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Article de revue

Ouvrages en débat

Pages 67 à 84

Notes

  • [1]
    Biologiste et médecin allemand (1834-1914).
  • [2]
    Écologue américain (1913-2002), pionnier de l’étude écologique des écosystèmes.
  • [3]
    Botaniste britannique (1871-1955), pionnier de l’écologie des plantes.
  • [4]
    Écologue et zoologue britannique (1900-1991).
  • [5]
    Zoologue allemand (1825-1908).
  • [6]
    Entomologue américain (1844-1930).
  • [7]
    Généticien britannique (1892-1964).
  • [8]
    Zoologue et éthologue autrichien (1886-1982).
  • [9]
    Zoologue britannique (1906-1997).
  • [10]
    Biologiste de l’évolution et généticien britannique (1920-2004).
  • [11]
    Biologiste britannique de l’évolution (1936-2000).
  • [12]
    Dorst J., 1965. Avant que nature meure : pour une écologie politique, Neuchâtel/Paris, Delachaux et Niestlé.
  • [13]
    Programme initié par l’Unesco (en français, « L’homme et la biosphère »).
  • [14]
    Latour B., 1999. Politiques de la nature : comment faire entrer les sciences en démocratie, Paris, La Découverte.
  • [15]
    Gurvitch G., 1966. Les cadres sociaux de la connaissance, Paris, Presses universitaires de France.
  • [16]
    Darwin C., 1862. De l’origine des espèces, ou Des lois du progrès chez les êtres organisés, Paris, Guillaumin ; traduit de On the origin of species by means of natural selection, or the preservation of favoured races in the struggle for life, London, J. Murray, 1859.
  • [17]
    Dorst J., 1965. Avant que nature meure, Paris/Neuchâtel, Delachaux et Niestlé.
  • [18]
    Ehrlich P.R.,1968.The population bomb, New York, Ballantine Books.
  • [19]
    Morin E., 1973. Le paradigme perdu. La nature humaine, Paris, Seuil.
  • [20]
    Latour B., 1999. Politiques de la nature. Comment faire entrer les sciences en démocratie, Paris, La Découverte.
  • [21]
    Gurvitch G., 1966. Les cadres sociaux de la connaissance, Paris, Presses universitaires de France.
  • [22]
    Grant P. R., 1999 [1re éd. : 1986]. Ecology and evolution of Darwin’s finches, Princeton (NJ), Princeton University Press.
  • [23]
    Lévêque C., 2013. L’écologie est-elle encore scientifique ?, Versailles, Quæ.
  • [24]
    Zoologue anglo-américain (1903-1991) célèbre pour ses études pionnières en limnologie et certains essais marquants de l’écologie moderne.
  • [25]
    Profil démographique caractérisé par une fécondité élevée mais une longévité faible chez les stratèges « r » et par une faible fécondité mais une longévité élevée chez les stratèges « K ».
  • [26]
    May R.M., McLean A.R. (Eds), 2007 [1re éd. : 1976]. Theoretical ecology. Principles and applications, Oxford, Oxford University Press.
  • [27]
    La « sociologie » de G. Guille-Escuret semble souvent se superposer avec les sciences sociales plus généralement.
  • [28]
    L’emploi des termes « éléments de nature » permet de souligner que les relations que les individus entretiennent avec leur environnement naturel (la « nature ») sont souvent très ciblées : relations avec un animal, une forêt, un paysage, un arbre parfois.
  • [29]
    Folke C., 2006. Resilience : the emergence of a perspective for social-ecological systems analyses, Global Environmental Change, 16, 3, 253-267.
  • [30]
  • [31]
    Dobson A., 2007 [1re éd. : 1990]. Green political thought, London/New York, Routledge.
  • [32]
    Soulé M.E., 1985. What is conservation biology ? A new synthetic discipline addresses the dynamics and problems of perturbed species, communities, and ecosystems, BioScience, 35, 11, 727-734.
  • [33]
    Primack R.B., Sarrazin F., Leconte J., 2012. Biologie de la conservation, Paris, Dunod. Adaptation de Primack R.B., 1995. A primer of conservation biology, Sunderland (MA), Sinauer Associates.
  • [34]
    Stern N., 2007. The economics of climate change. The Stern Review, Cambridge/New York, Cambridge University Press.
  • [35]
    Stern N., 2009. The global deal. Climate change and the creation of a new era of progress and prosperity, New York, PublicAffairs.
  • [36]
    Malinvaud E., 1953. Capital accumulation and efficient allocation of resources Econometrica, 21, 2, 233-268.
  • [37]
    Sterner T., Persson M.U., 2008. An even Sterner review : introducing relative prices into the discounting debate, Review of Environmental Economics and Policy, 2, 1, 61-76.
  • [38]
    Muller P., 1984. Le technocrate et le paysan. Essai sur la politique française de modernisation de l’agriculture, de 1945 à nos jours, Paris, Les éditions ouvrières.
  • [39]
    Muller P., 2015. Mise en perspective. Une théorie des cycles d’action publique pour penser le changement systémique, in Boussaguet L., Jacquot S., Ravinet P. (Eds), Une « French touch » dans l’analyse des politiques publiques ? Paris, Presses de Sciences Po, 407-435.
  • [40]
    Muller P., 2015. La société de l’efficacité globale. Comment les sociétés modernes se pensent et agissent sur elles-mêmes, Paris, Presses universitaires de France.
  • [41]
    Riquois A., 1999. L’agriculture biologique, un« prototype » au service de l’agriculture conventionnelle pour un développement durable, Biofil, 7, 40-44.
  • [42]
    Sterk B., van Ittersum M.K., Leeuwis C. Wijnands F.G., 2007. Prototyping and farm system modelling. Partners on the road towards more sustainable farm systems ?, European Journal of Agronomy, 26, 4, 401-409.
  • [43]
    Fibl : Forschungsinstitut für biologischen Landbau (Institut de recherche de l’agriculture biologique). IFOAM : International Federation of Organic Agriculture Movements.
  • [44]
    Arbenz M., Gould D., Stopes C., 2015. Organic 3.0 for truly sustainable farming and consumption. Discussion papers based on think tanking by SOAAN&IFOAM Organics International and launched at the ISOFAR International Organic EXPO 2015, Goesan County, Bonn, IFOAM, http://www.ifoam.bio/sites/default/files/organic_3.0_discussion_paper.pdf.
  • [45]
    Titonell, P. 2014. Ecological intensification of agriculture– sustainable by nature, Current Opinion in Environmental Sustainability, 8, 53-61.
  • [46]
    Cf. dans ce numéro spécial l’article Lyall C., Meagher L., Bruce A., A rose by any other name ? Transdisciplinarity in the context of UK research policy, 150-162.
  • [47]
    Cf. dans ce numéro spécial l’article Lauto G., Sengoku S., Perceived incentives to transdisciplinarity in a Japanese university research center, 136-149.
  • [48]
    Cf. dans ce numéro spécial leur article, Rethinking science for sustainable development : reflexive interaction for a paradigm transformation, 72-85.
  • [49]
    Cf., par exemple, dans ce numéro spécial, l’article Serrao-Neumann S., Schuch G., Harman B., Crick F., Sano M., Sahin O., van Staden R., Baum S., Low Choy D., One human settlement : a transdisciplinary approach to climate change adaptation research, 97-109.
  • [50]
    Cf. dans ce numéro spécial l’article Popa F., Guillermin M., Dedeurwaerdere T., A pragmatist approach to transdisciplinarity in sustainability research : from complex systems theory to reflexive science, 45-56.
  • [51]
    Cf. dans ce numéro spécial l’article Boyd D., Buizer M., Schibeci R., Baudains C., Prompting transdisciplinary research : promising futures for using the performance metaphor in research, 175-184. Voir aussi dans ce même numéro Balsiger J., Transdisciplinarity in the classroom ? Simulating the co-production of sustainability knowledge, 185-194.
  • [52]
    Cf. dans ce numéro spécial son article, Reprint of “Discourses of transdisciplinarity : looking back to the future”, 10-16.
  • [53]
    Miller R.C., 1982. Varieties of interdisciplinary approaches in the social sciences, Issues in Integrative Studies, 1, 1-37. Cité par J. Thompson Klein, ibid.
  • [54]
    Cf. dans ce numéro spécial l’article Mitchell C., Cordell D., Fam D., Beginning at the end : the outcome spaces framework to guide purposive transdisciplinary research, 86-96.
  • [55]
    Cf., par exemple, dans ce numéro spécial, l’article Rosendahl J., Zanella M.A., Rist S., Weigelt J., Scientists’ situated knowledge : strong objectivity in transdisciplinarity, 17-27, et aussi Serrao-Neumann et al., op. cit.
  • [56]
    Cf. dans ce numéro spécial l’article Schauppenlehner-Kloyber E., Penker M., Managing group processes in transdisciplinary future studies :how to facilitate social learning and capacity building for self-organised action towards sustainable urban development ?, 57-71.
  • [57]
    Cf. Schauppenlehner-Kloyber et Penker, ibid.
  • [58]
    Cf. dans ce numéro spécial l’article Defila R., Di Giulio A., Integrating knowledge : challenges raised by the “Inventory of Synthesis”, 123-135.
  • [59]
    Voir dans ce numéro spécial son article, Transdisciplinary co-production : designing and testing a transdisciplinary research framework for societal problem solving, 110-122.
  • [60]
    Cf. Rosendahl et al., op. cit.
  • [61]
    Cf. dans ce numéro spécial leur article, An actor-specific guideline for quality assurance in transdisciplinary research, 195-208.
  • [62]
    Cf. dans ce numéro spécial son article, Rethinking interand transdisciplinarity : undisciplined knowledge and the emergence of a new thought style, 163-174.
  • [63]
    Hervé D., Rivière M., 2015. L’interdisciplinarité s’invite dans les systèmes complexes : les journées de Rochebrune, Natures Sciences Sociétés, 23, 1, 54-60.
  • [64]
    Bréchet J.-P., Gigand G., 2015. La perception au fondement de la connaissance. Les enseignements d’une ingénierie représentationnelle ternaire, Natures Sciences Sociétés, 23, 2, 120-132.
  • [65]
    Cf. dans ce numéro spécial son article, Utopian thinking and the collective mind : beyond transdisciplinarity, 209-216.
English version

Trois lectures d’un même ouvrage, L’écologie kidnappée, Georges Guille-Escuret, Presses universitaires de France, 2014, 360 p.

Pourquoi publier trois comptes rendus de l’ouvrage de Georges Guille-Escuret, L’écologie kidnappée ? Ce texte est pour nous important parce que l’auteur, dans la ligne des débats des années 1970 animés par Jacques Barrau, porte un regard externe sans concession (celui du spécialiste de sciences sociales) sur l’évolution de l’écologie, conditionnée par une quête de scientificité et une attention croissante portée aux demandes sociétales. Trois auteurs, l’un spécialiste des sciences humaines et sociales, les deux autres de l’écologie, ont accepté, à partir de leurs compétences et de leur itinéraire personnel, de rendre compte de ce texte.
La Rédaction

1Le titre de cet ouvrage annonce d’emblée une thèse qui ne fait pas mystère de son caractère polémique. Comme le stipulent les toutes premières lignes de la quatrième de couverture, « Les angoisses croissantes du XXe siècle devant le devenir de la nature et de ses locataires humains se sont rassemblées en un mouvement qui a récupéré le nom d’une science, l’écologie, avant d’en “corriger” le contenu », il va donc être question dans cet ouvrage du dévoiement d’une science par un mouvement hétéroclite. Pour le distinguer de la science authentique que les écologues auraient laissé se faire kidnapper, l’auteur nomme « écologisme » ce mouvement multiforme et « fuligineux ». Ainsi donc, de la suie serait venue recouvrir pour l’assombrir une science qui était destinée initialement à la synthèse et qui aujourd’hui, dispersée en de multiples spécialités techniques, en est bien incapable.

2Pour étayer cette thèse, et après une introduction et une « table d’orientation » que le lecteur fera bien de lire très attentivement, ce livre de 360 pages se divise en quatre chapitres. Le premier, « Extrait de naissance d’une science jeune », expose la raison première qui, aux yeux de Georges Guille-Escuret, peut rendre compte de cette reddition : alors que son origine se tenait tout entière dans la théorie darwinienne et qu’elle s’annonçait comme la seule science qui aurait pu en démontrer la pertinence grâce à ses méthodes rigoureuses, c’est dès ses débuts qu’elle se laissa compromettre par la métaphysique et l’idéologie du darwinisme social. Le ver était donc dans le fruit puisque très tôt Herbert Spencer, Friedrich Ratzel, et surtout Ernst Haeckel lui-même cédèrent à ces funestes sirènes. (Que le lecteur ne s’alarme pas ici du caractère quelque peu ampoulé de notre compte rendu, qui n’est fait que pour donner une idée du style très particulier de G. Guille-Escuret, dont on n’est pas certain d’avoir toujours réussi à comprendre la syntaxe contournée. Il y a assurément du ressentiment et de l’amertume dans cette écriture, sans que l’on soit en mesure de juger si cette acrimonie justifie les multiples anathèmes qu’elle profère). Et Dieu sait si ce premier chapitre consacré à l’histoire de la discipline en recèle qui n’épargnent pas les historiens (Pascal Acot, Jean-Paul Déléage ou Jean-Marc Drouin…) qui s’y sont penchés, mais qui fulminent aussi contre l’ignorance des écologues eux-mêmes, coupables de n’en rien connaître.

3Le second chapitre, « Une discipline de l’interdisciplinarité », poursuit la dénonciation des errements depuis le début du XXe siècle jusqu’à l’après-68. Il commence toutefois par mentionner les principales innovations qui vont permettre à l’écologie de s’agrandir, avant d’en venir aux problèmes que posent les compartimentages qui en résultent. On ne présentera pas toutes les avancées retenues par l’auteur, depuis August Weismann [1] jusqu’à Eugene Odum [2], Arthur Tansley [3] et Charles Elton [4], en passant par Karl Möbius [5] et Stephen Forbes [6], John B.S. Haldane [7], Karl von Frisch [8], ni tous les concepts qui en émergèrent peu à peu, par exemple ceux de biocénose, de biotope, de niche écologique ou d’écosystème… et qui sont tous devenus familiers aujourd’hui. L’écologie ainsi armée, pourrait-on dire, va-t-elle enfin pouvoir tenir ses promesses, celles de parvenir, toujours selon G. Guille-Escuret, à rendre compte de la totalité du vivant, homme compris ? L’auteur indique ici la bifurcation (qui donne son sens au titre du chapitre) qui a eu lieu entre les deux rives de l’Atlantique. Tandis que là-bas les disciplines se rapprochent et dialoguent, d’où notamment l’École de Chicago et son « écologie humaine », fort incongrue de ce côté-ci de l’océan, au contraire, la discipline se fractionne en « une multitude de fortins avec des ponts-levis jamais baissés » (p. 113). Botanistes, zoologistes, entomologistes, ornithologues, tous ne croient qu’en leurs propres méthodes et protocoles et ne tombent d’accord que sur un seul point : ne jamais accepter, chacun dans son domaine respectif, l’intrusion de l’homme ! C’est alors qu’à partir d’une forte insistance épistémologique mise sur la notion de « cadre de référence », G. Guille-Escuret en vient à désigner les deux ennemis qui vont venir pervertir l’écologie à la mesure de leur liberté à s’en affranchir : la sociobiologie et l’écologisme. Citant les principaux responsables de ce qu’il appelle le « brasier théorique des années 1960 », G. Guille-Escuret aborde d’abord l’irruption du « poison de l’écologie contemporaine » (p. 123), à savoir la sociobiologie dont Edward O. Wilson apparaît, après J.B.S. Haldane, Vero C. Wynne-Edwards [9], John M. Smith [10] et William D. Hamilton [11], comme le parangon quasi démoniaque. Complètement dominés, les écologues allaient se faire dévorer par la théorie de « l’instinct du gène ». Heureusement, échappèrent à ce marasme André-Georges Haudricourt, Clifford Geertz, André Leroi-Gourhan et Jacques Barrau, figures auxquelles l’auteur rend hommage de n’avoir jamais abandonné le point de vue d’une socioécologie sachant tenir solidement les deux versants du vivant et de l’humain. Ce point de vue aurait dû nous amener vers des contrées scientifiques heureuses si n’avait pas déboulé, deuxième ennemi tout aussi pernicieux que le premier, l’écologisme attrape-tout. Si c’est à Jean Dorst d’Avant que nature ne meure[12] que l’on doit le premier « mélodrame de l’écologisme » (p. 142), l’après-68 va voir défiler quantité d’auteurs – dont Edgar Morin, Paul Feyerabend et Claude Lévi-Strauss, particulièrement éreintés – initiant un double mouvement conjoint de « regain du scientisme préfabriquant ses réductions et d’un relativisme brocardant l’arrogance de la science » (p. 146). Reste alors à regretter, nous confie-t-il, que le programme « Man and Biosphere » (MAB [13]), si ouvert dans ses ambitions originelles, ne soit plus aujourd’hui qu’un programme de protection de la biodiversité.

4Mais c’est dans le chapitre 3, « Écologues et écologistes dans la houle des savoirs », que l’on pourra mieux comprendre ce que G. Guille-Escuret pourfend sous le terme d’écologisme. Son verbe y est encore plus acerbe et ses traits se veulent toujours plus incisifs. Il n’est pas certain cependant que ce penchant rhétorique serve le mieux la cause ; comme on le verra plus tard quand on comprendra les vraies raisons d’une colère qui vise bien davantage l’incurie des proches que les vilenies de leurs adversaires. Ainsi de cette diatribe contre Bruno Latour qui montre, me semble-t-il, que l’auteur n’a absolument pas saisi le sens profond de son travail. Au prétexte qu’aucun concept de l’écologie des écologues ne figure dans Politiques de la nature[14], il croit pouvoir tirer la conclusion qu’il ne s’agit là que d’une métaphysique entée sur un relativisme débridé réfutant la pertinence de la coupure nature/culture en même temps que celle de science/croyance. Il faudrait, nous dit G. Guille-Escuret, relire Gurvitch et ses « cadres sociaux de la connaissance [15] », comme si, on ne sait depuis quel empyrée, il était possible d’asserter sur des « genres de connaissances » qui seraient universels. Fidèle à son austérité native issue du darwinisme et de ses méthodes, l’écologie scientifique – la seule vraie écologie, selon l’auteur – restera donc toujours impuissante face aux récupérations philosophico-politiques, thèse que G. Guille-Escuret illustre par la saga autour des Néandertaliens saisis par la biologie moléculaire ainsi que par le fiasco des tentatives de faire se rapprocher les théories des écosystèmes et celles des systèmes sociaux dans les années 1980. Et il en ira de même, c’est-à-dire d’une confusion sans cesse continuée, avec les exemples qui terminent ce chapitre, tous imputés à cet écologisme moralisateur et ignorant de l’écologie, qu’il s’agisse des éoliennes, du réchauffement climatique, des OGM, du droit des animaux ou du développement durable.

5Le chapitre 4, « L’illusoire “place de l’homme dans la nature” », nous a semblé ouvrir, au contraire des dénonciations véhémentes précédentes, sur un véritable projet scientifique qui permettrait à la sociologie et à l’écologie d’aborder enfin de concert la tension permanente de l’unité biologique de l’homme et de sa diversité culturelle. Et du coup d’échapper à l’aporie pernicieuse que signale le titre du chapitre : comment définir la « place naturelle » d’une espèce dont le propre est de ne jamais tenir en place ? Les exemples qui sont cités et qui souhaitent en donner comme un avant-goût méritent d’être lus attentivement.

6Qu’il me soit permis pour conclure de m’étonner de la hargne de l’auteur à l’endroit des ci-devant écologistes. En effet, c’est bien indéniablement à eux, et quoi qu’il en soit de leur naïveté ou de leur ignorance, que l’on doit l’irruption sur la scène publique de la question fondamentale que pose la science écologique – science des relations des êtres vivants entre eux et avec leurs milieux – en tant que question proprement politique… quand elle n’exclura plus le vivant humain. Comment sans cela comprendre le succès social de ce qui est davantage une reprise (à nouveau frais) qu’une récupération ? Davantage qu’à cet écologisme fantasmé, mieux aurait valu s’en prendre à la pusillanimité d’écologues naturalistes qui, enfermés dans le développement d’une science toujours vécue comme dominée, et toujours entés sur des modèles de scientificité hétérogènes à leur objet, ont sombré dans la « mysanthropologie » (p. 227).

7Mais peut-être est-ce d’avoir exhaussé la science écologique (la socioécologie ?) au rang de reine des sciences, soit de la totalité du vivant non humain et humain, que G. Guille-Escuret ne pouvait qu’être infiniment déçu de la voir incapable de satisfaire à une telle ambition.

8On lira donc avec intérêt les dernières pages de cet ouvrage, écrit par un anthropologue, en ce qu’elles pourraient dessiner quelques pistes prometteuses d’une saine coopération pratique, modeste mais fructueuse, entre les sciences de la vie et les sciences humaines.

9André Micoud

10(Université Jean Monnet, Centre Max-Weber, Saint-Étienne, France)

11andre.micoud@sfr.fr

12***

13L’écologisme et la sociobiologie auraient « kidnappé » l’écologie scientifique tout comme le concept de biodiversité aurait opéré un hold-up sur tous les objets qui la constituent. L’accusation est forte et mérite explication, ce que l’auteur de ce livre s’efforce de faire dans les quatre chapitres de cet ouvrage.

14L’introduction, « L’écologie, science de paille », donne le ton du livre : Georges Guille-Escuret cible d’emblée le propos sur les relations entre l’homme et la nature en en déplorant la « dislocation ». Il s’appuie sur ces jalons dans l’histoire d’une écologie humaine que sont le darwinisme social, la sociobiologie (qui, pour lui, est un poison de l’écologie contemporaine), la socioécologie puis l’écologisme. Rappelant que l’écologie est une science, il déplore ce qu’il considère comme une disparition de sa substance car elle serait dépourvue d’un cadre théorique et technique efficace. Pour marquer les frontières entre écologie et écologisme, l’auteur se réfère à cet événement fondateur que fut le colloque de 1979, « Écologie et développement », qui entérina le clivage entre écologues et écologistes. Il pense que l’écologie, parce qu’elle a été déclarée sinistrée, « ne récupérera une cohérence, une crédibilité pratique […] qu’en renonçant à refouler les excentricités de l’humain dans des appendices ou des fourre-tout ».

15Après une « table d’orientation » où se dévoile le parti de l’auteur de ne considérer que la dimension anthropologique ou sociologique de l’écologie, le premier chapitre intitulé « Extrait de naissance d’une science jeune » décrit la genèse et l’histoire de la discipline. Il le fait en partant des premières intuitions sur le fait évolutif proposées par Linné puis par Lamarck dont l’opportune citation de certains passages rappelle la légitimité des réflexions qui préfigurent l’écologie. L’analyse n’hésite pas à positionner L’origine des espèces[16] de Darwin comme « la première théorie écologique de l’évolution », laquelle repose sur ces trois piliers que sont « la lutte pour l’existence », « la sélection naturelle » et « la place dans la nature ». De belles citations de Darwin illustrent de façon convaincante l’indiscutable paternité de ce dernier dans la naissance de l’écologie, l’auteur parlant même d’« écologie darwinienne » dont il ne se prive d’ailleurs pas de déplorer la « faiblesse de l’héritage ». Fidèle à une posture qui se veut polémique, G. Guille-Escuret ne manque pas d’afficher le malaise qu’il ressent devant l’avalanche de fresques sur l’écologie et son histoire tout en saluant la richesse et la diversité des informations apportées par certains historiens de l’écologie tels que Pascal Acot, Jean-Paul Deléage ou Jean-Marc Drouin. S’agissant de la rhétorique récurrente de la place de l’homme dans la nature, Ernst Haeckel est accusé d’être « réducteur », affirmation osée quand on connaît la complexité et la richesse des discours de ce dernier dont ne sauraient rendre compte les extraits que l’auteur rapporte de ses textes.

16Le deuxième chapitre, « Une discipline de l’interdisciplinarité », rappelle le cadrage fondateur opéré dans le domaine de l’évolution par August Weismann et les néo-darwiniens, reconnaissant ipso facto la légitimité de la génétique dans le débat. Ainsi introduit, ce chapitre souligne la place majeure de l’évolution dans le propos de l’auteur qui reconnaît le darwinisme comme le « système nerveux central » et « l’organe vital » de l’écologie. Mais l’interdisciplinarité dont il est question ici n’a de sens pour lui que si son centre de gravité reste l’écologie humaine marquée dans les années 1960 par l’entrée en scène fracassante de l’écologisme et les mises en garde de ces prophètes de malheur que seraient Jean Dorst, auteur d’Avant que nature meure[17], Paul Ehrlich, qui écrivit The population bomb[18] ou Edgar Morin avec Le paradigme perdu : la nature humaine[19].

17Le troisième chapitre, « Écologues et écologistes dans la houle des savoirs », débute par une vigoureuse critique de l’ouvrage de Bruno Latour, Politiques de la nature[20], pour s’attarder plus complaisamment sur celui de Georges Gurvitch, Les cadres sociaux de la connaissance[21]. Il y est question là encore des tensions/complémentarités entre écologie et écologisme, ainsi que du processus de production du savoir. L’auteur navigue d’un sujet à l’autre, d’Hiroshima à Fukushima, de l’homme de Néandertal à Homo sapiens, ou encore des OGM à la malbouffe.

18Le quatrième chapitre, « L’illusoire “place de l’homme dans la nature” », est au cœur du débat nature/culture, discutant certains concepts d’écologie classique tels qu’autoécologie versus synécologie ou le couple biocénose/niche. La place de l’homme dans la nature est analysée sous l’angle d’une dualité classificatoire versus fonctionnelle des espèces dans l’ordre darwinien avant d’être posée en victime de l’écologisme militant. Un essai sur la diversité des niches humaines est proposé à partir des modes de vie de peuples africains où la culture étire la niche écologique de l’homme et la divise en une multitude de niches socioécologiques. C’est dans ce chapitre aussi qu’apparaît la rhétorique sur la biodiversité qui, d’après l’auteur, ne relève pas de l’écologie mais de la biogéographie et « laisse l’écologie sur la touche ».

19La thèse de G. Guille-Escuret est qu’une multitude de « kidnappeurs » se sont ligués pour confisquer l’écologie, laquelle serait au bord de l’asphyxie. Cette vision pessimiste d’une science en miettes est alimentée par l’accusation de tous ceux, Darwin et Haeckel en tête, qui auraient trahi leur mission d’encadrer et de gérer une représentation générale de la nature. Au total, grâce à la culture historique et épistémologique de son auteur, l’ouvrage s’avère être une intéressante analyse du cheminement des idées à travers les XIXe et XXe siècles, car il rend bien compte des tensions et des contradictions entre science et idéologie. Certains développements et filiations historiques sont finement analysés bien que parfois discutables : c’est le cas, par exemple, des approches de John B.S. Haldane et William D. Hamilton en passant par celles de Vero C. Wynne-Edwards et de John M. Smith, qui traitent tour à tour de la sociobiologie, de la sélection de groupe, puis de la sélection de parentèle, et entre lesquelles est établie une continuité. S’appuyant sur Karl Popper qui contesta un temps la légitimité scientifique de la théorie de l’évolution du fait de la non-réfutabilité des hypothèses qu’elle avance, l’auteur risque de mettre dans l’inconfort la communauté scientifique : beaucoup d’eau, en effet, a coulé sous les ponts depuis les premières prises de position de Popper et mille études de cas ont définitivement validé la théorie (l’une des plus populaires est la démonstration par Peter et Rosemary Grant [22] – Guille-Escuret ne la cite pas) de « l’évolution en marche » sur les pinsons de Darwin.

20Ce livre est intéressant et original mais difficile à lire. S’agissant d’un sujet aussi sensible et multiforme, l’adhésion au propos ne peut être inconditionnelle d’autant plus que le style est caustique et polémique. Si la frontière entre science et décision politique est clairement et opportunément balisée, tout comme l’absence totale de contenu moral dans la réalité des faits biologiques, l’auteur laboure à longueur d’ouvrage, et de façon presque exclusive, le champ complexe des relations entre société humaine et systèmes écologiques, la fameuse rhétorique de la place de l’homme dans la nature. Le vocabulaire le montre bien quand « l’examen des niches écologiques mène à une sociologie de la nature, quand celui des écosystèmes se tourne vers une économie ». En ce qui concerne l’écologie générale non anthropocentrée, G. Guille-Escuret règle abruptement la question en affirmant que « l’écologie produit de nos jours une diversité phénoménale de données qu’elle a le plus grand mal à situer les unes par rapport aux autres, parce que le rattachement aux principes natifs se perd » et que « l’accélération considérable des trouvailles majeures entre 1930 et 1970 [fut] suivie d’un brusque ralentissement »… ! Beaucoup seront perplexes à l’idée que l’écologie est « prise en tenailles entre un scientisme qui entend l’inféoder à des lois universelles […] et une métaphysique qui prétend extrapoler ses résultats ». En prétendant qu’après le formidable élan théorique des années 1960 a succédé une mise en sommeil qui se prolonge de nos jours, on peut se demander à quelle écologie se réfère l’auteur et quelle réponse il donne à ce questionnement, titre d’un livre de Christian Lévêque : L’écologie est-elle encore scientifique ?[23]. Ainsi réduit, le discours sur l’écologie scientifique passe à côté des enjeux et des formidables développements que cette dernière a connus au cours des dernières décennies.

21Car certaines prises de position pour le moins surprenantes témoignent d’une culture écologique très particulière, qui fait l’impasse sur la succession kuhnienne des paradigmes qui ont caractérisé l’essor de l’écologie dans la seconde moitié du XXe siècle, la faisant passer du statut d’histoire naturelle à une science hypothético-déductive soumise aux règles de l’expérimentation. S’agissant, par exemple, de ce pan historique de l’écologie qu’est l’écologie des communautés, on ne trouve nulle trace de ce bouleversement conceptuel que fut la substitution du paradigme probabiliste des déséquilibres permanents introduit par Donald Strong, Daniel Simberloff (non cités) et leurs collègues à celui, déterministe, des équilibres dynamiques issu de la théorie de la niche de George Evelyn Hutchinson [24]. Sachant le rôle éminent de ce dernier dans l’épanouissement de l’écologie scientifique, il est surprenant de lire que la niche de Hutchinson « ne débouche sur aucune mise en chantier immédiate », alors que les milliers de travaux qu’il a suscités et le spectaculaire renouveau de la théorie écologique sont à mettre au crédit de cet esprit lumineux.

22Pour prendre un autre exemple, celui de la biologie des populations, à une simple cinétique démographique décrite par les seules équations de croissance numérique des années 1950 fut incorporée dans les années 1960 la notion de pressions de sélection sur les paramètres r et K[25], les fameuses stratégies démographiques. Puis, les théories d’histoire de vie apparurent dans les années 1970 pour ouvrir la voie, dans les années 1980, à une véritable biologie intégrative des populations reposant sur ces quatre piliers que sont l’écologie évolutive, la génétique des populations, l’écophysiologie évolutive et l’écologie comportementale. Comment, enfin, ne pas rappeler les spectaculaires avancées conceptuelles favorisées par l’émergence de la macroécologie et la puissance des outils moléculaires et statistiques pour reconstituer les phylogénies, pister les organismes dans le temps et dans l’espace, procéder à des inventaires à l’aide des codes-barres génétiques, conférant à l’écologie évolutive une puissance d’investigation encore inimaginable au tout début de ce siècle, et ce, à toutes les échelles de temps et d’espace.

23Pessimiste sur ce champ de recherche qu’est l’écologie moderne et se méprenant sur son contenu, sans doute parce qu’il est trop vaste pour être aisément appréhendé, l’auteur l’est aussi sur la communauté scientifique dont il dénonce la désaffection vis-à-vis de la connaissance scientifique au profit de la connaissance technique et subissant une domination abusive de la génétique (qualifiée de « technoscience »). Il n’est que de parcourir les thèmes de recherche tels qu’ils apparaissent aujourd’hui dans les programmes des congrès de la British Ecological Society, de l’Ecological Society of America ou de la jeune et vigoureuse Société française d’écologie pour se convaincre de la cohérence et de la pertinence de l’écologie moderne.

24Décidément sévère envers l’écologie scientifique – « On ne saurait imputer les infirmités de l’écologie aux perturbations causées par l’écologisme. » –, G. Guille-Escuret l’est tout autant pour l’écologisme dont il dénonce « l’incapacité existentielle à faire mieux que produire des rêves irréalistes ». Il reste qu’en dénonçant les provocations ostentatoires de l’écologisme, l’auteur souligne avec raison le tort ainsi causé à l’écologie universitaire. Au terme de la lecture de cet essai iconoclaste, on se demande quel message il a voulu faire passer à travers ce titre déroutant. La leçon qu’on peut en tirer est qu’il reste à écrire une épistémologie de l’écologie telle qu’elle est pratiquée et vécue aujourd’hui par la communauté scientifique.

25Jacques Blondel

26(CNRS, CEFE, Montpellier, France)

27Jacques.blondel@cefe.cnrs.fr

28***

29Dans l’ouvrage L’écologie kidnappée paru en 2014 aux presses universitaires de France, Georges Guille-Escuret propose sa vision de la place de la recherche en écologie dans les paysages scientifiques et politiques français. Dans un texte touffu et parfois un peu ardu, il s’inquiète d’une baisse de visibilité de l’écologie scientifique vis-à-vis de ce qu’il nomme « l’écologisme » pour désigner l’écologie en tant que courant politique. Il en appelle à la constitution d’une « écologie humaine », qui travaillerait en même temps sur les dynamiques des relations des humains avec la nature et des humains entre eux.

L’écologie est une science

30L’auteur définit l’écologie comme une « science des relations », qui étudie des processus. Cette posture épistémologique nouvelle se détache de ce qu’il appelle « naturalisme », qui s’attache plutôt à décrire des objets et des situations. Pour ce faire, l’écologie développe un grand nombre d’approches théoriques, qui participent en retour à la construction de cette science. La première théorie unificatrice de l’histoire de l’écologie est la théorie darwinienne de l’évolution, qui se propose d’expliquer l’état actuel de la nature par des processus évolutifs liés à la sélection naturelle.

31L’auteur explique que les relations étudiées par l’écologie se mettent en œuvre à toutes les échelles du vivant, ce qui donne à l’écologie une ambition d’holisme, c’est-à-dire d’explication du vivant dans sa globalité. Contrairement à d’autres disciplines scientifiques, l’écologie refuse donc tout réductionnisme.

32L’auteur insiste sur le fait que, comme toute science, l’écologie est très vigilante à bien définir ses propres cadres de référence, définis comme des « portions délimitées du réel (temporel et/ou spatial) qui confèrent son sens à une question ». Les résultats et les théories promulgués en écologie ne sont valables qu’à l’intérieur de ces cadres de référence, et l’auteur reconnaît que les écologues font preuve d’une grande prudence dans ce domaine. De façon corollaire, les écologues restent attentifs à tout résultat ou donnée qui questionnerait la validité des cadres de référence posés, voire remettrait en cause une théorie existante. Or, s’il reconnaît que l’écologie est en perpétuel mouvement, l’auteur regrette qu’elle se soit laissé engloutir par des lois mécanistes telles que la thermodynamique, oubliant par là même le rôle des événements aléatoires. Certes, les écologues cherchent des lois explicatives aux processus observés, mais un grand nombre de travaux récents en écologie s’éloignent des explications purement mécanistes en prenant en compte les événements aléatoires dans l’étude des processus écologiques (voir, par exemple, May et McLean [26], 2007).

33De façon similaire, la sociologie [27] est, pour l’auteur, une « science des relations ». L’écologie et la sociologie ont eu dans l’histoire récente plusieurs occasions de se rencontrer et de coconstruire de nouvelles histoires, qu’elles auraient gâchées pour plusieurs raisons : chaque discipline attend de l’autre qu’elle se plie à ses propres cadres de référence ; les chercheurs ne font pas assez d’efforts pour s’intéresser un minimum aux objets d’étude de l’autre discipline ; l’écologie, enfin, n’a pas peur de travailler à partir de cas précis sans toujours chercher de constantes mais en acceptant par principe la diversité des contextes (ce que l’auteur appelle « démarche centrifuge ») alors que la sociologie cherche à développer des modèles parfaits et symboliques, en dénigrant les approches trop appliquées. Selon G. Guille-Escuret, l’« écologie humaine », discipline qui étudierait les dynamiques croisées écologiques et sociales, n’est pas à ce jour reconnue. En effet, il reprend les termes de Jacques Barrau en concluant presque son ouvrage par la phrase suivante (p. 319) : « Les changements de relation entre les hommes et la nature sont indissociables des changements de relation entre les hommes eux-mêmes ». Cette affirmation, si elle désigne des manques flagrants dans les sciences actuelles, devrait cependant être complétée par « et des changements de relations entre les éléments de nature [28] », de façon à rendre toutes les entités symétriques dans ce que beaucoup d’auteurs récents appellent les systèmes socioécologiques (par exemple Folke, 2006 [29]). Ainsi, contrairement à ce que l’auteur laisse entendre (depuis les années 1970 l’écologie ne prend pas en compte les humains), de multiples initiatives internationales et nationales s’attachent à analyser et à comprendre ces dynamiques couplées : les réseaux des LTER (Long Term Ecological Research, ou Zones ateliers en France) et le réseau Resilience Alliance [30] sont deux exemples emblématiques. Des journaux interdisciplinaires abordent ces questions également, que ce soit à partir de l’écologie ou des sciences sociales. De même, le programme « Man and Biosphere » (MAB) de l’Unesco, né en 1971, reste beaucoup plus ambitieux et performant que la description qu’en donne G. Guille-Escuret.

L’écologie glisse dans la société

34Contrairement à des disciplines scientifiques très techniques et difficiles d’accès (les technosciences), d’une part, et à des disciplines très théoriques qui ne s’attaquent pas aux fondements de la vie de chaque individu (par exemple les mathématiques), d’autre part, l’écologie semble accessible à tous à la fois par son vocabulaire et par ses objets d’étude (le vivant). C’est pourquoi, selon l’auteur, cette discipline est particulièrement sujette aux récupérations de toutes sortes, notamment idéologiques. Ce qui n’a pas manqué de se produire tout au long de l’histoire récente. Il en donne au moins deux exemples : le darwinisme social et la sociobiologie.

35Dans le darwinisme social, les théories de l’évolution (« la lutte pour la vie ») proposées pour expliquer une évolution passée des espèces sont mobilisées pour expliquer les compétitions sociales entre individus humains. Ici, une théorie explicative d’événements passés est transformée implicitement en système prescriptif de ce qui peut et doit se passer, en sortant du cadre de référence et de validité de la théorie darwinienne. La sociobiologie postule plus largement que les comportements sociaux, notamment la sélection de parentèle (deux individus qui partagent des gènes ont plus tendance à collaborer pour des raisons évolutives), peuvent s’expliquer par la théorie de l’évolution. L’auteur critique ces deux approches avec la même virulence, les qualifiant de façon très péjorative d’idéologies et reproche aux écologues de ne pas lutter assez vigoureusement contre elles.

36Or, ces deux phénomènes ne sont pas tout à fait comparables : si le darwinisme social est une récupération de théories scientifiques dont le but est de servir une cause politique (l’amélioration de l’espèce humaine et l’eugénisme), la critique virulente de la sociobiologie rejoint, en France en tout cas, une querelle sans cesse renouvelée entre l’inné et l’acquis. La thèse selon laquelle les comportements animaux et humains peuvent à la fois être transmis (transmission génétique ou épigénétique [effets parentaux non liés à la molécule d’ADN]) et acquis, ainsi que l’étude de la part relative des deux modes de transmission sont totalement admises dans la communauté scientifique (y compris et surtout par l’écologie comportementale, contrairement à ce que l’auteur affirme). Les acquis de l’anthropologie de la nature nous invitent actuellement à prendre un peu de distance vis-à-vis des catégories nature/culture qui sous-tendaient les conflits virulents opposant les interprétations reposant sur l’inné ou sur l’acquis.

37Dans la même veine, G. Guille-Escuret dénonce l’écologisme qui, pour lui, « vise constamment à s’emparer du programme dans son entier et à revendiquer le contrôle de sa structure » (p. 21). Il regrette que les scientifiques aient préféré se réfugier dans leur science en adoptant massivement le nom d’« écologues » proposé par Charles Sauvage en 1979. Or, d’une façon qui peut sembler contradictoire, l’auteur insiste sur l’importance de bien séparer la connaissance scientifique de la connaissance politique, la seule « connaissance socialement ultime et décisive » (p. 186). En outre, sa définition du mot « écologisme » reste floue : le terme, jamais défini, est parfois remplacé par « les Verts » ou « les décroissants », laissant croire à une équivalence stricte ; il en va de même pour « idéologie », alors que de nombreux travaux de sciences et de philosophie politiques s’attachent à bien comprendre les liens qui existent entre tous ces courants et la réalité écologique de la crise (par exemple Dobson [31], 2007).

Appel à une « écologie humaine »

38L’auteur appuie son appel à une « écologie humaine » par une critique virulente et étayée de l’expression « place de l’homme dans la nature », qu’il attribue notamment aux écologistes (mais aussi aux écologues) en recherche d’une morale ou d’une moralisation des relations des humains à la nature. Cette critique est tout à fait légitime scientifiquement, comme il est tout à fait illusoire de chercher à tout prix des universaux dans ces relations entre les humains et la (ou les) nature(s). Ces relations sont bien sûr dépendantes des contextes et restent très dynamiques.

39Cependant, affirmer que ces questions ne sont pas abordées par l’écologie depuis près de 40 ans est tout à fait discutable : cela revient à passer sous silence la biologie de la conservation dont l’objectif affiché, depuis les années 1980, est de travailler à ces relations, dans une perspective impliquée socialement (Soulé, 1985 [32], Primack et al., 2012 [33]). G. Guille-Escuret peut, à bon droit, ne pas adhérer à l’engagement et aux principes de cette science, mais il est très étonnant qu’il ne l’évoque pas une seule fois. Sa lecture de la biodiversité traduite par une série de « traits saillants » (p. 257-258) ne peut être partagée par les biologistes de la conservation.

40Pour finir, l’auteur emploie tout au long du livre le mot « homme » dans son sens générique, pour désigner indistinctement l’espèce humaine, une ou des sociétés humaines, un ou des individus. Au-delà de ces imprécisions, l’emploi du masculin dans une démarche globalisante est maintenant discuté dans les recherches sur le genre. Éviter d’employer ce terme dans ce sens-là et clarifier les concepts employés pourraient être une voie complémentaire de pacification des débats.

41Anne-Caroline Prévot

42(CNRS, UMR7204 Cesco, Paris, France)

43acpj@mnhn.fr

Des savants pour protéger la nature. La Société d’acclimatation (1854-1960), Rémi Luglia, Presses universitaires de Rennes, 2015, 434 p.

44Il suffit d’avoir l’ouvrage en main pour en identifier l’origine. Son titre, sa facture d’ensemble : table des matières extrêmement détaillée, précision et richesse des appareillages documentaires (liste de sources originales, bibliographie bien structurée et très fournie) et des outils de lecture (index, liste des figures, tableaux et cartes), tout donne à penser qu’il s’agit au départ d’une thèse. Et qui plus est d’une thèse d’historien avec ce que cela implique d’exigence quant à la quête des archives jusque-là non explorées, et à la nécessité, à travers la périodisation (en l’occurrence, sur la base d’un découpage en trois périodes solidement étayé), de situer les interprétations qui en sont tirées dans le contexte de l’époque. C’est ce que confirme la préface de Jean-Noël Jeanneney qui a dirigé la thèse et se félicite de son aboutissement en un ouvrage dont il salue les apports. La façon dont il les commente mérite déjà en soi attention. L’intérêt de ce travail pour les historiens et pour l’histoire de la question qu’il aborde est confirmé par une postface d’Éric Baratay, professeur d’histoire contemporaine. Ces appréciations permettent de bien préciser d’emblée le propos de Rémi Luglia et de le situer dans le cadre général qui lui donne son sens : contribuer à une histoire française de la protection de la nature. L’on ne peut qu’acquiescer à la remarque centrale qui ressort de ces deux commentaires, à savoir que ce travail comble un vide préjudiciable à une bonne appréhension de la façon dont cette question est aujourd’hui abordée en France. De ce point de vue, le choix de mettre pleins feux sur la Société d’acclimatation est on ne peut plus heureux, car sa longévité et ses objectifs font d’elle la colonne vertébrale de cette histoire. L’ouvrage illustre à merveille l’intérêt de l’historiographie la plus soucieuse d’entrer dans le détail pour retracer en finesse les évolutions de ladite Société et pour en comprendre les raisons. L’auteur a d’autant plus de mérite de se livrer à cet exercice qu’il doit jongler avec les sources pour pallier les manques de celles de la Société d’acclimatation elle-même (il attire ce faisant l’attention sur le problème général de la carence en matière de conservation des archives privées dont dépend la mémoire collective). Grâce à l’énorme travail qu’il a réalisé, le lecteur revit l’histoire de la Société sous tous ses aspects.

45À travers les portraits de ses dirigeants et les effectifs et statuts sociaux de ses adhérents, il découvre l’évolution de la place qu’elle occupe dans la société française et de ses rapports avec l’État – et plus, largement, avec le monde politique. Un des grands intérêts de cette reconstitution est de faire connaître – pour ne pas dire, pour certains d’entre eux au moins, de mettre à l’honneur – des personnages qui ont été des précurseurs. Il est aussi frappant de saisir à quel point la création de la Société, en 1854, est en phase avec l’état d’esprit « modernisateur » du Second Empire. Nous sommes loin – pour ne pas dire aux antipodes – du caractère critique, par rapport à cette modernité, du questionnement actuel. Tout l’enjeu, si l’on peut dire, de cette histoire est précisément le passage de la doctrine de l’« acclimatation » à celle de la « protection ».

46C’est bien cette transition qui constitue le cœur de l’ouvrage. À travers la présentation des activités de la Société, et des débats qui les traversent, le lecteur vit en direct les contradictions et les flottements dans sa doctrine ; et donc, puisqu’elle est le lieu où il se cristallise, les ambiguïtés dans le débat d’idée tel qu’il évolue au niveau national. Le florilège des citations sur lesquelles l’auteur s’appuie constitue à soi seul un précieux corpus de textes éclairant sur la façon dont l’idée d’une nature à protéger en elle-même se greffe progressivement sur l’objectif initial de la Société, qui était d’en utiliser les ressources « exotiques » en les « acclimatant » en France. L’intérêt de cette reconstitution est qu’elle montre bien que cette évolution procède d’un véritable travail d’observation scientifique (dont la Société bénéficie grâce à ses rapports étroits avec le Muséum national d’histoire naturelle [MNHN]), comme il doit en aller dans une « société savante ». La conclusion qui découle de la lecture de ces pages est que les termes des débats actuels sont énoncés dès le milieu du XIXe siècle et que ces débats s’enrichissent au sein de la Société d’acclimatation dès la seconde moitié de ce même siècle au point de remettre en question ses objectifs initiaux, et même de constater leur échec.

47Le second grand apport de l’ouvrage est de retracer, toujours avec la même précision, l’histoire des conditions matérielles d’existence de la Société, dimension essentielle, s’il en est, à sa capacité d’agir. C’est un autre angle d’attaque – institutionnel celui-ci – pour lui donner sa place dans la société française. Son entregent est avant tout fondé sur ses relations avec le MNHN, avec les élites politiques, avec l’État. La présence notable, jusqu’à la fin du XIXe siècle, de grands propriétaires fonciers parmi ses adhérents illustre une vocation initiale à l’opposé de ce qu’il en adviendra par la suite. L’évolution du nombre, et du statut social, de ces adhérents et de ses budgets fait apparaître une histoire comportant de sérieuses vicissitudes. Ces vicissitudes illustrent la difficulté de « tenir » (car c’est bien d’un combat qu’il s’agit) et d’assurer la continuité du travail d’observation – et de la réflexion qu’il nourrit – dans les contextes éprouvants d’une histoire de France tumultueuse.

48La grande vertu de l’ouvrage est de remettre en cause la vision qui domine aujourd’hui d’une irruption récente (disons : datant des années 1970) des thématiques (et notamment de celle de la destruction des ressources naturelles) nourrissant la question de la protection de la nature. Il met au contraire en évidence la dialectique subtile qui naît dès le milieu du XIXe siècle au sein des communautés scientifiques naturalistes entre l’idée d’intensifier l’usage de ces ressources et la prise de conscience des fausses pistes et des excès auxquels elle conduit. L’analyse fine qu’il nous offre de la longue maturation qu’il faut pour que cette dialectique se construise a le grand mérite de nous sortir d’une vision manichéenne des rapports des sociétés humaines à la nature, pour nous sensibiliser au contraire à la contradiction interne incontournable sur laquelle ils reposent, et que soulève leur mise en œuvre. C’est la forte et rapide aggravation de cette contradiction, augmentée de son extension à l’échelle mondiale, qui conduit aujourd’hui, à juste titre, à exacerber la question de la protection de la nature et à en faire un des grands problèmes auxquels nos sociétés contemporaines, et l’humanité prise comme un tout, sont confrontées.

49Mais il n’en est que plus indispensable de se demander quels enseignements sont à tirer du travail méthodique, produit sur le long terme, dans le cadre d’une association qui réunissait tous les scientifiques concernés de la période (ici, le rôle joué par le MNHN apparaît central), pour penser cette question aujourd’hui. Et c’est là qu’est, sans doute, le point fort de ce livre. Il nous fait entrer dans la démarche collective adoptée par ces pionniers ; il nous permet d’en suivre les méandres, d’en souligner les contradictions, de montrer comment elles se nourrissent les unes les autres dans la tentative faite pour trouver un fil conducteur, et pour en venir, finalement, à remettre en cause les prémisses mêmes de leur entreprise. La grande différence avec aujourd’hui est que leurs débats restaient largement (largement, mais pas totalement, il faut le souligner, car ils débouchaient aussi sur des actions, y compris reconnues sur le plan politique) confinés dans les enceintes académiques associatives. Mais c’est précisément ce qui fait l’intérêt de cette histoire. Elle attire l’attention sur deux points qui méritent tout particulièrement d’être soulignés aujourd’hui. Le premier est le fait que ces pionniers aient eu la volonté contre vents et marées de maintenir ouverte une question qui était alors pour le moins marginale dans les préoccupations sociétales ; l’histoire de la Société d’acclimatation, y compris et surtout même à travers les flottements de sa réflexion et de son action, est une belle illustration du rôle pionnier de la recherche dans la formulation de problèmes mettant en jeu à la fois des connaissances scientifiques et des objectifs économiques. Le second concerne l’itinéraire des débats scientifiques que l’ouvrage retrace ; on peut en effet y voir un exemple remarquable du passage d’une recherche appliquée à une recherche impliquée, c’est-à-dire une recherche qui a su soumettre, pour les remettre en cause, ses attendus utilitaires initiaux à l’épreuve de leurs conséquences. Et qui l’a fait tout en gardant l’esprit qui l’animait initialement, à savoir le souci d’établir avec la nature des rapports qui soient d’abord fondés sur une connaissance, et une reconnaissance, de ce qu’elle est.

50Ce livre est donc désormais un ouvrage de référence. Il n’est à présent plus possible de faire l’impasse sur ce siècle de maturation de la question de la protection de la nature en France lorsque l’on s’y intéresse. Le lecteur se prend à regretter que l’auteur se soit arrêté en si bon chemin (1960), tant il sent la distance entre l’histoire qui lui est contée et le présent, marqué notamment par le grand tournant des années 1970. Il a d’autant plus envie de faire le pont qu’à travers la Société nationale de protection de la nature, héritière historique de la Société d’acclimatation, et la place centrale qu’elle occupe en France, c’est largement la même histoire qui continue.

51Marcel Jollivet

52(CNRS, Ladyss, Nanterre, France)

53marcel@u-paris10.fr

Why are we waiting ? The logic, urgency, and promise of tackling climate change, Nicholas Stern, The MIT Press, 2015, 448 p.

54En 2006 a été rendue publique par le gouvernement britannique la Stern review on the economics of climate change[34] ; ce rapport a profondément marqué dans le monde entier les débats sur le changement climatique. En 2009, Nick Stern a publié The global deal. Climate change and the creation of a new era of progress and prosperity[35] ; destiné à un public large, c’est un ouvrage agréable à lire mais dont l’ambition consensuelle et l’optimisme sont un peu forcés. Dans Why are we waiting ?, l’optimisme n’est pas absent et la volonté de convaincre est forte. Mais l’analyse n’en est pas moins lucide et tranchante : la situation est très grave, il explique pourquoi ; on peut encore changer le cours des choses, il montre comment ; mais si l’occasion est manquée maintenant, elle ne se représentera pas. Le livre est écrit pour ceux qui aujourd’hui peuvent encore – chacun à sa mesure – agir pour écarter des perspectives plutôt sinistres qui bouchent l’avenir de « our children and grandchildren » auxquels le livre est dédié.

55Sur la base des enseignements des sciences du climat et de la Terre, l’auteur montre dans la première partie du livre en quoi « la mise dans le jeu qui se joue est colossale pour les occupants de la Terre ». Il souligne ensuite le contraste entre la trajectoire de développement sur laquelle nous sommes et au bout de laquelle nous perdrons la mise, et une trajectoire largement libérée du carbone et assurant de nouvelles et plus équitables formes de prospérité. Que les ressources scientifiques et techniques pour cette conversion existent, ou soient à portée de main moyennant un effort de R&D raisonnable, ne semble pas faire de doute. Que les sociétés humaines soient capables de mobiliser et diffuser ces ressources est beaucoup plus douteux ; ce sont en effet des comportements qu’il faut transformer, des institutions qu’il faut réformer. Mais on n’a pas le choix, il faut s’y mettre sans perdre davantage de temps. Comment ? C’est l’objet des deuxième et troisième parties, cette dernière explorant l’arène internationale.

56Les instruments de politique économique préconisés dans la deuxième partie sont, sans surprise, issus de l’économie publique (en particulier instruments fiscaux pour réorienter les comportements), d’une part, des analyses schumpétériennes des processus d’innovation, d’autre part. Le rôle des modèles économiques pour éclairer et évaluer les choix de politique économique fait l’objet d’une grande attention dans cette deuxième partie. L’auteur critique durement, à juste titre me semble-t-il, cette majorité d’économistes qui n’ont pas voulu reconnaître que le décalque de leurs méthodes habituelles de modélisation dans le champ du climat est profondément trompeur, et conduit en particulier à systématiquement sous-estimer les dommages en vue. La critique vaut particulièrement pour les méthodes de choix intertemporels (voir ci-dessous). Cette deuxième partie consacre aussi une place importante à l’articulation entre décisions de politique économique et critères éthiques d’action collective, mettant en évidence une convergence sur l’urgence d’un effort global de maîtrise des principaux facteurs de changement climatique.

57Les divergences entre nations en matière d’action climatique et les tentatives de coopération internationale pour les surmonter dans un effort collectif qu’on voudrait cohérent sont examinées dans la troisième partie. Cela conduit l’auteur à s’interroger sur les perspectives de la COP21, la Conférence des Nations unies sur le climat à Paris en décembre 2015. Il ne faut pas en attendre la fixation pour chaque nation d’obligations chiffrées de réductions de ses émissions de gaz à effet de serre ; Paris ne sera pas un second Kyoto. Ce qu’en revanche on peut en attendre c’est la contractualisation d’engagements volontaires, conçus non comme des aboutissements, mais comme des tremplins vers des engagements ultérieurs plus exigeants, dans le cadre d’un processus de vérification obligatoire et de pression à la progression des efforts. Ainsi s’établirait une crédibilité de la décarbonisation des économies, sur laquelle pourraient s’appuyer les acteurs, privés comme publics, pour justifier et mettre en œuvre leurs processus de transition spécifiques.

58Le livre est issu des Lionel Robbins Lectures présentées en 2014 par Nick Stern à la London School of Economics and Political Science. Il est donc normal que certains passages, essentiellement dans la deuxième partie, comportent des développements mathématiques non triviaux mais nécessaires. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne la grande querelle autour des méthodologies dominantes et abusives d’actualisation dans les choix intertemporels. La Stern review tournait autour de l’obstacle – qui est que l’actualisation telle que généralement pratiquée efface les effets au-delà d’un moyen terme assez proche – en utilisant un taux d’actualisation très faible, ce qui a déclenché une avalanche de critiques ironiques ou indignées dans le monde des économistes. Dans le présent livre, l’auteur montre en quoi cela reste insatisfaisant, et pourquoi il est préférable de s’inspirer d’un courant de pensée, encore très minoritaire, qui est issu de l’article majeur d’Edmond Malinvaud dans Econometrica[36]. Alimenté plus tard par des contributions de Marcel Boiteux et Roger Guesnerie, ce courant a conduit à « An even Sterner review : introducing relative prices into the discounting debate [37] », où Thomas Sterner (professeur à l’Université de Göteborg et professeur invité au Collège de France, automne-hiver 2015) montre quels changements radicaux il obtient par rapport aux conclusions de l’actualisation traditionnelle. Mais de quoi s’agit-il ? L’idée de base est la suivante : si on anticipe que des secteurs différents de l’économie connaîtront dans l’avenir des évolutions significativement différentes, l’utilisation d’un taux d’actualisation unifié n’a de sens qu’accompagnée par l’utilisation concomitante, pour chaque secteur, d’une trajectoire de prix anticipés reflétant ses spécificités. Cas central en matière d’environnement et de climat : capital naturel versus capital fabriqué.

59En conclusion de l’ensemble des observations ci-dessus : ce livre récent de Nick Stern mérite que chacun prenne le temps d’une lecture, au moins partielle, attentive. Solidement documenté et structuré, il est en outre d’une lecture agréable, y compris dans les développements techniques. Il est lucide, certainement pas désespérant. À mes yeux cependant, c’est quand même « la dernière station avant l’autoroute », une autoroute où il n’y a pas de station de secours.

60Claude Henry

61(Columbia University, Sipa, New York, États-Unis)

62ch2396@columbia.edu

Construire l’innovation durable. Les instruments de la gestion environnementale, Jeanne Riot, Presses des mines, 2014, 214 p.

63L’analyse du cycle de vie (ACV) et le bilan carbone (BC) sont les deux instruments les plus couramment utilisés par les entreprises pour évaluer leur impact environnemental et adapter leur organisation. L’ouvrage étudie six cas d’entreprises qui ont recouru à ces instruments. Son originalité tient au fait que l’auteure est parfois intervenue comme consultante, à d’autres reprises dans une démarche d’observation participante. Elle peut dès lors rendre compte des processus par lesquels les entreprises s’approprient ces outils, et pas seulement évaluer leur performance. Cela lui permet de dépasser les limites des études courantes qui restent souvent descriptives ou centrées sur les techniques d’évaluation. Il s’agit donc pour elle d’analyser les processus : que permettent ces outils ? Comment les entreprises s’en saisissent-elles ? Quels en sont les usages et les limites ?

64Dans la ligne des sciences de gestion françaises, Jeanne Riot pose la question en termes d’action collective. L’intérêt des gestionnaires pour les instruments d’évaluation repose sur l’hypothèse que mesurer induirait l’action, ce qui ne va pas s’avérer aussi simple. Cette action collective engage trois types d’agents : des institutions publiques, des prescripteurs, et les entreprises, c’est-à-dire les cadres supérieurs de celles-ci. Un premier chapitre intitulé « Étudier le management de l’environnement à travers ses instruments » résume l’histoire de ces deux instruments. L’ACV est essentiellement un outil international, codifié progressivement et soutenu par une politique européenne. Cette codification devrait permettre une comparabilité des études. L’ACV a donc des prétentions scientifiques et son usage est assez complexe, ce qui implique que les entreprises aient recours à des consultants spécialisés. À l’inverse, le BC a été développé en France sous l’impulsion de l’Ademe comme un outil simple, adaptable au contexte particulier de l’entreprise et dès lors plus facilement appropriable par les petites entreprises. Mais tous les deux sont aujourd’hui portés par des organisations indépendantes qui développent et normalisent ces instruments d’évaluation. J. Riot reprend l’argument de l’Ademe selon lequel le BC est plus pédagogique et plus adaptable sans insister sur le fait que c’est un outil qui se centre sur un seul impact et sur la seule entreprise, alors que l’ACV est pluri-impacts et qu’elle déborde les frontières de l’entreprise du fait qu’elle concerne une filière.

65Pour étudier la manière dont les entreprises utilisent ces outils, l’auteure propose un cadre d’analyse qui mentionne la notion de dispositif – empruntée à Foucault mais peu explicitée – comme agencement d’acteurs, de savoirs et d’instruments. Mais au final, il s’agit d’un cadre gestionnaire assez classique.

66Le cœur de l’ouvrage est bien sûr constitué des six études de cas d’entreprises ayant mobilisé l’un ou l’autre de ces deux outils, ou les deux à la fois. Ces entreprises appartiennent à des secteurs très différents : fabrication de kit médical, production d’emballages, prestations de service Internet, siège d’une entreprise pétrolière, production de sacs de sport. Ces cas sont donc très contrastés depuis le bilan carbone du siège d’une entreprise jusqu’à la reconception complète d’un produit. Leur analyse détaillée montre bien que les outils n’ont par eux-mêmes aucun effet. Ils ne sont agissants qu’à une série de conditions qui tiennent d’abord à l’objectif qui leur est assigné par les directions. Mais surtout, ils ne sont agissants que si (a) sont produites des connaissances spécifiques sur l’entreprise dans le cadre stipulé par l’instrument (b) sont engagées des relations entre le consultant et les acteurs de l’entreprise qui permettent de créer ces connaissances et d’en tirer des projets ou des programmes d’action. Ce n’est qu’à ces conditions que se produisent des actions collectives qui ont une certaine durée et un impact réel sur la gestion.

67Sur le plan des connaissances, l’usage de ces instruments mobilise les savoirs génériques que supposent les méthodes, proposées par les consultants, mais il suppose aussi la révélation de savoirs tacites possédés par les membres de l’entreprise quant aux techniques, matières, et coûts impliqués par les process. Et cette mise au jour de connaissances nécessite évidemment des interactions entre consultants mais aussi entre les fonctions de l’entreprise. Ces interactions supposent des lieux et des moments de mise en débat, de discussion qui permettent de configurer l’instrument et les indicateurs, et de construire un cadre d’évaluation adapté à la spécificité de chaque entreprise. C’est la forme que prennent ces relations et les connaissances qu’elles mobilisent et révèlent qui constitue ce que J. Riot appelle le dispositif et dont elle esquisse une typologie.

68Lorsqu’une dynamique interne se met en place dans les entreprises, l’étude met en exergue le rôle crucial qu’y joue ce qu’elle appelle le coordinateur environnemental, fonction informelle qui n’apparaît que dans certains cas et qu’elle distingue de celle d’un responsable environnement ou qualité. Il ne s’agit en effet pas d’une fonction officielle mais du rôle que divers acteurs d’une entreprise peuvent endosser pour stimuler l’action, faire circuler la connaissance et s’assurer de la durée de l’action. Et ce rôle est distribué entre, d’une part, des acteurs internes, et parfois externes, qui se font porteurs de la dynamique, et, d’autre part, de nouveaux outils de gestion qui formalisent, synthétisent et activent les connaissances produites lors de l’évaluation. Ainsi, un autre résultat très intéressant de ces études de cas est de faire apparaître l’émergence potentielle de ce que l’auteure appelle des communautés intermédiaires qui débordent le cadre des entreprises et constituent des entités non hiérarchiques, de type réseau. Ces communautés peuvent être plutôt de style scientifique, ou se constituer autour d’un acteur public, ou encore fédérer des consultants. Elles ont pour fonction de cumuler les expériences et de diffuser les bonnes pratiques, autrement dit de rassembler et de renouveler des connaissances et des méthodes.

69Il reste que l’auteure insiste sur les limites de ces instruments. Les divers cas d’étude montrent en effet des niveaux d’appropriation très différents d’une entreprise à l’autre et donc des impacts très variables de l’évaluation environnementale sur les technologies et les produits. C’est que l’appropriation d’un instrument suppose un temps long et un engagement réel des acteurs. L’évaluation environnementale, dans la plupart des cas étudiés, ne modifie pas vraiment les choix stratégiques de l’entreprise. Si elle permet des ajustements, des améliorations, elle ne conduit pas souvent à un changement d’options. Cela tient, dans l’interprétation de J. Riot, à la fois aux choix des entreprises pour qui l’évaluation environnementale n’est pas destinée à cela – il s’agit parfois de simplement satisfaire des exigences de marketing –, et au fait que les prestations de conseil et le travail des institutions publiques restent trop centrés sur l’instrument comme technique de mesure, et accordent peu de place à la construction de ce dispositif qui doit relier et faire interagir les acteurs. L’usage du terme « innovation » dans le titre est en ce sens un peu trompeur car c’est moins d’innovation qu’il est question dans la plupart des cas que de processus d’adoption et d’adaptation des instruments. Et finalement lorsque la démarche est réellement innovante et associe un travail de reconception d’un produit et une stratégie de marché, c’est parce que le processus d’innovation était antérieur, et que l’instrument a servi à structurer l’action d’un projet qui le précédait. Cette conclusion – que nous tirons – relativise l’impact réel des instruments mais en même temps indique à quel point la contextualisation est une étape méthodologique cruciale, ce que l’auteure souligne en fin d’ouvrage.

70L’intérêt que portent les sciences de gestion aux instruments est aussi partagé par les sciences s’occupant de politiques publiques ou par la sociologie. Des liens auraient pu être faits avec des auteurs représentatifs de ces courants, et ils auraient pu susciter des questions quant à la vision ou la représentation de l’environnement que portent ces instruments d’évaluation. Néanmoins, cet ouvrage, riche en informations sur les cas étudiés, pourra intéresser au-delà des lecteurs appartenant au monde de la gestion car il propose une ligne méthodologique stimulante pour l’étude des transitions écologiques dans l’univers entrepreneurial.

71Nathalie Semal et Marc Mormont

72(Université de Liège, Belgique)

73n.semal@ulg.ac.be

74mmormont@ulg.ac.be

Le technocrate et le paysan. Les lois d’orientation agricole de 1960-1962 et la modernisation de l’agriculture française : 1945-1984, Pierre Muller, L’Harmattan, 2014, 254 p.

75Le sous-titre de cet ouvrage, nouvelle édition d’un livre publié en 1984 [38], définit le champ d’étude : l’analyse du changement de politique agricole, préparé durant les années 1950, officialisé en 1960 et en 1962, mis en œuvre ensuite.

76Cette réédition qui peut surprendre, est pourtant bienvenue : elle ne se réduit pas à un geste d’amitié ou d’hommage adressé à l’auteur. Certes, cette période est maintenant ancienne, elle a été largement étudiée sous différents regards disciplinaires. Mais, outre son intérêt dû à l’ampleur du renouvellement politique, ce travail illustre l’émergence et la constitution du champ d’analyse des politiques publiques (cf. la préface d’Yves Surel). On y rencontre en effet le début d’une activité scientifique qui continuera à s’épanouir en suggérant aujourd’hui des pistes à explorer [39].

77L’intérêt porté aux acteurs, à leur vision, à leurs discours, à leurs pratiques retient d’abord l’attention du lecteur. Bien sûr, comme dans d’autres recherches, le rôle des jeunes agriculteurs, souvent formés par la Jeunesse agricole chrétienne (JAC), créateurs du Centre national des jeunes agriculteurs (CNJA), porteurs du référentiel modernisateur et, plus généralement, d’une nouvelle « vision du monde », est développé. Mais, plus originale et bienvenue, l’analyse de la politique agricole mise en œuvre par leurs prédécesseurs (fonctionnaires du ministère de l’Agriculture, instituteurs, professeurs d’agriculture, ingénieurs des Services agricoles), progressivement dessaisis de leur mission transférée à la profession agricole en cours de constitution, paraît particulièrement opportune, non pas pour célébrer tel ou tel personnage mais pour comprendre le jeu d’acteurs qui conduira au changement de politique : l’évidence sociale a changé, le référentiel se transforme.

78Les mécanismes économiques de la modernisation ne sont pas ignorés mais on voit ici comment ils sont portés, organisés et légitimés au sein du secteur agricole comme dans leurs rapports avec la société globale. Ces activités d’organisation de l’action publique sont importantes car elles expliquent le contenu et la mise en œuvre de la politique retenue. Les résultats sont ainsi expliqués. C’est l’illustration très convaincante, et souvent insuffisamment reconnue, d’une rencontre symbiotique entre l’analyse économique des relations intersectorielles et l’analyse des politiques publiques. D’autres rencontres heureuses, avec la sociologie, le droit, l’histoire… pourraient être évoquées.

79Cette analyse n’est évidemment pas indépendante du système sociopolitique global, d’où l’attention portée à l’étude du rapport sectoriel/global qui sera d’ailleurs affinée dans les travaux ultérieurs de Pierre Muller. La voie est alors ouverte pour s’intéresser aux médiateurs, intermédiaires entre la société et les paysans. Le jeu des acteurs professionnels, politiques, administratifs conduit à l’émergence puis à la reconnaissance d’une « nouvelle vision du monde » fondatrice d’une nouvelle politique. Ce changement est expliqué à la lumière des logiques cognitives et normatives des acteurs. On voit ainsi pointer le rôle de l’autoréflexion de la société sur elle-même qui sera explicité par la suite [40]. Concernant ce jeu d’acteurs, on remarque que, à la différence de ce qu’il en est pour les milieux politiques ou syndicaux, les discours scientifiques (des sciences biotechniques et des sciences sociales) qui ont grandement contribué à l’élaboration de ce changement de politique, sont peu mobilisés ; ils pourraient pourtant s’insérer aisément dans ce schéma explicatif.

80La méthode retenue repose essentiellement sur des entretiens avec les acteurs ; pour qui connaît un peu le milieu, le résultat est tout à fait convaincant (et donc apprécié) mais, en même temps surprenant car on s’interroge sur le choix des personnes interrogées, les hypothèses guidant l’entretien, les conditions de validation des discours, les modes de vérification de la preuve…

81On trouve évidemment dans ce travail une présentation des principales innovations institutionnelles apportées par les lois de 1960 et 1962. Il résulte de ces innovations une redistribution des tâches entre la profession agricole et l’État qui désole les uns et satisfait les autres, mais contribue, au prix d’une ambiguïté bien repérée par l’auteur, à légitimer et à accélérer la nouvelle politique : les affaires agricoles sont davantage gérées par les agriculteurs que par des agents extérieurs…

82Les derniers chapitres (chapitre 6, « La politique de modernisation à l’épreuve » et chapitre 7, « Vers une nouvelle donne ») évoquent la mise à l’épreuve de cette nouvelle politique et les questions posées par son évolution. Le lecteur informé du déroulement de la politique agricole de la fin du XXe – début du XXIe siècle apprécie cet engagement et en voit aussi les limites. Les questions agricoles se « désectorisent », elles associent la gestion de la production mais aussi celle de l’alimentation, de l’espace, de l’environnement… Le « global » s’est, lui aussi, profondément transformé : c’est le cas de son organisation mais aussi de la façon de le penser… Si bien que l’approche de la période actuelle doit surtout aux enseignements de démarches et de méthodes amorcées dans ce travail à propos de l’analyse de l’État en action : peut-on penser aujourd’hui à une régulation autoréflexive du rapport gobal/sectoriel en matière d’agriculture ? Les travaux de P. Muller en 2015 sur les politiques publiques nous invitent à cette question en fournissant quelques moyens pour l’aborder.

83Philippe Lacombe

84Inra, direction scientifique agriculture, Paris, France

85philber.lacombe@aliceadsl.fr

Organic farming, prototype for sustainable agricultures, Stéphane Bellon, Servane Penvern (Eds), Springer, 2014, 489 p.

86The editors mention that they use the term “prototype” in the same way as Riquois [41] did, implying that organic food and farming “[are] a laboratory for the development of sustainable agriculture and food production”. Before that, however, Overridden and his colleagues in The Netherlands and other European countries had used the same term in relation to testing innovative farming methods in pilot farms, in the process of developing ecological arable farming systems. Their systems involved activities and products through five basic steps : (1) hierarchy of objectives ; (2) parameters and methods ; (3) design of theoretical prototype and methods ; (4) layout of prototype to test and improve, and (5) dissemination [42]. Bellon and Pervern have accomplished a necessary task, bringing the concept of prototyping from a purely experimental setup into a review of what the organic movement and related research institutions have achieved in recent decades. Mainly what the French sector (50 out of 74 contributors) can show, with the addition of relevant examples of research from other Western European countries and specific ones from Canada, the United States and Australia.

87The authors divide the book into three parts according to the facets or interpretations of organic farming as a prototype : (1) system’s functioning ; (2) organic performances ; and (3) development dynamics. Aseries of distinct interpretations of what organic farming is or should be can be found in several chapters, as authors speak of eco-functional intensification, conservation biocontrol, agroecological crop protection, ecological redesign, innovative production and organisational modes or multi-scale integrated assessments. Some of these concepts often mean almost the same, but certainly contribute to the confusion of anybody interested in organics but not aware of different interpretations (Hill, in chapter 22, entitled “Considerations for enabling the ecological redesign of organic and conventional agriculture : a social ecology and psychosocial perspective”, even speaks of deep and shallow organic, which is not very different from a prevailing understanding in Latin America that tends to see organic farming as a transitional phase towards truly sustainable farming systems based on agroecology). After an excellent Chapter 1, “Organic food and farming as a prototype for sustainable agricultures”, by the editors, the rest of the book reads like a collection of very interesting but also highly specific and technical chapters that sometimes seem to belong in other of the three parts of the book. Perhaps an introductory section in each of the three parts might have helped to visualise and understand the logic behind and the connections between chapters and case studies. This, nevertheless, does not prevent the book from being an excellent update of the state of the art in organic farming research in Western Europe with a multidisciplinary perspective.

88But there is no common understanding of what organic agriculture is. Sure, most organic regulations have similar definitions with regards to the enforcement of certification standards. These standards regulate (depending on the focus and quality of the certification system) what farmers and gatherers of wild products do in close to the 80 million hectares certified organic worldwide, as informed annually by Fibl and IFOAM [43]. In recent years, however, criticism of these narrow definitions (or at least the implementation of them through certification) has increased. Some consider that organic standards do not sufficiently tackle key issues like water conservation, energy use in agriculture, farm worker welfare or waste management. In 2008 IFOAM proposed the principles of health, ecology, fairness and care as the basis for organic agriculture and food systems, and in the definition states that it “combines tradition, innovation and science to benefit the shared environment and promote fair relationships and a good quality of life for all involved”. Some of the forces that aim at representing a purer, broader, deeper or more efficient vision of organic agriculture are somewhat present throughout the book, but not made evident by the editors. An elaboration of these sometimes differing perspectives by practitioners and researchers would have been useful. The relationship between agroecology and organic farming, for instance, is mentioned as having “some commonalities in their principles and practices”, but this obscures the fact that one can find practitioners that consider themselves at the same time organic and agroecological, while movements with a stronger ideological character see organic as a market imposition based on input substitution and no redesign. Finally, a few years ago key European stakeholders started discussing what is now referred to as Organic 3.0, with a goal of enabling “a widespread uptake of truly sustainable farming systems and markets based on organic principles and imbued with a culture of innovation, of progressive improvement towards best practice, of transparent integrity, of inclusive collaboration, of holistic systems, and of true value pricing [44].” This book is a valuable contribution towards this discussion.

89Is the concept of a prototype, or of prototyping, adequate for the further development of organic food and farming ? After all, the editors mention that “there is no optimal, universal and immutable system but, instead, multiple methods that must be combined and activated depending on a set of varying situations and contexts”. In my Latin American context, organic and/or agroecological practice is better understood as a laboratory, also mentioned by the editors. And by many others :

90

“Organic agriculture may be seen as a laboratory for ecological innovations […] Individual organic farmers who constantly try, fail, learn and retry, are largely responsible for most of such innovations, assuming all the associated risks and costs. This farmer-driven process of knowledge and technology generation has led to crop yield levels that are worldwide barely 20 % lower on average than those attained under conventional farming [45]”.

91The central role of farmers, often linked with collective action, is essential to the understanding of organic farming in the Global South, and farming is almost by definition an experimental endeavour in living laboratories. It is true that peer-reviewed research about organic farming in Latin America is very scarce, and that most systematizations of farmers’ experiences are not available in English, but there is abundant scientific literature on agroecology and other alternative schools of farming in the region published by researchers in the United States (Miguel A. Altieri, Stephen R. Gliessman and others), the same with European researchers writing about the African and Asian contexts for organic farming. And of course all that is published in English in those continents. It is disappointing that the realities and concerns of the developing world are not given enough consideration in spite of what is available in the English language. Perhaps then, this valuable book could have also dealt with issues like food security and food sovereignty, the strengthening of local institutions, the promotion of territorial approaches and localised food systems, the role of gender or the improvement of productivity in peasant systems, without which proposals arising from prototypes or laboratories cannot be understood, let alone properly assessed. This, however, should not diminish the interest in this book and its “outstanding analysis of what has been achieved, as well as an insight into what the future avenues for organic farming will be”, as Urs Niggli puts it in the preface.

92Roberto Ugás

93(Universidad Nacional Agraria La Molina, Lima, Pérou)

94rugas@lamolina.edu.pe

Dix ans de transdisciplinarité dans le monde : un bilan instructif. À propos de : Advances in transdisciplinarity 2004-2014, Roderick J. Lawrence (Ed.), Futures, 65, 2015, Elsevier, 216 p., http://www.sciencedirect.com/science/journal/00163287/65

95Ce numéro spécial de Futures, « Advances in transdisciplinarity », est d’une grande richesse. Par l’orientation de ses contributions (au nombre de 16, sans compter l’introduction de Roderick J. Lawrence) extrêmement documentées (les bibliographies sont impressionnantes), véritables recensions des travaux menés dans la dernière décennie pour certaines (Jana Zscheischler et Sebastian Rogga ont par exemple répertorié 299 articles scientifiques dans le seul domaine des sciences de la Terre), il offre un panorama instructif des travaux se rattachant au positionnement transdisciplinaire à l’échelle internationale. Précisons qu’il s’agit de recherches qui revendiquent un dépassement des lectures monodisciplinaires, donc de travaux inter-, pluri-, multi- disciplinaires plus que d’une transdisciplinarité parfaitement établie. Les travaux menés ou recensés par les contributeurs recouvrent essentiellement des protocoles de recherche-action impliquant diverses parties prenantes académiques et non académiques (acteurs politiques et sociaux au sens large) et divers champs disciplinaires autour d’objets de recherche qualifiés de complexes à de nombreuses reprises, avec le souci affirmé d’engager des actions de changement ou de transformation. Comme dans NSS, les thématiques du changement climatique et de ses impacts, du développement soutenable ou durable, des aménagements des territoires et des villes occupent une place centrale.

Une prolifération de contributions à l’échelle internationale

96Faisant le point d’une décennie de progrès dans la transdisciplinarité, R. J. Lawrence, qui a dirigé cette publication, ne peut que constater une prolifération de contributions à ce champ qui reste malgré tout mal défini. Dix ans après le premier numéro de Futures, paru en 2004, consacré à un premier bilan, ce numéro de 2015, rédigé par des contributeurs résidant en Australie, en Autriche, en Belgique, en Italie, au Japon, en Allemagne, en Suède, en Suisse, au Royaume-Uni et aux États-Unis, témoigne d’une grande ouverture internationale. Le terme de « transdisciplinarité » promu sous forme de slogan, étendard auquel se rattachait un nombre modeste de scientifiques académiques il y a une dizaine d’années, semble maintenant bien repéré à l’échelle mondiale et dans des univers scientifiques différents si l’on s’en tient aux très nombreuses propositions reçues pour ce numéro spécial. Mais en contrepoint de ces appréciations positives, il faut retenir avec R. J. Lawrence que beaucoup reste à faire pour que la transdisciplinarité trouve sa place dans le champ scientifique et dans les programmes d’éducation. De nombreuses contributions en attestent. Les explications avancées sont que les assises épistémologiques, méthodologiques et conceptuelles de la transdisciplinarité demeurent fragiles et, qu’à bien des égards, elles sont en contradiction avec les canons reconnus des disciplines établies, les institutions qui les représentent et les logiques de carrière des enseignants-chercheurs. Cette question de la place de la transdisciplinarité est directement abordée dans le cas de la politique de recherche au Royaume-Uni, où l’on fait de la transdisciplinarité sans vraiment l’afficher [46], ou sur le terrain d’une université japonaise à partir d’entretiens [47]. Andreas Kläy, Anne B. Zimmermann et Flurina Schneider [48] évoquent à ce propos le dilemme morinien : « On ne peut réformer les institutions sans changer les mentalités, mais on ne peut réformer les mentalités sans changer les institutions » (Edgar Morin cité par Kläy et al., ibid.).

Des disciplines scientifiques associées, pour des enjeux proches de connaissance et d’action

97Peut-on dire que toutes les disciplines sont parties prenantes de la transdisciplinarité ? Certainement pas toutes et encore moins à des niveaux comparables de présence. Comme dans NSS, les sciences naturelles et sociales, certaines spécialités (agronomie, écologie, géographie, sciences politiques, sociologie…) se montrent particulièrement présentes autour des sujets de prédilection que sont le développement durable, le changement climatique et l’aménagement des territoires. La question climatique dans ses déterminants et ses impacts multiples semble bien le catalyseur des approches transdisciplinaires (inter, pluri, multi [49]). Elle implique naturellement la prise en compte des comportements économiques, individuels et collectifs, mais les disciplines de l’économie et de la gestion, pourtant très influentes, sont, de manière surprenante, peu convoquées.

98Les enjeux de la transdisciplinarité s’affirment nettement sur trois plans liés dans la quasi-totalité des articles : la connaissance, l’action, l’éducation.

99L’enjeu de connaissance s’ancre dans la reconnaissance par les auteurs que leurs objets d’étude sont complexes : enjeu de nature épistémologique et méthodologique pour être en mesure de saisir et de rapprocher les différents regards disciplinaires, en faisant toute leur place aux acteurs et aux connaissances non académiques.

100L’enjeu de l’action, politique notamment, manifeste que la question de la production des savoirs scientifiques, abordée dans de nombreux articles, apparaît indissociable de celle de leur utilité et de leur utilisation. Si l’on peut distinguer deux approches de la transdisciplinarité, l’une descriptive-analytique, l’autre transformationnelle [50], elles semblent bien cooccurrentes ou coprésentes dans les protocoles de recherche transdisciplinaire.

101L’enjeu éducatif, en contexte de formation, fait l’objet de contributions spécifiques. Comment faire vivre la transdisciplinarité, en montrer l’intérêt et la promouvoir dans un monde de l’éducation peu enclin ni préparé à un enseignement qui ne s’inscrit pas dans les disciplines établies ? Comment l’enseigner ? En impliquant les publics en formation sous diverses formes innovantes d’interaction (jeux de rôle, cas orientés recherche…), à même de leur faire vivre les difficultés et les intérêts de la transdisciplinarité [51]. Mais reste la question des contenus : qu’est-ce qu’un contenu de connaissance transdisciplinaire ?

102Ces trois enjeux, qui appellent des réponses parfaitement interdépendantes, se révèlent présents dans les discours sur la transdisciplinarité identifiés par Julie Thompson Klein [52] : le discours épistémologique de la transcendance associé à l’idée d’une connaissance une, non éclatée, synthétique, alors que la marche des sciences conduit à la fragmentation et au cloisonnement ; le discours de la transgression qui s’ancre dans une critique des systèmes éducatifs et des savoirs ; le discours pragmatique plus ancien et plus connu dit de la « résolution de problèmes », qui correspond au souci des chercheurs et des acteurs sociaux de se saisir des problèmes (dits) complexes en rapprochant les divers regards disciplinaires et les diverses parties prenantes, comme nous venons de l’évoquer. Il apparaît dominant dans le numéro.

Où se nichent les progrès ? Des protocoles de recherche s’affirment

103Au-delà du développement quantitatif, ou en accompagnement à ce développement, ce numéro spécial témoigne de progrès dans la transdisciplinarité se rattachant très clairement à l’affirmation de protocoles de recherche-action.

104Les projets de recherche exposés ou étudiés engagent des protocoles élaborés, des « articulated conceptual framework[53] », des « espaces de contribution transdisciplinaires [54] » pour concevoir, implanter et évaluer les projets de recherche-action transdisciplinaires. Est directement posée la question des collectifs d’acteurs de la recherche, de leur constitution, de leur vie effective tout au long du projet de recherche [55] : « To play a symphony it takes an orchestra[56] ». Sont ainsi en jeu l’association fructueuse des disciplines, l’apprentissage commun des acteurs impliqués, l’intégration des savoirs, et pas seulement leur juxtaposition. Le souci de l’apprentissage partagé légitime des dynamiques de groupe facilitatrices, des formes d’auto-organisation qui le favorisent notamment dans des projets de développement urbain durable [57]. Avec « l’inventaire de synthèse » de la transdisciplinarité, il s’agit de favoriser le passage d’approches interdisciplinaires à des collaborations transdisciplinaires [58]. L’implication des acteurs non académiques dans les protocoles semble incontournable, la représentation de toutes les parties prenantes des projets de recherche, qui est à bien des égards celle de la démocratie, revient constamment, avec parfois le souci explicite d’expérimenter des protocoles de participation (cf. Merritt Polk [59] au sein d’un centre transdisciplinaire en matière de développement urbain à Göteborg). L’ambitieux programme « Pro-poor resource governance under changing climates » mené dans six pays – Bangladesh, Bolivie, Brésil, Burkina Faso, Équateur et Inde [60] – illustre bien, en contexte international, les questions de coordination et de contrôle de la recherche transdisciplinaire soucieuse d’objectivité (« strong objectivity » pour ce collectif d’auteurs), en lien avec les attentes et les positions de diverses parties prenantes impliquées.

105Tenant compte de ce relatif consensus sur les protocoles de recherche, peut-on penser une certification qualité en matière de recherche transdisciplinaire ? Thomas Jahn et Florian Keil [61] proposent un certain nombre de critères qui traduisent en exigences les arguments de la transdisciplinarité que nous venons d’exposer mais en soulignant que la mise en place d’une assurance-qualité demande des moyens que beaucoup de petits projets de recherche n’auront pas.

Mais est-ce bien la transdisciplinarité qui progresse ?

106L’inter-, pluri-, multi- disciplinarité a connu un formidable développement dans la dernière décennie. Cette visibilité signifierait-elle que la transdisciplinarité est entrée dans un « âge d’or » ? À cette question, Frédéric Darbellay [62] répond en interrogeant les modalités de « décompartementalisation » des disciplines, envisageant par là même la possibilité d’une indiscipline. J. Zscheischler et S. Rogga, dans leur recension impressionnante dans le champ des sciences de la Terre, emblématique selon eux de la transdisciplinarité, estiment que la transdisciplinarité serait dans une phase de consolidation. Ils proposent un ensemble de définitions pour montrer l’écart de compréhension entre l’Europe et les États-Unis, mais en prenant bien garde de mettre le terme « transdisciplinarité » entre guillemets (cf. tableau p. 33). Fort légitimement, pensons-nous, car à quelle condition cette transdisciplinarité peut-elle être autre chose qu’un dialogue entre disciplines et entre les professionnels de ces disciplines ? Ne faut-il pas engager un changement plus radical de nos façons de penser, une transformation de paradigme ? C’est ce qu’envisagent Andreas Kläy, Anne B. Zimmermann et Flurina Schneider en se demandant si le développement durable ne s’impose pas comme norme à un méta-niveau pour engager cette transformation. Mobilisant Jean Piaget (et son concept de décentration), leur article, comme bien d’autres d’ailleurs, pose un certain nombre de questions fondamentales pour penser la transdisciplinarité, questions qui reviennent souvent, sans recueillir de réponse convaincante : celles, mêlées, de l’objectivité ou de la légitimité des savoirs face aux incertitudes et aux conflits d’interprétation, de valeurs et de jugements qui les accompagnent.

107La transdisciplinarité doit-elle se limiter à de la consultation sociale faisant d’elle une « science démocratique » qui subordonne les questions épistémologiques et de connaissance à des procédures de légitimation sociale ? Cette question est posée dans le contexte du programme de recherche « Pro-poor resource governance under changing climates » précédemment évoqué (Rosendahl et al., op. cit.). Le jeu de la réflexivité engagée dans la production des savoirs, évoqué dans nombre de contributions, apparaît central. Il fait l’objet d’un approfondissement dans une perspective pragmatiste (Popa et al., op. cit.) qui engage la réflexivité des acteurs dans l’ensemble du processus de recherche (questionnement des valeurs et des hypothèses fondamentales ; expérimentations sociales et processus d’apprentissage collectifs ; intégration et évaluation des savoirs produits). On retrouve assez directement les défis du dialogue interdisciplinaire, notamment ceux du passage des frontières disciplinaires, du langage commun et de la réflexivité placés au cœur des intentions des journées de Rochebrune [63] de 2014.

108Mais les éléments fécondants sont-ils présents pour asseoir la validité du préfixe « trans » ? Rien n’est moins sûr si cette légitimité engage les canons habituels de l’objectivité ou de la « disciplinarité ». On est surpris, par exemple, que cette question soit abordée en termes de « strong objectivity » à plusieurs reprises (directement par Rosendahl et al., op. cit.) car, de notre point de vue, il ne peut y avoir de gradation dans l’objectivité. On comprend bien aussi le souci légitime qu’exprime l’idée qui revient souvent de s’attaquer au « real-world problem », mais ne faut-il pas reconnaître que, loin d’accéder au « Réel », nous formons des représentations qui s’ancrent dans une perception toujours partielle, partiale et parcellaire de la réalité (Bréchet et Gigand [64], 2015) ?Ne confondons pas « Réel » et réalité, parlons d’objectivation toujours contextuelle plutôt que d’objectivité, prenons la mesure de l’ingénierie de la pensée qui fonde nos possibilités de connaître, et donc la réflexivité, avant tout découpage disciplinaire. L’impuissance à définir la transdisciplinarité fait que les articles en restent au mode de l’intuition pour la désigner. Des ingrédients associés à une pensée de nature ternaire, dialogique dirait E. Morin, capable de faire toute sa place aux antagonismes dans les interprétations auraient mérité d’être présents. Nous avons le sentiment que sur tous ces points, la pensée francophone qui aborde directement la question de la connaissance et des fondements d’une épistémologie constructiviste, avec des auteurs tels que J. Piaget ou E. Morin, sollicités marginalement dans ce numéro, pourrait être plus mobilisée.

109Le numéro se termine par une perspective originale. Valerie A. Brown [65] envisage la possibilité d’une pensée utopique, d’un esprit collectif au sens de Teilhard de Chardin : serait-ce à l’échelle de l’humanité tout entière, d’un cerveau monde instrumenté par les technologies de l’information et de la communication, que se jouerait la transdisciplinarité ?

110Jean-Pierre Bréchet

111(Université de Nantes, Lemna, Nantes, France)

112jean-pierre.brechet@univ-nantes.fr

113Gérard Gigand

114(Complexitude, Ormoy-la-Rivière, France)


Date de mise en ligne : 25/05/2016.

https://doi.org/10.1051/nss/2016003

Notes

  • [1]
    Biologiste et médecin allemand (1834-1914).
  • [2]
    Écologue américain (1913-2002), pionnier de l’étude écologique des écosystèmes.
  • [3]
    Botaniste britannique (1871-1955), pionnier de l’écologie des plantes.
  • [4]
    Écologue et zoologue britannique (1900-1991).
  • [5]
    Zoologue allemand (1825-1908).
  • [6]
    Entomologue américain (1844-1930).
  • [7]
    Généticien britannique (1892-1964).
  • [8]
    Zoologue et éthologue autrichien (1886-1982).
  • [9]
    Zoologue britannique (1906-1997).
  • [10]
    Biologiste de l’évolution et généticien britannique (1920-2004).
  • [11]
    Biologiste britannique de l’évolution (1936-2000).
  • [12]
    Dorst J., 1965. Avant que nature meure : pour une écologie politique, Neuchâtel/Paris, Delachaux et Niestlé.
  • [13]
    Programme initié par l’Unesco (en français, « L’homme et la biosphère »).
  • [14]
    Latour B., 1999. Politiques de la nature : comment faire entrer les sciences en démocratie, Paris, La Découverte.
  • [15]
    Gurvitch G., 1966. Les cadres sociaux de la connaissance, Paris, Presses universitaires de France.
  • [16]
    Darwin C., 1862. De l’origine des espèces, ou Des lois du progrès chez les êtres organisés, Paris, Guillaumin ; traduit de On the origin of species by means of natural selection, or the preservation of favoured races in the struggle for life, London, J. Murray, 1859.
  • [17]
    Dorst J., 1965. Avant que nature meure, Paris/Neuchâtel, Delachaux et Niestlé.
  • [18]
    Ehrlich P.R.,1968.The population bomb, New York, Ballantine Books.
  • [19]
    Morin E., 1973. Le paradigme perdu. La nature humaine, Paris, Seuil.
  • [20]
    Latour B., 1999. Politiques de la nature. Comment faire entrer les sciences en démocratie, Paris, La Découverte.
  • [21]
    Gurvitch G., 1966. Les cadres sociaux de la connaissance, Paris, Presses universitaires de France.
  • [22]
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  • [23]
    Lévêque C., 2013. L’écologie est-elle encore scientifique ?, Versailles, Quæ.
  • [24]
    Zoologue anglo-américain (1903-1991) célèbre pour ses études pionnières en limnologie et certains essais marquants de l’écologie moderne.
  • [25]
    Profil démographique caractérisé par une fécondité élevée mais une longévité faible chez les stratèges « r » et par une faible fécondité mais une longévité élevée chez les stratèges « K ».
  • [26]
    May R.M., McLean A.R. (Eds), 2007 [1re éd. : 1976]. Theoretical ecology. Principles and applications, Oxford, Oxford University Press.
  • [27]
    La « sociologie » de G. Guille-Escuret semble souvent se superposer avec les sciences sociales plus généralement.
  • [28]
    L’emploi des termes « éléments de nature » permet de souligner que les relations que les individus entretiennent avec leur environnement naturel (la « nature ») sont souvent très ciblées : relations avec un animal, une forêt, un paysage, un arbre parfois.
  • [29]
    Folke C., 2006. Resilience : the emergence of a perspective for social-ecological systems analyses, Global Environmental Change, 16, 3, 253-267.
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    Muller P., 1984. Le technocrate et le paysan. Essai sur la politique française de modernisation de l’agriculture, de 1945 à nos jours, Paris, Les éditions ouvrières.
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  • [40]
    Muller P., 2015. La société de l’efficacité globale. Comment les sociétés modernes se pensent et agissent sur elles-mêmes, Paris, Presses universitaires de France.
  • [41]
    Riquois A., 1999. L’agriculture biologique, un« prototype » au service de l’agriculture conventionnelle pour un développement durable, Biofil, 7, 40-44.
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  • [43]
    Fibl : Forschungsinstitut für biologischen Landbau (Institut de recherche de l’agriculture biologique). IFOAM : International Federation of Organic Agriculture Movements.
  • [44]
    Arbenz M., Gould D., Stopes C., 2015. Organic 3.0 for truly sustainable farming and consumption. Discussion papers based on think tanking by SOAAN&IFOAM Organics International and launched at the ISOFAR International Organic EXPO 2015, Goesan County, Bonn, IFOAM, http://www.ifoam.bio/sites/default/files/organic_3.0_discussion_paper.pdf.
  • [45]
    Titonell, P. 2014. Ecological intensification of agriculture– sustainable by nature, Current Opinion in Environmental Sustainability, 8, 53-61.
  • [46]
    Cf. dans ce numéro spécial l’article Lyall C., Meagher L., Bruce A., A rose by any other name ? Transdisciplinarity in the context of UK research policy, 150-162.
  • [47]
    Cf. dans ce numéro spécial l’article Lauto G., Sengoku S., Perceived incentives to transdisciplinarity in a Japanese university research center, 136-149.
  • [48]
    Cf. dans ce numéro spécial leur article, Rethinking science for sustainable development : reflexive interaction for a paradigm transformation, 72-85.
  • [49]
    Cf., par exemple, dans ce numéro spécial, l’article Serrao-Neumann S., Schuch G., Harman B., Crick F., Sano M., Sahin O., van Staden R., Baum S., Low Choy D., One human settlement : a transdisciplinary approach to climate change adaptation research, 97-109.
  • [50]
    Cf. dans ce numéro spécial l’article Popa F., Guillermin M., Dedeurwaerdere T., A pragmatist approach to transdisciplinarity in sustainability research : from complex systems theory to reflexive science, 45-56.
  • [51]
    Cf. dans ce numéro spécial l’article Boyd D., Buizer M., Schibeci R., Baudains C., Prompting transdisciplinary research : promising futures for using the performance metaphor in research, 175-184. Voir aussi dans ce même numéro Balsiger J., Transdisciplinarity in the classroom ? Simulating the co-production of sustainability knowledge, 185-194.
  • [52]
    Cf. dans ce numéro spécial son article, Reprint of “Discourses of transdisciplinarity : looking back to the future”, 10-16.
  • [53]
    Miller R.C., 1982. Varieties of interdisciplinary approaches in the social sciences, Issues in Integrative Studies, 1, 1-37. Cité par J. Thompson Klein, ibid.
  • [54]
    Cf. dans ce numéro spécial l’article Mitchell C., Cordell D., Fam D., Beginning at the end : the outcome spaces framework to guide purposive transdisciplinary research, 86-96.
  • [55]
    Cf., par exemple, dans ce numéro spécial, l’article Rosendahl J., Zanella M.A., Rist S., Weigelt J., Scientists’ situated knowledge : strong objectivity in transdisciplinarity, 17-27, et aussi Serrao-Neumann et al., op. cit.
  • [56]
    Cf. dans ce numéro spécial l’article Schauppenlehner-Kloyber E., Penker M., Managing group processes in transdisciplinary future studies :how to facilitate social learning and capacity building for self-organised action towards sustainable urban development ?, 57-71.
  • [57]
    Cf. Schauppenlehner-Kloyber et Penker, ibid.
  • [58]
    Cf. dans ce numéro spécial l’article Defila R., Di Giulio A., Integrating knowledge : challenges raised by the “Inventory of Synthesis”, 123-135.
  • [59]
    Voir dans ce numéro spécial son article, Transdisciplinary co-production : designing and testing a transdisciplinary research framework for societal problem solving, 110-122.
  • [60]
    Cf. Rosendahl et al., op. cit.
  • [61]
    Cf. dans ce numéro spécial leur article, An actor-specific guideline for quality assurance in transdisciplinary research, 195-208.
  • [62]
    Cf. dans ce numéro spécial son article, Rethinking interand transdisciplinarity : undisciplined knowledge and the emergence of a new thought style, 163-174.
  • [63]
    Hervé D., Rivière M., 2015. L’interdisciplinarité s’invite dans les systèmes complexes : les journées de Rochebrune, Natures Sciences Sociétés, 23, 1, 54-60.
  • [64]
    Bréchet J.-P., Gigand G., 2015. La perception au fondement de la connaissance. Les enseignements d’une ingénierie représentationnelle ternaire, Natures Sciences Sociétés, 23, 2, 120-132.
  • [65]
    Cf. dans ce numéro spécial son article, Utopian thinking and the collective mind : beyond transdisciplinarity, 209-216.
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