Notes
-
[*]
Maître de Conférences en histoire médiévale, Université de La Réunion. CRESOI (Océan Indien Espaces et Sociétés).
-
[1]
Michel Mollat, évoque une « Méditerranée, poumon et nourrice de l’Europe antique et médiévale dans L’Europe et la mer, Paris, Seuil, 1993, p. 24-58, p. 49.
-
[2]
D’après une estimation de l’Encyclopaedia Universalis. D’autres donnent 70,5 millions de km2.
-
[3]
André Oraison, La base stratégique américaine de Diego Garcia : la prorogation jusqu’au 30 décembre 2036 du bail consenti par la Grande-Bretagne, communication à la Semaine de l’Histoire de l’Indianocéanie, « Guerre et Paix dans l’Indianocéanie de l’Antiquité à nos jours », Saint-Denis (La Réunion), 27 novembre 2018. À paraître dans la Revue Historique de l’Océan Indien, n° 16, novembre 2019.
-
[4]
Ce choix peut lui-même être discuté. Voir Bruno Judic, L’océan Indien au Moyen Âge, Paris, Ellipses, 2008, p. 128-130.
-
[5]
On lira avec profit ce qu’écrit Patrick Boucheron sur l’importance de la démarche de Denys Lombard dans ses travaux sur l’océan Indien. Patrick Boucheron précise les questionnements historiques actuels et leurs enjeux, dans une perspective mondiale qui fait la part belle aux étendues marines : « Les boucles du monde : contours du xve siècle », in Patrick Boucheron (dir.), Histoire du monde au XVe siècle, Paris, Fayard, 2009, p. 9-30. Pour une brève biographie : Édith Wong Hee Kam, « Denys Lombard : rêver l’Asie, comprendre le monde », Annales d’Histoire de l’Indianocéanie, n° 1, 2018, p. 111-127.
-
[6]
Dans cet ouvrage, André Miquel s’attache davantage à analyser les représentations du monde des auteurs arabo-persans qu’à dresser une géographie médiévale du monde musulman : « … pourquoi ne pas prendre ces textes comme un tout, en les considérant comme témoins non pas tellement d’une réalité que d’une représentation de cette réalité, en visant, en un mot, non pas le monde recréé par notre recherche, à mille ans de distance, mais le monde senti, perçu, imaginé peut-être par les consciences d’alors ? ». André Miquel, La géographie humaine du monde musulman, jusqu’au milieu du XIe siècle, Paris, Mouton, t .1 1967 (2nde éd. 1973), t. 2, 1975, t. 3, 1980.
-
[7]
La Fabrique de l’océan Indien. Cartes d’Orient et d’Occident (Antiquité – XVIe siècle), Emmanuelle Vagnon et Éric Vallet (dir.), Paris, Publications de la Sorbonne, 2017. Jeremy Prestholdt, « The Fabric of the Indian Ocean World : Reflections on the Life Cycle of Cloth », in P. Machado et al. (eds.), Textile Trades, Consumer Cultures, and the Material Worlds of the Indian Ocean, Palgrave Series in Indian Ocean World Studies, https://doi.org/10.1007/978-3-319-58265-8_14
-
[8]
Éric Vallet, dans un article consacré à ces noms, établit cette association entre les mers et les ports :« Les noms de l’Océan », in La Fabrique de l’océan Indien, op. cit., p. 111-124, p. 117
-
[9]
Marco Polo, Le devisement du monde. Le livre des merveilles, texte établi par Arthur Christopher Moule et Paul Pelliot, traduction Louis Hambis, Paris, Poche, 2015, p. 405.
-
[10]
Pour reprendre le concept de Christian Grataloup, d’« invention des continents », car l’invention des océans en est le pendant. Christian Grataloup, L’Invention des continents : comment l’Europe a découpé le Monde, Paris, Larousse, 2009, notamment p. 19-20. À la différence de ce qui y est affirmé, nous montrerons ici que, pour les Occidentaux, la navigation atlantique a peut-être triomphé de la navigation en Méditerranée, mais qu’elle a été précédée par la navigation dans « l’océan de l’ouest » qui, dans la dénomination chinoise, désigne l’océan Indien.
-
[11]
La construction de la représentation de l’océan Indien, au travers des cartes géographiques, a été récemment présentée dans l’ouvrage synthétique La Fabrique de l’océan Indien. Les contributions occidentales, arabes et est-asiatiques y sont analysées. On trouvera une explication de la carte mésopotamienne dans La Fabrique de l’océan Indien, op. cit., p. 29. Pour les figurations antiques : Emmanuelle Vagnon, « L’océan Indien dans les mappemondes latines (viiie-xive siècle) », in La Fabrique de l’océan Indien, op.cit., p. 41-55, p. 41.
-
[12]
Pierre Chaunu, L’Expansion européenne du xiiie au XVe siècle, Paris, Presses universitaires de France, 1995, p. 61, p. 90. Michael Pearson critique le regard atlantique de Pierre Chaunu qui voit l’océan Indien comme une simple dépendance de la Méditerranée. Michael Pearson, The Indian Ocean, London, New York, Routledge, 2008, p. 3.
-
[13]
Christiane Deluz, « Une image du monde. La géographie dans l’Occident médiéval (ve-xve siècle) », in Patrick Gautier-Dalché (dir.), La Terre : connaissance, représentations, mesure au Moyen Âge, Turnhout, Brepols, 2013, p. 15-158, p. 29.
-
[14]
Jean-Charles Ducène, « Formes de l’océan Indien dans la cartographie arabe » in La Fabrique de l’océan Indien, op.cit, p. 57-71, p. 57.
-
[15]
« Le sud de l’Afrique fait face à l’Iran et à l’Inde », Hudūd al-Ālam, The Regions of the world : a Persian Geography, 372 A.H.-982 A.D, translated and explained by V. Minorsky, Londres, Cambridge University Press reprint, 1982, p. 163. On trouvera une reproduction légendée de la carte illustrant l’ouvrage de Ibn Hawqal dans Éric Vallet, « Les espaces insulaires de l’océan Indien entre expérience et imaginaire », in La Fabrique de l’océan Indien, op. cit., p. 203.
-
[16]
Par exemple, Hudūd al-Ālam, op. cit., p. 56. Pour Wilcomb E. Washburn, les « erreurs » ne proviennent pas du texte de Ptolémée mais relèvent de la mise en image tardive : Wilcomb E. Washburn, A Proposed Explanation of Closed Indian Ocean on Some Ptolemaic Maps on the Twelfth-Fifteenth Centuries, Revista da Universidade de Coimbra, Vol XXXIII, serie separata 177, 1985.
-
[17]
Ibn Khordādbeh, Livre des routes et royaumes, Traduction C. Barbier de Meynard, Journal asiatique, 6e série, t. 5, 1865, p. 227-296, ici p. 231.
-
[18]
Ibn Hawqal, La Configuration de la Terre, édité par Johannes Hendrik Kramers et Gaston Wiet, Paris, Maisonneuve & Larose, vol. 1, 2001, p. xi, p. 6 et p. 41-56. Ibn Hawqal part de Bagdad en 943 et commence à écrire un ouvrage intitulé Configuration de la Terre (Kitab Surat al Ard). Il met la dernière main à cet ouvrage en 988.
-
[19]
L’expression est de Ibn Hawqal, La Configuration de la Terre, op. cit., p. 12.
-
[20]
Sur les climats, voir André Miquel, La géographie humaine du monde musulman, op. cit., t. 2, 1975, p. 57-70. J. B. Harley et David Woodward (eds), The History of Cartography, t. 2, Cartography in the Traditional East and South Eastasian Societies, Chicago, University of Chicago Press, 1994, p. 76-80.
-
[21]
Hudūd al-Ālam, op. cit., p. 63. Fragmentum libri Margarita mirabilium, Ibn-el-Vardi (Ibn al-Wardī), édité par Carolus Johannes Tornberg, Upsaliae, 1835, p. 30. Anonyme, Relation de la Chine et de l’Inde, édité par Paule Charles-Dominique, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléïade, 1995, p. 9.
-
[22]
Préface de Hudūd al-Ālam, op. cit., p. 49. Mais on retrouve le même projet pour ces espaces dans l’ensemble des ouvrages.
-
[23]
On lit par exemple à propos de la province de Boukhara : « Au sud de cette province se trouve la chaîne de montagnes qui s’étend jusqu’en Chine », Ibn Khordādbeh, Livre des routes et royaumes, op. cit., p. 263.
-
[24]
Il cite à l’appui le Coran : « Dieu a posé sur notre globe, comme des ancres ou des pieux, ces masses salvatrices qui l’empêchent, et les hommes avec elles, de tanguer ». André Miquel, La géographie humaine du monde musulman, op. cit., t. 3, p. 2. Ibn Hawqal, La Configuration de la Terre, op. cit., p. 35.
-
[25]
Ibn Hawqal, ibid., p. 43.
-
[26]
« Le désert s’étend donc, ainsi que je l’ai décrit et suivi, depuis l’Océan de l’est jusqu’à l’Océan de l’ouest ». Ibn Hawqal, ibid., p. 34. Déjà cité par André Miquel, qui précise que la veine de sable se poursuit sous les flots dans la mer du Fars selon Ibn Hawqal : André Miquel, La géographie humaine du monde musulman, op. cit., t.3, p. 6-7.
-
[27]
Ibn-Jabir al-Baladhuri, Kitāb futūh al-buldān, Philip Khuri Hitti (éd.), t. 2, pdf, p. 145. Il écrit d’Abarkawan : « île conquise par le Fars ». Ibn Battûta, Voyages, édité par C. Defremiery, B. Sanguinetti et S. Yeramimos, Paris, La Découverte, 2012, t. 3, p. 221.
-
[28]
Éric Vallet, « Les espaces insulaires de l’océan Indien entre expérience et imaginaire », in La Fabrique de l’océan Indien, op. cit., p. 208-209.
-
[29]
Voir Serge Bouchet, « Une étude comparative de l’océan Indien dans les mappemondes antérieures au xvie siècle », art cit., p. 105.
-
[30]
Pour une analyse approfondie de cette représentation, voir Jean-Charles Ducène, « L’Afrique dans les mappemondes circulaires arabes médiévales. Typologie d’une représentation », Comité français de cartographie, n° 210, décembre 2011, et « Formes de l’océan Indien dans la cartographie arabe », art. cit.
-
[31]
Jean-Charles Ducène, « Formes de l’océan Indien dans la cartographie arabe », art. cit, p. 60. Id., « L’océan Indien vu par les géographes arabes de Méditerranée : un espace qui se complexifie entre 1150 et 1350 », Annales d’Histoire de l’Indianocéanie, n° 1, 2018, p. 69-80, p. 73-74. La carte qui illustre le manuscrit montre un océan Indien largement déployé vers le sud.
-
[32]
La datation proposée dans Henri Bresc et Annliese Nef (éd.), La première géographie de l’Occident, Idrîsî, traduction du chevalier Jaubert revue par Annliese Nef, Paris, Flammarion, 1999, p. 18. Pour la « Description de l’aspect de la Terre » : Ibid., p. 64.
-
[33]
Traduction du texte d’al-Idrïsï pour les passages sur l’océan Indien dans Études sur l’océan Indien, Saint-Denis (La Réunion), Université de La Réunion, 1984, « L’océan Indien d’après le géographe Abû Abd-Allah Muhammad Ibn Idrîs al-Hammûdî al-Hasanî », p. 34-35. Il la dit également peuplée de Zanjs.
-
[34]
Al-Dimasqī, Manuel de la cosmographie du moyen âge, traduit de l’arabe (Nokhbeteddahr fi ’Adjaib-il-birr wal-bah’r) par Shems ed-Dīn Abou-’Abdallah Moh’ammed de Damas, et notes de M. A. F. Mehren, Copenhague, C. A. Reitzeletc, 1874, p. 49 et 52.
-
[35]
Cette datation tardive de la mort d’al-Wardī est proposée par Jean-Charles Ducène, « Formes de l’océan Indien dans la cartographie arabe », art. cit., p. 60.
-
[36]
« L’océan Enveloppant » est la grande mer océane des Occidentaux. On retrouve chez al Wardī (mort en 1457) la mention de l’Afrique faisant face à l’Asie, ce qui correspond à la carte illustrant le manuscrit, Fragmentum libri Margarita mirabilium, Ibn al-Wardī, op. cit., p. 30. Ibn Khaldūn, de même, situe une limite sud de l’océan Indien parallèle à l’équateur. Ibn Khalduīn, Le Voyage d’Occident et d’Orient, édité par Abdesselam Cheddadi, Paris, Sindbad, 1995, p. 217. Jean-Charles Ducène souligne ce paradoxe : entre le xiiie et le xve siècle, le littoral est-africain est de plus en plus fréquenté, « mais la représentation de l’océan reste figée, fidèle à des modèles anciens » : Jean-Charles Ducène, « L’océan Indien vu par les géographes arabes de Méditerranée », art. cit., p. 77.
-
[37]
Serge Bouchet, « Dire l’océan Indien aux temps anciens : quand dire le territoire c’est dire sa vision du monde », in Observatoire des Sociétés de l’océan Indien (OSOI), Dire l’océan Indien, Epica éditions, 2017, p. 71-91, p. 77-78. Id., « History and mapping of the Old Indian Ocean », communication à l’International Conference Africa-Asia, “A New Axis of Knowledge”, 20-22 septembre 2018, University of Dar es Salaam, Tanzanie. Id., « The Indian Ocean in the Muslim Geographical Images previous to the XVIth Century : a Representation of a Hegemonic Vision », communication, 2nd International AEGIS Thematic Conference on Africa and the Indian Ocean, “Fluid Networks and Hegemonic Powers in the Western Indian Ocean”, 9-10 avril 2015, Lisbonne.
-
[38]
Hudūd al-Ālam, op. cit., p. 52.
-
[39]
Sur cette déformation, on pourra consulter Jean-Charles Ducène, « L’Afrique dans les mappemondes circulaires arabes médiévales. Typologie d’une représentation », art. cit.
-
[40]
L’influence des savoirs transmis par le monde romain est prédominant jusqu’au xiie siècle, écrit Emmanuelle Vagnon, « L’océan Indien dans les mappemondes latines », art. cit., p. 41. Sur la signification des figurations du monde, voir Nathalie Bouloux, « L’espace habité », in Patrick Gautier Dalché (dir.), La Terre : connaissance, représentations, mesure au Moyen Âge, op. cit., p. 259-443, p. 347-350. Pour une comparaison plus détaillée entre les figurations occidentales et arabo-persanes, nous nous permettons de renvoyer à Serge Bouchet, « Une étude comparative de l’océan Indien dans les mappemondes antérieures au xvie siècle : difficulté de la constitution d’un corpus », op. cit., p. 99-110.
-
[41]
Isidore de Séville, Étymologies, Livre XIII, De mundo et partibus, 15, ed. W.M. Lindsay, 1911.
-
[42]
Isidore de Séville, Étymologies, XIII, op. cit., p. 14 et 17.
-
[43]
Voir les mappemondes des Commentaires sur le songe de Scipion : BNF ms latin 15170, f° 125r ; Bodleian library, D’orville 77, f° 100r ; Troyes, BM ms 804, f° 233v ; incunable, Brescia, 1485, p. 52. Pour une étude sur les zones habitables et la signification des mappemondes médiévales, voir Patrick Gautier-Dalché, « La Terre dans le cosmos », in La Terre : connaissance, représentations, mesure au Moyen Âge, op. cit., p. 161-257.
-
[44]
Christine Gadrat, « La représentation de l’océan Indien chez les voyageurs occidentaux, xiiie-xve siècle », Annales d’Histoire de l’Indianocéanie, n° 1, 2018, p. 81-89, p. 82.
-
[45]
Parlant du modèle du monde musulman, Jean-Charles Ducène écrit : « Ainsi, l’amélioration des connaissances toponymiques que l’on observe dans les instructions nautiques du xve siècle pour les côtes de l’océan Indien n’est jamais portée sur les cartes. C’est l’intrusion des modèles occidentaux qui bouscule cette ancienne image et oblige les dessinateurs à une révision partielle de leur conception » : Jean-Charles Ducène, « L’Afrique dans les mappemondes circulaires arabes médiévales. Typologie d’une représentation », art. cit., p. 28.
-
[46]
Christine Gadrat le montre pour le missionnaire Guillaume Adam. Christine Gadrat, « La représentation de l’océan Indien chez les voyageurs occidentaux, xiiie-xve siècle », art. cit., p. 86.
-
[47]
Serge Bouchet, « Dire l’océan Indien aux temps anciens : quand dire le territoire c’est dire sa vision du monde », art. cit.
-
[48]
Jean-Charles Ducène, « L’océan Indien vu par les géographes arabes de Méditerranée », art. cit., p. 80.
-
[49]
À l’instar de toutes les schématisations islamiques et occidentales qui montrent le monde sous des formes géométriques, car il s’agit de situer l’œkoumène et de traduire de façon simple des théories cosmographiques, non de réaliser une carte géographique du monde. Voir Patrick Gautier-Dalché, « La Terre dans le cosmos », art. cit., p. 202. La démarche ne saurait surprendre, elle n’est pas différente de celle des géographes développant chorèmes et modèles.
-
[50]
Voir Jean-Louis Margolin et Claude Markovits, Les Indes et l’Europe, Paris, Folio, 2015, p. 27-45.
-
[51]
La cartographie chinoise de l’océan Indien est tardive, entre le xiiie et le xve siècle, affirme Hyunhee Park, « Regards est-asiatiques sur l’océan Indien », in La Fabrique de l’océan Indien, p. 93-94, p. 93. On trouvera dans cet article une présentation détaillée de la cartographie chinoise de l’océan Indien.
-
[52]
Ou huit expéditions : Jacques Leider et Pierre-Yves Manguin, Compte rendu de Claudine Salmon et Roderich Ptak, Zheng He : images et perceptions, Wiesbaden, Harrassowitz, 2005, Aséanie, 2006, vol. 17, p. 195-199. Voir aussi : Edward L. Dreyer, China and the Oceans in the Early Ming Dynasty, 1405-1433, New York, Pearson Longman, 2007.
-
[53]
Cao Wanru et alii (eds.), An Atlas of Ancient Maps in China : From the Warring States Period to the Yuan Dynasty (476 B.C.-A.D. 1368), Beijing, Wen wu chu ban she, vol. 1, 1990, cartes 54 à 63 et 94 à 101. Notices de Cao Wanru p. 109.
-
[54]
Hudūd al-Ālam, op. cit., p. 52. La première géographie de l’Occident, ldrîsî, p. 64.
-
[55]
Hyunhee Park, Mapping the Chinese and Islamic Worlds, op. cit., p. 172.
-
[56]
Cartes et commentaires dans Hyunhee Park, « Regards est-asiatiques sur l’océan Indien », art. cit., p. 95, 100.
-
[57]
Notice de Shen Xiaoya in Cao Wanru et alii (eds), An Atlas of Ancient Maps in China, op. cit., 2, 1994, p. 21.
-
[58]
Passage cité dans Mapping the Chinese, op. cit., p. 175-176.
-
[59]
Id., p. 172.
-
[60]
An Atlas of ancient maps in China : The Ming Dynasty (1368-1644), op. cit., carte 170, notice de Niu Zhongxun, p. 38. Deux versions de cette carte ont été réalisées.
-
[61]
Sur l’évolution des connaissances sur les climats, voir Patrick Gautier-Dalché, « Les conceptions de l’habitation de la zone torride et de l’océan Indien aux xiie et xiiie siècles », communication à la Semaine de l’Histoire 2016, Saint-Denis (La Réunion), Annales d’Histoire de l’Indianocéanie, n° 2 (à paraître).
-
[62]
De la Méditerranée, il écrit : « la mer en son milieu s’élargit et recouvre une grande partie des terres ». Ibn Khaldūn, Le voyage d’Occident et d’Orient, op. cit., p. 218. La compénétration de la mer et de la terre est moindre qu’en Méditerranée.
-
[63]
Ibn Hawqal, La Configuration de la Terre, op. cit., p. 2 et p. 6.
-
[64]
Id., p. 6. L’expression est reprise p. 41 en introduction de la section consacrée à la Mer de Perse.
-
[65]
Id., p. 12.
-
[66]
Pour les plus anciennes références : Anonyme, Relation de la Chine et de l’Inde ; Ibn Khordādbeh, Livre des routes et royaumes, op. cit. ; les textes se répètent. Ali ibn al Husayn al Mas’udī, Les Prairies d’or, texte et trad. par Barbier de Meynard et Pavet de Courteille, Paris, Impr. impériale, 1861-1867, t. 1, p. 338-339. Abû-Rayhân al-Bîrûnî, Le Livre de l’Inde, Extraits choisis, traduits de l’arabe, présentés et annotés par Vincent-Mansour Monteil, Arles, Sindbad-Actes Sud, Éditions Unesco, 1996, p. 218. Voyage du marchand arabe Sulaymân en Inde et en Chine rédigé en 851 suivi de remarques par Abû Zayd Hasan (vers 916), édité par Gabriel Ferrand, Paris, Éditions Bossard, 1922, p. 34, 35 et 43. Les anthropophages sont aussi situés à Nicobar ou dans l’île de Rāmni (Sumatra nord), dans une île proche de Ceylan et dans la terre des Zanjs.
-
[67]
Ibn Rusteh, Les atours précieux, traduction de Gaston Wiet, Fuat Sezgin éd., Islamic Geography, vol. 297, 2008, p. 112. Al-Dimasqī, Manuel de la cosmographie du moyen âge, op. cit., p. 197.
-
[68]
Voir la carte dans La Fabrique de l’océan, op. cit., Indien, p. 157, p. 65. Fragmentum libri Margarita mirabilium, Ibn al-Wardī, op. cit., p. 118.
-
[69]
Philippe Beaujard, Les mondes de l’océan Indien, Paris, Armand Colin, 2012, t. 2, p. 114.
-
[70]
Ibn Hawqal, La Configuration de la Terre, op. cit., p. 9-10. Les empires présentés dans le passage coupé sont l’Empire de Perse, le plus puissant et le plus riche, l’Empire byzantin, l’empire de Chine et l’Empire de l’Inde.
-
[71]
Rappelons que « commercer » signifie aussi « établir des relations avec autrui ».
-
[72]
Ibn Hawqal, La Configuration de la Terre, op. cit., p. 5-11.
-
[73]
Ainsi que le soulignait Fernand Braudel dans La Méditerranée. L’espace et l’histoire, Paris, Champs Flammarion, 1985, p. 76-77 ; voir aussi p. 57-62. Michael Pearson ajoute que l’océan Indien à la fois facilite et contraint les navigations humaines, mais précise immédiatement que ce n’est pas l’eau, mais les hommes qui font l’océan Indien. Michael Pearson, The Indian Ocean, op. cit., p. 27.
-
[74]
Philippe Beaujard, Les mondes de l’océan Indien, op. cit., t. 2, p. 15-17. Philippe Beaujard écrit que « Les Chinois quant à eux se déplacent peu sur les réseaux structurant le système monde », les échanges étant assurés par « des groupes en position intermédiaire », ibid., p. 17.
-
[75]
Anonyme, Relation de la Chine et de l’Inde, op. cit., p. 8.
-
[76]
Inutile de citer toutes les sources écrites. La simple lecture de la Relation de la Chine et de l’Inde montre ces derniers pour le ixe siècle.
-
[77]
Anonyme, Relation de la Chine et de l’Inde, op. cit., p. 5, 8, 9.
-
[78]
Edward A. Alpers, « The Islands of Indian Ocean Africa », in Shawkat M. Toorawa, The Western Indian Ocean, Port-Louis (Maurice),Hassan Toorawa Trust, 2007, p. i-19.p. 5.
-
[79]
On trouvera une présentation récente de l’importance des perles de verre à Mayotte dans : Martial Pauly, « Perles voyageuses : une approche archéologique des réseaux d’échanges de l’océan Indien occidental au xiie siècle », Revue Historique de l’Océan Indien, 2018, n° 15, p. 37-48.
-
[80]
Philippe Beaujard, Les mondes de l’océan Indien, op. cit., t. 1, p. 395. Des exemples dans Hăishàng sīchóu zhī lù [Maritime Silk Route], catalogue, Pékin, Guójiā wénwù jú biān [National Office of Cultural Heritage], 2014, p. 25, 50. La Chine participe aux échanges dans l’océan Indien depuis la préhistoire.
-
[81]
Ibid.p. 86, p. 92.
-
[82]
Bing Zhao, « Luxury and Power : The Fascination with Chinese Ceramics in Medieval Swahili Material Culture », Orientations, April 2013, p. 71-78.
-
[83]
Wang Xiuli, La Chine et l’Indianocéanie du 13e au 15e siècle : Études centrées sur les archives chinoises, Semaine de l’Histoire 2016, St-Denis (Réunion), Annales d’histoire de l’Indianocéanie n° 2 (à paraître).
-
[84]
Philippe Beaujard, Les mondes de l’océan Indien, op. cit., t.1, p. 395. Maritime Silk Route, op. cit., p. 68.
-
[85]
Anonyme, Relation de la Chine et de l’Inde, op. cit., p. 7 et 8. Le texte est écrit en 851.
-
[86]
Ibn Khordādbeh, Livre des routes et royaumes, op. cit., p. 294.
-
[87]
Wang Xiuli, La Chine et l’Indianocéanie du 13e au 15e siècles, op. cit.
-
[88]
Wang Xiuli, « The Arabs living in Coastal China during the 10th-13th Centuries », Revue Historique de l’Océan Indien, n° 15, 2018, p. 202-214, et Semaine de l’Histoire, 2017, Saint-Denis (Réunion), discussion des communications de Wang Xiuli et Zhang Xiaogui.
-
[89]
Ibn Battûta, Voyages, op. cit., t. 3, p. 320-327.
-
[90]
Jacques Leider et Pierre-Yves Manguin, art. cit., p. 196-197. Jérôme Kerlouégan et Bing Zhao, « Les expéditions de Zhen He ou le rêve chinois d’un empire maritime », in Aventuriers des mers (VIIe-XVIIe siècle), IMA/Mucem, 2016, p. 118-123, p. 122.
-
[91]
Chau Ju-Kua, His Work on the Chinese and Arab Trade in the Twelfth and Thirteenth Centuries Entitled Chu-fan-chï, édité par Friedrich Hirth et W.W. Rockhill, p. 73.
-
[92]
Tout ce passage reprend la communication de Xiuli Wang, La Chine et l’Indianocéanie du 13e au 15e siècle, cit. Textes à l’appui, Xiuli Wang démontre l’importance des échanges maritimes et la diversité des produits, le plus souvent précieux, échangés. Voir aussi Hyunhee Park, Mapping the Chinese and Islamic Worlds : Cross-Cultural Exchange in Pre-Modern Asia, Cambridge, New York, Melbourne, Cambridge University Press, 2012, p. 169.
-
[93]
K.A. Nilakanta Sastri (ed), Foreign Notices of South India, Madras, University of Madras, 1972, p. 291.
-
[94]
Voir [Maritime Silk Route], op. cit. et Hyunhee Park, Mapping the Chinese and Islamic worlds, op. cit., p. 176. Les sources chinoises mentionnent ce commerce avec insistance. Chau Ju Kua signale le commerce de porcelaine à Zanzibar, His Work on the Chinese and Arab Trade in the Twelfth and Thirteenth Centuries Entitled Chu-fan-chï, op. cit., p. 126-127. Céramiques chinoise et vietnamienne participent d’un fond technologique commun. Des ports du Vietnam actuel s’insèrent dans le commerce maritime en direction de l’Afrique entre le xe et le xie siècle. Bing Zhao et Philippe Colomban, « La céramique vietnamienne exhumée sur les sites portuaires de l’océan Indien : quels critères d’identification ? », in P. Corey, F. Dalex et al. (dir.), Arts du Vietnam, Nouvelles Approches, Rennes, PUR, 2015, p. 57-66, p. 58-59. Céladon et porcelaines : Bing Zhao, « La céramique chinoise et de l’Asie du Sud-Est du site de Vohémar à Madagascar – vers une expertise plus fine et une approche plus historique de la céramique chinoise de la nécropole de Vohémar », Études de l’océan Indien, vol. 46-47, 2011, p. 91-103.
-
[95]
Exemples d’objets dans [Maritime Silk Route], op. cit. : dans l’épave du Batu Hitam, navire arabe, au temps la dynastie Tang, des bols en céladon, p. 71 ; dans l’épave du Nanhai n° 1 : un collier d’or et des plats en porcelaine blanche, verte et en céladon, p. 111-116 ; dans l’épave du Banyangjao n° 1 : plats décorés et boîte. p. 122-123 ; vases et pichets en céladon et en porcelaine dans le récif de Xisha Island, p. 117-121. Céladons trouvés dans l’épave du Batu Hitam. Bols dans l’épave du South China Sea n° 1, dynastie Song, p. 495-496.
-
[96]
Hyunhee Park, Mapping the Chinese and Islamic Worlds, op. cit., p. 176.
-
[97]
K.A. Nilakanta Sastri (ed), Foreign Notices of South India, op. cit., p. 305 et p. 307308.
-
[98]
Selon Hyunhee Park, Mapping the Chinese and Islamic Worlds, op. cit. Xiuli Wang évoque pour sa part quatre voyages de Fei Xin. Xiuli Wang, La Chine et l’Indianocéanie du 13e au 15e siècle, op. cit.
-
[99]
Fei Xsin, Xingcha shenglan, in K. A. Nilakanta Sastri (ed), op. cit., p. 296-297.
-
[100]
Sur le tribut, voir Philippe Beaujard, Les mondes de l’océan Indien, op. cit., t. 2, p. 33-34. Ji-Young Lee, dans China’s Hegemony : Four Hundred Years of East Asian Domination, New York, Columbia University Press, 2017, Ebook, p. 5-6 et chapitre 1, a contesté l’idée que le tribut ait été un instrument d’hégémonie dans l’ouest de l’Asie, car le système du tribut était selon lui une interaction réciproque, ce que montre l’exemple que nous citons plus loin pour l’océan Indien. D’ailleurs, l’expression « système du tribut » est une invention occidentale, écrit Ji-Young Lee. Pour cette raison, nous recourrons au terme tribut avec des guillemets, car le terme lui-même est chargé d’un sens particulier.
-
[101]
Fei Xin, Xingcha shenglan, op. cit., p. 296
-
[102]
Ibn Battûta, Voyages, op. cit., t. 3, p. 149-150. Les documents écrits relatant les voyages sont étudiés dans : See Jinming Li, « Textual Research on the Maritime Routes between China and the Arabian Sea during Tang Dynasty », Haijiaoshi yanjiu (Maritime History Studies), 2009-2, p. 48-58.
-
[103]
Hudūd al-Ālam, op. cit., p. 56-57.
-
[104]
Edward A. Alpers rappelle que les historiens distinguent trois Afrique : l’Afrique atlantique, l’Afrique méditerranéenne et l’Afrique de l’océan Indien. Edward A. Alpers, « The Islands of Indian Ocean Africa », op. cit., p. 1-19.
-
[105]
Zhao Bing, « Luxury and Power : The Fascination with Chinese Ceramics in Medieval Swahili Material Culture », art. cit. ; Martial Pauly, « Perles voyageuses », art. cit., p. 47.
-
[106]
Al-Sīrafī cité in Philippe Beaujard, Les mondes de l’océan Indien, op. cit., t. 2, p. 122. Philippe Beaujard envisage une concurrence entre les Austronésiens et les Arabo-Persans. À l’appui, il rapproche ce fait de l’introduction d’un nouveau type de perles sur la côte de l’Afrique de l’Est. Jean-Charles Ducène mentionne une émigration d’Austronésiens vers Madagascar : « À la (re)découverte des côtes de l’Afrique orientale. L’Afrique de l’Est et Madagascar dans les sources arabes », in La Fabrique… op. cit., p. 155.
-
[107]
Extraits de Faxian et de Ma Huan, Foreign Notices of South India, op. cit., p. 68-74 et p. 299-301, p 307.
-
[108]
Ainsi que l’a montré Sanjay Subrahmanyam dans Vasco de Gama : légende et tribulations du Vice-Roi des Indes, Paris, Alma, 2012.
-
[109]
Fernand Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme : XVe-XVIIIe siècle, t. 3, Le temps du monde, Paris, A. Colin, 1979, p. 606-610 ; Michael Pearson, The Indian Ocean, op. cit., p. 3.
-
[110]
Christian Grataloup a ainsi justement souligné la distinction entre routes terrestres et routes maritimes dans « Au cœur du “Système Ancien Monde”. L’esquisse d’une “banane bleue” indianocéane (viiie-xixe siècles) », Revue Historique de l’Océan Indien, 2018, n° 15, p. 29-36, p. 33-36.
-
[111]
Patrick Counillon, « Le commerce entre l’Égypte romaine et l’Inde dans l’Antiquité tardive : Le témoignage de Cosmas Indicopleustès », art. cit., p. 14-19, p. 18-19.
-
[112]
Et la Chine puise dans les représentations européennes au xvie siècle. Hyunhee Park, « Regards est-asiatiques sur l’océan Indien », art. cit., p. 101 et p. 105.
-
[113]
Sur le mythe et ses prolongements : Christian Grataloup, L’Invention des continents, op. cit., p. 134-144.
-
[114]
« J’ai traversé paisiblement les mers orageuses qui sont sous le cercle antarctique ; j’ai trouvé dans la mer Pacifique les plus effroyables tempêtes » : Jean-Jacques Rousseau, Julie ou la nouvelle Héloïse, (c’est Saint-Preux qui écrit).
-
[115]
D’après Brunetto Latini, Li livres dou tresor, édité par B. Chabaille, Paris, 1863, p. 160.
-
[116]
Ibid., p. 161.
-
[117]
On peut aussi chercher un nom plus adapté. Michael Pearson aborde la question en ouverture de The Indian Ocean, op. cit., p. 13-14. Mais le choix d’un nom, si justifié soit-il, tel océan Afrasiatique, ne vaut que si les populations se l’approprient.
-
[118]
Pour citer un cliché européen contesté par Michaël Pearson, ibid., p. 3.
-
[119]
Place qu’il tient toujours aujourd’hui, comme en témoignent l’importance de Djibouti, de Diego Garcia… Et comme l’écrivait Fernand Braudel de la Méditerranée, « personnage historique », une étendue marine est un tout, à la fois paysage physique et humain, histoire et présent, « comme un système où tout se mélange en une unité originale », « ce n’est pas seulement l’Homme, qui a tout lié ensemble obstinément », Fernand Braudel dans La Méditerranée, op. cit., p. 10-II. L’océan Indien est aussi ce « tout », agi et acteur.
1L’intérêt porté à l’histoire de l’océan Indien est de plus en plus affirmé. Il inspire une curiosité récente, alors que la Méditerranée, avant même les travaux fondateurs de Fernand Braudel, a toujours été considérée comme ancrée dans la mythologie et « nourrice » de l’Europe [1]. La genèse de l’océan Indien est toute autre : notre objet est de déterminer comment se constitue cet espace. L’océan Indien tel que nous le concevons aujourd’hui couvre 75 millions de km2, sur une largeur d’environ 6 000 km de Djibouti à la Birmanie, et 7 800 km de l’Afrique du Sud à la côte ouest de l’Australie [2]. Il met en contact des sociétés très diverses et très anciennes d’Afrique, d’Orient, et, par la mer Rouge, d’Europe. Voie de passage privilégiée entre ces aires de civilisation, il est au cœur de la mondialisation actuelle. Sa dimension stratégique n’est pas moindre. États-Unis et Grande-Bretagne (Diego Suarez), France (Djibouti), Russie, Inde, Chine (Djibouti) rivalisent pour y installer des bases militaires, car la puissance passe par lui [3].
2Si l’on remontait aux temps où cet espace maritime a vu se construire son image dans le regard des sociétés qui le pratiquaient ou le convoitaient ? Nous présentons sous le titre océan Indien ancien une histoire de l’océan du viie siècle au xvie siècle. Le choix du viie siècle nous place au début de l’expansion musulmane et du développement des échanges entre océan Indien et Chine sous la dynastie des Tang (618-907). Il se justifie également par l’effacement des relations occidentales avec la disparition de la route romaine en direction de Ceylan. La borne finale correspond à la description et à la cartographie de cet océan par les Européens et à leur affirmation dans le jeu indianocéanique [4]. L’intérêt des périodes anciennes est manifeste : seul cet océan a joué dès les premiers temps de l’histoire humaine le rôle d’interface entre les premières sociétés organisées.
3Très tôt, cet espace maritime a relié les sociétés très éloignées d’Asie, d’Afrique, d’Europe, d’Austronésie. Son importance est d’autant plus grande que la voie maritime est la plus favorable à des déplacements très lointains avec de faibles moyens technologiques. L’arc chronologique de cet article est d’ailleurs couvert par le deuxième tome des Mondes de l’océan Indien de Philippe Beaujard. Cet ouvrage monumental traite de tous les aspects de la construction de cet océan et démontre, à partir de multiples exemples, la précocité de ces échanges depuis l’époque préhistorique et l’ampleur du commerce à l’échelle du monde dont il permet l’interconnexion. Les sources sur l’océan Indien ont été abondamment éditées et travaillées entre le xixe siècle et le début du xxe siècle par les orientalistes Gabriel Ferrand, Étienne Quatremère, Marcel Devic, Denys Lombard [5], puis Claude Allibert, François Viré, auteur d’une traduction des passages d’al-Idrīsī concernant l’océan Indien, et nombre d’autres en France et en Europe. Le questionnement sur l’océan Indien et sa fabrique a été initié dès les années soixante par André Miquel dans sa magistrale géographie du monde musulman jusqu’au milieu du xie siècle [6].
4Des publications récentes ont replacé au premier plan les réflexions sur l’océan Indien [7]. Ainsi la présentation de l’océan Indien ancien est-elle un sujet à la fois débattu de longue date et redevenu d’actualité grâce à la mise en œuvre de nouvelles études. Beaucoup reste à comprendre et à écrire et la recherche dispose aujourd’hui de nouvelles sources : archéologie, exhumation de textes, relecture des sources anciennes, constituent autant de pistes fertiles pour une meilleure connaissance du passé de cet océan.
5Premier océan unissant les grands centres mondiaux, il est aussi le premier, dans les traités de géographie et sur des mappemondes, à se détacher comme une immense étendue marine ouverte. La diversité des noms successivement retenus pour le qualifier témoigne d’appropriations multiples. Ces noms correspondent souvent à des mers à l’intérieur de l’océan et à des ports [8] : Mare Indicum, mer Verte et mer Érythrée, même si elle n’en est qu’une partie, pour les auteurs méditerranéens de l’Antiquité ; Grande mer, mer de Perse, mer de l’Inde, mer de Bahreïn, mer de Sind et bien d’autres noms encore pour le monde arabo-persan. Pour l’Occident médiéval, l’océan Indien est la mer de l’Inde ou est désigné par le nom « des différentes provinces qu’il baigne » [9]. Les Chinois, quant à eux, le désignent comme la mer Occidentale. On peut s’interroger sur le lien qui unit l’invention de l’océan Indien, les différentes dénominations qui lui sont attribuées et les réseaux commerciaux dont il est le centre [10].
6Les considérations présentées dans cet article se veulent une synthèse des travaux sur la perception de l’océan Indien, complétée par des réflexions plus personnelles appuyées sur des références aux sources. Nous aborderons cette question en deux temps. Pour commencer, nous préciserons les enjeux de la construction de l’image de l’océan Indien selon les lieux dans les textes et les illustrations. Nous étudierons ensuite la réalité des échanges commerciaux et les réseaux qu’ils dessinent afin de chercher en quoi ils forgent l’identité de cet océan.
L’océan Indien dans les sources du viie siècle à la fin du xve siècle : d’un modèle maîtrisé à un horizon des possibles
7Les premières esquisses de l’océan Indien n’entrent pas dans le cadre de cet article. La perception mésopotamienne de l’océan Indien au viiie siècle av. J.-C. est la plus ancienne connue. Viennent ensuite les témoignages grecs et latins [11].
8Avec le recul de la présence romaine, l’océan Indien devient l’espace de navigation privilégié et quasi exclusif du monde arabe et du monde indien dont il constitue un prolongement naturel. Mais faut-il penser qu’avec l’expansion de l’Islam, l’océan Indien occupe une place seconde, devient une voie périphérique, car « tout se joue autour de la Méditerranée »? [12]
9La construction d’une représentation de l’océan Indien se lit d’abord dans les descriptions géographiques produites par le monde musulman. Les sources sur la période ve-viiie siècle sont en effet rares et apportent peu par rapport aux périodes antérieures : il s’agit principalement de la Cosmographie de Julius Honorius et de celle attribuée à Aethicus Ister [13]. Avec la constitution de l’Empire musulman, les ouvrages décrivant le monde se multiplient, une géographie de l’Empire se développe et, au sein de celui-ci, l’océan Indien tient une place éminente.
Les sources musulmanes à l’origine d’un modèle
10Les sources du monde musulman sont les plus nombreuses et celles qui délivrent le plus d’informations précises, car l’océan Indien est un des cœurs du monde musulman. Avec l’édification de l’Empire musulman, l’océan Indien prend forme dans la cartographie arabe. Si Ptolémée est une base de connaissances pour les auteurs du monde arabe, ces derniers, à partir d’al-Khwārizmī au ixe siècle, adaptent la mappemonde, en actualisent la toponymie et ajoutent des îles dans l’océan Indien [14]. La côte africaine est dessinée face au littoral de l’Asie, conformément aux premiers textes géographiques : on peut lire dans Les régions du monde que « La terre des Zanj fait face au Pārs, au Kirmān, et au Sind », ce que montre bien encore la carte de l’océan Indien insérée dans le Livre de la Configuration de la Terre de Ibn Hawqal copié au xve siècle [15]. Cette conception est héritée des textes et des tracés de la tradition Ptoléméenne, mais les historiens restent divisés sur la nature véritable du texte d’origine. Si, pour certains, Ptolémée décrivait un océan Indien fermé, au moins au sud, par une terre australe, d’autres doutent que cette affirmation soit imputable à Ptolémée [16]. Quelle qu’en soit l’origine, au vie siècle, le modèle s’est imposé.
11Les géographes arabo-persans ouvrent souvent leurs traités sur l’Empire musulman par un aperçu du monde. Prenons l’un des premiers d’entre eux, Ibn Khordādbeh (v. 820-v. 885) : après une présentation rapide de la Terre, il dresse un tableau des provinces et des routes à partir de la Mésopotamie, puis ajoute quelques considérations sur la mer de Perse [17]. Les textes géographiques de l’Empire musulman dans leur description des régions du monde ne peuvent évoquer l’espace oriental de l’Empire sans aborder l’océan Indien. Ibn Hawqal, géographe né au sud-est de la Turquie actuelle vers 910-920, vraisemblablement formé en Mésopotamie, amorce son étude du monde par la mer de Perse, immédiatement après avoir étudié Le domaine des Arabes [18].
12Ces auteurs distinguent deux mers qui se détachent de l’océan, l’océan Indien et la Méditerranée [19]. L’océan Indien se trouve presque entièrement dans le premier climat, le climat le plus au sud [20]. Ses contours sont nettement déterminés dès les premiers textes : un littoral le ferme au sud, des récifs nommés les Portes de la Chine balisent la sortie de l’océan Indien [21].
13Le projet, souvent annoncé en préalable dans les ouvrages de géographie, consiste à s’intéresser aux terres mises en relation avec les mers, les cours d’eau, les montagnes et les déserts [22]. Les fleuves et les montagnes matérialisent les limites et font le lien entre les espaces [23]. Les représentations figurées, de même, mettent en évidence, aux côtés des indications sur les villes, les mers, les fleuves, les déserts et les montagnes. Dans cette géographie, les montagnes sont le squelette de la Terre, relève André Miquel, lignes et chaînes de montagnes structurent le paysage et « dominent la mer » [24]. Elles établissent une démarcation et font office de repères autour et dans l’océan Indien : Ibn Hawqal écrit ainsi de la mer de Qulzum (Mer Rouge) : « Bien qu’elle soit une mer avec des profondeurs, elle a de nombreuses montagnes couvertes par l’eau. Les routes des bateaux y sont bien fixées et l’on ne peut y naviguer qu’à l’aide d’un pilote, lequel s’engage avec son bateau dans les intervalles entre ces montagnes pendant la journée, car de nuit elle n’est pas navigable : l’eau est extrêmement claire, de sorte qu’on peut y voir ces montagnes » [25]. De leur côté, les fleuves mais aussi les sables du désert s’achèvent à l’océan [26]. L’océan Indien est ainsi omniprésent dans la géographie des espaces situés au cœur du monde musulman.
14Les îles, enfin, servent d’amer dans les récits de navigation et fixent autant d’étapes dans la traversée de l’océan Indien. Elles caractérisent les différents espaces : îles proches, connues, prolongement des ports du monde musulman, telle Abarkawan dans le golfe persique. C’est aussi le cas des Maldives organisées administrativement : Ibn Battūta y distingue douze provinces sous l’autorité d’un gouverneur [27]. D’autres îles s’insèrent comme des espaces de transition, telle Socotra et ses pirates. Sur les cartes, d’ailleurs, les îles apparaissent comme des « bornes spatiales » ou s’apparentent à des étapes et des « marches » maritimes [28]. Ainsi, dans les textes comme dans les images, ces îles ne sont-elles jamais perçues pour elles-mêmes, mais toujours observées avec un regard de voyageur extérieur. Introduites en nombre limité et fluctuant, elles sont disposées sans rigueur dans le dessin de l’océan Indien : la comparaison des mappemondes illustrant les manuscrits d’al-Idrīsī met en évidence les différences dans la figuration de l’océan Indien et dans les choix concernant les îles [29]. Ces dernières ne constituent pas une pièce d’un tout que serait l’océan, elles ne sont que des points utiles, attractifs ou inquiétants pour le marin.
15Le découpage de l’océan Indien diffère entre les textes et les représentions figurées. Il est fermé au sud dans les premiers textes géographiques, et jusqu’au xve siècle sur une majorité de mappemondes [30]. Les textes, en revanche, se font bien moins précis après le xiie siècle. Seul al-Bīrūnī (973-v.1048) développe dès le xie siècle l’idée d’une côte africaine se déployant au sud et d’un océan Indien totalement ouvert, rendant le contournement réalisable [31]. Al-Idrīsī, qui consigne par écrit sa géographie entre 1154 et 1157, aborde l’océan Indien de façon très générale dans sa « description de l’aspect de la Terre », en faisant abstraction de la lisière sud [32]. Il y revient dans sa présentation régionale et signale alors que la « mer Indienne baigne, au sud, une partie du pays de Sofāla » et qu’au-delà se trouve le territoire d’al-Wāq-Wāq, mais il ne situe pas ces terres et enchaîne, sans transition, sur l’île Andaman, nous transportant ainsi à l’extrême nord-est de l’océan [33]. Al-Dimasqī (mort en 1327), rapporte que, d’après les Anciens, la vie n’est possible que jusqu’au 16e degré sud de l’équateur [34]. Ibn Battūta dicte ses Voyages en 1355 : dans son évocation de l’océan Indien, il n’en donne pas un aperçu global, mais mentionne seulement une navigation jusqu’à Kilwa et ne pose aucune limite à l’océan. Al-Wardī (mort en 1457 ?), pour sa part, s’arrête longuement sur l’organisation des espaces maritimes [35]. Reprenant Ibn Khaldūn (1332-1406), il expose la répartition des mers comme une arborescence : l’océan Indien se détache de l’océan Enveloppant, le golfe Persique et la mer Rouge se détachent de l’océan Indien. Mais ces deux auteurs imaginent bien une limite sud à l’océan Indien [36].
16Quoi qu’il en soit, entre le xe et le xiiie siècle, le monde esquissé par les Arabo-Persans est le premier à offrir une véritable place à l’océan Indien. Dans les cartes régionales, il apparaît comme un espace maritime voisin des terres dont il constitue un prolongement naturel, s’insérant dans le réseau de routes et de villes [37]. Seule une bande côtière est dessinée : elle est la traduction graphique de l’étendue marine visible de la terre jusqu’à l’horizon. Les noms des mers, directement associés aux régions voisines, illustrent cette continuité [38].
17Par ailleurs, les textes géographiques du monde musulman confèrent à l’océan Indien une dimension trois à quatre fois plus grande d’est en ouest que celles accordées à la Méditerranée.
Le livre des curiosités, Manuscrit égyptien, Bodleian library MS. Arab c 90 f° 27b 28a. Tournée de 180°
Le livre des curiosités, Manuscrit égyptien, Bodleian library MS. Arab c 90 f° 27b 28a. Tournée de 180°
18Les dessins du monde, pour leur part, figurent un océan Indien deux fois plus long d’est en ouest que la Méditerranée (fig. 1). En revanche, l’océan Indien reste peu étendu du nord au sud, sa limite sud suit le 10e parallèle au sud de l’équateur où il rencontre la côte africaine. Cette terre australe correspond à une partie de l’Afrique pivotée d’environ 90 degrés [39].
Les sources européennes : une figuration tardive puis une autonomisation
19La représentation européenne de l’océan Indien puise d’abord aux modèles issus du monde gréco-romain dans des figurations qui n’ont pas une vocation géographique, mais visent à « rendre intelligible » l’organisation du monde. Le dessin à visée géographique se construit, près de trois siècles après celui du monde arabo-persan, en reprenant les cartes arabes [40]. Jusqu’au xiiie siècle, seule la Méditerranée est individualisée sur les mappemondes, les étendues marines se trouvant rejetées dans la grande mer océane. Cet océan des mappemondes européennes anciennes répond à la définition qu’établit Isidore de Séville dans les Étymologies : « est océan ce qui entoure la Terre à la manière d’un cercle » [41]. Pour les mers, il détaille la Méditerranée puis s’arrête sur les « rentrants marins » qui constituent des golfes parmi lesquelles il identifie la mer Indienne, la mer des Perses, la mer Arabe, et la mer Rouge. Il n’y a pas ainsi l’unité d’un océan Indien, mais une succession de mers spécifiques se détachant de l’océan [42]. Jusqu’au xiiie siècle, sur les mappemondes européennes, seule la mer Rouge, parfois le golfe Persique, sont distingués de la grande mer océane. Clairement mise en évidence par sa couleur rouge, ainsi différenciée des espaces terrestres, mais aussi maritimes, la mer Rouge est en position nodale entre Méditerranée, Afrique et Asie.
20Quelques schémas illustrant des ouvrages de cosmographie font une place à l’océan Indien dès la fin du xe siècle.
Un des plus anciens exemples de mappemonde occidentale montrant un océan Indien dégagé de la Grande mer océane. La carte est orientée au sud, l’océan Indien figure à gauche (Indicum mare)
Un des plus anciens exemples de mappemonde occidentale montrant un océan Indien dégagé de la Grande mer océane. La carte est orientée au sud, l’océan Indien figure à gauche (Indicum mare)
21Dans cette figure, qui n’est pas une géographie de la Terre, mais seulement une schématisation ordonnant les espaces habitables, on note l’insertion d’un océan Indien, nommé, en vis-à-vis de la Méditerranée (fig. 2). Voir mentionner un océan Indien, dissocié de la mer Rouge, dans plusieurs images de la Terre entre le xe et le xiiie siècle, et constater une évolution n’en est que plus significatif, puisque la géographie n’est pas la fonction initiale de ces schémas. Au dessin intégrant la seule mer Rouge, succède une configuration réunissant la mer Rouge et un océan Indien qui s’apparente par la forme au golfe persique. La figuration présentée ci-dessus ouvre pour sa part un véritable espace maritime en contrepoint de la Méditerranée [43]. Cette manière de dessiner correspond exactement à la définition qu’en donne Isidore de Séville : des zones marines sont progressivement extraites de la grande mer océane encerclant la Terre. La mer Rouge apparaît, puis lui est adjoint le golfe Persique, et/ou la Mer de Perse parfois reliée à la mer Caspienne (voir ci-dessus, Figure 2). Grâce à ces schémas explicatifs, on voit se construire la représentation mentale d’un espace maritime particulier.
22Jusqu’au début du xve siècle, les mappemondes, lorsqu’elles n’adoptent pas la figuration christianisée du monde habité, suivent le modèle arabo-persan sur le plan cartographique.
23Parallèlement, les sources textuelles occidentales sont peu nombreuses et se réduisent à une simplification des connaissances trouvées dans les manuscrits musulmans : on y retrouve nombre d’informations et d’anecdotes reprises de ces écrits. L’exemple du Devisement du monde de Marco Polo est bien connu. Les compositions de voyageurs occidentaux révèlent une « perception de l’espace maritime fragmentée en autant d’escales qu’ils ont faites » dans l’océan Indien suivant un regard tourné prioritairement vers les littoraux septentrionaux [44].
24Au début du xive siècle, l’Occident intègre l’océan Indien dans ses cartes en reprenant le modèle du monde musulman. À partir de là, très vite, une série de mappemondes ouvrent de plus en plus largement cet océan dans sa partie sud, par exemple les mappemondes de Pietro Vesconte en 1320 et de Paulin de Venise en 1329. Aux xive et xve siècles une vision nouvelle, totalement étrangère à celle des mappemondes musulmanes, apparait et des légendes détaillées sur les cartes du xve siècle – Carte de Modène v. 1450, d’Andreas Walsperger en 1448, de Fra Mauro en v. 1459, etc. – réunissent le savoir géographique [45]. On peut s’interroger sur l’origine de cette autonomisation. Plusieurs explications se combinent sans doute. L’intérêt stratégique d’abord : les Occidentaux rêvent de prendre à revers le monde musulman en contournant l’Afrique [46]. Les Portugais entament d’ailleurs une descente le long des côtes occidentales de l’Afrique dans ce but à partir de 1416. La cartographie du littoral ouest de ce continent implique nécessairement de supposer une extension symétrique du littoral oriental, seule possibilité pour le contournement envisagé : le développement de l’océan Indien dans les mappemondes européennes est concomitant de la progression des Portugais vers le sud de la côte occidentale de l’Afrique [47]. À cela peut s’ajouter une autre cause : il existe une dichotomie dans le monde musulman entre la géographie des « cartographes de cabinet » et la maîtrise de la navigation le long de la côte est de l’Afrique par les marins [48]. Mais ces derniers n’avaient pas besoin de représentation cartographique, pour des navigations commerciales sur des routes maritimes familières, et les instructions nautiques des pilotes étaient plus utiles au voyage. D’où l’absence de transfert de connaissance géographique dans les mappemondes et même dans les ouvrages de géographie.
25Il est possible d’aller plus loin, et d’inférer que cette schématisation d’un océan réduit est celle d’un océan maîtrisé. Ainsi, l’océan Indien inséré dans Le livre des curiosités des sciences et les réjouissances des yeux est un océan fermé (Fig. 3). Ce n’est naturellement pas une approche géographique, mais seulement une schématisation qui unit dans un seul espace un monde maîtrisé, nommé et contrôlé [49], un océan dans sa globalité. Dans le même ouvrage, l’océan Indien figure également avec une ouverture à l’est. En outre et surtout, la Méditerranée, bien connue des dessinateurs, est aussi traitée, de façon symétrique, comme un espace fermé (fig. 4).
Villes et châteaux sur le littoral de l’océan Indien, Le livre des curiosités, MS. Arab c 90, f° 29b-30a
Villes et châteaux sur le littoral de l’océan Indien, Le livre des curiosités, MS. Arab c 90, f° 29b-30a
Villes et châteaux sur le littoral méditerranéen, Le livre des curiosités, MS. Arab c 90, f° 30b-31a
Villes et châteaux sur le littoral méditerranéen, Le livre des curiosités, MS. Arab c 90, f° 30b-31a
26Cette vision schématique vise à mettre en parallèle deux mers sur lesquelles le monde musulman exerce son hégémonie.
27En Occident, à l’inverse, seule une appréhension globale du monde pouvait justifier des expéditions coûteuses fondées sur l’espoir d’un accès à l’Orient. Le secret qui entourait la conception des cartes et le vol de ces dernières entre les cours princières témoignent de leur intérêt stratégique et de la volonté de puissance que révèlent ces mappemondes. C’est ainsi que des cartes espagnoles se retrouvent en Italie, telle la mappemonde catalane, dessinée vers 1450 et conservée à Modène. La représentation du monde est un enjeu dans la rivalité entre les princes, elle traduit le projet de tracer des routes maritimes possibles. Mais au-delà du dessein d’obtenir un accès à l’Inde en s’affranchissant des Musulmans, se cache le désir d’affronter ces derniers [50]. De même, le traité de Tordesillas en 1494 met-il en évidence l’intention de s’approprier le monde. Cette appropriation passe par l’innovation cartographique. La carte de Fra Mauro confectionnée entre 1448 et 1453 évoque dans sa légende l’éventualité d’une expansion : une inscription au sud-ouest de l’Afrique indique qu’une personne digne de foi a raconté qu’un navire indien a franchi le cap de Sofala et quitté l’océan Indien.
28Dernière hypothèse enfin, les navigateurs du monde musulman disposaient de routiers dont les instructions nautiques suffisaient à leur navigation, mais on peut aussi imaginer que les puissants du monde musulman n’avaient aucun intérêt à révéler dans des mappemondes actualisées une ouverture au sud de l’océan Indien livrant ce dernier aux appétits de l’Occident : cela peut expliquer le caractère figé du modèle musulman et le peu de diffusion de la carte d’Al Biruni.
29S’opposent ainsi un sentiment de domination incontestée du monde musulman et l’ambition de l’Occident de pénétrer l’océan Indien. Le premier enserre cet océan dans des limites connues, la marque d’un monde maîtrisé qui ne se partage pas. L’aspiration du second est portée par une cartographie qui rend l’océan Indien accessible par le sud.
Particularité du regard oriental : un océan intégré à l’espace maritime chinois
30Les Chinois nous ont laissé quelques cartes des xive et xve siècles. Les sources chinoises se réduisent à quatre mappemondes réalisées à partir d’un même schéma et une carte des itinéraires insérée dans un exemplaire du xvie siècle, mais dont les données remonteraient à Zheng He (1371-1434) [51]. Eunuque au service de l’empereur Yongle, Zheng He était un chef militaire placé à la tête de la flotte chinoise. Entre 1407 et 1415, il mena, dans l’océan Indien, sept expéditions qui le conduisirent jusqu’à Ormuz. Ces voyages servirent la présence chinoise dans cet océan et en précisèrent la connaissance maritime pour la Chine [52].
Carte de Chine de 1121, le bas de la carte montre le littoral de l’océan Indien jusqu’à la Birmanie et l’Inde, An Atlas of Ancient Maps in China, vol. I, op. cit., n° 152
Carte de Chine de 1121, le bas de la carte montre le littoral de l’océan Indien jusqu’à la Birmanie et l’Inde, An Atlas of Ancient Maps in China, vol. I, op. cit., n° 152
31Cette carte des districts administratifs de Chine (fig. 5) s’inscrit dans une série de cartes de la période Tang (618-907), puis de la période Song (960-1279). Tracées sur pierre, elles montrent la Chine et des terres barbares [53]. Ces figurations chinoises illustrent à la perfection ce qu’écrivent des auteurs musulmans qui associent « mer de l’Inde et de Chine » : pour les Chinois aussi, la mer de Chine et l’océan Indien, matérialisés ici par une bande littorale, se prolongent en un seul ensemble [54].
32L’intérêt de la carte, dessinée au début de la période Ming (fig. 6), est double. La mer s’y présente comme une route maritime d’est en ouest, de la Chine à l’Afrique, figurée contre le bord gauche, avec une grande étendue d’eau en son centre. Si la morphologie générale de l’océan Indien est inspirée des mappemondes du monde musulman [55], on remarque que l’espace maritime figuré constitue une route. Sur ces cartes, la mer de Chine et l’océan Indien perçus dans leur ensemble sont liés et forment un tout jusqu’à la Péninsule arabique et au littoral africain. Là réside une différence majeure avec les figurations géographiques arabo-persanes et occidentales. Ces dernières détachent l’océan Indien de la grande mer océane à laquelle la mer de Chine est intégrée. Ainsi les mappemondes isolent l’océan Indien alors même que les textes géographiques le conçoivent comme une voie de passage en direction de la Chine. Dans les figurations chinoises, la continuité apparaît nettement sur la carte de Kangnido et la carte des régions du monde. L’espace continental allant de la Chine à l’Arabie y est bordé par une unique étendue maritime littorale [56]. Tourné vers l’ouest, le regard est détaillé [57], la carte comporte une centaine de noms et annotations sur le pourtour de l’océan Indien, dont une trentaine sur les îles. Dans son livre Xingcha shenglan, Fei Xin mentionne les progrès de la carte impériale dressée sous les Ming, par rapport aux dynasties précédentes. Il précise qu’elle montre les régions maritimes et les territoires des barbares du sud [58]. La mer qui conduit vers l’ouest est le lien vers ces territoires.
Da Ming Hun Yi Tu (Carte complète de l’Empire Ming), peinture sur soie, 38,6 × 45,6 cm, 1389, Archives historiques de Chine n° 1, Beijing
Da Ming Hun Yi Tu (Carte complète de l’Empire Ming), peinture sur soie, 38,6 × 45,6 cm, 1389, Archives historiques de Chine n° 1, Beijing
33Les cartes de navigation de Zheng He, pour leur part, figurent de même des routes à travers un espace maritime continu allant de la Chine à l’Afrique. Initialement tracées sur un rouleau, ces cartes ont été coupées et insérées dans un livre, Le traité de l’art de la guerre,à la fin de la période Ming (fig. 7). Elles se décomposent en quarante cartes régionales, dont huit pour l’ouest de l’Asie et la côte africaine [59]. Elles dessinent le trajet maritime du septième voyage de Zheng He avec des positions et des noms de lieux qui servent de balises. Le commentaire indique les emplacements, les directions à suivre au compas, les durées de navigation, parfois des profondeurs ou des dangers et des repères par rapport aux étoiles. La terre est vue par son littoral, par des ports, par quelques cités, par des montagnes, par des embouchures de fleuves. Quelques îles, des récifs et des hauts-fonds sont aussi signalés [60].
Reconstitution des cartes des routes maritimes dans Mao Yuangi, The Treatise of Military Preparation (Wubei zhi), v. 1621. Assemblées et annotées, in Mapping the Chinese and Islamic Worlds, op. cit., p. 173
Reconstitution des cartes des routes maritimes dans Mao Yuangi, The Treatise of Military Preparation (Wubei zhi), v. 1621. Assemblées et annotées, in Mapping the Chinese and Islamic Worlds, op. cit., p. 173
34Cette représentation n’est pas sans rappeler le procédé utilisé par les Romains pour la carte de Peutinger. Elle met en évidence l’unité d’un espace, du centre chinois aux terres les plus lointaines, par la mer de Chine et son extension, la mer de l’ouest c’est à dire l’océan Indien.
35L’autre particularité majeure du regard chinois réside dans l’orientation de cet océan. Il se déploie du nord au sud, et non d’est en ouest dans la carte Da Ming Hun Yi Tu et dans les trois cartes qui lui font suite. Nous avons formulé l’hypothèse que cette rotation de l’océan Indien dans les cartes, par rapport au modèle musulman, tiendrait à une pensée radicalement différente de celle développée en Occident et dans le monde musulman. Le monde chinois n’est pas limité par la conception occidentale d’une terre australe venant équilibrer le monde connu septentrional. De plus, la conception de la zone torride, considérant la vie impossible dans l’hémisphère sud en raison des chaleurs excessives, lui est étrangère [61]. Rien par conséquent ne vient faire obstacle à la possibilité logique de prolonger l’océan vers le sud.
Une mer conçue comme un prolongement des terres
36Il y a compénétration entre terre, mer et îles dans la partie nord de l’océan Indien. Mais Ibn Khaldūn relève que dans la moitié de la Terre où se trouve la mer Indienne, « nulle mer ne fait en son milieu concurrence à la terre ; et la mer Indienne, qui la longe au sud, est très étendue » [62]. Il signale toutefois les noms de mers intérieures.
37Les textes traitent de l’océan Indien, mais ils en proposent rarement une vue d’ensemble et uniquement dans un exposé rapide consacré à la Terre et aux espaces marins. Les études de détail portent sur des mers qui bordent les terres littorales, les mers de l’Arabie, de l’Inde… Ainsi, au ixe siècle, Ibn Hawqal aborde-t-il le monde région par région. Il annonce s’intéresser, pour chaque région, à divers aspects caractéristiques, dont leurs fleuves et leurs mers. Cette division en mers caractérise l’espace marin apprivoisé. La mer de Perse « entoure » l’Arabie, et elle se déploie à partir des terres [63].
38Ibn Hawqal ouvre sa géographie par le « domaine des Arabes ». Pour décrire la péninsule arabique, il commence d’emblée par « la mer de Perse » dans laquelle se jettent les cours d’eau du « territoire des Arabes », car cette mer s’étend autour de ce territoire [64]. L’Arabie est décrite en regardant d’abord la mer et ce n’est que dans un deuxième temps qu’il se tourne vers l’intérieur des terres. La section suivante est entièrement dédiée à la mer de Perse et non à une autre région terrestre comme dans le reste de l’ouvrage, ce qui rend l’approche d’Ibn Hawqal particulièrement intéressante. Dans son évocation des mers du globe, Ibn Hawqal évoque deux bras de mer qui se séparent de l’océan : « L’Océan entoure la Terre comme un collier. La mer de Perse et la mer Méditerranée se détachent de l’Océan », écrit-il [65]. L’essentiel est dit, l’océan Indien est la première mer, elle s’étire de la Chine à Qulzum, ville à l’entrée du golfe de Suez.
39La description de la mer de Perse débute par les littoraux et les îles en connexion avec les terres voisines. Cette mer est vue par la possibilité qu’elle offre à la circulation des navires, prolongeant ainsi l’espace terrestre. C’est une mer qui permet de découvrir les régions, les cités et les ports qui la bordent. Mais Ibn Hawqal en détaille aussi les aspects : les distances de navigation, mais aussi les couleurs des eaux, les dangers, les richesses.
40À l’intérieur de l’océan Indien se dégagent des mers – liens, qui conduisent des lieux connus vers les lieux lointains, Socotra, les milles Maldives, selon la tradition, les Laquedives, Ceylan, Sumatra, Andaman, etc., et sur les côtes d’Afrique, les mers allant vers Sofala et les Wāqwāq. Sur deux côtés, cet océan est au contact de deux continents majeurs, Afrique à l’ouest, Asie au nord. La partie nord de l’océan est décrite comme une succession de mers connues – golfe de Qulzum, mer d’Oman, mer de Basra, mer de Fars, mer de l’Inde, mer de Harkand, etc. – assurant un passage difficile entre des îles de plus en plus mystérieuses sur la route de la Chine. Vers l’Indonésie, les marins rencontrent des îles dangereuses, à l’image de l’île Andaman aux populations anthropophages [66]. Le littoral africain est abordé différemment. Il n’est pas perçu comme des mers navigables – les mentions sont peu nombreuses, golfe des Barbares, mer des Zanjs –, mais par l’intermédiaire de points d’appui, Mombasa, Zanzibar, Sofala, etc. Son extrémité sud, terre wāqwāq confondue avec l’Indonésie, est jugée peu sûre.
41L’océan Indien s’arrête à proximité du 10e parallèle au sud de l’Équateur, dernière zone navigable affirment nombre d’auteurs [67]. Le sud de l’océan est ouvert, mais la plupart des auteurs et des dessinateurs ne le savent pas ou ne le croient pas. Seule la partie orientale de l’océan se trouve abordée comme un passage vers des destinations plus lointaines, mais elle revêt un caractère particulier. En effet, elle offre un prolongement à la fois au littoral du continent asiatique et au littoral du continent africain dont elle est censée être le débouché à l’extrémité de la pointe de l’Afrique.
42Cet océan est un lieu de tous les possibles, des échanges, du commerce, du voyage lointain, mais aussi de l’incroyable, des merveilles : îles fantômes, monstres marins, îles dangereuses des cannibales, terres des Wāqwāq aux êtres improbables. L’océan conduit aux limites de l’humain [68].
43Ainsi, la naissance de l’océan Indien s’opère-t-elle entre les fleuves, en Inde, puis en Arabie : les mers et les îles sont un élément de ces territoires organisés, elles participent de leur espace. L’océan Indien est d’abord vu comme un complément de la Mésopotamie ou de l’Arabie.
44Dans le regard des géographes musulmans, deux océans Indiens se dessinent. Le premier se déploie vers l’est en longeant la côte nord en direction de la Chine. Le second, le littoral africain, se déploie aussi vers l’est, constituant un rivage sud imaginé suivant une ligne située au sud de l’Équateur. En conséquence, dans le dessin traditionnel, les parties nord et sud de l’océan Indien sont en miroir et présentent des rapports terre/mer similaires.
Échanges et réseaux à l’origine d’un espace océanique spécifique
45Toutes les sources insistent sur la connexion des centres essentiels du monde par l’océan Indien entre le ve et le xve siècle. Les liens sont commerciaux, mais aussi culturels et techniques. Pour le xe siècle, par exemple, on relève ainsi un transfert de technique entre l’Inde et l’île de Shanga ou île de Plate, pour le percement des perles en cristal de roche ou en cornaline [69].
Une étendue marine structurant les relations entre les hommes
46Les centres de ce monde connecté, ce sont les « empires ». Suivons Ibn Hawqal :
Voilà donc la Terre entière, parties habitées et régions incultes. Elle est partagée suivant les empires. Les principaux empires de la Terre sont au nombre de quatre. […] Je n’ai pas fait mention du pays des Noirs dans le Maghreb ni des Budja, ni des Zendjs, ni des autres groupes vivant dans leurs parages, car la bonne organisation des empires tient aux convictions religieuses, aux bonnes mœurs et aux institutions sages, et la conservation des richesses dépend d’une juste méthode de gouvernement. Or ceux-là négligent ces qualités et n’y participent pas ; ils méritent donc une place à part du point de vue développé pour les autres empires. Toutefois une partie des Noirs installés dans le voisinage de ces empires réputés parvinrent à l’idée religieuse, à une vie réglée et à des institutions sensées, et se rapprochent des habitants de ces empires. Tels sont les Nubiens et les Abyssins, chrétiens qui se conforment aux manières de vivre des Byzantins [70].
48L’océan Indien est au cœur de cette conception du monde. Le monde maritime, par la mer Rouge, unit les deux parties du monde musulman et conduit à l’Empire byzantin. Les deux autres empires, Inde et Chine, entrent en contact par l’océan Indien. C’est aussi le commerce avec les Nubiens, les Abyssins et les Zanjs qui agrège ces sociétés moins organisées aux empires et les intègre dans leur monde [71] : Ibn Hawqal explique que la mer Rouge et ses littoraux sont au cœur de ce rapprochement, alors que les déserts fragmentent les relations. Nous sommes au tout début de la Configuration de la Terre et, plus que toute autre mer, la mer de Perse revient à onze reprises : elle se développe à partir de l’Arabie, elle est l’aboutissement des cours d’eau et borde les terres du sud de l’Asie vues à partir des villes littorales. Cette mer est l’espace marin le plus fréquemment mentionné dans l’exposé initial consacré aux espaces terrestres et celle qui ouvre la présentation des étendues marines [72].
Dynamique des échanges et des communications : l’océan, cadre spatial nécessaire aux transactions
49Mais l’espace maritime n’est rien sans les hommes qui le traversent et le transforment en un réseau de routes [73].
50Après deux siècles de repli économique, l’océan Indien au viie siècle est au cœur des échanges instaurés entre ses littoraux africains et asiatiques dans une dynamique portée par la Chine des Tang et par l’empire musulman. Cet océan relie les deux grands centres mondiaux par l’intermédiaire des marchands des régions bordières [74]. Ce commerce est fructueux pour les États locaux qui opèrent des prélèvements sur les navires de passage [75]. L’importance de l’océan Indien pour le négoce se lit dans les descriptions des conditions de navigation et dans les très nombreuses indications de distance, terrestres et maritimes. Les durées de navigation d’un point à l’autre de l’océan Indien vers l’est, le sud et l’ouest sont ainsi reportées, en journées de navigation le plus souvent. Il unit autour de quelques centres des sociétés qui partagent un même attrait pour des produits précieux issus de l’océan ou des terres littorales : l’ambre gris, les perles, les peaux d’animaux sauvages d’Afrique, les esclaves prélevés sur la côte orientale de l’Afrique.
51C’est ici que les îles prennent toute leur importance. Elles sont naturellement des lieux de transfert et de commerce [76]. Elles sont aussi un complément nécessaire aux ports littoraux lors des navigations pour l’indispensable ravitaillement en eau, en noix de coco et en nourriture qu’elles procurent : « En effet, si on creuse un puits dans les îles de l’Inde, on trouve toujours de l’eau douce » [77]. Les îles sont pleinement intégrées au réseau commercial et des cités s’y développent en prolongement des ports littoraux [78]. Aux côtés des produits de luxe, les marchandises ordinaires, riz, céréales, simples étoffes, fer, salpêtre, bois, etc., font l’objet d’intenses transactions.
52Sans sacrifier au discours sur la globalisation de l’économie, voyons comment se structurent ces échanges évoqués dans les sources écrites et mis en évidence par l’archéologie.
D’un exotisme à l’autre : l’océan Indien indissociablement lié à des échanges croisés de produits de luxe
53Pour l’Asie, l’exotisme réside dans les animaux sauvages d’Afrique, le luxe s’affiche par les peaux de fauves, par les pierres et minerais précieux et par les esclaves rapportés de l’est-africain échangés contre des céramiques, de la porcelaine chinoise, des perles de verre [79]. Pour l’océan Indien de Ceylan à l’Afrique, les produits recherchés sont la soie et le satin, la porcelaine bleue et blanche, les bois parfumés, l’eau de rose, le musc, le camphre.
54Des îles et des littoraux proviennent les perles, le corail, l’ambre gris…
55Le littoral nord de l’océan, de la mer Rouge au Sri Lanka, est parcouru par les navires marchands chargés de produits chinois, objets en or, tissus rares, porcelaines, jade. Ils repartent avec des cargaisons de pierres précieuses, de minerai d’or et d’argent, d’esclaves.
56Le commerce entre la Perse et la Chine est actif au vie siècle. Pour la Chine, l’océan Indien est la route maritime de la soie [80]. Des poteries de l’époque Tang (618-907) figurent des visages de Malais, une statuette représente un Africain [81]. Les circuits commerciaux apportent les céramiques chinoises jusque sur la côte africaine où elles sont des objets de prestige [82]. Sous la dynastie Tang, le négoce avec le monde perse et arabe s’intensifie et des officiers spéciaux sont désignés comme « Superviseurs du Commerce Maritime » [83]. Ainsi, bien que la Perse s’engage dans la fabrication de la soie dès le viie siècle, la soie fait aussi l’objet d’un commerce maritime via l’océan Indien. Sous les Tang, le brocart devient un présent diplomatique très apprécié [84]. Au ixe siècle, les Chinois naviguent jusqu’en mer d’Oman et l’importance du commerce est telle qu’un auteur peut écrire que Canton est le « port et le point de rencontre du commerce entre les Arabes et les Chinois ». Il ajoute de surcroît que l’Empereur en Chine a choisi un Musulman pour régler les différends entre les musulmans [85]. Ibn Khordādbeh signalait d’ailleurs l’attrait de la Chine et de ses produits pour les Musulmans qui s’y établissaient [86]. Cette politique d’ouverture se poursuit sous les Song (960-1269), car la navigation était moins coûteuse et surtout plus sûre que les routes terrestres en ces temps où la Chine était divisée entre les royaumes rivaux des Song du Nord et des Song du Sud. Les routes maritimes prennent de l’ampleur sous les Yuan (1271-1368). Commerce et diplomatie étaient étroitement associés et des marchands faisaient aussi fonction de diplomates [87]. Parallèlement, nombre de marchands arabes s’installent sur les côtes chinoises, y fondent des familles et pénètrent, dès la deuxième génération, l’administration chinoise au sein de laquelle ils exercent les plus hautes fonctions [88]. Comme ailleurs, des Musulmans administrent la vie de la communauté musulmane, mais certains deviennent aussi hauts fonctionnaires. Des familles mixtes se constituent également dès la période Song. Ibn Battūta admire la sûreté de la Chine au temps de Yuan, il y relève la présence de cadis et de juges des Musulmans [89]. Des historiens estiment que Zheng He lui-même aurait été musulman, à l’instar de Ma Huan, auteur du récit des voyages auxquels il prend part [90].
57Sous les Yuan (1271-1368) et les Ming (1368-1644), la Chine entretient des relations avec l’Inde et les transactions commerciales entraînent relations diplomatiques et remise de « tributs » présentés comme des échanges de cadeaux. Zhao Rukuo (1170-1231), par exemple, évoque un tribut annuel versé par Ceylan [91]. Les liaisons entre Chine, Inde et golfe Persique sont intenses dès le xie siècle, et le milieu du xiiie siècle voit la constitution d’une flotte chinoise : « la Chine était plus une puissance navale que terrestre », la connaissance du monde musulman par la Chine se faisait par la voie maritime et non par les voies terrestres [92]. Wang Da-Yuan témoigne dans Daoyi zhilue d’échanges en 1330-1349 de marchands chinois venus à Colombo, productrice de rubis, contre du coton, de l’eau de rose, du bois de sapin, de l’or et de l’argent [93]. Le commerce de la porcelaine bleue et blanche est largement documenté par les textes et par l’archéologie. Les porcelaines asiatiques mentionnées à Zanzibar dans des textes se retrouvent aussi à Songo Mnara et Kilwa (Tanzanie actuelle) et à partir de la fin du xiiie siècle à Madagascar. Céramiques chinoise et vietnamienne participent d’un fond technologique commun. Des ports du Vietnam actuel s’insèrent dans le commerce maritime en direction de l’Afrique entre le xe et le xie siècle [94]. Les fouilles menées depuis deux décennies dans des épaves de bateaux chinois et sur les fonds de récifs ont conduit à exhumer des céramiques bleue et blanche et des bijoux (fig. 8) [95].
Carte des épaves explorées : nom du navire, date de fouille, dynastie
Carte des épaves explorées : nom du navire, date de fouille, dynastie
58L’ampleur de ce commerce était telle que le déclin des routes maritimes sous les Ming affecta considérablement la qualité de la production chinoise [96] : cet exemple illustre combien le commerce dans l’océan Indien irriguait la vie des régions littorales, mais aussi combien il était essentiel pour les régions connectées. Ma Huan, qui accompagne Zheng He comme interprète dans ses quatrième, sixième et septième expéditions entre 1413 et 1433, signale le rôle substantiel des marchands de Quilon pour les échanges de poivre, corail, pierres précieuses et autres marchandises de luxe. Il évoque l’arrivée d’un navire chinois chargé d’une cargaison de pièces en soie à Calicut, échangée contre des perles et pierres précieuses. Il précise à cette occasion que généralement les présents du roi destinés à l’Empereur consistaient en ceintures tressées d’or et en pierres précieuses et perles [97]. Témoin exceptionnel des échanges avec l’extrême Orient au temps des Ming, la navigation de Zheng He dans l’océan Indien est sans cesse rappelée. Fei Xin participe au troisième voyage de Zheng He (1409-1411) ainsi qu’aux quatrième (1413-1415), et septième (1430-1433) voyages [98] et relate le passage au Sri Lanka (Ceylan) dans son récit du troisième voyage en 1409. Il mentionne, outre les échanges de denrées et le don d’une stèle gravée, un conflit avec le roi des lieux Alagakkonāra (Vijayabāhu VI, 1397-1409), la capture de ce dernier et sa soumission à la cour de l’empereur en 1411 [99]. La dimension stratégique des voyages de Zheng He est ainsi clairement mise en évidence. Il détaille aussi le commerce entre Calicut et la Chine et liste, comme objets de « tribut » pour les Chinois, l’or, l’argent, les tissus de couleur, la porcelaine bleue et blanche, les perles, le musc et le camphre. Les échanges peuvent être déséquilibrés en faveur du pays tributaire [100]. Les cadeaux diplomatiques sont somptueux. Fei Xin signale la magnificence des cadeaux envoyés par l’empereur au roi de Ceylan : vases en or et argent, tissu coloré brodé d’or [101]. Ibn Battūta (1304-1368), auteur du Maghreb, ne dit pas autre chose : il présente ainsi les relations entre le « roi de la Chine » et le sultan de l’Inde : « Le roi de la Chine avait envoyé au sultan de l’Inde cent esclaves des deux sexes, cinq cents pièces de velours, dont cent étaient de l’espèce de celles que l’on fabrique dans la ville de Zeïtoun et cent de celles que l’on fabrique dans la ville de Khansa ; cinq mines de musc ; cinq vêtements brodés de perles ; cinq carquois de brocart et cinq épées » ; plus loin il détaille les cadeaux encore plus somptueux du sultan. Il évoque aussi l’envoi de mission à la cour impériale, preuve de l’intérêt apporté aux liaisons diplomatiques [102]. La présence de Musulmans exerçant de hautes fonctions dans l’administration chinoise est un autre témoignage de l’importance des liens tissés entre ces deux espaces.
59Sur l’autre rive de l’océan Indien, la côte africaine offre des produits de toute autre nature. Ivoire, peaux de panthère, minerais précieux ou utiles, bois rares et perles attirent les marchands arabes et même chinois [103]. L’espace swahili se développe grâce à ce négoce et il entraîne l’intérieur des terres dans son sillage [104]. Grâce aux Swahilis, le littoral est-africain intègre le monde musulman dont il est une marge, à l’inverse de l’Indonésie qui reste lointaine et extérieure. Pour les auteurs arabo-persans, le territoire des Zanjs est caractérisé par des particularités excessives. Perçu à la fois comme sauvage et très riche, ce monde attire autant qu’il inquiète, par les dangers qu’il recèle, par l’excès de chaleur et la dangerosité de la mer. L’attrait pour les porcelaines chinoises sur la côte africaine et leur utilisation comme objets de luxe signalent l’intégration de l’espace swahili dans le réseau des empires d’Orient et l’appropriation de ces biens par la culture swahilie [105]. Une attaque austronésienne sur Qanbalū au xe siècle, racontée par Al-Sīrafī, aurait été menée pour s’emparer de produits recherchés tels l’ivoire, les peaux, etc., et pour enlever des esclaves Zanjs afin de les vendre dans leurs contrées et en Chine. L’évènement pourrait révéler une rivalité avec les marchands arabes pour ce fructueux commerce [106].
60Les récits de voyage, les rencontres, les dons symboliques tels les pierres gravées, les objets sculptés, les bijoux, le goût pour des produits venus des régions lointaines en contact témoignent d’une dimension autre que de simples affaires commerciales. Les rencontres sont aussi culturelles. La curiosité que montrent les auteurs pour des peuples étranges/étrangers, leurs préventions ou leur admiration, attestent cette découverte de l’autre. Le désir mutuel des souverains de s’éblouir par des dons exceptionnels participe aussi à l’attractivité des régions abordées dans l’océan Indien : il n’est que de penser à l’exemple souvent cité de la girafe ramenée en Chine par Zheng He. L’observation des habitudes particulières aux régions visitées ajoute à la profondeur des connexions établies. Ainsi le chinois Faxian, moine bouddhiste qui écrit au ve siècle, détaille-t-il avec intérêt les pratiques des monastères de Ceylan, les processions avec des éléphants au cours desquelles est exhibée la dent de Bouddha. Il décrit aussi les crémations en relevant les différences avec la tradition chinoise. Ma Huan relève de même la vénération pour la dent de Bouddha, les attentions prodiguées aux éléphants par les habitants de Ceylan, les particularités de la succession sur le trône à Calicut [107].
Conclusion
61Ainsi, se dessine un tableau de l’océan Indien. Lieu privilégié de liens économiques de grande valeur, et de relations diplomatiques entre les puissances de l’époque, il est figuré sur les cartes par son littoral nord et par ses côtes africaines. Traversé par des routes maritimes majeures, il prend consistance au travers du décompte des journées de navigation ainsi que par ses îles, escales et destinations sans cesse mentionnées.
62La diversité des produits qui transitent par ces routes montre l’ampleur des transactions commerciales via l’océan Indien et son importance économique, il est le centre de premier plan. Les ports où le transit s’effectue, les périphéries progressivement intégrées bénéficient directement de ces échanges mondiaux. L’expansion durable de l’aire swahilie et l’ouverture de la Chine se font par les liaisons maritimes.
63L’irruption des navires occidentaux par la route sud à la fin du xve siècle initie une autre étape de la mondialisation de l’océan Indien. Préparée par les promesses des mappemondes occidentales du xve siècle, cette nouvelle route ouvre l’accès à un troisième acteur de premier plan dans cet espace. Les Portugais viennent y concurrencer les marchands du monde musulman et les navigations chinoises. Leur retard éclate à leur arrivée en Inde, où les étoffes occidentales n’inspirent que mépris [108]. Mais l’océan Indien se réduit-il à un espace tour à tour dominé ainsi que le présente Fernand Braudel, offre-t-il une réelle unité ainsi que l’affirme Michael Pearson [109] ?
64Le commerce est bien un moteur essentiel de la construction de l’image de l’océan. Il en a d’abord conditionné la perception de la partie nord suivant une ligne située à une dizaine de degrés au sud de l’équateur. Avec le contournement de l’Afrique, l’évidence d’une image d’un océan largement déployé au sud se construit. L’océan Indien cesse d’être une simple mer perçue comme une extension des terres pour devenir un large espace océanique. Alors que les routes terrestres traversent des territoires politiquement organisés, qu’elles ne peuvent servir à définir, mais dont elles sont tributaires, les voies maritimes engendrent une nouvelle définition de l’espace, l’océan approprié naît de ces routes. L’image globale de l’océan se conçoit à partir des voies qui le parcourent en s’écartant des points d’appui littoraux [110].À la différence des territoires terrestres, cette représentation s’accommode de marges floues, ouvertes : l’océan n’existe qu’en fonction des circuits qui se constituent en son sein. Aussi longtemps que le cabotage l’emporte, l’image de l’océan Indien est incomplète ou limitée. C’est l’instauration de nouveaux itinéraires et même l’espoir de routes à venir qui lui donnent sa plus grande extension et qui attribuent toute leur place aux îles lentement reconnues et fixées par la cartographie.
65Qu’en est-il alors de la construction de l’entité océan Indien dans le découpage du monde ? La carte romaine fut moins un progrès scientifique que « la réponse provisoire à une demande commerciale » et l’image de cette route cesse d’exister dans les esprits lorsque les échanges commerciaux se tarissent [111]. Quand la Chine se détourne de la mer, l’océan Indien se réduit dans les cartes chinoises [112]. À l’inverse, le retour des navires européens dans l’océan Indien stimule une cartographie occidentale ouvrant la voie à une cartographie scientifique qui isole et nomme des masses océaniques. Les échanges commerciaux ont bien porté la cartographie. Intégré le premier dans le commerce mondial, très tôt perçu dans sa globalité, découpé, l’océan Indien s’est imposé.
66Pour finir, arrêtons-nous sur les dénominations qui se sont fixées. « Méditerranée » exprime la petitesse d’une mer enserrée entre les terres. « Atlantique » est un nom qui plonge dans le mythe des Atlantes, c’est l’océan qui abrite l’île dont Atlas est le roi, mais également l’océan d’un continent englouti, celui où l’on se perd, ce qui est aussi un mythe d’Afrique de l’ouest. L’Atlantique était un empire possible pour Charles Quint, le rêve d’une domination analogue à celle des Atlantes, un renversement du mythe, les peuples de Méditerranée à la conquête de l’océan [113]. « Pacifique », du vocable employé par Magellan qui le traversa sous une météorologie favorable, a été retenu comme une antiphrase apotropaïque pour flatter l’océan le plus terrifiant, dont on ne sait ce qu’il réserve [114]. La dénomination « océan Indien », pour sa part, l’emporte tardivement. Elle dérive d’une racine sanskrite qui signifie fleuve et est attachée à une terre : « et sachez que dans cette partie de la Terre où se lève le soleil, naissent les poivres » [115]. L’espace maritime objet de cette étude, malgré de nombreuses descriptions inquiétantes, se voit gratifié du qualificatif retenu pour la terre des épices et associé au meilleur, « en Inde est Paradis terrestre » [116]. Mais cette appellation se rapportait également aux lieux à découvrir, les Indes, espaces pleins de promesses : la mer s’est faite océan. Seul de toutes les étendues marines majeures, l’océan Indien est directement rattaché par son nom au monde des hommes, comme les mers intérieures, et ce qualificatif sous-tend un objectif. On peut trouver cette désignation peu adaptée, trop réductrice pour un océan touchant à l’Afrique, à l’Asie, et à l’Australie, mais c’est celle qui a prévalu et il convient de s’interroger sur ce choix [117]. Espace attractif recherché pour ses denrées rares, il est aussi étroitement associé à l’espoir des découvertes. Lieu de rencontre des premières sociétés organisées, l’océan « Indien » dit l’attraction vers l’autre, le rêve partagé du luxe par les épices et les arômes. Au pluriel, il est la voie de toutes « les Indes » par-delà les mers, des eaux stratégiques, maîtresse de la conquête du monde. Devenu océan aux limites incertaines, il a pris une place particulière dans le cœur des hommes et dans les cartes : loin d’être « une région passive » [118], il s’est fait reconnaître, au sens étymologique de « s’imposer », comme une aventure marine offrant l’accès à des terres nouvelles, ferments de puissance [119].
Mots-clés éditeurs : représentation, construction, cartographie, récits, dénomination, Moyen Âge, échanges, communications, espace maritime, océan Indien ancien
Date de mise en ligne : 28/06/2021
https://doi.org/10.3917/om.191.0011Notes
-
[*]
Maître de Conférences en histoire médiévale, Université de La Réunion. CRESOI (Océan Indien Espaces et Sociétés).
-
[1]
Michel Mollat, évoque une « Méditerranée, poumon et nourrice de l’Europe antique et médiévale dans L’Europe et la mer, Paris, Seuil, 1993, p. 24-58, p. 49.
-
[2]
D’après une estimation de l’Encyclopaedia Universalis. D’autres donnent 70,5 millions de km2.
-
[3]
André Oraison, La base stratégique américaine de Diego Garcia : la prorogation jusqu’au 30 décembre 2036 du bail consenti par la Grande-Bretagne, communication à la Semaine de l’Histoire de l’Indianocéanie, « Guerre et Paix dans l’Indianocéanie de l’Antiquité à nos jours », Saint-Denis (La Réunion), 27 novembre 2018. À paraître dans la Revue Historique de l’Océan Indien, n° 16, novembre 2019.
-
[4]
Ce choix peut lui-même être discuté. Voir Bruno Judic, L’océan Indien au Moyen Âge, Paris, Ellipses, 2008, p. 128-130.
-
[5]
On lira avec profit ce qu’écrit Patrick Boucheron sur l’importance de la démarche de Denys Lombard dans ses travaux sur l’océan Indien. Patrick Boucheron précise les questionnements historiques actuels et leurs enjeux, dans une perspective mondiale qui fait la part belle aux étendues marines : « Les boucles du monde : contours du xve siècle », in Patrick Boucheron (dir.), Histoire du monde au XVe siècle, Paris, Fayard, 2009, p. 9-30. Pour une brève biographie : Édith Wong Hee Kam, « Denys Lombard : rêver l’Asie, comprendre le monde », Annales d’Histoire de l’Indianocéanie, n° 1, 2018, p. 111-127.
-
[6]
Dans cet ouvrage, André Miquel s’attache davantage à analyser les représentations du monde des auteurs arabo-persans qu’à dresser une géographie médiévale du monde musulman : « … pourquoi ne pas prendre ces textes comme un tout, en les considérant comme témoins non pas tellement d’une réalité que d’une représentation de cette réalité, en visant, en un mot, non pas le monde recréé par notre recherche, à mille ans de distance, mais le monde senti, perçu, imaginé peut-être par les consciences d’alors ? ». André Miquel, La géographie humaine du monde musulman, jusqu’au milieu du XIe siècle, Paris, Mouton, t .1 1967 (2nde éd. 1973), t. 2, 1975, t. 3, 1980.
-
[7]
La Fabrique de l’océan Indien. Cartes d’Orient et d’Occident (Antiquité – XVIe siècle), Emmanuelle Vagnon et Éric Vallet (dir.), Paris, Publications de la Sorbonne, 2017. Jeremy Prestholdt, « The Fabric of the Indian Ocean World : Reflections on the Life Cycle of Cloth », in P. Machado et al. (eds.), Textile Trades, Consumer Cultures, and the Material Worlds of the Indian Ocean, Palgrave Series in Indian Ocean World Studies, https://doi.org/10.1007/978-3-319-58265-8_14
-
[8]
Éric Vallet, dans un article consacré à ces noms, établit cette association entre les mers et les ports :« Les noms de l’Océan », in La Fabrique de l’océan Indien, op. cit., p. 111-124, p. 117
-
[9]
Marco Polo, Le devisement du monde. Le livre des merveilles, texte établi par Arthur Christopher Moule et Paul Pelliot, traduction Louis Hambis, Paris, Poche, 2015, p. 405.
-
[10]
Pour reprendre le concept de Christian Grataloup, d’« invention des continents », car l’invention des océans en est le pendant. Christian Grataloup, L’Invention des continents : comment l’Europe a découpé le Monde, Paris, Larousse, 2009, notamment p. 19-20. À la différence de ce qui y est affirmé, nous montrerons ici que, pour les Occidentaux, la navigation atlantique a peut-être triomphé de la navigation en Méditerranée, mais qu’elle a été précédée par la navigation dans « l’océan de l’ouest » qui, dans la dénomination chinoise, désigne l’océan Indien.
-
[11]
La construction de la représentation de l’océan Indien, au travers des cartes géographiques, a été récemment présentée dans l’ouvrage synthétique La Fabrique de l’océan Indien. Les contributions occidentales, arabes et est-asiatiques y sont analysées. On trouvera une explication de la carte mésopotamienne dans La Fabrique de l’océan Indien, op. cit., p. 29. Pour les figurations antiques : Emmanuelle Vagnon, « L’océan Indien dans les mappemondes latines (viiie-xive siècle) », in La Fabrique de l’océan Indien, op.cit., p. 41-55, p. 41.
-
[12]
Pierre Chaunu, L’Expansion européenne du xiiie au XVe siècle, Paris, Presses universitaires de France, 1995, p. 61, p. 90. Michael Pearson critique le regard atlantique de Pierre Chaunu qui voit l’océan Indien comme une simple dépendance de la Méditerranée. Michael Pearson, The Indian Ocean, London, New York, Routledge, 2008, p. 3.
-
[13]
Christiane Deluz, « Une image du monde. La géographie dans l’Occident médiéval (ve-xve siècle) », in Patrick Gautier-Dalché (dir.), La Terre : connaissance, représentations, mesure au Moyen Âge, Turnhout, Brepols, 2013, p. 15-158, p. 29.
-
[14]
Jean-Charles Ducène, « Formes de l’océan Indien dans la cartographie arabe » in La Fabrique de l’océan Indien, op.cit, p. 57-71, p. 57.
-
[15]
« Le sud de l’Afrique fait face à l’Iran et à l’Inde », Hudūd al-Ālam, The Regions of the world : a Persian Geography, 372 A.H.-982 A.D, translated and explained by V. Minorsky, Londres, Cambridge University Press reprint, 1982, p. 163. On trouvera une reproduction légendée de la carte illustrant l’ouvrage de Ibn Hawqal dans Éric Vallet, « Les espaces insulaires de l’océan Indien entre expérience et imaginaire », in La Fabrique de l’océan Indien, op. cit., p. 203.
-
[16]
Par exemple, Hudūd al-Ālam, op. cit., p. 56. Pour Wilcomb E. Washburn, les « erreurs » ne proviennent pas du texte de Ptolémée mais relèvent de la mise en image tardive : Wilcomb E. Washburn, A Proposed Explanation of Closed Indian Ocean on Some Ptolemaic Maps on the Twelfth-Fifteenth Centuries, Revista da Universidade de Coimbra, Vol XXXIII, serie separata 177, 1985.
-
[17]
Ibn Khordādbeh, Livre des routes et royaumes, Traduction C. Barbier de Meynard, Journal asiatique, 6e série, t. 5, 1865, p. 227-296, ici p. 231.
-
[18]
Ibn Hawqal, La Configuration de la Terre, édité par Johannes Hendrik Kramers et Gaston Wiet, Paris, Maisonneuve & Larose, vol. 1, 2001, p. xi, p. 6 et p. 41-56. Ibn Hawqal part de Bagdad en 943 et commence à écrire un ouvrage intitulé Configuration de la Terre (Kitab Surat al Ard). Il met la dernière main à cet ouvrage en 988.
-
[19]
L’expression est de Ibn Hawqal, La Configuration de la Terre, op. cit., p. 12.
-
[20]
Sur les climats, voir André Miquel, La géographie humaine du monde musulman, op. cit., t. 2, 1975, p. 57-70. J. B. Harley et David Woodward (eds), The History of Cartography, t. 2, Cartography in the Traditional East and South Eastasian Societies, Chicago, University of Chicago Press, 1994, p. 76-80.
-
[21]
Hudūd al-Ālam, op. cit., p. 63. Fragmentum libri Margarita mirabilium, Ibn-el-Vardi (Ibn al-Wardī), édité par Carolus Johannes Tornberg, Upsaliae, 1835, p. 30. Anonyme, Relation de la Chine et de l’Inde, édité par Paule Charles-Dominique, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléïade, 1995, p. 9.
-
[22]
Préface de Hudūd al-Ālam, op. cit., p. 49. Mais on retrouve le même projet pour ces espaces dans l’ensemble des ouvrages.
-
[23]
On lit par exemple à propos de la province de Boukhara : « Au sud de cette province se trouve la chaîne de montagnes qui s’étend jusqu’en Chine », Ibn Khordādbeh, Livre des routes et royaumes, op. cit., p. 263.
-
[24]
Il cite à l’appui le Coran : « Dieu a posé sur notre globe, comme des ancres ou des pieux, ces masses salvatrices qui l’empêchent, et les hommes avec elles, de tanguer ». André Miquel, La géographie humaine du monde musulman, op. cit., t. 3, p. 2. Ibn Hawqal, La Configuration de la Terre, op. cit., p. 35.
-
[25]
Ibn Hawqal, ibid., p. 43.
-
[26]
« Le désert s’étend donc, ainsi que je l’ai décrit et suivi, depuis l’Océan de l’est jusqu’à l’Océan de l’ouest ». Ibn Hawqal, ibid., p. 34. Déjà cité par André Miquel, qui précise que la veine de sable se poursuit sous les flots dans la mer du Fars selon Ibn Hawqal : André Miquel, La géographie humaine du monde musulman, op. cit., t.3, p. 6-7.
-
[27]
Ibn-Jabir al-Baladhuri, Kitāb futūh al-buldān, Philip Khuri Hitti (éd.), t. 2, pdf, p. 145. Il écrit d’Abarkawan : « île conquise par le Fars ». Ibn Battûta, Voyages, édité par C. Defremiery, B. Sanguinetti et S. Yeramimos, Paris, La Découverte, 2012, t. 3, p. 221.
-
[28]
Éric Vallet, « Les espaces insulaires de l’océan Indien entre expérience et imaginaire », in La Fabrique de l’océan Indien, op. cit., p. 208-209.
-
[29]
Voir Serge Bouchet, « Une étude comparative de l’océan Indien dans les mappemondes antérieures au xvie siècle », art cit., p. 105.
-
[30]
Pour une analyse approfondie de cette représentation, voir Jean-Charles Ducène, « L’Afrique dans les mappemondes circulaires arabes médiévales. Typologie d’une représentation », Comité français de cartographie, n° 210, décembre 2011, et « Formes de l’océan Indien dans la cartographie arabe », art. cit.
-
[31]
Jean-Charles Ducène, « Formes de l’océan Indien dans la cartographie arabe », art. cit, p. 60. Id., « L’océan Indien vu par les géographes arabes de Méditerranée : un espace qui se complexifie entre 1150 et 1350 », Annales d’Histoire de l’Indianocéanie, n° 1, 2018, p. 69-80, p. 73-74. La carte qui illustre le manuscrit montre un océan Indien largement déployé vers le sud.
-
[32]
La datation proposée dans Henri Bresc et Annliese Nef (éd.), La première géographie de l’Occident, Idrîsî, traduction du chevalier Jaubert revue par Annliese Nef, Paris, Flammarion, 1999, p. 18. Pour la « Description de l’aspect de la Terre » : Ibid., p. 64.
-
[33]
Traduction du texte d’al-Idrïsï pour les passages sur l’océan Indien dans Études sur l’océan Indien, Saint-Denis (La Réunion), Université de La Réunion, 1984, « L’océan Indien d’après le géographe Abû Abd-Allah Muhammad Ibn Idrîs al-Hammûdî al-Hasanî », p. 34-35. Il la dit également peuplée de Zanjs.
-
[34]
Al-Dimasqī, Manuel de la cosmographie du moyen âge, traduit de l’arabe (Nokhbeteddahr fi ’Adjaib-il-birr wal-bah’r) par Shems ed-Dīn Abou-’Abdallah Moh’ammed de Damas, et notes de M. A. F. Mehren, Copenhague, C. A. Reitzeletc, 1874, p. 49 et 52.
-
[35]
Cette datation tardive de la mort d’al-Wardī est proposée par Jean-Charles Ducène, « Formes de l’océan Indien dans la cartographie arabe », art. cit., p. 60.
-
[36]
« L’océan Enveloppant » est la grande mer océane des Occidentaux. On retrouve chez al Wardī (mort en 1457) la mention de l’Afrique faisant face à l’Asie, ce qui correspond à la carte illustrant le manuscrit, Fragmentum libri Margarita mirabilium, Ibn al-Wardī, op. cit., p. 30. Ibn Khaldūn, de même, situe une limite sud de l’océan Indien parallèle à l’équateur. Ibn Khalduīn, Le Voyage d’Occident et d’Orient, édité par Abdesselam Cheddadi, Paris, Sindbad, 1995, p. 217. Jean-Charles Ducène souligne ce paradoxe : entre le xiiie et le xve siècle, le littoral est-africain est de plus en plus fréquenté, « mais la représentation de l’océan reste figée, fidèle à des modèles anciens » : Jean-Charles Ducène, « L’océan Indien vu par les géographes arabes de Méditerranée », art. cit., p. 77.
-
[37]
Serge Bouchet, « Dire l’océan Indien aux temps anciens : quand dire le territoire c’est dire sa vision du monde », in Observatoire des Sociétés de l’océan Indien (OSOI), Dire l’océan Indien, Epica éditions, 2017, p. 71-91, p. 77-78. Id., « History and mapping of the Old Indian Ocean », communication à l’International Conference Africa-Asia, “A New Axis of Knowledge”, 20-22 septembre 2018, University of Dar es Salaam, Tanzanie. Id., « The Indian Ocean in the Muslim Geographical Images previous to the XVIth Century : a Representation of a Hegemonic Vision », communication, 2nd International AEGIS Thematic Conference on Africa and the Indian Ocean, “Fluid Networks and Hegemonic Powers in the Western Indian Ocean”, 9-10 avril 2015, Lisbonne.
-
[38]
Hudūd al-Ālam, op. cit., p. 52.
-
[39]
Sur cette déformation, on pourra consulter Jean-Charles Ducène, « L’Afrique dans les mappemondes circulaires arabes médiévales. Typologie d’une représentation », art. cit.
-
[40]
L’influence des savoirs transmis par le monde romain est prédominant jusqu’au xiie siècle, écrit Emmanuelle Vagnon, « L’océan Indien dans les mappemondes latines », art. cit., p. 41. Sur la signification des figurations du monde, voir Nathalie Bouloux, « L’espace habité », in Patrick Gautier Dalché (dir.), La Terre : connaissance, représentations, mesure au Moyen Âge, op. cit., p. 259-443, p. 347-350. Pour une comparaison plus détaillée entre les figurations occidentales et arabo-persanes, nous nous permettons de renvoyer à Serge Bouchet, « Une étude comparative de l’océan Indien dans les mappemondes antérieures au xvie siècle : difficulté de la constitution d’un corpus », op. cit., p. 99-110.
-
[41]
Isidore de Séville, Étymologies, Livre XIII, De mundo et partibus, 15, ed. W.M. Lindsay, 1911.
-
[42]
Isidore de Séville, Étymologies, XIII, op. cit., p. 14 et 17.
-
[43]
Voir les mappemondes des Commentaires sur le songe de Scipion : BNF ms latin 15170, f° 125r ; Bodleian library, D’orville 77, f° 100r ; Troyes, BM ms 804, f° 233v ; incunable, Brescia, 1485, p. 52. Pour une étude sur les zones habitables et la signification des mappemondes médiévales, voir Patrick Gautier-Dalché, « La Terre dans le cosmos », in La Terre : connaissance, représentations, mesure au Moyen Âge, op. cit., p. 161-257.
-
[44]
Christine Gadrat, « La représentation de l’océan Indien chez les voyageurs occidentaux, xiiie-xve siècle », Annales d’Histoire de l’Indianocéanie, n° 1, 2018, p. 81-89, p. 82.
-
[45]
Parlant du modèle du monde musulman, Jean-Charles Ducène écrit : « Ainsi, l’amélioration des connaissances toponymiques que l’on observe dans les instructions nautiques du xve siècle pour les côtes de l’océan Indien n’est jamais portée sur les cartes. C’est l’intrusion des modèles occidentaux qui bouscule cette ancienne image et oblige les dessinateurs à une révision partielle de leur conception » : Jean-Charles Ducène, « L’Afrique dans les mappemondes circulaires arabes médiévales. Typologie d’une représentation », art. cit., p. 28.
-
[46]
Christine Gadrat le montre pour le missionnaire Guillaume Adam. Christine Gadrat, « La représentation de l’océan Indien chez les voyageurs occidentaux, xiiie-xve siècle », art. cit., p. 86.
-
[47]
Serge Bouchet, « Dire l’océan Indien aux temps anciens : quand dire le territoire c’est dire sa vision du monde », art. cit.
-
[48]
Jean-Charles Ducène, « L’océan Indien vu par les géographes arabes de Méditerranée », art. cit., p. 80.
-
[49]
À l’instar de toutes les schématisations islamiques et occidentales qui montrent le monde sous des formes géométriques, car il s’agit de situer l’œkoumène et de traduire de façon simple des théories cosmographiques, non de réaliser une carte géographique du monde. Voir Patrick Gautier-Dalché, « La Terre dans le cosmos », art. cit., p. 202. La démarche ne saurait surprendre, elle n’est pas différente de celle des géographes développant chorèmes et modèles.
-
[50]
Voir Jean-Louis Margolin et Claude Markovits, Les Indes et l’Europe, Paris, Folio, 2015, p. 27-45.
-
[51]
La cartographie chinoise de l’océan Indien est tardive, entre le xiiie et le xve siècle, affirme Hyunhee Park, « Regards est-asiatiques sur l’océan Indien », in La Fabrique de l’océan Indien, p. 93-94, p. 93. On trouvera dans cet article une présentation détaillée de la cartographie chinoise de l’océan Indien.
-
[52]
Ou huit expéditions : Jacques Leider et Pierre-Yves Manguin, Compte rendu de Claudine Salmon et Roderich Ptak, Zheng He : images et perceptions, Wiesbaden, Harrassowitz, 2005, Aséanie, 2006, vol. 17, p. 195-199. Voir aussi : Edward L. Dreyer, China and the Oceans in the Early Ming Dynasty, 1405-1433, New York, Pearson Longman, 2007.
-
[53]
Cao Wanru et alii (eds.), An Atlas of Ancient Maps in China : From the Warring States Period to the Yuan Dynasty (476 B.C.-A.D. 1368), Beijing, Wen wu chu ban she, vol. 1, 1990, cartes 54 à 63 et 94 à 101. Notices de Cao Wanru p. 109.
-
[54]
Hudūd al-Ālam, op. cit., p. 52. La première géographie de l’Occident, ldrîsî, p. 64.
-
[55]
Hyunhee Park, Mapping the Chinese and Islamic Worlds, op. cit., p. 172.
-
[56]
Cartes et commentaires dans Hyunhee Park, « Regards est-asiatiques sur l’océan Indien », art. cit., p. 95, 100.
-
[57]
Notice de Shen Xiaoya in Cao Wanru et alii (eds), An Atlas of Ancient Maps in China, op. cit., 2, 1994, p. 21.
-
[58]
Passage cité dans Mapping the Chinese, op. cit., p. 175-176.
-
[59]
Id., p. 172.
-
[60]
An Atlas of ancient maps in China : The Ming Dynasty (1368-1644), op. cit., carte 170, notice de Niu Zhongxun, p. 38. Deux versions de cette carte ont été réalisées.
-
[61]
Sur l’évolution des connaissances sur les climats, voir Patrick Gautier-Dalché, « Les conceptions de l’habitation de la zone torride et de l’océan Indien aux xiie et xiiie siècles », communication à la Semaine de l’Histoire 2016, Saint-Denis (La Réunion), Annales d’Histoire de l’Indianocéanie, n° 2 (à paraître).
-
[62]
De la Méditerranée, il écrit : « la mer en son milieu s’élargit et recouvre une grande partie des terres ». Ibn Khaldūn, Le voyage d’Occident et d’Orient, op. cit., p. 218. La compénétration de la mer et de la terre est moindre qu’en Méditerranée.
-
[63]
Ibn Hawqal, La Configuration de la Terre, op. cit., p. 2 et p. 6.
-
[64]
Id., p. 6. L’expression est reprise p. 41 en introduction de la section consacrée à la Mer de Perse.
-
[65]
Id., p. 12.
-
[66]
Pour les plus anciennes références : Anonyme, Relation de la Chine et de l’Inde ; Ibn Khordādbeh, Livre des routes et royaumes, op. cit. ; les textes se répètent. Ali ibn al Husayn al Mas’udī, Les Prairies d’or, texte et trad. par Barbier de Meynard et Pavet de Courteille, Paris, Impr. impériale, 1861-1867, t. 1, p. 338-339. Abû-Rayhân al-Bîrûnî, Le Livre de l’Inde, Extraits choisis, traduits de l’arabe, présentés et annotés par Vincent-Mansour Monteil, Arles, Sindbad-Actes Sud, Éditions Unesco, 1996, p. 218. Voyage du marchand arabe Sulaymân en Inde et en Chine rédigé en 851 suivi de remarques par Abû Zayd Hasan (vers 916), édité par Gabriel Ferrand, Paris, Éditions Bossard, 1922, p. 34, 35 et 43. Les anthropophages sont aussi situés à Nicobar ou dans l’île de Rāmni (Sumatra nord), dans une île proche de Ceylan et dans la terre des Zanjs.
-
[67]
Ibn Rusteh, Les atours précieux, traduction de Gaston Wiet, Fuat Sezgin éd., Islamic Geography, vol. 297, 2008, p. 112. Al-Dimasqī, Manuel de la cosmographie du moyen âge, op. cit., p. 197.
-
[68]
Voir la carte dans La Fabrique de l’océan, op. cit., Indien, p. 157, p. 65. Fragmentum libri Margarita mirabilium, Ibn al-Wardī, op. cit., p. 118.
-
[69]
Philippe Beaujard, Les mondes de l’océan Indien, Paris, Armand Colin, 2012, t. 2, p. 114.
-
[70]
Ibn Hawqal, La Configuration de la Terre, op. cit., p. 9-10. Les empires présentés dans le passage coupé sont l’Empire de Perse, le plus puissant et le plus riche, l’Empire byzantin, l’empire de Chine et l’Empire de l’Inde.
-
[71]
Rappelons que « commercer » signifie aussi « établir des relations avec autrui ».
-
[72]
Ibn Hawqal, La Configuration de la Terre, op. cit., p. 5-11.
-
[73]
Ainsi que le soulignait Fernand Braudel dans La Méditerranée. L’espace et l’histoire, Paris, Champs Flammarion, 1985, p. 76-77 ; voir aussi p. 57-62. Michael Pearson ajoute que l’océan Indien à la fois facilite et contraint les navigations humaines, mais précise immédiatement que ce n’est pas l’eau, mais les hommes qui font l’océan Indien. Michael Pearson, The Indian Ocean, op. cit., p. 27.
-
[74]
Philippe Beaujard, Les mondes de l’océan Indien, op. cit., t. 2, p. 15-17. Philippe Beaujard écrit que « Les Chinois quant à eux se déplacent peu sur les réseaux structurant le système monde », les échanges étant assurés par « des groupes en position intermédiaire », ibid., p. 17.
-
[75]
Anonyme, Relation de la Chine et de l’Inde, op. cit., p. 8.
-
[76]
Inutile de citer toutes les sources écrites. La simple lecture de la Relation de la Chine et de l’Inde montre ces derniers pour le ixe siècle.
-
[77]
Anonyme, Relation de la Chine et de l’Inde, op. cit., p. 5, 8, 9.
-
[78]
Edward A. Alpers, « The Islands of Indian Ocean Africa », in Shawkat M. Toorawa, The Western Indian Ocean, Port-Louis (Maurice),Hassan Toorawa Trust, 2007, p. i-19.p. 5.
-
[79]
On trouvera une présentation récente de l’importance des perles de verre à Mayotte dans : Martial Pauly, « Perles voyageuses : une approche archéologique des réseaux d’échanges de l’océan Indien occidental au xiie siècle », Revue Historique de l’Océan Indien, 2018, n° 15, p. 37-48.
-
[80]
Philippe Beaujard, Les mondes de l’océan Indien, op. cit., t. 1, p. 395. Des exemples dans Hăishàng sīchóu zhī lù [Maritime Silk Route], catalogue, Pékin, Guójiā wénwù jú biān [National Office of Cultural Heritage], 2014, p. 25, 50. La Chine participe aux échanges dans l’océan Indien depuis la préhistoire.
-
[81]
Ibid.p. 86, p. 92.
-
[82]
Bing Zhao, « Luxury and Power : The Fascination with Chinese Ceramics in Medieval Swahili Material Culture », Orientations, April 2013, p. 71-78.
-
[83]
Wang Xiuli, La Chine et l’Indianocéanie du 13e au 15e siècle : Études centrées sur les archives chinoises, Semaine de l’Histoire 2016, St-Denis (Réunion), Annales d’histoire de l’Indianocéanie n° 2 (à paraître).
-
[84]
Philippe Beaujard, Les mondes de l’océan Indien, op. cit., t.1, p. 395. Maritime Silk Route, op. cit., p. 68.
-
[85]
Anonyme, Relation de la Chine et de l’Inde, op. cit., p. 7 et 8. Le texte est écrit en 851.
-
[86]
Ibn Khordādbeh, Livre des routes et royaumes, op. cit., p. 294.
-
[87]
Wang Xiuli, La Chine et l’Indianocéanie du 13e au 15e siècles, op. cit.
-
[88]
Wang Xiuli, « The Arabs living in Coastal China during the 10th-13th Centuries », Revue Historique de l’Océan Indien, n° 15, 2018, p. 202-214, et Semaine de l’Histoire, 2017, Saint-Denis (Réunion), discussion des communications de Wang Xiuli et Zhang Xiaogui.
-
[89]
Ibn Battûta, Voyages, op. cit., t. 3, p. 320-327.
-
[90]
Jacques Leider et Pierre-Yves Manguin, art. cit., p. 196-197. Jérôme Kerlouégan et Bing Zhao, « Les expéditions de Zhen He ou le rêve chinois d’un empire maritime », in Aventuriers des mers (VIIe-XVIIe siècle), IMA/Mucem, 2016, p. 118-123, p. 122.
-
[91]
Chau Ju-Kua, His Work on the Chinese and Arab Trade in the Twelfth and Thirteenth Centuries Entitled Chu-fan-chï, édité par Friedrich Hirth et W.W. Rockhill, p. 73.
-
[92]
Tout ce passage reprend la communication de Xiuli Wang, La Chine et l’Indianocéanie du 13e au 15e siècle, cit. Textes à l’appui, Xiuli Wang démontre l’importance des échanges maritimes et la diversité des produits, le plus souvent précieux, échangés. Voir aussi Hyunhee Park, Mapping the Chinese and Islamic Worlds : Cross-Cultural Exchange in Pre-Modern Asia, Cambridge, New York, Melbourne, Cambridge University Press, 2012, p. 169.
-
[93]
K.A. Nilakanta Sastri (ed), Foreign Notices of South India, Madras, University of Madras, 1972, p. 291.
-
[94]
Voir [Maritime Silk Route], op. cit. et Hyunhee Park, Mapping the Chinese and Islamic worlds, op. cit., p. 176. Les sources chinoises mentionnent ce commerce avec insistance. Chau Ju Kua signale le commerce de porcelaine à Zanzibar, His Work on the Chinese and Arab Trade in the Twelfth and Thirteenth Centuries Entitled Chu-fan-chï, op. cit., p. 126-127. Céramiques chinoise et vietnamienne participent d’un fond technologique commun. Des ports du Vietnam actuel s’insèrent dans le commerce maritime en direction de l’Afrique entre le xe et le xie siècle. Bing Zhao et Philippe Colomban, « La céramique vietnamienne exhumée sur les sites portuaires de l’océan Indien : quels critères d’identification ? », in P. Corey, F. Dalex et al. (dir.), Arts du Vietnam, Nouvelles Approches, Rennes, PUR, 2015, p. 57-66, p. 58-59. Céladon et porcelaines : Bing Zhao, « La céramique chinoise et de l’Asie du Sud-Est du site de Vohémar à Madagascar – vers une expertise plus fine et une approche plus historique de la céramique chinoise de la nécropole de Vohémar », Études de l’océan Indien, vol. 46-47, 2011, p. 91-103.
-
[95]
Exemples d’objets dans [Maritime Silk Route], op. cit. : dans l’épave du Batu Hitam, navire arabe, au temps la dynastie Tang, des bols en céladon, p. 71 ; dans l’épave du Nanhai n° 1 : un collier d’or et des plats en porcelaine blanche, verte et en céladon, p. 111-116 ; dans l’épave du Banyangjao n° 1 : plats décorés et boîte. p. 122-123 ; vases et pichets en céladon et en porcelaine dans le récif de Xisha Island, p. 117-121. Céladons trouvés dans l’épave du Batu Hitam. Bols dans l’épave du South China Sea n° 1, dynastie Song, p. 495-496.
-
[96]
Hyunhee Park, Mapping the Chinese and Islamic Worlds, op. cit., p. 176.
-
[97]
K.A. Nilakanta Sastri (ed), Foreign Notices of South India, op. cit., p. 305 et p. 307308.
-
[98]
Selon Hyunhee Park, Mapping the Chinese and Islamic Worlds, op. cit. Xiuli Wang évoque pour sa part quatre voyages de Fei Xin. Xiuli Wang, La Chine et l’Indianocéanie du 13e au 15e siècle, op. cit.
-
[99]
Fei Xsin, Xingcha shenglan, in K. A. Nilakanta Sastri (ed), op. cit., p. 296-297.
-
[100]
Sur le tribut, voir Philippe Beaujard, Les mondes de l’océan Indien, op. cit., t. 2, p. 33-34. Ji-Young Lee, dans China’s Hegemony : Four Hundred Years of East Asian Domination, New York, Columbia University Press, 2017, Ebook, p. 5-6 et chapitre 1, a contesté l’idée que le tribut ait été un instrument d’hégémonie dans l’ouest de l’Asie, car le système du tribut était selon lui une interaction réciproque, ce que montre l’exemple que nous citons plus loin pour l’océan Indien. D’ailleurs, l’expression « système du tribut » est une invention occidentale, écrit Ji-Young Lee. Pour cette raison, nous recourrons au terme tribut avec des guillemets, car le terme lui-même est chargé d’un sens particulier.
-
[101]
Fei Xin, Xingcha shenglan, op. cit., p. 296
-
[102]
Ibn Battûta, Voyages, op. cit., t. 3, p. 149-150. Les documents écrits relatant les voyages sont étudiés dans : See Jinming Li, « Textual Research on the Maritime Routes between China and the Arabian Sea during Tang Dynasty », Haijiaoshi yanjiu (Maritime History Studies), 2009-2, p. 48-58.
-
[103]
Hudūd al-Ālam, op. cit., p. 56-57.
-
[104]
Edward A. Alpers rappelle que les historiens distinguent trois Afrique : l’Afrique atlantique, l’Afrique méditerranéenne et l’Afrique de l’océan Indien. Edward A. Alpers, « The Islands of Indian Ocean Africa », op. cit., p. 1-19.
-
[105]
Zhao Bing, « Luxury and Power : The Fascination with Chinese Ceramics in Medieval Swahili Material Culture », art. cit. ; Martial Pauly, « Perles voyageuses », art. cit., p. 47.
-
[106]
Al-Sīrafī cité in Philippe Beaujard, Les mondes de l’océan Indien, op. cit., t. 2, p. 122. Philippe Beaujard envisage une concurrence entre les Austronésiens et les Arabo-Persans. À l’appui, il rapproche ce fait de l’introduction d’un nouveau type de perles sur la côte de l’Afrique de l’Est. Jean-Charles Ducène mentionne une émigration d’Austronésiens vers Madagascar : « À la (re)découverte des côtes de l’Afrique orientale. L’Afrique de l’Est et Madagascar dans les sources arabes », in La Fabrique… op. cit., p. 155.
-
[107]
Extraits de Faxian et de Ma Huan, Foreign Notices of South India, op. cit., p. 68-74 et p. 299-301, p 307.
-
[108]
Ainsi que l’a montré Sanjay Subrahmanyam dans Vasco de Gama : légende et tribulations du Vice-Roi des Indes, Paris, Alma, 2012.
-
[109]
Fernand Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme : XVe-XVIIIe siècle, t. 3, Le temps du monde, Paris, A. Colin, 1979, p. 606-610 ; Michael Pearson, The Indian Ocean, op. cit., p. 3.
-
[110]
Christian Grataloup a ainsi justement souligné la distinction entre routes terrestres et routes maritimes dans « Au cœur du “Système Ancien Monde”. L’esquisse d’une “banane bleue” indianocéane (viiie-xixe siècles) », Revue Historique de l’Océan Indien, 2018, n° 15, p. 29-36, p. 33-36.
-
[111]
Patrick Counillon, « Le commerce entre l’Égypte romaine et l’Inde dans l’Antiquité tardive : Le témoignage de Cosmas Indicopleustès », art. cit., p. 14-19, p. 18-19.
-
[112]
Et la Chine puise dans les représentations européennes au xvie siècle. Hyunhee Park, « Regards est-asiatiques sur l’océan Indien », art. cit., p. 101 et p. 105.
-
[113]
Sur le mythe et ses prolongements : Christian Grataloup, L’Invention des continents, op. cit., p. 134-144.
-
[114]
« J’ai traversé paisiblement les mers orageuses qui sont sous le cercle antarctique ; j’ai trouvé dans la mer Pacifique les plus effroyables tempêtes » : Jean-Jacques Rousseau, Julie ou la nouvelle Héloïse, (c’est Saint-Preux qui écrit).
-
[115]
D’après Brunetto Latini, Li livres dou tresor, édité par B. Chabaille, Paris, 1863, p. 160.
-
[116]
Ibid., p. 161.
-
[117]
On peut aussi chercher un nom plus adapté. Michael Pearson aborde la question en ouverture de The Indian Ocean, op. cit., p. 13-14. Mais le choix d’un nom, si justifié soit-il, tel océan Afrasiatique, ne vaut que si les populations se l’approprient.
-
[118]
Pour citer un cliché européen contesté par Michaël Pearson, ibid., p. 3.
-
[119]
Place qu’il tient toujours aujourd’hui, comme en témoignent l’importance de Djibouti, de Diego Garcia… Et comme l’écrivait Fernand Braudel de la Méditerranée, « personnage historique », une étendue marine est un tout, à la fois paysage physique et humain, histoire et présent, « comme un système où tout se mélange en une unité originale », « ce n’est pas seulement l’Homme, qui a tout lié ensemble obstinément », Fernand Braudel dans La Méditerranée, op. cit., p. 10-II. L’océan Indien est aussi ce « tout », agi et acteur.