Notes
-
[1]
Professeur émérite à la Sorbonne Nouvelle
-
[2]
Cf. Catherine R. Schenk, « The Origins of the Eurodollar Market in London, 1955-1963 », Explorations in Economic History, 35, p. 224-226.
-
[3]
Ibid, p. 227.
-
[4]
Cf. Ibid. p. 232.
-
[5]
Cf. Ranald Michie, « A Financial Phoenix : The City of London in the Twentieth Century », in Youssef Cassis, Éric Buissière (éd.), London and Paris as International Financial £Centres in the Twentieth Century, Oxford, OUP, p. 31.
-
[6]
Cf. Mae Baker, Michael Collins, « London as an International Banking Centre, 1950-1980 », in Youssef Cassis, Eric Bussière, London and Paris as International Financial Centres in the 20th Century, ibid., p. 249.
-
[7]
Cf. Catherine R. Schenk, « The new City and the state in the 1960s », in Ranald Michie, Phillip Williamson (éd.), The British Government and the City of London in the Twentieth Century, Cambridge University Press, op. cit., p. 325.
-
[8]
Cf. Marie-Claude Esposito, « La déréglementation financière au Royaume-Uni : un peu d’histoire », in Martine Azuelos, La déréglementation des économies anglo-saxones, Paris, Presses de la Sorbonne, 1995, p. 91.
-
[9]
Cf. Niall Ferguson, High Financier : the Lives and Time of Sigmund Warburg, New York, The Penguin Press, 2010, chapitre 8, « The Financial Roots of European Integration », p. 201-232.
-
[10]
Ibid, p. 217-218.
-
[11]
Cf. Catherine Schenk, « Crisis and Opportunity : The Policy Environment of International Banking in the City of London, 1958-1980 », in Youssef Cassis, Éric Bussière, London and Paris as International Financial Centres in the Twentieth Century, op. cit., p. 212.
-
[12]
Cf. Youssef Cassis, Les capitales du capital : Histoire des places financières internationales 1780-2005, Slatkine, Genève, 2006, p. 312.
-
[13]
Cf. Catherine R. Schenk, « Crisis and Opportunity : The Policy Environment of International Banking in the City of London, 1958-1980 », op. cit., p. 237.
-
[14]
Cf. Youssef Cassis, Les capitales du capital : Histoire des places financières internationales 1780-2005, op. cit., p. 337.
-
[15]
Ibid., tableau 6.1., p. 338.
-
[16]
Cf. Marie-Claude Esposito, « Déréglementation financière et politique monétaire au Royaume-Uni », Cahiers du Gratice, n° 6, 1er semestre, 1994, p. 13-34.
-
[17]
Elle empêchait tout conflit d’intérêt entre les jobbers (les contrepartistes) et les brokers (agents de change qui transmettaient les ordres de la clientèle aux jobbers).
-
[18]
C’est le gouvernement élu de la City. À sa tête, le Lord Maire de Londres dispose de pouvoirs spécifiques, qu’un changement de gouvernement ne peut modifier.
-
[19]
Cf. Marie-Claude Esposito, « Le secteur financier », in Marie-Claude Esposito et al., Le Renouveau de l’économie britannique, Paris, Economica, 2007, p. 197.
-
[20]
En 1995, Kleinwort fut rachetée par la Dresdner Bank, Morgan Grenfell par la Deutsche Bank en 1995, et Warburg & Co par la Swiss Bank Corporation.
-
[21]
Cf. Richard Roberts, « London as an International Financial Centre, 1980-2000 : Global Powerhouse or Wimbledon EC2 ? », in Youssef Cassis & Éric Bussière, London and Paris as International Financial Centres in the Twentieth Century, op. cit., tableau 14.2, p. 294.
-
[22]
Bank for International Settlements, Central Bank Survey, April 1998.
-
[23]
International Financial Services London, International Financial Markets in the UK, mai 2002, p. 13
-
[24]
Jusqu’à cette date, le LSE utilisait un système de cotation dirigé par les prix, M. C. Esposito, « Le secteur financier », in Marie-Claude Esposito et al., Le Renouveau de l’économie britannique, op. cit., p. 210-211.
-
[25]
International Financial Services London, International Financial Markets in the UK, mai 2002, p. 3.
-
[26]
Cf. Richard Roberts, « London as an International Financial Centre, 1980-2000 : Global Powerhouse or Wimbledon EC2 ? », op. cit., p. 297.
-
[27]
International Financial Services London, International Financial Markets in the UK, op. cit., p. 5.
-
[28]
Cf. Philip Augar, The Death of Gentlemanly Capitalism, Londres, Penguin Books, 2000, p. 321-322.
-
[29]
Idem, p. 326.
-
[30]
« And I have absolutely no hesitation when I say to you that London is -now, to-day- the world’s greatest global financial centre ». Speech by Economic Secretary to the Treasury, Ed Balls, MP at Bloomberg, mercredi 14 juin 2006, » www.edballs.co.uk/blog/speeches-articles/the-city-as-the-global-finance-centre-risks-opportunities-my-speech-at-bloomberg-14th-june-2006/.
-
[31]
Cf. Philip Augar, Reckless : The Rise and Fall of the City, 1997-2008, chapitre 4, Londres, Vintage books, 2009.
-
[32]
Ibid.
-
[33]
Sauf indication contraire, ce paragraphe emprunte à Marie-Claude Esposito, « Le secteur financier », in Marie-Claude Esposito et al., Le renouveau de l’économie britannique, op. cit., ch. 8, p. 212-216.
-
[34]
Challenges. fr, « LSE a fini de racheter Borsa », 1er octobre 2007, www.latribune.fr/.../la-bourse-de-londres-va-racheter-borsa-italiana.html.
-
[35]
Sauf indication contraire, ce paragraphe emprunte à Philippe Chassaigne, Marie-Claude Esposito, Londres : la ville-monde, Paris, Vendémiaire, 2013, p. 369-279.
-
[36]
La rentabilité de ses capitaux propres avait été supérieure à 20 % entre 2001 et 2006, cf. Patrick Artus et al., De la crise des subprimes à la crise mondiale, Paris, La Documentation française, 2009, p. 58.
-
[37]
Cf. Le Figaro, « Un nouveau plan de sauvetage pour les banques britanniques », Le Figaro, 19 janvier 2009.
-
[38]
Cf. Marc Roche, « À Londres sauve-qui-peut chez les hedge funds », 27 octobre 2008, www.lemonde.fr/...crise.../2008/.../a-londres-sauve-qui-peut-chez-les-hedge-funds_1111467_1101386.html.
-
[39]
Cf. Laurent Nahmias, « Bing-Bang réglementaire pour les banques britanniques », Conjoncture, juin 2012, p. 9.
-
[40]
Ibid., p. 11.
-
[41]
The CityUK, London Employment Survey, octobre 2015, p. 4.
-
[42]
Cf. Albert et Cécile Boutelet, « Libor : la Banque d’Angleterre se défend, l’étau se resserre sur la Deutsche Bank », Le Monde, 10 juillet 2012.
-
[43]
Les banques impliquées étaient JPMorgan Chase, Citigroup et Bank of America, les banques suisses UBS et Crédit Suisse, les britanniques HSBC, Royal Bank of Scotland, Lloyds et Barclays, la Société Générale, les banques allemandes Deutsche Bank et WestLB, la Royal Bank of Canada, et les japonaises Bank of Tokyo-Mitsubishi UFJ et Norinchukin Bank.
-
[44]
Cf. Bertrand de Volontat, « La baleine de Londres : Portrait du trader français qui a englouti JPMorgan Chase », 20minutes.fr, 11 mai 2012, www.20minutes.fr/economie/932667-20120511-la-baleine-londres-portrait-trader-francais-englouti-jpmorgan-chase.
-
[45]
Cf. Jill Treanor, Domininc Rushe, « Timothy Geithner and Mervyn King discussed Libor worries in 2008 », The Guardian, 13 juillet 2012, www.theguardian.com/business/2012/jul/13/tim-geithner-mervyn-king-libor.
-
[46]
Le Point, « HSBC accusée de blanchir de l’argent sale », Le Point, 19 juillet 2012, www.lepoint.fr/economie/hsbc-accusee-de-blanchir-de-l-argent-sale-19-07-2012-1487216_28.php.
-
[47]
Cf. Jérôme Fourquet, « Les banques face à l’opinion publique », Note n° 149, Fondation Jean-Jaurès, 18 décembre 2012, p. 1.
-
[48]
Cf. Philip Aldrick, « Barclays culture ‘encouraged’ abuse, says Alistair Darling », The Telegraph, 28 juillet 2012, www.telegraph.co.uk/.../Barclays-culture-encouraged-abuse-says-Alistair-Darling.html.>
-
[49]
L’indice établi par Z/ Yen est qualitatif et prend en compte les infrastructures, les ressources humaines, l’environnement fiscal, la réputation de la place (stabilité politique, corruption, etc.). S’y ajoutent les réponses à un questionnaire envoyé à 3 000 financiers.
-
[50]
Cf. Nicolas Madelaine, « La City n’est plus la première place financière », Les Echos, 17 mars 2014.
-
[51]
CityUK, Key facts about international financial and related professional services, 2015, www.thecityuk.com/research/key-facts-about-uk-financial-and-related-professional-services-2015/.
-
[52]
Ibid., p. 16.
-
[53]
Cf. Vincent Collen, Londres s’affirme comme capitale mondiale de la FinTech, Les Echos, 13 janvier 2016, www.lesechos.fr/finance-marches/banque-assurances/021617227584-londres-saffirme-comme-capitale-mondiale-de-la-fin-tech1192252.php?utm_content=buffer02f29&utm_medium=social&utm_source=twitter.com& utm_campaign=buffer.
-
[54]
Les informations données dans ce paragraphe proviennent de deux articles publiés dans Les Echos, « Les Bourses de Londres et de Francfort veulent créer un champion européen », 24 février 2016, www.lesechos.fr/.../021718521162-les-bourses-de-londres-et-de-francfort-veulent-creer-un-champion-europeen-1202492.php ; « Accord pour la fusion entre la Bourse de Londres et Deutsche Börse », 16 mars 2016, www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/021770839800-accord-pour-la-fusion-entre-la-bourse-de-londres-et-deutsche-borse-1207533.php.
1 À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, le Royaume-Uni, même s’il faisait partie des vainqueurs, n’avait plus la même position sur la scène internationale. Toutefois, la diminution de sa sphère d’influence sur la scène mondiale ne s’accompagna pas d’un déclin comparable de la City de Londres, même si l’abandon de l’étalon or le 21 septembre 1931, à la suite de la première crise du sterling, suivi de celui du libre-échange quelques mois plus tard, et la création de la zone sterling avec les pays de l’empire avaient profondément modifié la donne pour le centre financier londonien bien avant l’éclatement de la guerre.
2 Certes, juste après le second conflit mondial, Londres perdit son statut de premier centre financier du monde au profit de New York, bien que le dollar n’eût pas encore acquis le statut de monnaie internationale et que son rang de première place financière s’appuyât essentiellement sur la puissance de l’économie américaine. Mais la City, qui restait leader sur de nombreux marchés financiers, qui conservait la première place dans le financement du négoce international – tous les échanges au sein de la zone sterling étant libellés en livres sterling, et toutes les transactions sur les bourses de marchandises localisées dans la City (caoutchouc, étain, cacao, plomb, zinc, cuivre, laine et café) étant elles aussi libellées en sterling – et dont le réseau bancaire international restait le premier du monde, entendait conserver un rôle de première importance sur la scène internationale, en dépit des contraintes que lui imposait la politique gouvernementale, alors qu’elle avait de tout temps, sauf bien sûr pendant les deux conflits mondiaux, bénéficié d’une grande liberté d’action.
3 L’histoire récente montre que la place financière de Londres est parvenue à reconquérir le terrain perdu à l’international au cours des années 1960 et 1970, puis à consolider sa position, dans les deux décennies suivantes, en opérant une seconde mutation. Centre financier vraiment global, depuis le début du XXIe siècle, elle caracole en tête des places financières, au coude à coude avec Wall Street.
LA RENAISSANCE DE LA CITY DANS LES ANNÉES 1960 ET 1970
4 Jusqu’au retour de la livre sterling à la convertibilité en 1958, la City connut une période de déclin au moins relatif. Les déséquilibres récurrents de la balance des paiements, qui allaient conduire à deux dévaluations du sterling, l’une en 1949 et la seconde en 1967, le contrôle des changes et les restrictions frappant les mouvements de capitaux, combinées à la réglementation du crédit, restreignaient désormais certaines de ses activités. Elle continuait de perdre du terrain dans le domaine des émissions étrangères depuis les années 1930, les émissions placées à Londres étant essentiellement faites au profit des pays de la zone sterling, qui échappait au contrôle des changes, pendant que l’activité de la Bourse de Londres (London Stock Exchange, LSE) à l’international accusait un fort recul, en raison des réglementations imposées par le Treasury (contrôle des changes), et surtout de ses propres réglementations.
5 Le retour à la convertibilité allait lui permettre, au cours des années 1960 et 1970, de reconquérir le terrain perdu dans un environnement monétaire international qui avait beaucoup changé. Même si le Système monétaire international mis en place après la guerre, c’est-à-dire le système Bretton Woods de parités fixes mais ajustables, ne fut vraiment opérationnel qu’après le retour à la convertibilité des devises européennes, son caractère très asymétrique, puisqu’il n’imposait aucune limite à la création monétaire américaine et forçait les banques centrales européennes à racheter les dollars liés au déficit de la balance des paiements des États-Unis, conduisit très rapidement à une surabondance de dollars dans le monde dont une partie s’accumula dans les banques européennes. Ce phénomène prit de l’ampleur à partir du moment où les autorités américaines imposèrent à leurs banques la réglementation Q qui limitait la rémunération qu’elles pouvaient accorder aux dépôts en dollars placés auprès d’elles. Les banques de la City, en offrant des taux d’intérêt supérieurs, attirèrent alors des dépôts en dollars (eurodollars). La Midland Bank, une des plus grandes banques commerciales britanniques, fut la première à se lancer, en 1954, dans une opération d’arbitrage sur taux d’intérêt pour attirer ces dépôts, qu’elle convertissait ensuite en livres sterling sur le marché des changes à terme [2]. Ce faisant, elle réduisait temporairement la contrainte que faisaient peser ces entrées de dollars sur la balance des paiements britanniques, et la Banque d’Angleterre (BoE) décida finalement de fermer les yeux, même si ce type de transactions contournait, au moins dans l’esprit si ce n’est dans la lettre, la réglementation du contrôle des changes à laquelle étaient soumises les banques commerciales [3]. Celles-ci imitèrent la Midland, notamment après l’affaire de Suez de 1956, lorsque le gouvernement leur interdit d’accorder des crédits en sterling pour financer des opérations en dehors de la zone sterling, espérant ainsi enrayer une nouvelle crise spéculative contre la livre sterling. C’est donc grâce à une innovation financière majeure permettant de contourner des réglementations imposées par les autorités monétaires que les grandes banques commerciales de la City abandonnèrent, pour mener leurs activités à l’international, la livre sterling au profit du dollar. Ce fut là le coup de grâce porté au rôle international de la livre comme monnaie de transaction, le sterling ne conservant plus que sa fonction de monnaie de réserve ; mais cela ne porta pas un coup fatal à la City, bien au contraire.
6 La diffusion de l’innovation de la Midland Bank fut rapide ; mais très vite les grandes banques de dépôts furent dépassées par d’autres acteurs sur le marché des eurodollars, les banques américaines, les banques d’outre-mer (overseas banks) et les banques d’affaires (merchant banks) britanniques, et, dans une moindre mesure, les banques japonaises, dominant le marché. Ce marché interbancaire, pour l’essentiel, qui échappait à toute réglementation et dont le plus gros compartiment se trouvait dans la City, connut une croissance exponentielle après le retour à la convertibilité des devises européennes. Il était alimenté par les dépôts des banques centrales des pays de la Communauté Économique Européenne et ceux de la Banque des Règlements internationaux (BRI), puis par ceux des banques commerciales et ceux des grandes multinationales américaines [4]. Il allait permettre à la City de retrouver un rôle international de premier plan, en dépit du déclin du sterling, les pays de l’Europe continentale essayant, eux, de protéger leurs marchés financiers contre les mouvements de capitaux spéculatifs à l’aide de réglementations diverses. Le nombre des banques étrangères localisées dans la City doubla en quasiment une décennie, passant de 82 en 1961 à 159 en 1970 [5], si bien que Londres comptait deux fois plus de banques étrangères que New York dans les années 1970, les banques européennes étant les plus nombreuses suivies par les Américaines et les Japonaises [6]. Tous ces nouveaux acteurs dominaient le marché des eurodollars, et lorsque, à partir de mai 1965, le gouvernement britannique imposa à toutes les banques localisées au Royaume-Uni des restrictions sur les prêts en livres sterling, cela poussa les banques étrangères à augmenter encore davantage leurs activités en dollars. Le rôle du sterling dans la City [7] en fut encore réduit et la séparation entre la City « domestique », qui travaillait en sterling, et la City « internationale » qui utilisait le dollar devint encore plus nette.
7 Dans la première se trouvaient les grandes banques commerciales britanniques, les compagnies d’assurance et la Bourse de Londres. Ces institutions canalisaient l’épargne britannique vers les activités industrielles et commerciales. Si elles étaient protégées par de nombreuses barrières institutionnelles, elles n’en étaient pas moins soumises à des réglementations diverses qui limitaient leurs activités de change et de prêts pour lutter contre l’inflation et la dépréciation du sterling. La City « internationale » à laquelle les résidents britanniques n’avaient pas accès regroupait les banques étrangères (américaines, japonaises et européennes) et n’était pas, en revanche, soumise à ces réglementations ; les problèmes posés par la livre sterling en tant que monnaie de réserve ne la concernaient pas. Véritable marché offshore, elle menait ses activités pour le compte des non-résidents en utilisant le dollar et était très intégrée au système financier international. Séparées par le mur invisible du contrôle des changes [8], ces « deux Cities » allaient coexister jusqu’aux premières mesures de déréglementation adoptées sous le premier gouvernement de Margaret Thatcher (1979-1983).
8 La présence à Londres d’énormes dépôts en dollars conduisit très rapidement à de nouvelles innovations financières. Ce fut d’abord celle des euro-obligations, dont la création s’appuya sur la différence de traitement entre les agents résidents détenteurs de livres sterling et les agents non-résidents détenteurs de dollars. La BoE pouvait accepter des transactions en devises étrangères sur le marché des capitaux dans la mesure où celui-ci était totalement séparé du marché monétaire où se gérait la masse monétaire en sterling. C’est la très réputée merchant bank de Siegmund Warburg qui fut à l’origine de la première émission d’euro-obligations, c’est-à-dire d’obligations en dollars pour le compte de clients étrangers, après que le nouveau gouverneur de la BoE, Lord Cromer, eût donné son accord au cours de l’été 1962 aux grandes merchant banks de la place [9]. S’il voyait là un moyen pour que Londres redevienne un marché international des capitaux actifs, il ne lui était pas non plus indifférent que ce marché puisse absorber un volume important de capitaux spéculatifs en dollars [10]. Les émissions d’euro-obligations devinrent immédiatement attrayantes pour les grandes merchants banks de la City – Warburg, Hambro et Rothschild – car elles n’étaient pas soumises à une taxation à la source ; mais l’imposition par le gouvernement américain de l’Interest Equalization Tax, à partir de juillet 1963, pour limiter l’exportation de capitaux en dehors du territoire américain, fit décoller ce marché localisé à Londres. Présentant des avantages à la fois pour les emprunteurs, les prêteurs et les banques chargées de les émettre, les émissions d’euro-obligations opérées dans la City allaient dépasser les émissions d’obligations étrangères faites aux USA dès 1967 ; en 1968 le volume de nouvelles émissions dépassait 3,5 milliards de dollars, montant qui atteignit 5,5 milliards en 1972.
9 Les années 1960 connurent une autre innovation importante avec la mise en place de crédits syndiqués, encore appelés eurocrédits. C’étaient des prêts internationaux à moyen terme et à taux variables financés à partir d’eurodollars. Ils étaient accordés par un groupe de banques, appelé syndicat ou consortium, ou pool bancaire, car la taille des opérations était si importante qu’aucune banque ne pouvait, seule, en assumer le risque. 17 syndicats furent formés entre 1964 et 1971, Londres en accueillant 13, Paris 3 et Bruxelles 1 ; en 1979, il y en avait 30 à Londres [11]. Seules trois merchant banks britanniques – Warburg, Rothschild et Hambro – figuraient, entre 1963 et 1972, sur la liste des chefs de file des vingt premiers consortiums, les banques étrangères se taillant dans ce domaine aussi la part du lion [12].
10 Ainsi, la City des années 1970 ne ressemblait plus à ce qu’elle avait été après le second conflit mondial. Les mutations structurelles à l’œuvre durant les années 1950 et 1960 avaient profondément transformé la City « domestique ». La liste des acteurs s’était allongée, mais surtout les activités de chaque type d’acteur s’étaient diversifiées, soit pour répondre aux désirs des épargnants ou des emprunteurs, soit pour résister à une concurrence de plus en plus forte, alors que jusqu’au second conflit mondial le système financier britannique était un tout homogène, où chaque acteur se caractérisait par une fonction bien précise. Dans le même temps, le marché monétaire britannique, dont les contours avaient jusqu’à la Seconde Guerre mondiale épousé ceux du marché de l’escompte, où les maisons d’escompte assuraient la régulation de la liquidité pour l’ensemble du système et où la BoE exerçait sa fonction de prêteur en dernier ressort s’était métamorphosé. De nouveaux marchés en sterling, dits marchés parallèles, étaient apparus à côté du marché de l’escompte pour répondre à des besoins de financement très spécifiques : le marché des prêts aux collectivités locales au sortir de la guerre pour faire face aux besoins de la reconstruction, puis celui des ventes à tempérament à partir du début des années 1950 pour répondre à l’augmentation de la consommation des ménages, puis le marché interbancaire vers la fin des années 1950 qui évoluait en liaison avec le marché des eurodollars, car il était largement alimenté par des livres sterling provenant d’opérations de swap (contrat de d’échange de flux financiers entre deux parties) avec des devises étrangères. Enfin la création de certificats de dépôts en dollars, en mai 1966, avait donné naissance à un nouveau marché. Ainsi, vers la fin des années 1960, le marché monétaire britannique était devenu bicéphale avec d’un côté le marché de l’escompte, et de l’autre les marchés parallèles. Mais grâce au rôle des grandes banques de dépôts britanniques, actives sur tous les marchés, les marchés parallèles allaient se brancher sur le marché de l’escompte, au début des années 1970, pour devenir les compartiments d’un marché monétaire beaucoup plus vaste. Cette reconfiguration du marché monétaire où l’accès aux différents compartiments permettait aux acteurs de se refinancer en dehors du circuit traditionnel allait entraîner des changements significatifs dans la mise en œuvre de la politique monétaire et le contrôle du système bancaire.
11 Quant à la « City internationale », qui désormais utilisait essentiellement le dollar, elle abritait un véritable marché offshore, celui des eurodollars, avait retrouvé sa vocation financière internationale et était redevenue prospère. La croissance de ce marché bénéficiait du consensus qui existait entre la BoE et le Treasury pour que Londres soit un grand centre financier international [13] : la BoE militait pour que l’activité des banques étrangères ne soit pas entravée par des réglementations, pendant que le Treasury tolérait les transactions en sterling entre non-résidents, alors qu’il limitait par le contrôle des changes les transactions en sterling entre résidents et non-résidents. La place de Londres bénéficiait d’un avantage concurrentiel par rapport à ses consœurs européennes qui, elles, étaient soumises à des restrictions pour limiter l’entrée de capitaux flottants. Le marché des eurodollars devint progressivement la source principale de liquidités internationales, de nombreux pays choisissant de recourir à ce marché plutôt qu’à des prêts entre États pour financer les déficits de leur balance des paiements. La dévaluation de la livre, en novembre 1967 n’avait pas remis en cause la renaissance de la City, car la partie internationale de celle-ci s’était progressivement détachée de la devise britannique. L’avenir de la City ne dépendait plus du rôle international de la livre sterling et elle tirait profit de l’instabilité du système financier international née de l’effondrement du système de Bretton Woods en 1973 à la suite de la dévaluation du dollar deux ans plus tôt, en étant capable d’assurer le recyclage des pétrodollars.
LA FIN D’UN MONDE ANCIEN : LA CITY DES ANNÉES 1980 ET 1990
12 L’effondrement du système de Bretton Woods en 1973 et le passage à un système de taux de change flottants qui provoqua une augmentation considérable des mouvements de capitaux entre les différentes places financières, entraînèrent, dans les deux décennies qui suivirent, des mutations importantes au sein du système financier international. Celles-ci furent le plus souvent orchestrées par les États, qui prirent partout dans le monde des mesures de déréglementation des mouvements de capitaux, pour financer leurs déficits budgétaires croissants. Dans le même temps les innovations technologiques, permettant aux transactions de s’effectuer d’une manière électronique, firent tomber les barrières géographiques entre les acteurs du système financier au plan mondial, provoquèrent le décloisonnement des marchés financiers et permirent le développement de produits financiers de plus en plus sophistiqués. On parla alors de globalisation financière, c’est-à-dire de la création d’un marché unique des capitaux au niveau planétaire, étant entendu que celle-ci avait commencé avec la création des eurodollars, des euro-obligations et des eurocrédits deux décennies plus tôt. Le montant global des capitaux investis à l’étranger, au cours des deux dernières décennies du XXe siècle, fut multiplié par 10 et passa à 28 000 milliards de dollars, soit 92 % du PIB mondial en 2000 [14] : les États-Unis arrivaient largement en tête en détenant 26 % du montant total, suivis par le Japon (15 %), puis le Royaume-Uni (10 %), l’Allemagne (9 %) et la France (8 %) [15]. La hiérarchie des pays investisseurs n’était donc plus celle de la grande période de mondialisation qui avait précédé la Première Guerre mondiale puisque le Royaume-Uni n’était plus, cette fois, en tête des plus gros pays investisseurs à l’étranger, dès lors que le Japon arrivait au second rang alors qu’il était absent de la liste au début du siècle et qu’à la fin du XXe siècle ce n’étaient plus les anciennes colonies qui bénéficiaient des flux de capitaux, mais l’Amérique du Nord et l’Europe.
13 À l’issue des élections de mai 1979, le gouvernement de Margaret Thatcher était très conscient que la City, grâce à sa situation exceptionnelle entre Tokyo et New York, pouvait bénéficier de la globalisation du marché financier, qui fonctionnait en continu. Mais pour ce faire la place financière de Londres devait adapter ses structures. Le gouvernement prit donc plusieurs décisions qui allaient avoir des conséquences structurelles majeures dans la sphère financière. Ce fut tout d’abord la suppression par étapes du contrôle des changes entre juin et octobre 1979 dont l’équipe au pouvoir attendait qu’elle induise à court terme une diminution de la hausse du sterling qui avait accédé au rang de pétro-devise, les sorties de capitaux venant contrebalancer les entrées de capitaux, et qu’elle contribue, à plus long terme, au retour à l’équilibre de la balance des paiements courants. Ce fut ensuite la suppression de l’encadrement du crédit – le corset – en juin 1980, car cette mesure discriminatoire à l’encontre des grandes banques commerciales britanniques, pour freiner l’accroissement des dépôts et donc celui de la masse monétaire était totalement inefficace puisqu’elle poussait les banques à augmenter leurs opérations hors bilan et, depuis la suppression du contrôle des changes, à accroître leurs dépôts auprès de leurs filiales à l’étranger non soumises à la réglementation du corset. Un an plus tard le crédit à la consommation fut à son tour complètement libéralisé et en 1986 la loi sur les building societies déréglementa le secteur du financement immobilier, ce qui permit à ces institutions d’entrer en concurrence directe avec quatre grandes banques de dépôts britanniques : les Big Four (Loyds, Barclays, NatWest et Midland).
14 Les deux premières mesures eurent très rapidement des effets sur le comportement des investisseurs institutionnels (banques, compagnies d’assurance, caisses de retraites etc.). Du côté des banques, un mouvement de ré-intermédiation fit rentrer dans le circuit bancaire des actifs qui l’avaient quitté, provoquant par la même un gonflement de la masse monétaire [16]. Par ailleurs, les investisseurs institutionnels se mirent à accumuler, dans leurs portefeuilles, des actifs à l’étranger, mais ces transactions échappaient en grande partie aux institutions britanniques de la City, car le marché des euro-obligations s’était développé en dehors de la LSE dont l’activité était centrée sur les titres des entreprises nationales.
15 Souhaitant consolider la position retrouvée de la City comme l’un des centres majeurs de la finance mondiale, le gouvernement s’intéressa ensuite aux pratiques restrictives du LSE. Celui-ci, dont les règles n’avaient pas évolué depuis 1812, fonctionnait comme un Old Boys’ Club, où les pratiques restrictives restreignaient l’accès d’acteurs potentiels au bénéfice d’une petite élite financière britannique. Une plainte déposée, en 1978, contre le LSE devant le Tribunal des Pratiques restrictives (Court of Restrictive Practices) lui fournit l’occasion de placer le LSE devant le choix suivant : soit il modifiait ses pratiques et le gouvernement retirait la plainte, soit il refusait et les poursuites judiciaires suivaient leur cours. Ce ne fut qu’au terme de très longues tractations que le LSE accepta de mettre fin à son fonctionnement séculaire. La réforme engagée, dès avril 1982, aboutit le 27 octobre 1986 à l’ouverture totale du marché boursier de Londres aux banques britanniques et étrangères, à la suppression de la capacité unique [17], des commissions fixes et des barrières entre le marché des fonds d’État – le plus prestigieux – et les marchés d’actions et d’autres titres financiers. À l’ensemble de ces évolutions, connues sous le nom de Big Bang, le gouvernement ajouta la réduction du droit de timbre, pour que le LSE puisse lutter à armes égales avec Wall Street et Tokyo, qui bénéficiaient de frais de gestion moins élevés.
16 La déréglementation à marche forcée de la sphère financière britannique eut pour résultat de mettre totalement fin à la spécialisation des acteurs britanniques, au cloisonnement des marchés et à l’existence des « deux Cities ». Elle renforça le rôle international de la place financière de Londres, dans un contexte de rivalité de plus en plus grande avec New York et Tokyo, mais à la fin du XXe siècle la place financière de Londres avait totalement changé de visage et accompli une nouvelle mutation, notamment en raison de la disparition d’un très grand nombre d’institutions financières britanniques.
17 Le Big Bang ayant donné naissance à de nouvelles activités, qui exigeaient la construction de vastes salles de marché, le Square Mile de la City devint trop exigu et de nombreux grands groupes bancaires étrangers se mirent à émigrer dans le nouveau quartier des affaires, Canary Wharf, en construction depuis le milieu des années 1980 sur les anciens docklands situés le long de la Tamise, dans l’Est de la capitale, où le prix du mètre carré était moins élevé que dans la City, ce qui poussa la City of London Corporation [18] à réagir en assouplissant les règles d’urbanisme, pour permettre à des gratte-ciel audacieux d’être également construits à deux pas de la BoE et de la Bourse de Londres.
18 Après le Big Bang, les Big Four, concurrencées par les building societies, se lancèrent dans une stratégie de croissance et se mirent à privilégier la finance de marché (corporate banking) au détriment de l’intermédiation bancaire caractéristique des années 1960 et 1970. En rachetant des maisons de titres sur le LSE, elles se lancèrent dans l’activité de banque d’investissement (investment banking) où elles se brûlèrent les ailes. Accumulant les pertes au début des années 1990, elles durent modifier leur stratégie au milieu de la décennie, afin de retrouver la voie de la rentabilité. Elles se désengagèrent de l’activité de banque d’investissement pour se concentrer à nouveau sur l’activité de banque de détail et réduisirent la voilure en supprimant 22,2 % de leurs réseaux sur la période 1995-2003, ce qui provoqua d’importantes suppressions d’emplois dans les quartiers prospères de Londres et du Grand Londres [19]. Puis, à la fin des années 1990, elles prirent la tête du mouvement de consolidation bancaire qui se développa, en plusieurs phases, dans les principaux pays de l’Union européenne jusqu’à la crise financière de 2007-2008.
19 Quant aux merchant banks, elles rachetèrent des maisons de courtage et des jobbers, pour renforcer leur potentiel à l’international, mais ne résistèrent pas à la concurrence acharnée des banques d’investissement américaines et des grandes banques universelles européennes, allemandes et françaises, si bien qu’après le krach boursier d’octobre 1987, elles furent rachetées l’une après l’autre par des institutions étrangères spécialisées dans l’activité d’investment banking, essentiellement par des banques américaines et allemandes [20]. En 1995 après la faillite de la plus vieille d’entre elles, la Barings, il ne restait plus sur le marché que la maison N.M. Rothschild et la banque Lazard dont l’activité se limitait à celle de conseil. Le merchant banking, fleuron historique de la City pendant près de deux siècles, avait vécu.
20 À la charnière du XXe et du XXIe siècles, Londres était dominée par de grandes banques d’investissement étrangères et de grands cabinets internationaux d’avocats, de comptables et de gestionnaires de fonds. Elle accueillait 481 banques étrangères, soit beaucoup plus que n’importe quel autre centre financier (New York : 287, Francfort : 242, Paris : 187 et Tokyo 92) [21]. Elle abritait toujours le plus gros marché des changes, le volume quotidien de transactions à Londres représentant 32 %, du total des transactions sur les changes, ce qui la plaçait loin devant New York (18 %) [22], et le plus gros marché des euro-obligations, 60 % des nouvelles émissions se réalisant à Londres [23]. Elle était leader pour la gestion de fonds, l’assurance maritime et l’assurance aviation. Son marché de produits dérivés, le London International Financial Futures (LIFFE), créé en 1982, qui avait racheté le marché des options, se classait premier en Europe et deuxième au plan mondial derrière celui de Chicago, et la Bourse de Londres, qui adopta en 1997 le système de cotation gouverné par les ordres utilisé sur les autres marchés boursiers [24], accueillait plus d’entreprises étrangères à la cotation que n’importe quelle autre place boursière, et tenait la troisième place en termes de capitalisation boursière.
21 La place financière de Londres arrivait donc en tête dans de nombreuses activités financières internationales au tournant du XXIe siècle. Elle employait, en 2000, 343 000 personnes, soit deux fois plus qu’à la fin des années 1960 [25], ce qui la plaçait juste derrière New York (360 000), et peut être au même niveau que Tokyo (entre 300 000 et 350 000) ; mais dans ces deux villes la proportion de personnels recrutés pour des activités financières nationales était beaucoup plus forte qu’à Londres [26]. Produisant près de la moitié de la valeur ajoutée du secteur financier britannique, elle générait 13 % du PIB britannique [27], et les revenus invisibles dégagés par les exportations de services financiers compensaient près de la moitié du déficit commercial du Royaume-Uni. Le nombre de banques étrangères, en augmentation constante depuis les années 1960, était de 480 en 2000, après avoir atteint le pic de 537, avant que des banques japonaises se retirent du marché londonien.
22 La City était donc passée dans les mains d’institutions étrangères, ce qui la fit comparer au championnat de Wimbledon où le Royaume-Uni accueille des joueurs de tennis venant du monde entier, et peu de joueurs sont britanniques. Mais après tout, cela avait-il de l’importance que la quasi-totalité des joueurs ou des institutions financières fussent étrangers ou détenus par des étrangers, dans la mesure où le Royaume-Uni en tirait des bénéfices en termes d’emplois, de revenus fiscaux et de revenus invisibles qui contribuaient à l’équilibre de sa balance des paiements ? Pour Sir Edward George, gouverneur de la BOE depuis 1993, la réponse était très claire : une seule chose comptait pour la City et l’économie britannique : l’efficience des marchés, qui permettait la création de richesses [28]. Mais d’autres, comme Philip Augar qui avait travaillé chez Natwest et Schröder et participé au rachat de Schröder par la banque d’investissement américaine Citygroup ne partageaient pas cet avis et pensaient que la domination de l’activité de banque d’investissement par les mastodontes américains ferait de New York le centre de la finance internationale et transformerait les autres places financières – dont Londres – en satellites, le modèle du réseau en étoile (hub-and-spoke model) à partir du point nodal New York remplaçant le tabouret à trois pieds – Londres, Tokyo, New York – envisagé à l’époque du Big Bang [29].
LONDRES : PREMIER CENTRE FINANCIER GLOBAL DU MONDE ?
23 La reconfiguration des places financières envisagée par Augar ne paraît pas jusqu’ici avoir pris forme. Si d’aucuns avaient pu craindre un temps que la création de l’euro allait porter un coup sévère au centre financier de Londres, et que Francfort, siège de la Banque centrale européenne (BCE), voire même Paris pourraient lui ravir la première place en Europe, force est de constater qu’il n’en fut rien, et que Londres a tiré profit du marché unique des capitaux et de la liberté de circulation au sein de l’UE. Elle s’est très vite placée au premier rang pour les transactions en euros, et le rachat du LIFFE, c’est-à-dire du marché londonien de produits dérivés, en 2002, par Euronext, résultat de la fusion des bourses d’actions et de produits dérivés de Paris, d’Amsterdam et de Bruxelles, ne l’a pas empêchée de rester la première place boursière en Europe. Depuis le retour des travaillistes au pouvoir, en 1997, le secteur financier faisait l’admiration des membres du gouvernement, en particulier des chanceliers de l’Échiquier, Gordon Brown, puis Alistair Darling, et de leurs conseillers, notamment Ed Ball, ce qui contrastait fortement avec la manière dont le « vieux parti travailliste » (Old Labour) avait considéré la City, et attestait que leNew Labour avait, lui, adopté les forces du marché et la valeur pour l’actionnaire (shareholder value). Le discours prononcé par Ed Ball en juin 2006 à Bloomberg est très révélateur de cette évolution : « Je n’hésite pas une seconde pour vous dire que Londres est aujourd’hui le plus grand centre financier global du monde » [30], ajoutant que pendant que l’activité financière de New York et celle de Tokyo s’appuyaient essentiellement sur la taille de leur économie, celle de Londres était par nature globale parce que cette place financière accueillait 70 % des transactions du marché obligataire mondial, 40 % des transactions du marché mondial des produits dérivés, plus de 30 % des transactions mondiales sur les changes, et plus de 40 % des transactions transfrontalières sur les actions. L’attractivité de Londres en tant que puissance financière globale reposait sur son capital humain – elle attirait les meilleurs jeunes talents en finance formés dans les universités du continent européen, en particulier à Paris, et toutes les compétences dans le domaine de la finance y étant représentées –, un environnement réglementaire et une fiscalité très favorables, des savoir-faire en ingénierie financière incontestables auxquels s’ajoutaient des compétences juridiques, comptables, et informatiques.
24 Canary Wharf avait pris son essor et était maintenant bien desservi par les transports publics. Morgan Stanley, Lehman Brothers, HSBC et Barclays Capital s’y étaient installés, et en 2007 87 000 salariés y travaillaient, alors que dix ans plus tôt leur nombre ne dépassait pas 25 000. La plupart d’entre eux étaient américains ou européens [31]. Un nouveau centre financier avait vu le jour en plein West End – dans les quartiers de May Fair et Saint James – où se localisaient des hedge funds, c’est-à-dire des fonds d’investissement spéculatifs pratiquement inconnus au début du XXIe siècle, mais qui s’étaient multipliés très rapidement, si bien qu’on en dénombrait pas moins de 300 en 2006 [32]. Ils apportaient des techniques innovantes sur les marchés de capitaux, grâce à des modèles mathématiques très sophistiqués, qui bouleversaient les méthodes de gestion d’actifs en multipliant les supports de placement (actions, obligations, devises, matières premières, immobilier, etc), et en recourant à des effets de levier très risqués qui, quand tout allait bien, leur permettait de dégager des rendements bien supérieurs à ceux des fonds traditionnels. Dans ce domaine, Londres se plaçait au second rang derrière New York.
25 Quant au LSE [33], grâce à ses succès indéniables dans le domaine des introductions en bourse (Initial Public Offerings, IPOs), depuis le rebond des marchés financiers de 2004, il se hissait en tête au plan mondial dans cette activité, sa part dans les IPOs passant de 36 % en 2005 à 45 % en 2006 ; il avait attiré, cette année là, cinq des dix plus grosses introductions en bourse : trois opérées par des entreprises russes, une par une entreprise sud-coréenne et une par une entreprise pakistanaise. Conforté par sa position de leader mondial, il avait mené depuis le début du XXIe siècle une stratégie d’indépendance dans le mouvement de reconfiguration des places boursières au plan mondial qui l’avait conduit à refuser pas moins de cinq propositions de rachat en deux ans, dont celle du National Association of Securities Dealers Automated Quotations (Nasdaq) en 2006, et à préférer à établir un partenariat avec la Bourse de Singapour. Mais l’OPA inamicale du Nasdaq sur l’OMX (la Bourse des pays nordiques et baltes), en mai 2007, qui fit entrer le Nasdaq OMX Group sur le marché européen et le plaça au deuxième rang mondial des places boursières en termes de capitalisation, opération qui suivait de près la fusion New York Stock Exchange (N YSE)-Euronext de mars 2007, poussa le LSE à changer de stratégie et à racheter la Borsa Italiana le 1er octobre 2007, ce qui lui permit de se doter d’un marché de produis dérivés. Le London Stock Exchange devenait ainsi le premier groupe du secteur boursier pour les échanges d’actions en Europe, devant le groupe transatlantique Nyse Euronext et l’allemand Deutsche Börse ; mais sa valeur boursière (4,6 milliards de livres, 6,6 milliards d’euros) était très inférieure à celle de Deutsche Börse (19 milliards d’euros) ou de Nyse Euronext (14,6 milliards d’euros), ces deux bourses bénéficiant d’une plus grande diversification géographique et/ou d’activités [34].
26 La crise financière systémique de 2007-2008 allait mettre un coup de frein brutal à l’activité de Londres qui rivalisait avec New York pour le titre de première place financière du monde [35]. La cinquième plus grande banque britannique de crédit immobilier Northern Rock fut la première touchée dès septembre 2007, alors que c’était une banque très rentable [36]. Frappée le 14 septembre par une ruée sur les dépôts (bank run) qui lui fit perdre plus d’un milliard de livres dans la journée, elle dut être renflouée par la Banque d’Angleterre, avant d’être nationalisée temporairement en février 2008 après l’échec de plusieurs plans de sauvetage. Le 28 septembre 2008 le gouvernement nationalisa une autre banque britannique spécialisée dans le crédit immobilier : Bradford & Bingley. Puis il dut, comme ses homologues américains et européens, mettre en place un plan urgence d’un montant de 500 milliards de livres (635 milliards d’euros) pour éviter l’effondrement total du système financier britannique. Celui-ci se déclina en trois volets : 1) prises de participation dans le capital des banques les plus menacées soit la Royal Bank of Scotland (RBS), Halifax Bank of Scotland (HBOS) et Lloyds TSB en cours de rapprochement), 2) augmentation du montant des liquidités à court terme apportées par la BoE qui passa de 100 à 200 milliards de livres et élargissement de la gamme des actifs qu’elle pouvait accepter, 3) apport de la garantie du Treasury à des emprunts obligataires. Ce premier plan ne parvenant pas à remettre en marche un système financier durement touché par la crise, et à relancer le marché du crédit aux entreprises et aux particuliers, le gouvernement mit en place en janvier 2009 un second plan de soutien au secteur bancaire qui prit la forme d’une garantie accordée par l’État aux actifs toxiques détenus par les banques, afin de les aider à restaurer leur solvabilité. Ce programme de 200 milliards de livres sterling (222 milliards d’euros) avait également pour but de rassurer les investisseurs, à une période où les banques devaient annoncer leurs résultats annuels, que d’aucuns anticipaient calamiteux [37]. Si les mesures empêchèrent l’effondrement du secteur bancaire, elles ne parvinrent pas à éviter la propagation de la crise à l’économie réelle avec quelques trimestres de décalage, le PIB britannique affichant un recul historique de 4,9 % en volume pour l’année 2009.
27 Les banques n’étaient pas les seules institutions à avoir été touchées par la crise, les hedge funds étant immédiatement confrontés à des retraits massifs de leurs clients : investisseurs institutionnels (banques et compagnies d’assurance) et grosses fortunes, qui dans la tourmente, se mettaient à privilégier les placements sans risque. Le gel, par la Banque d’Angleterre, de leurs dépôts auprès de la filiale européenne de Lehman Brothers, mise en faillite à la mi-septembre 2008, augmenta encore leur crise de liquidité, entraînant dans leur déroute les fonds de pension, qui, pour diversifier leurs portefeuilles, avaient beaucoup investi dans les hedge funds ces dernières années [38] ; mais, le gouvernement n’intervint pas pour tenter d’enrayer la chute d’institutions qui avaient pris des risques démesurés.
28 La crise eut des effets durables sur les banques britanniques fortement internationalisées, et qui restaient très exposées à des pays très fragilisés, tels que l’Espagne, la Grèce, l’Irlande et le Portugal. Le montant cumulé de leurs pertes atteignait encore 135,8 milliards de livres à la fin mai 2012, soit 9,5 % en pourcentage du PIB, ce qui était beaucoup plus que les pertes enregistrées par les banques américaines (5,3 %), allemandes (3,4 %) et françaises (2,3 %), et en dessous des pertes de leurs homologues suisses (13,9 %) et irlandaises (10,1 %) [39]. Les plans de sauvetage des banques britanniques avaient englouti plus de 70 milliards de livres, et leur coût budgétaire était encore de 15 milliards en avril 2012 [40]. Les pertes d’emplois liées à la crise étaient considérables (-55 000 emplois détruits entre 2007 et 2010 [41]), et les créations d’emploi ne reprirent pas avant le début de 2011.
29 Loin d’être remis de la crise qui l’avait durement éprouvé le centre financier de Londres fut alors l’objet de scandales à répétition. Le 17 mars 2011, le Financial Times révéla que la totalité des banques composant le panel pour le calcul du Libor – le taux d’intérêt du marché interbancaire à Londres, qui sert de référence à 150 taux utilisés dans le monde entier – faisaient l’objet d’une enquête pour avoir manipulé les cours de celui-ci. Puis, à la mi-avril, la presse fit savoir que les régulateurs américains s’intéressaient également à l’affaire et que des assignations avaient été envoyées à Bank of America, Citygroup et UBS. Le 3 février 2012, c’était au tour de la Commission de la concurrence suisse d’annoncer une enquête contre 12 banques suisses. Le 27 juin 2012, la presse annonçait que la Barclays, la 4e plus grosse banque du Royaume-Uni, allait payer une amende de 200 millions de dollars et de 59,9 millions de livres respectivement aux régulateurs américains et britanniques, et 160 millions de dollars de dommages et intérêts au Département de la Justice américain, afin d’éviter les poursuites judiciaires pour avoir manipulé, en 2005 et 2008, les cours du LIBOR. Cette révélation n’était qu’un début. Le PDG de Barclays, Robert Diamond fut contraint à la démission le 3 juillet, mais ne manqua pas de faire part d’une conversation téléphonique avec Paul Tucker, gouverneur adjoint de la BoE, lors de la crise financière de 2008, conversation qui mettait en cause la BoE dans les manipulations du Libor, et qui contraignit Paul Tucker, pour se disculper, à produire devant une commission d’enquête parlementaire britannique, l’intégralité des emails échangés avec Robert Diamond [42]. Dans le même temps, d’autres enquêtes étaient lancées aux États-Unis, au Royaume-Uni, dans la zone euro, en Suisse, en Asie (Hong-Kong, Tokyo et Singapour). Au total, pas moins d’un une quinzaine d’établissements faisaient l’objet d’investigations pour avoir manipulé le LIBOR et/ ou l’Euribor (taux de référence en euros) et/ou le Tibor (taux de référence en yens) [43]. Début mai, on apprenait qu’un trader français, travaillant pour la banque américaine JP Morgan Chase à Londres, était au cœur d’un nouveau scandale financier qui allait être nommé « la baleine de Londres », pour avoir fait perdre à sa banque entre 1 et 3 milliards de dollars [44]. Le 13 juillet, c’était au tour du gouverneur de la BoE, Mervyn King, d’être éclaboussé, en raison d’un échange d’emails en juin 2008 avec le président de la Federal Reserve Bank of New York de l’époque, Timothy Geithner, qui lui demandait de revoir le procédé de fixation du Libor [45]. Quelques jours plus tard, c’était la banque britannique HSBC qui était accusée par le rapport d’une commission d’enquête du Sénat américain de blanchiment d’argent de la drogue des cartels mexicains et de transactions secrètes avec l’Iran [46]. Le 8 août 2012, la banque britannique Standard Chartered qui n’avait pas été touchée par les subprimes et qui n’avait pas eu besoin de l’aide de l’État était accusée par les autorités de surveillance américaines d’avoir contourné l’embargo américain avec l’Iran et qualifiée de « groupe voyou », accusation qu’elle contesta tout de suite vigoureusement.
30 Ainsi, en un peu moins de six semaines, les autorités de surveillance américaines venaient de révéler au monde entier pas moins de quatre scandales impliquant des banques internationales installées à Londres et d’attirer l’attention sur un certain laxisme de la part des autorités de surveillance britanniques, celles-ci n’ayant pas réagi lorsqu’elles avaient été prévenues, en 2008, d’une possible manipulation du Libor. Des voix s’élevèrent dans la capitale britannique pour dénoncer le zèle avec lequel les autorités américaines faisaient la chasse aux comportement répréhensibles des institutions financières de la City de Londres, l’accusation contre la Chartered Bank ayant été rendue publique avant même la fin de l’enquête.
31 Ces tensions entre régulateurs anglo-saxons des deux côtés de l’Atlantique s’inscrivaient, sur fond de scandales financiers, dans la rivalité entre New York et Londres pour le leadership de la finance internationale. Elles contribuèrent à nourrir l’exaspération de la population, car la crise avait modifié les perceptions que les Britanniques avaient du secteur financier : ils considéraient, à plus de 95 %, que le secteur bancaire portait une très lourde responsabilité dans le déclenchement de la crise financière [47] et attendaient maintenant du gouvernement qu’il intervînt pour réglementer fortement le secteur financier.
32 Si le chancelier Alistair Darling avait très sévèrement condamné la culture de la banque Barclays laquelle avait toléré, voire encouragé les comportements délictueux [48], les travaillistes au pouvoir ne modifièrent pas fondamentalement l’organisation tripartite du système de supervision qu’ils avaient mise en place en 1997, en créant un superviseur unique du secteur bancaire et financier, la Financial Services Authority (FSA), indépendant de la banque centrale, pendant que le Treasury avait la responsabilité d’édicter les règles qui devaient s’appliquer à l’ensemble du système financier, et que la Banque d’Angleterre, indépendante depuis 1997, avait pour mission de garantir la stabilité financière, de mettre en œuvre la politique monétaire et d’assurer le rôle de prêteur en dernier ressort en cas de crise grave. Le gouvernement en place se limita à créer un Conseil de la stabilité financière (Council for Financial Stability) regroupant le Treasury, la FSA et la Banque d’Angleterre qui fut chargé de l’évaluation du risque systémique, avec obligation de publication des résultats.
33 Revenus au pouvoir, en 2010, les conservateurs qui rendaient l’énorme endettement et le modèle tripartite de supervision britannique de leurs prédécesseurs responsables de la crise financière mirent en place une refonte totale du système existant. Le système de supervision en place et la FSA, furent supprimés, et la Banque d’Angleterre retrouva le rôle quelle avait perdu en 1997, en étant chargée à nouveau de la fonction de régulation et de contrôle prudentiel du système bancaire et financier, grâce à la mise en place du Comité de politique financière (Financial Policy Committee, FPC) et de l’Autorité de régulation prudentielle (Prudential Regulatory Authority, PRA). Une Autorité de la bonne conduite financière (Financial Conduct Authority, FCA) fut également créée pour surveiller la commercialisation des produits émis par les institutions ne relevant pas de la PRA (environ 27 000). La réforme britannique alla plus loin que les nouvelles mesures prises dans la zone euro en instituant le cloisonnement entre les activités de banque de détail et celles de banque d’investissement (ring-fencing), et le gouvernement britannique décida d’imposer aux ring-fenced banks, avec l’accord de la Commission européenne, des normes de fonds propres plus contraignantes que celles de Bâle III entrées en vigueur en 2013.
34 En 2014, Londres a dû abandonner à New York la première place qu’elle détenait depuis 2007 dans le classement des places financières établi par le Z/Yen [49] à l’aide de l’indice GFCI [50]. La capitale britannique payait la facture pour les scandales autour du Libor, l’incertitude liée à un éventuel Brexit née de l’engagement du Premier Ministre Cameron à organiser un référendum avant 2017 sur le retrait ou non du Royaume-Uni de l’Union européenne, et un durcissement réglementaire plus marqué que chez sa rivale. Mais l’année suivante, elle est redevenue la première place financière du monde dans le classement Z/ Yen, dépassant très légèrement New York. Autant dire que les deux places sont, pour l’instant, au coude à coude. Les derniers chiffres publiés par CityUK [51] montrent que le Royaume-Uni est toujours le plus grand exportateur de services financiers devant les États-Unis, que Londres a toujours davantage de banques étrangères installées sur son sol que New York et arrive en seconde position, derrière New York, pour le nombre de hedge funds, qu’elle domine les activités bancaires transfrontières, les transactions sur le marché des changes et sur les dérivés de taux d’intérêt de gré à gré (sa part dans le total mondial atteignant 43 % en 2013, et celle des États-Unis 23 % [52]), le marché mondial de l’assurance, le marché mondial des métaux non ferreux, la finance islamique, les transactions en yuan faites en Europe ; elle arrive à la seconde place pour les fonds de pension et sur le marché à terme de l’énergie ; enfin, elle s’affirme comme la capitale mondiale de la Fin Tech où des start-ups très innovantes mettent au point des techniques qui vont révolutionner les systèmes de paiement, les transferts d’argent et le crédit, car tous les fonds de venture-capital (capital-risque) et de private equity (capital-investissement) sont présents dans la capitale britannique et rendent les contacts avec les jeunes pousses très faciles [53]. Concernant les transactions sur les actions, les chiffres donnés par CityUK montrent qu’elle a légèrement dépassé Nyse-Euronext en 2014 et qu’elle reste toujours en tête pour les introductions en bourse. En juin 2015, le nombre d’emplois dans le secteur financier dépassait de 5 % le pic qu’il avait atteint en 2007 juste avant la crise.
35 Premier ou deuxième centre financier global, suivant les années, Londres est de loin la première place financière de l’Union européenne. Mais l’approche du référendum sur le Brexit en conduit plus d’un à s’interroger sur l’avenir de La City dans le cas où le Royaume-Uni viendrait à quitter l’Union européenne [54]. Ce n’est sans doute pas un hasard si le London Stock Exchange qui a racheté la chambre de compensation LCH Clearnet en 2011 et un spécialiste américain des indices boursiers Russell Investments en 2014, et la Deutsche Börse dont la plateforme Eurex et la chambre de compensation sont très utilisées dans le monde entier ont annoncé, en février 2016 leur souhait de fusionner par échange d’actions au moment où le Royaume-Uni et l’Union européenne parvenaient à un accord pour que David Cameron puisse mener campagne pour le maintien du Royaume-Uni dans l’UE. Si le projet qui prévoit de créer une holding hébergée à Londres de droit boursier britannique a été validé, en mars, par le conseil de surveillance de la Deutsche Börse, d’autres étapes restent à franchir et l’opération devra être approuvée par Bruxelles, car cet accord entre égaux permettra de créer « un groupe leader d’infrastructures de marché mondiales basé en Europe ». S’il voit le jour, il propulsera ce nouveau géant au même niveau que l’Américain Intercontinental Exchange (ICE), le Chicago Mercantile Exchange (CME) et la Bourse de Hong- Kong, et l’avenir dira s’il ne sera pas contrecarré par l’appétit de ces opérateurs.
CONCLUSION
36 Après le second conflit mondial, il fallut attendre le milieu des années 1950 pour que la finance internationale redémarre, et c’est à Londres, et non à New York, que le mouvement s’enclencha avec la création et le développement du marché des eurodollars. À partir de là, grâce aux talents des acteurs de la finance, et à la capacité de la City à se renouveler, l’ascension de Londres fut irrésistible. Seul centre financier global avec New York, elle se livre à une concurrence acharnée avec la place financière américaine ; dans le même temps, elle doit faire face à l’émergence de concurrents potentiels en Asie du Sud-Est, notamment Hong-Kong et Shanghai et, dans une moindre mesure, Singapour. Les activités financières ont débordé du Square Mile pour s’installer en dehors de la City dans deux autres quartiers, mais la place financière londonienne regroupe, comme autrefois, toutes les catégories d’institutions et de fonctions financières. Sa fortune ne s’appuie plus sur l’exportation de capitaux britanniques, comme au XIXe siècle et jusqu’en 1914, mais sur sa capacité à drainer l’épargne internationale et à la redistribuer dans le monde entier après l’avoir transformée. Elle s’emploie donc à renforcer en permanence son attractivité en accordant des avantages aux investisseurs localisés partout dans le monde.
37 PS Le Brexit vient de l’emporter. Comme on pouvait s’y attendre, les marchés financiers ont fortement réagi dès le résultat du référendum connu, la livre sterling tombant à son plus bas niveau depuis 1985, pendant que les cours du yen et de l’or s’envolaient, que les bourses de Paris et Frankfort plongeaient et les bourses asiatiques enregistraient de fortes secousses. À plus long terme, les institutions financières britanniques et étrangères installées dans la City ne devraient plus bénéficier d’un accès direct aux marchés financiers européens, puisqu’elles perdraient le « passeport européen » qui autorise toute institution financière agréée par l’autorité de surveillance d’un pays de l’UE d’opérer dans l’ensemble des autres États membres de l’UE. Cela devrait les inciter à transférer une partie de leurs activités vers les places financières européennes. Mais quelles sont celles qui en profiteraient ? Amsterdam, Dublin, Frankfort, Luxembourg ou Paris ? Notons, toutefois, que le résultat du référendum n’a eu aucun effet négatif sur le projet de fusion entre la Deutsche Börse et le London Stock Exchange, ces deux institutions ayant confirmé leur volonté de mener à bien leur projet. En conclusion, il est encore trop tôt pour savoir quelles seront les conséquences du Brexit sur la City de Londres, dont l’histoire a toujours attesté de sa capacité d’adaptation.
La Banque d’Angleterre
La Banque d’Angleterre
La Bourse de Londres
La Bourse de Londres
Gratte ciel dans le Square Mile : The Talkie Walkie
Gratte ciel dans le Square Mile : The Talkie Walkie
Le nouveau quartier financier : Canary-Wharf
Le nouveau quartier financier : Canary-Wharf
Nouveau quartier financier
Nouveau quartier financier
Notes
-
[1]
Professeur émérite à la Sorbonne Nouvelle
-
[2]
Cf. Catherine R. Schenk, « The Origins of the Eurodollar Market in London, 1955-1963 », Explorations in Economic History, 35, p. 224-226.
-
[3]
Ibid, p. 227.
-
[4]
Cf. Ibid. p. 232.
-
[5]
Cf. Ranald Michie, « A Financial Phoenix : The City of London in the Twentieth Century », in Youssef Cassis, Éric Buissière (éd.), London and Paris as International Financial £Centres in the Twentieth Century, Oxford, OUP, p. 31.
-
[6]
Cf. Mae Baker, Michael Collins, « London as an International Banking Centre, 1950-1980 », in Youssef Cassis, Eric Bussière, London and Paris as International Financial Centres in the 20th Century, ibid., p. 249.
-
[7]
Cf. Catherine R. Schenk, « The new City and the state in the 1960s », in Ranald Michie, Phillip Williamson (éd.), The British Government and the City of London in the Twentieth Century, Cambridge University Press, op. cit., p. 325.
-
[8]
Cf. Marie-Claude Esposito, « La déréglementation financière au Royaume-Uni : un peu d’histoire », in Martine Azuelos, La déréglementation des économies anglo-saxones, Paris, Presses de la Sorbonne, 1995, p. 91.
-
[9]
Cf. Niall Ferguson, High Financier : the Lives and Time of Sigmund Warburg, New York, The Penguin Press, 2010, chapitre 8, « The Financial Roots of European Integration », p. 201-232.
-
[10]
Ibid, p. 217-218.
-
[11]
Cf. Catherine Schenk, « Crisis and Opportunity : The Policy Environment of International Banking in the City of London, 1958-1980 », in Youssef Cassis, Éric Bussière, London and Paris as International Financial Centres in the Twentieth Century, op. cit., p. 212.
-
[12]
Cf. Youssef Cassis, Les capitales du capital : Histoire des places financières internationales 1780-2005, Slatkine, Genève, 2006, p. 312.
-
[13]
Cf. Catherine R. Schenk, « Crisis and Opportunity : The Policy Environment of International Banking in the City of London, 1958-1980 », op. cit., p. 237.
-
[14]
Cf. Youssef Cassis, Les capitales du capital : Histoire des places financières internationales 1780-2005, op. cit., p. 337.
-
[15]
Ibid., tableau 6.1., p. 338.
-
[16]
Cf. Marie-Claude Esposito, « Déréglementation financière et politique monétaire au Royaume-Uni », Cahiers du Gratice, n° 6, 1er semestre, 1994, p. 13-34.
-
[17]
Elle empêchait tout conflit d’intérêt entre les jobbers (les contrepartistes) et les brokers (agents de change qui transmettaient les ordres de la clientèle aux jobbers).
-
[18]
C’est le gouvernement élu de la City. À sa tête, le Lord Maire de Londres dispose de pouvoirs spécifiques, qu’un changement de gouvernement ne peut modifier.
-
[19]
Cf. Marie-Claude Esposito, « Le secteur financier », in Marie-Claude Esposito et al., Le Renouveau de l’économie britannique, Paris, Economica, 2007, p. 197.
-
[20]
En 1995, Kleinwort fut rachetée par la Dresdner Bank, Morgan Grenfell par la Deutsche Bank en 1995, et Warburg & Co par la Swiss Bank Corporation.
-
[21]
Cf. Richard Roberts, « London as an International Financial Centre, 1980-2000 : Global Powerhouse or Wimbledon EC2 ? », in Youssef Cassis & Éric Bussière, London and Paris as International Financial Centres in the Twentieth Century, op. cit., tableau 14.2, p. 294.
-
[22]
Bank for International Settlements, Central Bank Survey, April 1998.
-
[23]
International Financial Services London, International Financial Markets in the UK, mai 2002, p. 13
-
[24]
Jusqu’à cette date, le LSE utilisait un système de cotation dirigé par les prix, M. C. Esposito, « Le secteur financier », in Marie-Claude Esposito et al., Le Renouveau de l’économie britannique, op. cit., p. 210-211.
-
[25]
International Financial Services London, International Financial Markets in the UK, mai 2002, p. 3.
-
[26]
Cf. Richard Roberts, « London as an International Financial Centre, 1980-2000 : Global Powerhouse or Wimbledon EC2 ? », op. cit., p. 297.
-
[27]
International Financial Services London, International Financial Markets in the UK, op. cit., p. 5.
-
[28]
Cf. Philip Augar, The Death of Gentlemanly Capitalism, Londres, Penguin Books, 2000, p. 321-322.
-
[29]
Idem, p. 326.
-
[30]
« And I have absolutely no hesitation when I say to you that London is -now, to-day- the world’s greatest global financial centre ». Speech by Economic Secretary to the Treasury, Ed Balls, MP at Bloomberg, mercredi 14 juin 2006, » www.edballs.co.uk/blog/speeches-articles/the-city-as-the-global-finance-centre-risks-opportunities-my-speech-at-bloomberg-14th-june-2006/.
-
[31]
Cf. Philip Augar, Reckless : The Rise and Fall of the City, 1997-2008, chapitre 4, Londres, Vintage books, 2009.
-
[32]
Ibid.
-
[33]
Sauf indication contraire, ce paragraphe emprunte à Marie-Claude Esposito, « Le secteur financier », in Marie-Claude Esposito et al., Le renouveau de l’économie britannique, op. cit., ch. 8, p. 212-216.
-
[34]
Challenges. fr, « LSE a fini de racheter Borsa », 1er octobre 2007, www.latribune.fr/.../la-bourse-de-londres-va-racheter-borsa-italiana.html.
-
[35]
Sauf indication contraire, ce paragraphe emprunte à Philippe Chassaigne, Marie-Claude Esposito, Londres : la ville-monde, Paris, Vendémiaire, 2013, p. 369-279.
-
[36]
La rentabilité de ses capitaux propres avait été supérieure à 20 % entre 2001 et 2006, cf. Patrick Artus et al., De la crise des subprimes à la crise mondiale, Paris, La Documentation française, 2009, p. 58.
-
[37]
Cf. Le Figaro, « Un nouveau plan de sauvetage pour les banques britanniques », Le Figaro, 19 janvier 2009.
-
[38]
Cf. Marc Roche, « À Londres sauve-qui-peut chez les hedge funds », 27 octobre 2008, www.lemonde.fr/...crise.../2008/.../a-londres-sauve-qui-peut-chez-les-hedge-funds_1111467_1101386.html.
-
[39]
Cf. Laurent Nahmias, « Bing-Bang réglementaire pour les banques britanniques », Conjoncture, juin 2012, p. 9.
-
[40]
Ibid., p. 11.
-
[41]
The CityUK, London Employment Survey, octobre 2015, p. 4.
-
[42]
Cf. Albert et Cécile Boutelet, « Libor : la Banque d’Angleterre se défend, l’étau se resserre sur la Deutsche Bank », Le Monde, 10 juillet 2012.
-
[43]
Les banques impliquées étaient JPMorgan Chase, Citigroup et Bank of America, les banques suisses UBS et Crédit Suisse, les britanniques HSBC, Royal Bank of Scotland, Lloyds et Barclays, la Société Générale, les banques allemandes Deutsche Bank et WestLB, la Royal Bank of Canada, et les japonaises Bank of Tokyo-Mitsubishi UFJ et Norinchukin Bank.
-
[44]
Cf. Bertrand de Volontat, « La baleine de Londres : Portrait du trader français qui a englouti JPMorgan Chase », 20minutes.fr, 11 mai 2012, www.20minutes.fr/economie/932667-20120511-la-baleine-londres-portrait-trader-francais-englouti-jpmorgan-chase.
-
[45]
Cf. Jill Treanor, Domininc Rushe, « Timothy Geithner and Mervyn King discussed Libor worries in 2008 », The Guardian, 13 juillet 2012, www.theguardian.com/business/2012/jul/13/tim-geithner-mervyn-king-libor.
-
[46]
Le Point, « HSBC accusée de blanchir de l’argent sale », Le Point, 19 juillet 2012, www.lepoint.fr/economie/hsbc-accusee-de-blanchir-de-l-argent-sale-19-07-2012-1487216_28.php.
-
[47]
Cf. Jérôme Fourquet, « Les banques face à l’opinion publique », Note n° 149, Fondation Jean-Jaurès, 18 décembre 2012, p. 1.
-
[48]
Cf. Philip Aldrick, « Barclays culture ‘encouraged’ abuse, says Alistair Darling », The Telegraph, 28 juillet 2012, www.telegraph.co.uk/.../Barclays-culture-encouraged-abuse-says-Alistair-Darling.html.>
-
[49]
L’indice établi par Z/ Yen est qualitatif et prend en compte les infrastructures, les ressources humaines, l’environnement fiscal, la réputation de la place (stabilité politique, corruption, etc.). S’y ajoutent les réponses à un questionnaire envoyé à 3 000 financiers.
-
[50]
Cf. Nicolas Madelaine, « La City n’est plus la première place financière », Les Echos, 17 mars 2014.
-
[51]
CityUK, Key facts about international financial and related professional services, 2015, www.thecityuk.com/research/key-facts-about-uk-financial-and-related-professional-services-2015/.
-
[52]
Ibid., p. 16.
-
[53]
Cf. Vincent Collen, Londres s’affirme comme capitale mondiale de la FinTech, Les Echos, 13 janvier 2016, www.lesechos.fr/finance-marches/banque-assurances/021617227584-londres-saffirme-comme-capitale-mondiale-de-la-fin-tech1192252.php?utm_content=buffer02f29&utm_medium=social&utm_source=twitter.com& utm_campaign=buffer.
-
[54]
Les informations données dans ce paragraphe proviennent de deux articles publiés dans Les Echos, « Les Bourses de Londres et de Francfort veulent créer un champion européen », 24 février 2016, www.lesechos.fr/.../021718521162-les-bourses-de-londres-et-de-francfort-veulent-creer-un-champion-europeen-1202492.php ; « Accord pour la fusion entre la Bourse de Londres et Deutsche Börse », 16 mars 2016, www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/021770839800-accord-pour-la-fusion-entre-la-bourse-de-londres-et-deutsche-borse-1207533.php.