Notes
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[1]
Actes parus en 2013 sous le titre Jean Fremigacci, Daniel Lefeuvre et Marc Michel (dir.), Démontages d’empires, Paris, Riveneuve Éditions. Ce colloque qui rassemblait 24 participants a été organisé par Daniel Lefeuvre. Sur l’Université, Marc Michel, « La genèse des universités en Afrique “ d’expression française ” de la Seconde Guerre mondiale aux années 70 », p. 231-254. Je profite de l’occasion qui m’est offerte par cette postface pour corriger une erreur de note particulièrement importante (note 9, p. 239) qui pourrait laisser croire que Stéphane Hessel fut ambassadeur France au Cameroun ; en réalité, il était directeur de la Coopération et s’adressait à l’ambassadeur de France dans ce pays.
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[2]
Il a fait l’objet du n° 384-385 d’Outre-Mers, t. 102, 2014, Coopérants et coopération den Afrique, circulation d’acteurs et recompositions culturelles (des années 1950 à nos jours) sous la direction d’Odile Goerg et de Marie-Albane de Suremain.
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[3]
« La coopération entre science et politique. L’itinéraire de Renaud Paulian », in Coopérants et coopération…, op. cit., p. 121-136. Dans le même numéro, trois autres articles sur le sujet : Jean Fremigacci, « Apogée et mise à mort de la coopération universitaire », p. 81-102, Florence Renucci et Toussaint Réthoré, « Juristes en coopération. Magistrats et professeurs de droit en Algérie (1962-début des années 80), p. 187-209 et Marie-Albane de Suremain, « Coopération et reformulation des savoirs en sciences sociales : des historiens à l’Université d’Abidjan (1960-années 1980), p. 211-245.
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[4]
Le système fédéral fut aboli par un référendum demandé par le président Ahidjo, le 20 mai 1972.
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[5]
Exceptés quelques très vieux personnages dont le chef Max Abe Fouda, compagnon de Charles Atangana, encore vivant ; il avait séjourné en Allemagne avant la Première Guerre mondiale et savait encore écrire en gothique !
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[6]
Les bâtiments de l’Université furent construits à partir de 1963-65 par Michel Ecochard déjà célèbre pour ses réalisations au Maroc.
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[7]
Un Centre Universitaire de Sciences de la Santé existait avant 1993. La réforme de 1993 le transforma en Faculté de Médecine, de Pharmacie et d’Odontologie et l’étoffant considérablement.
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[8]
Cf. Hommages à Claude Tardits par Philippe Laburthe-Tolra dans L’Homme, N° 124, 2007, p. 221-223 et par Geneviève Calame-Griaule dans le Journal de la Société des Africanistes, N° 77-1, 2007, p. 143-152.
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[9]
Engelbert Mveng, jésuite de formation fut assassiné en 1995 dans des circonstances mal éclaircies ; il n’existe pas d’hommage officiel à celui qui est toujours cité dans les ouvrages sur le Cameroun et créa le logo de l’Université de Yaoundé sous la forme d’un abia (ornement gravé sur une coquille de fruit) avec la devise en latin proposée par le père Mveng : Sapientia, Cognitio, Collativa.
1Il y a maintenant longtemps que nombre de chercheurs s’interrogent sur les legs des Empires, les ruptures et les continuités de la décolonisation ; en 2010 déjà, un colloque aux Archives nationales d’Outre-mer à Aix-en-Provence avait mis ces thématiques au centre des réflexions des historiens spécialistes en ces domaines [1]. Les diverses institutions d’enseignement supérieur n’étaient pas évidemment pas seules au centre des interrogations ; mais elles en constituaient un volet important de même que lors du colloque sur les Coopérants et la Coopération tenu en 2012 sous les auspices de Sciences Po Paris. [2] Ce numéro d’Outre-Mers démontre à son tour à quel point la recherche sur un domaine aussi crucial que l’histoire des Universités peut être source de réflexions neuves et riches de comparaisons dans le temps et dans l’espace.
2Pour avoir été un témoin et un acteur de la naissance de deux Universités en Afrique francophone, Brazzaville puis Yaoundé, j’étais particulièrement intéressé par cette question. Détachés de nos administrations d’origine, en 1964, nous avons rejoint deux ans plus tard l’Université de Yaoundé en création, personnellement comme assistant d’Histoire, mon épouse comme conservatrice de bibliothèques. Ces deux expériences furent contrastées, le Congo-Brazzaville traversant encore une période de crise révolutionnaire, le Cameroun sortant à peine d’une crise de décolonisation violente. Sur le plan professionnel, elles furent d’une richesse humaine exceptionnelle. Nous ne relevions que de nous-mêmes, ni de « patrons », ni de « chefs » ; nous étions fort jeunes et nous avions tout à inventer, structures, programmes et… contenu ! Au début des années 60, l’histoire « africaine » n’en était qu’à ses balbutiements. Les étudiants très « motivés » comme on dit aujourd’hui, étaient très peu nombreux ; quelques dizaines, alors qu’ils sont des milliers aujourd’hui aussi bien à Brazzaville qu’à Yaoundé. Nous avions l’impression de réellement « coopérer » !
3À travers la figure du recteur Paulian, qui fut recteur de la FESAC (Fondation de l’Enseignement supérieur en Afrique centrale) avant d’être appelé à la tête de l’Université d’Abidjan, j’ai tenté de retracer les débuts de ces deux établissements qui voulurent reproduire presque à l’identique le modèle français [3]. Il n’en était pas du tout de même à Yaoundé où l’institution devait s’inscrire dans un paysage géopolitique très spécifique puisque le nouvel État était encore un État fédéral et officiellement bilingue en 1961 ; à cet égard, le Cameroun inaugurait en Afrique une expérience unique et qui d’ailleurs ne dura guère longtemps [4]. Quoi qu’il en soit, l’Université fédérale de Yaoundé (devenue Yaoundé 1 après la réforme de l’enseignement supérieur au Cameroun en 1993) devait représenter une expérience originale en comparaison des autres universités en Afrique subsaharienne par ses structures, son personnel et ses programmes. En principe, c’était une université « nationale » et non interrégionale, totalement autonome, comme Dakar, 18e Université française en 1960, ou rattachée à une maison-mère comme le Centre d’Enseignement supérieur de Brazzaville doté d’un recteur in partibus à Nantes et en fait, dépendant directement de la Direction de l’Enseignement supérieur à Paris. ÀYaoundé, l’Université fut placée sous l’autorité directe d’un chancelier, ministre de l’Éducation nationale, et d’un vice-chancelier, professeur de la dite Université. Dès le départ, la volonté du pouvoir politique de contrôler le fonctionnement de l’Université, et surtout les étudiants était sous-jacente. Heureusement, la liberté et l’indépendance du personnel français étaient protégées par un statut le rattachant à la Fondation française dirigée par un recteur français. Mais les frictions ne pouvaient toujours être évitées, lorsque, par exemple, il fallut porter une autre toge que la toge française sur le modèle de la toge ghanéenne; l’incident, provoqué par le refus de nos collègues de Droit, remonta jusqu’à l’ambassadeur qui eut la sagesse de le considérer comme « ridicule »…
4Une autre caractéristique originale était la place accordée au français ; le préambule de l’accord de Coopération reconnaissait que la langue anglaise devait avoir la même place que la langue française et que celle-ci n’était « qu’une des langues naturelles de la République fédérale du Cameroun et l’un des instruments historiques de son développement. » À ce titre, l’Université du Cameroun fut l’une des premières à intégrer le réseau des Universités entièrement ou partiellement de Langue française (AUPELF), ce qui nous valut de côtoyer des collègues québecois, mais reçut aussi des enseignants camerounais anglophones. Ainsi, l’Université était dotée d’une mission essentielle, celle de fédérer les cultures héritées des colonisations qui avaient marqué le pays, au moins française et britannique car il n’existait pratiquement plus de locuteurs en allemand au Cameroun. [5] Mais, en pratique, la domination des francophones, était tellement écrasante que les anglophones se trouvaient réduits à la portion congrue ; il s’en suivit une concurrence des enseignements et des cursus, au moins tant que fut maintenu le modèle français de la thèse d’Etat opposé au modèle anglo-saxon du PhD. La création d’une École Normale Supérieure sur le modèle français, ne contribua pas vraiment à réduire ce fossé ; destinée à fournir des enseignants du Secondaire, elle refléta dans son personnel et ses étudiants la prééminence des francophones. Enfin, de façon para-universitaire, la concurrence entre Centre culturel français, l’American Center, le British Council et l’Institut Goethe faisait rage ! La bibliothèque du Centre culturel français était cependant gagnante car elle jouissait de l’ancienneté et suppléait aux carences provisoires de la bibliothèque universitaire [6].
5L’expérience camerounaise avait évidemment d’autres limites. L’une d’entre elles a été très longtemps dans son caractère partiel. L’Université du Cameroun comportait les trois facultés habituelles : lettres et sciences humaines, droit, sciences mais, jusqu’en 1993 [7]. Mais, pas de faculté de médecine, si bien que les médecins continuèrent à être formés en France, à Dakar et même à Abidjan pendant fort longtemps. À l’Indépendance, le Cameroun disposait pourtant d’une cohorte appréciable de plusieurs dizaines de médecins camerounais – dont certains étaient très engagés dans l’opposition politique –, mais ils étaient plus nombreux à l’extérieur qu’à l’intérieur. Ce point appelle la comparaison, en particulier avec Tananarive et Dakar dotés de facultés de médecine et constitue un domaine de recherches encore pratiquement vierge aujourd’hui.
6Même limitée et partielle, pour un jeune enseignant français, l’expérience camerounaise était une expérience formatrice et humainement riche. Deux personnalités y dominaient alors : celle de Claude Tardits et celle du révérend-père Mveng. Claude Tardits avait déjà derrière lui une carrière exceptionnelle de héros de la Résistance avant de devenir un anthropologue de première grandeur. [8] Quant au « père Mveng », personnalité redoutable et extraordinaire, c’était tout à la fois le premier véritable historien du Cameroun, un artiste officiel, un poète, un écrivain et guide d’âmes. [9] Une Université, ce sont aussi les hommes qui la font.
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[1]
Actes parus en 2013 sous le titre Jean Fremigacci, Daniel Lefeuvre et Marc Michel (dir.), Démontages d’empires, Paris, Riveneuve Éditions. Ce colloque qui rassemblait 24 participants a été organisé par Daniel Lefeuvre. Sur l’Université, Marc Michel, « La genèse des universités en Afrique “ d’expression française ” de la Seconde Guerre mondiale aux années 70 », p. 231-254. Je profite de l’occasion qui m’est offerte par cette postface pour corriger une erreur de note particulièrement importante (note 9, p. 239) qui pourrait laisser croire que Stéphane Hessel fut ambassadeur France au Cameroun ; en réalité, il était directeur de la Coopération et s’adressait à l’ambassadeur de France dans ce pays.
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Il a fait l’objet du n° 384-385 d’Outre-Mers, t. 102, 2014, Coopérants et coopération den Afrique, circulation d’acteurs et recompositions culturelles (des années 1950 à nos jours) sous la direction d’Odile Goerg et de Marie-Albane de Suremain.
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[3]
« La coopération entre science et politique. L’itinéraire de Renaud Paulian », in Coopérants et coopération…, op. cit., p. 121-136. Dans le même numéro, trois autres articles sur le sujet : Jean Fremigacci, « Apogée et mise à mort de la coopération universitaire », p. 81-102, Florence Renucci et Toussaint Réthoré, « Juristes en coopération. Magistrats et professeurs de droit en Algérie (1962-début des années 80), p. 187-209 et Marie-Albane de Suremain, « Coopération et reformulation des savoirs en sciences sociales : des historiens à l’Université d’Abidjan (1960-années 1980), p. 211-245.
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[4]
Le système fédéral fut aboli par un référendum demandé par le président Ahidjo, le 20 mai 1972.
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[5]
Exceptés quelques très vieux personnages dont le chef Max Abe Fouda, compagnon de Charles Atangana, encore vivant ; il avait séjourné en Allemagne avant la Première Guerre mondiale et savait encore écrire en gothique !
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[6]
Les bâtiments de l’Université furent construits à partir de 1963-65 par Michel Ecochard déjà célèbre pour ses réalisations au Maroc.
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[7]
Un Centre Universitaire de Sciences de la Santé existait avant 1993. La réforme de 1993 le transforma en Faculté de Médecine, de Pharmacie et d’Odontologie et l’étoffant considérablement.
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[8]
Cf. Hommages à Claude Tardits par Philippe Laburthe-Tolra dans L’Homme, N° 124, 2007, p. 221-223 et par Geneviève Calame-Griaule dans le Journal de la Société des Africanistes, N° 77-1, 2007, p. 143-152.
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[9]
Engelbert Mveng, jésuite de formation fut assassiné en 1995 dans des circonstances mal éclaircies ; il n’existe pas d’hommage officiel à celui qui est toujours cité dans les ouvrages sur le Cameroun et créa le logo de l’Université de Yaoundé sous la forme d’un abia (ornement gravé sur une coquille de fruit) avec la devise en latin proposée par le père Mveng : Sapientia, Cognitio, Collativa.