Changement climatique
Aménager pour s’adapter au changement climatique. Un rapport à la nature à reconstruire ? Vincent Berdoulay, Olivier Soubeyran (Eds), Presses universitaires de Pau et des pays de l’Adour, 2015, 218 p.
1Face à un changement climatique dont les effets semblent se dessiner au travers d’événements extrêmes, l’injonction aujourd’hui est à l’adaptation, à côté des politiques d’atténuation visant à réduire la part de l’humain dans l’évolution du climat. C’est que ces dernières portent sur le long terme et ne suffiront pas à réduire le réchauffement. Si l’heure semble être ainsi à l’adaptation au changement climatique, on ne sait pas vraiment comment procéder en aménagement, question cruciale car c’est principalement au niveau territorial que se situe le défi de s’adapter.
2C’est pourquoi cet ouvrage se penche d’abord sur l’enjeu cognitif que constitue l’adaptation en l’examinant au prisme du passé : est-il si nouveau ? Quels sont ses antécédents, oubliés, refoulés ou encore audibles ? Quelle est la dépendance de l’adaptation en aménagement vis-à-vis de l’idée de la nature ? Les éclairages qui sont apportés par les différentes contributions à cet ouvrage montrent que le rapport à la nature doit être repensé afin de donner à l’adaptation son effectivité en aménagement. La seconde partie s’intéresse à la diversité des réponses qui sont actuellement tentées, en rendant compte d’expériences de terrain. Celles qui ont été choisies montrent comment, au travers de bricolages plus que de solutions systématiques (comment pourrait-il en être autrement ?), s’identifient des enjeux à dépasser et s’inventent certaines des composantes de l’action aménagiste en matière d’adaptation. Nul ne sait encore si l’adaptation va apporter à l’aménagement l’efficacité et le renouveau attendus, mais on voit poindre, au-delà des difficultés épistémologiques, le défi que posent des enjeux éthiques.
Changement climatique. Quels défis pour le Sud ? Serge Janicot, Catherine Aubertin, Martial Bernoux, Edmond Dounias, Jean-François Guégan, Thierry Lebel, Hubert Mazurek, Benjamin Sultan (Eds), IRD Éditions, 2015, 272 p.
3La mobilisation autour de la conférence Paris Climat 2015 (COP 21) est l’occasion de mettre en relief la vulnérabilité des milieux et des populations du Sud face au réchauffement climatique. Certaines régions de la zone intertropicale en subissent déjà les effets, que ce soient les vagues de chaleur au Sahel, la perturbation des systèmes de mousson, la fonte des glaciers andins, les menaces sur la biodiversité, l’élévation du niveau des océans…
4Pour mieux appréhender la complexité de ces phénomènes, les recherches menées par l’IRD et ses partenaires apportent des connaissances essentielles. Cet ouvrage en donne un aperçu synthétique décliné en trois temps : observer et comprendre le changement climatique, analyser ses principaux impacts en fonction des milieux, remettre les sociétés et les politiques publiques nationales au cœur du défi climatique.
5En insistant sur les capacités de résilience des populations et des écosystèmes face à l’évolution du climat, l’ouvrage explore les solutions conciliant atténuation du changement climatique et adaptation, préservation de l’environnement et réduction des inégalités. Accessible à un large public, il fait le point sur les travaux et les résultats d’une recherche résolument engagée, interdisciplinaire, qui associe étroitement partenaires du Sud et du Nord.
Climate change in world politics, John Vogler, Palgrave Macmillan, 2016, 211 p.
6John Vogler examines the international politics of climate change, with a focus on the United Nations Framework Convention (UNFCCC). He considers how the international system treats the problem of climate change, analysing the ways in which this has been defined by the international community and the interests and alignments of state governments. Why are relatively obvious solutions avoided ? How is the seemingly irrational behaviour of state governments to be explained ? What are the issues that lurk beneath the public declarations of future climate action ? What has been the impact of the enormous structural changes in the global political and economic systems since the signature of the Climate Convention in 1992 ? Applying elements of international relations theory to answer all these questions, the author provides an overview of the key issues which will be discussed at the 2015 Paris Conference of the Parties.
Éthique et gouvernance du climat, Dossier coordonné par Bernard Reber, Revue de métaphysique et de morale, 1, 2016, Presses universitaires de France, 2016, 130 p.
7L’éthique de l’environnement connaît une grande actualité sous la forme des problèmes posés par les changements climatiques globaux. En effet, la fin de l’année 2015 fut marquée par un rendez-vous d’importance mondiale à Paris : la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP 21). Pourtant, si de nombreux enjeux comportent des dimensions éthiques avérées, la réflexion éthique est peu sollicitée. En effet, celle-ci pourrait offrir des ressources tant pour clarifier les implicites éthiques à l’œuvre dans les négociations que pour imaginer des solutions (innovation éthique) en vue des choix économiques, politiques, voire scientifiques, ainsi que pour la difficile cohabitation de ces domaines. C’est cette tâche que s’adjuge ce numéro de la Revue de métaphysique et de morale.
Les sociétés rurales face aux changements climatiques et environnementaux en Afrique de l’Ouest, Benjamin Sultan, Richard Lalou, Mouftaou Amadou Sanni, Amadou Oumarou, Mame Arame Soumaré (Eds), IRD Éditions, 2015, 240 p.
8L’avenir de l’Afrique de l’Ouest dépend de la capacité de son agriculture à assurer la sécurité alimentaire de sa population, qui devrait doubler en vingt ans, tout en faisant face aux risques nouveaux engendrés par le réchauffement climatique. En effet, les modifications de température et de précipitations déjà à l’ouvre, et qui devraient s’amplifier, auront dans un futur proche des répercussions importantes sur la production agricole et sur les ressources en eau de cette partie du continent africain.
9L’adaptation des sociétés rurales aux risques climatiques est une des clés pour relever ce nouveau défi. Pour mieux en connaître le potentiel, les processus et les barrières, cet ouvrage analyse les évolutions récentes et en cours du climat et de l’environnement, et étudie comment les sociétés rurales les perçoivent et les intègrent : quels sont les impacts de ces changements, quelles vulnérabilités mais aussi quelles nouvelles opportunités entraînent-ils ? Comment les populations s’y adaptent-elles, et quelles innovations mettent-elles en ouvre, alors que les effets induits par le climat interagissent avec les changements sociaux, politiques, économiques et techniques en cours sur le continent ?
10En associant des chercheurs français et africains (climatologues, agronomes, hydrologues, écologues, démographes, géographes, anthropologues, sociologues…) dans une approche interdisciplinaire, cet ouvrage apporte une contribution précieuse pour mieux anticiper les risques climatiques et évaluer les capacités des sociétés africaines à y faire face.
Développement durable
Acceptation sociale et développement des territoires, Samuel Depraz, Ute Cornec, Ulrike Grabski-Kieron (Eds), ENS Éditions, 2016, 266 p.
11La notion d’acceptation sociale, qui reste peu formalisée par la recherche en sciences humaines, est pourtant omniprésente dans les politiques de développement des territoires. Les études d’impact, les politiques participatives, la quête d’une bonne gouvernance territoriale ou d’une durabilité sociale dans la décision publique sont des démarches qui visent toutes, implicitement, à réduire les contestations de la part de la société civile face aux projets de développement, donc à améliorer l’acceptation sociale par une association plus étroite aux processus de transformation du territoire.
12Cependant, ces dispositifs ne sauraient se réduire à des mesures d’ordre technique et institutionnel qui garantiraient automatiquement une meilleure adhésion aux projets. De nombreuses composantes subjectives régissent la réception sociale des innovations ainsi que les attitudes qui en résultent.
13Cet ouvrage vise donc à mettre en lumière les critères d’acceptabilité des projets de développement territorial. Dans une approche comparative franco-allemande stimulante, les auteurs développent toute une série de méthodes d’analyse qui interrogent, notamment, la dimension visuelle des projets, les rapports interpersonnels de pouvoir ou encore les représentations et pratiques du territoire, autant de leviers dont l’identification peut aider les chercheurs comme les praticiens du territoire à mieux comprendre les tensions et les conflits sociaux.
Économie circulaire et développement durable. Écologie industrielle et circuits courts, Delphine Gallaud, Blandine Laperche, ISTE Éditions, 2016, 150 p.
14S’opposant au schéma linéaire de consommation des ressources fondé sur le triptyque « extraire-fabriquer-jeter », l’économie circulaire propose un nouveau modèle industriel qui vise à optimiser l’utilisation des ressources et à éliminer ou réduire les déchets. Elle s’appuie sur le réemploi, la réparation, l’écoconception, l’écologie industrielle, l’approvisionnement durable et la consommation responsable.
15L’écologie industrielle et les circuits courts peuvent contribuer, en particulier à l’échelle des territoires, à l’émergence d’un véritable développement durable. Cet ouvrage présente à la fois l’évolution de ces concepts et les expériences concrètes qui en découlent en France et dans d’autres pays. Un modèle intégré détaille les mécanismes par lesquels écologie industrielle et circuits courts génèrent des bénéfices économiques, sociaux et environnementaux. Les enjeux et les obstacles possibles de ces nouvelles pratiques sont également analysés pour élaborer une réflexion qui dessine les contours d’une gouvernance adaptée à leur pleine réalisation.
La nouvelle société du coût marginal zéro (Babel), Jeremy Rifkin, Actes Sud, 2016, 544 p.
16Les règles du grand jeu de l’économie mondiale sont en train de changer. Le capitalisme se meurt et un nouveau paradigme qui va tout bousculer s’installe : les communaux collaboratifs. Auto-partage, crowd-funding, couch surfing, producteurs contributifs d’énergie verte ou même d’objets avec les imprimantes 3D, ces communaux collaboratifs sont en plein essor et offrent un espace fait de millions d’organisations autogérées qui créent le capital social de la société. Avec eux se développe une nouvelle économie, où la valeur prime sur la propriété, où la durabilité supplante le consumérisme et où la coopération chasse la concurrence.
17Dans un essai brillant, Jeremy Rifkin dessine remarquablement ce nouveau paradigme collaboratif qui mènera à une société plus intelligente et durable.
Les nouveaux modes de vie durables. S’engager autrement, Dominique Bourg, Carine Dartiguepeyrou, Caroline Gervais, Olivier Perrin, Le Bord de l’eau, 2016, 210 p.
18Cet ouvrage présente un panorama des réflexions actuelles sur les modes de vie durables. Issu d’un programme de recherche, il donne la parole à des chercheurs mais aussi à des décideurs et à des personnalités. Chacun à sa façon essaie de dessiner des pistes pour accélérer le changement vers des modes de vie durables, c’est-à-dire une société où le vivre ensemble, la qualité de vie et la liberté de chacun seraient assurés, sans mettre en danger les grands équilibres écologiques dont nous dépendons.
19La pluralité des regards sur cette question des modes de vie fait de cet ouvrage une référence en matière de réflexion sur les évolutions de sociétés qui émergent en ce début de XXIe siècle.
20L’ouvrage explore des pistes innovantes qui s’offrent à chacun de nous et à nos décideurs pour sortir d’un mode de vie consumériste et d’une société marchande qui accumule échecs et non-sens, afin d’évoluer collectivement vers de nouveaux modèles.
21Des perspectives s’ouvrent alors pour réellement transformer la société, créer de nouvelles formes de prospérité, avec ou sans croissance économique, mais qui contribueront au bien-être et à la qualité de vie de tous, dans une logique de coresponsabilité.
Sustainability science. An introduction, Harald Heinrichs, Pim Martens, Gerd Michelsen, Arnim Wiek (Eds), Springer, 2016, 367 p.
22This textbook provides a comprehensive compilation of conceptual perspectives, methodological approaches and empirical insights of inter- and transdisciplinary sustainability science. Written by an international team of authors from leading sustainability institutions, the textbook covers key perspectives and topics of the scientific discourse on sustainable development. More than two decades after conceptualizing sustainability as societal guiding vision and regulative idea the necessity of concretizing and realizing sustainability in societal praxis is bigger than ever. Sharply improved individual and societal sustainable decision-making and action is necessary for a better future of humankind and the planet. On that account problem- and solution-oriented perspectives and competencies are crucial. The different chapters assemble an encompassing view of essential foundations and specific areas of research and action in sustainability science and practice. The textbook aims at fostering the further establishment of sustainability science in higher education and to enable the next generation of sustainability experts to tackle the challenging and exciting topic of sustainable development.
Écologie, biodiversité, évolution
Sciences et biodiversité. Acteurs, enjeux, temporalités, Alexandra Liarsou, Corinne Beck, Florent Kohler, Michel Kreutzer, Christian Lévêque, Pierre Pech (Eds), L’Harmattan, 2016, 202 p.
23Enrayer l’érosion des formes vivantes est devenu l’une des ambitions internationales prioritaires depuis la Convention des Nations unies de Rio en 1992. À l’échelon de la France, une Stratégie nationale pour la biodiversité a été élaborée en 2004. Au plan institutionnel, le ministère de l’Écologie et du Développement durable a créé différentes structures destinées à la préservation de la biodiversité ; des universitaires et des chercheurs sont officiellement associés à la définition de ces orientations politiques et les scientifiques sont sollicités pour la production de rapports sur l’état de la faune et de la flore de France.
24Les disciplines concernées sont principalement issues des sciences de la vie et de la Terre. Toutefois, depuis plusieurs décennies, une grande partie des sciences humaines et sociales s’intéresse à la notion de perte de biodiversité. Le propos développé dans cet ouvrage vise la compréhension des rôles et des statuts qui peuvent être conférés aux différentes sciences ainsi qu’aux scientifiques autour de la notion de biodiversité et des interactions sociétés-environnement. Sont également analysées les connexions pouvant exister entre les choix conceptuels et les positionnements épistémiques des différentes disciplines, d’une part, la dimension concrète de l’activité de recherche, d’autre part. Cet ouvrage porte également sur les conceptions de la crise ou des crises de biodiversité. Une gestion du vivant implique des objectifs et une action, lesquels s’inscrivent dans un contexte historique, économique, politique, culturel, etc. Les pratiques ainsi mises en œuvre peuvent être objet d’étude pour les sciences humaines et sociales, au même titre que n’importe quel objet social. La présentation de cas concrets permet d’examiner les multiples aspects de la prise en considération de la biodiversité sur le terrain par les interlocuteurs concernés.
25Les propos des auteurs permettent, au-delà, de s’interroger sur les méthodes, les modes d’acquisition des connaissances, les prémisses de raisonnement, la valeur et la portée des conceptions produites autour de la notion de crise par les sciences de la vie et de la Terre ainsi que par les sciences humaines et sociales elles-mêmes.
Valeurs de la biodiversité et systèmes écosystémiques. Perspectives interdisciplinaires, Philip Roche, Ilse Geijzendorffer, Harold Levrel, Virginie Maris (Eds), Quæ, 2016, 220 p.
26La biodiversité joue de nombreux rôles, à la fois source et produit du bon fonctionnement des écosystèmes dont dépendent les services écosystémiques. Dans un contexte de pressions toujours croissantes sur les milieux naturels, les études sur les valeurs de la biodiversité et les services écosystémiques aident à mieux comprendre les interactions entre nature et sociétés, à anticiper les bouleversements à venir et à concevoir des mesures de gestion appropriées.
27Cet ouvrage découle d’un séminaire qui a mobilisé plus de 40 scientifiques issus d’une grande diversité de disciplines : écologie, philosophie, géographie, droit, économie, génétique, anthropologie, sciences politiques. Il a fidèlement conservé la libre expression de perspectives parfois divergentes afin de restituer la dimension dynamique et vivante des processus d’avancée des connaissances.
28Trois thèmes y sont abordés : la question des valeurs de la nature en général, les relations entre biodiversité et bien-être humain à travers les services écosystémiques, et enfin les différentes formes d’opérationnalisation de ce concept.
Énergie
L’énergie éolienne en Europe. Conflits, démocratie, acceptabilité sociale, François Bafoil (Ed.), Presses de Sciences Po, 2016, 312 p.
29Partout en Europe, l’installation d’éoliennes provoque des conflits qui engagent une multitude d’acteurs publics, privés ou associatifs, au sein de coalitions locales, régionales ou nationales, elles-mêmes soumises à de fortes contraintes juridiques, économiques, environnementales ou privées. Les innovations institutionnelles, financières et politiques issues de la résolution de ces conflits reflètent la vivacité de la démocratie locale et la variété de la notion d’acceptabilité sociale.
30Fruit d’une coopération entre chercheurs en sciences sociales et ingénieurs, cet ouvrage analyse différents cas en Grande-Bretagne, en France, au Pays-Bas, en Allemagne et en Pologne – autant d’exemples de pays centralisés, régionalisés ou décentralisés. Il met au jour les préalables minimums à respecter avant l’installation d’éoliennes et élabore un référentiel d’aide à la décision.
Gestion des ressources
Extractivisme. Exploitation industrielle de la nature : logiques, conséquences, résistances, Anna Bednik, Le passager clandestin, 2016, 370 p.
31« Extra-quoi ? » Le terme « extractivisme » déroute. Il manque d’élégance, exige un effort de prononciation. Pourtant, ce vocable circule de plus en plus, car l’exploitation industrielle de la nature, à laquelle il renvoie, s’intensifie partout sur la planète. La quête sans fin des « ressources naturelles » (70 milliards de tonnes qui doivent être fournies aux chaînes de production et de consommation de marchandises !) repousse toujours plus loin les limites géographiques et technologiques de cette exploitation. C’est à cet envers trop souvent occulté de la « croissance » économique qu’est consacré ce livre.
32L’auteure commence par retracer les différents usages de la notion, les représentations du monde qu’elle recouvre – elles-mêmes structurées par ces « croyances » occidentales que sont les idées de « progrès universel de l’humanité » et de « développement » –, et les fausses solutions qui servent désormais de caution aux pratiques qui en découlent (le « développement durable », la « croissance verte », la « dématérialisation »…). En une plongée vertigineuse au cœur de la « planète-marchandise », elle procède ensuite à l’étude documentée des logiques de l’extractivisme : qu’extrait-on ? Où et comment le fait-on ? Qui extrait ? Avec quels objectifs, quels discours de légitimation, quelles conséquences réelles et quelles perspectives pour l’avenir ?
33Au Sud, mais également au Nord – comme le montre l’exemple des gaz et huiles de schiste –, partout l’extractivisme est synonyme de transformation de vastes territoires en « zones de sacrifices » destinées à alimenter la mégamachine. Il est ainsi devenu le nom de l’adversaire commun pour de multiples résistances collectives et locales qui, tout en défendant des espaces pour être, réinventent des façons d’habiter la Terre. Ce sont aussi les raisons, les formes et la portée de ces résistances que restitue cet ouvrage essentiel.
La pénurie en eau est-elle inéluctable ? Une approche institutionnaliste de l’évolution du mode d’usage de l’eau en Espagne et au Maroc, Arnaud Buchs, Peter Lang, 2016, 331 p.
34Sécheresse, aridité, pénurie en eau sont des termes parfois présentés comme synonymes. Questionnant cette apparente évidence, l’auteur focalise son analyse sur la notion de pénurie en eau et oppose aux travaux centrés sur la rareté physique des ressources en eau une approche qui place les usages de l’eau au cœur de l’explication. Tiré d’une thèse de doctorat, cet ouvrage propose un examen des principaux indicateurs de pénurie (notamment celui de « stress hydrique ») et conduit à caractériser la pénurie comme un phénomène à la dimension anthropique prononcée : il est en grande partie socialement construit, géographiquement et historiquement situé. L’analyse historique de l’évolution du mode d’usage de l’eau de part et d’autre de la Méditerranée révèle des similitudes quant à la manière de se représenter l’eau comme une simple ressource dont l’abondance ne serait limitée que par le dynamisme des infrastructures hydrauliques (barrages, forages, usines de dessalement, etc.). Par le biais d’une approche en économie institutionnaliste, historique et pragmatique qui restitue les justifications à l’origine des règles d’usage de l’eau, l’auteur propose des éléments de compréhension de l’avènement d’une pénurie en eau au Maroc et en Espagne et discute les solutions proposées pour tenter d’y faire face et qui participeraient de l’émergence d’un nouveau mode d’usage de l’eau.
Gestion et politiques de l’environnement
Environnement : la concertation apprivoisée, contestée, dépassée ? Laurent Mermet, Denis Salles (Eds), De Boeck, 2015, 424 p.
35Depuis le début des années 1990, la concertation a été au centre des débats et de l’action publique dans le champ de l’environnement. Elle a d’abord été l’objet d’un véritable front d’innovation, puis s’est généralisée et institutionnalisée, devenant un incontournable pour tous les acteurs, publics ou privés. Le moment est venu de faire le bilan des attentes remplies ou déçues, de ce qui reste à faire pour, et par, la concertation environnementale. De mieux cerner aussi les limites de ce que la concertation peut ou ne peut pas apporter à la résolution des problèmes écologiques qui se posent à nous aujourd’hui.
36Issu des résultats les plus récents d’un programme de recherche coordonné et approfondi dans la durée, l’ouvrage croise des thématiques et des approches complémentaires. Dans un contexte où notre compréhension et nos conceptions de la concertation évoluent rapidement, il apporte un riche matériau de terrain inédit et des analyses fines pour dépasser les idées reçues et renouveler les perspectives pour les années qui viennent.
37Les étudiants et chercheurs travaillant sur la participation du public aux décisions publiques, sur les questions d’environnement et d’aménagement y trouveront de multiples ressources à la pointe des travaux actuels sur la concertation. L’ouvrage s’adresse aussi aux praticiens de la concertation, de l’action environnementale ou de l’aménagement, dont la réflexion sera alimentée par un retour d’expérience diversifié et précis, ainsi que par des perspectives d’analyse utiles, stimulantes, voire parfois provocantes.
Global stability through decentralization ? In search for the right balance between central and decentral solutions, Peter A. Wilderer, Martin Grambow (Eds), Springer, 2016, 200 p.
38The authors of this book, who represent a broad range of scientific disciplines, discuss the issue of centralized versus decentralized control and regulation in the context of sustainable development. The stability and resilience of complex technical, economic, societal and political systems are commonly assumed to be highly dependent on the effectiveness of sophisticated, mainly centralized regulation and control systems and governance structures, respectively. In nature, however, life is mainly self-regulated by widespread, mainly DNA-encoded control mechanisms. The fact that life has endured for more than 2.4 billion years suggests that, for man-made systems, decentralized control concepts are superior to centralized ones. The authors discuss benefits and drawbacks of both approaches to achieving sustainability, providing valuable information for students and professional decision makers alike.
Pour une sociologie des inégalités environnementales, Valérie Deldrève, Peter Lang, 2015, 243 p.
39Qu’est-ce qu’une inégalité environnementale ? En quoi constitue-t-elle un objet sociologique ? Comment l’étudier au regard de sa diversité et de sa complexité ? Pour répondre à de telles questions, l’auteure nous invite à entrer dans de grands débats scientifiques et de société sur la compatibilité entre protection de l’environnement et lutte contre les inégalités socio-économiques ou culturelles, justice environnementale et justice sociale. Confrontant différents grands courants de pensée dans le champ de l’environnement et théories en sciences sociales, elle propose un cadre d’analyse des inégalités environnementales, qu’elle teste à l’aune de ses propres recherches. Celles-ci, menées sur des terrains littoraux français, traitent de problématiques relatives à la protection de sites naturels ou de gestion des ressources halieutiques, qui toutes soulèvent des enjeux conjoints d’accès et de participation.
Hommes et milieux
Atlas des migrations environnementales, Dina Ionesco, Daria Mokhnacheva, François Gemenne, Presses de Sciences Po, 2016, 152 p.
40Catastrophes géophysiques ou météorologiques, hausse du niveau des mers, désertification, dégradation des écosystèmes : chaque année, des millions de personnes quittent leurs terres pour des raisons environnementales. Un phénomène que le changement climatique en cours ne va qu’amplifier.
41À l’aide de plus de 100 cartes, graphiques et diagrammes et de nombreuses études de cas concrets, cet ouvrage pionnier, coordonné par trois des meilleurs experts des migrations environnementales, dresse un état des lieux inédit et propose des pistes pour répondre à ce grand défi du XXIe siècle.
42Car mieux comprendre ces migrations, c’est mettre au jour la manière dont les causes environnementales se mêlent à d’autres facteurs – politiques, socio-économiques, psychologiques – qui poussent les individus à la migration temporaire ou à l’exode. C’est anticiper les mouvements de population et permettre leur accompagnement raisonné. C’est contribuer à l’indispensable adaptation aux conséquences du changement climatique.
Réhabiliter la nature ordinaire. Une approche participative, Florent Kohler, Chloé Thierry, Guillaume Marchand, Philippe Léna, Presses universitaires de Rennes, 2016, 256 p.
43La nature ordinaire est une œuvre collective ; à l’échelle d’un territoire, les humains vivent, travaillent, se délassent et évoluent au sein de paysages changeant au gré de cycles écologiques, sociaux, économiques, dont la science peine souvent à rendre compte, faute de pouvoir les embrasser simultanément. L’état environnemental d’une commune donnée est en grande partie le résultat de dynamiques sociales ; elles sont tout au moins les plus faciles à reconstituer. Mais à conditions de départ identiques, le destin de communes similaires peut diverger du tout au tout. L’une peut envisager la nature dans sa dimension patrimoniale, et à ce titre vouloir protéger les sites remarquables, négligeant les autres. Et comment expliquer que deux communes, de taille et de peuplement équivalents, exerçant les mêmes activités agricoles, se trouvent, quarante ans plus tard, l’un, bastion de l’altermondialisme, érigeant ses haies et ses bosquets en emblèmes, tandis que l’autre s’enorgueillit de son virage périurbain, de sa quatre-voies, du triplement de sa population ?
Sociologie des changements environnementaux. Futurs de la nature, Céline Granjou, ISTE Éditions, 2015, 190 p.
44À l’heure de l’Anthropocène, où la puissance technique exercée par l’homme sur son milieu naturel n’a jamais été aussi grande, le tournant du XXIe siècle est moins marqué par la « fin » de la nature que par l’irruption de ses futurs.
45Cet ouvrage pose les bases d’une sociologie des changements environnementaux qui prend acte que l’homme n’est plus le seul acteur de son devenir. En développant trois exemples, le retour des loups dans les Alpes, la crise de la vache folle et les évolutions de la biodiversité, ce livre analyse les régimes d’anticipation environnementale expérimentés par les scientifiques, les experts et les gestionnaires. Il nous invite à rompre avec le dualisme classique qui fait de la nature le cadre fixe et atemporel du changement social et du progrès.
46Conversant avec les contributions récentes des humanités environnementales, Sociologie des changements environnementaux s’attache à rouvrir notre conception de la temporalité sociale en pointant comment les animaux et les mécanismes écologiques stimulent, eux aussi, le futur.
Histoire et philosophie des sciences
Manifeste pour une géographie environnementale, Denis Chartier, Etienne Rodary (Eds), Presses de Sciences Po, 2016, 440 p.
47La géographie française s’est toujours refusée à aborder la question écologique sous un angle véritablement politique. Pourtant, devant les crises environnementales qui se multiplient et face au spectre de l’écolo-scepticisme qui hante la pensée politique française, la géographie peut et doit se refonder.
48Ce Manifeste pour une géographie environnementale marque une volonté collective de dépasser les pratiques individualisées pour interroger la place épistémologique et politique d’une géographie confrontée à l’irruption de l’environnement. Il aborde l’histoire de la discipline dans ses relations aux politiques de la nature, développe des comparaisons internationales, notamment avec la political ecology, et introduit les grands domaines d’investigation d’une géographie à l’appareillage conceptuel renouvelé par les politiques de l’Anthropocène.
49Il montre que les géographes doivent abandonner une position surplombante pour accepter que leur discipline soit transformée par l’environnement, seul moyen pour elle d’être scientifiquement et politiquement pertinente dans le monde d’aujourd’hui.
Une histoire de la biologie, Michel Morange, Points, 2016, 429 p.
50Bien que la biologie soit l’une des sciences les plus actives de notre époque, il n’existe pas en langue française d’ouvrage de synthèse moderne retraçant son histoire. Un tel livre est pourtant indispensable aux scientifiques et aux étudiants en science, trop souvent ignorants de l’histoire de leur discipline, aux historiens – les sciences prennent une place croissante dans l’histoire et son enseignement –, et à tout lecteur cultivé s’intéressant à l’histoire des idées.
51Plusieurs traits originaux caractérisent cet ouvrage : une grande place y est donnée à l’apport des techniques et au rôle des expériences, et plus généralement au milieu sociotechnologique au sein duquel les transformations scientifiques se développent ; il s’agit d’une histoire complète des sciences du vivant, dans le temps, de l’Antiquité à aujourd’hui, et dans l’espace des disciplines, incluant des domaines souvent négligés dans l’histoire de la biologie comme l’écologie, l’éthologie ou la biologie végétale ; l’objectif est d’introduire la longue durée dans l’histoire de la pensée biologique, mais aussi ses fractures, ses basculements ; cette vision globale devrait permettre de mieux apprécier la nature des échanges interdisciplinaires qui ont façonné la science du vivant, plus que toute autre peut-être.
La science en action
Lutte urbaine. Participation et démocratie d’interpellation à l’Alma-Gare, Paula Cossart, Julien Talpin, Éditions du Croquant, 2015, 346 p.
52Ce livre revient sur une lutte urbaine mythique des années 1970-1980 pour montrer que le remède face aux inégalités, à la xénophobie ou au conservatisme n’est pas moins mais davantage de démocratie. Dans un quartier pauvre de Roubaix, l’Alma-Gare, la mobilisation des habitants contre la destruction de leurs logements est un succès : ils redessinent les plans et donnent forme à un quartier conforme à leurs aspirations. Des expérimentations d’autogestion sont alors lancées pour organiser la vie sociale différemment. Cette histoire illustre dès lors un réel pouvoir d’agir des classes populaires. Mais à mesure que la dynamique s’étiole, le quartier devient peu à peu une zone de relégation sociale. Cet ouvrage montre comment les quartiers populaires peuvent se mobiliser, mais aussi pourquoi ils sont souvent devenus des espaces ségrégés. En analysant les réussites comme les difficultés de l’Alma-Gare, les auteurs donnent des clefs pour l’avènement d’une démocratie participative exigeante qui ne soit pas un nouvel outil de domination des plus faibles. Ce livre s’adresse à tous les citoyens soucieux d’un approfondissement de la démocratie et qui cherchent des alternatives face à la marginalisation des classes populaires.
Rapports sciences-technologies-sociétés
L’emprise des droits intellectuels sur le monde du vivant, Marie-Angèle Hermitte, Quæ, 2016, 150 p.
53En 2016, trouver un équilibre entre ce qui est brevetable et ce qui ne l’est pas semble devenu vain : les partisans du brevet ont gagné une guerre commencée dans les années 1960. Mais la brevetabilité du vivant soulève encore les passions et porte à la discussion.
54Pionnière et experte de ces sujets depuis de nombreuses années, Marie-Angèle Hermitte pose ici la question qui fâche : où sont les gouvernants ? Dans ce petit ouvrage, elle nous expose les grandes évolutions des droits intellectuels dans nos sociétés. Elle nous montre combien l’accaparement des dispositifs juridiques par les acteurs industriels est un processus ancien, mené tantôt au grand jour, tantôt de façon subreptice. Le droit des brevets a toujours cherché à étendre son empire, substantiel et géographique. Les brevets sur le « vivant » sont longtemps restés au niveau des méthodes et des dispositifs. Dès la fin des années 1970, sous la pression constante des industriels de la chimie, les micro-organismes passent sous l’emprise de la brevetabilité, surprenant presque les pouvoirs publics nationaux et européens. L’auteur examine quelle a été la stratégie des industriels, des offices de brevets et des pouvoirs publics pendant cette période. Elle nous montre combien la généralisation de la brevetabilité du vivant a provoqué chez certains agriculteurs, philosophes, juristes, scientifiques, ou dans l’opinion publique, des sentiments mêlés de sidération et de rejet.
Sciences humaines et sociales
Éthique et politique chez Hans Jonas. Pour une philosophie politique de l’environnement, Cyrille Semde, L’Harmattan, 2016, 252 p.
55Est-il vrai que la préoccupation pour l’environnement ne s’accommode pas avec toute forme d’organisation démocratique du pouvoir politique ? Dans son livre intitulé Pour une éthique du futur, Hans Jonas avoue que la « tyrannie serait toujours préférable au désastre » et qu’il approuve moralement une telle option « pour le cas où ce genre d’alternative se présenterait ». Mais choisir la tyrannie face à la catastrophe, n’est-ce pas opter pour une catastrophe contre une autre ? Instituer des régimes forts au nom de l’urgence écologique ne contrasterait-il pas avec les revendications quotidiennes en faveur de l’implantation de gouvernements démocratiques véritables ? Le problème écologique est une réalité que l’on ne pourrait éluder ; instaurer dans les différents États une démocratie qui satisfait aux aspirations de l’homme en est aussi une autre. Comment concilier ces deux exigences propres à notre monde contemporain ? La mise en ouvre de l’éthique environnementale n’exige-t-elle pas une reconsidération critique des principes de la démocratie ? D’où pouvons-nous tenir les caractères de cet idéal démocratique ? Telles sont les questions que l’auteur du présent écrit se propose d’examiner.
La part inconstructible de la Terre. Critique du géo-constructivisme, Frédéric Neyrat, Seuil, 2016, 384 p.
56La conquête de l’espace est terminée ? Non, une nouvelle planète est apparue : la Terre. Ce livre nous fait entrer dans le monde inquiétant des apprentis sorciers et des puissants businessmen qui rêvent d’une Terre post-naturelle qu’on pourrait reconstruire et piloter grâce aux prouesses d’une ingénierie absolue.
57Frédéric Neyrat nous conduit au cœur de la pensée constructiviste qui domine aujourd’hui les sciences humaines et sociales, de Philippe Descola à Bruno Latour. Ce courant a abattu la césure nature-culture pour la remplacer par une nature hybride, toujours anthropisée et intégrée dans les réseaux technico-financiers. Et si, en déniant toute altérité à la nature, cette approche n’était que le prêt-à-penser du projet géo-constructiviste d’une Terre 2.0 ? Réinterrogeant le rapport nature-culture, et critiquant le mythe fusionnel de toute-puissance technologique, l’auteur propose alors une nouvelle philosophie de la nature et de la Terre : une écologie de la séparation, en prenant acte de ce qui n’est pas constructible dans la nature et en reconnaissant la Terre dans sa singularité.
La société de l’efficacité globale, Pierre Muller, Presses universitaires de France, 2015, 220 p.
58Peut-on (encore) penser et gouverner notre monde ? L’incapacité croissante du politique – singulièrement en France – à répondre efficacement aux problèmes de nos sociétés modernes est révélatrice d’une profonde crise d’intelligibilité. Cette crise touche les agents économiques qui ne comprennent pas pourquoi des modèles de comportements économiques qui fonctionnaient jusqu’ici se révèlent inopérants. Elle renforce la perception que la sphère internationale est dangereuse (et celle-ci l’est effectivement souvent). Elle remet en cause le « livre des recettes » des politiques publiques en provoquant un sentiment d’impuissance particulièrement dangereux du point de vue de l’exercice démocratique.
59En interrogeant notre capacité à agir sur le réel alors même que les changements du monde semblent s’imposer à nous, Pierre Muller analyse la manière dont se transforment les conditions du gouvernement. Il construit ainsi une théorie des cycles d’action publique dans nos démocraties et met en lumière l’émergence d’un nouveau cycle : celui de l’efficacité globale.
Science, conscience et environnement. Penser le monde complexe, Gérald Hess, Dominique Bourg (Eds), Presses universitaires de France, 2016, 328 p.
60Des conflits géopolitiques au changement climatique, des aléas de l’économie mondiale à la difficulté que j’éprouve à saisir le sens de mon existence, de la diffusion bigarrée et incontrôlable des informations sur les réseaux sociaux à ma propre participation tout aussi incontrôlable à ces réseaux, notre expérience collective personnelle et quotidienne du monde est bien celle de sa complexité. La pensée positiviste classique encore prédominante aujourd’hui n’en continue pas moins de poser que tout est réductible à la science et que les dérèglements contemporains ne sont que les résultats de nos manquements à la raison. C’est à cette posture « réductionniste » que s’oppose cet ouvrage en montrant combien il est préférable d’appréhender notre rapport au monde dans une approche qui ne néglige surtout pas les points aveugles, irréductibles, de toute connaissance humaine.