Agriculture
Un vieil homme et la terre : neuf milliards d’êtres à nourrir ; la nature et les sociétés rurales à sauvegarder. Edgard Pisani. Le Seuil, coll. « L’Histoire immédiate », 2004, 240 p., 20 £
1Une crise sans précédent affecte aujourd’hui les rapports que l’homme entretient avec l’une des plus anciennes de ses activités : l’agriculture. Au-delà, c’est une certaine façon d’habiter la planète – et de se nourrir – qu’il s’agit de réinventer. À vouloir forcer la terre, nous prenons le risque de la détruire. À mondialiser imprudemment les marchés agricoles, nous mettons en péril les cultures paysannes spécifiques. À industrialiser trop systématiquement le travail agricole, sur toute la planète, nous chassons les paysans vers les villes, le déracinement, le sous-emploi. Celui qui fut, notamment, l’un des meilleurs ministres de l’Agriculture de la France – aujourd’hui le plus unanimement respecté – ne se contente pas de mettre en garde l’opinion et les gouvernants. Il fait huit propositions concrètes pour sortir de notre aveuglement. Au passage, il revient sans complexe sur la politique productiviste dont il fut, jadis, un acteur. Elle n’est plus de mise.
Agriculture et environnement
Land Quality, Agricultural Productivity, And Food Security. KeithWiebe (Ed.). Edward Elgar, 2003, 480 p., 95 £
2Land quality and land degradation affect agricultural productivity and food security, but quantifying these relationships has been difficult. Data are extremely limited and outcomes are sensitive to the choices that farmers make. The contributors to this book – including soil scientists, geographers, and economists – analyse data on soils, climate, land cover, agricultural inputs and outputs, and a variety of socio-economic factors to provide new insights into three key issues: the extent to which differences in land quality generate differences in agricultural productivity across countries; how farmers’ responses to differences or changes in land quality are influenced by economic, environmental, and institutional factors; whether land degradation over time threatens productivity growth and food security at local, regional, and global levels.
Animal et société
Bêtes de science. Catherine Bousquet. Le Seuil, 2003, 240 p., 20 €
3Observés, élevés, mesurés, croisés, testés, disséqués, séquencés, ils ont donné leurs corps à la science. Pour la science, la mouche a changé la couleur de ses yeux, le crapaud amis des caleçons, l’escargot de mer a exhibé ses neurones, le ver a offert sa transparence, la souris a mis ses gènes aux enchères, le rat a parcouru des labyrinthes, le poulet a chanté comme une caille, le poisson-zèbre a reformé sa nageoire et les planaires se sont coupées en quatre. Ces animaux ont « fait » la science : ils ne lui ont pas seulement abandonné leur corps, ils ont aussi fourni méthodes, concepts et problèmes aux chercheurs qui les interrogent. Pourtant, bien qu’elles peuplent par milliers les laboratoires, ces « bêtes de science » restent largement méconnues. Mais sans elles, que serait la recherche sur le vivant, et que saurions-nous de nous-mêmes ?
Biologie
Dictionnaire raisonné de biologie. Jean-Louis Morère, Raymond Pujol (Eds). Frison-Roche, 2003, 1250 p., 225 €
4Ce dictionnaire définit plus de 5 000 mots et locutions appartenant au champ immense de la biologie. Celle-ci, particulièrement généreuse, va de l’infiniment petit à l’infiniment grand, de la molécule à l’étude des populations et des écosystèmes les plus complexes. Enrichi de 270 grands dossiers de synthèse illustrés et d’une abondante iconographie inédite (plus de 1 200 tableaux, photographies et dessins), cet ouvrage s’impose à la fois comme outil pédagogique et comme une référence désormais indispensable.
Développement
Le Mythe du développement : les économies non viables du XXIe siècle. Oswaldo de Rivero, traduction de Raymond Robitaille. L’Atelier, 2003, 242 p., 15 €
5Qu’arrive-t-il à la majorité des peuples du tiers-monde ? Soyons honnêtes : ces peuples n’ont pas profité et ne profiteront pas des apports des projets de développement, promis depuis plus de cinquante ans. Les investissements nécessaires font défaut et les technologies modernes réduisent le besoin de main-d’œuvre au lieu de créer les emplois nécessaires aux multitudes des villes du Sud. De nombreux pays s’effondrent en des « entités ingouvernables » contrôlées par des seigneurs de la guerre ou les mafias. Les modèles de développement fondés à la fois sur la régulation étatique et sur le libre marché ont failli. Il est erroné de qualifier de nombreux pays comme étant « en développement » : il vaudrait mieux les décrire comme des « économies nationales non viables ». Que faire ? L’ordre du jour de la « richesse des nations » doit être remplacé par celui de « la survie des nations ». Afin d’éviter l’accroissement de la misère humaine et du désordre politique, de nombreux pays doivent abandonner le rêve du développement et adopter des politiques de stabilisation de leur démographie et de survie nationale en assurant approvisionnement en eau, nourriture et énergie de base.
Défaire le développement, refaire le monde – la ligne d’horizon. Frédérique Appfel-Marglin, Jean-Louis Bato, Jean-Pierre Berlan et al. Parangon, 2003, 413 p., 20 €
6L’ère du développement fait suite à celle de la colonisation, tout comme l’ère de la mondialisation prend le relais de celle du développement. L’occidentalisation du monde et l’uniformisation planétaire se renforcent avec l’accumulation sans limite du capital sous la domination toujours accrue des firmes transnationales. La guerre économique et les inégalités ne se déploient plus seulement entre les peuples mais aussi au sein des espaces nationaux. La destruction de l’environnement est universelle. Il n’y a d’avenir écologique, culturel et politique soutenable et souhaitable qu’au-delà d’une nécessaire décolonisation de l’imaginaire. Il faut sortir non seulement de la mondialisation, mais encore du développement, en secouant le joug de la dictature de l’économie. Les questions soulevées dans ce livre sont nombreuses et essentielles : quels sont les « habits neufs » du développement ? L’économie criminelle est-elle l’avenir ou la vérité du développement ? Ne sommes-nous pas dans un processus de développement suicidaire ? Pourquoi ne pas laisser les pauvres tranquilles ? Comment répondre à l’oppression politique du développement ? Comment survivre au développement ? Y a-t-il des alternatives au développement ?...
Objectif décroissance : vers une société harmonieuse. Michel Bernard, Vincent Cheynet, Bruno Clémentin. Parangon, coll. « L’Après-développement », 2003, 222 p., 13 €
7« La crise écologique est avant tout le révélateur de l’impasse politique, culturelle, philosophique et spirituelle dans laquelle s’enfonce notre civilisation. La guerre que livrent nos sociétés « modernes » à la Terre est le reflet de la guerre que livre l’humain des pays riches à sa conscience. Conditionné par l’idéologie de consommation, prisonnier d’une foi aveugle en la science, notre monde cherche une réponse qui ne contrarierait pas son désir exponentiel d’objets et de services, tout en ayant bonne conscience. Le concept éthique de « développement durable » a répondu à point à cette attente. Ce terme doit désormais rejoindre sa place, c’est-à-dire le rayon des tartes à la crème. Chaque fois que nous apportons une réponse inadaptée à un problème, nous l’amplifions globalement, même si nous avons l’illusion de le soulager sur l’instant. Si les solutions techniques sont importantes, notre devoir est de les conditionner à nos choix démocratiques. La décroissance soutenable et conviviale ne permet pas de tricher. Elle nous impose de regarder la réalité en face, et d’exister dans toutes nos dimensions pour avoir la capacité d’affronter le réel et de traiter les problèmes. Face aux discours mortifères de marchandisation du monde, de bestialisation de nos existences et de soumission aux idéologies dominantes, notre planète nous renvoie continuellement à une réflexion sur notre condition humaine. » (V. C.)
Développement durable
Développement durable et aménagement du territoire. Antonio Da Cunha, Jean Ruegg (Eds). Presses polytechniques et universitaires romandes, 2003, 360 p., 43 €
8L’expression « développement durable » jouit d’un engouement certain au point de devenir incontournable dans bon nombre de domaines touchant les politiques publiques. D’une manière générale, nos territoires connaissent des transformations importantes liées notamment à la mondialisation économique, à l’émergence de nouveaux processus d’exclusion sociale et aux limites environnementales. Il en résulte différents phénomènes – comme la difficulté croissante à établir une distinction pertinente entre ville et campagne ou entre cultures urbaine et rurale – qui posent de véritables défis en termes de régulation territoriale. Cet ouvrage rassemble une vingtaine de contributions de scientifiques et de praticiens qui sont intervenus dans le cadre du séminaire CUSO, organisé par les Instituts romands de géographie et la Communauté d’études pour l’aménagement du territoire, en février 2000. Ensemble, ces contributions ouvrent des pistes quant à la manière de gérer les villes et les régions du futur en questionnant les concepts, les méthodes ou les outils du développement durable qui seraient utiles à cette régulation
Économie
Le Local à l’épreuve de l’économie spatiale. A. Torre (Ed.). INRA Éditions, coll. « SAD Études et Recherches », 2003, 216 p., 25 €
9Terroirs, régions, espaces naturels et ruraux : la référence au territoire est devenue aujourd’hui incontournable pour rendre compte des activités agricoles et agro-alimentaires. Les avancées récentes de l’économie spatiale et régionale permettent ainsi de nouvelles lectures du territoire et de ses relations à la sphère agricole. De la Caraïbe à l’Andalousie, de la montagne corse à la Garonne, les auteurs témoignent de la richesse de ces nouveaux regards sur l’ancrage territorial des processus agricoles et agroalimentaires, sur les dynamiques des espaces ruraux et sur l’analyse des processus agri-environnementaux. Cet ouvrage s’adresse aux chercheurs, enseignants et professionnels du développement.
Environnement et développement
Environmental Security in South Asia. R. B. Jain (Ed.). L’Harmattan, coll. « Environnement & Sécurité », 2003, 191 p., 15, 50 €
10Cet ouvrage, entièrement rédigé en anglais, s’intéresse à l’Asie du Sud. Cette région est devenue d’une importance stratégique et doit faire face à des problèmes environnementaux qui risquent d’accroître l’insécurité dans les différents pays qui la constituent, et par-là les risques de conflits entre eux. L’interaction, en effet, entre le sous-développement et la dégradation de l’environnement, peut conduire à une intensification des rivalités géopolitiques et idéologiques dans la région. Le développement de l’agriculture, l’industrialisation, l’urbanisation, l’exploitation minière, la déforestation, par exemple, ont créé une véritable crise de l’eau. Cette région, qui est l’une des plus peuplées au monde, est constamment victime de désastres naturels qui rendent encore plus difficiles à gérer les problèmes sociaux dont elle est affligée : problèmes de nutrition, notamment, et problèmes de santé. La dégradation des forêts, la disparition des techniques agricoles traditionnelles, la pollution des cours d’eau, la construction de barrages, constituent des menaces permanentes aux ressources naturelles de la région.
Organisation spatiale et gestion des ressources et des territoires ruraux. Patrick Dugue, Philippe Jouve (Eds). Cirad / Cnearc / Engref, 2003, 706 p., 15 €
11Les fonctions assignées à l’agriculture ne se limitent plus à la seule production. L’émergence de préoccupations nouvelles (impact des activités agricoles sur l’environnement, gestion durable des ressources et des territoires, préservation de l’aménité des paysages) a conduit à élargir ces fonctions et à modifier les objectifs assignés au développement rural. Ces nouvelles préoccupations nécessitent de revoir les thématiques et les méthodes en matière de recherche comme de développement. Elles entraînent, pour les agronomes, la nécessité de modifier leur façon d’appréhender l’espace rural. Plus généralement, s’impose la nécessité d’une confrontation entre le Nord et le Sud, qui ouvre sur une conception commune du développement durable.
12Cet ouvrage est issu du colloque international de Montpellier (25-27 février 2003), organisé par l’Unité mixte de recherche « Systèmes agraires et gestion durable des ressources et territoires tropicaux et méditerranéens », au cours duquel ont été présentées 70 communications, dont 40 des pays du Sud.
Environnement et politique
L’Évaluation environnementale des politiques, plans et programmes : objectifs, méthodologies et cas pratiques. Michel Lerond, Corinne Larrue, Patrick Michel, Bruno Roudier, Christophe Sanson. Tec & Doc, 2003, 328 p., 52 €
13Issue de l’évaluation environnementale qui fut introduite à l’échelle des projets et sous la forme d’études d’impact à partir de 1970 aux États-Unis puis en France, l’évaluation environnementale stratégique s’applique à une étape située plus en amont : l’élaboration des politiques, plans et programmes. Véritable outil d’aide à la décision, elle peut aussi constituer l’un des instruments du développement durable en anticipant et atténuant les conséquences environnementales des politiques publiques, en même temps que leurs implications économiques et sociales. Ce concept requiert des évolutions profondes dans les modes de décision, il suppose le développement d’une véritable culture dans ce domaine et la sensibilisation de tous les acteurs. Tels sont les objectifs de cet ouvrage à caractère opérationnel et pédagogique qui resitue l’évaluation environnementale stratégique dans son contexte juridique, politique, méthodologique mais aussi pratique. Ainsi, avec le soutien de nombreux exemples et d’études de cas, ce guide sans équivalent développe la méthodologie pour préparer le cahier des charges du processus, gérer l’information utile, établir le cadre de référence et réunir les outils nécessaires, réaliser l’évaluation par étapes, faire participer le public. Cet ouvrage a été conçu pour un large public : maîtres d’ouvrages, bureaux d’étude et consultants, enseignants et étudiants, membres des organisations non gouvernementales et du mouvement associatif.
Environnement planétaire
Études sur l’environnement : de l’échelle du territoire à celle du continent. Académie des sciences, RST, n° 15. Tec & Doc, 2003, 308 p., 60 €
14Depuis le XXe siècle, différents problèmes ont émergé mettant en jeu notre environnement : atmosphère, océan, hydrosphère, géosphère et biosphère. Ces problèmes sont spatialisables, c’est-à-dire qu’ils peuvent être traités en trois ou quatre dimensions après des opérations d’homogénéisation et d’agrégation. Le problème le plus connu est l’évolution du climat, pour laquelle une méthodologie s’est progressivement dégagée, utilisant les observatoires, les bases de données et les modèles. Est-il possible d’étendre cette méthodologie aux problèmes spatialisables qui ne concernent pas la planète entière ? Dans cette perspective, le rapport analyse : le choix de l’échelle, qui détermine l’étendue de la carte que l’on va regarder ; le choix de la maille de description, des méthodes d’homogénéisation et d’agrégation ; les couplages entre compartiments différents, ainsi qu’entre nature et société, car les dimensions sociales et économiques jouent un rôle essentiel. Trois exemples importants sont considérés : la couverture des sols, les eaux continentales, la gestion des zones côtières. À partir de cette analyse, des recommandations sont présentées. Elles découlent d’une idée centrale, liée à la complexité des problèmes : le travail de recherche est long et doit être organisé pour affronter le temps. Elles mettent l’accent sur le rôle des outils et du trépied observatoires-données-modèles, ainsi que sur l’échelle à laquelle ces problèmes doivent être traités.
Forêts
Tropical Forests, International Jungle : the Underside of Global Ecopolitics. Marie-Claude Smouts. Palgrave Macmillan, 2003, 266 p., 53, 89 €
15This book explores the complexities of what are tropical forests, what role they play not only in environmentalism but in trade, health care, and almost every facet of natural and social life for those living there and beyond. Although for most in the developed world tropical forests have gained a status of part of our world heritage, these forests are not really part of the global commons or a global public good. Developing nations maintain control over the forests within their borders and often use the forests as they see fit. The international system for mediating the issue is a fractured group of nongovernmental organizations and transnational networks, often with competing views of how to manage tropical forests. Despite this seemingly grim picture, Marie-Claude Smouts is optimistic. A changing world view toward forest depletion is influencing countries both north and south. Although forests will be used commercially, it is a dynamic process that should maintain them far into the future.
Géographie
Les Grandeurs de la Terre. Aspects du savoir géographique à la Renaissance. Jean-Marc Besse. ENS Éditions, 2003, 424 pages, 35 €
16La Renaissance se caractérise par le renouvellement des représentations géographiques de la Terre, provoqué en grande partie par les navigations océaniques. Ces voyages sont en effet accompagnés par un intense effort réflexif, qui conduit les géographes à mettre en place un nouveau concept de la Terre. C’est à la formation de ce concept que ce livre est consacré. À la Renaissance apparaît le concept géographique d’une « Terre universelle » (Gregor Reisch), c’est-à-dire d’un orbis terrarum qui n’est plus limité, comme on l’affirmait auparavant, à la zone tempérée de l’hémisphère Nord, mais se confond virtuellement avec la totalité du globe terrestre. Cette Terre partout habitable, sol désormais universel de l’existence humaine, constitue alors l’objet propre de la géographie. Quelles ont été les conditions de l’apparition du nouveau concept géographique de la Terre ? En fonction de quelles initiatives intellectuelles et graphiques a-t-il été forgé ? Quel a été l’impact spirituel et moral de cette nouvelle condition de l’existence humaine ? Le présent essai tente de répondre à ces questions, en se concentrant sur trois moments majeurs de la pensée géographique à la Renaissance : la réappropriation des méthodes cartographiques ptoléméennes, le développement de la cosmographie descriptive chez Sebastian Münster, et la méditation géographique d’Abraham Ortelius.
Des tyrannosaures dans le paradis. La ruée des transnationales sur la Patagonie chilienne. Philippe Grenier. L’Atalante, coll. « Comme un accordéon », 2003, 348 p., 18 €
17Les Argentins sont-ils trop bavards ou les voyageurs trop crédules ? La Patagonie est autant chilienne qu’argentine. Depuis une trentaine d’années, ce Chili austral, long corridor maritime et montagneux étalé sur 16° de latitude, longtemps marginal et délaissé, a été « saisi » par la mondialisation. Le « modèle » économique mis en place sous Pinochet continue de faire cracher les dividendes, la démocratie n’y a rien changé, et la Patagonie chilienne est devenue une bonne affaire pour toutes sortes d’entrepreneurs. Bout du monde vanté pour sa wilderness, elle est d’abord pillée, polluée et aussi mythifiée pour le touriste haut de gamme – ses habitants menés en bateau –, le tout recouvert par un discours obsédant et parfaitement bidon : le développement durable à la mode transnationale. Cette Patagonie victime d’un néolibéralisme chilien caricatural qui vise à exporter toujours plus vers les marchés solvables des pays riches, Philippe Grenier en parle avec bonheur. Car il dit en même temps la beauté des lieux et la vie des habitants. Dans une corporation de géographes qui vit de plus en plus de la commande publique ou privée, sa liberté de ton, son indépendance lui permettent de réconcilier géographie et écologie. Un livre avec des cartes et un cahier de photographies en couleur.
Gestion des risques
Dictionnaire des risques. Yves Dupont (Ed.). Armand Colin, 2003, 424 p., 23 €
18L’homme du XXIe siècle commençant se découvre avec désarroi, voire angoisse, confronté à des incertitudes sur les effets de son action (clonage, OGM, etc.) ou à de lourdes menaces environnementales, et conscient – enfin, plus ou moins – d’être responsable de cet état de fait. Qu’il soit impossible de continuer ainsi, on se l’accorde. Qu’une nouvelle éthique soit à inventer dans nos relations humaines et dans notre rapport à notre fragile planète, on y consent. Mais prendre la vraie mesure des risques, anticiper des solutions, mener pièces à l’appui les débats qui s’imposent, c’est le difficile passage au concret, qui est affaire autant d’intelligence des choses que d’argent à dépenser. Il importe à la fois de savoir, domaine par domaine, de quoi l’on parle, et d’avoir une vision synthétique. D’où ce dictionnaire. La formule permet d’explorer l’ensemble du champ et de tisser les liens qui relient une réalité à une autre. De « Catastrophes naturelles » à « Transgénique », en passant par « Délinquance juvénile » ou « Principe de précaution », cet ouvrage fait ressortir une donnée essentielle : au-delà des approches du risque que proposent les économistes, les assureurs et les experts, chantres d’une rationalité instrumentale prompte à occulter la responsabilité humaine, il importe de réintégrer ces questionnements dans la sphère politico-sociale qu’ils n’auraient jamais dû quitter dans des sociétés considérées comme démocratiques.
L’Expertise en pratique : les risques liés à la vache folle et aux rayonnements ionisants. Jacqueline Estades, Élisabeth Rémy. L’Harmattan, coll. « Risques collectifs, situations », 2003, 250 p., 20, 50 €
19Les pouvoirs publics s’en remettent de plus en plus à l’expertise scientifique pour justifier la gestion de risques collectifs, notamment quand de fortes incertitudes suscitent de vives controverses et inquiétudes. Comment évaluer et contenir la grave menace incarnée par le variant de la maladie de Creutzfeldt Jakob (« vache folle ») ? Comment mesurer les risques sanitaires liés à la proximité d’un site retraitant des déchets nucléaires ? Comment désigner des priorités à partir de faits incertains ?… Autant de questions qui mettent à l’épreuve l’expertise scientifique. À travers l’étude de deux dispositifs – le Comité interministériel sur les encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles et les comités expertisant le lien entre radioactivité et leucémies à La Hague –, les auteurs analysent les conditions d’organisation et de fonctionnement d’une expertise inscrite dans le registre de la précaution. L’ouvrage est une contribution au débat actuel sur les formes de « démocratie technique ». L’entrée par la fabrication des avis conduit à remettre en question les frontières établies entre pratiques de recherche et pratiques d’expertise. Plus globalement, il s’agit de montrer comment s’organise une vigilance collective au nom de la précaution ; comment l’affirmation de l’autorité savante cède le pas à l’expérimentation collective dans laquelle des savoirs locaux se mêlent à la science des laboratoires, ouvrant ainsi la voie à de nouveaux apprentissages.
Histoire de l’environnement
La Science hydrologique. Du service des colonies à l’aide au développement. Pierre Dubreuil. L’Harmattan, 2003, 338 p., 27 €
20Étayé par de nombreux documents, l’ouvrage retrace sur tout le XXe siècle l’histoire de cette originale expérience d’hydrologie au service des colonies, puis des pays en voie de développement, qui conjugue recherche, gestion des réseaux de mesures, valorisation et expertise. Il soumet cette expérience à l’analyse de son efficacité et de son utilité en regard des objectifs affichés. L’histoire de ces travaux sur les ressources en eau subit évidemment, au cours de la seconde partie du XXe siècle, les vicissitudes de l’indépendance des colonies, des changements du pouvoir politique, avec les orientations et les réformes qu’ils induisent. Après l’apogée des années soixante-dix et quatre-vingt, l’expérience originale de la science hydrologique pour le développement semble se diluer, en fin de siècle, dans un ensemble plus vaste du domaine de l’environnement et de l’atmosphère. Parmi les grands défis du XXIe siècle, les conflits pour l’accès à l’eau, à une eau de qualité, vont s’intensifier et se généraliser. Pour aider leur résolution, il faudra plus de science et plus de recherches multidisciplinaires. L’évolution du dispositif original français va-t-elle dans le bon sens pour relever ce défi ?
Homme et nature
La Domestication de la nature dans les Andes péruviennes. Doris Walter. L’Harmattan, 2003, 240 p., 20 €
21Découvrez l’ogresse Achikay, ses marmites maléfiques et ses multiples incarnations ; pactisez avec son mari l’Abuelito et ses troupeaux mythiques ; apprenez des indigènes les façons d’apprivoiser cette nature sauvage et dangereuse, ces ancêtres pas tout à fait morts…Vous comprendrez ensuite pourquoi les relations de ces habitants sont si difficiles avec un acteur moderne, le Parc national du Huascaran, gestionnaire comptable d’une nature sublime à protéger à tout prix, y compris des prédations de subsistance d’une poignée d’habitants.
Hommes et milieux
Mythes et réalités d’un désert convoité : le Sahara. Jean Bisson. L’Harmattan, 2003, 480 p., 40 €
22Dans l’imaginaire collectif, la simple évocation du Sahara déclenche une avalanche de mythes et de fantasmes : le pays envoûte, subjugue. Les Sahariens, longtemps abandonnés à leur sort, ont exploité dans les années soixante les richesses minières et les hydrocarbures, couplés à d’ambitieux plans d’équipement. Le monde saharien a basculé de la ruralité à la citadinité. Comment les Sahariens réagissent-ils face à ce bouleversement ? Le Sahara est-il l’Eldorado dont certains ne cessent de vanter les infinies potentialités ? Quant au développement, n’est il pas devenu un insidieux facteur de désertification ? Quelques décennies de recul permettent de dresser un état des lieux du plus grand désert du monde.
Interdisciplinarité
Qu’est-ce que mourir ?. Jean-Claude Ameisen, Danièle Hervieu-Léger, Emmanuel Hirsch. Le Pommier, coll. « Le collège de la cité », n° 3, 2003, 192 p., 8 €
23Qu’est-ce que mourir ? Comment la biologie et la médecine contemporaines définissent-elles la mort ? Les travaux sur le « suicide cellulaire » doivent-ils nous conduire à voir la mort comme étant indispensable à la vie? Sur quels fondements la définition médicale de la mort repose-t-elle ? Comment aborder la fin de vie, rendre accessibles les soins palliatifs ? Où en sommes-nous avec la mort, ses représentations et ses rites ? À la lumière de la biologie, de la philosophie, de la science des religions, de l’histoire, sept chercheurs interrogent la question du « mourir ».
Méthodologie
Les Figures du projet territorial. Bernard Debarbieux, Sylvie Lardon (Eds). L’Aube / Datar, 2003, 272 p., 18 €
24Aujourd’hui, les projets de territoire sont pleins d’images. Il ne faut pas s’en plaindre : l’iconographie est une puissante ressource d’expression ; l’éventail très large des modalités de représentation qui sont les siennes constitue une aubaine pour tous ceux qui veulent donner à voir, préfigurer ou simplement penser ensemble un territoire. Toutefois, à y regarder de près, on acquiert vite le sentiment que le recours à l’image dans la conception et la présentation du projet relève majoritairement de démarches empiriques et intuitives. Cet ouvrage propose un panorama des analyses existantes sur le rôle de l’image dans le projet et l’exercice de prospective, un éventail très large des méthodes utilisées, et une collection d’expériences, illustrant notamment les expériences de cartographie participative qui ont cours aujourd’hui en Europe, aux États-Unis et en Afrique.
Philosophie
Les Étincelles du hasard. Tome 2, Athéisme de l’écriture. Henri Atlan. Le Seuil, 2003, 544 p., 24 €
25Ce volume se situe au point de rencontre entre science et éthique : la science a pour objectif de découvrir les structures de la réalité, de connaître la nature des choses ; quant à l’éthique, elle se propose d’agir sur la réalité en la modifiant dans le sens d’un « plus grand bien » – même si tous ne s’accordent pas nécessairement sur ce qu’est ce « plus grand bien ». Henri Atlan propose une anthropologie où les liens entre le corps et l’esprit résultent d’une relation non dualiste. Sa réflexion sur les enjeux des sciences biologiques et cognitives se trouve éclairée par une approche de la philosophie classique en dialogue avec les problèmes posés dans le Talmud et la Kabbale. Un de ses guides : Spinoza. Dans ce tome II des Étincelles du hasard, Atlan montre aussi en quoi la notion de Parole ou d’Écriture révélée ne peut se comprendre que si elle est athée. Car, enfin, que veut-on dire quand on invoque le Créateur de l’Univers comme Auteur ?
L’Ultime Honneur des intellectuels. François Laruelle. Textuel, 2003, 160 p., 20 €
26Ce livre n’est pas un livre de plus sur les intellectuels. C’est un dialogue raisonné sur ce que pourrait être aujourd’hui la fonction des intellectuels, et de tout homme, si celle-ci n’était pas à ce point dépendante de l’actualité et de l’histoire. Une conception typologique et structurale des intellectuels s’oppose à leur « histoire » et permet une pratique renouvelée de leur engagement. Plutôt que de parier sur la mort des intellectuels, sur leur disparition, leur silence, ou d’attendre de leur médiatisation un surcroît de légitimité, François Laruelle propose une nouvelle manière d’approcher ces questions. Comment se déterminer devant les tragédies de l’Histoire et les souffrances des hommes, sans chercher à s’en nourrir ou à hypostasier les victimes ? Comment se démarquer de l’héroïsme des philosophes et de leur tendance à s’appuyer sur les victimes afin de justifier leur souci de justice ? F. Laruelle ne prône pas le désengagement, il s’occupe véritablement de la victime. Pour ce faire, il aborde le malheur, et sa cause, d’une manière inédite. Il le présuppose, plutôt qu’il ne le pose comme une conséquence de la guerre ou des conflits. Il se retire de la lutte pour se donner les moyens d’intervenir autrement que par compassion ou courage sur le cours du monde.
Philosophie des sciences
Féeries anatomiques. Généalogies du corps faustien. Michel Onfray. Grasset, 2003, 350 p., 22 €
27Depuis que Michel Onfray a entrepris de bâtir son système philosophique matérialiste et hédoniste, il a rencontré, en chemin, l’esthétique, la politique, la morale, et il se devait, pour parfaire l’édifice, d’en découdre avec cette démiurgie des temps modernes qu’est la biologie. Ce nouvel essai lui est consacré. Et il résume l’ensemble de son œuvre puisque, dans la biologie, se croisent la matière, le plaisir, la mort, la technique et le néant. Le sujet est, on en conviendra, très actuel. Clonage, reproduction médicalement assistée, bébés-éprouvettes, eugénisme, manipulations génétiques sont, chaque jour, à la une de nos débats. Or, deux lignes s’affrontent : une ligne conservatrice, récusant l’audace du clonage et de ses dérivés ; une ligne faustienne, résolument matérialiste, volontariste et libertaire. C’est, bien sûr, cette seconde ligne qu’explore l’essai de Michel Onfray. C’est en hédoniste, en matérialiste épicurien, qu’il promène son regard sur l’embryon ou le génome. C’est en vitaliste déterminé, en champion d’une « poétique du vivant », qu’il fait l’éloge de l’artifice contre la nature, de la liberté contre la théologie, de l’immanence contre la transcendance. Cette thèse – qui prend à revers toutes les recommandations des comités d’éthique – fera débat et scandale. De l’arrêt Perruche – sur les droits du fœtus – à la défense et illustration d’une « écologie technophile », ces Féeries anatomiques renouvellent de façon radicale les polémiques habituelles sur le destin de nos pulsions faustiennes.
Pollution atmosphérique
Histoire de la pollution atmosphérique en Europe et en RDA au XXe siècle. Michel Dupuy. L’Harmattan, coll. « Allemagne d’hier et d’aujourd’hui », 2003, 158 p., 13, 75 €
28La RDA, le pays le plus pollué d’Europe, où l’absence d’efficacité contre les atteintes à l’environnement a fini par miner le régime et par engendrer une opposition intérieure… Pourtant, dans les années 1950, ce pays pratiquait une politique innovante en matière de lutte contre la pollution de l’air, contrairement à la RFA…Mais d’autres éléments entrent en jeu : la culture, l’économie, l’idéologie… Après avoir exposé comment la pollution de l’air, d’un problème local, est devenue un phénomène global, l’auteur explique comment la RDA a abouti à une situation désastreuse en matière d’environnement.
Populations et ressources
La Guerre de l’eau : privation, pollution et profit. Vandana Shiva. Parangon, coll. « Documents », 2003, 162 p., 13 €
29Dans La Guerre de l’eau, Vandana Shiva analyse l’érosion historique du droit communautaire sur l’eau, au crible de ses connaissances scientifiques et sociales. Elle examine le marché international de l’eau, la construction de barrages, et décrit la destruction de la terre et l’asservissement des pauvres qui sont privés de leurs droits sur ce précieux bien commun. Elle fait apparaître qu’un certain nombre des plus importants conflits de notre temps – le conflit israélo-palestinien, par exemple – sont le plus souvent déguisés en guerres ethniques ou religieuses. Le véritable objet de ces conflits est le contrôle de ressources naturelles vitales. La Guerre de l’eau célèbre le rôle spirituel et traditionnel de l’eau dans les communautés à travers l’histoire et nous alerte sur le fait que la privatisation de l’eau menace les cultures et les moyens de subsistance partout dans le monde.
Sciences du comportement
L’Homme relationnel. Jean-Jacques Wittezaële. Le Seuil, 2003, 352 p., 21 €
30Le courant « systémique » et les travaux de l’école de Palo Alto ont des implications psychologiques, philosophiques, voire sociopolitiques qui dépassent de loin le strict cadre thérapeutique. C’est bel et bien d’une nouvelle façon d’envisager l’homme qu’il s’agit. Le projet de cet ouvrage est d’en montrer la cohérence et l’originalité. Refusant le dualisme qui sépare l’esprit de la matière, et l’individu de son environnement, cette nouvelle pensée décrit un homme relationnel, façonné par les liens qui l’unissent à un milieu lui-même fait d’un ensemble de relations et non d’éléments séparés. Dès lors, la façon habituelle de poser les problèmes intérieurs, sociaux ou internationaux, apparaît comme ce qui précisément bloque leur résolution. Et c’est souvent par des paradoxes apparents qu’on sortira des paradoxes réels de la prétendue normalité.
Science et société
Science, argent et politique. Dominique Pestre. INRA Éditions, 2003, 204 p., 11, 50 €
31Les sciences ont toujours intéressé les pouvoirs, qu’ils soient économiques ou politiques, et leurs développements ont toujours été marqués par eux. Inversement, les sciences ont souvent offert des outils neufs permettant aux puissants de transformer radicalement la nature et les sociétés. Dans ce livre, cette thèse est étayée par une relecture des régimes de production des savoirs qui ont marqué l’Occident depuis le XVIe siècle, et de leurs effets sur nos rapports au monde et à la nature. L’auteur insiste sur les trente dernières années, caractérisées par l’apparition d’un régime des savoirs qui opère de plus en plus entre académies et marchés, entre bien public et intérêts marchands, et par une production de risques nouveaux issus d’une techno-science organiquement liée au monde industriel.
L’Immatériel, connaissance, valeur et capital. André Gorz. Galilée, coll. « Débats », 2003, 152 p., 22 €
32Le capital et la science se servent l’un de l’autre dans la poursuite de leurs buts respectifs qui, quoique différents, ont beaucoup en commun. L’un et l’autre poursuivent la pure puissance au sens aristotélicien sans autre but qu’elle-même. L’un et l’autre sont indifférents à toute fin, à tout besoin déterminés, car rien ne vaut la puissance indéterminée de l’argent, d’une part, de la connaissance théorétique, d’autre part, capables de toutes les déterminations puisqu’elles les refusent toutes. L’un et l’autre se verrouillent par les techniques désubjectivantes du calcul contre la possibilité du retour réflexif sur soi. Mais l’alliance du capital et de la science présente depuis peu des fissures. Car, s’il n’est pas question pour le capital de s’émanciper de sa dépendance vis-à-vis de la science, la perspective s’ouvre à la science de pouvoir s’émanciper du capitalisme.
Sciences médicales
Le Regard de l’anatomiste. Dissections et invention du corps en Occident. Rafael Mandressi. Le Seuil, 2003, 384 p., 23 €
33L’Occident moderne a vu s’instaurer, à travers l’anatomie, un regard spécifique, fondé sur la fragmentation, la mise en pièces du corps, soumis également à une véritable colonisation : on en a dressé les cartes, on a établi une nomenclature, on a découvert des régions, des parcelles dans une chair que l’on explorait en la découpant. En tant que dispositif de connaissance, l’anatomie a façonné son objet. Ce fut l’invention d’un corps : segmenté, architectural, mécanique. Or, à la base du travail des anatomistes, on retrouve un paradoxe majeur : ils s’attaquaient à des corps morts, alors qu’il s’agissait de comprendre le vivant. Le cadavre, source d’effroi et de répulsion, dicta aussi ses règles et posa ses limites au savoir qui en fit sa matière première. Au croisement de la médecine, de l’esthétique, de la religion, des discours les plus variés et des cadres mêmes de la pensée s’est constituée, en Occident, une « civilisation de l’anatomie ». Ce livre en propose un parcours, afin de tracer les contours des principaux traits de la construction historique d’un corps et d’une sensibilité qui, à plusieurs égards, sont encore les nôtres aujourd’hui.
Date de mise en ligne : 03/08/2012