Il y a une certaine ironie à voir Trump – qui personnalise tout, les enjeux comme les problèmes, en
cherchant des boucs émissaires – se heurter à un ennemi sans visage, un virus, qui, bien que décrit comme
« chinois », n’en reste pas moins fatalement anonyme. La campagne de réélection de Trump se présentait
pourtant sous de bons auspices. Non seulement il est rare qu’un candidat à un second mandat soit battu,
mais les bonnes performances de l’économie, notamment en termes d’emploi (à peine 3,5 % de chômeurs
et un taux de croissance annuelle supérieur à 2 %), et celles de la Bourse jouaient évidemment en sa
faveur. L’échec de la procédure de destitution entamée par les démocrates en décembre 2019 avait
mobilisé sa base électorale et illustré l’unité du camp républicain. Enfin, la montée de Bernie Sanders chez
les démocrates était une aubaine : la « gauchisation » du parti permettait à Trump d’organiser une
campagne du « capitalisme » contre le « socialisme », ce qui lui aurait ouvert un boulevard électoral.
Malheureusement, pour lui, la crise sanitaire de la Covid-19 a rebattu les cartes. Les démocrates ont ainsi
réussi le tour de force de l’unité et du ralliement autour d’une figure consensuelle et modérée en la
personne de Joe Biden. L’effondrement de l’économie et la mise en place soudaine d’une « social-démocratie de l’urgence » avec des plans de soutien qui atteignent un montant titanesque (2,884 trillions
de dollars) privent l’administration sortante de ses thèmes de campagne privilégiés…