Outre-Terre 2006/2 no 15

Couverture de OUTE_015

Article de revue

Taiwan-Chine : un rapprochement économique teinté d'arrière-pensées politiques

Pages 321 à 339

Notes

  • [### 1]
    Également orthographié « Tchang Kaï-chek ».
  • [2]
    ROC : Republic of China.
  • [3]
    Cf. <www. mac. gov. tw/ big5/ mlpolicy/ ch940316. htm>.
  • [4]
    MOEA : Ministry of Economic Affairs.
  • [5]
    Les statistiques concernant le commerce et l’investissement sont, sauf mention contraire, tirées de Liang’an jingji tongji yuebao (Cross-Strait Economic Statistics Monthly), n° 63, nov. 1997 ; n° 114, févr. 2002 ; n° 146, déc. 2004 ; n° 149, mars 2005.
  • [6]
    Enquête rapportée par Tien Jiun-mei, « Policy Implication of Liberalizing Direct Investment in Mainland China », Liang’an jingmao yuekan (LJY) (Straits Business Monthly), n° 128, août 2002, p. 3-7.
  • [7]
    Ce chiffre atteint 7,3 % si l’on considère le montant total des contrats signés (dits « investissements “contractés” »), et 7,1 % si l’on tient compte des capitaux réellement investis (dits « investissements “réalisés” »).
  • [8]
    Ces trois territoires comptent pour la moitié de l’investissement étranger en Chine (1979-2004) : 42,7 % (montant des contrats) et 43,2 % (investissements « réalisés ») pour Hong Kong et Macao; 7,4 % (montant des contrats) et 6,6 % (investissement « réalisés ») pour les îles Vierges britanniques.
  • [9]
    Lin Manhong, Si bai nian lai de liang’an fenhe – Yi ge jingmao shi de huigu [400 ans de séparation et d’union – Une rétrospective des relations économiques et commerciales entre Taiwan et le continent chinois], Taipei, Zili wanbao wenhua chuban bu, Taiwan lishi da xi, 1994, p. 41.
  • [10]
    Produit national brut (PNB). Cf. Taiwan Statistical Data Book (TSDB), 1996.
  • [11]
    Cf. la « Loi de la RPC sur les joint-ventures sino-étrangères », juillet 1979.
  • [12]
    Cf. la « Réglementation [supplémentaire] pour l’achat de produits taiwanais », juin 1980, qui exonère de droits de douane les produits importés de Taiwan (possédant un certificat d’origine) et facilite les importations de produits chinois par les entrepreneurs de l’île (commandes traitées en priorité, octroi de rabais, etc.).
  • [13]
    Commerce transitant par Hong Kong.
  • [14]
    Cf. la « Réglementation sur l’interdiction de commerce illégal de produits en provenance des régions contrôlées par les bandits ».
  • [15]
    Cf. « Les trois principes de base du commerce indirect via Hong Kong et Macao ».
  • [16]
    1952-1958, cf. TSDB, 1988.
  • [17]
    1987, cf. TSDB, 1988.
  • [18]
    Cf. TSDB, 1996. Les raisons de cette forte appréciation de la monnaie taiwanaise étaient a) l’accumulation par Taiwan d’une énorme réserve de devises étrangères, conséquence d’un large excédent de son commerce extérieur; b) les pressions exercées sur le gouvernement de l’île par les États-Unis, eux-mêmes confrontés à un fort déficit commercial avec Taiwan.
  • [19]
    Cf. les « Dispositions pour encourager les investissements des compatriotes de Taiwan », juillet 1988, qui permettent entre autres aux hommes d’affaires de l’île (contrairement aux autres investisseurs étrangers) d’investir sur le continent dans tous les secteurs d’activité sous réserve que leur projet d’investissement soit conforme aux objectifs de développement économique et social du pays.
  • [20]
    À la mort de Chiang Kai-shek, en avril 1975, son fils Chiang Ching-kuo, alors vice~président, lui succède à la tête de l’État. Il sera élu président de la République par l’Assemblée nationale en mars 1978.
  • [21]
    Fei Li, Haixia liang’an jingmao guanxi [Relations économiques et commerciales entre Taiwan et le continent], Beijing, Duiwai maoyi jiaoyu chuban she, 1994, p. 158.
  • [22]
    Cf. la « Réglementation concernant la gestion des investissements indirects ou de la coopération technologique sur le continent ».
  • [23]
    Statistiques chinoises (investissements « réalisés »).
  • [24]
    Statistiques taiwanaises (valeur des projets d’investissement déclarés auprès du MOEA), tirées de Statistics on Overseas Chinese and Foreign Investment, Outward Investment, Mainland Investment, (divers numéros), publication du MOEA (Investment Commission), Taipei.
  • [25]
    Comme beaucoup d’entreprises à Taiwan, Quanta Computer commercialise la plupart de ses produits non pas sous sa propre marque, mais sous celles de firmes étrangères ; on parle à ce propos de stratégie OEM (Original Equipment Manufacturing).
  • [26]
    China Post, 30 oct. 2000, p. 12.
  • [27]
    Statistics on Overseas Chinese…, op. cit.
  • [28]
    Wu Rong-I, Tseng Ming-Sheng, « The Development of the Information Industry in Taiwan », IDRI Occasional Paper, n° 7, nov. 1997, p. 7-8.
  • [29]
    « Agglomération » désigne ici la concentration géographique d’investissements en un même lieu afin de bénéficier d’économies en termes d’emploi et de qualification, d’accès aux produits intermédiaires, au niveau des activités de recherche-développement, ou encore de la recherche d’information sur les conditions d’investissement.
  • [30]
    Entretien de l’auteur avec le Centre d’études sur la conception et les techniques de fabrication de la chaussure, Taichung, 14 août 1996.
  • [31]
    China Post, 6 juil. 1996, p. 11.
  • [32]
    Ibid., 30 oct. 2000.
  • [33]
    Entretien de l’auteur avec President, Tainan, 16 mai 1996, et avec Ting Hsin, Pékin, 14 mars 1997.
  • [34]
    Statistiques taiwanaises (valeur des projets d’investissement déclarés auprès du MOEA). Cf. Statistics on Overseas Chinese…, op.cit.
  • [35]
    Entretien de l’auteur avec Wei-chuan , Taipei, 14 mars 1996.
  • [36]
    Taiwan News, 25 mai 1999, p. 14.
  • [37]
    Entretien de l’auteur avec President.
  • [38]
    Taiwan avait été élevée au rang de « province » par le gouvernement des Qing le 5 septembre 1885.
  • [39]
    Les autorités communistes souhaitent en fait transformer Taiwan en « région administrative spéciale » (tebie xingzheng qu) en vertu du principe « un pays, deux systèmes », appliqué à Hong Kong depuis le 1er juillet 1997 et à Macao depuis le 20 décembre 1999.
  • [40]
    Les textes chinois ne distinguent pas entre « unification » et « réunification », les deux mots se traduisant par tongyi. L’utilisation de l’un ou l’autre terme français est dès lors question d’appréciation politique : Taiwan et le continent chinois étaient-ils déjà unifiés avant 1949 ? Cf. sur ce point, par exemple, le chapitre intitulé : « Taiwan, un État d’Asie du Sud-Est ? », in François Joyaux, Géopolitique de l’Extrême-Orient, t. 1, Espaces et politique, Bruxelles, Complexe, 1993, p. 141-150.
  • [41]
    Cf. la « Loi de la RPC sur la protection des investissements des compatriotes de Taiwan », mars 1994 ; « Quelques mesures adoptées par la ville de Fuzhou pour garantir les droits et intérêts des investisseurs taiwanais », décembre 1996.
  • [42]
    Lee Teng-hui, vice-président, succéda à Chiang Ching-kuo en janvier 1988 ; il fut élu président de la République par l’Assemblée nationale en mai 1990.
  • [43]
    Cf. la « Réglementation concernant les modalités d’approbation de l’investissement ou de la coopération technologique sur le continent », 1er mars 1993.
  • [44]
    Cf. les « Principes pour l’examen des projets d’investissement ou de coopération technologique sur le continent », 31 décembre 1993 et 1er juillet 1997.
  • [45]
    Les produits de très haute technologie (pour l’époque) tels que les CD-ROM ou les équipements de communication sans fil étaient cependant toujours frappés d’interdiction ; cf. Deborah Shen, « Off-Limits of Projects on Mainland Announced », Free China Journal (FCJ), 11 juil. 1997, p. 3.
  • [46]
    La distance Taipei-Shanghai à vol d’oiseau est de 692km. Le même trajet via Hong Kong est de 2 044 km (Taipei-Hong Kong : 805 km ; Hong Kong-Shanghai : 1 239 km).
  • [47]
    « Taiwan Ship Sets Sail on Maiden Cross-Straits Voyage », FCJ, 25 avr. 1997, p. 1.
  • [48]
    Membre du Parti démocrate progressiste (Minjindang), Chen Shui-bian succéda à Lee Teng-hui à la présidence de la République ; élu au suffrage universel direct, il est le premier président taiwanais non membre du Parti nationaliste (Guomindang).
  • [49]
    La situation était d’autant plus préoccupante que le déficit commercial de Taiwan avec le Japon s’était creusé : 5,6 milliards de dollars US en 1987 ; 21,9 milliards en 2000.
  • [50]
    L’Assemblée nationale est aujourd’hui une assemblée ad hoc.
  • [51]
    Lee Teng-hui fut réélu, cette fois au suffrage universel direct.
  • [52]
    La RPC a rejoint l’OMC en décembre 2001. Taiwan y a fait son entrée en janvier 2002 sous la dénomination de « Territoire douanier de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu ».
  • [53]
    Les « trois petites liaisons directes » furent ouvertes officiellement pour les personnes, marchandises et capitaux le 1er janvier 2002. Ouverture de la première liaison régulière de transport de marchandises entre Quanzhou et Quemoy le 1er octobre 2002 ; ouverture de la première liaison régulière de transport de passagers entre Quanzhou et Quemoy le 6 janvier 2003.
  • [54]
    Cf. LJY, n° 119, nov. 2001.
  • [55]
    Les entreprises ont en fait le choix entre investir « directement » ou « indirectement » ; cf. la « Réglementation concernant les modalités d’approbation de l’investissement ou de la coopération technologique sur le continent », 31 juillet 2002.
  • [56]
    Cf. LJY, n° 128, op. cit.
  • [57]
    L’extrémité septentrionale de Taiwan se situe à environ 1 200 km des grandes villes portuaires de Fukuoka et Nagasaki, sur l’île de Kyushu, et Okinawa n’est qu’à 600 km de Taipei. L’extrémité méridionale de Taiwan se trouve à 400 km de l’île de Luzon, aux Philippines, et Kaohsiung est à seulement 800 km de Manille.
  • [58]
    La Chine était alors gouvernée par les Ming (1368-1644).
  • [59]
    On parle de marchands-pirates, car ces marins vivaient à la fois du pillage et de la contre-bande. Les plus célèbres restent Lin Daoqian, Lin Feng, Yan Siqi, Li Dan, Zheng Zhilong.
  • [60]
    Hirato, petite île japonaise située près de Fukuoka, était le principal port d’accès au territoire japonais en même temps qu’un lieu d’accueil des comptoirs occidentaux.
  • [61]
    Taiwan fut sous administration hollandaise de 1624 à 1662.
  • [62]
    Lin Manhong, op. cit., p. 10-22.
  • [63]
    Les Néerlandais furent chassés de Taiwan par Koxinga (Zheng Chenggong) – fils du marchand-pirate Zheng Zhilong –, qui se présentait comme le dernier représentant de la dynastie des Ming. Il se réfugia à Taiwan avec l’espoir de reconquérir le pouvoir en Chine. Son fils (Zheng Jing) et son petit-fils (Zheng Keshuang) administrèrent l’île de 1662 à 1683. La dynastie des Qing (Mandchous) s’imposa en 1644 en Chine (où elle restera au pouvoir jusqu’en 1912) et en 1683 à Taiwan (où elle conservera le pouvoir jusqu’en 1895).
  • [64]
    Un siècle après la prise du pouvoir par les Mandchous à Taiwan, un seul port était officiellement ouvert au commerce sur l’île : Lu’ermen (près d’Anping, aujourd’hui Tainan). Un deuxième port sera ouvert à Lukang en 1784, un troisième à Bali (près de Tamsui) en 1788.
  • [65]
    Ces traités furent signés entre les États-Unis, l’Angleterre, la France et la Russie d’un côté, la cour des Qing de l’autre.
  • [66]
    Lin Manhong, op. cit., p. 22-31.
  • [67]
    Le traité de Shimonoseki (avril 1895), signé entre la Chine et le Japon, fit de Taiwan – et de l’archipel de Penghu, situé à 60 km à l’ouest de l’île – une colonie japonaise.
  • [68]
    Un système de taxes encourageait les hommes d’affaires nippons installés à Taiwan à privilégier les échanges commerciaux avec le Japon, si bien que, à la veille de la guerre sinojaponaise (1937), la valeur du commerce Taiwan-Chine ne représentait plus que 3 % de la valeur du commerce Taiwan-Japon. Cf. Lin Manhong, op. cit., p. 32-38.
  • [69]
    Après la capitulation du Japon (août 1945), et conformément à ce qui avait été admis par les Alliés lors de la conférence du Caire (novembre 1943), puis réaffirmé dans la déclaration de Potsdam (juillet 1945), la Chine – en l’occurrence la ROC – recouvra sa souveraineté sur Taiwan.
  • [70]
    Taiwan sheng maoyi gongsi. En février 1946, cette société fut rebaptisée « Bureau chargé du commerce pour la province de Taiwan » (Taiwan sheng maoyi ju).
  • [71]
    Lin Manhong, op. cit., p. 38-40.
  • [72]
    Statistiques fournies par les pays d’accueil : Thaïlande, Malaisie, Philippines, Indonésie, Singapour, Viêt-nam, Cambodge. Cf. Industrial Development and Investment Center (IDIC), MOEA.
  • [73]
    China Post, 2 août 2005, p. 1 ; Taiwan News, 4 août 2005, p. 1-2.

1Le 1er octobre 1949, à l’issue d’une guerre civile ayant opposé les forces communistes et nationalistes dans la conquête du pouvoir en Chine, Mao Zedong fonde la République populaire de Chine (RPC). En décembre de la même année, Chiang Kai-shek [1] [Jiang Jieshi] se réfugie à Taiwan, où il vient de transférer les institutions de la République de Chine (ROC [2] ) – établie le 1er janvier 1912 par Sun Yat-sen [Sun Yixian]. C’est ainsi que deux gouvernements rivaux s’installent de chaque côté du détroit de Formose avec l’espoir, pour l’un de « libérer » Taiwan, pour l’autre de « reconquérir » le continent. Mais les deux chefs charismatiques mourront sans avoir atteint leur but, et ce qui était état de guerre se transformera peu à peu en opposition politique.

2Un demi-siècle plus tard. En mars 2005, le président chinois Hu Jintao annonce l’adoption par la RPC d’une « loi anti-sécession » (fan fenlie guojia fa) qui jette notamment les bases d’une intervention militaire contre Taiwan au cas où les autorités de l’île proclameraient l’indépendance. Le président de la ROC à Taiwan, Chen Shui-bian, réagit immédiatement en rappelant les positions de son gouvernement : « La ROC est un pays souverain et indépendant. La souveraineté du pays appartient aux vingt-trois millions de Taiwanais. Tout changement concernant la situation de Taiwan dans le futur est du [seul] ressort des vingt-trois millions de Taiwanais [3]. » Le différend qui oppose les deux rives du détroit semble plus que jamais d’actualité au bout de cinquante ans.

3Pourtant, au cours de ces vingt dernières années, les échanges économiques entre Taiwan et le continent chinois n’ont cessé de progresser. De 1987 à 2004, ce sont 33 155 firmes taiwanaises qui ont déclaré auprès du ministère [taiwanais] des Affaires économiques (MOEA [4] ) 41,2 milliards de dollars US de projets d’investissement sur le continent, des chiffres susceptibles de doubler si l’on retient les statistiques chinoises (64 626 contrats d’investissement signés, pour un montant total de 79,9 milliards de dollars US) [5], voire même de tripler selon certaines enquêtes (62 400 firmes, pour 139,4 milliards de dollars US) [6]. Selon les statistiques chinoises, cela représenterait un peu plus de 7 % de l’ensemble de l’investissement étranger en Chine [7], chiffre qui pourrait lui aussi facilement doubler dans la mesure où une partie des investissements enregistrés comme étant originaires de Hong Kong, de Macao ou des îles Vierges britanniques proviennent en réalité de Taiwan [8]. La logique économique serait-elle indépendante de la logique politique ?

4En 1948, le continent chinois représentait 86 % du commerce extérieur de Taiwan [9]. Le 20 mai 1949, le gouvernement nationaliste instaura la loi martiale, qui rendait passible de jugement pour haute trahison tout contact avec l’ennemi communiste. Les échanges commerciaux à travers le détroit étaient désormais interdits. Si la contrebande permit de maintenir un lien économique entre les deux rives pendant encore quelques années, le bombardement de Quemoy (Jinmen) par l’armée communiste en 1954 marqua le début d’une interruption du commerce entre Taiwan et la Chine qui allait durer vingt-cinq ans. La logique politique avait prévalu, mais ce n’était que partie remise. À la fin des années 1970, on assistait en effet à une petite reprise des activités économiques à travers le détroit de Formose sous l’impulsion d’hommes d’affaires qui n’hésitaient plus à braver la loi martiale, pourtant toujours en vigueur. C’est que l’écart de développement apparu au fil des années entre Taiwan et le continent chinois laissait entrevoir de belles opportunités de profit. La logique économique reprenait peu à peu ses droits.

5En fait, trois phénomènes se conjuguent. D’abord, il existe une tendance au rapprochement entre les deux rives sur la base d’intérêts économiques réciproques. C’est une tendance de long terme, car elle répond avant tout à une logique économique. Ensuite, il y a des considérations politiques dont les enjeux dépassent la logique économique, car l’on touche ici à la souveraineté nationale. Sur ce plan, les positions de Taipei et de Pékin sont aujourd’hui trop éloignées les unes des autres pour que l’on envisage un quelconque rapprochement politique. Enfin, l’économie est parfois mise au service de la politique. Si une telle instrumentalisation de l’économie influence à court terme les relations économiques entre Taiwan et le continent chinois, en revanche, elle ne peut remettre durablement en cause la logique économique, qui tend à rapprocher les deux rives, ni la logique politique, qui aujourd’hui les éloigne l’une de l’autre. C’est l’association de ces trois phénomènes qui explique l’évolution des échanges économiques à travers le détroit de Formose depuis la fin des années 1970.

Instauration du principe des échanges indirects

6En janvier 1979, dans un message adressé aux compatriotes taiwanais, Pékin proposa d’établir des liaisons directes entre les deux rives. Taipei répondit par les « trois non » : pas de contact, pas de négociation, pas de compromis avec les autorités communistes. Les autorités de l’île marquaient ainsi leur refus des « trois liaisons directes » (san tong) : commerciale (tong shang – marchandises et capitaux), postale et téléphonique (tong xin), maritime et aérienne (tong hang).

7Cependant, depuis les années 1950, l’écart de développement n’avait cessé de croître entre les deux rives. Tandis que le « Grand Bond en avant » (1958-1961), puis la « Révolution culturelle » (1966-1976) ralentissaient considérablement le développement économique sur le continent chinois, Taiwan connaissait en trente ans une croissance économique sans précédent, le taux de croissance annuel moyen du PNB s’établissant à 9,1 % entre 1952 et 1980 [10]. Cet écart – en termes de marché, de prix, de niveau de vie – favorisait les opportunités commerciales. En outre, le contexte politique encourageait lui aussi les échanges à travers le détroit. À la fin des années 1970, Deng Xiaoping lança sa politique de réforme et d’ouverture aux capitaux étrangers [11] en même temps qu’il adoptait des mesures destinées à promouvoir le commerce entre Taiwan et le continent chinois [12]. Sous l’impulsion de ces stimuli économiques et politiques, les échanges commerciaux à travers le détroit, bien que totalement illégaux selon Taipei, se développèrent progressivement. En l’espace de cinq ans, la valeur des importations taiwanaises en provenance du continent fut multipliée par deux : 56 millions de dollars US en 1979, contre 128 millions en 1984. Les exportations taiwanaises vers le continent allaient être multipliées par vingt : 21 millions de dollars US en 1979, mais 425 millions en 1984 [13].

8L’expansion de ce commerce était telle que le gouvernement taiwanais dut se rendre à l’évidence : il ne pouvait l’empêcher. Il décida donc de le reconnaître. Un pas avait été fait dans ce sens dès 1977 : les autorités de l’île autorisèrent l’importation de quelques herbes médicinales et matières premières agricoles ou industrielles du continent, toute autre marchandise étant confisquée par la douane [14]. Elles allèrent plus loin en juillet 1985 en autorisant le commerce indirect : tout commerce direct à travers le détroit, de même que tout contact direct entre les entreprises taiwanaises et chinoises, demeurait interdit, mais les hommes d’affaires taiwanais pouvaient désormais se livrer à des activités commerciales avec le continent chinois à condition que les marchandises transitent par un pays tiers, en l’occurrence Hong Kong ou Macao, alors colonies respectivement britannique et portugaise [15]. Le principe des échanges « indirects » entre les deux rives s’instaurait.

9Cependant, les entrepreneurs de l’île ne voulaient pas en rester là. Le commerce indirect était peut-être autorisé, mais l’investissement ne l’était pas. Or, la situation économique de Taiwan incitait de plus en plus les firmes à investir de l’autre côté du détroit. Des années 1950 aux années 1980, en effet, l’économie taiwanaise s’était profondément transformée. Dans les années 1950, les produits alimentaires représentaient environ les quatre cinquièmes des exportations taiwanaises, essentiellement du sucre (57,2 %), du riz (14,3 %) et du thé (5,1 %) [16]. Trente ans plus tard, les machines et appareils électriques comptent pour 30 % des exportations taiwanaises, deux fois plus que le textile (17 %) et trois fois plus que le plastique (9%), ces trois catégories correspondant à un peu plus de la moitié des exportations de l’île [17]. Cette transformation de l’économie alimenta la croissance à Taiwan pendant plus de trente ans. Pourtant, dans la seconde moitié des années 1980, celle-ci commença à montrer des signes d’essoufflement en raison de la diminution de la compétitivité des produits taiwanais sur les marchés internationaux. Premièrement, une loi visant à mieux protéger l’environnement, l’augmentation du prix des terrains et des loyers et, surtout, la hausse des salaires avaient élevé les coûts de production pour les entreprises de l’île, dont la majorité travaillaient dans des secteurs à forte intensité de main-d’œuvre. Les produits taiwanais devinrent alors plus chers – notamment par rapport à ceux qui étaient fabriqués en Asie du Sud-Est (Malaisie, Thaïlande, Philippines, Indonésie) –, et donc plus difficiles à exporter. Deuxièmement, cette tendance fut encore accentuée par une appréciation de 40 % en deux ans de la monnaie taiwanaise : de 40 NT$ (nouveau dollar de Taiwan) pour 1 US$ en 1985, le taux de change passa à 35 NT$ en 1986, puis à 28 NT$ en 1987 [18]. Dans ce contexte, les entrepreneurs taiwanais étaient naturellement poussés à relocaliser leurs activités dans des pays où la main-d’œuvre serait moins onéreuse afin de ne pas perdre leurs marchés à l’exportation ; la Chine, qui s’était ouverte depuis 1979 aux capitaux étrangers, était de ce point de vue un espace privilégié. La tentation était d’autant plus forte que, d’une part, les autorités communistes offraient des conditions très favorables aux investisseurs de l’île [19] et que, d’autre part, Chiang Ching-kuo [Jiang Jingguo] [20] venait de prendre des mesures de libéralisation. Sur le plan économique, il assouplit en juillet 1987 le contrôle sur les mouvements de capitaux; sur le plan politique, il abrogea, toujours en juillet 1987, la loi martiale, en vigueur depuis près de quarante ans, et autorisa en novembre les citoyens taiwanais à rendre visite à leur famille sur le continent. C’est ainsi que les investissements de l’autre côté du détroit, en dépit de leur interdiction par les autorités taiwanaises, allaient progresser rapidement : selon les statistiques chinoises, alors que les hommes d’affaires de l’île n’avaient signé que 80 contrats d’investissement (pour une valeur totale de 100 millions de dollars US) sur le continent chinois entre 1983 et 1987, ils en signèrent 987 (pour une valeur totale de 956 millions) dans la période 1988-1989 [21].

10Comme pour les échanges commerciaux, le gouvernement taiwanais dut admettre qu’il ne pouvait faire obstacle aux investissements de l’autre côté du détroit. En octobre 1990, il décida donc d’autoriser les hommes d’affaires à investir sur le continent chinois, sous réserve qu’ils le fassent indirectement. En d’autres termes, leurs capitaux devaient transiter par une société établie dans un pays tiers [22] : ce n’était donc pas une société « taiwanaise » qui investissait sur le continent chinois, mais une société « étrangère » à capitaux taiwanais. Désormais, le principe des échanges indirects, déjà appliqué au commerce depuis juillet 1985, concernait aussi les investissements.

La marche des firmes taiwanaises vers le continent chinois

11Une fois reconnus par Taipei, et malgré leur caractère indirect, les échanges économiques entre Taiwan et le continent chinois n’allaient cesser de prendre de l’ampleur tout au long des années 1980 et 1990. De 553 millions de dollars US en 1984, la valeur totale du commerce entre les deux rives passa à 1,5 milliard en 1987 pour atteindre 5,2 milliards en 1990, puis 15,1 milliards en 1993 et 31,2 milliards en 2000. Les investissements connurent une progression identique. Alors qu’ils n’avaient investi que 956 millions de dollars US sur le continent en 1988-1989, les entrepreneurs taiwanais y investirent environ 2 milliards entre 1990 et 1992, près de 10 milliards entre 1993 et 1995, et entre 2,3 et 3,5 milliards par an de 1996 à 2000 [23].

12Cette montée des échanges à travers le détroit s’accompagna d’une évolution à la fois géographique et sectorielle des investissements. Jusqu’en 1987, le Fujian et le Guangdong, proches de l’île, étaient les seules provinces recevant des capitaux taiwanais. En 1988-1989, les investisseurs montèrent jusqu’à Shanghai. Dans les années 1990, ils avancèrent à la fois le long du littoral – vers le nord (Zhejiang, Jiangsu, Shandong, Hebei, Liaoning, Pékin, Tianjin) et vers le sud (Hainan) – et du fleuve Bleu (le Yangzi), à savoir dans le Hubei, le Sichuan, le Henan et le Hunan. Ces régions constituent ainsi les principales destinations des entrepreneurs taiwanais sur le continent, même si ceux-ci ont aujourd’hui essaimé sur la quasi-totalité du territoire chinois. Dans le même temps, on assista à une évolution sur le plan sectoriel. Dans les années 1980, les capitaux taiwanais sur le continent se portaient essentiellement sur les secteurs traditionnels à forte intensité de main-d’œuvre : entre 1983 et 1990, plus des deux tiers des entrepreneurs avaient investi dans le vêtement ou la chaussure (25 %), dans le bois, le cuir, le plastique ou le caoutchouc – jouets, petit artisanat, etc. – (25 %), dans les machines et appareils électriques (électroménager), ou dans l’électronique grand public – télévisions, radios, etc. – (20 %). Dans les années 1990, ces investissements s’élargirent peu à peu aux secteurs à plus forte intensité technologique : entre 1991 et 1994, seulement 14,7 % des capitaux taiwanais avaient pour destination le secteur de l’électronique ; ce chiffre s’éleva à 20,5 % entre 1995 et 1997, pour atteindre 46,8 % entre 1998 et 2000 [24]. En octobre 2000, l’entreprise taiwanaise Quanta Computer, l’un des principaux fabricants de notebooks dans le monde [25], annonça son intention d’investir 26 millions de dollars US sur le continent afin d’y établir une unité de production de cartes mères [26] et autres composants électroniques.

13Cette tendance reflète assez bien la transformation de l’économie taiwanaise au cours de cette période, sous le double effet d’une forte volonté gouvernementale – les autorités taiwanaises créèrent en 1980 un parc industriel à vocation scientifique près de Hsinchu (à une heure de Taipei), destiné à attirer les entreprises de haute technologie – et d’un apport important d’investissements directs (ID) étrangers, surtout américains et japonais – entre 1987 et 1992, près d’un quart des ID étrangers à Taiwan (23 %) concernaient le secteur des appareils électriques et électroniques, principalement dans les domaines de l’électronique haut de gamme et de l’informatique [27]. En 1996, sur le marché mondial, 10 % des ordinateurs de bureau, le tiers des ordinateurs portables, la moitié des écrans d’ordinateur et les deux tiers des cartes mères étaient produits par des entreprises taiwanaises à Taiwan ou à l’étranger [28].

14Cette évolution géographique et sectorielle s’accompagna au cours des années 1990 d’une plus grande implication des hommes d’affaires de l’île sur le marché chinois. Dix ans plus tôt, à une époque où les investissements de l’autre côté du détroit étaient encore interdits par Taipei, la majorité des entrepreneurs taiwanais appliquaient sur le continent la méthode liang tou zai wai [les deux extrémités (de la chaîne) à l’extérieur]. Celle-ci consistait à importer des équipements et des matériaux de Taiwan, puis à fabriquer un produit sur le continent, avant de l’exporter sous la marque d’un donneur d’ordre étranger, le plus souvent via Hong Kong. De cette façon, les investisseurs taiwanais pouvaient s’assurer de la qualité des équipements et matériaux tout en profitant d’une main-d’œuvre bon marché, en contrôlant le processus de fabrication et en maîtrisant les délais de livraison grâce à la prise en charge de l’expédition des marchandises à Hong Kong. De plus, les commandes étaient reçues et traitées au siège de l’entreprise sur l’île et l’acheteur versait directement l’argent sur un compte bancaire à Taiwan ou à Hong Kong, ce qui permettait de maîtriser les flux financiers et d’éviter le problème du rapatriement des profits.

15Dans les années 1990, la plus grande implication des entrepreneurs taiwanais sur le marché chinois se traduisit d’abord dans l’évolution de cette méthode. Alors que la quasi-totalité des équipements et matériaux étaient initialement importés de Taiwan (ou d’ailleurs), les investisseurs taiwanais se mirent peu à peu à s’approvisionner davantage sur place. Cela incita les fournisseurs des entreprises déjà présentes sur le continent à traverser eux aussi le détroit, de peur d’être concurrencés par d’autres entreprises étrangères en Chine ou, à terme, par des entreprises locales chinoises, ce qui contribua à accélérer le phénomène d’agglomération [29]. Par exemple, l’industrie taiwanaise de la chaussure s’est concentrée dans les villes de Dongguan (Guangdong) et de Putian (Fujian), où près de la moitié des matériaux pouvaient être obtenus localement [30]. De même, les fabricants taiwanais d’ordinateurs se sont regroupés d’abord à Suzhou (Jiangsu), devenue au milieu des années 1990 l’une des plus importantes bases pour la production de moniteurs d’ordinateurs [31], puis à Shanghai (dans le cas d’Acer, qui envisageait à la fin de l’année 2000 d’y installer son siège social pour la Chine) ou dans ses environs (Arima Computer à Wujiang, Inventec, Compal Electronics et Quanta Computer) [32]. Les entreprises situées en amont du processus de production rejoignant celles qui sont en aval, les réseaux de relations eurent tendance à se reconstituer de l’autre côté du détroit. Cette stratégie permettait aux entrepreneurs de conserver sur le continent ce qui faisait déjà leur force à Taiwan, à savoir une organisation interfirmes de la production très flexible et capable de s’adapter aux aléas du marché et de répondre rapidement à la demande des clients étrangers. Parallèlement à cette évolution de la méthode liang tou zai wai, on vit apparaître une nouvelle logique, celle de la conquête du marché intérieur chinois. Elle s’illustre assez bien dans le comportement des grands groupes taiwanais de l’agroalimentaire, dont Ting Hsin (implanté en Chine dès 1989), President (Tongyi en chinois, implanté en Chine en 1992), ou encore Wei-chuan (implanté en Chine en 1991) constituent les exemples les plus représentatifs. Ceux-ci adoptèrent en effet une stratégie d’expansion sur l’ensemble du territoire chinois, avec une prédilection pour les provinces les plus peuplées : le Sichuan (115millions d’habitants) pour Ting Hsin (Chengdu, Leshan) et President (Chongqing, aujourd’hui municipalité spéciale) ; le Henan (92 millions d’habitants) pour President (Luoyang) et Wei-chuan; le Shandong (88millions d’habitants) pour President (Jinan) [33]. Les statistiques sont révélatrices de ce phénomène. Entre 1991 et 1996, plus de 40 % des investissements taiwanais dans le Sichuan étaient destinés à l’agroalimentaire [34]. En 1996, Wei-chuan revendiquait 10 % du marché chinois des MSG (monosodium glutamate) [35]. En 1999, la presse annonçait que Ting Hsin et President détenaient à eux deux la moitié du marché chinois des nouilles instantanées – respectivement 35 % et 15 % –, en particulier grâce à la marque Kang Shih Fu (Ting Hsin), très célèbre sur le continent [36].

16Il convient toutefois de souligner que cette plus grande implication des firmes taiwanaises sur le marché chinois ne signifie en aucun cas le passage d’une stratégie du « tout à l’exportation » à une stratégie du « tout à destination du marché intérieur ». D’abord, de nombreuses petites et moyennes entreprises (PME) continuent de fonctionner selon le système liang tou zai wai. Ensuite, beaucoup de grandes firmes produisent à la fois pour le marché intérieur et à l’exportation. Par exemple, President a établi au Xinjiang une filiale fabriquant du jus de tomate pour le marché japonais [37].

Quand la politique et l’économie s’entremêlent

17Le rapprochement économique entre les deux rives du détroit au cours des années 1980 et 1990 serait en somme assez naturel si Taiwan et la Chine populaire étaient deux pays amis souhaitant développer leurs échanges de la façon la plus harmonieuse possible. Or, c’est loin d’être le cas, car les relations entre Taipei et Pékin sont marquées par un différend politique non résolu depuis 1949. Le pouvoir communiste considère Taiwan comme une province rebelle faisant partie intégrante du territoire chinois [38] et sur laquelle il entend recouvrer la souveraineté [39], si nécessaire par la force. De son côté, le gouvernement taiwanais réfute toute idée de (ré)unification [40] avec le continent tant qu’un pouvoir démocratique ne sera pas installé à Pékin.

18Du point de vue de Pékin, les intérêts économiques et politiques se recoupaient. L’objectif avait été clairement affiché en mai 1979 dans la « Réglementation provisoire sur le développement du commerce avec Taiwan » : « Le commerce avec Taiwan a pour objet, en ralliant le monde de l’industrie et du commerce, de promouvoir l’union économique entre les deux rives et, ainsi, le retour de Taiwan au sein de la mère patrie. » En d’autres termes, le but était de rendre Taiwan économiquement dépendant du continent afin de disposer d’un levier – par exemple la menace de représailles économiques – qui permette de hâter la réunification politique. Par ailleurs, dans un contexte où les autorités communistes cherchaient à attirer les capitaux étrangers pour assurer le développement économique du pays, les investisseurs taiwanais étaient naturellement les bienvenus. C’est pourquoi gouvernement central et gouvernements locaux adoptèrent de nombreuses mesures pour encourager les « compatriotes de Taiwan » à venir investir sur le continent [41]. Taipei, par contre, se trouvait ballotté entre des intérêts politiques et économiques contradictoires. D’un côté, le gouvernement taiwanais souhaitait éviter une trop grande dépendance économique, qui risquait de le placer en situation de faiblesse par rapport au pouvoir communiste. D’un autre côté, il devait aussi tenir compte de la nécessité économique à laquelle répondaient les investissements taiwanais sur l’autre rive du détroit et du fait que la marche des entreprises vers le continent chinois participait d’un mouvement plus large, celui de la restructuration de l’économie de l’île. Autrement dit, Taipei ne pouvait empêcher les firmes de traverser le détroit – si tant est que cela fût possible – sans prendre le risque de mettre en difficulté beaucoup de petits entrepreneurs, ce qui eût été dommageable pour l’ensemble de l’économie de Taiwan. La politique continentale du gouvernement taiwanais au cours des années 1990 allait ainsi refléter des intérêts contradictoires.

19Premièrement, les entrepreneurs furent encouragés à investir dans le Sud-Est asiatique plutôt que sur le continent chinois. C’est à l’occasion d’un voyage dans la région – Philippines, Indonésie, Thaïlande – que le président taiwanais, Lee Teng-hui [42], lança en février 1994 la « politique en direction du sud », c’est-à-dire, du point de vue de Taiwan, en direction de l’Asie du Sud-Est. L’objectif était de faciliter l’investissement des firmes de l’île dans cette région non seulement en offrant des services aux investisseurs (réalisation d’enquêtes sur les conditions d’investissement, création de bureaux locaux d’information et d’aide à l’établissement, financement de projets via des prêts), mais aussi en finançant sur place des zones industrielles afin d’inciter les entreprises à y investir de manière collective (par exemple le parc industriel de Subic Bay, sur une ancienne base américaine située près de Manille).

20Deuxièmement, les échanges avec le continent chinois demeurèrent très contrôlés en nature comme en volume. En septembre1996, Lee Teng-hui lançait aux entrepreneurs de l’île : « Ne vous hâtez pas, soyez patients ! » (jie ji yong ren). Il s’agissait en premier lieu de s’assurer que les échanges entre les deux rives ne mettaient pas en danger la sécurité nationale. De fortes restrictions furent imposées sur les exportations de produits de haute technologie et sur les investissements dans les secteurs de pointe. Il fallait en second lieu promouvoir le développement économique de l’île. Le gouvernement limita les importations de produits finis fabriqués sur le continent – afin de protéger les entreprises locales sur le marché taiwanais – et encouragea les investissements dans les industries à forte intensité de main-d’œuvre – afin d’aider à réorienter l’économie de l’île vers des secteurs à plus haute valeur ajoutée [43]. Il instaura par ailleurs un plafond de 50 millions de dollars US par projet d’investissement et de 40 % du capital de l’entreprise pour l’ensemble des projets [44].

21Troisièmement, tout en maintenant un discours ferme, le gouvernement taiwanais n’en répondit pas moins aux attentes des hommes d’affaires en lâchant un peu de lest. D’abord, il élargit la liste des produits/secteurs autorisés au commerce et à l’investissement : entre 1993 et 1997, le nombre de produits pouvant être importés du continent fut multiplié par dix (5 260 en 1997, contre 500 en 1993), tandis que, sur la même période, le nombre de produits/secteurs interdits à l’investissement sur le continent était divisé par huit (40 en 1997, contre 312 en 1993) [45]. Ensuite, le gouvernement trouva un compromis permettant de diminuer les coûts de transport sans remettre en cause sa politique de refus des san tong : les liaisons « semi-directes ». Les entrepreneurs se plaignaient en effet des coûts supplémentaires engendrés par le principe des échanges indirects, essentiellement les frais liés à la distance parcourue [46] (carburant, salaires des marins, frais d’immobilisation des marchandises dans le port tiers, frais de manutention des conteneurs). En 1995, Taipei lança le projet de création à Kaohsiung d’un centre maritime « extraterritorial » dont la nature même préservait le caractère « indirect » des liaisons entre les deux rives. Les premières traversées officielles « semi-directes » du détroit par des porteconteneurs eurent lieu au printemps 1997 : le navire chinois Sheng Da, naviguant sous pavillon de Saint-Vincent, relia Xiamen à Kaohsiung le 19 avril; cinq jours plus tard, le navire taiwanais Uni-Order, enregistré à Panama, reliait Kaohsiung à Xiamen [47].

Changement de politique

22L’accession de Chen Shui-bian [48] au pouvoir en mars 2000 marqua un tournant dans la politique continentale de l’île. En effet, le président nouvellement élu fit un double constat.

23Il observa d’abord que la dépendance de l’économie taiwanaise à l’égard du continent n’avait cessé de s’accentuer. D’une part, le marché chinois se substituait peu à peu au marché américain : en 2000,16,9 % des exportations taiwanaises étaient à destination de la Chine, contre seulement 2,3 % en 1987. Dans le même temps, les États-Unis n’avaient cessé de perdre du terrain : en 2000, ils ne comptaient plus que pour 23,5 % dans les exportations taiwanaises, contre 44,1 % en 1987. D’autre part, l’excédent commercial de Taiwan (18,7 milliards de dollarsUS en 1987, mais 8,3 milliards en 2000) dépendait de moins en moins des États-Unis et de plus en plus de la Chine : tandis que la balance commerciale de Taiwan avec les États-Unis s’effondrait (excédent de 16 milliards en 1987, de 9,7 milliards en 2000), sa balance commerciale avec la Chine s’envolait (excédent de 0,9 milliard en 1987, de 18,8 milliards en 2000 [49] ). Le message de Lee Teng-hui, « ne vous hâtez pas, soyez patients », n’avait manifestement rencontré que peu d’écho auprès des hommes d’affaires, et le gouvernement taiwanais avait largement échoué dans sa tentative pour ralentir la marche des firmes taiwanaises vers le continent chinois.

24Chen Shui-bian fit cependant une seconde constatation. Si les autorités communistes pouvaient crier victoire devant la dépendance accrue – et qu’elles appelaient de leurs vœux – de l’économie taiwanaise à l’égard du continent, ce rapprochement économique, contrairement à leurs espérances, n’avait aucunement conduit à un rapprochement politique entre les deux rives. Au contraire, la démocratisation du régime de Taiwan amorcée à la fin des années 1980 avait entraîné des réformes politiques tendant à couper peu à peu les liens institutionnels entre Taiwan et le continent chinois. D’abord, en décembre 1991, les membres de l’Assemblée nationale – élus sur le continent en 1948 (!) – furent contraints à la démission, et l’on organisa de nouvelles élections entièrement taiwanaises [50]. Ensuite, en mars 1996, le président de la ROC à Taiwan fut élu pour la première fois au suffrage universel direct [51]. Enfin, en décembre 1998, les institutions provinciales furent gelées. La conclusion allait de soi : la montée des échanges à travers le détroit semblait inéluctable, mais rapprochement économique et réformes démocratiques n’étaient pas incompatibles. Il était donc inutile de continuer à brider les relations économiques entre les deux rives, d’autant que les adhésions prévues de la République populaire de Chine et, surtout, de Taiwan à l’Organisation mondiale du commerce (OMC [52] ) impliquaient de toute façon la levée progressive des restrictions sur le commerce et sur l’investissement à travers le détroit.

25S’appuyant sur cet état de fait, Chen Shui-bian décida alors d’accélérer la libéralisation des échanges avec le continent chinois. Son premier acte en ce sens fut hautement symbolique : trois jours après son élection, il demandait au Parlement de lever l’interdiction pesant sur les san tong, autrement dit d’abandonner le sacro-saint principe des liaisons indirectes entre les deux rives. Certes, cette mesure, qui ne concernait que les îles de Quemoy (Jinmen) et Matsu (Mazu), ne pouvait qu’avoir un effet économique limité : on parla des « trois petites liaisons directes » (xiao san tong). Mais elle était représentative de la nouvelle orientation adoptée par les autorités taiwanaises [53]. La deuxième grande décision de Chen Shui-bian fut d’abandonner la politique du « ne vous hâtez pas, soyez patients » de son prédécesseur. En novembre 2001 vit le jour une nouvelle politique continentale : « libéralisation active, gestion efficace » (jiji kaifang, youxiao guanli). L’objectif était de parvenir à terme à une normalisation des relations économiques entre les deux rives [54]. Neuf mois plus tard, le gouvernement taiwanais autorisait pour la première fois les entreprises à investir « directement » sur le continent chinois [55]. Par ailleurs, les conditions d’approbation des projets d’investissement furent assouplies (suppression du plafond de 50 millions de dollars US par projet) et la liste des secteurs interdits ou limités encore réduite [56]. Bien évidemment, ces mesures accélérèrent le rapprochement économique entre les deux rives. En 2004, le volume des échanges entre Taiwan et le continent atteignit le chiffre record de 61,6 milliards de dollars US, doublant ainsi par rapport à l’année 2000, et la part de la Chine dans les exportations taiwanaises s’éleva à 26 %, soit une fois et demie le chiffre de l’année 2000. Les investissements sur le continent connurent également une nouvelle croissance (d’ampleur variable selon les statistiques retenues) sur la période 2001-2004 : d’après Taipei, 24,1 milliards de dollars US de « projets » d’investissement déclarés auprès du MOEA(contre 17,1 milliards entre 1987 et 2000); d’après Pékin, 31,5 milliards de dollars US de contrats d’investissement signés par les hommes d’affaires de l’île (contre 48,5 milliards entre 1987 et 2000), soit une moyenne annuelle de 7,9 milliards (contre 3,5 milliards entre 1987 et 2000).

26En définitive, la logique économique s’est avérée largement indépendante de la logique politique. Les autorités taiwanaises ont surestimé le risque politique, qui apparaît en définitive comme relativement faible en regard des avantages économiques engendrés par le développement des échanges avec le continent. Du point de vue du gouvernement communiste, à l’inverse, la dépendance économique croissante de Taiwan à l’égard du continent ne s’est pas traduite en termes politiques, et l’influence du facteur économique sur la politique intérieure taiwanaise a été surestimée. De plus, des représailles économiques seraient probablement contre-productives : d’abord, la Chine a besoin des technologies et des capitaux étrangers pour poursuivre son développement économique, et l’apport des hommes d’affaires de l’île dans ce domaine est loin d’être négligeable ; ensuite, en cas de représailles, les premiers touchés seraient ces entrepreneurs taiwanais mêmes dont le pouvoir communiste espère qu’ils deviendront des alliés politiques.

La leçon de l’histoire

27D’un point de vue historique, le fait que Taiwan se rapproche ainsi économiquement du continent chinois n’est guère surprenant. Située à moins de deux cents kilomètres des côtes chinoises, l’île occupe également une position stratégique à mi-chemin entre le Japon et l’Asie du Sud-Est [57], de telle sorte que les activités maritimes et commerciales ont traditionnellement été intenses dans le détroit de Formose. Or, si celles-ci ont pu être momentanément ralenties, voire interrompues par les pouvoirs en place, elles ont toujours fini par reprendre sous l’impulsion des marchands de chaque côté du détroit, si besoin par le biais de la contrebande. Trois exemples pour s’en convaincre.

28D’abord, à la fin du XVIe siècle [58], dans un contexte de restrictions au commerce maritime imposées par les autorités tant chinoises que japonaises, des marchands-pirates (haidao shangren) [59] mirent en place un système triangulaire de contrebande entre Taiwan, Hirato [60] (Japon) et le continent chinois. Taiwan y jouait un rôle à la fois de producteur et d’intermédiaire. Des fourrures, de la soie et du sucre chinois s’échangeaient contre du minerai d’argent japonais par le biais de Taiwan, qui, de son côté, exportait du cuir (peaux de cerf) vers le Japon (pour la fabrication des armures) et de la viande séchée vers le continent. Au début du XVIIe siècle, l’internationalisation de ce commerce par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales [61] stimula les échanges à travers le détroit. Les fourrures, la soie et la porcelaine chinoises à destination du Japon et de l’Europe transitaient par Taiwan. C’était également le cas pour les produits importés par la Chine, tels l’argent et le cuivre du Japon, ou encore le coton, le chanvre, l’ambre, l’étain et le plomb en provenance d’Asie du Sud-Est. Taiwan était devenue la plaque tournante du commerce extérieur de la Chine [62].

29Ensuite, au XVIIIe siècle, malgré la volonté affichée par le gouvernement des Qing [63], soucieux de contenir toute rébellion contre le pouvoir en place et de limiter les contacts entre les deux rives du détroit [64], des milliers de petits bateaux assuraient la liaison entre le continent et les petits ports de la côte ouest de l’île, la plupart du temps en toute illégalité. Taiwan exportait ainsi du sucre, du soja et du lin vers le Fujian, le Guangdong, le Zhejiang, Shanghai et Tianjin, et s’approvisionnait de l’autre côté du détroit en coton (Tianjin), en toile (Fuzhou, Quanzhou) et en fils de soie (Zhangzhou) pour la fabrication de vêtements, en pierre (Quanzhou) pour la production de briques et de tuiles, en bois de sapin (Fuzhou) pour la construction, et en porcelaine (Xiamen) pour les articles d’usage courant.

30Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les échanges commerciaux entre les deux rives prirent encore de l’ampleur après la signature des traités de Tianjin (juin 1858) [65], qui ouvraient les ports d’Anping, Tamsui, Keelung et Kaohsiung aux navires américains, anglais, français et russes. En effet, les exportations taiwanaises de thé (en Amérique vers Los Angeles, New York, Boston), de camphre (vers l’Inde et l’Angleterre) et de sucre (vers l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Japon) transitaient souvent par les ports de Xiamen (Amoy) et de Hong Kong. De même, les produits occidentaux importés par Taiwan arrivaient de ports situés sur le littoral chinois. L’extension du commerce extérieur taiwanais s’était donc traduit par un renforcement des liens économiques entre les deux rives [66].

31Enfin, au milieu du XXe siècle, après les cinquante années d’administration japonaise sur Taiwan [67] qui avaient donné un coup d’arrêt aux échanges commerciaux à travers le détroit [68], le commerce reprit de plus belle entre les deux rives [69]. Dans un premier temps fut créée, en décembre 1945, une « société chargée du commerce pour la province de Taiwan [70] » qui assurait la redistribution des ressources entre Taiwan et les provinces chinoises. Par exemple, Taiwan fournissait du sucre aux provinces du Jiangsu, du Zhejiang et de l’Anhui en échange de farine de blé, de cotonnades et de soieries. Puis, une fois le détroit dégagé des mines posées durant la guerre, les commerçants prirent si bien le relais que, moins de trois ans plus tard, le continent chinois était redevenu, et de loin, le premier partenaire commercial de l’île [71].

32Vue sous cet angle, la montée du commerce et de l’investissement à travers le détroit depuis le début des années 1980 apparaît comme une péripétie dans l’histoire des relations économiques entre les deux rives : Deng Xiaoping n’a fait que redonner une impulsion à des échanges qui existaient auparavant et qui, étant donné les intérêts commerciaux, ne demandaient qu’à se développer de nouveau. Confrontés à une hausse des coûts de production sur l’île, les entrepreneurs taiwanais se tournèrent naturellement vers cette Chine continentale dont ils se sentaient proches géographiquement, mais aussi culturellement et linguistiquement, et qui venait justement de s’ouvrir aux capitaux étrangers. Certes, le Sud-Est asiatique constituait une autre option possible : entre 1987 et 2004, ils y ont d’ailleurs signé pour 46 milliards de dollars US de contrats d’investissement [72] (contre 79,9 milliards sur le continent chinois). Cependant, toutes choses égales par ailleurs, leur aptitude à respecter les normes occidentales et japonaises, conjuguée à leur habileté à s’intégrer au monde chinois des affaires, les mettait dans une position particulièrement favorable sur le continent aussi bien pour l’exportation vers les marchés étrangers que pour la vente sur le marché intérieur chinois. Ce faisant, les hommes d’affaires de l’île se retrouvaient au centre d’un jeu politique qui dépassait leurs préoccupations de baisse des coûts et de conquête de marchés. Dans ce contexte, s’ils se sont occupés de politique, c’est que celle-ci pesait sur leurs intérêts économiques : ils ont ainsi largement contribué à l’assouplissement de la loi sur le commerce et l’investissement à travers le détroit. Par contre, leur influence sur les politiques des gouvernements taiwanais et chinois s’est arrêtée là où commençaient les intérêts stratégiques de Taipei et Pékin.

33De fait, le rapprochement économique entre les deux rives n’a nullement entraîné un rapprochement politique. La poursuite de la libéralisation des échanges est souhaitée par de nombreux entrepreneurs de l’île, partisans d’une plus grande liberté économique. C’est pour répondre à leur attente que le Premier ministre Frank Hsieh annonçait en août 2005 le prochain élargissement des « trois petites liaisons directes » à l’archipel de Penghu ainsi que la levée de l’interdiction de survol de l’espace aérien chinois par les avions commerciaux taiwanais [73]. Quant au rapprochement politique entre Taiwan et le continent, il dépend finalement beaucoup moins de facteurs économiques que de facteurs politiques, à savoir de l’évolution de l’opinion publique taiwanaise – aujourd’hui majoritairement favorable au statu quo –, et, en dernier ressort, de l’instauration d’un régime démocratique à Pékin.

figure im1

Notes

  • [### 1]
    Également orthographié « Tchang Kaï-chek ».
  • [2]
    ROC : Republic of China.
  • [3]
    Cf. <www. mac. gov. tw/ big5/ mlpolicy/ ch940316. htm>.
  • [4]
    MOEA : Ministry of Economic Affairs.
  • [5]
    Les statistiques concernant le commerce et l’investissement sont, sauf mention contraire, tirées de Liang’an jingji tongji yuebao (Cross-Strait Economic Statistics Monthly), n° 63, nov. 1997 ; n° 114, févr. 2002 ; n° 146, déc. 2004 ; n° 149, mars 2005.
  • [6]
    Enquête rapportée par Tien Jiun-mei, « Policy Implication of Liberalizing Direct Investment in Mainland China », Liang’an jingmao yuekan (LJY) (Straits Business Monthly), n° 128, août 2002, p. 3-7.
  • [7]
    Ce chiffre atteint 7,3 % si l’on considère le montant total des contrats signés (dits « investissements “contractés” »), et 7,1 % si l’on tient compte des capitaux réellement investis (dits « investissements “réalisés” »).
  • [8]
    Ces trois territoires comptent pour la moitié de l’investissement étranger en Chine (1979-2004) : 42,7 % (montant des contrats) et 43,2 % (investissements « réalisés ») pour Hong Kong et Macao; 7,4 % (montant des contrats) et 6,6 % (investissement « réalisés ») pour les îles Vierges britanniques.
  • [9]
    Lin Manhong, Si bai nian lai de liang’an fenhe – Yi ge jingmao shi de huigu [400 ans de séparation et d’union – Une rétrospective des relations économiques et commerciales entre Taiwan et le continent chinois], Taipei, Zili wanbao wenhua chuban bu, Taiwan lishi da xi, 1994, p. 41.
  • [10]
    Produit national brut (PNB). Cf. Taiwan Statistical Data Book (TSDB), 1996.
  • [11]
    Cf. la « Loi de la RPC sur les joint-ventures sino-étrangères », juillet 1979.
  • [12]
    Cf. la « Réglementation [supplémentaire] pour l’achat de produits taiwanais », juin 1980, qui exonère de droits de douane les produits importés de Taiwan (possédant un certificat d’origine) et facilite les importations de produits chinois par les entrepreneurs de l’île (commandes traitées en priorité, octroi de rabais, etc.).
  • [13]
    Commerce transitant par Hong Kong.
  • [14]
    Cf. la « Réglementation sur l’interdiction de commerce illégal de produits en provenance des régions contrôlées par les bandits ».
  • [15]
    Cf. « Les trois principes de base du commerce indirect via Hong Kong et Macao ».
  • [16]
    1952-1958, cf. TSDB, 1988.
  • [17]
    1987, cf. TSDB, 1988.
  • [18]
    Cf. TSDB, 1996. Les raisons de cette forte appréciation de la monnaie taiwanaise étaient a) l’accumulation par Taiwan d’une énorme réserve de devises étrangères, conséquence d’un large excédent de son commerce extérieur; b) les pressions exercées sur le gouvernement de l’île par les États-Unis, eux-mêmes confrontés à un fort déficit commercial avec Taiwan.
  • [19]
    Cf. les « Dispositions pour encourager les investissements des compatriotes de Taiwan », juillet 1988, qui permettent entre autres aux hommes d’affaires de l’île (contrairement aux autres investisseurs étrangers) d’investir sur le continent dans tous les secteurs d’activité sous réserve que leur projet d’investissement soit conforme aux objectifs de développement économique et social du pays.
  • [20]
    À la mort de Chiang Kai-shek, en avril 1975, son fils Chiang Ching-kuo, alors vice~président, lui succède à la tête de l’État. Il sera élu président de la République par l’Assemblée nationale en mars 1978.
  • [21]
    Fei Li, Haixia liang’an jingmao guanxi [Relations économiques et commerciales entre Taiwan et le continent], Beijing, Duiwai maoyi jiaoyu chuban she, 1994, p. 158.
  • [22]
    Cf. la « Réglementation concernant la gestion des investissements indirects ou de la coopération technologique sur le continent ».
  • [23]
    Statistiques chinoises (investissements « réalisés »).
  • [24]
    Statistiques taiwanaises (valeur des projets d’investissement déclarés auprès du MOEA), tirées de Statistics on Overseas Chinese and Foreign Investment, Outward Investment, Mainland Investment, (divers numéros), publication du MOEA (Investment Commission), Taipei.
  • [25]
    Comme beaucoup d’entreprises à Taiwan, Quanta Computer commercialise la plupart de ses produits non pas sous sa propre marque, mais sous celles de firmes étrangères ; on parle à ce propos de stratégie OEM (Original Equipment Manufacturing).
  • [26]
    China Post, 30 oct. 2000, p. 12.
  • [27]
    Statistics on Overseas Chinese…, op. cit.
  • [28]
    Wu Rong-I, Tseng Ming-Sheng, « The Development of the Information Industry in Taiwan », IDRI Occasional Paper, n° 7, nov. 1997, p. 7-8.
  • [29]
    « Agglomération » désigne ici la concentration géographique d’investissements en un même lieu afin de bénéficier d’économies en termes d’emploi et de qualification, d’accès aux produits intermédiaires, au niveau des activités de recherche-développement, ou encore de la recherche d’information sur les conditions d’investissement.
  • [30]
    Entretien de l’auteur avec le Centre d’études sur la conception et les techniques de fabrication de la chaussure, Taichung, 14 août 1996.
  • [31]
    China Post, 6 juil. 1996, p. 11.
  • [32]
    Ibid., 30 oct. 2000.
  • [33]
    Entretien de l’auteur avec President, Tainan, 16 mai 1996, et avec Ting Hsin, Pékin, 14 mars 1997.
  • [34]
    Statistiques taiwanaises (valeur des projets d’investissement déclarés auprès du MOEA). Cf. Statistics on Overseas Chinese…, op.cit.
  • [35]
    Entretien de l’auteur avec Wei-chuan , Taipei, 14 mars 1996.
  • [36]
    Taiwan News, 25 mai 1999, p. 14.
  • [37]
    Entretien de l’auteur avec President.
  • [38]
    Taiwan avait été élevée au rang de « province » par le gouvernement des Qing le 5 septembre 1885.
  • [39]
    Les autorités communistes souhaitent en fait transformer Taiwan en « région administrative spéciale » (tebie xingzheng qu) en vertu du principe « un pays, deux systèmes », appliqué à Hong Kong depuis le 1er juillet 1997 et à Macao depuis le 20 décembre 1999.
  • [40]
    Les textes chinois ne distinguent pas entre « unification » et « réunification », les deux mots se traduisant par tongyi. L’utilisation de l’un ou l’autre terme français est dès lors question d’appréciation politique : Taiwan et le continent chinois étaient-ils déjà unifiés avant 1949 ? Cf. sur ce point, par exemple, le chapitre intitulé : « Taiwan, un État d’Asie du Sud-Est ? », in François Joyaux, Géopolitique de l’Extrême-Orient, t. 1, Espaces et politique, Bruxelles, Complexe, 1993, p. 141-150.
  • [41]
    Cf. la « Loi de la RPC sur la protection des investissements des compatriotes de Taiwan », mars 1994 ; « Quelques mesures adoptées par la ville de Fuzhou pour garantir les droits et intérêts des investisseurs taiwanais », décembre 1996.
  • [42]
    Lee Teng-hui, vice-président, succéda à Chiang Ching-kuo en janvier 1988 ; il fut élu président de la République par l’Assemblée nationale en mai 1990.
  • [43]
    Cf. la « Réglementation concernant les modalités d’approbation de l’investissement ou de la coopération technologique sur le continent », 1er mars 1993.
  • [44]
    Cf. les « Principes pour l’examen des projets d’investissement ou de coopération technologique sur le continent », 31 décembre 1993 et 1er juillet 1997.
  • [45]
    Les produits de très haute technologie (pour l’époque) tels que les CD-ROM ou les équipements de communication sans fil étaient cependant toujours frappés d’interdiction ; cf. Deborah Shen, « Off-Limits of Projects on Mainland Announced », Free China Journal (FCJ), 11 juil. 1997, p. 3.
  • [46]
    La distance Taipei-Shanghai à vol d’oiseau est de 692km. Le même trajet via Hong Kong est de 2 044 km (Taipei-Hong Kong : 805 km ; Hong Kong-Shanghai : 1 239 km).
  • [47]
    « Taiwan Ship Sets Sail on Maiden Cross-Straits Voyage », FCJ, 25 avr. 1997, p. 1.
  • [48]
    Membre du Parti démocrate progressiste (Minjindang), Chen Shui-bian succéda à Lee Teng-hui à la présidence de la République ; élu au suffrage universel direct, il est le premier président taiwanais non membre du Parti nationaliste (Guomindang).
  • [49]
    La situation était d’autant plus préoccupante que le déficit commercial de Taiwan avec le Japon s’était creusé : 5,6 milliards de dollars US en 1987 ; 21,9 milliards en 2000.
  • [50]
    L’Assemblée nationale est aujourd’hui une assemblée ad hoc.
  • [51]
    Lee Teng-hui fut réélu, cette fois au suffrage universel direct.
  • [52]
    La RPC a rejoint l’OMC en décembre 2001. Taiwan y a fait son entrée en janvier 2002 sous la dénomination de « Territoire douanier de Taiwan, Penghu, Kinmen et Matsu ».
  • [53]
    Les « trois petites liaisons directes » furent ouvertes officiellement pour les personnes, marchandises et capitaux le 1er janvier 2002. Ouverture de la première liaison régulière de transport de marchandises entre Quanzhou et Quemoy le 1er octobre 2002 ; ouverture de la première liaison régulière de transport de passagers entre Quanzhou et Quemoy le 6 janvier 2003.
  • [54]
    Cf. LJY, n° 119, nov. 2001.
  • [55]
    Les entreprises ont en fait le choix entre investir « directement » ou « indirectement » ; cf. la « Réglementation concernant les modalités d’approbation de l’investissement ou de la coopération technologique sur le continent », 31 juillet 2002.
  • [56]
    Cf. LJY, n° 128, op. cit.
  • [57]
    L’extrémité septentrionale de Taiwan se situe à environ 1 200 km des grandes villes portuaires de Fukuoka et Nagasaki, sur l’île de Kyushu, et Okinawa n’est qu’à 600 km de Taipei. L’extrémité méridionale de Taiwan se trouve à 400 km de l’île de Luzon, aux Philippines, et Kaohsiung est à seulement 800 km de Manille.
  • [58]
    La Chine était alors gouvernée par les Ming (1368-1644).
  • [59]
    On parle de marchands-pirates, car ces marins vivaient à la fois du pillage et de la contre-bande. Les plus célèbres restent Lin Daoqian, Lin Feng, Yan Siqi, Li Dan, Zheng Zhilong.
  • [60]
    Hirato, petite île japonaise située près de Fukuoka, était le principal port d’accès au territoire japonais en même temps qu’un lieu d’accueil des comptoirs occidentaux.
  • [61]
    Taiwan fut sous administration hollandaise de 1624 à 1662.
  • [62]
    Lin Manhong, op. cit., p. 10-22.
  • [63]
    Les Néerlandais furent chassés de Taiwan par Koxinga (Zheng Chenggong) – fils du marchand-pirate Zheng Zhilong –, qui se présentait comme le dernier représentant de la dynastie des Ming. Il se réfugia à Taiwan avec l’espoir de reconquérir le pouvoir en Chine. Son fils (Zheng Jing) et son petit-fils (Zheng Keshuang) administrèrent l’île de 1662 à 1683. La dynastie des Qing (Mandchous) s’imposa en 1644 en Chine (où elle restera au pouvoir jusqu’en 1912) et en 1683 à Taiwan (où elle conservera le pouvoir jusqu’en 1895).
  • [64]
    Un siècle après la prise du pouvoir par les Mandchous à Taiwan, un seul port était officiellement ouvert au commerce sur l’île : Lu’ermen (près d’Anping, aujourd’hui Tainan). Un deuxième port sera ouvert à Lukang en 1784, un troisième à Bali (près de Tamsui) en 1788.
  • [65]
    Ces traités furent signés entre les États-Unis, l’Angleterre, la France et la Russie d’un côté, la cour des Qing de l’autre.
  • [66]
    Lin Manhong, op. cit., p. 22-31.
  • [67]
    Le traité de Shimonoseki (avril 1895), signé entre la Chine et le Japon, fit de Taiwan – et de l’archipel de Penghu, situé à 60 km à l’ouest de l’île – une colonie japonaise.
  • [68]
    Un système de taxes encourageait les hommes d’affaires nippons installés à Taiwan à privilégier les échanges commerciaux avec le Japon, si bien que, à la veille de la guerre sinojaponaise (1937), la valeur du commerce Taiwan-Chine ne représentait plus que 3 % de la valeur du commerce Taiwan-Japon. Cf. Lin Manhong, op. cit., p. 32-38.
  • [69]
    Après la capitulation du Japon (août 1945), et conformément à ce qui avait été admis par les Alliés lors de la conférence du Caire (novembre 1943), puis réaffirmé dans la déclaration de Potsdam (juillet 1945), la Chine – en l’occurrence la ROC – recouvra sa souveraineté sur Taiwan.
  • [70]
    Taiwan sheng maoyi gongsi. En février 1946, cette société fut rebaptisée « Bureau chargé du commerce pour la province de Taiwan » (Taiwan sheng maoyi ju).
  • [71]
    Lin Manhong, op. cit., p. 38-40.
  • [72]
    Statistiques fournies par les pays d’accueil : Thaïlande, Malaisie, Philippines, Indonésie, Singapour, Viêt-nam, Cambodge. Cf. Industrial Development and Investment Center (IDIC), MOEA.
  • [73]
    China Post, 2 août 2005, p. 1 ; Taiwan News, 4 août 2005, p. 1-2.
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