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Article de revue

Savoirs relationnels et « engagement » avec le vivant : les dimensions oubliées du métier d'éleveur ?

Pages 29 à 39

Notes

  • [*]
    Auteur correspondant : jblanc@mnhn.fr
  • [1]
    Évoquons, par exemple, les travaux effectués dans le cadre du Programme interdisciplinaire de recherches sur l’environnement du CNRS – volet « Causses-Cévennes » – entre 1981 et 1986, qui s’attachent à mettre en lumière les relations entre les changements écologiques, économiques et sociaux sur ce territoire (Jollivet, 1989). Citons également les travaux portant sur l’embroussaillement, financés par le CNRS entre 1992 et 1996. Géographie, agronomie et anthropologie y dialoguent afin de formaliser les interactions entre cette dynamique végétale, d’une part, et les pratiques et les représentations sociales des éleveurs et des habitants du causse, d’autre part (Cohen, 2003).
  • [2]
    Parmi les restitutions d’ensemble de ces programmes, seul un encadré dans l’ouvrage Être éleveur sur le Causse (Jollivet, 1989), rédigé par B. Mortain, s’intéresse quelque peu à ce sujet.
  • [3]
    Cf., par exemple, Descola (1986), Berkes et al. (1998), Roué et Nakashima (2002a).
  • [4]
    Ainsi qualifié en raison de la faible densité d’animaux à l’hectare (1 brebis/ha) présents sur le plateau.
  • [5]
    Le terme « parcours » a été introduit dans les années 1970 par les agronomes (Brun et al., 1978) afin de qualifier les étendues herbeuses et buissonnantes du plateau uniquement dédiées au pâturage des animaux. Il est depuis largement utilisé par les éleveurs, qui, pour la plupart, emploient également de celui de « landes », plus populaire et correspondant à la dénomination du cadastre.
  • [6]
    Lorsque les éleveurs fractionnent leur troupeau en différents lots, plusieurs parcs peuvent faire l’objet d’une utilisation simultanée. Au total, cependant, chaque parc sera, à un moment ou à un autre de l’année et pendant un certain temps, soumis au pâturage d’une partie ou de la totalité du troupeau.
  • [7]
    Au milieu des années 1970, la surface moyenne des fermes était déjà de 460 hectares, alors que les troupeaux étaient constitués de 250 brebis (Osty et Auricoste, 1989).
  • [8]
    Meilleure conformation bouchère et vitesse de croissance des jeunes, meilleure capacité laitière des mères.
  • [9]
    Le Réveil agricole, 10 octobre 1970. Le Réveil agricole est le nom de l’hebdomadaire de la profession agricole départementale lozérienne. Il s’intitule aujourd’hui Le Réveil Lozère.
  • [10]
    Le « pied de chat » (Antenaria dioïca, Gaertn), par exemple.
  • [11]
    Les éleveurs considèrent qu’il faut alors avoir des brebis vides pour faire manger les Stippa à l’automne sans porter préjudice aux animaux.
  • [12]
    « Chômer, c’est quand elles se rassemblent et qu’elles ne mangent pas. »
  • [13]
    L’herbe est plus ou moins bonne, plus ou moins abondante.
  • [14]
    Les agnelles sont de jeunes brebis qui ne sont pas encore en âge d’avoir des agneaux.
  • [15]
    Tant en quantité qu’en qualité.
  • [16]
    Cette construction s’opère également à travers ce que les agronomes appellent une diversité de « modes de prélèvement » (Bellon et al., 1999) sur les mêmes surfaces herbacées.
  • [17]
    Ce type de stratégie de gestion des herbages, qui s’appuie à la fois sur un « programme de campagne » défini par avance et sur des modulations par de multiples ajustements au cours de l’année, apparaît relativement commun parmi les éleveurs ovins du Sud de la France (Hubert, 1994 ; Bellon et al., 2002).
  • [18]
    Cet éleveur (E2) évoque plus particulièrement le cas de son fils qui vient de s’installer avec lui, en s’orientant vers l’élevage de brebis laitières. Les citations suivantes sont respectivement de E3 et de E2.
  • [19]
    Notons que cet éleveur est un grand amateur et un joueur assidu de football. On peut supposer que sa référence à l’engagement n’en est pas indépendante, le rapport à l’engagement physique (corporel) et mental (volonté) faisant alors le lien entre ces deux activités.
  • [20]
    Par exemple, « le pied de chat » (Antenaria dioïca, Gaertn), dont les brebis raffolent au printemps et qu’elles refusent lorsqu’il sèche en été, ou le « dompte-venin », autrement dénommé « cornes de bœuf » (Vincetoxicum hirundinaria, Med.), connu comme étant vénéneuse et refusée par les brebis au printemps, mais consommée sèche durant l’été.
Sur le causse Méjan, Julien Blanc s’est attaché à écouter les éleveurs et à rendre compte de leurs savoirs sur la conduite pastorale de leurs troupeaux. Ce sont là des savoirs hybrides, savoirs transmis ou bien provenant de l’expérience personnelle d’observation du comportement alimentaire de leurs animaux, mais aussi savoirs acquis soit auprès des techniciens du développement agricole ou au cours de leur cursus de formation. Le résultat est exemplaire et nous montre la richesse des savoirs de ces éleveurs qui savent bien prendre en compte les interactions de leurs animaux avec le milieu dans lequel ils trouvent leurs ressources. Toutefois, l’hybridation est telle que les discours techniques comme ceux des éleveurs semblent dénier toute valeur fourragère aux ressources issues des plantes autres que les herbacées ? pourtant bien connues des brebis ! Voilà de quoi justifier des recherches à venir sur la diversité et la complexité des systèmes de connaissance sur lesquels repose la durabilité de ces systèmes d’élevage.
La Rédaction

Introduction

1En France comme en Europe, réinvestir les zones de pâturage devient un enjeu-clé pour les productions d’herbivores (Dumont et al., 2001). À l’heure où il est demandé aux éleveurs de réduire leurs coûts à la production, de proposer aux consommateurs des produits de qualité et de prendre en charge la gestion des paysages et des milieux naturels, les pâturages, qui avaient été dévalorisés dans le cadre du projet moderniste, reviennent au premier plan de la scène de l’élevage (Eychenne, 2008). Dans les moyennes montagnes et le Sud de la France où se pratique l’élevage ovin, notamment, les « parcours » ont largement souffert de cette discrimination « agronomique ». Les « parcours », qui regroupent des formations herbacées et buissonnantes spontanées au sein de mosaïques végétales hétérogènes à productivité modeste, ont en effet souvent été marginalisés dans un processus de production fondé largement sur une complémentation fournie en bergerie. Cependant, les éleveurs ne se sont pas totalement coupés de ces milieux et, aujourd’hui, certains cherchent à en tirer profit au maximum.

2Dans ce contexte, il nous est apparu opportun de nous interroger sur la perception et les connaissances qu’ont certains éleveurs des milieux pastoraux, de chercher à comprendre à partir de quels principes ils gèrent leurs pâturages et comment se construisent leurs savoirs et leurs savoir-faire en la matière. Nous nous sommes plus particulièrement intéressé à un petit groupe d’éleveurs ovin-viande du causse Méjan, un plateau calcaire situé à l’extrême sud-ouest de la Lozère et en partie intégré au territoire du Parc national des Cévennes.

3Depuis le début des années 1970 se sont succédé de nombreux programmes de recherche sur le causse Méjan, à l’origine d’une production importante de connaissances tant sur l’élevage et les éleveurs du plateau que sur les enjeux environnementaux associés à cette activité. Les transformations de l’élevage, autant que la question des usages multiples de la nature (production, protection, consommation touristique) y ont largement été explorées par des équipes de recherche interdisciplinaires [1]. Pourtant, si ces programmes se sont intéressés, chacun à sa manière, aux modalités d’exploitation des ressources naturelles et à la gestion pastorale, aucun n’aborde directement la question de la construction des savoirs et des savoir-faire des éleveurs en matière de fonctionnement et d’usage des milieux naturels [2]. Le travail que nous proposons ici vise donc à combler ce manque. Il aspire également à dépasser le cas particulier du causse Méjan, en soulignant, sur un plan plus général, l’importance de la prise en compte de cette question pour améliorer le dialogue entre scientifiques, agents de développement agricole et éleveurs.

4Notre démarche repose sur le postulat qu’il est possible d’appréhender la perception et les connaissances qu’ont les éleveurs des milieux pastoraux, à travers l’analyse de leurs pratiques d’utilisation de l’espace pastoral, des justifications qu’ils en donnent et de la manière dont ils en parlent. Ces discours et ces pratiques constituent en effet des manifestations concrètes de leurs perceptions et de leurs connaissances de ces milieux. Ce postulat est notamment celui de l’« anthropologie de la nature » ou « ethnoécologie » [3]. Notre démarche ne repose pas tant sur l’analyse - largement utilisée par ailleurs en ethnosciences (Friedberg, 1997 ; Dumez, 2004) – des termes et de la nomenclature à partir desquels les éleveurs parlent de l’espace pastoral, mais plutôt sur celle de leurs savoirs et savoir-faire « écologiques », dans la lignée d’autres travaux, tels que ceux de Ra?es (2002) ou de Roué et Nakashima, (2002b).

Présentation du contexte et questions de méthode

5Le causse Méjan est un plateau calcaire situé sur les contreforts méridionaux du Massif central, dont le climat est marqué tant par la rigueur et la longueur des hivers que par la sécheresse prononcée de la saison estivale. Il est, de nos jours, presque exclusivement dédié à l’élevage ovin « extensif [4] ». Sur la partie orientale du causse, où nous avons conduit nos travaux, domine un élevage destiné à la production de viande (agneaux), au sein duquel la majeure partie des agneaux est élevée en bergerie à grand renfort de céréales et de compléments alimentaires. Seuls 5 éleveurs sur 28 y produisent leurs agneaux « à l’herbe », deux autres ayant une production alliant agneaux de bergerie et agneaux d’herbe.

L’utilisation des parcours dans l’élevage caussenard

6Les exploitations sont constituées à 80-85 % de terres strictement dédiées au pâturage, « parcours » ou « landes » selon la dénomination [5], contre 10 à 15 % seulement de « champs », expression locale qualifiant les terres labourées et semées, dédiées à la production de céréales ou de fourrages. Parcours et landes sont principalement constitués par des pelouses calcicoles sèches, colonisées de manière plus ou moins prononcée par des espèces arbustives comme le buis, le genévrier, l’amélanchier ou le prunellier. On y rencontre également, ici et là, ce que les éleveurs dénomment des « dolines », ou « sotch », ces petites dépressions de forme circulaire où l’argile peut s’accumuler, assurant une meilleure rétention en eau du sol, et qui furent, pour la plupart, cultivées par le passé du fait de leurs « bonnes potentialités agronomiques ». Quelle que soit l’orientation de la production, l’herbe des parcours joue un rôle important dans l’alimentation des brebis. Rares sont les zones qui restent totalement à l’abandon, et ce, malgré un niveau d’exploitation dont il a été largement démontré qu’il pouvait être très inégal d’un endroit à l’autre, notamment en fonction de l’éloignement plus ou moins important des bergeries (Cohen, 2003).

7Les éleveurs du causse Méjan maintiennent leurs brebis sur leurs terres tout au long de l’année, sur des espaces pâturables dont ils ont l’exclusivité d’usage. La diminution de la main-d’œuvre (les « vieux » et les « vieilles », voire les enfants) dans les fermes caussenardes entre les années 1950 et la fin des années 1980 a conduit à l’abandon progressif du gardiennage des troupeaux et à son remplacement par un type de conduite au pâturage qui privilégie la contention du troupeau dans des « parcs » clôturés. Depuis le début des années 1990, le réseau de clôtures tend à s’intensifier, répondant à une volonté de rationalisation de l’exploitation des pâturages, inspirée par les modèles de gestion prônés par la recherche agronomique et l’encadrement technique agricole. De nos jours, chaque « parc » constitué est ainsi utilisé par les éleveurs à tour de rôle au cours de l’année [6], selon des modalités spécifiques d’usage et des temporalités diverses, mais en instaurant dans tous les cas un principe que les agronomes qualifient d’« utilisation séquentielle » (Bellon et al., 1999) ou de « pâturage tournant » (Dumont et al., 2001). Dans certaines fermes et à certains moments de l’année, les animaux peuvent cependant continuer à être menés et gardés au pâturage par l’un des membres de la famille, généralement l’un des parents ou des beaux-parents du chef d’exploitation.

Transformation des pratiques d’élevage : une mise à distance du vivant ?

8La pratique de l’élevage s’est radicalement transformée sur le causse entre le début des années 1960 et nos jours. Alors que la main-d’œuvre sur les fermes a diminué de manière drastique, la taille des territoires d’exploitation et des troupeaux a connu, au contraire, une très forte augmentation. Rappelons ainsi qu’à la fin des années 1950, époque à laquelle se développe massivement l’élevage ovin-viande sur la moitié orientale du plateau, trois générations composaient généralement la force de travail dans les fermes, alors que les troupeaux ne dépassaient que rarement 60 à 80 têtes et les surfaces exploitées, guère plus de 100 hectares (Saussol, 1995). Par comparaison, de nos jours, le travail à la ferme est principalement réalisé par le chef d’exploitation, aidé de sa femme et, de manière ponctuelle, par des membres de la cellule familiale élargie (parents ou beaux-parents, enfants lorsqu’ils existent), alors que surfaces exploitées et troupeaux atteignent des envergures moyennes respectives de 463 hectares et 520 brebis [7]. Ce grand écart a été rendu possible par la mécanisation croissante des travaux agricoles. En effet, entre-temps, tous les éleveurs se sont équipés de tracteurs et d’outils de plus en plus performants, aussi bien pour le travail des cultures que pour la manipulation des produits issus de celles-ci. Certains ont même investi dans des « tapis roulants » permettant de faciliter la distribution de nourriture aux troupeaux dans les bergeries. En parallèle, les races et, avec elles, les performances des animaux ont largement évolué. Les brebis caussenardes et de Saubert, encore largement utilisées sur le plateau à la fin des années 1960, ont progressivement été remplacées par des brebis issues de la race Blanche du Massif central (Osty, 1978). Intégrés à un schéma de sélection organisé au niveau départemental, ces animaux plus performants [8], supportant mieux l’élevage confiné et capables de mettre bas quasiment en toute saison, ont constitué un rouage essentiel dans « l’entrée dans la modernité » de l’élevage caussenard (Blanc, 2005).

9Ces transformations des conditions d’exercice de la pratique de l’élevage sur le causse se sont en outre accompagnées de la diffusion des représentations et des mots d’ordre modernistes par les techniciens agricoles, mais également par certains éleveurs du plateau (Mathieu, 1989). Il s’agissait de « relever le défi face à la société industrielle en maîtrisant le progrès technique » et de s’orienter vers « des choix et des actions qui dans certains cas changeront [nos] habitudes, [nos] traditions et qui doivent [nous] placer volontairement dans une attitude dynamique à l’égard du progrès » [9]. Se diffusait ainsi une culture scientifique et technique prenant la forme d’une idéologie du progrès, encore appelée technicisme par Ellul (1977).

10Nourrir correctement les animaux à l’auge, mieux contrôler les naissances, maîtriser les dernières techniques culturales et acquérir des connaissances pointues en matière de machinisme agricole sont devenus, sur le causse comme ailleurs, des enjeux bien plus importants que de valoriser des parcours qui devenaient de plus en plus accessoires dans le processus de production. Dans ces conditions, quelle place les éleveurs ont-ils continué à accorder à l’observation du fonctionnement écologique des milieux pastoraux, aux étendues devenues considérables ? Quelles connaissances ont-ils des interactions entre animaux et milieux pastoraux ? À quel point l’adoption de nouvelles techniques de production, l’augmentation des cadences de travail et la diffusion de connaissances et de savoir-faire réductionnistes, caractéristiques des modèles et des schémas techniques standardisés, ont-ils bouleversé le rapport intime des paysans avec le milieu naturel – pour reprendre en partie les termes de Darré (1999) ?

11Les analyses que nous présentons ici sont issues d’un travail mené auprès de six éleveurs ovin-viande du causse Méjan. Elles s’appuient sur les données issues d’entretiens semi-structurés, de conversations informelles et d’observations réalisées dans le cadre de notre participation aux travaux de la ferme. Les entretiens semi-structurés, réalisés à la ferme, ont toujours été suivis d’une visite « guidée » des bâtiments, des animaux et d’une partie des terres, permettant d’illustrer et de compléter autant que possible les propos tenus lors des tête-à-tête. Ces analyses s’appuient également sur une connaissance plus générale que nous avons acquise de l’élevage sur le plateau, dans le cadre d’un projet de recherche portant sur la cogestion dans le territoire du Parc national des Cévennes (Roué et al., 2003). Nous avions alors mené des enquêtes auprès de quinze éleveurs (ovin-viande) sur le causse Méjan, entre 2000 et 2004, mais sans toutefois aborder de manière systématique ni la question des perceptions et des connaissances des milieux pastoraux, ni celle de la construction des savoirs et des savoir-faire en matière d’utilisation des pâturages. Seuls six éleveurs avaient ainsi fait l’objet d’une investigation plus poussée sur ces thèmes. Ils n’avaient pas été choisis au hasard, mais parce qu’ils se distinguaient de leurs collègues par leur volonté marquée de tirer le maximum de profit de l’herbe de leurs parcours. Ce choix – nous le verrons – occasionne un certain nombre de limites au propos que nous développons ici, même s’il nous semble que sa portée programmatique n’en est pas diminuée pour autant.

12Mais qui sont ces éleveurs ? Au-delà de leur forte volonté commune de valoriser l’herbe de leurs parcours, qu’est-ce qui les caractérise ? Nous allons, ici, souligner rapidement certaines de leurs caractéristiques, utiles pour la suite de notre travail :

  • Bien qu’ayant des orientations de production distinctes – quatre d’entre eux élèvent leurs agneaux en bergerie (E1, E2, E3, E4), alors que les deux autres élèvent les leurs à l’herbe (E5, E6) -, tous ces éleveurs ont en commun de travailler avec des troupeaux plus petits que la moyenne du plateau : leurs cheptels varient entre 250 et 350 brebis (Blanche du Massif central), pour une moyenne sur le plateau de 520 brebis (en ovin-viande).
  • Ces éleveurs, qui n’ont ni le même âge ni les mêmes parcours de vie, ont cependant tous vécu leur enfance et leur adolescence à la ferme, accompagnant fréquemment leurs parents et leurs grands-parents dans les tâches quotidiennes. Précisons également que, parmi ces six éleveurs, l’éleveur E6 se démarque des autres par son très jeune âge (30 ans) et son installation toute récente sur le plateau (1999).
  • Parmi ces éleveurs, deux (E1 et E2) sont des anciens qui, contrairement aux autres, exercent la garde rapprochée. Ils ont maintenu cette pratique à travers le temps, même si l’un d’entre eux ne l’exerce aujourd’hui que de manière occasionnelle.

Savoirs mobilisés dans le cadre de la gestion spatiotemporelle de l’espace pastoral

13Nous donnerons ici quelques exemples de savoirs mobilisés dans le cadre de la gestion spatiotemporelle de l’espace pastoral.

Microclimats et hétérogénéité de la « pousse » de l’herbe

14Les éleveurs différencient les saisons tout autant par leurs caractéristiques climatiques propres que par les états changeants des herbages au cours de l’année. Chaque saison correspond ainsi à des états et des dynamiques spécifiques de la strate herbacée, auxquels correspondent à leur tour des variations en termes de quantité et de qualité de ressources alimentaires disponibles pour les troupeaux.

15Les éleveurs parlent, par exemple, du printemps comme de la saison à laquelle démarre la pousse de l’herbe sur le plateau : ce démarrage se fait entre le début et le milieu du mois de mai, et ce n’est qu’au début du mois de juin que l’herbe est en quantité suffisante sur les parcours pour nourrir les brebis et, le cas échéant, engraisser les agneaux. Cependant, si cette norme fait référence à un événement moyen qui leur sert à souligner à la fois l’unité et la singularité du plateau (« Sur le causse, l’herbe c’est pas avant mi-mai »), les éleveurs évoquent également le causse comme un espace hétérogène en matière de pousse de l’herbe : le démarrage ne se fait pas partout en même temps et, sur une même exploitation, il peut exister des décalages importants. Les éleveurs expliquent ces décalages par l’existence de légères différences d’altitude d’un point à l’autre des exploitations ou par la diversité des expositions au vent et au soleil de leurs herbages :

16

« J’ai la chance d’avoir des terrains dans les falaises, ce qui fait que c’est des microclimats et en altitude inférieure, puisque les terrains descendent jusqu’à 600 mètres d’altitude, les plus hauts étant à 1 000 mètres. Donc, je travaille en fonction de ça. Donc, l’hiver et le début du printemps, elles [les brebis] sont plutôt en bas et l’été, elles sont plutôt sur les hauteurs, où l’herbe vient plus tard. »
(E3)

17Ou encore :

18

« Elles viendront sur ce parc au mois de juillet. L’herbe y pousse un peu plus tard, surtout sur la partie nord. »
(E4, à propos d’un parc présentant trois versants distincts.)

19Ces décalages sont perçus aussi bien lorsqu’ils répondent à un différentiel subtil et concernent un seul et même parc que lorsqu’ils sont très prononcés et s’expriment à l’échelle de parcs entiers. C’est ainsi qu’indépendamment de la nature de l’herbe présente sur les herbages, les facteurs topographiques, via la diversité des « microclimats » qu’ils génèrent, introduisent un type d’hétérogénéité dans les pâturages (hétérogénéité « phénologique ») que les éleveurs tentent d’exploiter pleinement à leur avantage. En effet, quelle que soit l’échelle considérée, les éleveurs s’y adaptent, l’utilisent à bon escient et l’évoquent de manière positive. Cette hétérogénéité leur permet d’accroître la période au cours de laquelle leurs animaux disposent de la meilleure herbe qui soit, l’herbe en croissance. C’est cette herbe, « jeune et tendre », et en permanence « renouvelée » sous l’effet conjugué des conditions climatiques et du prélèvement par les animaux, qui « a le plus de force et qui est vraiment bonne ». Certes, « l’herbe d’été », qui n’est plus « renouvelée », est encore nourrissante, mais tous s’accordent sur le fait que les animaux en mangent moins que de celle de printemps. Si, d’un côté, ils expliquent que la chaleur estivale ne favorise pas l’appétit des brebis, d’un autre côté, ils n’en sont pas moins convaincus que les animaux, brebis comme agneaux, sont moins « friands » de cette herbe « sèche » que de l’herbe en croissance.

À chaque période son herbe

20Il existe des « types » d’herbe dont l’attrait pour les brebis varie de manière beaucoup plus marquée que d’autres en fonction de leur stade de développement (phénologie). Les « cheveux d’ange » (Stippa pennata L.) et « l’herbe des dolines » (Orchido-Brometum) en constituent deux exemples.

21Le cheveu d’ange est une graminée qui n’est mangée par les animaux que lorsqu’elle est « tendre », principalement au printemps, alors qu’elle est en pleine croissance. Lorsque les individus de cette espèce épient et sèchent, ils sont refusés par les brebis. Il existe de nombreuses autres espèces sur le causse répondant à cette règle [10], mais, contrairement à la plupart de celles-ci, le cheveu d’ange est une espèce dite dominante et forme parfois, à ce titre, des plages de grandes surfaces sur les pâturages. Elle s’impose alors comme un marqueur fort des caractéristiques de ces pâtures et conditionne largement leur utilisation. L’herbage doit donc impérativement être exploité en début de printemps, seul moment où l’on peut valoriser ces pâtures en conférant aux cheveux d’ange le statut de ressource alimentaire :

22

« Au parc no 4, on y est au mois de juin. Et après le mois de juin, c’est trop tard parce qu’il y a beaucoup de cheveux d’ange et, une fois que les cheveux d’ange sont enfleur, les brebis ne les mangent pas. C’est évident que c’est le printemps que ça se mange ou l’automne, après. »
(E6)

23Certes, comme l’affirme cet éleveur, les cheveux d’ange peuvent également être consommés à l’automne, alors que le retour des pluies en humidifie les tissus et les ramollit. Cependant, tous les éleveurs nous diront qu’il faut alors « pousser les brebis », autrement dit les inciter à manger les cheveux d’ange en les « affamant », ce qui, dans le cadre d’un processus de production, n’est que peu envisageable [11].

24Les zones à cheveux d’ange abritent cependant d’autres herbacées qui, elles, sont tout à fait appréciées par les brebis. Même lorsque les Stippa ne sont plus comestibles, ces zones ne sont donc pas totalement dénuées d’intérêt alimentaire pour les animaux :

25

« Mais il y a des saisons où elles y mangent bien quand même; quand… il y a de l’herbe qui arrive à pousser à l’abri de ces Stippa, là justement, l’hiver, là, des fois ? elles trouvent des trucs en fouillant, mais pour qu’elles arrivent à gagner leur vie là-dedans, il faut complémenter quand même. »
(E5)

26Les éleveurs insistent donc sur le fait que la capacité de telles surfaces à alimenter les animaux reste très faible en dehors de la courte période à laquelle Stippa pennata est elle-même consommée par les animaux. Les surfaces sont alors exploitées – pour les herbacées qui se développent à l’abri des cheveux d’ange – à une époque où les besoins des animaux sont limités et où aucune autre ressource n’est disponible, c’est-à-dire l’hiver. Même ainsi, les brebis reçoivent une complémentation alimentaire, seul moyen de répondre pleinement à leurs besoins.

27L’herbe des dolines présente, quant à elle, la double caractéristique de montrer un attrait variable en fonction de son stade de développement et de présenter une phénologie quelque peu décalée par rapport aux autres « types » d’herbage. L’herbe des dolines, dont la pousse est précoce et rapide, doit être mangée tôt dans la saison, faute de quoi elle s’accumule, épie et n’intéresse plus les brebis. Si les éleveurs veulent profiter au mieux du potentiel de cette herbe, qu’ils créditent tous d’une grande qualité, il faut donc qu’ils la fassent consommer par leurs animaux tôt dans la saison :

28

« Il y en a, c’est des anciens prés, des dolines, donc ça pousse plus vite. Donc au printemps, tout de suite il y a de l’herbe, donc on les fait manger là. Et puis il y a des endroits où l’herbe pousse… comme là en face, il n’y aura jamais de l’herbe qui va se coucher, tandis que sur Cavalade, il faut y aller un peu de bonne heure parce qu’après, l’herbe, elle monte et les brebis ne la mangent plus. »
(E3)

29Notons qu’a contrario des cheveux d’ange, ce n’est pas tant le stade phénologique avancé de l’herbe des dolines qui pose problème aux brebis, mais son accumulation. Comme les cheveux d’ange, cependant, si les éleveurs veulent ne pas gâcher cette ressource, il leur faut l’exploiter en temps et en heure.

Le sol détermine la nature de l’herbe

30Pour les éleveurs, le sol apparaît comme le déterminant par excellence de la nature de l’herbe. C’est ainsi, par exemple, qu’ils associent la présence des cheveux d’ange à des caractéristiques spécifiques du sol :

31

«Le causse, il n’est pas partout pareil, hein, rien qu’en partant vers Florac, il [le sol] est bien meilleur. Ici c’est vraiment un endroit spécial où il y a ces cheveux d’anges, là. Il y a très peu de légumineuses et les graminées, là, c’est sûr que c’est déficitaire en pas mal de trucs… ça, c’est le sol. »
(E5)

32Il en va de même de l’herbe des dolines, dont la spécificité est associée par un éleveur aux caractéristiques du sol. Il ne s’agit pas, dans ce cas, de la nature en soi du sol, mais de qualités acquises par celui-ci lorsqu’il est cultivé :

33

« Il y en a, c’est des anciens prés, donc ça pousse plus vite. C’est des anciens trucs qui avaient été travaillés. »
(E4, à propos de la spécificité de l’herbe des dolines.)

34En dehors de ces deux cas particuliers, lorsqu’on interroge les éleveurs sur les facteurs à l’origine de la diversité de l’herbe dans leurs pâturages, ils répondent toujours à travers une mise en relation entre le type de sol et la qualité (1) ou la quantité (2) d’herbe disponible :

  1. « De la bonne herbe… ça dépend un peu du terrain… Il y a des endroits où c’est vraiment le calcaire et puis d’autres endroits où c’est davantage le “rouquette”. C’est calcaire aussi, mais c’est pas bien la même herbe, ici on appelle ça de la terre à lapin ; et l’herbe est peut-être moins savoureuse, moins bonne ; d’ailleurs on le voit, elles ont tendance à se diriger aux endroits où… »
    (E2)
  2. « Là bas, il y a davantage de mottes qu’ici, il y a davantage de pieds ; l’herbe est plus touffue qu’ici, il y a moins de pierrailles, ça fait davantage pelouse. Ici il y a plus de cailloux. C’est que [là,] il y a moins de caillasses, hein, elle [l’herbe] monte plus drue, plus serrée, quoi ; ici elle est plus claire. »
    (E1)

Microclimats et influence sur le comportement des brebis

35En termes de stratégie d’exploitation des herbages, les conditions microclimatiques jouent également un rôle non négligeable à travers leur influence sur le comportement des animaux. En effet, les éleveurs insistent sur la sensibilité des animaux aux conditions d’exposition au vent et au soleil. Leurs comportements au pâturage et, notamment, la manière dont ils se déplacent et exploitent un herbage donné sont influencés par ces facteurs. En été, les brebis « cherchent le vent » et « n’aiment pas avoir le soleil dans le nez », alors qu’en hiver, en automne et au début du printemps, au contraire, elles cherchent à se « protéger » du vent. C’est ainsi qu’en été, les brebis affectionnent plus particulièrement les zones aérées que constituent les crêtes, les cimes et les versants particulièrement exposés au vent, où elles cherchent la fraîcheur :

36

«Au niveau du temps, du climat, du vent, pour les animaux, ça joue beaucoup, parce que l’été, elles vont toujours vers le vent. Le vent les attire, elles cherchent le frais. »
(E1)

37Ces connaissances permettent aux éleveurs de prévoir les mouvements de leurs animaux au sein des parcs et la position qu’ils vont y occuper de manière préférentielle selon la saison considérée. C’est notamment le cas des déplacements altitudinaux :

38

« Bon, on voit qu’il y a des brebis qui ont passé beaucoup de temps sur la cime ; donc, si on y met les brebis dedans au mois de juillet, c’est clair qu’elles vont monter puisqu’elles cherchent l’air. »
(E3)

39Dans ce cas, cependant, la réaction des brebis face au vent conduit au même modèle d’utilisation des herbages que les décalages phénologiques au sein de la strate herbacée : elle amène les éleveurs à privilégier des espaces en hauteur l’été et des espaces plus bas et mieux abrités en hiver et au printemps. Mais l’influence du vent sur le comportement des brebis peut, à disponibilité d’herbe égale, constituer un paramètre décisif dans le choix d’utilisation de tel ou tel parc à une période donnée de l’année. Certains éleveurs prennent ainsi en compte la propension des brebis à se déplacer face au vent dans leur stratégie d’exploitation des herbages. Ils considèrent qu’un mauvais choix de localisation du troupeau peut conduire à baisser les performances des animaux, en diminuant le temps qu’elles passent à manger sur les pâtures. En fonction de ce critère, ils peuvent alors être conduits à déplacer leurs animaux d’un parc à l’autre sur des pas de temps de quelques jours :

40

« On pâturera trois ou quatre jours dans un parc et puis on ira dans un autre, puis on revient au premier, suivant le temps aussi, il n’y a pas que l’herbe. Parce qu’il y a des endroits où, l’été, elles sont mieux dans un parc que dans un autre, parce que, étant donné qu’elles vont vers le vent, des fois, elles se heurtent à la clôture et puis elles resteront là contre la clôture ; et par contre, si on les dirige mieux, elles chôment des fois un peu moins [12]. S’il y a la clôture, elles ne vont plus avancer, tandis que s’il n’y a pas la clôture, elles avancent tout en mangeant. »
(E2)

Concevoir et connaître l’espace pastoral : une expérience de vie

Une pensée systémique

41Parmi la multiplicité de référents mobilisés par les éleveurs pour décrire leurs pâturages, nous n’en avons évoqué ici que quelques-uns, qui s’inscrivent au sein d’un vaste ensemble révélant la grille de lecture complexe à partir de laquelle ils perçoivent et qualifient l’hétérogénéité de leurs herbages et, plus largement, de leur espace de travail.

42L’hétérogénéité des herbages est notamment décrite en termes de qualité et de quantité d’herbe, deux variables qui permettent aux éleveurs d’identifier une gradualité à l’intérieur du domaine qu’elles définissent [13]. Parfois, la qualité d’un herbage est plus particulièrement associée à la quantité d’herbe présente, trop de cailloux ou un niveau trop élevé de recouvrement arbustif diminuant alors cette qualité. Parfois, c’est au contraire la nature de l’herbe qui apparaît déterminante pour la qualité d’un herbage, cette nature dépendant alors de la nature du sol.

43La description de l’hétérogénéité des herbages mobilise des modalités de catégorisation qui fonctionnent pour la plupart en oppositions binaires : à l’herbe « tendre » s’oppose l’herbe « dure », à l’herbe « rase » s’oppose l’herbe « haute », etc. Ces descriptions mobilisent également des systèmes de détermination correspondant, du point de vue scientifique, au niveau de l’espèce, tel que le montre l’exemple des cheveux d’anges (Stippa pennata) ou à celui de l’association végétale, tel que le montre l’herbe des dolines (Orchido-brometum).

44En parallèle, nous avons souligné comment, pour les éleveurs, les espaces pastoraux ne sont pas uniquement des espaces de ressources herbacées, mais également un lieu de vie pour leurs animaux. L’hétérogénéité des milieux s’exprime en effet également, de leur point de vue, par la diversité des conditions d’exposition au vent et au soleil auxquelles sont confrontées les brebis. Facteurs climatiques et microclimatiques influencent ainsi la nature et la qualité de l’herbe autant que le comportement des brebis, et, lorsque les éleveurs décrivent leurs territoires, ils ne prennent que très rarement en compte une dimension sans l’autre.

45Finalement, nous avons montré que, pour les éleveurs, l’hétérogénéité spatiale n’a d’existence qu’en fonction d’un référent temporel. Lorsqu’ils évoquent un pâturage et en décrivent les caractéristiques, la référence au temps est toujours présente. Ils ont une vision dynamique de leur espace de travail et de l’herbe qui le recouvre. Il en va de même de la manière dont les animaux se comportent sur une pâture donnée. Cela dépend de l’évolution des conditions de température, de vent et de l’inclinaison du soleil au cours de l’année. Les éleveurs parlent ainsi de leur territoire d’élevage comme d’un espace dont les caractéristiques se transforment en permanence, révélant une perception de la diversité des milieux et de l’hétérogénéité du territoire qui n’a de sens que dans la prise en compte simultanée des dimensions spatiales et temporelles. L’hétérogénéité des milieux relève ainsi d’une multiplicité de « lieux-moments » qui se distinguent les uns des autres par leur caractère plus ou moins propice à l’alimentation des animaux. Nous retrouvons ici une conception déjà soulignée par différents auteurs, comme Meuret (1993) ou Landais et Deffontaines (1988), qui montraient, dans le cas de troupeaux gardés au quotidien, comment espace et temps étaient très liés pour les bergers, ou comme Bellon et al. (1999) qui, à travers la notion de « saison-pratiques », soulignent le même phénomène pour des éleveurs ovins travaillant en système de « pâturage tournant ». Plus récemment, dans une étude sur des éleveurs de vaches laitières du Jura, Mathieu (2004, p. 393) montre comment ces derniers « ne séparent pas le moment auquel ils font référence, l’endroit auquel ils pensent, associé à ce moment, et l’état de l’herbe à cet endroit, à ce moment ». Cependant, nous introduisons ici une autre dimension déterminante dans la conception de l’hétérogénéité spatiotemporelle des lieux par les éleveurs, celle faisant des herbages un lieu de vie pour les animaux, et non pas uniquement un espace de ressources herbacées. Nos « lieux-moments », ceux à partir desquels les éleveurs pensent l’espace pastoral et l’exploitation qu’ils en font, sont le résultat de l’influence sur l’herbe et sur les animaux de combinaisons spécifiques de facteurs écologiques qui s’expriment en un lieu donné, de manière différenciée en fonction du balancement des saisons, des microclimats et de la nature du sol. Ces « lieux-moments » soulignent la conception systémique que les éleveurs ont de leur territoire et rappellent que ces derniers ressentent le « naturel » de leur territoire avant tout comme « une combinaison écologique dans laquelle les interactions entre les éléments ont souvent beaucoup plus d’importance que la dynamique propre de chaque élément » (Bertrand, 1976, p. 81).

Plani?er et s’ajuster pour valoriser l’hétérogénéité

46Face à l’hétérogénéité de leurs herbages, les éleveurs tentent au mieux d’en exploiter le potentiel. Ils développent conjointement des connaissances sur le comportement de leurs animaux au pâturage et sur le milieu « naturel » qu’ils exploitent, afin de mettre en œuvre des stratégies d’exploitation du territoire qui tirent parti de son caractère hétérogène. De la même manière qu’ils exploitent à leur avantage les décalages de phénologie globale des herbages, ils jouent avec les variations d’appétence de leurs animaux – comme le montre l’exemple des surfaces à Stippa – pour faire face à certaines difficultés. Chercher à exploiter au plus près la diversité spatiotemporelle des milieux, en combinant l’influence de l’abiotique et du biotique, peut alors conduire à la mise en œuvre de stratégies de conduite au pâturage extrêmement complexes :

47

« C’est un parc irrégulier, il y a des creux et des bosses, et puis des versants un peu de tous les cotés. Il y a des endroits où il y a des cheveux d’ange, d’autres où il y de l’herbe très rase, et puis il y a une ou deux dolines. Donc, selon les saisons, elles [les brebis] vont pâturer différents endroits puisqu’il est assez varié. On peut en faire un petit peu ce que l’on veut, quoi…. Pour bien faire, il faudrait les y mettre un peu à chaque saison. Cette année, je vais y mettre les agnelles [14], qui vont y passer un petit peu au printemps ; après j’y mettrai des brebis avec des agneaux, des brebis jeunes qui agnellent en ce moment et que je laisserai à part tout l’été, donc elles risquent d’y passer une partie de l’été. Donc, ça sera pâturé un peu au printemps, pas mal l’été, un petit peu l’automne et puis l’hiver, quoi. L’hiver, je les mets en fait là où il y a des restes, où il reste un peu à pâturer. »
(E4, à propos d’un parc d’environ 40 hectares.)

48À une diversité des constituants biotiques de l’herbage, exprimée par l’éleveur au travers de descripteurs de natures différentes (cheveux d’ange, herbe rase, dolines), se surimpose une diversité des conditions microclimatiques, liée au relief accidenté de la pâture, qui contribue à accentuer la diversité spatiotemporelle de l’offre en ressource de cet herbage. Ses connaissances sur les milieux et leurs dynamiques, d’une part, sur les préférences de ses animaux vis-à-vis des différents stades phénologiques des constituants de l’herbage, d’autre part, permettent à cet éleveur de planifier une stratégie de mise en valeur de son hétérogénéité au cours des saisons. Cette stratégie prend également en compte la relation entre les besoins alimentaires des différentes « catégories » d’animaux (agnelles, brebis avec des agneaux, brebis sans agneaux durant l’hiver) et la diversité spatiotemporelle de l’offre du milieu. Savoirs et savoir-faire sont ainsi mobilisés pour « construire » les ressources tout au long de l’année [15] à partir des potentialités offertes par l’herbage, en jouant sur la diversité du contexte saisonnier, de l’herbe et des besoins des différentes catégories d’animaux [16].

49Les propos tenus par l’éleveur E4 illustrent également le jeu qui s’opère entre planification et ajustements en matière d’utilisation des herbages. Il évoque en effet une pratique de mise en valeur de cet herbage, à travers une exploitation de référence et idéale, dont le contrepoint implicite est un ajustement permanent aux conditions naturelles auxquelles il est confronté dans sa pratique quotidienne [17]. C’est ainsi qu’il doit, par exemple, s’ajuster en permanence aux vitesses de croissance de l’herbe, qui, pour une saison donnée, varient d’une année sur l’autre. Dans des conditions de garde éloignée, en parc, il s’agit notamment d’identifier le moment adéquat pour déplacer les animaux d’un herbage à un autre :

  1. « C’est à l’œil, quand on voit que ça commence à être ras, quoi, quand on ne voit plus d’herbe verte un peu longue. On voit de l’herbe, mais on voit que celle qui est verte est rasée. » (E5) ; « Il faut les sortir avant que les parcs soient totalement percutés. Donc, il va rester des refus, selon la quantité, et puis ce qui reste, on voit, quoi.? »
    (E3)
  2. « On le voit quand elles mangent bien tranquilles, là, bien… sans trop cheminer, quoi. Quand elles ne bougent pas, c’est qu’elles trouvent vraiment ce qu’il leur faut, quand elles sont paisibles. Tant que c’est comme ça, ça va. »
    (E5)
Ces procédures d’ajustement montrent ainsi l’importance fondamentale de l’observation au jour le jour de l’évolution de la strate herbacée (1) et du comportement des animaux au pâturage (2) dans le quotidien du métier d’éleveur. Le recours à la planification comme à l’ajustement souligne donc le rôle majeur que joue la proximité avec les animaux et le milieu naturel dans l’exercice de ce métier.

Savoirs « relationnels » et engagement avec le vivant

50Plusieurs auteurs, comme Friedberg et al. (2000) ou Hubert (2004), avaient déjà souligné le fait que les éleveurs appréhendent leurs herbages avant tout à travers le comportement de leurs animaux, qu’ils voient l’herbe avec les yeux de leurs animaux. C’est également ce qui se dégage de notre expérience. Nous avons ainsi montré comment les espèces (cas de Stippa) ou les groupements végétaux (cas des dolines) nommés par les éleveurs correspondent à des espèces ou des groupements particulièrement remarquables du point de vue de leur appétence pour les animaux. De la même manière, si « l’herbe haute » et « l’herbe rase » sont des concepts construits sur la base de caractères visibles même pour un néophyte, ils sont avant tout, pour les éleveurs, un moyen de signifier des propriétés singulières en termes de préférence des animaux vis-à-vis de l’une et l’autre de ces catégories d’herbe.

51Notre travail montre également la part importante jouée par le filtre animal dans l’acquisition de connaissances par les éleveurs sur les milieux naturels. Le cas des milieux à Stippa pennata en constitue une bonne illustration. Contrairement à des milieux moins remarquables en matière de variations saisonnières d’appétence pour les brebis, acquérir des connaissances fines du fonctionnement des milieux à Stippa apparaît essentiel pour pouvoir en tirer profit. L’acquisition de connaissances sur cette espèce passe par le biais de l’observation du comportement des animaux, qui ne la mangent « que quand elle est verte », très tôt dans la saison, et qui, en été et en hiver, « fouillent » et « trient » au sein d’une strate herbacée saturée en Stippa pennata afin d’accéder à d’autres herbes. Ces observations permettent à l’éleveur d’acquérir des connaissances sur les caractéristiques de ces milieux à Stippa, qui deviennent alors indépendantes de toute considération sur le comportement des animaux :

52

« Les Stippa fonctionnent comme protection de l’herbe qui se développe dessous. » (E5). « Là ou il y a ça [Stippa pennata], il y a très peu de légumineuses et les graminées, c’est sûr que c’est déficitaire en pas mal de trucs. »
(E6)

53D’une manière plus générale, il est marquant qu’à tenter d’identifier les représentations et les savoirs des éleveurs sur les pâturages, l’on se retrouve systématiquement confronté au rôle de médiateur joué par l’animal. Contrairement à l’outil technique, ce médiateur est vivant et en partie autonome. Les animaux « savent ce qu’il leur faut », et les éleveurs considèrent que les brebis « doivent avoir un instinct », que, « du moment qu’elles en ont l’appétit, que ça leur fait plaisir, ça doit être bon pour elles ».

54Les représentations et les savoirs des éleveurs sur les milieux naturels émergent ainsi des relations étroites (et localisées) qu’entretiennent ces hommes avec leurs animaux et leur environnement naturel. L’acquisition des connaissances se fait à partir d’observations quotidiennes du comportement au pâturage des animaux, du milieu naturel lui-même et des transformations qu’il connaît au cours du temps. Il s’agit d’une « science du concret », au sens où l’entend Lévi-Strauss, qui, contrairement à la Science, construit ses représentations et son savoir « à partir de l’organisation et de l’exploitation spéculatives du monde sensible en termes de sensible » (Lévi-Strauss, 1962, p. 25) et se fonde sur « une éducation de l’attention » (Gibson, 1979 : cité par Brunois, 2005, p. 34).

55M. Borde-Salmona (1986) a montré comment l’acquisition des savoirs et des savoir-faire en élevage repose en grande partie sur une familiarisation d’un « corps à corps avec le vivant ». Cette auteure soulignait l’influence de l’affectif et de l’expérience sensible dans la construction des représentations et l’acquisition de savoirs et des savoir faire en matière d’élevage. Pour elle, nombre de ces savoirs et savoir-faire ne peuvent être dispensés ni à l’école ni par le biais de la formation adulte. Les éleveurs avec lesquels nous avons travaillé l’expriment d’ailleurs directement : l’école ne leur apprend pas « ce que c’est de s’occuper et de vivre avec les bêtes [18] », et encore moins à acquérir la finesse nécessaire pour « sentir le terrain » et « pour se débrouiller avec le territoire ». L’apprentissage, pour ceux qui sont passés par des formations spécialisées en élevage (E2 et E3), apporte, sur ce plan, juste des « recettes », que nous qualifierons de savoirs décontextualisés. C’est ainsi que, lorsqu’on interroge les quatre plus jeunes (E3, E4, E5, E6) sur leurs sources d’apprentissage, ils évoquent, d’une part, leur jeunesse à la ferme et, d’autre part, leur entrée en fonction en tant qu’éleveurs, mais jamais l’école ou les apprentissages spécialisés qu’ils ont suivis (BTA, CFPPA). Tous ont vécu leur enfance et leur adolescence à la ferme, accompagnant fréquemment leurs parents et leurs grands-parents dans les tâches quotidiennes. C’est ainsi que cette époque a constitué pour eux celle de la familiarisation avec les animaux, de l’apprentissage de l’observation et de l’imprégnation du quotidien du métier d’éleveur :

56

« Faut dire que moi aussi, j’ai toujours baigné dedans. Et puis, là, ben on apprend les bêtes, on s’en occupe ; on apprend à regarder aussi, on est tous les jours avec, on accompagne un peu le travail, quoi. »
(E4)

57Cet éleveur soulignera cependant à quel point son entrée en activité, à l’âge adulte, a marqué le début de son réel « engagement » dans le métier [19]. Avec le plus jeune (E6) et l’éleveur E3, il insistera ainsi plus particulièrement sur l’importance des rôles joués par les premières années d’exercice du métier et par le contact quotidien avec les animaux et le milieu dans l’apprentissage.

58Le partage du quotidien des éleveurs révèle à quel point ce métier implique un engagement permanent, à la fois affectif et corporel, avec les animaux. Il rappelle que la relation des éleveurs au vivant (à l’animal, au milieu) et les connaissances qu’ils en ont ne peuvent être appréhendées sur les bases d’une stricte rationalité technoscientifique. Il souligne combien la séparation entre raison et émotion dans l’exercice cognitif relève d’un artifice, propre à la pensée scientifique positiviste (Damasio, 1995 ; Surrallés, 2003). Comme l’expérience de ces éleveurs le confirme, toute connaissance sur la nature s’inscrit bel et bien dans « une relation » avec cette dernière et implique un engagement total de l’individu (Lave, 1993 : cité par Brunois, 2005). Ainsi, malgré les transformations profondes des conditions d’exercice de l’élevage sur le causse au cours de ces quarante dernières années et la diffusion concomitante d’une culture scientifique et technique parmi les éleveurs locaux, ces derniers ont en partie conservé une appréhension de leur territoire que nous avons qualifiée à la fois de systémique et de relationnelle. L’intimité qu’ils partagent avec leurs animaux et l’observation attentive des comportements de ces derniers au pâturage – de leur réaction face à l’herbe autant que face au climat – restent d’actualité. Les dimensions relationnelles, définies par l’engagement affectif et corporel des éleveurs avec les processus vivants, continuent de constituer un aspect essentiel dans la construction de savoirs et des savoir-faire en matière d’élevage.

59Certes, si l’on compare les connaissances en matière de comportement des animaux au pâturage (préférence et comportement alimentaire, réaction au climat) des quatre plus jeunes, qui n’ont jamais pratiqué la garde, avec celles des deux plus anciens, qui l’exercent encore, on perçoit la mise à distance qui a opéré entre les hommes et le milieu naturel. En effet, les seuls à évoquer des séries de noms de plantes refusées par les animaux [20] et pouvant expliquer leur présence par des caractéristiques du sol étaient, mis à part dans le cas de Stippa pennata, les deux anciens. Les autres éleveurs, malgré l’insistance de nos questions, ne pouvaient citer qu’une ou deux plantes faisant l’objet de refus (Stippa pennata, Brachypodium pinnatum) et finissaient d’ailleurs parfois, dans un aveu d’impuissance, par exprimer eux-mêmes qu’ils n’étaient pas aussi attentifs que ceux qui « gardent » les brebis. Il convient en outre de souligner que nos analyses s’appuient sur un travail effectué auprès d’éleveurs un peu particuliers sur le causse. Sans même considérer le caractère exceptionnel, sur le plateau, du maintien de la pratique de la garde rapprochée, ces éleveurs, nous l’avons vu, font partie de ceux pour qui exploiter au mieux le potentiel de leurs parcours constitue un enjeu majeur. Leurs troupeaux sont plus restreints que la moyenne et ils s’attachent tout particulièrement à maintenir la rusticité de leurs animaux. Peut-être sont-ils de ce fait plus attentifs aux comportements de leurs animaux au pâturage et aux dynamiques des milieux écologiques, et valorisent-ils plus largement que d’autres cet aspect du métier. En cela, notre travail gagnerait à être étendu à un plus grand nombre d’éleveurs, permettant alors d’évaluer dans quelle mesure ceux avec qui nous avons travaillé constituent des cas atypiques sur le plateau.

Conclusion

60Les éleveurs acquièrent des connaissances sur le fonctionnement des milieux naturels et les interactions animaux/milieux de manière informelle, dans le cadre d’un quotidien partagé avec les animaux et les milieux écologiques. Ces connaissances coexistent avec des savoirs acquis dans le cadre de l’apprentissage formel, l’un et l’autre constituant le bagage cognitif et représentationnel à partir duquel ils prennent leurs décisions et réajustent en permanence leurs plans d’actions en matière d’exploitation des herbages. Dans le cadre de cet apprentissage informel, les éleveurs développent des savoirs et des savoir-faire de nature relationnelle, mobilisant un engagement affectif et corporel avec le vivant. Mieux prendre en compte cette dimension relationnelle des savoirs et des savoir-faire des éleveurs nous paraît un enjeu important pour accompagner de manière plus efficace les transformations de cette activité. La qualité du dialogue entre scientifiques et praticiens ne peut en effet qu’en être renforcée. En outre, il nous paraît important de revaloriser cette dimension dans l’activité agricole elle-même. Si produire des savoirs « technoscientifiques » sur le fonctionnement du vivant et des interactions homme/nature constitue un enjeu majeur, se donner les moyens de faire émerger une nouvelle intimité dans l’activité agricole, un « engagement » renforcé avec la nature, n’apparaît-il pas également essentiel pour prendre le chemin d’une durabilité forte ?

Remerciements

L’auteur tient à remercier le rapporteur du comité de rédaction de NSS et les lecteurs pour leurs critiques avisées du manuscrit, ainsi que Marie Roué, Nicole Mathieu et Claudine Friedberg, dont les relectures et les commentaires ont fortement participé à la construction de ce texte.

Bibliographie

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Notes

  • [*]
    Auteur correspondant : jblanc@mnhn.fr
  • [1]
    Évoquons, par exemple, les travaux effectués dans le cadre du Programme interdisciplinaire de recherches sur l’environnement du CNRS – volet « Causses-Cévennes » – entre 1981 et 1986, qui s’attachent à mettre en lumière les relations entre les changements écologiques, économiques et sociaux sur ce territoire (Jollivet, 1989). Citons également les travaux portant sur l’embroussaillement, financés par le CNRS entre 1992 et 1996. Géographie, agronomie et anthropologie y dialoguent afin de formaliser les interactions entre cette dynamique végétale, d’une part, et les pratiques et les représentations sociales des éleveurs et des habitants du causse, d’autre part (Cohen, 2003).
  • [2]
    Parmi les restitutions d’ensemble de ces programmes, seul un encadré dans l’ouvrage Être éleveur sur le Causse (Jollivet, 1989), rédigé par B. Mortain, s’intéresse quelque peu à ce sujet.
  • [3]
    Cf., par exemple, Descola (1986), Berkes et al. (1998), Roué et Nakashima (2002a).
  • [4]
    Ainsi qualifié en raison de la faible densité d’animaux à l’hectare (1 brebis/ha) présents sur le plateau.
  • [5]
    Le terme « parcours » a été introduit dans les années 1970 par les agronomes (Brun et al., 1978) afin de qualifier les étendues herbeuses et buissonnantes du plateau uniquement dédiées au pâturage des animaux. Il est depuis largement utilisé par les éleveurs, qui, pour la plupart, emploient également de celui de « landes », plus populaire et correspondant à la dénomination du cadastre.
  • [6]
    Lorsque les éleveurs fractionnent leur troupeau en différents lots, plusieurs parcs peuvent faire l’objet d’une utilisation simultanée. Au total, cependant, chaque parc sera, à un moment ou à un autre de l’année et pendant un certain temps, soumis au pâturage d’une partie ou de la totalité du troupeau.
  • [7]
    Au milieu des années 1970, la surface moyenne des fermes était déjà de 460 hectares, alors que les troupeaux étaient constitués de 250 brebis (Osty et Auricoste, 1989).
  • [8]
    Meilleure conformation bouchère et vitesse de croissance des jeunes, meilleure capacité laitière des mères.
  • [9]
    Le Réveil agricole, 10 octobre 1970. Le Réveil agricole est le nom de l’hebdomadaire de la profession agricole départementale lozérienne. Il s’intitule aujourd’hui Le Réveil Lozère.
  • [10]
    Le « pied de chat » (Antenaria dioïca, Gaertn), par exemple.
  • [11]
    Les éleveurs considèrent qu’il faut alors avoir des brebis vides pour faire manger les Stippa à l’automne sans porter préjudice aux animaux.
  • [12]
    « Chômer, c’est quand elles se rassemblent et qu’elles ne mangent pas. »
  • [13]
    L’herbe est plus ou moins bonne, plus ou moins abondante.
  • [14]
    Les agnelles sont de jeunes brebis qui ne sont pas encore en âge d’avoir des agneaux.
  • [15]
    Tant en quantité qu’en qualité.
  • [16]
    Cette construction s’opère également à travers ce que les agronomes appellent une diversité de « modes de prélèvement » (Bellon et al., 1999) sur les mêmes surfaces herbacées.
  • [17]
    Ce type de stratégie de gestion des herbages, qui s’appuie à la fois sur un « programme de campagne » défini par avance et sur des modulations par de multiples ajustements au cours de l’année, apparaît relativement commun parmi les éleveurs ovins du Sud de la France (Hubert, 1994 ; Bellon et al., 2002).
  • [18]
    Cet éleveur (E2) évoque plus particulièrement le cas de son fils qui vient de s’installer avec lui, en s’orientant vers l’élevage de brebis laitières. Les citations suivantes sont respectivement de E3 et de E2.
  • [19]
    Notons que cet éleveur est un grand amateur et un joueur assidu de football. On peut supposer que sa référence à l’engagement n’en est pas indépendante, le rapport à l’engagement physique (corporel) et mental (volonté) faisant alors le lien entre ces deux activités.
  • [20]
    Par exemple, « le pied de chat » (Antenaria dioïca, Gaertn), dont les brebis raffolent au printemps et qu’elles refusent lorsqu’il sèche en été, ou le « dompte-venin », autrement dénommé « cornes de bœuf » (Vincetoxicum hirundinaria, Med.), connu comme étant vénéneuse et refusée par les brebis au printemps, mais consommée sèche durant l’été.
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