Couverture de NSS_192

Article de revue

Le régime climatique avant et après Copenhague : sciences, politiques et l'objectif des deux degrés »

Pages 144 à 157

Notes

  • [*]
    Cf. dans le vol. 18, n° 3, la présentation, par la Rédaction, de ce dossier et les premiers textes s’y rapportant.
  • [**]
    Auteur correspondant : A. Dahan, amy.dahan-dalmedico@damesme.cnrs.fr
  • [1]
    Entre autres : affaire des courriels volés et publiés de l’université d’East Anglia (« Climategate ») et polémiques suite à la découverte d’erreurs dans le 4e rapport de synthèse (glaciers de l’Himalaya).
  • [2]
    Ce texte est fortement inspiré d’un rapport de recherche rédigé à l’issue d’une mission à la CoP 15 de Copenhague (Dahan et al., 2010). La mission de recherche a été subventionnée par l’Institut écologie et environnement (INEE) du CNRS, que nous remercions vivement.
  • [3]
    Une telle critique est même venue récemment de la part des ONG, qui avaient pourtant toujours défendu le cadre multilatéral. À titre d’exemple, un récent rapport de la Coordination Sud et du Réseau action climat attribue une part significative de responsabilité dans l’échec de Copenhague au système onusien (Chetaille, 2010). Cette critique ne fait pas l’unanimité (voir, par exemple, Radanne et al., 2010).
  • [4]
    On peut trouver notre analyse approfondie de la conférence de Cancun dans le rapport de recherche (Dahan et al., 2011).
  • [5]
    Voir l’éditorial commun publié la veille de l’ouverture de la conférence dans cinquante journaux (dont Le Monde) de différents pays.
  • [6]
    Résultat des négociations de Bali (CoP 13 en 2007) ; nous reviendrons sur ce point.
  • [7]
    Les objectifs de réduction par pays issus de la conférence de Kyoto, par exemple, étaient le résultat de négociations politiques, et l’objectif global (-5,2 % pour les pays de l’Annexe I entre 1990 et 2008-2012) a été déterminé dans un deuxième temps, en agrégeant les objectifs nationaux (Depledge, 2000).
  • [8]
    Voir le projet « International Climate Agreements » piloté par Joseph Aldy et Robert N. Stavins, rapport distribué en 2008 à Poznan. Voir notre analyse sur ce rapport dans Dahan et al. (2009), pp. 41-43.
  • [9]
    Les pays non-Annexe I sont essentiellement les pays en voie de développement.
  • [10]
    Les ONG – du Nord comme du Sud – sont traditionnellement proches des positions des pays en développement et soutiennent souvent les pays les moins avancés lors des conférences climatiques (Fisher et Green, 2004).
  • [11]
    Au cours de l’année 2010, à l’initiative de la nouvelle secrétaire exécutive de la convention, la Costaricaine Christiana Figueres, est créé le Dialogue de Carthagène : il s’agit d’un espace de discussion informel regroupant une quarantaine de pays, de tous horizons, voulant aboutir à tout prix à un accord. Voir Cartagena Dialogue (2010).
  • [12]
    Ce résumé est évidemment lapidaire ! Pour une analyse approfondie de la conférence de Cancun, voir Dahan et al. (2011).
  • [13]
    SBSTA : Subsidary Body of Scientific and Technological Advice (Organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique de la Convention-cadre sur les changements climatiques).
  • [14]
    L’unité ppm CO2-éq renvoie à « parts par million » et indique la part de molécules de CO2 et d’autres gaz à effet de serre (GES) en équivalent CO2 par million de molécules dans l’atmosphère.
  • [15]
    La stabilité étonnante de la sensibilité climatique dans plusieurs rapports des années 1980 et 1990 a été analysée par des sociologues des sciences (Sluijs et al., 1998).
  • [16]
    Voir les rapports correspondants du GIEC (Leggett et al., 1992 ; Nakicenovic et Swart, 2000).
  • [17]
    Council of the European Union, 1996. Community strategy on climate change: Council conclusions, 1939th Environment Council Meeting, Brussels, 25 June, § 5 et 6 (http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/envir/011b0006.htm).
  • [18]
    Le WBGU (Wissenschaftlicher Beirat der Bundesregierung Globale Umweltveränderungen), créé en 1992 avant la Conférence des Nations unies pour l’environnement et le développement, est une institution d’expertise interdisciplinaire auprès du gouvernement allemand, qui édite régulièrement des rapports à l’intention des décideurs et des chercheurs dans le domaine des « changements environnementaux globaux ».
  • [19]
    Avoiding Dangerous Climate Change: Scientific Symposium on Stabilisation of Greenhouse Gases, chaired by Dennis Tirpak, Met Office, Exeter, February 1st-3rd 2005.
  • [20]
    Quatrième rapport, résumé à l’attention des décideurs, figure RiD 7 (GIEC, 2007, p. 10).
  • [21]
    Selon le dernier rapport du GIEC, une stabilisation à 450 ppm CO2-éq correspond à une « meilleure estimation » du réchauffement de 2,1 °C et à une probabilité supérieure à 50 % de dépasser 2 °C (cf. Solomon et al., 2007, tableau 10.8, p. 826).
  • [22]
    Modélisations et scénarios économiques seront élaborés ensuite, ce qui constitue un changement majeur. Les nouvelles lignes directrices pour l’élaboration des scénarios pour le cinquième rapport ont été discutées dans une conférence en septembre 2009 aux Pays-Bas (Armatte, 2008).
  • [23]
    Le budget de 2000-2050 est de 1 000-1 400 Gt selon les analyses et les probabilités (75-50 %). Une autre valeur importante est celle de 600 Gt d’ici 2050 que donnent certains rapports, pour atteindre une probabilité de 75 % de ne pas dépasser 2 °C.
  • [24]
    Ainsi Prins et Rayner (2007a, b) ont-ils attaqué ce qu’ils appellent la « voie de Kyoto », c’est-à-dire l’espoir d’un traité contraignant, avec des objectifs chiffrés pour les grands émetteurs. Pielke et Sarewitz sont connus pour leur critique de la posture du GIEC (Sarewitz et Pielke, Jr., 2000 ; Pielke, Jr., 2007). Grundmann (2006 et 2007) a fait des travaux sur la relation science-politique dans le régime climatique et dans le cas de l’ozone. Un des membres les plus éminents de l’équipe du rapport est Mike Hulme. Directeur fondateur du Tyndall Center for Climate Change Research, auteur principal du GIEC pour le troisième rapport de synthèse et maintenant professeur à l’université d’East Anglia, il a publié en 2009 un livre dans lequel il reconnaît la gravité du problème climatique, tout en se montrant pessimiste sur nos capacités à le « résoudre » (Hulme, 2009).
  • [25]
    Cette assertion est d’autant plus surprenante qu’un des auteurs du rapport, Reiner Grundmann, avait lui-même montré comment le problème de l’ozone avait pu être combattu effectivement sans certitude scientifique préalable (Grundmann, 2006).
  • [26]
    La métaphore se réfère à une situation fictive dans laquelle deux prisonniers sont interrogés séparément par la police, et chacun peut soit dénoncer l’autre, soit refuser de coopérer. Si les deux refusent, ils seront condamnés à une peine très légère. Si les deux dénoncent, ils auront une peine plus importante. Si l’un des deux avoue, il est libéré et l’autre écope de la peine maximale. Ne sachant pas ce que l’autre répondra, les deux prisonniers choisiront la voie sûre, qui est de dénoncer, même si la situation idéale pour les deux serait de ne pas le faire.
  • [27]
    Theory, Culture & Society, 27, 2-3 (March-May 2010). Sommaire et résumés en ligne : http://tcs.sagepub.com/content/27/ 2-3.toc
  • [28]
    Sur cette question précise du supposé réductionnisme des climatologues, voir Dahan (2010), en particulier pp. 290-291.
  • [29]
    Son raisonnement s’appuie sur le concept de « civic epistemology » qu’elle a forgé (Jasanoff, 2005).
  • [30]
    Article 12 de l’accord de Copenhague.
  • [31]
    Voir le rapportTheCopenhagen Diagnosis (Allison et al., 2009), mis enligne quelques jours avant la conférence de Copenhague : http://www.copenhagendiagnosis.org/. Les contributeurs sont tous très proches du GIEC.
  • [32]
    Sur les arènes climatiques et le rôle du off, voirDahan (2009).
Après sa contribution sur Poznan publiée dans NSS (17, 3), Amy Dahan poursuit avec Stefan Aykut son analyse très fouillée des négociations climatiques (Copenhague et Cancun). Ils examinent la bifurcation très nette dans les processus de négociation conduits dans une approche d’abord descendante (l’objectif des « deux degrés »), puis ascendante (les engagements volontaires d’un maximum d’acteurs). Une évolution qui fait écho au projet de NSS, à savoir une expertise rééquilibrée vers les SHS et intégrant les exigences de l’engagement citoyen et collectif.
La Rédaction

Introduction

1Après l’insuccès de la conférence de Copenhague (décembre 2009) et le désenchantement profond qui s’en est suivi, la CoP 16 de Cancun (décembre 2010) sur le climat a entériné les approches par engagements volontaires des États (approches dites bottom-up) de l’accord de Copenhague. La crise du « régime climatique » qui s’est développée toute l’année 2010 sanctionne la fin d’un cycle, entamé il y a plus de vingt ans. Le basculement est profond, non contingent et général. Il touche à la fois le processus politique, le cadrage scientifique et la relation entre les deux.

2La relation science-politique dans le régime climatique est elle-même déterminée par une organisation singulière de l’expertise – le Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), acteur majeur du régime – et une relation inédite entre expertise et politique. En ce sens, il faut prendre au sérieux les attaques violentes qui ont visé le GIEC en 2009 et 2010 [1], parce que la visibilité des voix critiques et de l’offensive sceptique sont des signes significatifs de la crise. Plusieurs lignes de désaccord semblent se superposer à propos de la validité du consensus, la légitimité des experts ou la neutralité de leurs avis. Le problème climatique constitue donc un défi pour l’analyse des relations entre science et société. Cet article [2] accorde une attention privilégiée à cette question.

3Deux autres dimensions du régime climatique mériteraient un long examen : le cadre de gouvernance onusien des négociations et la dynamique irrésistible consistant à inclure, sous le climat, des thématiques et des problèmes de plus en plus nombreux et variés. Nous aborderons ces deux aspects, indirectement et partiellement, dans la suite du texte, sans pouvoir offrir ici des analyses complètes à leur sujet.

41. Le système de gouvernance climatique, construit depuis les années 1990 autour d’une stratégie de répartition des objectifs de réduction, focalise toutes les attentes au niveau global. En son centre, le système onusien, lent et lourd, est en proie à divers blocages : ceux des États les plus opposés à des politiques de réduction ambitieuses ; ceux liés aux désirs des pays les moins développés d’y inclure tous leurs problèmes. Le système de gouvernance climatique semble de moins en moins adéquat au nouvel ordre géopolitique mondial de ce début du XXIe siècle [3]. Après Copenhague, sa survie a même semblé être en jeu. Néanmoins, le cadre onusien a été partiellement réhabilité à Cancun [4].

52. Pour de nombreuses ONG, pour les pays parties prenantes du régime climatique, pour une partie de la société civile mondiale, pour une fraction des médias de tous les pays [5], le futur des problèmes planétaires (climat, environnement, développement, équité Nord-Sud) était véritablement à l’ordre du jour de Copenhague. En témoignent les mobilisations massives à Copenhague même et à travers le monde, incontestablement les premières de cette importance pour la cause climatique (Fisher, 2010). De plus, la montée en puissance de nouvelles initiatives de mobilisation parties des réseaux numériques, par exemple 350.org ou tcktcktck.org, a conféré une grande visibilité au problème. La fabrique mondiale du caractère crucial de cette échéance, consacrée par la feuille de route de Bali [6] et alimentée par la perspective d’une réunion de cent vingt chefs d’État, est d’ailleurs étonnante en soi. Ce fol espoir – sans doute une fiction – a fait long feu.

6Pour analyser le basculement que constitue la conférence de Copenhague, nous allons revenir d’abord sur la notion de « régime » climatique et sur les grandes étapes de son évolution, en essayant de lier développement de l’arène politique, organisation de l’expertise et cadrage scientifique. En retraçant la construction du problème climatique sur la scène mondiale, nous voulons aussi approfondir la notion de « coproduction » de l’ordre scientifique et de l’ordre politique. Depuis les travaux de Bruno Latour, Sheila Jasanoff, Brian Wynne et quelques autres, cette notion s’est en effet imposée comme grille d’interprétation des liens entre sciences et sociétés, mais la rhétorique de la coproduction fonctionne parfois comme une boîte noire. Pour ne pas en rester là, nous tenterons, dans une deuxième partie, de montrer très précisément comment expertise, science et politique sont inextricablement liées dans la construction d’un objet aussi stratégique et structurant pour le régime climatique que le seuil des deux degrés ; et comment ce seuil s’inscrit dans une évolution accentuée de la gouvernance climatique vers des approches top-down, qui culmine dans l’approche dite par « budgets carbone ». En consacrant ce chiffre comme objectif officiel du processus onusien, l’accord de Copenhague accentue la tension entre une realpolitik bottom-up désormais assumée et une expertise qui se voit confier un rôle de garde-fou. Enfin, nous consacrerons une troisième partie à un tour d’horizon de contributions post-Copenhague au débat sur l’avenir du problème climatique et ses enjeux.

Le régime climatique de Toronto (1988) à Copenhague (2009)

7La construction du problème climatique sur la scène politique internationale est un processus engagé à Toronto en 1988-1989, après le succès du protocole de Montréal (1987) imaginé pour lutter contre le trou de la couche d’ozone. Le succès de Montréal en fit un modèle pour la construction des négociations internationales sur le changement climatique. Scandé par la création du GIEC en 1988, le Sommet de la Terre à Rio en 1992 et l’entrée en vigueur de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques en 1994, puis par les arènes climatiques annuelles (les CoP) et les rapports du GIEC (1990, 1995, 2001, 2007), le régime climatique a réuni des acteurs et partenaires de plus en plus nombreux, suscité de nouvelles pratiques de recherche, vu s’affronter des intérêts économiques et des enjeux politiques variés.

8Dans la terminologie de « régime », se croisent plusieurs notions issues d’univers disciplinaires ou épistémiques distincts :

  • dans le domaine des relations internationales ou du droit, la notion désigne des arrangements politiques : traités, organisations internationales, ensemble de procédures juridiques, etc. (Keohane, 1984 ; Keohane et Nye, 2000) ;
  • au niveau discursif, l’expression peut désigner des cadrages scientifiques et politiques, un « régime de vérité » dans la littérature foucaldienne (Leclerc, 2001), un ensemble de « dispositifs » culturels, institutionnels ou autres ;
  • enfin, dans le paysage des Science Studies, la notion de régime cherche à capturer des modes de production des savoirs scientifiques contemporains quand ceux-ci se déploient pour résoudre des questions en lien organique avec des problèmes économiques, politiques, industriels, éthiques, etc. Le concept vise alors souvent en priorité l’organisation de l’expertise et les relations entre science et politique (Gibbons et al., 1994 ; Pestre, 2003 ; Dahan, 2007).
Appliquées au problème climatique, les trois acceptions précédentes se superposent et se combinent pour mobiliser, dans l’expression même de « régime climatique », la multidimensionnalité qui caractérise le domaine.

9Depuis vingt ans, le régime climatique s’est articulé principalement autour de trois éléments que nous rappelons brièvement dans les paragraphes qui suivent.

Un processus politique et une expertise climatique séparés, mais étroitement liés

10Le GIEC a été créé en 1988 par deux organismes liés aux Nations unies : l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE, en anglais UNEP). Depuis cette date, scientifiques et politiques ont avancé conjointement. Depuis l’origine, la science du changement climatique a formé la pierre angulaire à partir de laquelle se sont construites les discussions et les négociations. La référence au GIEC est constante dans les arènes climatiques. Chacun des rapports du GIEC fut à l’origine de grands moments de décision politique : celui de 1990 a préparé Rio et la convention Climat, celui de 1995 est directement lié à l’élaboration du protocole de Kyoto, celui de 2001 a préparé le tournant de l’adaptation ; seul, celui de 2007, associé au prix Nobel de la paix, n’a pas jusqu’ici abouti. Certes, les risques révélés par la méthodologie des modélisations numériques globales et l’expertise extrêmement sophistiquée ont suscité, au cours des années 1990, bien des suspicions de la part des pays en développement (sans parler de celles des pays pétroliers). Le GIEC a été accusé de dramatiser à l’extrême la menace climatique et de vouloir imposer autoritairement un point de vue jugé physiciste et globalisant. Pourtant, les efforts de pédagogie et de réflexivité que le GIEC a déployés, l’attention prêtée aux préoccupations des pays du Sud (usages des sols, forêts, événements extrêmes), l’alliance nouée avec les ONG pour accompagner la montée du thème de l’adaptation, ont paru venir à bout des tensions à son égard. À la faveur de l’échec politique de Copenhague, ce sont ces critiques qui sont revenues en force.

11Le GIEC, depuis ses débuts, a été imbriqué dans le processus politique, puisque c’est un organisme intergouvernemental, donc soumis à des influences politiques. De plus, les résumés de ses rapports à l’intention des décideurs doivent être adoptés mot à mot par les rédacteurs scientifiques et les représentants politiques des gouvernements (Dahan, 2008 ; Encinas de Munagorri, 2009). Pourtant, dans son discours, le GIEC s’est toujours empressé de revendiquer une vision linéaire et purifiée de sa relation au processus politique. Cette posture trouve son expression dans le fameux crédo d’être « policy-relevant, but not policy-prescriptive ». Ce décalage entre une rhétorique de « science-speaks-truth – to-power » et une pratique beaucoup plus complexe et profondément hybride le rend vulnérable et le met aujourd’hui sur la défensive.

Une stratégie de « partage du fardeau », avec des chiffres de réduction des émissions de CO2 et des objectifs de stabilisation

12Inscrite pour les pays développés dans le protocole de Kyoto, à l’horizon 2012, cette stratégie de «partage du fardeau » consistait à vouloir se répartir au niveau mondial des réductions d’émissions à un horizon temporel donné. Elle est restée à l’œuvre dans la recherche tant d’une prolongation du protocole de Kyoto pour la période post-2012 que d’un autre traité incluant les États-Unis et les grands pays émergents. En d’autres termes, le cadre explicite du processus de négociations a évolué de plus en plus nettement vers la recherche d’un traité international fixant des objectifs ciblés à tous les pays et d’un calendrier échelonné de mise en œuvre, avec des plafonds d’émissions évoluant dans le temps. Et cela, à partir d’une formule générale qui puisse refléter à la fois les responsabilités historiques, les capacités présentes et les conditions d’équité. Les acteurs qui ont le plus ardemment défendu ce cadrage sont les ONG environnementales. Jouant un rôle important à la fois en tant que groupe de pression à l’intérieur des négociations (Corell et Betsill, 2001 ; Fisher, 2010) et en tant que mobilisateur des opinions publiques dans les contextes nationaux (Ollitrault, 2008), les ONG s’étaient faites les porte-parole d’un traité global à la fois ambitieux et juridiquement contraignant, « basé sur la science climatique » et qui prendrait en compte des questions d’équité et de droit au développement (Fisher et Green, 2004). Or, ce cadre top-down, qui n’a jamais complètement reflété la pratique beaucoup plus complexe des négociations [7], paraît aujourd’hui aux Américains, y compris à l’administration démocrate, une ambition illusoire [8]. Il est également rejeté, pour diverses raisons de souveraineté et de droit absolu au développement, par les grandes économies émergentes.

13L’ambition des chiffres de réduction et des objectifs a été, dans les années 1990, l’objet principal des négociations du protocole de Kyoto entre pays industrialisés. Ceux-ci cherchaient dans l’ensemble à les minimiser, mais ils les déterminaient en toute légitime souveraineté. Ces chiffres relevaient du politique. Nous montrerons dans la deuxième partie qu’avec l’évolution accentuée vers un cadrage top-down et coproduit du régime climatique, ces chiffres et objectifs tendent à devenir éléments du cadrage lui-même, liés à l’expertise scientifique.

Une distinction claire entre pays industrialisés et pays en développement

14Cette distinction opère entre les pays mais aussi entre les sujets qui les concernent respectivement : atténuation et réductions d’une part versus adaptation, transferts et financements d’autre part. Elle a été établie dès l’élaboration de la convention-cadre (1992), qui reconnaissait une responsabilité différenciée des pays industrialisés dans la question du réchauffement climatique, et renforcée par le protocole de Kyoto (1997), qui excluait les pays dits non-Annexe I [9] de tout engagement de réductions. Jamais remise en question avant Bali, la distinction était néanmoins à l’origine du refus de ratification du protocole par les États-Unis.

15Au cours des années 2002-2007, les pays en développement unis au sein du groupe G 77 + Chine avaient réussi, par un activisme exceptionnel soutenu par une partie des ONG [10], à faire reconnaître l’adaptation comme un thème important des négociations climatiques. Le thème de l’adaptation – et l’exigence traditionnelle de fonds qui l’accompagne – revêt une double fonction : d’une part, la reconnaissance d’une injustice climatique due à la responsabilité historique des pays du Nord ; d’autre part, la reconnaissance d’une plus grande vulnérabilité des pays en développement aux changements climatiques, qui mérite aides en équipements, construction d’infrastructures et de services, etc. Dans cette dernière fonction, l’adaptation est presque synonyme de développement. À cette période, le problème climatique semble devoir englober tous les problèmes de développement et même du développement durable. Cela signifie que toutes les autres questions environnementales (biodiversité, assèchement des sols, nutrition et pêche…) ou d’équité Nord-Sud ont été progressivement reconfigurées par celle des changements climatiques, soumises au rythme de sa progression et à la dynamique géopolitique qui s’y développe. À la CoP 13 de Bali, cette évolution connaît son apogée avec l’adoption d’un mandat autour de quatre éléments constitutifs devant être négociés conjointement d’ici la CoP de Copenhague deux ans plus tard et dont les trois derniers concernent avant tout les pays en développement. Ces éléments sont :

  • les actions pour réduire les émissions ;
  • les solutions d’adaptation aux impacts des changements climatiques ;
  • les transferts technologiques ;
  • les mécanismes financiers.
L’ascension, au cours de la première décennie du XXIe siècle, des grandes économies émergentes – avant tout de la Chine, devenue en 2007 le premier émetteur mondial de CO2 – a rendu tout à fait inacceptable, en particulier pour les États-Unis, la séparation entre pays développés industrialisés et bloc indifférencié des pays en développement. Et la crise économique et financière ne fait qu’accentuer les concurrences économiques entre les puissances émergentes et les pays occidentaux. D’ailleurs, le bloc des « grands émergents » est très éloigné de tout le discours environnemental porté en particulier par les ONG sur la crise écologique planétaire. À Copenhague, la question climatique est apparue, pour la première fois aussi crûment, non pas tant comme un problème environnemental que comme un problème de décarbonisation des économies productives capitalistes, mettant en jeu dans cette transformation des intérêts concurrentiels énormes et des enjeux énergétiques vitaux. Le temps de la realpolitik a semblé s’imposer. Avec celle-ci, le mandat de Bali, qui mettait les questions d’adaptation, de développement et d’équité sur le même plan que celles de l’atténuation, était bafoué, provoquant la colère des pays en développement (en particulier les pays les moins avancés, les pays d’Amérique latine, les États insulaires de l’Alliance of Small Island States [AOSIS], etc.) et l’énorme clash de la conférence.

16À Cancun, une diplomatie habile des pays émergents a fait son apparition, en particulier avec la figure de la présidente, mexicaine, Patricia Espinosa voulant sauver le processus multilatéral auquel sont très attachés les pays en développement. En préparant minutieusement en amont la conférence, la présidente et ses « pays amis [11] » ont réussi à obtenir un consensus de la convention (seule la Bolivie n’a pas voté pour) sur un compromis où rien n’est fondamentalement réglé, mais où toutes les promesses, qui restent à finaliser l’année suivante, concernent les pays en développement : institutionnalisation d’un cadre de l’adaptation, engagements financiers et transferts de technologies. Quant au volet de l’atténuation, l’approche bottom-up des engagements volontaires, souhaitée par les États-Unis et les « grands émergents », prévaut plus que jamais, accompagnée d’une position de principe : éviter la barrière des deux degrés [12].

La coproduction du régime climatique : seuil des deux degrés et « budgets carbone »

17Dans la littérature des Sciences Studies, la notion de coproduction renvoie tout d’abord à l’idée d’évolution conjointe de l’ordre scientifique et de l’ordre politique et aux dispositifs qui l’accompagnent ou l’autorisent. La notion de frontière est alors un élément important (Jasanoff, 1987 ; Shackley et Wynne, 1996) ; en effet, dire ce qui est « scientifique » définit d’emblée le domaine du « politique », et vice versa. À un premier niveau, le régime climatique est « coproduit » dans le sens où le cadrage scientifique de la question, à travers les modèles de circulation générale, et le traitement politique dans les arènes onusiennes, par des traités ayant vocation à être signés par presque toute la communauté internationale, se soutiennent mutuellement. La définition politique de l’atmosphère comme « global common good » (ou du CO2 comme « global common bad ») et la définition scientifique du global comme échelle d’analyse pertinente, associée au downscaling comme méthode adéquate pour revenir à des unités d’analyse plus petites, se font écho. Toutefois, l’évolution conjointe ne se réduit pas à une évolution parallèle simultanée. Des interactions plus ou moins complexes ou étroites interviennent. Nous-mêmes avons mis en évidence comment le couple GIEC-SBSTA [13] a cristallisé cette coproduction (Dahan, 2008). On peut aller plus loin : dans cette même littérature, plusieurs travaux ont montré, à partir d’exemples concrets, comment des objets « hybrides » ou des objets frontières sont coproduits dans un va-et-vient entre sciences et politiques (Jasanoff et al., 1995). C’est ce que nous allons voir dans le cas du seuil des deux degrés.

18Dans l’arène climatique, plusieurs chiffres et unités de mesure circulent et sont réifiés par les acteurs. Le chiffre qui a dominé traditionnellement les négociations est celui des deux degrés Celsius, souvent couplé avec 450 ppm CO2-éq [14]. Ce chiffre est imbriqué dans un cadrage de la question climatique qui le définit comme un problème d’action collective, et de ce fait définit aussi l’atmosphère comme un « bien commun global » (Nordhaus, 1994). Le chiffre de deux degrés correspond alors à un seuil à ne pas dépasser, par analogie à des seuils de pollution ou d’utilisation dans des cas plus traditionnels de gestion d’un bien commun. Ce cadrage de la question n’est pas anodin, il ne va pas de soi.

Quand le changement climatique était surtout un problème scientifique : évaluer la sensibilité du système climatique

19L’objectif des deux degrés apparaît de façon plutôt surprenante dans un livre préparatoire à la conférence de Stockholm en 1972 : One Earth, de Barbara Ward et René Dubos, devenu un classique de la littérature écologique. Le livre passe en revue les problèmes les plus pressants de la planète, de la malnutrition à l’acidification des océans, et consacre un court chapitre à la « biosphère commune », dont cinq pages au climat, où l’on peut lire (Ward et Dubos, 1972, p. 192) :

20« The balance between incoming and outgoing radiation, the interplay of forces which preserves the average global level of temperature appear to be so even, so precise, that only the slightest shift in the energy balance could disrupt the whole system. It takes only a very small percentage of change in the planets balance of energy to modify average temperatures by 2 °C. Downward, this is another ice age ; upward, a return to an ice-free age. In either case, the effects are global and catastrophic. »

21Les auteurs ne donnent pas de références pour cette assertion, mais on comprend leur inquiétude à la lumière des premiers travaux de modélisation de l’atmosphère qui venaient d’être publiés. La notion-clé était alors la « sensibilité climatique », définie comme la réaction à long terme du système climatique à une perturbation anthropique en forme de rejets de CO2 excédant les émissions naturelles. La valeur-clé de ces calculs est le doublement des concentrations préindustrielles de gaz carbonique à 560 ppm, et les premiers travaux concluent dans ce cas à un réchauffement de 1,4 °C à 2,4 °C (Manabe et Wetherald, 1967).

22Différents travaux dans les décennies suivantes, avec des modèles plus complexes, confirment cet ordre de grandeur et quelques-uns donnent des valeurs maximales allant jusqu’à 3,5 °C (Hansen et al., 1981). Quand l’intérêt politique pour la question augmente à la fin des années 1970, un premier rapport exhaustif est demandé à l’Académie des sciences américaine. Cette étude de 1979 préfigure les travaux du GIEC en offrant une synthèse des savoirs dans le domaine de la climatologie (Charney et al., 1979). Elle aboutit à une fourchette assez large, pour la sensibilité climatique, de 1,5 °C à 4,5 °C, en partant des résultats de simulations fournis par les quelques modèles climatiques existants, à laquelle les auteurs ajoutent une marge d’incertitude vers le haut et vers le bas. Cette fourchette de la sensibilité climatique sera retenue dans plusieurs rapports ultérieurs, notamment dans les premiers rapports du GIEC [15]. Les rapports donnent souvent aussi une « meilleure estimation » de la sensibilité, qui varie de 3 °C pour le rapport Charney à 2,5 °C pour les deux premiers rapports du GIEC.

Quel réchauffement à quel horizon ? Les deux degrés dans la prospective climatique

23À la notion de sensibilité climatique s’ajoute celle de « réchauffement réalisé » à un horizon donné. Cette valeur dépend, d’une part, du forçage anthropique (les gaz à effet de serre émis), de la réaction du système climatique à ce forçage (la sensibilité climatique) et de l’horizon temporel choisi. Il ne s’agit donc plus de trouver le nouvel état d’équilibre du système après un forçage ; les rétroactions lentes ne sont que partiellement prises en compte, tandis que les océans interviennent comme « amortisseurs » qui retardent le réchauffement. Elle dépend, d’autre part, des émissions, de leur quantité et de leur distribution dans le temps, bref, de l’évolution globale des sociétés humaines, ce qui rend nécessaire de penser et quantifier des évolutions possibles. Le GIEC a développé depuis son premier rapport une série de scénarios à ce sujet, d’abord les scénarios SA90, puis IS92 et finalement SRES [16]. En partant d’une « meilleure estimation de sensibilité climatique » et d’un scénario «moyen » (IS92a), le GIEC estime dans son deuxième rapport (1995) que le réchauffement réalisé en 2100 serait de deux degrés (Bolin et al., 1995). Avec cette « meilleure estimation » du réchauffement jusqu’à l’an 2100, le second rapport du GIEC est plus prudent à fois que le précédent et que le suivant. En fait, cette mention va retenir l’attention politique. Il est donc important de comprendre exactement ce que les deux degrés signifient ici. Ils ne correspondent plus à une expérience de pensée abstraite (quel réchauffement s’il y a doublement des concentrations de CO2), pas encore non plus à un seuil à respecter, mais à un réchauffement « probable » en tenant compte de l’état des savoirs sur le système climatique et d’une prévision raisonnable et prudente de l’évolution du monde. Le chiffre de deux degrés, précédemment ancré dans un discours scientifique, outrepasse désormais ce cadre pour être inscrit dans une démarche prospective, par définition à mi-chemin entre des fondamentaux scientifiques et la visée politique (description de futurs probables afin de pouvoir infléchir les tendances).

Les deux degrés comme seuil d’un « réchauffement dangereux »

24Un an après, dans la course au protocole de Kyoto, le Conseil des ministres de l’Union européenne donne une nouvelle signification aux deux degrés. Dans une décision de 1996 [17], les ministres de l’environnement définissent ce chiffre comme seuil de réchauffement à éviter. Cette position a depuis été réaffirmée par l’Union européenne – en particulier par le Conseil européen en 2005 –, qui en a fait un pilier de sa politique climatique. À première vue, la décision de 1996 est pragmatique : les deux degrés apparaissent d’abord comme un objectif politique raisonnable. Après plusieurs échecs pour se mettre d’accord sur une ligne politique commune, par exemple sur une taxe européenne sur l’énergie et le carbone, la décision de l’Union européenne lui a permis de garder une crédibilité et un capital politique, sans avoir à prendre de décisions douloureuses dans l’immédiat. Mais l’Union européenne n’a pas seulement agi par opportunisme. Elle s’est fondée en fait sur une réflexion scientifique sur l’idée de seuils à respecter.

25L’origine de l’idée de seuil se trouve dans l’article 2 de la Convention-cadre sur les changements climatiques, probablement le plus cité, qui reconnaît la volonté de la communauté internationale de stabiliser les gaz à effet de serre à un niveau qui éviterait une « perturbation anthropique dangereuse du système climatique » (Nations unies, 1992). Cette formulation établit une relation particulière entre expertise et processus politique : l’expertise se trouve imbriquée dans le processus, et elle est appelée à préciser son niveau d’ambition. L’objectif apparemment simple s’est révélé ardu à concrétiser. À partir du milieu des années 1990, plusieurs tentatives scientifiques et politiques pour définir ce qu’est un réchauffement dangereux – et donc un seuil à éviter – voient le jour. Considérons l’exemple du WBGU, le « conseil d’experts des changements globaux [18] » auprès du gouvernement allemand, qui joua un rôle important dans l’adoption de l’objectif des deux degrés en Allemagne, puis en Europe. Dans son tout premier rapport de 1995, le WBGU élabore une approche originale pour déterminer des objectifs de réduction des gaz à effet de serre (WBGU, 1995). En partant du constat qu’une analyse coûts/avantages n’est pas possible dans le domaine du changement climatique à cause des incertitudes, le conseil développe une approche dite « tolerable windows approach », reprise pour son rapport avant-Kyoto en 1997, et devenue la base de programmes de recherche et de modélisation au Potsdam Institute for Climate Impact Research et à l’Institut Max Planck de météorologie à Hambourg (WBGU, 1997).

26Le principe de cette approche est une modélisation « à rebours » : au lieu d’élaborer, comme le fait le GIEC, différents scénarios et de voir à quelles concentrations de gaz à effet de serre ils aboutissent, le WBGU propose de déterminer un risque « acceptable » en termes de réchauffement, de le traduire en une concentration maximale de gaz à effet de serre et de définir des trajectoires d’émissions compatibles avec cet objectif. La démarche des scénarios du GIEC était de définir différentes storylines, c’est-à-dire des évolutions possibles du monde, et d’en déduire des scénarios. Elle consistait donc en une agrégation d’approches bottom-up (Matarasso, 2003 ; Armatte, 2008), sans prise en compte particulière des effets de politiques de réduction des émissions dans le cas d’un traité international efficace. La définition préalable d’un seuil de dangerosité, et des concentrations correspondantes de gaz à effet de serre, pour élaborer ensuite, dans un deuxième temps, des scénarios compatibles avec ce seuil est une rupture nette avec cette pratique.

27La définition de ce seuil suit une logique simple, mais efficace (WBGU, 1995). Le WBGU énonce comme critère central que la fourchette de température ne doit pas excéder celle où la vie biologique et humaine s’est développée sur Terre au cours des 120 000 dernières années. La limite haute de la fourchette est fournie par la dernière période interglaciaire (l’Éemien), avec une température moyenne de 16,1 °C; la limite basse est donnée par la dernière glaciation (Würm), avec une température moyenne de 10,4 °C. Les auteurs y ajoutent un demi-degré vers le haut et vers le bas, afin de rendre compte des incertitudes, et concluent qu’un réchauffement ou un refroidissement en dehors de ces bornes nous conduirait vers des climats inconnus pour nos écosystèmes. Compte tenu du fait que la température moyenne du globe est actuellement de 15,3 °C, nous devons donc impérativement éviter un réchauffement supplémentaire de plus de 1,3 °C. Cette valeur, combinée au 0,6 °C de réchauffement déjà constaté depuis le début de l’ère industrielle, donne finalement le chiffre de deux degrés, que le WBGU défendra aussi dans un rapport ultérieur important (WBGU, 2003). Même si elle ne fait pas l’unanimité dans la communauté scientifique, cette conclusion a reçu un écho scientifique et politique considérable. Récemment, un colloque scientifique a été organisé en Grande-Bretagne, alors à la tête du G 8, pour réfléchir sur le lien entre « changement climatique dangereux » et seuil des deux degrés [19].

Copenhague et la consécration du seuil des deux degrés comme objectif politique

28Le GIEC n’a jamais recommandé officiellement les deux degrés comme objectif pour les négociations, mais il prend acte des développements en y faisant subtilement référence dans le quatrième rapport (2007), où un tableau synoptique des impacts du changement climatique selon la hausse des températures montre les dangers de dépasser ce seuil [20]. La consécration de l’objectif est intervenue en 2009, quand il a été inscrit d’abord dans la déclaration du G 8 de L’Aquila, et ensuite dans l’accord de Copenhague. Cette décision est hautement symbolique : du côté politique du processus onusien, ni la Convention cadre sur les changements climatiques ni le protocole de Kyoto ne le mentionnaient jusque-là, et aucune décision des CoP ou MOP ne s’y réfère. À Bali, un débat sur le fait d’inclure ou non une référence à ce seuil a encore opposé les États-Unis et la Russie au reste de la CoP, et le document final s’est contenté d’une référence en note aux travaux du GIEC. L’accord de Copenhague constitue en ce sens une nouveauté : même s’il n’a pas été adopté par l’assemblée, il entérine pour la première fois les deux degrés comme objectif de la communauté internationale. Le compromis de Cancun, adopté officiellement par la CoP 16, a confirmé le seuil des deux degrés comme élément structurant du régime politique du climat.

29L’objectif des deux degrés est bien issu d’une véritable coproduction scientifico-politique, avec plusieurs acteurs centraux, dont le GIEC et différentes commissions d’expertise, comme le WBGU en Allemagne, l’Union européenne et, plus récemment, le G8 de L’Aquila. D’ailleurs, la concentration sur un chiffre unique soulève quelques problèmes, car le chiffre constitue une « boîte noire » qui cache les luttes de pouvoir et les controverses scientifiques de sa construction (Latour, 2001). Ainsi, il n’est pas évident de savoir à quel horizon temporel le chiffre se réfère, et cela laisse la porte ouverte à une multitude de scénarios de réduction, dont ceux incluant un overshooting (croissance des émissions au-dessus du seuil fixé) temporel. Plus important encore, dans son rapport de 1995, le GIEC affirmait que la stabilisation à 550 ppm correspondait à un réchauffement probable de deux degrés. Aujourd’hui, il considère que ce seuil se situe à 450 ppm [21], voire moins, ce qui est un niveau d’ambition tout à fait différent ! L’Union européenne, qui a adopté l’objectif des deux degrés en 1996, se retrouve donc avec une cible de réductions considérablement plus élevée, ce qui montre le danger que peut constituer la sanctuarisation du chiffre.

Seuils, scénarios et budgets : l’ascension des approches top-down du changement climatique et le problème de la gouvernance

30Le seuil des deux degrés s’inscrit dans la problématique générale de la gouvernance climatique et de son traitement scientifique, caractérisée par un cadrage de plus en plus top-down. Cette évolution passe d’abord par la considération très globalisante des concentrations en CO2 dans l’atmosphère, plutôt que celle des émissions, ainsi que par la définition de seuils au lieu d’un raisonnement par scénarios, et culmine dans ce qu’on appelle l’approche par budgets carbone. Celle-ci prolonge le raisonnement à rebours développé par le WBGU.

31La démarche adoptée par le GIEC pour son cinquième rapport [22] confirme le choix de privilégier les concentrations. En effet, l’approche séquentielle, dans laquelle économistes, politologues et sociologues élaboraient des scénarios, dont l’impact en termes de réchauffement servait de base aux modélisateurs du climat, est remplacée par une approche « parallèle », avec comme point de départ différents niveaux de stabilisation des concentrations. L’Agence internationale de l’énergie (AIE, en anglais IEA) présente également ses scénarios autour des chiffres de concentrations (450, 550). Quant au raisonnement des budgets carbone, il a récemment été promu dans deux articles parus dans le journal Nature (Meinshausen et al., 2009 ; Schmidt et Archer, 2009). Il a été repris et affiné dans deux rapports, ainsi que par Nicolas Stern dans son dernier ouvrage (IEA, 2009; WBGU, 2009; Stern, 2009).

32L’approche se veut explicitement destinée au processus de négociations. Travailler sur les concentrations de CO2 permet en effet de changer de méthodologie et de considérer des « stocks » au lieu de « flux ». L’avantage est de pouvoir déterminer une quantité cumulée de gaz « admissible » dans l’atmosphère, de calculer celle qui a été émise depuis le début de l’industrialisation et de conclure sur le « budget » qui nous reste. On redescend ensuite du budget global au budget attribuable à chaque pays. Afin de limiter le réchauffement à deux degrés avec une probabilité de 2/3, les études s’accordent sur un budget global aux environs de 750 Gt pour la période 2010-2050 [23]. L’Inde a défendu dans le processus de négociations l’approche par budget.

Quel avenir pour le régime climatique ? Le débat post-Copenhague

33L’échec de Copenhague a ouvert la voie à une offensive critique, voire sceptique et pouvant nier la cause anthropique, concentrée sur le cadrage du problème climatique et sur le rôle du GIEC. Nous ferons le tour de quelques contributions académiques d’auteurs venant des sciences politiques, économiques ou sociales, très familiers des enjeux climatiques. Loin de partager toutes leurs analyses, fort divergentes parfois, nous les avons sélectionnés car leurs contributions participent, à notre avis, à un débat réflexif sur les défis que le changement climatique pose, notamment aux Sciences Studies et aux sciences sociales.

Le rapport Hartwell

34Cette contribution au débat post-Copenhague mérite particulière attention. Publié par deux instituts des prestigieuses London School of Economics et Oxford University, financé par la fédération japonaise de l’acier, le rapport Hartwell (Prins et al., 2010) réunit des auteurs habitués du débat climatique qui ont pris régulièrement des positions critiques vis-à-vis tant du processus politique que de l’expertise du GIEC [24]. Le rapport Hartwell part d’un double constat d’échec. La première cible est l’« approche Kyoto », qui a achoppé à Copenhague. Pour les auteurs, cette voie était condamnée dès le départ, car le cadrage en termes de « problème de pollution », avec des objectifs chiffrés de réduction et un traité contraignant à la clef n’est pas, disent-ils, la solution mais un obstacle au traitement du problème. Deuxièmement, le « Climategate », cette affaire de courriels piratés de l’université d’East Anglia en novembre dernier, leur semble avoir érodé durablement la confiance dans la science climatique en général et dans le GIEC en particulier.

35Le changement climatique est qualifié, par opposition au paradigme de la pollution, de « wicked problem », ce qui désigne une catégorie de problèmes qui, en raison de leur complexité et de leur ampleur, ne sauraient être décrits entièrement en termes scientifiques. Selon les auteurs, dans les recherches qui régissent le domaine du changement climatique, plus de savoir ne conduit pas à plus de certitude. L’échec du GIEC serait par conséquent systémique. Sa construction même serait défaillante car fondée sur le modèle de l’éducation publique (« deficit model »), et donc sur la croyance que la science pourrait guider les politiques. Enfin, comme les scientifiques ne réussissent pas à mettre tout le monde d’accord, le processus politique n’avance pas.

36Les signataires proposent de changer radicalement de voie, en renonçant à tout espoir d’un traité global et contraignant, basé sur des objectifs de réduction, et à toute forme de marché du carbone. Il faut, disent-ils, traiter le problème par des mesures « indirectes », autrement dit mettre en œuvre des politiques profitant à la lutte contre le changement climatique pour d’autres raisons que le climat. Les exemples cités sont les politiques contre les problèmes de pollution et d’indépendance énergétique, les approches basées sur la croissance verte et l’efficacité énergétique, et enfin – et cela constitue le dernier tournant de ce rapport parfois étonnant – les politiques visant à garantir l’accès à une énergie bon marché pour tous.

37Le texte de Hartwell questionne les relations science politique dans des termes proches de ceux développés par les études des sciences et techniques dans les trente dernières années (Jasanoff et al., 1995) : après avoir constaté qu’il est impossible de clore scientifiquement des controverses sociotechniques, les auteurs développent une critique du «deficit model » et du « modèle linéaire » dont seraient prisonniers les partisans du GIEC. Pourtant, la catégorie de « wicked problem » qu’ils utilisent ne convainc guère, car leur constat qu’il est impossible d’établir complètement les chaînes de causalité n’est pas propre au problème climatique. L’impossibilité de s’en remettre aux sciences et techniques pour clore définitivement les débats est, selon Beck (2001), une caractéristique générale de notre époque ; elle serait même, selon Latour (1991), une constante à travers les temps. Pis, le texte semble lui-même prisonnier du modèle linéaire quand il postule qu’en l’absence de consensus scientifique, toute solution politique directe est compromise [25]. Les études des sciences et techniques nous enseignent que les mécanismes de clôture des débats sont toujours complexes, jamais purement « scientifiques », et qu’on gagne toujours à les regarder en détail. L’exemple de l’objectif des deux degrés, ni purement scientifique ni purement politique, contredit une des thèses fondamentales du rapport Hartwell, selon lequel « une caractéristique distincte du débat sur le changement climatique est que les scientifiques affirmaient avec l’autorité de leur position que leurs résultats dictaient des politiques particulières » (Prins et al., 2010, p. 18). Cette affirmation outrancière est avancée sans justifications. La condamnation sommaire du GIEC dans le rapport Hartwell ne laisse aucune place pour rendre compte finement de son rôle dans l’arène climatique, de la façon dont il a poussé le processus et contribué, par ses formes de gouvernance et d’action, à créer de la confiance entre États, dont aucun ne nie plus aujourd’hui la réalité du changement climatique. De plus, le rapport Hartwell reste muet sur les conflits d’intérêts et sur la déconstruction ciblée, intéressée et systématique de la science climatique dans l’arène publique par divers groupes d’intérêts et lobbys (Oreskes et Conway, 2010). Enfin, si le rapport souhaite encourager une approche pragmatique, centrée sur des mesures immédiatement applicables, les politiques proposées paraissent singulièrement timorées et peu ambitieuses.

La contribution d’Elinor Ostrom

38La célèbre économiste et politiste, prix Nobel d’économie, cherche à articuler subtilement le global et le local. Dans un texte qui propose une « approche polycentrique pour combattre le changement climatique » (Ostrom, 2009), elle répond aux économistes qui, partant de la définition du changement climatique comme un problème global d’action collective, stipulent que toute solution devra être globale pour être efficace. L’économiste politique compare les problèmes de ce type au « dilemme du prisonnier [26] » et prédit que, sans cadre contraignant engageant tous les acteurs, il n’y aura pas de coopération. Cet argument, plus connu sous le nom de free-rider, revient en force dans les discussions sur la taxe carbone en France et le marché du carbone en Europe. La lutte contre le réchauffement climatique revient à produire un bien public commun (common good) – un climat stable. Beaucoup d’acteurs doivent y contribuer, en faisant des efforts considérables, mais le résultat profite à tout le monde, même à ceux qui n’ont pas fait d’effort.

39Bien qu’Elinor Ostrom admette qu’un accord contraignant au niveau global serait idéal, elle réfute toutefois le dogme selon lequel, sans ce cadre, toute action serait compromise. Son argument est à la fois théorique et empirique. L’action contre le changement climatique a souvent des effets « secondaires » positifs, dit-elle, qui vont de la lutte contre les pollutions de toute sorte à une meilleure utilisation de l’énergie. Ces bénéfices se situent à toutes les échelles et justifient des actions unilatérales des acteurs même en l’absence de traité global. Elle cite ainsi les alliances de villes, les initiatives d’États américains ou certains succès dans la lutte contre la déforestation. Dans tous ces exemples, des actions sont prises contre les prédictions théoriques et contre l’intérêt étroitement défini des acteurs concernés. Selon Ostrom, la base de ces actions est la création de confiance et le leadership, plus que les intérêts « objectifs ». Elle postule que l’exemplarité de certaines actions peut entraîner d’autres initiatives et que la coopération est une question de ce qui est perçu comme la norme. Pour Ostrom, le succès de l’action contre le changement climatique est donc d’abord une question de confiance et de leadership. Elle appelle à construire cette confiance du bas vers le haut, des petites entités aux plus grandes, tout en poursuivant les négociations globales.

Du côté des sciences sociales

40Venons-en au numéro de la revue Theory, Culture&Society (mars 2010) [27] consacré au changement climatique, qui réunit des chercheurs prestigieux de diverses disciplines (géographie, sociologie, anthropologie, Sciences Studies…). Sans pour autant nier la réalité du changement climatique, tous contestent le cadrage scientifique et politique du problème, depuis vingt ans, qui a conduit à de très faibles résultats en termes de réductions des émissions. Suivant leur appréciation du risque climatique (car ils divergent beaucoup sur ce point), ils proposent différentes mesures et orientations. Toutefois, ce qui les réunit est le rôle ambitieux et novateur qu’ils veulent accorder aux sciences sociales dans le problème. Ne pouvant rapporter tous les points de vue, nous porterons une attention particulière à trois d’entre eux : Mike Hulme, Sheila Jasanoff et Ulrich Beck.

41Quoi de commun dans leurs perspectives ? D’abord, deux points qui les rapprochent du texte de Hartwell : (i) le problème climatique n’est pas un problème de pollution, le CO2 n’est pas l’analogue des CFC (chlorofluorocarbures) ou des HFC (hydrofluorocarbures) pour le trou de la couche d’ozone. C’est un problème qui envahit et détermine toutes les activités humaines (de production, de consommation, d’alimentation, de loisirs, de transports, etc.) ; (ii) la stratégie de Kyoto était condamnée à l’échec et a eu de faibles résultats. Les trois chercheurs critiquent en général les visions catastrophistes, les discours de l’urgence, les énoncés selon lesquels il ne resterait que cent mois pour sauver la planète, etc., et tous ceux – scientifiques, ONG, médias – qui ont construit Copenhague comme le moment pivot de notre avenir. Les plus virulents à l’égard du GIEC l’accusent d’être trop dépendant de la hiérarchie traditionnelle des sciences : sciences de la nature et modèles au sommet ; sciences économiques formalisées, seules admises à participer à l’expertise et à définir les politiques climatiques.

42Ces critiques sont ainsi fortement marquées de tensions entre communautés épistémiques. Elles sont particulièrement caractéristiques chez les géographes, qui jugent sévèrement les articulations entre local et global telles qu’elles opèrent dans les conceptions et rapports du GIEC : la globalisation du climat y effacerait l’expérience anthropologique du climat et du temps, qui, à leur avis, resterait avant tout subjective et locale. En particulier, Mike Hulme, auteur de Why We Disagree about Climate Change et signataire du texte de Hartwell, reproche au GIEC un déterminisme climatique et un réductionnisme [28] faisant du climat le facteur essentiel des sociétés – un facteur supposé déterminer toutes leurs possibilités de développement et de survie. D’où la vive opposition de Hulme (2010) au groupe II du GIEC à propos des stratégies d’adaptation. Sans remettre en question les prédictions chiffrées pour 2050, Hulme considère le tableau politique et social du futur, brossé par le GIEC, comme hasardeux et marqué de larges incertitudes. Le futur est toujours ouvert, conclut-il.

43Jasanoff et Beck, qui appartiennent à d’autres communautés épistémiques (Science Studies, sociologie), examinent ce que le changement climatique devrait susciter comme réflexions et recherches dans les sciences sociales. Jasanoff (2010) insiste sur la nécessité de construire des ponts entre les représentations scientifiques et abstraites de la connaissance environnementale et les échelles plus petites de significations sociales. Il n’y a pas, dit-elle, d’interprétation neutre de l’expertise globale, les mêmes nombres et faits prennent des significations différentes dans chaque pays [29]. Puisque le GIEC produit une connaissance pour une politique globale, il ne peut répondre aux traditions nationales et culturelles particulières de légitimité politique. Dans son article « Climate for change, or How to create a green modernity? », Beck (2010) rencontre Jasanoff sur plusieurs points : par exemple, sur le constat que le discours sur les politiques climatiques est un discours élitiste et expert, dans lequel les peuples, les sociétés et les citoyens ne peuvent se reconnaître car il néglige trop leurs intérêts. Mais, pour Beck, qui a une très haute appréciation du risque climatique, c’est la question d’une nouvelle croissance ou d’une modernité verte qui est à l’ordre du jour, ou plutôt la transition économique vers une nouvelle phase du capitalisme, un nouvel âge de la civilisation. La question centrale pour le sociologue est alors de scruter d’où pourront émerger, en particulier en ces temps incertains, les forces nécessaires pour soutenir ces transformations écologiques profondes qui présupposent des changements dans nos modes de vie, de consommation, de croissance. Il faut, écrit-il, repenser radicalement la catégorie d’environnement, qui est soit trop étroite quand elle exclut l’action humaine et le social, soit trop large, voire suicidaire, quand elle l’inclut, puisque alors elle ne pense pas le politique à ce niveau de métachangement et perd de vue la société moderne elle-même. Il nous faut prendre la mesure que les « politiques climatiques » ne concernent pas uniquement le climat, mais ont affaire avec une transformation de nos catégories fondamentales et des institutions des États-nations modernes.

44En résumé, le changement climatique a contribué à brouiller plusieurs dichotomies majeures de notre modernité : nature/culture, science/politique, local/global, présent/futur. Or, peu d’enseignements profonds en sont tirés et on assiste surtout à des tentatives récurrentes et conservatrices de refabrication des frontières. Prenons la mesure jusqu’au bout de ces bouleversements, plaident ces différents auteurs, chacun à sa manière.

Quelques conclusions

Régime et gouvernance

45L’échec de la conférence de Copenhague reflète les souhaits fondamentaux des puissances aujourd’hui dominantes sur la scène géopolitique mondiale et les limites qu’elles ne veulent pas dépasser, ainsi que leur souci de ne rien céder sur la souveraineté nationale. Ce constat contredit les espoirs d’un « grand soir du climat » débouchant sur une gouvernance cosmopolitique à la Beck, et les attentes d’un Kyoto-2 élargi. C’est d’abord en ce sens que Copenhague marque la fin d’un cycle.

46L’article 2 de la Convention-cadre sur les changements climatiques avait introduit l’idée d’un seuil de réchauffement « dangereux » et établi une relation particulière entre expertise et processus politique : imbriquée dans le processus, l’expertise était appelée à préciser son niveau d’ambition. Dans le nouveau cycle depuis Copenhague, l’expertise se voit attribuer une tâche de suivi des politiques et de réévaluation régulière du seuil à respecter [30], ce qui lui confère un rôle de garde-fou et accroît la pression qui pèse sur elle.

47Un hiatus croissant inquiétant se manifeste entre, d’une part, l’expertise scientifique alarmante [31], construite autour de chiffres-clés, de seuils et de budgets carbone, qui présuppose une gouvernance mondiale efficace et correspond à une approche top-down du problème climatique à l’échelle planétaire, et, d’autre part, l’approche bottom-up, confirmée de Copenhague à Cancun, qui préconise des politiques nationales et pas d’objectifs contraignants. Conformément à ce que l’on pouvait attendre, les réductions volontaires annoncées sont très insuffisantes pour atteindre l’objectif des deux degrés (UNEP, 2010). L’expertise scientifique en est d’autant plus fragilisée et la crise du régime climatique touche conjointement le cadrage scientifique et l’arène politique.

Le GIEC

48Dans le débat de l’après-Copenhague, la panoplie des propositions montre non seulement des cadrages différents du problème, mais surtout des appréciations divergentes du risque climatique. Vouloir mettre tout le monde d’accord sur une base scientifique reste une illusion. Cela a des implications pour le GIEC.

49Pour le GIEC, la distorsion entre une posture purifiée d’une science qui délivrerait la vérité au pouvoir politique et une pratique beaucoup plus complexe le rend vulnérable et le met aujourd’hui sur la défensive. Le GIEC a eu un rôle politique très important, enrôlant des acteurs, gagnant des alliés, créant la confiance et unifiant un champ vaste et dispersé de connaissances. Ce positionnement hybride entre science et politique n’est pas honteux, il est inhérent à la posture d’expertise.

50Les trois groupes du GIEC, composés de disciplines aux temporalités, méthodes et incertitudes différentes, remplissent des fonctions distinctes. Les chiffres et résultats du groupe I doivent continuer de jouer le rôle de « coagulateur » entre des acteurs divers, engagés dans un travail de construction de « référentiels » communs. Le groupe II doit s’ouvrir résolument aux sciences sociales pour mieux réussir une descente en échelles. Les scénarios socioéconomiques du groupe III pourraient devenir centraux, à condition d’être plus transparents et explicites sur les choix politiques qu’ils impliquent. Il s’agit de déplacer le débat vers les mesures à prendre, d’évaluer ce qui est fait, ce qui reste à faire, de comparer les effets de diverses politiques, d’informer et d’alimenter de manière plus réactive la discussion.

L’après-Copenhague

51Nous vivons une convergence de quatre crises : la crise environnementale ; la crise énergétique ; la crise climatique ; la crise financière et économique. Il n’est pas faux de suggérer que certaines politiques climatiques peuvent être prises « pour d’autres raisons ». Toutefois, ce constat appelle à une plus grande coordination entre des champs politiques et des arènes internationales cloisonnées et séparées (par exemple, l’OMC, le G 20, le FEM [Fonds pour l’environnement mondial] et la convention Climat). Le débat sur les mesures et les politiques doit par conséquent acquérir plus d’autonomie par rapport au constat scientifique, et être mené de façon publique et ouverte.

52Le changement climatique n’est pas un problème seulement global. C’est un problème multi-échelles, qui peut et doit être traité à toutes les échelles concernées. Cependant, les arènes climatiques restent des carrefours importants entre acteurs multiples, et, dans le bilan de ces quinze années de CoP, le off a été peut-être plus fructueux que le in[32]. La présence de la société civile et des think tanks a permis de lancer et de diffuser des idées, de débattre de questions qui n’ont pas (ou plus) d’autres forums d’envergure : développement (vert), équité, responsabilité, solidarité mondiale. Les CoP ont aussi accompagné l’émergence du « green business » ; des solutions concrètes à la transition ont émergé, mûri, se sont affichées et échangées.

Références

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Mots-clés éditeurs : objectif des deux degrés, débat post-Copenhague, conférence de Copenhague, GIEC, gouvernance climatique

Date de mise en ligne : 01/01/2012

Notes

  • [*]
    Cf. dans le vol. 18, n° 3, la présentation, par la Rédaction, de ce dossier et les premiers textes s’y rapportant.
  • [**]
    Auteur correspondant : A. Dahan, amy.dahan-dalmedico@damesme.cnrs.fr
  • [1]
    Entre autres : affaire des courriels volés et publiés de l’université d’East Anglia (« Climategate ») et polémiques suite à la découverte d’erreurs dans le 4e rapport de synthèse (glaciers de l’Himalaya).
  • [2]
    Ce texte est fortement inspiré d’un rapport de recherche rédigé à l’issue d’une mission à la CoP 15 de Copenhague (Dahan et al., 2010). La mission de recherche a été subventionnée par l’Institut écologie et environnement (INEE) du CNRS, que nous remercions vivement.
  • [3]
    Une telle critique est même venue récemment de la part des ONG, qui avaient pourtant toujours défendu le cadre multilatéral. À titre d’exemple, un récent rapport de la Coordination Sud et du Réseau action climat attribue une part significative de responsabilité dans l’échec de Copenhague au système onusien (Chetaille, 2010). Cette critique ne fait pas l’unanimité (voir, par exemple, Radanne et al., 2010).
  • [4]
    On peut trouver notre analyse approfondie de la conférence de Cancun dans le rapport de recherche (Dahan et al., 2011).
  • [5]
    Voir l’éditorial commun publié la veille de l’ouverture de la conférence dans cinquante journaux (dont Le Monde) de différents pays.
  • [6]
    Résultat des négociations de Bali (CoP 13 en 2007) ; nous reviendrons sur ce point.
  • [7]
    Les objectifs de réduction par pays issus de la conférence de Kyoto, par exemple, étaient le résultat de négociations politiques, et l’objectif global (-5,2 % pour les pays de l’Annexe I entre 1990 et 2008-2012) a été déterminé dans un deuxième temps, en agrégeant les objectifs nationaux (Depledge, 2000).
  • [8]
    Voir le projet « International Climate Agreements » piloté par Joseph Aldy et Robert N. Stavins, rapport distribué en 2008 à Poznan. Voir notre analyse sur ce rapport dans Dahan et al. (2009), pp. 41-43.
  • [9]
    Les pays non-Annexe I sont essentiellement les pays en voie de développement.
  • [10]
    Les ONG – du Nord comme du Sud – sont traditionnellement proches des positions des pays en développement et soutiennent souvent les pays les moins avancés lors des conférences climatiques (Fisher et Green, 2004).
  • [11]
    Au cours de l’année 2010, à l’initiative de la nouvelle secrétaire exécutive de la convention, la Costaricaine Christiana Figueres, est créé le Dialogue de Carthagène : il s’agit d’un espace de discussion informel regroupant une quarantaine de pays, de tous horizons, voulant aboutir à tout prix à un accord. Voir Cartagena Dialogue (2010).
  • [12]
    Ce résumé est évidemment lapidaire ! Pour une analyse approfondie de la conférence de Cancun, voir Dahan et al. (2011).
  • [13]
    SBSTA : Subsidary Body of Scientific and Technological Advice (Organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique de la Convention-cadre sur les changements climatiques).
  • [14]
    L’unité ppm CO2-éq renvoie à « parts par million » et indique la part de molécules de CO2 et d’autres gaz à effet de serre (GES) en équivalent CO2 par million de molécules dans l’atmosphère.
  • [15]
    La stabilité étonnante de la sensibilité climatique dans plusieurs rapports des années 1980 et 1990 a été analysée par des sociologues des sciences (Sluijs et al., 1998).
  • [16]
    Voir les rapports correspondants du GIEC (Leggett et al., 1992 ; Nakicenovic et Swart, 2000).
  • [17]
    Council of the European Union, 1996. Community strategy on climate change: Council conclusions, 1939th Environment Council Meeting, Brussels, 25 June, § 5 et 6 (http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/envir/011b0006.htm).
  • [18]
    Le WBGU (Wissenschaftlicher Beirat der Bundesregierung Globale Umweltveränderungen), créé en 1992 avant la Conférence des Nations unies pour l’environnement et le développement, est une institution d’expertise interdisciplinaire auprès du gouvernement allemand, qui édite régulièrement des rapports à l’intention des décideurs et des chercheurs dans le domaine des « changements environnementaux globaux ».
  • [19]
    Avoiding Dangerous Climate Change: Scientific Symposium on Stabilisation of Greenhouse Gases, chaired by Dennis Tirpak, Met Office, Exeter, February 1st-3rd 2005.
  • [20]
    Quatrième rapport, résumé à l’attention des décideurs, figure RiD 7 (GIEC, 2007, p. 10).
  • [21]
    Selon le dernier rapport du GIEC, une stabilisation à 450 ppm CO2-éq correspond à une « meilleure estimation » du réchauffement de 2,1 °C et à une probabilité supérieure à 50 % de dépasser 2 °C (cf. Solomon et al., 2007, tableau 10.8, p. 826).
  • [22]
    Modélisations et scénarios économiques seront élaborés ensuite, ce qui constitue un changement majeur. Les nouvelles lignes directrices pour l’élaboration des scénarios pour le cinquième rapport ont été discutées dans une conférence en septembre 2009 aux Pays-Bas (Armatte, 2008).
  • [23]
    Le budget de 2000-2050 est de 1 000-1 400 Gt selon les analyses et les probabilités (75-50 %). Une autre valeur importante est celle de 600 Gt d’ici 2050 que donnent certains rapports, pour atteindre une probabilité de 75 % de ne pas dépasser 2 °C.
  • [24]
    Ainsi Prins et Rayner (2007a, b) ont-ils attaqué ce qu’ils appellent la « voie de Kyoto », c’est-à-dire l’espoir d’un traité contraignant, avec des objectifs chiffrés pour les grands émetteurs. Pielke et Sarewitz sont connus pour leur critique de la posture du GIEC (Sarewitz et Pielke, Jr., 2000 ; Pielke, Jr., 2007). Grundmann (2006 et 2007) a fait des travaux sur la relation science-politique dans le régime climatique et dans le cas de l’ozone. Un des membres les plus éminents de l’équipe du rapport est Mike Hulme. Directeur fondateur du Tyndall Center for Climate Change Research, auteur principal du GIEC pour le troisième rapport de synthèse et maintenant professeur à l’université d’East Anglia, il a publié en 2009 un livre dans lequel il reconnaît la gravité du problème climatique, tout en se montrant pessimiste sur nos capacités à le « résoudre » (Hulme, 2009).
  • [25]
    Cette assertion est d’autant plus surprenante qu’un des auteurs du rapport, Reiner Grundmann, avait lui-même montré comment le problème de l’ozone avait pu être combattu effectivement sans certitude scientifique préalable (Grundmann, 2006).
  • [26]
    La métaphore se réfère à une situation fictive dans laquelle deux prisonniers sont interrogés séparément par la police, et chacun peut soit dénoncer l’autre, soit refuser de coopérer. Si les deux refusent, ils seront condamnés à une peine très légère. Si les deux dénoncent, ils auront une peine plus importante. Si l’un des deux avoue, il est libéré et l’autre écope de la peine maximale. Ne sachant pas ce que l’autre répondra, les deux prisonniers choisiront la voie sûre, qui est de dénoncer, même si la situation idéale pour les deux serait de ne pas le faire.
  • [27]
    Theory, Culture & Society, 27, 2-3 (March-May 2010). Sommaire et résumés en ligne : http://tcs.sagepub.com/content/27/ 2-3.toc
  • [28]
    Sur cette question précise du supposé réductionnisme des climatologues, voir Dahan (2010), en particulier pp. 290-291.
  • [29]
    Son raisonnement s’appuie sur le concept de « civic epistemology » qu’elle a forgé (Jasanoff, 2005).
  • [30]
    Article 12 de l’accord de Copenhague.
  • [31]
    Voir le rapportTheCopenhagen Diagnosis (Allison et al., 2009), mis enligne quelques jours avant la conférence de Copenhague : http://www.copenhagendiagnosis.org/. Les contributeurs sont tous très proches du GIEC.
  • [32]
    Sur les arènes climatiques et le rôle du off, voirDahan (2009).

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