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Article de revue

« Pesticides : comment réduire les risques associés ? »

Compte rendu de colloque (Avignon, 14-16 novembre 2005)

Pages 69 à 70

Notes

  • [1]
    Trois types de risques ont été identifiés concernant l’utilisation des pesticides : le risque opérateur ; le risque environnement ; le risque consommateur.
  • [2]
    Le programme a concerné 55 équipes de recherche et 13 partenaires.
  • [3]
    Les cinq objectifs de cette stratégie sont : réduire les risques au minimum ; améliorer les contrôles ; faciliter le remplacement de produits dangereux par d’autres ; encourager les pratiques agricoles économes en pesticides ; mettre en place des indicateurs pour un suivi. Les conséquences de la mise en œuvre d’une telle directive ont été évaluées.
  • [4]
    Dans toute la mesure du possible, certains éléments de la mise en œuvre ont été intégrés dans des dispositifs législatifs existants : directive-cadre sur l’eau ; PAC ; directive 91/414 ; Recherche. Cependant, la prise en compte de certains éléments nouveaux nécessite un dispositif particulier, à savoir une directivecadre sur les pesticides (DCP) qui serait relayée par des plans d’action nationaux.
English version

1Ce colloque a été organisé par le ministère de l’Écologie et du Développement durable (MEDD) pour la restitution des résultats des programmes de recherche qu’il a financés en 1999 et en 2002, dans le cadre d’un appel d’offres visant à mieux comprendre les conséquences de la présence de pesticides dans l’environnement [1]. Le conseil scientifique de cette action a été dirigé par Pierre Chassin de 1999 à 2002 et par Thierry Caquet depuis. Environ 200 participants ont suivi ce colloque, dont la moitié étaient des chercheurs et un quart, des gestionnaires de risques (ministères centraux ou décentralisés, agences de l’eau...) ; les utilisateurs (agriculteurs, instituts techniques, organisations de producteurs, firmes) étaient aussi bien représentés.

2En introduction, M. Vindimian (MEDD), président du comité de pilotage de ce programme, rappelle que le lancement de cet appel d’offres a été suscité par les premiers constats de présence de pesticides dans l’environnement (eau, air, sol) et voulait répondre au manque de connaissances pour expliquer les transferts à l’origine de ces présences, les niveaux constatés et les risques qui en découlaient pour l’environnement. Il constate que ce programme a eu le mérite d’agir comme aiguillon pour stimuler la recherche sur certains sujets [2]. Il a permis la structuration d’une communauté scientifique, des avancées méthodologiques et cognitives (environ 80 publications) et a fortement contribué à la formation. Il doit maintenant s’orienter vers des aspects plus proches de la réalité de terrain ; il doit également s’intégrer davantage dans les travaux menés au niveau européen.

3La première intervention (Anne-Cécile Cotillon, Commission européenne, DG Environnement) a porté sur les développements de la stratégie européenne concernant l’utilisation durable des pesticides. Après avoir dressé un tableau de l’évolution de l’utilisation des herbicides par l’agriculture dans les différents pays européens, elle signale que les monitorings effectués montrent une légère tendance à la hausse des détections de résidus supérieurs à la limite maximale de résidu (LMR) ; elle précise toutefois que cela s’explique en partie par un ciblage plus affiné des cultures à risques. En ce qui concerne les monitorings dans l’environnement, une stagnation des détections dans l’eau est observée (cas du lindane). Cela dit, il faut constater un sérieux manque d’informations sur l’utilisation des pesticides en Europe. D’où l’adoption d’une stratégie les concernant dans le cadre du 6e programme d’action communautaire. L’objectif n’est pas de les réduire ou de les interdire, mais de mieux en encadrer et en gérer l’utilisation [3].

4D’après Mme Cotillon, l’analyse du contexte réglementaire actuel montre que l’utilisation des produits phytosanitaires est insuffisamment maîtrisée par les acteurs (distribution, agriculteurs). Une directive-cadre est en cours de rédaction pour mieux la réglementer [4]; un règle-ment Eurostat visera à organiser la collecte de données sur leur utilisation (traçabilité). Les interactions de cette future directive avec des directives existantes (directive-cadre eau, directive-cadre sol, 91/414) nécessitent des précisions et inquiètent les autorités françaises chargées de la réglementation. La Commission a également évalué le niveau de maîtrise dans les différents pays européens et constate de grandes disparités. Les pays qui utilisent le plus de pesticides par surface agricole sont ceux pour lesquels cette directive présentera le moins de bénéfices, car le niveau de maîtrise y est déjà important (certification des utilisateurs, filière de traitement des déchets, etc.).

5La présentation des résultats de la première partie de l’appel d’offres portait sur les transferts et le devenir des pesticides dans l’environnement. Dans ce premier axe du programme, il était prévu de donner une priorité aux phases atmosphériques. Des compétences scientifiques ont été développées pour mieux comprendre l’origine des contaminations, les concentrations moyennes observées, les transferts possibles et les dépôts, soit sous forme de poussières, soit sous forme de précipitations. Les transferts dans l’atmosphère peuvent provenir de l’application elle-même ou de la volatilisation du couvert végétal, ou du sol, après application. Dans le cas d’herbicides, l’incorporation dans le sol semble un moyen efficace de limiter la volatilisation. En ce qui concerne l’origine et la compréhension des phénomènes de contamination des eaux, les résultats acquis sont mieux établis. Un rappel a néanmoins été fait, à l’attention des autorités chargées de la réglementation, pour souligner que les bandes enherbées ne doivent pas être placées qu’en bordure de cours d’eau ; elles doivent être positionnées pour ralentir et infiltrer les flux issus du ruissellement là où ceux-ci se forment dans un bassin versant. Le développement d’indicateurs et d’outils de modélisation des transferts ou de prévision des précipitations ne semble pas encore pouvoir déboucher sur des applications concrètes. Le transfert et le devenir des pesticides dans le sol ont donné lieu à un travail qui a porté sur les résidus fortement liés aux particules du sol et qui ne peuvent facilement être extraits. Les premiers travaux montrent que ces résidus liés atteignent une concentration limite, même dans le cas d’applications répétées, grâce à l’adaptation des systèmes biologiques qui les dégradent. Le constat, fait au niveau européen, que ces résidus présentent peu de risques pour l’environnement étant donné leur indisponibilité biologique n’a pas été évoqué. Cette session met en évidence le fait que si les scientifiques évoluent dans leur compréhension des transferts des pesticides dans l’environnement, il reste encore à évaluer les risques biologiques associés. Aucune analyse de risque toxicologique ou écotoxicologique n’a été citée à ce sujet.

6La présentation des résultats de la deuxième partie de l’appel d’offres traitait des effets des pesticides à différents niveaux d’organisation biologique. Ce second axe du programme prétendait baliser le sujet du niveau de l’individu à celui de l’écosystème. De nombreuses études distinctes ont porté sur l’analyse d’effets sublétaux de quelques molécules ou de combinaison de molécules (un herbicide et un adjuvant pour la plus grande combinaison) sur quelques organismes ou systèmes d’organismes (mésocosme aquatique pour le plus complexe). Ces travaux ont apporté des réponses très ponctuelles à certaines questions, mais ne permettent ni de compléter de façon concrète l’évaluation des produits, ni d’aider les gestionnaires de risques à apprécier les niveaux de risque dans la réalité. Ils mériteraient d’être complétés par une approche plus globale et plus écologique. Les études présentées doivent progresser afin de pouvoir être standardisées et promues au niveau européen. Les compétences de la communauté scientifique à mobiliser doivent être élargies en direction de l’évaluation des risques, de l’écologie, de la standardisation de méthodes…

7La présentation des résultats de la troisième partie de l’appel d’offres portait sur le dernier axe, identifié par le comité d’organisation comme devant être l’objet d’une attention prioritaire : le développement et la mise en œuvre d’approches permettant de limiter l’usage des pesticides. Ce fut l’occasion d’exposer les principes de la protection intégrée des cultures à un auditoire peu familier avec cette approche et enclin à identifier l’agriculture biologique comme étant la seule alternative possible. Une proposition de structuration des actions par échelle de taille et par échelle de temps a ensuite été déclinée à l’aide d’études de cas très concrets. Il ressort clairement de cet examen que de la mise en œuvre opérationnelle de la protection intégrée des cultures peut résulter une prise de risque économique accrue pour l’agriculteur et que les connaissances nécessaires à son pilotage sont différentes de celles enseignées actuellement. Le développement de ce mode de production nécessitera donc un investissement important et soutenu dans le temps en termes de politique agroenvironnementale, étant donné les besoins importants de formation et de gestion du niveau de risque. Il a été souligné qu’une telle évolution peut être difficile à promouvoir dans un contexte économique parfois difficile, si ce n’est dramatique (comme celui de l’arboriculture en France actuellement).

8Le grand mérite de ce colloque a certainement été de faire se rencontrer des communautés peu en contact habituellement, à savoir la communauté des chercheurs et celle des gestionnaires des risques. Le manque de compréhension du monde agricole, de ses pratiques et de ses contraintes est apparu de façon frappante. Il apparaît souhaitable que se développent des approches globales de type écologique, davantage orientées vers les réalités du terrain et susceptibles d’apporter des recommandations simples.

Notes

  • [1]
    Trois types de risques ont été identifiés concernant l’utilisation des pesticides : le risque opérateur ; le risque environnement ; le risque consommateur.
  • [2]
    Le programme a concerné 55 équipes de recherche et 13 partenaires.
  • [3]
    Les cinq objectifs de cette stratégie sont : réduire les risques au minimum ; améliorer les contrôles ; faciliter le remplacement de produits dangereux par d’autres ; encourager les pratiques agricoles économes en pesticides ; mettre en place des indicateurs pour un suivi. Les conséquences de la mise en œuvre d’une telle directive ont été évaluées.
  • [4]
    Dans toute la mesure du possible, certains éléments de la mise en œuvre ont été intégrés dans des dispositifs législatifs existants : directive-cadre sur l’eau ; PAC ; directive 91/414 ; Recherche. Cependant, la prise en compte de certains éléments nouveaux nécessite un dispositif particulier, à savoir une directivecadre sur les pesticides (DCP) qui serait relayée par des plans d’action nationaux.
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