Notes
-
[*]
Auteur correspondant : jp.deffontaines@wanadoo.fr
-
[1]
Contact : SUACI montagne Alpes du Nord, 11 rue de la Métropole, 73000 Chambery. Courriel : suacigis@suacigis.com
-
[2]
Guisepelli, E., Fleury, P., 2003. Paysages et agriculture dans les Alpes du Nord : représentations et aspirations de la société, GIS Alpes du Nord.
1Le Groupement d’intérêt scientifique des Alpes du Nord [1] a pour but de réaliser des travaux de recherche sur les problèmes et les acquis de la montagne alpine et de son agriculture. Il présente, dans ce document [2], divers travaux financés par le Plan de développement rural Rhône-Alpes et par le programme Politiques publiques et paysages du ministère de l’Écologie et du Développement durable (MEDD). Le document, conçu et réalisé par E. Guisepelli et P. Fleury (tous deux agronomes), et publié en 2003, est le résultat d’une collaboration de divers laboratoires de recherche du CNRS, de l’Inra et du GIS, ainsi que d’agents du développement agricole. Il est conçu comme un support de débats pour les gestionnaires et les acteurs de terrain préoccupés par l’évolution de la place de l’agriculture dans les Alpes du Nord. Un CD-ROM y est joint.
2Il est composé de trois parties. La première est intitulée « Les problèmes paysagers dans les Alpes ? Une affaire de perception », la seconde aborde les « fonctions attribuées à l’agriculture par la société », la troisième, sous le titre « Utiliser le paysage dans des actions de développement », propose des outils d’animation pour débattre sur le paysage. Les travaux de réflexion présentés s’appuient sur des enquêtes réalisées auprès d’« usagers » du paysage, d’« acteurs » impliqués dans des opérations de gestion du territoire, d’agriculteurs, et sur des « suivis » de groupes locaux réfléchissant à des actions de développement. L’idée générale qui sous-tend cette initiative est d’associer les connaissances sur les représentations sociales des paysages avec la mise en œuvre d’outils permettant de décrire la matérialité physique du paysage. L’hypothèse faite par l’équipe est que, de cette association, dépend le dialogue qui doit précéder l’action.
3Dans la première partie, les enquêtes sur photos abordent la façon de voir les friches et l’urbanisation. Les résultats montrent que les paysages préférés sont des paysages ouverts. Pour les agriculteurs, la friche symbolise la dégradation du travail agricole. Pour les habitants, c’est une détérioration du cadre de vie. Pour les citadins, c’est la nature qui reprend ses droits. L’urbanisation a une connotation générale négative : pour les citadins comme pour les habitants, elle dégrade les paysages. L’agriculture est peu souvent perçue par les premiers ; quand elle l’est, c’est avec la fonction de maintenir une coupure avec le milieu urbain. L’inquiétude des résidents est de voir disparaître les zones agricoles autour de chez eux. Tous considèrent comme nécessaire le maintien de l’agriculture dans le paysage, mais celle-ci est rarement vue comme gestionnaire de l’espace ; elle est plutôt considérée comme une contribution importante à la vie locale.
4Face à cette diversité des perceptions du paysage, les auteurs proposent différents modèles paysagers auxquels se réfèrent les diverses couches de la société. Le but n’est pas de codifier les façons de voir, mais de faciliter le débat sur leur diversité. « Le modèle emblématique » auquel se réfèrent les agriculteurs et les élus relie le beau paysage (Beaufortin) et le travail agricole ; il n’est pas partagé par certains jeunes agriculteurs. Aux citadins venant en touristes, correspond le «modèle régional », dans lequel les critères de sommets enneigés, de prairies, de vaches, de forêts et de chalets se combinent dans une harmonie entre l’homme et la nature. Un nouveau modèle de référence est le « modèle contemporain », dans lequel l’embroussaillement contribue à la diversité paysagère. Il est partagé par des citadins et des jeunes agriculteurs. Enfin, le « modèle hauts sommets », celui de la « grande nature », sans activité humaine, domine les représentations des montagnards.
5L’analyse des fonctions attribuées à l’agriculture par la société, qui occupe la seconde partie du document, a pour but de trouver un terrain d’entente entre agriculteurs et collectivités. L’idée qui domine cette deuxième partie est que l’agriculture « ne fait pas seulement paysage », elle est aussi perçue comme une contribution importante à la vie rurale. Le rapport d’une enquête IPSOS, en 2000, montre l’attachement des Français à l’agriculture (85 % estiment que les agriculteurs sont les premiers à maintenir une vie rurale active). Les travaux menés dans le massif alpin montrent que, contrairement à l’agriculture de plaine, l’agriculture alpine est jugée traditionnelle et respectueuse de l’environnement.
6Les auteurs distinguent les zones périurbaines du Sillon alpin, où l’agriculture garantit le maintien d’une ruralité face à la progression urbaine, les zones de montagne à agriculture dynamique auxquelles l’image générale de la montagne fait référence, les zones en forte déprise, où une fonction de maintien d’ouverture est souhaitée, et des zones avec sites pittoresques, où l’agriculture a des fonctions peu différentes de celles d’entreprises paysagistes. À un autre niveau, les auteurs révèlent différentes raisons d’entretenir les paysages selon les communes touristiques, rurales et périurbaines. Les agriculteurs eux-mêmes ont conscience de la spécificité de leur métier en milieu montagnard. Deux attitudes sont observées à l’égard du paysage : dans la première, tout entretien du paysage est indépendant de la production agricole ; dans la seconde, l’agriculture et la gestion du paysage sont indissociables. Le terrain d’entente entre acteurs dans un projet local suppose d’expliciter les différentes façons de voir et les attentes de chacun.
7La troisième partie souligne les précautions à prendre dans l’utilisation du paysage comme outil d’animation, dans des actions de développement. L’analyse porte sur les relations entre acteurs locaux et experts extérieurs. Le rôle de ces derniers diffère selon qu’ils proposent un plan de gestion, qu’ils participent à la construction d’un projet local ou qu’ils n’interviennent qu’après une phase de réflexion et d’autodiagnostic. Deux outils de débats sont proposés à la réflexion. Le premier s’appuie sur des photos de paysages types. Les préférences exprimées, le débat est engagé sur les différentes représentations et le rôle de l’agriculture. Le second outil, plus ambitieux, vise à situer les enjeux paysagers dans une démarche de développement local et, pour cela, à identifier collectivement les zones à enjeux.
8Les 54 pages du document sont abondamment illustrées de photos, de tableaux et de schémas. On peut regretter que la mise en page utilise un trop grand nombre de typographies, d’encadrés, de fonds de page, de couleurs différentes ; le document évoque à première vue une plaquette publicitaire, alors qu’il s’agit d’un travail de fond très documenté. Sur le plan méthodologique, les termes d’acteurs et d’usagers auraient justifié une discussion et une prise de position. Des précisions sur l’échantillonnage des populations enquêtées, notamment celle des « citadins lyonnais », auraient également été utiles. Enfin, allant au-delà des quelques réserves faites par les auteurs, je reste sceptique sur l’utilisation de quatre modèles paysagers de référence pour engager localement un débat sur le paysage et ses enjeux.
Date de mise en ligne : 27/07/2012
Notes
-
[*]
Auteur correspondant : jp.deffontaines@wanadoo.fr
-
[1]
Contact : SUACI montagne Alpes du Nord, 11 rue de la Métropole, 73000 Chambery. Courriel : suacigis@suacigis.com
-
[2]
Guisepelli, E., Fleury, P., 2003. Paysages et agriculture dans les Alpes du Nord : représentations et aspirations de la société, GIS Alpes du Nord.