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Article de revue

L'Union pour la Méditerranée : un héritage contrasté mais une continuité indispensable

Pages 19 à 29

Notes

  • [1]
    Ambassadeur chargé de l’Union pour la Méditerranée.
  • [2]
    Les accords d’Oslo furent signés entre le 13 septembre 1993 (Déclaration de Washington), le 4 mai 1994 (Accord Gaza-Jéricho) et le 28 septembre 1995 (Accord de Taba).
  • [3]
    Lancé le 26 avril 2006 à l’Institut du monde arabe.
  • [4]
    Discours de Toulon du 7 février 2007.
  • [5]
    L’article 13 de la Déclaration de Paris prévoit que « "le Processus de Barcelone : une Union pour la Méditerranée" viendra compléter les relations bilatérales que l’Union européenne entretient avec ces pays, qui continueront d’exister dans le cadre d’actions actuelles, comme les accords d’association, les plans d’actions de la Politique européenne de voisinage et, dans le cas de la Mauritanie, le groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique […]. Tout en complétant les actions relatives à sa dimension régionale, le PdB : UpM sera indépendant de la politique d’élargissement de l’Union européenne, des négociations d’adhésion et du processus de pré-adhésion ».
  • [6]
    Discours de Toulon, ibid.

1 Dans les dernières années, la Méditerranée a fait l’objet d’initiatives nombreuses, visant à rapprocher les pays de ses deux rives : Dialogue 5+5 en 1990, Processus de Barcelone dans la foulée des Accords d’Oslo en 1995  [2] ; Forum euro-arabe  [3]. Qu’elles soient privées ou publiques, interétatiques ou non-gouvernementales, ces initiatives visaient à renouer ce qui paraissait se défaire : le dialogue, la compréhension, la coopération, dans l’intérêt de la paix et de la stabilité de cette région de plus de 700 millions d’habitants. Région traversée depuis longtemps par des conflits et des guerres en dépit des liens tissés à travers l’histoire par les mélanges continus des populations, de leurs traditions et de leurs cultures.

2 L’initiative française d’Union pour la Méditerranée (UPM), devenue un projet européen par le Conseil européen des 13-14 mars 2008, s’inscrit dans cette perspective. Elle est animée d’une ambition centrale : remettre la Méditerranée au cœur des priorités extérieures de l’Union européenne (UE).

L’UNION POUR LA MÉDITERRANÉE : UNE PRIORITÉ MÉDITERRANÉENNE

3 Ce projet, porté par le président de la République dès le début de sa campagne électorale  [4], part de plusieurs constats :

4

  • La marginalisation de la Méditerranée s’aggrave : du point de vue économique, l’écart de richesse entre les deux rives est le plus important du monde entre deux régions contiguës (écart de PNB/an/habitant variant de 1 à 10). Le taux d’investissement du Nord vers le Sud est anormalement bas. L’Union européenne ne réalise que 2,3 % de ses investissements directs étrangers au sud de la Méditerranée, soit 5,860 milliards d’euros en 2006 (Source Eurostat 2008). Par comparaison les États-Unis dirigent 20 % de leurs IDE vers leur Sud et le Japon plus de 25 % vers son Sud. Le taux de chômage dans les pays d’Afrique du Nord est trois fois supérieur à celui mesuré dans l’Union européenne. Compte tenu de la vitalité démographique, le maintien du niveau actuel d’emploi dans les pays du Maghreb suppose la création de 40 millions d’emplois supplémentaires d’ici à 2020. Du point de vue écologique, la Méditerranée sera dans les prochaines années l’une des régions du monde les plus touchées par le changement climatique. D’après certaines estimations, d’ici à 20 ans, un réfugié sur deux sera un réfugié climatique ; il sera originaire du Sud de la Méditerranée.
  • Même si cette situation s’améliore, l’Union européenne n’a pas mobilisé l’ensemble des moyens disponibles au service du renforcement des relations euro-méditerranéennes : pendant toute la période 1995-2005, la politique extérieure européenne s’est essentiellement concentrée sur les pays d’Europe centrale et orientale (Fonds MEDA : environ 10 milliards d’euros sur la période 1995-2005 ; Fonds consacré à l’élargissement à l’Est : 40 milliards d’euros). Depuis 2005, les moyens financiers augmentent. Ils s’appuient sur les crédits du programme MEDA (8 milliards d’euros pour la période 2006-2013) qui financent des actions bilatérales et régionales (10 % de l’enveloppe), tandis que des prêts sont accordés à la Méditerranée par la Banque européenne d’investissement (8,7 milliards d’euros pour la période 2007-2013) ; ces prêts ont été augmentés grâce à la Facilité euro-méditerranéenne d’investissement et de partenariat (FEMIP), lancée en octobre 2002.
  • Les instruments Euromed reposent sur une asymétrie des droits s’exerçant au détriment des pays de la rive sud. Ce déséquilibre est accentué par l’incapacité de ces pays à présenter des positions communes compte tenu à la fois de leur fragmentation et de la diversité de leurs profils et de leurs intérêts.

L’UNION POUR LA MÉDITERRANÉE : UN HÉRITAGE CONTRASTÉ MAIS UNE CONTINUITÉ INDISPENSABLE

5 À la suite de l’accord franco-allemand du 3 mars 2008, la décision a été explicitement prise de faire reposer l’UPM sur les acquis du Processus de Barcelone. Dresser un bilan exact de ce processus est utile pour poursuivre les évolutions positives dont il est à l’origine et tenter d’éviter les difficultés rencontrées.

6 Le point de départ du Processus de Barcelone est la situation particulièrement favorable issue des Accords d’Oslo. L’Europe décide alors d’accompagner avec ses outils – aide au développement, facilité commerciale, accords d’association – la relance du processus de paix au Proche-Orient. La Conférence de Barcelone, réunissant les 25 États membres de l’Union européenne et 10 États du Sud et de l’Est de la Méditerranée (Maroc, Algérie, Tunisie, Égypte, Israël, Autorité palestinienne, Jordanie, Liban, Syrie et Turquie), adopte les 27-28 novembre 1995 la Déclaration fondatrice du partenariat euro-méditerranéen ( « Processus de Barcelone »). Il comporte trois volets : politique ; économique et financier ; culturel, social et humain.

7 Le volet politique n’a pas connu les avancées espérées en raison essentiellement des difficultés liées au processus de paix au Proche-Orient. Celles-ci ont ainsi empêché l’adoption de mesures de confiance (prévues à Barcelone) puis bloqué la conclusion en 2000 du projet de Charte euro-méditerranéenne de paix et de stabilité. Toutefois, le dialogue politique ne s’est jamais arrêté en dépit des crises qui traversaient la région (Proche-Orient, différend Algérie/Maroc, Chypre/Turquie), et il s’est étendu à des sujets sensibles comme le terrorisme (adoption d’un code de conduite en 2005) et les migrations (tenue de la première réunion ministérielle sur les migrations en novembre 2007). Le Processus de Barcelone a été le seul lieu de dialogue hors l’Assemblée générale des Nations unies entre Arabes et Israéliens.

8 Sur le plan économique, les résultats sont plus tangibles. Dans la perspective de la création d’une zone de libre-échange en 2010, des Accords d’association ont été conclus avec tous les partenaires à l’exception de la Syrie (avec laquelle un projet d’accord a été paraphé et devrait être prochainement signé). Ces accords sont tous entrés en vigueur. La Tunisie a par ailleurs procédé à une mise en œuvre anticipée du calendrier de démantèlement tarifaire prévu par l’Accord d’association, et est depuis le 1er janvier 2008 en situation de zone de libre-échange avec l’Union européenne pour les produits industriels.

9 Les efforts en vue d’une plus grande intégration régionale ont également connu un progrès significatif avec la signature de l’accord d’Agadir prévoyant la mise en place d’une ZLE entre le Maroc, la Tunisie, la Jordanie et l’Égypte. Mais la volonté politique qui sous-tendait cet accord continue de se heurter à l’absence de frontière commune pour ces quatre pays. Une étape importante de l’intégration sous-régionale a cependant été franchie avec l’extension aux pays méditerranéens du système paneuropéen des produits d’origine (octobre 2005).

10 Enfin, le volet culturel, social et humain se développe progressivement. La Conférence de Naples (décembre 2003) a lancé le projet de Fondation euro-méditerranéenne Anna Lindh pour le dialogue des cultures qui a été inaugurée en avril 2005 et dont le siège est situé à Alexandrie (Égypte). Elle a pour tâche essentielle, en s’appuyant sur des réseaux nationaux, de développer les échanges entre les sociétés civiles et favoriser le dialogue des cultures et des civilisations. Plusieurs centaines de représentants de la société civile issus des trente-cinq États membres ont tenu une Assemblée constitutive à Luxembourg le 1er avril 2005. Cette réunion, appuyée et financée par la Présidence et la Commission de l’UE, a permis l’adoption d’une Charte de principes et de valeurs ainsi que de statuts qui ont débouché sur la création d’une plate-forme euro-méditerranéenne non-gouvernementale dont le siège est en France. Cette plate-forme a pour objectif de permettre un dialogue approfondi entre les gouvernements et la société civile pour faire progresser le partenariat Euromed.

11 Par ailleurs, la Conférence ministérielle de Naples (décembre 2003) a lancé l’Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne, réunie pour la première fois en mars 2004 à Athènes. Instance consultative, elle est composée de 240 membres issus des Parlements nationaux (120 pour l’UE, 120 pour les partenaires).

12 En fin de compte, une amorce de dialogue entre sociétés civiles et politiques utile. Peu de projets concrets cependant, en dépit de moyens financiers significatifs, ce qui a entraîné un certain désintérêt pour ce processus, à la mesure d’une bureaucratie parfois opaque. Pour autant la continuité avec le Processus de Barcelone est indispensable sur de nombreux points.

13 L’initiative française a repris sans ambiguïté certains acquis du Processus de Barcelone et notamment les évolutions significatives concernant la société civile, le commerce ou la contribution des Parlements ou des régions. Elle n’a d’ailleurs pas pour finalité de remettre en cause ce qui existe. Sur le plan politique, elle n’a pas vocation non plus à se substituer aux négociations en cours sur l’adhésion de nouveaux pays à l’Union européenne  [5]. Dans le domaine économique et social, l’Union pour la Méditerranée ne se substituera pas aux projets ou aux mécanismes de concertation existants quand ils fonctionnent utilement. Éventuellement elle les complétera.

14 De même, il ne s’agit pas de revenir sur la Politique européenne de voisinage (PEV) et sa logique de conditionnalité. Lancée en mai 2004, approuvée par le Conseil européen de juin 2004, elle a été à ses débuts perçue comme un instrument moins rigide que les Accords d’association. Elle est fondée sur un engagement mutuel en faveur de valeurs communes (démocratie, droits de l’homme) et repose sur des plans d’action bilatéraux approuvés par l’Union européenne et le pays partenaire.

15 Pour mémoire, la conditionnalité de la PEV à l’égard des pays du Sud de la Méditerranée s’exprime de deux façons : les Accords d’association subordonnent l’abaissement des barrières douanières, l’appui technique et financier à l’application des règles de droit de l’Union européenne. En outre, le soutien financier communautaire est conditionné à la démonstration par le pays du Sud de sa capacité à mener à bien la mise en œuvre d’un projet. Cette conditionnalité a cependant rendu plus difficile l’utilisation des subventions communautaires à l’exception notable du Maroc. Ce qui explique probablement qu’en 2006 les montants communautaires versés au titre de la Politique européenne de voisinage ont été modestes : 640 millions d’euros en crédits de paiements, dont à peine les 2/3 pour le Sud.

16 Sur cette toile de fond et tout en reconnaissant l’apport institutionnel du Processus de Barcelone, le projet d’Union pour la Méditerranée vise à développer un partenariat plus cohérent et plus concret.

L’UNION POUR LA MÉDITERRANÉE : UN PARTENARIAT PLUS COHÉRENT ET PLUS CONCRET

17 Il y a à peine plus d’un an, le 23 octobre 2007, à Tanger, le président de la République française lançait un appel solennel à tous les pays intéressés pour faire aboutir le projet d’Union pour la Méditerranée. Depuis cette date, la Méditerranée n’a cessé de faire l’objet d’une attention renouvelée. Après l’appel de Rome pour l’Union pour la Méditerranée, lancé le 20 décembre 2007 par la France, l’Italie et l’Espagne, l’accord franco-allemand du 3 mars 2008 a ouvert la voie à un accord de principe des 27 États membres, confirmé par le Conseil européen des 13-14 mars. Mandatée par ce Conseil européen, la Commission a publié le 20 mai une communication portant sur la gouvernance (coprésidence, secrétariat) ainsi que sur des propositions de projets qui ont servi de base aux travaux du Sommet de Paris pour la Méditerranée.

18 Réuni le 13 juillet dernier à l’initiative du président Sarkozy, le Sommet de Paris pour la Méditerranée a donné une impulsion politique nouvelle à l’ensemble du processus. Et ce grâce notamment à un niveau de participation sans précédent sous Barcelone, y compris de la part des pays arabes et d’Israël. Plus particulièrement, le Sommet de Paris a permis de progresser sur trois volets :

LE REHAUSSEMENT DE LA VISIBILITÉ POLITIQUE :

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  • Les chefs d’État et de gouvernement réunis à Paris ont décidé qu’un Sommet de même nature serait organisé tous les deux ans. Ce rehaussement devrait permettre un certain nombre d’avancées sous l’égide de l’Union européenne : l’établissement de relations diplomatiques entre la Syrie et le Liban annoncé en marge du Sommet de Paris en est une première illustration importante.
  • À la suite de l’accord franco-allemand du 3 mars 2008, les chefs d’État et de gouvernement ont entériné le changement de nom du partenariat euro-méditerranéen qui avait été appelé dans un premier temps « Le processus de Barcelone : une Union pour la Méditerranée ». Cette évolution sémantique n’est pas anodine. Elle établit en effet une perspective historique. Un jour, en raison d’une politique de convergence créée par la réalisation de projets d’intérêt commun, l’ensemble des pays de ce partenariat évoluera vers une forme d’union dont les contours devront être définis en commun.
  • Enfin, ce projet politique a pour ambition de n’exclure personne. À ce titre en effet, il a permis de faire entrer les pays méditerranéens qui tout en étant riverains de la Méditerranée n’avaient pas été inclus dans le Processus de Barcelone : Monaco, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine et le Monténégro.

UNE NOUVELLE GOUVERNANCE

20 L’asymétrie des droits entre pays des deux rives de la Méditerranée a été perçue comme l’un des éléments d’explication du bilan mitigé du Processus de Barcelone. Pour y faire face, la Déclaration de Paris créé des institutions nouvelles : une coprésidence et un secrétariat. La coprésidence depuis le lancement de cette initiative est exercée par la France et l’Égypte. S’agissant du côté Nord de cette coprésidence, la Déclaration de Paris prévoit au paragraphe 22 que « la nouvelle coprésidence devra, en ce qui concerne l’Union européenne, être compatible avec la représentation extérieure de l’Union européenne conformément aux dispositions des traités qui sont en vigueur ». En attendant une stabilisation de ce mécanisme, un accord franco-tchèque est intervenu à la fin de la présidence française du Conseil de l’Union européenne pour permettre d’assurer, dans cette phase de lancement de l’initiative, une continuité indispensable.

21 Les Chefs d’État et de gouvernement ont décidé à Paris de créer un Secrétariat conjoint : « Le Secrétariat insufflera un nouvel élan au processus pour ce qui est de l’identification, du suivi et de la promotion des projets ainsi que de la recherche de partenaires. Le financement et la mise en œuvre de projets se feront au cas par cas. Le Secrétariat assurera une concertation opérationnelle avec toutes les structures du processus. […] Il aura une personnalité juridique distincte et un statut autonome » (paragraphe 24 de la Déclaration de Paris).

22 En établissant une coprésidence les chefs d’État et de gouvernement ont mis en place un recours politique susceptible d’éviter tout enlisement possible dû aux circonstances ou à la bureaucratisation des procédures. En créant une nouvelle organisation régionale partenariale, les chefs d’État et de gouvernement ont souhaité asseoir cette initiative sur des procédures communes susceptibles de résister aux déflagrations souvent fortes de cette région du monde.

DES PROJETS CONCRETS

23 Les Chefs d’État et de gouvernement ont reconnu lors de ce Sommet la nécessité de mener une coopération concrète et constructive, au bénéfice des citoyens et à la hauteur des enjeux auxquels cette région doit faire face aujourd’hui. Ils ont arrêté six grands secteurs d’actions qui seront autant de projets concrets : le défi de l’eau, majeur pour le développement économique et humain ; la préservation de l’environnement, vitale pour l’identité de la Méditerranée grâce au Plan solaire méditerranéen ; l’éducation, enjeu essentiel pour l’avenir de tous nos pays ou le soutien aux petites et moyennes entreprises (PME)/petites et moyennes industries (PMI) afin de relancer l’emploi et une action commune dans les domaines de la protection civile pour créer des solidarités actives face aux catastrophes naturelles ou écologiques qui menacent cette région particulièrement exposée.

24 Les chefs d’État et de gouvernement ont souhaité mettre en avant, à l’occasion de cet accord sur les grandes priorités sectorielles de l’initiative, le principe de la géométrie variable (paragraphe 30 de la Déclaration), l’idée étant que chaque pays partenaire puisse participer à ces initiatives en fonction de ses intérêts et de ses moyens.

25 Le Sommet de Paris a été salué unanimement à la fois par la mobilisation politique qu’il a connu et les avancées théoriques et institutionnelles qu’il a permis. Il a laissé aux ministres des Affaires étrangères le soin de préciser les modalités de ces différentes avancées.

LA CONCRÉTISATION INSTITUTIONNELLE

26 Cela fut fait à l’occasion de la conférence ministérielle tenue à Marseille les 3 et 4 novembre derniers sous la présidence des ministres français et égyptien des Affaires étrangères, Bernard Kouchner et Ahmed Aboul Gheit. Un accord global a été obtenu sur l’ensemble des points ouverts par le Sommet de Paris. Des résultats importants ont été atteints :

27 - Le règlement de la question de la participation de la Ligue arabe ;

28 Dès le lendemain du sommet de Paris l’ensemble des travaux fut affecté par la question de la participation de la Ligue des États arabes aux réunions de l’UPM. Schématiquement Israël et de nombreux pays européens ne souhaitaient pas une participation de la Ligue arabe différente de celle qu’elle avait dans le Processus de Barcelone, soit une participation limitée aux réunions des ministres des Affaires étrangères.

29 Pour les pays arabes ce nouveau partenariat devait se traduire par de nouvelles règles de participation de cette institution. Un point d’équilibre longuement négocié a été trouvé à Marseille. La Ligue arabe participe désormais à toutes les réunions de l’UPM et à tous les niveaux.

30 - Un texte politique fort, sans précédent dans une enceinte Euromed concernant le Moyen-Orient ;

31 L’importance de l’Initiative arabe de paix a pu être ainsi évoquée dans un texte accepté par Israël pour la première fois depuis 2005. Par ailleurs, la Déclaration de Marseille souligne le soutien apporté par les États de l’UPM au Processus d’Annapolis et appelle au respect de la Feuille de Route « sans prendre de mesures unilatérales qui compromettent les négociations ».

32 Sur les autres questions relatives au Proche-Orient, le texte salue les discussions indirectes israélo-syriennes ainsi que l’établissement de relations diplomatiques entre le Liban et la Syrie. Grande avancée politique dont le principe a été obtenu en marge du Sommet de Paris le 13 juillet.

33 - Le changement de nom du processus, sur proposition de l’Espagne ;

34 La déclaration adoptée mardi 4 novembre indique que « les ministres proposent qu’à compter de la réunion de Marseille, le Processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée s’appelle Union pour la Méditerranée ». Cette appropriation commune d’un nom partagé par tous a donné toute la mesure de l’ambition portée par cette initiative.

35 - Des précisions ont été apportées sur les modalités de fonctionnement des nouvelles institutions :

36 Le siège du Secrétariat voulu par les chefs d’États et de gouvernement sera à Barcelone, et son secrétaire général originaire d’un pays du Sud. Le secrétaire général sera assisté de cinq secrétaires généraux adjoints qui seront, pour un premier mandat : un Israélien, un Palestinien, un Italien, un Grec et un Maltais. Pour la première fois, une organisation régionale internationale comprendra dans sa direction collégiale un haut fonctionnaire palestinien et un haut fonctionnaire israélien.

37 À la fin de la réunion de Marseille, la coprésidence franco-égyptienne s’est engagée à accepter une candidature turque à un poste de SGA. Elle a aussi pris note des réserves exprimées immédiatement à ce sujet par Chypre.

38

  • Les statuts du Secrétariat et l’accord de siège entre cette nouvelle institution et l’Espagne devraient être terminés à la fin du 1er semestre 2009. Ils devraient permettre à la nouvelle institution un fonctionnement autonome. Son budget en effet (personnel d’appui, équipement, etc.) sera financé par une subvention répartie de manière équilibrée entre les contributions des partenaires euro-méditerranéens sur une base volontaire, le budget communautaire et le pays hôte. Les fonctionnaires détachés seront pris en charge financièrement par leur administration respective (éventuellement par un fonds spécial) pour éviter les disparités de traitement en fonction de leurs origines géographiques. Il serait incompréhensible que cette nouvelle institution régionale ne puisse rémunérer ses personnels à partir de leur compétence et qu’elle le fasse sur la nationalité. Le principe posé devra être qu’à compétence identique la rémunération sera identique.
  • Le mécanisme d’adoption des projets a été précisé : les priorités stratégiques sont adoptées par les 43 États membres, et les projets qui en découlent sont ensuite mis en œuvre sur la base du principe de la « géométrie variable ». Ce qui constitue une innovation considérable.

39 Le Plan solaire méditerranéen, par exemple, a été validé par les 43 membres de l’UPM lors du Sommet de Paris. Sa mise en œuvre se fera par cercles concentriques en incluant dans un premier temps les pays les plus impliqués puis, au fur et à mesure de son établissement, les autres. De même, l’ARSUM, l’Agence de la recherche scientifique, devra être validée par une décision ministérielle des 43, mais la mise en œuvre de ce grand projet d’origine libanaise pourra se faire de façon progressive par le biais de coopérations renforcées.

40 - Enfin, la Conférence de Marseille a adopté un calendrier de travail très ambitieux prévoyant l’organisation de 14 réunions ministérielles. Elles seront le cadre institutionnel dans lequel les projets au centre du renouvellement de ce partenariat pourront être étudiés et validés.

L’UNION POUR LA MÉDITERRANÉE : UNE UNION DE PROJETS

41 Cette architecture institutionnelle au plus près de la difficile réalité politique de cette région du monde a permis en parallèle d’avancer sur la conception et le développement de projets très concrets. La mise en œuvre de ces projets, qui sera accélérée par la création du Secrétariat, est d’ores et déjà engagée. Trois exemples permettent de montrer comment des premiers résultats pourront être atteints dès 2009, grâce à la plus-value apportée par l’UPM :

42 Dans le domaine de l’énergie, la réalisation d’un Plan solaire méditerranéen constitue un aboutissement pour de nombreux gouvernements et industriels de cette région. En effet, en l’absence de mécanismes pérennes de subvention de cette forme d’énergie, sa faisabilité économique était restée longtemps incertaine. Seule la prise en compte de cette question dans un cadre élargi a permis aujourd’hui de lancer un plan de développement ambitieux. L’approche régionale permet d’assurer l’amortissement des investissements sur une échelle économique suffisante ; l’approche euro-méditerranéenne permet de réaliser le subventionnement indirect de l’énergie solaire au travers des possibilités de rachat d’électricité « verte » par les industriels européens dans le cadre du paquet « énergie-climat ». Ainsi plusieurs centrales photovoltaïques pourraient être lancées dès l’année 2009.

43 L’enseignement et la recherche constituent une priorité de longue date du partenariat euro-méditerranéen. Cependant, en l’absence d’une réelle mise en réseau des institutions, les facilités ouvertes par les programmes européens (notamment en matière de bourses) ont été insuffisamment utilisées et consommées. La mise en place d’une approche plus structurée, véritablement paritaire et partant des acteurs eux-mêmes permet d’envisager un changement d’échelle de cette coopération. En particulier, le projet d’Agence de la recherche scientifique de l’Union pour la Méditerranée (ARSUM) porté par le Liban permettra de concrétiser rapidement cette ambition. Il s’agira pour un conseil scientifique ouvert aux 43 pays de l’UPM de valider des appels d’offre sur des recherches nécessaires à la mise en œuvre du partenariat. L’ensemble des centres et instituts de recherche de la région, mis en réseau, pourront y répondre en respectant des procédures identiques.

44 Les transferts monétaires effectués par les migrants de part et d’autre de la Méditerranée constituent une source de revenus essentiels pour les populations et un moteur indispensable du développement du secteur financier local. Cependant, l’insuffisante bancarisation de ces transferts (le plus souvent canalisé par des institutions spécialisées non bancaires) constitue un frein à cette dynamique. Un groupe de banques méditerranéennes, sous l’impulsion du groupe des Caisses d’épargne, a ainsi lancé l’initiative « Méditerranéennes de banques » permettant la mise à disposition des migrants de « comptes-miroirs » entre banques du Nord et du Sud de la Méditerranée. Ces comptes autorisent les familles des migrants à retirer les transferts auprès des banques du Sud à des coûts réduits, les incitant à une bancarisation progressive. Cette initiative constitue un progrès pour le bien-être des populations et les ressources économiques du secteur financier local. Son protocole a été signé le 30 janvier 2009 à Paris, en présence des représentants de la coprésidence française de l’UPM.

45 Confluence de trois continents, berceau de trois religions, « mer au milieu des terres », la Méditerranée a une histoire indissociable de l’Europe, tant du point de vue géographique, qu’aux plans humain, intellectuel ou économique. Les points communs et les intérêts partagés de ses deux rives restent inséparables. Comme l’affirme le président Sarkozy, « le rêve européen a besoin du rêve méditerranéen »  [6].

46 Bien évidemment les événements tragiques de la bande de Gaza ont retenti dans le partenariat euro-méditerranéen. À la demande du groupe arabe, les réunions de l’UPM sont suspendues. Les années à venir seront marquées par des avancées ou des blocages du processus de paix et l’UPM connaîtra dans sa mise en œuvre des périodes de doute et des périodes de coopération renouvelées. Ce qui protégera ce nouveau partenariat viendra des institutions qu’il aura été capable de créer, Coprésidence Nord-Sud d’un côté, Secrétariat paritaire de l’autre. Petit à petit les projets se mettront en place sur une base régionale avec les États qui le souhaitent sans être affectés par les négociations politiques. Le sort des populations devrait en être progressivement changé, rendant le recours à la « guerre ou au conflit » probablement plus difficile et plus coûteux. Car les besoins des pays du Sud en infrastructures, en transferts de technologie, en créations d’emploi sont immenses. À terme, ils s’autonomiseront nécessairement par rapport aux difficultés politiques, sauf à faire courir un risque considérable à tous les pays et à toutes les populations des deux rives.

47 L’Union pour la Méditerranée pourra contribuer à cette évolution. Le soc de la charrue sera alors fondu avec le fer de l’épée.

Notes

  • [1]
    Ambassadeur chargé de l’Union pour la Méditerranée.
  • [2]
    Les accords d’Oslo furent signés entre le 13 septembre 1993 (Déclaration de Washington), le 4 mai 1994 (Accord Gaza-Jéricho) et le 28 septembre 1995 (Accord de Taba).
  • [3]
    Lancé le 26 avril 2006 à l’Institut du monde arabe.
  • [4]
    Discours de Toulon du 7 février 2007.
  • [5]
    L’article 13 de la Déclaration de Paris prévoit que « "le Processus de Barcelone : une Union pour la Méditerranée" viendra compléter les relations bilatérales que l’Union européenne entretient avec ces pays, qui continueront d’exister dans le cadre d’actions actuelles, comme les accords d’association, les plans d’actions de la Politique européenne de voisinage et, dans le cas de la Mauritanie, le groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique […]. Tout en complétant les actions relatives à sa dimension régionale, le PdB : UpM sera indépendant de la politique d’élargissement de l’Union européenne, des négociations d’adhésion et du processus de pré-adhésion ».
  • [6]
    Discours de Toulon, ibid.
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