discrètement mobilisée par les gouvernements précédents, l’ingérence allait s’envoler avec le gouvernement élu en 2004 malgré la rhétorique néolibérale sur le « retrait de l’État hors de l’économie ».
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[7]
L’auteur de ces lignes et du document « P2 » allait démissionner en tant que vice-Premier ministre au mois de mai 1991 en raison de disputes sur la privatisation ; il ferait partie du conseil de direction de la nouvelle Banque centrale.
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[8]
Le groupe Sachs allait se réorienter en faveur d’un taux de change flottant sans restriction à travers un mémorandum du 8 octobre 1991, alors que le taux de change flottant avait déjà été introduit.
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[9]
Bien que les ex-pays socialistes aient considérablement différé dans leurs moyens d’effectuer une transition couronnée de succès, tous ont subi une contraction de leur production allant au-delà de la « stabilisation macroéconomique » attendue. La disparition des biens de « pure production socialiste » de Leszek Balcerowicz, la perturbation des mécanismes de coordination macroéconomique, l’incapacité à répondre rapidement au passage d’un marché des vendeurs à un marché d’acheteurs, la désintégration des fédérations commerciales, des politiques macroéconomiques erronées et des exagérations statistiques furent autant de facteurs responsables d’un déclin énorme de la production. La Slovénie fut très vraisemblablement le pays le moins touché par la perturbation de la coordination et par le passage au marché d’acheteurs. En effet, la coordination de l’économie était depuis nombre d’années décentralisée ; dès les années 1980, l’impact d’une demande insuffisante prévalait sur l’éventualité d’une pénurie d’approvisionnement ; et la notion même de « surliquidité » était inconnue.
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[10]
Les exportations dépassaient la consommation privée, celles en direction de l’Allemagne dépassant à elles seules la consommation par le gouvernement ou la demande d’investissement. Qui plus est : la structure de la demande sur un minuscule marché intérieur différait substantiellement du schéma d’approvisionnement adapté à l’ex-marché yougoslave alors que la structure des ventes à ce dernier ressemblait beaucoup plus à celle du schéma d’exportation.
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[11]
La Slovénie se distinguait d’autres pays d’Europe centrale et orientale par une approche prudente en matière d’acquisitions d’IDE et elle conserva la propriété de nombre de sociétés financières et non financières.
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[12]
Dans la première moitié de 1992, la politique monétaire était hautement restrictive ; d’octobre 1991 à juin 1992, la masse monétaire créée allait décroître de 40 % et les opérations de change devinrent le seul canal de création monétaire ; le ratio des réserves en devises étrangères de la Banque de Slovénie passa de 0,04 à 1,70, le ratio du total des réserves et de M1 (monnaie en circulation + dépôts à vue) de 0,31 à 1,35. La régulation de la masse monétaire et des liquidités bancaires se déplaça de la manipulation de réserves requises aux opérations de marché ouvertes et à l’encadrement prudentiel ; la part des réserves requises pour toutes les réserves bancaires baissa de 0,71 à 0,08.
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[13]
Cf. Velimir Bole, « Strategy for entering the euro area », in Velimir Bole, Landis Mac Kellar (éd.), From Tolar to Euro, Ljubljana, Center of Excellence in Finance, 2010, p.23-47.
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[14]
Cf. Božo Jašovič, « Cash changeover exercise », ibid., p. 113-120.
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[15]
Cf. Andrej Rant, « Program for the introduction of the euro », ibid.
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[16]
Cf. Jože Mencinger, « Tolar in evro », Gospodarska gibanja, 291, février 1998, p. 26-40.
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[17]
Cf. Kai A Konrad, Holger Zschäpitz, « The future of the Eurozone », CESifo Forum, 46-49, 2011.
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[18]
Des calculs hypothétiques ont convoqué un modèle « yougoslave ». D’abord, il y aurait péréquation des taux de TVA et d’accise. Ensuite, au gouvernement « fédéral » de Bruxelles reviendraient 50 % des rentrées générées par les impôts indirects s’élevant à 6,5 % du PIB des États membres. Les rentrées « fédérales » seraient mobilisées à égalité pour tous les citoyens de la fédération ou répartis sur les États membres en fonction de la taille de leur population au sein de l’union budgétaire. Dans ce cas, le PIB de 8 pays membres baisserait et celui de 9 autres augmenterait. Le Luxembourg perdrait le plus : 4,37 %, l’Allemagne 0,44 %, la France 0,47 %, l’Irlande 2,46 %, les Pays-Bas 1,40 %, l’Autriche 1,08 % et la Finlande 1,29 %. D’un autre côté, le PIB des petits « nouveaux États membres » (2004) augmenterait substantiellement : 11,45 % pour la Slovaquie, 8,97 % pour l’Estonie, 4,10% pour la Slovénie. Mais il augmenterait aussi chez certains « anciens États membres » : 2,41% pour la Grèce et Chypre, 4,91% pour le Portugal, 1,16 % pour l’Espagne, et 0,40 % pour l’Italie. Cf. Jože Mencinger, « Evro, fiskalni pakt, fiskalna unija », Gospodarska gibanja, 441, novembre 2011, p. 10-22.
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[19]
Comme je ne parvenais pas à comprendre pourquoi nous devions célébrer notre abandon des attributs économiques de la souveraineté d’un pays nouveau, on me présenta comme un eurosceptique. Tout cela parce que je mettais en doute la pérennisation de l’UE et de l’UEM pour l’éternité et du moment où je me demandais si semblables unions tiendraient non seulement dans les périodes de faste mais dans celles de marasme.
1 INTRODUCTION
1 La Slovénie a été souvent présentée comme une success story de la transition. Les performances économiques étaient satisfaisantes et les coûts sociaux de la transition plutôt bas. Les raisons de cette approche vont dans deux directions principales : les conditions de départ et les structures de la transition. D’abord, nombre de paramètres de l’économie de marché existaient déjà avant 1989 : les entreprises avaient leur autonomie, les institutions de base du marché étaient là et le gouvernement avait à sa disposition beaucoup d’instruments standard de la politique économique. Ensuite, la Slovénie pouvait se permettre de réaliser avec prudence la stabilisation macroéconomique dans le pragmatisme et l’aversion au risque tout en refusant le patronage des institutions financières et des conseillers étrangers. Et pourtant, au bout de 20 ans, le pays se va se trouver dans un état d’agitation économique, sociale, politique et morale sans perspectives d’avenir claires.
2 La Slovénie fut le premier pays ex-socialiste à intégrer la zone euro le 1er janvier 2007. Ce qui mettait fin à une assez courte période de monnaie nationale – le tolar slovène, un des symboles de la souveraineté. En fait, on peut dire que la Slovénie en tant qu’entité économique fut créée le 8 octobre 1991 avec l’introduction du tolar et que le pays se transforma en province de l’Union européenne (UE) dès lors que le tolar était remplacé par l’euro le 1er janvier 2007.
3 On peut distinguer quatre périodes dans la brève histoire immédiatement contemporaine de la Slovénie. Une courte période de transition dépression. Une période de « langueur » soit un développement économique et social équilibré de 1994 à 2004. Quatre années « casino » de 2005 à 2008 avec une croissance extrêmement déséquilibrée où la success story fut remise en question. Enfin : après des années où elle convergeait de façon persistante en direction de la moyenne UE en termes de PIB per capita, l’économie slovène de petite taille et très ouverte fut durement touchée par la crise mondiale dans la période 2009-2012. Les déséquilibres, l’instabilité politique croissante et le mécontentement social de cette dernière phase ont constitué un sérieux obstacle à la récupération.
2 CRÉATION DU TOLAR ET DU PAYS
4 La Slovénie proclama son indépendance le 26 juin 1991. Une proclamation qui coïncidait avec des contentieux non résolus sur les droits de douane. Les autorités fédérales intervinrent pour essayer de s’emparer du contrôle des frontières. L’armée, toutefois, fut désagréablement surprise par la résistance. Après une semaine de combats entre elle, d’une part, les forces de défense et de police slovènes de l’autre, la diplomatie européenne allait contribuer à l’établissement d’un cessez-le-feu et d’un report de trois mois côté slovène de la concrétisation de l’indépendance. Le 8 octobre 1991, le moratoire expira et la Slovénie introduisit sa propre monnaie, le tolar slovène (SIT) ; le pays accédait à la « pleine indépendance ». En 1990 s’était produite la clôture définitive des évolutions politiques et économiques faites de tension et d’incertitude des années 1980. Mais sans que l’avenir de la Slovénie fût solidement établi, la forme de l’arrangement à venir au sein de la Yougoslavie restant inconnu. En conséquence, le nouveau gouvernement slovène en place depuis les élections d’avril 1990 commença à se préparer avec prudence à un probable effondrement de la Fédération en prenant graduellement le contrôle de la politique et du système économiques. Tout cela était fondé sur la prémisse que la politique et le système économiques yougoslaves demeuraient inadéquats et que la Fédération allait être confrontée à l’agitation politique. Ce que l’on ignorait, c’était le degré de désintégration de même que la voie et le calendrier de semblable désintégration. C’est pourquoi le gouvernement devait poursuivre trois objectifs principaux : la survie de l’économie en période de transition, la construction d’une économie de marché et l’accession aux instruments de l’exercice économique du pouvoir [2]. Le pragmatisme et la progressivité allaient être les piliers de cette politique.
5 La Slovénie qui avait fait partie de la Yougoslavie en partageait les avantages et les inconvénients comparativement aux autres pays socialistes d’Europe centrale et orientale, en particulier un système économique et politique assez spécifique fondé sur la propriété collective et l’autogestion. Compte tenu des réformes incessantes de la Yougoslavie, nombre de paramètres essentiels pour une transition couronnée de succès étaient déjà assurés, au moins en partie, avant 1989 : les entreprises étaient autonomes ; les bases du marché existaient déjà ; la macrogouvernance permettait d’utiliser les instruments économiques standard. Dans ce contexte, la Slovénie jouissait de certains avantages spécifiques : elle était le pays le plus riche d’Europe centrale et orientale avec une population ethniquement et socialement homogène, un secteur manufacturier diversifié, une agriculture où prédominait le secteur privé de même qu’un secteur des services partiellement privé, des relations bien établies avec les marchés occidentaux, sans compter la position géographique. Qui plus est, la Slovénie n’était pas complètement intégrée à la Yougoslavie : elle bénéficiait d’infrastructures très autonomes (accès à la mer, pipelines, chemins de fer, réseau de communication et de distribution de l’électricité, etc.) ; de même que la structure du commerce avec le reste de la Yougoslavie ressemblait à celle des relations commerciales avec le reste du monde.
6 En Slovénie, la transition a été envisagée de façon extrêmement progressive [3]. De fait, le gradualisme était ici un héritage de changements systémiques antérieurs, eux-mêmes enracinés dans des conditions économiques initiales et en cohérence avec les évolutions politiques. Alors que la désintégration de la Yougoslavie restait éclipsée par des considérations politiques et ethniques, ce qui prévalait dans la sécession slovène c’étaient les perspectives de transition et d’adhésion à l’Europe [4].
7 La quête d’indépendance monétaire commença en juin 1990 et se focalisait sur trois questions : les conséquences de décisions unilatérales pour le fonctionnement du système financier et les relations tant avec les autres pays qu’avec les institutions internationales ; les possibilités de système monétaire au sein d’une confédération qui avait été un temps considérée comme une solution politique viable ; de même que les perspectives d’éventuelle indépendance monétaire. Les évolutions réelles entre juin 1990 et octobre 1991 révèlent des incertitudes et de la confusion. Dès octobre 1990, des billets provisoires non signés furent imprimés secrètement et les débats se déplacèrent : il s’agissait maintenant de réfléchir au modèle et au calendrier d’introduction de la monnaie [5]. Les préparations à l’indépendance monétaire furent accompagnées par des tentatives de gérer la surévaluation d’un dinar à taux de change fixe et de répondre à une montée de l’hyperinflation. Ce qui s’illustrait parfaitement dans la loi sur l’introduction d’une monnaie parallèle rédigée le 4 février 1991. Elle envisageait une monnaie parallèle indexée sur le schilling autrichien ; la nouvelle monnaie serait mise en circulation à travers les opérations de change et flotterait par rapport au dinar. Le concept de monnaie parallèle fut abandonné en faveur d’un « certificat d’avantage à l’importation », ce qui était moins risqué et n’exposerait pas les banques slovènes à des réactions probablement furieuses des autorités fédérales. Le système fonctionnait de la manière suivante : une société d’exportation obligée de vendre des devises à un taux officiel recevrait un « certificat » susceptible d’être revendu et qui donnait au vendeur accès aux devises étrangères. L’addition du taux de change fixe et de la valeur du certificat revenait à un taux de change flottant. Au même moment, le marché noir des devises en direction des individus était aboli par légalisation de facto. Toute personne en possession de devises étrangères (principalement des « travailleurs invités » de Croatie et de Bosnie en Allemagne et en Autriche) pouvait les vendre dans les rues slovènes à un taux fluctuant au niveau du double du taux officiel. D’où un afflux de devises et un reflux de dinars en et hors de la Slovénie, donc un volume indéterminé de « réserves en devises étrangères » détenues par la population à l’intérieur ou bien dans les banques autrichiennes et italiennes. Et ce fut à la fin l’introduction de l’« écu slovène » en mai 1991, moins de deux mois avant la proclamation de l’indépendance, une mesure de compte à laquelle les parties à des transactions économiques pouvaient adhérer. Sa valeur devait être déterminée en fonction de la valeur moyenne hebdomadaire du « certificat » à la bourse de Ljubljana. La Slovénie, de cette façon, établissait indirectement une zone monétaire indépendante avec taux de change flottant à l’intérieur d’un système monétaire yougoslave lui-même fondé sur un taux de change fixe. Avec le cessez-le-feu de Brioni de juillet 1991, le calendrier de l’indépendance s’interrompit pour trois mois de façon à permettre des négociations sur l’avenir de la Yougoslavie. Rien ne se produisit et la Slovénie allait introduire sa propre monnaie le 8 octobre, avec des billets provisoires pour les transactions en cash.
8 Le mécanisme de change et le modèle macroéconomique de stabilisation de la nouvelle monnaie constituèrent avec les privatisations [6] des terrains de controverses enflammées. Le document « P2 » du gouvernement en date du 15 avril 1991 qui traitait des questions macroéconomiques de l’indépendance envisageait la plupart des dispositions qui allaient être plus tard adoptées : la conversion rapide (3 à 5 jours) du dinar en nouvelle monnaie à un cours de 1 contre 1 et la fluctuation [7]. Ce qui ne devait pas empêcher des alternatives de s’exprimer. Les partisans de la « thérapie de choc », soutenus par des conseillers étrangers, suggéraient un paquet écrasant – stabilisation des prix, taux de change fixe, budget équilibré, restructuration de la gestion du système industriel et bancaire et privatisation d’en haut – en tant que mesures d’ensemble de l’indépendance. On pensait qu’un nouveau pays pouvait s’inaugurer en tant qu’économie authentique de marché. Par exemple le document A Program for Economic Sovereignty and Restructuring of Slovenia du 21 mars 1991 proposait un taux de conversion de 10 contre 1 entre le dinar et la nouvelle monnaie comme l’indexation de cette dernière sur le mark allemand, l’ECU ou un panier de monnaies, de façon à garantir un ancrage nominal à la thérapie de choc de la stabilisation [8]. Les débats sur le taux de change approprié n’allaient pas s’interrompre, incluant les dilemmes associés à ceux concernant la zone monétaire optimale. Les participants à cette discussion se séparaient sur deux questions : la relation entre le taux de change réel et la stabilité macroéconomique, d’une part ; l’ancrage nominal de l’autre. De même pour l’opposition « indexation vs. flottement » qui traduisait également deux approches, l’une radicale et l’autre gradualiste, de la transition en Slovénie. Les premiers suggéraient une stabilisation macroéconomique formelle par la « thérapie de choc » : un taux de change fixe en tant qu’ancrage, la politique monétaire à l’appui, un budget équilibré, l’aide financière étrangère, de même que la privatisation et la restructuration de l’économie par le gouvernement. Les seconds proposaient que la politique économique reste fondée tant sur une construction progressive des institutions du marché que sur une séparation entre l’indépendance et la stabilisation économique. Il n’y aurait pas de programme formel de stabilisation et le gouvernement n’interviendrait qu’indirectement dans la privatisation et la restructuration de l’économie. Les instruments économiques de cette approche étaient les suivants : une politique des salaires solide mais flexible ; une limitation de dépenses si nécessaire rehaussées par le déficit budgétaire ; une politique monétaire habilitant un seuil tolérable de liquidité ; un régime flexible des taux de change ; le soutien du capital propre étranger ; des concessions aux investissements dans les infrastructures. L’argument était que semblable politique déboucherait sur une moindre perte de productivité et un chômage moins élevé en contrepartie d’une inflation plus élevée. Les gradualistes, associés au sein du conseil de direction de la Banque centrale, allaient prévaloir. La Slovénie opta de fait en faveur du flottement pour des raisons pratiques dès lors que le taux de change fixe ne pouvait être maintenu. Premièrement : la Banque centrale n’avait pas à sa disposition les réserves en devises nécessaires à cette fin. Deuxièmement : en octobre 1991, le taux d’inflation était de 21,5 %. Une dévaluation initiale modérée serait donc immédiatement annulée par l’inflation, alors qu’une dévaluation importante stimulerait l’inflation et menacerait de toute façon à nouveau le taux fixe. Troisièmement : il était impossible de déterminer un point d’équilibre pour le taux de change dans un nouveau pays. Quatrièmement : l’indexation allait dans ces circonstances faire obstacle aux ajustements d’un taux de change en équilibre au volume désormais requis du commerce et à la structure des échanges.
9 Le lien entre régime monétaire et taux de change était en fin de parcours ancré dans The Law on the Foreign Exchange System et The Law on the Bank of Slovenia. Ces deux dernières lois établissaient l’indépendance des autorités monétaires ; la création de monnaie devenait une variable exogène déterminée par la Banque centrale. La Slovénie allait de la sorte instaurer un système de régime de change flottant contrôlé tel que le pratiquaient pour l’essentiel les économies de marché. L’expérience allait prouver que c’était la bonne solution.
3 DU TOLAR À L’EURO
10 Transition et dépression : 1991-1993 Malgré les conditions requises et une préparation en profondeur à l’indépendance, l’économie slovène allait être durement touchée par la sécession en tant que telle et, peut-être plus encore, par les évolutions consécutives, tant politiques et économiques, chez les héritiers de la fédération. Durant les premiers mois de l’indépendance, le « choc d’offre » ajouta considérablement aux pressions inflationnistes [9]. La nécessité d’une restructuration rapide fut plus fonction de la sécession et de l’effondrement consécutif de la Yougoslavie que de la transition elle-même. La sécession allait provoquer une baisse de la production de 9,3 % en 1991 et de 6,0 % en 1992. Le chômage allant de pair avec la chute de l’activité économique : l’emploi global baissa de 5,6 % en 1992 et de 3,5 % en 1993 ; le nombre de chômeurs quadrupla environ en trois ans ; 137 000 chômeurs au cours du dernier trimestre de 1993, alors que le nombre de retraités doublait pendant la même période pour atteindre les 408 000. Ce qui impliquait dans les deux cas des transferts budgétaires sociaux. La part du secteur public dans le PIB s’éleva à 48 %. La hausse des coûts de production résultant de cette situation ne put être absorbée que partiellement par les prix, d’où des pressions inflationnistes, des pertes et des faillites.
Année | PIB mil. € | Croissance PIB % |
Demandeurs d’emploi 000 | Inflation % |
Dépenses pu bliques % PIB |
Déficit budgé taire% |
Dette publique %PIB |
Balance des paie ments %GDP |
1991 | 9451 | - 8.9 | 75.1 | 117.7 | ||||
1992 | 9678 | - 5.5 | 102.6 | 201.3 | 1.2 | 5.50 | ||
1993 | 10832 | 2.8 | 129.1 | 32.3 | 0.9 | 3.85 | ||
1994 | 12130 | 5.3 | 127.1 | 19.8 | 0.0 | 13.3 | 3.98 | |
1995 | 16025 | 7.4 | 121.5 | 12.6 | 52.6 | - 8.3 | 12.0 | - 0.30 |
1996 | 16666 | 3.6 | 119.8 | 9.7 | 44.5 | - 1.2 | 15.7 | 0.22 |
1997 | 18018 | 5.0 | 125.2 | 8.3 | 44.8 | - 2.3 | 16.9 | 0.26 |
1998 | 19430 | 3.5 | 126.1 | 7.9 | 45.7 | - 2.4 | 17.9 | - 0.56 |
1999 | 20852 | 5.3 | 118.9 | 6.1 | 46.5 | - 3.1 | 19.5 | - 3.17 |
2000 | 21533 | 4.3 | 106.6 | 8.9 | 46.7 | - 3.7 | 22.6 | - 2.69 |
2001 | 22828 | 2.9 | 101.9 | 8.6 | 47.6 | - 4.0 | 24.1 | 0.17 |
2002 | 24597 | 3.8 | 102.6 | 7.5 | 46.3 | - 2.4 | 26.1 | 1.02 |
2003 | 25819 | 2.9 | 97.7 | 5.7 | 46.4 | - 2.7 | 26.5 | - 0.76 |
2004 | 27228 | 4.4 | 92.8 | 3.7 | 45.9 | - 2.2 | 27.2 | - 2.63 |
2005 | 28731 | 4.0 | 91.9 | 2.5 | 45.3 | - 1.4 | 26.7 | - 1.73 |
2006 | 31051 | 5.8 | 85.8 | 2.5 | 44.6 | - 1.3 | 26.4 | - 2.49 |
2007 | 34550 | 6.8 | 71.3 | 3.8 | 42.5 | 0 | 23.1 | - 4.76 |
2008 | 37280 | 3.7 | 63.2 | 5.5 | 44.1 | - 1.8 | 21.9 | - 6.68 |
2009 | 35297 | - 8.1 | 86.4 | 0.9 | 49.0 | - 5.9 | 35.2 | - 1.49 |
2010 | 35415 | 1.2 | 100.5 | 2.1 | 49.0 | - 5.8 | 38.0 | - 1.14 |
2011 | 35638 | 110.7 | 1.8 | - 5.6 | 45.0 | - 1.08 |
11 La période de « langueur » : 1994-2004 En 1993, la Slovénie avait touché le fond de la dépression. Le PIB augmenta légèrement et revint à une croissance de 4 % en 1994. Au bout de trois ans, les bénéfices de la sécession prévalaient sur ses coûts. Tandis que le coût de la réorientation du commerce de marché protégé au marché de compétition demeurait significatif, la sécession avait poussé à la restructuration de l’économie, à la mise en œuvre d’une politique économique saine et permis l’établissement d’un système économique « normal ». La demande étrangère croissant aussi bien [10]. La période de dépression transition se transforma en période de « langueur » (1994-2004) avec des performances économiques satisfaisantes. L’économie enregistrait une croissance plus ou moins constante de 4 % l’année ; l’inflation était graduellement ramenée à un niveau « normal » ; le budget se trouvait pratiquement en équilibre ; la dette publique se montait à seulement 30 % du PIB ; l’excédent des services l’emportait sur le déficit commercial ; de même que les réserves de change faisaient plus que couvrir l’endettement étranger ; la cohésion sociale était maintenue. Mais les perspectives de croissance restaient incertaines ; avec l’indépendance politique, l’indépendance économique diminua plutôt que de se renforcer. La minuscule économie ne pouvait s’appuyer sur une consommation de faibles dimensions, la dépendance des exportations donc de l’économie européenne était cruciale [11].
PERFORMANCES ÉCONOMIQUES DE LA SLOVÉNIE, 1991-2011
Année |
Export (EX) mil.€ |
Import (IM) mil.€ |
Degré d’ou verture (EX+IM)/ PIB |
Position financière nette % PIB |
IDE % PIB |
Ratio crédits/ PIB |
Ratio prêts/ dépôts |
1991 | 3859* | 4131* | 0.183 | 1.17 | |||
1992 | 6683* | 6141* | 0.193 | 0.90 | |||
1993 | 6082* | 6501* | 0.894 | 0.196 | 0.76 | ||
1994 | 5756 | 6035 | 0.897 | 4.94 | 0.89 | 0.215 | 0.69 |
1995 | 6406 | 7301 | 0.855 | 2.24 | 0.79 | 0.232 | 0.78 |
1996 | 6634 | 7525 | 0.850 | - 2.51 | 0.80 | 0.249 | 0.78 |
1997 | 7408 | 8227 | 0.868 | - 2.00 | 1.51 | 0.249 | 0.74 |
1998 | 8052 | 8999 | 0.878 | - 4.33 | 1.05 | 0.289 | 0.79 |
1999 | 8031 | 9479 | 0.840 | - 9.44 | 0.27 | 0.325 | 0.89 |
2000 | 9496 | 10987 | 0.951 | - 11.81 | 0.36 | 0.348 | 0.87 |
2001 | 10347 | 11344 | 0.950 | - 1.96 | 1.12 | 0.372 | 0.79 |
2002 | 10962 | 11574 | 0.916 | 0.11 | 6.46 | 0.363 | 0.76 |
2003 | 11285 | 12238 | 0.911 | - 5.73 | - 0.59 | 0.389 | 0.82 |
2004 | 13153 | 14276 | 1.007 | - 7.80 | 0.84 | 0.440 | 0.92 |
2005 | 15471 | 16346 | 1.107 | - 11.00 | - 0.16 | 0.511 | 1.05 |
2006 | 18501 | 19227 | 1.215 | - 17.08 | - 0.68 | 0.588 | 1.21 |
2007 | 21964 | 23028 | 1.302 | - 21.33 | - 0.24 | 0.701 | 1.48 |
2008 | 23204 | 25180 | 1.298 | - 33.40 | - 0.40 | 0.763 | 1.62 |
2009 | 18768 | 19005 | 1.070 | - 35.61 | 0.63 | 0.827 | 1.60 |
2010 | 22212 | 22658 | 1.247 | - 37.12 | - 0.11 | 0.840 | 1.60 |
2011 | 20458 | 21954 | 1.190 | 0.21 | 0.829 | 1.54 |
PERFORMANCES ÉCONOMIQUES DE LA SLOVÉNIE, 1991-2011
12 Ici, la politique monétaire était cruciale pour la préservation du tolar [12] et le renforcement de son rôle dans une petite zone monétaire dominée par le mark allemand en tant que mesure de la valeur, outil d’épargne et même en tant qu’instrument de transaction.
13 Après avoir écarté avec précaution les restrictions administratives initiales, la politique monétaire allait intervenir judicieusement de façon à prévenir des appréciations nominales substantielles du tolar lesquelles pouvaient résulter de l’approvisionnement et de la demande. La pénurie d’opérations de change qui était l’état « normal » et la contrainte marquant toute croissance économique dans l’ex-Yougoslavie d’avant l’indépendance, donc une des incertitudes majeures de l’époque, se retourna dès 1994 en surabondance de l’offre. Mais de cette façon, la politique monétaire s’enfermait dans le piège d’objectifs contradictoires : tenir l’inflation sous contrôle et à la baisse ou bien prévenir une appréciation réelle du tolar. La Banque de Slovénie opta pour la prévention d’une appréciation réelle excessive, abandonnant la désinflation au jeu d’une compétition accrue. Les politiques budgétaires ont elles aussi été affaiblies par une baisse des rentrées du fait du
PERFORMANCES ÉCONOMIQUES ET COHÉSION SOCIALE
PERFORMANCES ÉCONOMIQUES ET COHÉSION SOCIALE
14 tassement de l’activité économique alors que la dépression exigeait une augmentation des transferts sociaux. Combler l’écart par le déficit budgétaire était impossible : on avait exclu de le financer par la planche à billets ; il n’y avait pas d’emprunt intérieur disponible ; l’emprunt extérieur relancerait le change et renforcerait le tolar. Avec un ratio commerce-production supérieur à 1,2 et une structure d’approvisionnement adaptée au marché de l’ex-Yougoslavie, la minuscule économie ne pouvait s’appuyer sur la consommation intérieure et les remèdes keynésiens standard.
15 Nota Bene : les performances économiques sont de plus en plus mesurées par rapport au taux d’emploi alors que la cohésion sociale apparaît ici comme fonction du risque de paupérisation. En 2007, la Slovénie appartenait au quadrant scandinave.
16 « Retour en Europe ». Tel fut le slogan de la dernière décennie du XXe siècle et l’objectif ultime de tous les ex-pays socialistes d’Europe centrale et orientale, Slovénie incluse ; la pleine adhésion à l’UE était considérée comme la panacée de tous les problèmes économiques et politiques du moment et à venir. Cet enthousiasme était fondé sur des considérations aussi bien politiques qu’économiques.
DÉPENDANCE DE LA SLOVÉNIE PAR RAPPORT À L’UE (TAUX DE CROISSANCE ANNUELS DU PIB, 1998/I-2011/I)
DÉPENDANCE DE LA SLOVÉNIE PAR RAPPORT À L’UE (TAUX DE CROISSANCE ANNUELS DU PIB, 1998/I-2011/I)
17 La démocratie politique et l’économie de marché avec de hauts standings de vie restaient pour de bonnes raisons attractives et l’UE était pratiquement le seul marché possible pour les pays d’Europe centrale et orientale. Ils n’avaient pas les moyens de s’en séparer ; d’ailleurs, ils en attendaient aussi du capital sous forme d’IDE, d’emplois bien payés et de transferts budgétaires. Nombre d’études soulignaient les bénéfices de l’adhésion par le biais de l’adaptation à un système économique supérieur, d’IDE en hausse et de subventions. C’est pourquoi les pays d’Europe centrale et orientale adaptèrent rapidement leurs politiques économiques à cet objectif. Pour la Slovénie, un nouveau « cas d’urgence », similaire à ceux de 1918 et de 1991, s’était fait jour ; certes avec un report, mais dans une poursuite en douceur du processus. Pourtant, en acceptant les « acquis » et les règlements de l’UE, la Slovénie était progressivement dépourvue de tout contrôle sur toutes les questions fondamentales : que produire ? Comment produire ? En direction de qui produire ? Avec l’adhésion à l’UE en mai 2004 et au Mécanisme de taux de change européen ou MCE2 en juillet de la même année, la Slovénie s’était privée formellement de toute politique monétaire propre et elle avait renoncé pour une bonne part à sa politique budgétaire. Sur une décennie, une économie nationale naissante s’était de nouveau transformée en économie régionale.
18 En 2000, la Slovénie entreprit les préparations à l’adhésion à l’UE et à l’Union économique et monétaire, soit la dernière phase de transition dictée par les critères de Maastricht avec un calendrier très serré et des chocs structurels initiaux [13]. Ce qui requérait des bouleversements de sa politique économique, en particulier du moment où le pays avait à déréguler et à ouvrir son marché des capitaux ; il introduisit la TVA en 1999 et assuma dès l’adhésion à l’UE en 2004 le statut de membre du MCE2. L’inflation dans le secteur protégé devint la cible de la politique monétaire par intervention sur les taux d’intérêt réel et contrôle serré du taux de change. Une politique budgétaire modifiée allait se focaliser sur trois objectifs : réduction et restructuration des dépenses globales du gouvernement ; neutralisation des chocs du prix des matières premières (hausse des prix du pétrole) par introduction de la TVA et contribution indirecte remplaçant la taxe sur le chiffre d’affaires ; restructuration de la dette publique extérieure et intérieure. Les politiques coordonnées de la Banque centrale et du ministère des Finances furent ici cruciales et couronnées de succès ; au moment d’intégrer l’UE en 2004, la Slovénie remplissait déjà quatre critères de Maastricht. Dans un communiqué du 27 juin 2004, le taux directeur du tolar était de 1 euro contre 239,640 tolars avec une marge de fluctuation de + ou - 15 %. Le Bank of Slovenia Act était ajusté aux dispositions du Traité. En février 2005, la stratégie globale d’introduction de l’euro fut adoptée formellement. Contrairement aux procédures hâtives et peu assurées de la conversion du dinar en tolar de 1991, il y eut un calendrier précis de conversion du tolar à l’euro ; la Banque de Slovénie initia les préparations bien avant la date concrète de passage en formant un Euro Cash Project Team [14]. Le passage du 1er janvier 2007 s’effectua dans la douceur ; le tolar resta monnaie légale jusqu’au 14 janvier et put être converti sans frais jusqu’au 1er mars ; la date limite d’échange par la Banque de Slovénie était fixée au 31 décembre 2016 pour les pièces et il n’y en avait pas pour les billets [15].
19 L’expérience de la Slovénie pendant l’année d’intégration est presque un cas d’école. Mais il n’est pas possible d’isoler les effets de l’euro des effets d’autres évolutions. Par exemple : arrondir les prix et corriger les prix relatifs qui étaient sous contrôle avant la conversion à l’euro revint à stimuler une inflation déjà poussée vers le haut par la montée des prix du pétrole et des produits agricoles. La croissance durable de la part slovène dans les exportations de l’UE pendant les années précédentes s’évapora et le céda à une stagnation qui peut être appréhendée en tant que conséquence de la disparition de la politique de taux de change. Cependant, l’augmentation inédite du déficit de la balance des opérations courantes peut avoir été aussi en partie provoquée par une trop forte croissance du PIB. Il est plus généralement impossible de dire si la Slovénie s’en serait mieux sortie avec le tolar ; dans une zone monétaire très étroite, l’euro allait de toute façon se substituer à lui en tant que monnaie légale.
CASINO (APPROFONDISSEMENT FINANCIER, CRÉATION DE PROSPÉRITÉ VIRTUELLE ET ENDETTEMENT ÉTRANGER)
CASINO (APPROFONDISSEMENT FINANCIER, CRÉATION DE PROSPÉRITÉ VIRTUELLE ET ENDETTEMENT ÉTRANGER)
20 La période « casino » 2005-2008. Après l’intégration à l’UE et au MCE2 la Slovénie vécut une détente et passa d’une philosophie « ancienne mode », conservatrice, « physiocratique » à une philosophie « moderne » en vertu de laquelle la méthode la plus efficace pour créer de la richesse est l’« approfondissement financier » par la recherche d’« opportunités » d’acquisitions et l’achat de titres tant sur le marché intérieur qu’à l’étranger. Le PIB allait croître de 7 % l’année grâce à une croissance de 15 % dans la construction immobilière et les services financiers ; l’épargne tourna à la spéculation sur l’investissement « hautement profitable » et les fonds de pension. Ce qui était rendu possible par un crédit en expansion annuelle de 30 % et de plus de 40 % après l’entrée dans l’euro. Les banques coopéraient et « flambaient » avec enthousiasme par l’emprunt d’argent bon marché à l’extérieur ou son acquisition dans les maisons mères ; en 2007, l’afflux de capital atteignit les 12 % du PIB ; la moitié fut utilisé à l’achat de titres à l’étranger. Fin 2008, la dette extérieure nette avait atteint les 10 milliards d’euros contre 0 euro fin 2005. La richesse collective était dévastée alors qu’il fallait continuer à satisfaire aux engagements sur le crédit. Or, étant donné la chute de l’activité économique, de plus en plus de sociétés non financières se révélèrent incapables de satisfaire à leurs engagements et un nombre croissant d’emprunts se révélèrent néfastes. Les banques, généreuses et imprudentes pendant la période casino, se firent économes et prudentes, ne pouvant accorder des crédits en raison de leur propre endettement. Les instances régulatrices, elles-mêmes indulgentes avant la crise, avaient désormais le cœur dur. L’addiction au crédit tourna à l’effondrement du crédit.
DÉPLACEMENT DE L’ENDETTEMENT EXTÉRIEUR DU PRIVÉ AU PUBLIC
DÉPLACEMENT DE L’ENDETTEMENT EXTÉRIEUR DU PRIVÉ AU PUBLIC
21 Crise : la Slovénie ne pouvait échapper à la crise, mais elle entra en crise avec des déséquilibres massifs. Ces derniers diminuaient la capacité de la politique économique à atténuer les effets sociaux de la crise et à soutenir une sortie de celle-ci. Or, la crise se présentait de la même manière dans tous les pays : l’augmentation du déficit budgétaire et de la dette publique en 2009 était le résultat inévitable d’une chute des exportations et de l’activité économique, l’assiette fiscale et les rentrées d’impôts directs et indirects s’en trouvant réduites alors que les dépenses publiques ne pouvaient suivre dans l’immédiat sauf à aggraver le phénomène. De même pour le deuxième pilier de la crise, soit le renflouement des banques, qui joua un rôle majeur : le gouvernement emprunta à l’extérieur et nantit le secteur bancaire. Le déficit budgétaire slovène était proche de la moyenne européenne et la dette du pays se situait bien en dessous de la moyenne UE, mais l’endettement se produisait à un rythme plus élevé que la moyenne UE et la chute de l’économie, elle, s’était aussi plus creusée que la moyenne. Il n’empêche que la dette publique n’était pas ici le problème actuel le plus sérieux ; bien plus grave était l’endettement total net étranger (endettement de la population, des banques, du secteur non financier et du gouvernement), l’endettement global des sociétés non financières et l’endettement du secteur bancaire à l’étranger.
22 Le niveau de l’endettement public et le fait qu’on l’ait généré jettent le doute sur les remèdes offerts par le Conseil européen – rapide consolidation du déficit budgétaire et de la dette publique, augmentation immédiate du ratio capital/actifs dans le secteur bancaire par l’Autorité bancaire européenne (ABE). Un alourdissement budgétaire et monétaire trop brutal n’aura pour effet que de prévenir une modération progressive de l’addiction au crédit des sociétés non financières et de l’endettement des banques à l’étranger. Il est clair que le gouvernement est seul à pouvoir stimuler la demande intérieure et que cela n’est possible que par une augmentation du déficit budgétaire et de la dette publique. Tous deux vont néanmoins de toute façon croître si la paralysie de l’économie se poursuit.
4 L’AVENIR INCERTAIN DE L’EURO
23 Les discussions théoriques sur l’euro ont commencé bien des années avant que la Slovénie eût l’opportunité d’intégrer l’UE ou la zone euro, donc pendant les années où l’euro naquit. Un article « Tolar et euro », publié en février 1998 et traitant du système de change et du marché du tolar à court, moyen et long terme, sortit dans une phase de vives discussions sur l’euro nouveau [16]. On allait débattre théoriquement de zone monétaire optimale, l’idée émergeant que l’euro était un projet politique sans fondement économique sain. En somme : les problèmes de l’euro allaient être liés à l’abandon de politique de taux de change dans une zone qui n’était pas une zone monétaire optimale. Les distorsions économiques et sociales entre États membres devaient s’en trouver aggravées plutôt qu’atténuées avec création de tensions et production d’accusations bien connues d’« exploitation ». Au bout de quatorze ans pendant lesquels il était indécent d’exprimer des doutes sur l’euro et sa pérennisation pour l’éternité, ces arguments économiques ont retrouvé de leur force. Or, il demeure toujours indécent de se poser la question de savoir si l’euro peut être préservé avec des coûts supérieurs aux déficits qu’il entraîne. La discussion néanmoins quant à la coexistence à venir d’une politique monétaire centralisée et d’une politique budgétaire décentralisée n’a rien perdu de son importance. Ici apparaissent trois options : la désintégration budgétaire, le pacte budgétaire et l’union budgétaire.
24 Dans le premier cas, l’union monétaire peut coexister avec une politique budgétaire décentralisée. C’est possible si les membres de l’union ne sont responsables que de leur situation économique propre et ne sont pas susceptibles de renflouement par les partenaires. Dans ce cas la Grèce serait autorisée à faire faillite et ce serait d’autant plus probable que cette banqueroute ne mettrait pas en danger les banques françaises et allemandes.
25 Dans le deuxième cas, une politique monétaire centralisée et une politique budgétaire décentralisée peuvent coexister si cette dernière est coordonnée. C’est ce à quoi se réfère la « règle d’or ». Mais l’enthousiasme pour le pacte budgétaire récemment conclu sera de courte durée et aura été de moindre durée que celui pour l’euro, symbole de succès qui s’est transformé en menace sur la construction européenne ; le pacte budgétaire ne fera que renforcer cette menace. Un pacte budgétaire veut que la politique des puissants s’applique à tous indépendamment des énormes différences de taille entre les dettes publiques, des modalités de création de ces dettes, des situations économiques et donc de la charge réelle de la dette selon les cas. Qui plus est : des politiques budgétaires coordonnées synchronisent et renforcent les cycles économiques. En bref, aux chocs asymétriques de l’union monétaire vont s’ajouter ceux du pacte budgétaire.
26 Dans le troisième cas, l’union monétaire s’accompagne d’une union budgétaire, donc d’un transfert des politiques budgétaires des « républiques » à la « fédération ». Ici, l’union budgétaire implique le fédéralisme budgétaire, soit des accords sur les tâches afférentes aux différents niveaux de gouvernement et la répartition correspondante des rentrées et des dépenses [17]. On ne pourra pas s’en tenir aux droits de douane et à la taxe Tobin sur les transactions financières ; une part « fédérale » plus importante dans la TVA et la taxe d’accise sera nécessaire. Il est peu probable que les États membres arrivent à conclure un accord sur le versant des rentrées de l’union budgétaire. Mais il est encore moins probable qu’ils parviennent à s’entendre sur les dépenses. Dans le cadre d’une union budgétaire, tous les citoyens ont un droit égal à bénéficier des services publics de la « fédération », les transferts étant proportionnels à la part des membres au sein de la population [18].
27 UE et Yougoslavie Les débats sur l’euro ressemblent malheureusement à ceux qui furent menés dans les années 1980 en Yougoslavie, alors que ce pays allait à la désintégration économique, sur des sujets tabous. C’est qu’il était notamment déconseillé à cette époque de mettre en doute le slogan « fraternité et unité » ou bien celui de l’« identité des intérêts au sein de la Yougoslavie socialiste ». Quand la Slovénie rejoignit l’Union économique et monétaire en 2007, il était de la même manière peu acceptable de mettre en doute l’« euro » et l’« identité des intérêts dans le cadre européen », alors que l’UEM n’était pas et ne deviendrait à l’évidence pas une zone monétaire optimale. Il fallait au contraire considérer l’intégration monétaire de l’Europe comme un phénomène irréversible et penser que la phase de prospérité allait durer toujours. Voilà pourquoi on n’élabora pas de dispositions juridiques permettant à un pays de quitter l’UEM, ce qui rappelle encore le cas yougoslave où n’existaient pas non plus ces dispositions juridiques ; les spécialistes de droit constitutionnel ne s’étaient-ils pas demandé quand la Slovénie avait rejoint la Yougoslavie en 1945 si la première épuisait par là son droit à décider de rester ou de partir. Ce qui ne signifie pas que la Slovénie doive sortir de la zone euro ou qu’elle obtiendrait de meilleurs résultats avec sa propre monnaie. L’adhésion à la zone euro, toutefois, devait obligatoirement être perçue comme un « cas d’urgence », comme naguère la séparation de la Yougoslavie ou l’intégration à l’UE. Que pouvait bien faire d’autre le pays ? [19]. Certes, la Slovénie ne quittera pas volontairement la zone euro en dépit des doutes que l’on peut émettre sur l’avenir de cette dernière. Et pourtant...
28 On a pu trouver indécente la comparaison entre la Yougoslavie et l’UE. Or, les ressemblances ne peuvent pas être ignorées. Commençons par l’hétérogénéité dans le niveau de développement qui pose problème quand il s’agit d’élaborer un système économique approprié et de conduire une politique économique appropriée ; justement la raison pour laquelle la Slovénie décida de se séparer de la Yougoslavie. Et puis que voulait dire au juste « un homme, une voix » et « un État, une voix » en ex-Yougoslavie ? Et enfin le plus ennuyeux, ce que j’ai nommé le « syndrome yougoslave ». À la fin, pendant la stagnation des années 1980, les gens ont commencé à se demander qui était à blâmer et qui exploitait qui. En fin de parcours, chaque république se déclarait « exploitée » par les autres. C’est ce qui monte de plus en plus en Europe ; de plus en plus d’Allemands s’estiment exploités par les Grecs, alors qu’un nombre croissant de Grecs se sont convaincus d’être exploités par les Allemands. La Yougoslavie a survécu une décennie à cette longue stagnation avant de s’effondrer. L’UE et l’UEM seront-elles en mesure de survivre à une crise d’une décennie ?
29 Il y a cependant des différences majeures entre l’UE et la Yougoslavie. L’effondrement de la Yougoslavie ne peut être isolé de la transition hors d’un socialisme à l’époque au bord de la disparition, alors que ce n’est pas encore le cas du capitalisme financier existant dans l’UE. Nombre de gens diraient en outre que les deux cas ne peuvent être comparés compte tenu de la dictature communiste qui était au pouvoir dans le premier cas et du régime démocratique actuellement en vigueur chez les Européens. Un dernier critère qui ne s’appliquait d’ailleurs que partiellement à l’ex-Yougoslavie malgré son système de parti unique : le pays était ouvert, et particulièrement en Slovénie le parti communiste s’était transformé en appareil plutôt libéral ; personne ne croyait plus au communisme et tout le monde était en mesure de s’adapter aisément à quelque idéologie que ce soit. Mais une différence économique majeure entre les deux unions plaide en faveur de l’UE : l’évolution du PIB per capita montre que la convergence des nouveaux venus a été rapide même si l’élévation du niveau de vie fut trop rapide et peu durable dans la mesure où elle se fondait sur l’épargne étrangère ; ex-Yougoslavie, il n’y avait pas à l’inverse de convergence : le PIB per capita slovène était le double de la moyenne yougoslave et sept fois plus élevé que celui du Kosovo, que ce fût en 1953 ou en 1990.
30 Il faut admettre que l’UE s’est révélée stable. Même si les piliers de l’Union ont quelque chose de plutôt étrange : inertie, ignorance de ses propres règles, déficit démocratique, création permanente de nouvelles institutions et discours creux. Nombre d’exemples vont dans ce sens. L’inertie ressort entre autre de la lente adaptation de la Politique agricole commune. Le fait que l’UE ignore ses propres règles ou les adapte en fonction des besoins politiques se traduit clairement dans l’intégration de l’Italie et de la Belgique au sein de la zone euro alors que la dette publique de ces deux pays était deux fois plus élevée que les critères ne l’autorisaient. Quant au déficit démocratique, il s’est avéré dès lors que le Traité de Lisbonne faisait suite aux deux votes négatifs sur la Constitution en France et aux Pays-Bas. De même qu’en créant en permanence des institutions nouvelles non seulement à Bruxelles mais également dans les pays membres il y avait de plus en plus d’intérêts directs dans l’UE. Pour finir, les documents produits par la Commission sont encombrés de discours dépourvus de contenu et ressemblent à des textes similaires élaborés en ex-Yougoslavie il y a 30 ans. Ce qui n’implique pas que ces piliers de l’UE plutôt étranges ne servent à rien. Au contraire, c’est eux qui ont permis les élargissements et qui font tenir, précisément, l’Union.
Notes
-
[1]
EIPF and Law School, Université de Ljubljana.
-
[2]
Le cadre avait été élaboré en 1990-1991, soit avant l’indépendance politique. Un système simple, transparent et non discrétionnaire d’impôts directs avec la loi sur l’impôt sur le revenu et la loi d’imposition du profit. L’encadrement du système monétaire et financier, les lois sur la Banque de Slovénie, la loi sur les institutions bancaires et d’épargne, la loi sur les opérations de change, la loi sur la réhabilitation des banques et des institutions d’épargne vinrent avec la déclaration d’indépendance de juin 1991. Après l’indépendance, ce furent les lois d’encadrement de l’activité économique (loi sur les sociétés) et les modalités de régulation du monde des affaires comme d’application et de résolution des contentieux (faillite, compétition).
-
[3]
L’opposition entre « thérapie de choc » et « gradualisme » en tant que modèles de transition n’est pas une bonne base pour regrouper les pays en catégories. D’abord, les transitions furent plutôt des mélanges d’éléments ressortissant aux deux méthodes ; ensuite, ce qui relevait d’un modèle dans un cas relevait de l’autre dans un cas différent quand l’élément n’était pas consubstantiel aux conditions initiales qui elles prévalaient réellement.
-
[4]
La préoccupation des leaders et du peuple slovène confrontés à la désintégration de la Yougoslavie et à la création d’un pays nouveau allait aussi tempérer les tensions entre les élites ancienne et nouvelle et affecta la transition économique. Tandis que le public et nombre de politiques martelaient le slogan, extrêmement populaire, de la « grave exploitation » subie au sein de la Yougoslavie, le gouvernement calculait pour sa part les coûts et les bénéfices de l’indépendance. Marché réduit ; restriction de l’approvisionnement en matières premières et en produits finis bon marché à partir du reste de la Yougoslavie ; liquidation des relations commerciales avec les sociétés yougoslaves ; perte probable de biens possédés dans d’autres parties de la Yougoslavie ; moindre intérêt des investisseurs pour un marché de petite taille. Autant de contraintes pesant sur la sécession. Il était aussi évident que la résolution des questions comme la dette extérieure, la dette intérieure libellée en devises étrangères, les réserves en devises étrangères, les actifs non financiers de la Fédération, les 2 500 accords bi- et multilatéraux sur les quotas à l’exportation, les licences de transport et le contrôle aérien pouvait prendre des années. Les bénéfices relevaient plus du potentiel que de la réalité. Mais avec l’indépendance, la Slovénie pouvait éviter l’agitation politique yougoslave, améliorer les perspectives de la transition, permettre l’exercice de politiques économiques appropriées et faciliter l’intégration à l’Union européenne. À l’automne 1990, les bénéfices potentiels apparurent comme supérieurs aux coûts économiques et sociaux, l’indépendance devenant un « cas d’urgence », une condition sine qua non pour la démocratisation et le changement de système.
-
[5]
On avait le choix entre un taux fixe et un taux de change flottant. Même si les théories n’apportaient pas de réponse définitive, une majorité d’experts étaient d’avis qu’un taux de change fixe convenait mieux aux pays en transition ou bien ils proposaient une parité à crémaillère, voire une caisse d’émission.
-
[6]
Résultat assez prévisible des privatisations formelles massives, une structure de la propriété faite d’initiés, de petits propriétaires dispersés, d’institutions privées et détenues par les institutions financières étatiques et de relativement peu de propriétaires étrangers. Une partie considérable de l’économie était restée propriété directe ou indirecte de l’État. La privatisation théorique fut suivie d’une lente consolidation progressive de la propriété laquelle autorisait toutefois les ingérences politiques. Bien que discrètement mobilisée par les gouvernements précédents, l’ingérence allait s’envoler avec le gouvernement élu en 2004 malgré la rhétorique néolibérale sur le « retrait de l’État hors de l’économie ».
-
[7]
L’auteur de ces lignes et du document « P2 » allait démissionner en tant que vice-Premier ministre au mois de mai 1991 en raison de disputes sur la privatisation ; il ferait partie du conseil de direction de la nouvelle Banque centrale.
-
[8]
Le groupe Sachs allait se réorienter en faveur d’un taux de change flottant sans restriction à travers un mémorandum du 8 octobre 1991, alors que le taux de change flottant avait déjà été introduit.
-
[9]
Bien que les ex-pays socialistes aient considérablement différé dans leurs moyens d’effectuer une transition couronnée de succès, tous ont subi une contraction de leur production allant au-delà de la « stabilisation macroéconomique » attendue. La disparition des biens de « pure production socialiste » de Leszek Balcerowicz, la perturbation des mécanismes de coordination macroéconomique, l’incapacité à répondre rapidement au passage d’un marché des vendeurs à un marché d’acheteurs, la désintégration des fédérations commerciales, des politiques macroéconomiques erronées et des exagérations statistiques furent autant de facteurs responsables d’un déclin énorme de la production. La Slovénie fut très vraisemblablement le pays le moins touché par la perturbation de la coordination et par le passage au marché d’acheteurs. En effet, la coordination de l’économie était depuis nombre d’années décentralisée ; dès les années 1980, l’impact d’une demande insuffisante prévalait sur l’éventualité d’une pénurie d’approvisionnement ; et la notion même de « surliquidité » était inconnue.
-
[10]
Les exportations dépassaient la consommation privée, celles en direction de l’Allemagne dépassant à elles seules la consommation par le gouvernement ou la demande d’investissement. Qui plus est : la structure de la demande sur un minuscule marché intérieur différait substantiellement du schéma d’approvisionnement adapté à l’ex-marché yougoslave alors que la structure des ventes à ce dernier ressemblait beaucoup plus à celle du schéma d’exportation.
-
[11]
La Slovénie se distinguait d’autres pays d’Europe centrale et orientale par une approche prudente en matière d’acquisitions d’IDE et elle conserva la propriété de nombre de sociétés financières et non financières.
-
[12]
Dans la première moitié de 1992, la politique monétaire était hautement restrictive ; d’octobre 1991 à juin 1992, la masse monétaire créée allait décroître de 40 % et les opérations de change devinrent le seul canal de création monétaire ; le ratio des réserves en devises étrangères de la Banque de Slovénie passa de 0,04 à 1,70, le ratio du total des réserves et de M1 (monnaie en circulation + dépôts à vue) de 0,31 à 1,35. La régulation de la masse monétaire et des liquidités bancaires se déplaça de la manipulation de réserves requises aux opérations de marché ouvertes et à l’encadrement prudentiel ; la part des réserves requises pour toutes les réserves bancaires baissa de 0,71 à 0,08.
-
[13]
Cf. Velimir Bole, « Strategy for entering the euro area », in Velimir Bole, Landis Mac Kellar (éd.), From Tolar to Euro, Ljubljana, Center of Excellence in Finance, 2010, p.23-47.
-
[14]
Cf. Božo Jašovič, « Cash changeover exercise », ibid., p. 113-120.
-
[15]
Cf. Andrej Rant, « Program for the introduction of the euro », ibid.
-
[16]
Cf. Jože Mencinger, « Tolar in evro », Gospodarska gibanja, 291, février 1998, p. 26-40.
-
[17]
Cf. Kai A Konrad, Holger Zschäpitz, « The future of the Eurozone », CESifo Forum, 46-49, 2011.
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[18]
Des calculs hypothétiques ont convoqué un modèle « yougoslave ». D’abord, il y aurait péréquation des taux de TVA et d’accise. Ensuite, au gouvernement « fédéral » de Bruxelles reviendraient 50 % des rentrées générées par les impôts indirects s’élevant à 6,5 % du PIB des États membres. Les rentrées « fédérales » seraient mobilisées à égalité pour tous les citoyens de la fédération ou répartis sur les États membres en fonction de la taille de leur population au sein de l’union budgétaire. Dans ce cas, le PIB de 8 pays membres baisserait et celui de 9 autres augmenterait. Le Luxembourg perdrait le plus : 4,37 %, l’Allemagne 0,44 %, la France 0,47 %, l’Irlande 2,46 %, les Pays-Bas 1,40 %, l’Autriche 1,08 % et la Finlande 1,29 %. D’un autre côté, le PIB des petits « nouveaux États membres » (2004) augmenterait substantiellement : 11,45 % pour la Slovaquie, 8,97 % pour l’Estonie, 4,10% pour la Slovénie. Mais il augmenterait aussi chez certains « anciens États membres » : 2,41% pour la Grèce et Chypre, 4,91% pour le Portugal, 1,16 % pour l’Espagne, et 0,40 % pour l’Italie. Cf. Jože Mencinger, « Evro, fiskalni pakt, fiskalna unija », Gospodarska gibanja, 441, novembre 2011, p. 10-22.
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Comme je ne parvenais pas à comprendre pourquoi nous devions célébrer notre abandon des attributs économiques de la souveraineté d’un pays nouveau, on me présenta comme un eurosceptique. Tout cela parce que je mettais en doute la pérennisation de l’UE et de l’UEM pour l’éternité et du moment où je me demandais si semblables unions tiendraient non seulement dans les périodes de faste mais dans celles de marasme.