Arjakovsky A., En attendant le Concile de l’Église Orthodoxe, coll. l’histoire à vif, Paris, Cerf, 2011, 15x22, 674 p., 44 €. ISBN 978-2-204-09025-4
1L’annonce, en 2010, par le patriarche de Constantinople, Bartholomée Ier, de réunir un concile panorthodoxe est le prélude d’un événement nullement anodin qui devrait se tenir en 2012. Il toucherait quelque 200 millions de chrétiens qui partagent une foi largement commune avec le catholicisme pour lequel, par ailleurs, la communion plénière de toutes les Églises chrétiennes est un objectif primordial.
2Cet ouvrage rassemble 31 études d’un auteur français de confession orthodoxe, directeur de l’Institut d’études œcuméniques de Lviv de l’Université catholique d’Ukraine. Ces écrits, souvent issus de conférences prononcées devant un public universitaire, sont présentés en quatre sections : « Aspects de la pensée chrétienne orthodoxe », « Vers un œcuménisme pratique », « Les convergences entre les doctrines sociales des Églises » et « L’avenir de l’œcuménisme en Ukraine et en Russie ». Derrière ces intitulés, on découvre des approches de thèmes que l’on pourrait appeler « traditionnels » dans l’univers orthodoxe, et qui touchent par exemple à la théologie sacramentaire, de même que des sujets qui sont peut-être moins souvent abordés dans ce monde, comme la famille ou la doctrine sociale.
3L’intérêt de cet ouvrage — qui ne présente évidemment rien d’une synthèse — est sûrement multiple. Avant tout, il aide à comprendre ce qui est propre à la tradition orientale dans sa manière de vivre la foi chrétienne. Il permet aussi d’avoir une idée plus précise de ce que l’on pourrait appeler les « divisions » internes à l’Orthodoxie ; celles-ci ne sont sans doute pas aussi prononcées que dans les Églises issues des réformes protestantes, mais elle n’en sont pas moins réelles et constituent peut-être une difficulté pas toujours aisée à affronter dans le dialogue entre catholiques et orientaux. En même temps, une meilleure connaissance de ces écartèlements ne peut qu’être profitable, précisément pour entrer plus avant dans la communion des Églises chrétiennes. Enfin, l’approche orthodoxe de certaines réalités (je pense ici notamment aux travaux de l’A., qui concernent la famille et la justice sociale) peut à coup sûr enrichir la réflexion catholique. — B. Joassart sj
Divry Éd., La Transfiguration selon l’Orient et l’Occident. Grégoire Palamas — Thomas d’Aquin vers un dénouement œcuménique, coll. Croire et Savoir 54, Paris, Téqui, 2009, 21x15, 565 p. 36 €. ISBN 978-2-7403-1442-5
4Par rapport au mystère de la Transfiguration, les Églises d’Orient et d’Occident entretiennent deux positions différentes : la Transfiguration du Christ, que nous lisons dans les évangiles, concerne-t-elle le Christ seul ? Ou bien, des chrétiens, saints ou bienheureux, peuvent-ils être pareillement gratifiés d’une transfiguration de tout l’être, dès leur vie ici-bas, gage de leur transformation corporelle dans l’au-delà ? L’A. de cette savante étude est prêtre dominicain ; il enseigne à la Faculté théologique de Lugano et dans divers centres d’études théologiques et monastiques ; il a défendu une thèse doctorale à l’Univ. de Fribourg intitulée La Lumière du Christ transfiguré chez les saints (2000). Une longue recherche à travers la patristique et la tradition chrétienne lui permet d’affirmer que l’Orient orthodoxe peut sur ce point apporter des lumières à l’Occident catholique, fournissant ainsi un point d’accord œcuménique important.
5L’A. nous décrit l’itinéraire de sa recherche et de sa thèse. Après une introduction sur cette « réalité oubliée », il commence par étudier les prototypes bibliques dans l’Un et l’Autre Testament à propos de « la lumière de la Face », celle de Dieu communiquée à l’homme : Moïse, Jésus, Étienne. Un 2e chapitre examine la théologie de la lumière chez Irénée, Clément d’Alexandrie, Origène, puis Basile, les deux Grégoire et le pseudo Denys l’Aréopagite. Il se tourne alors vers les Byzantins, avec Jean Chrysostome, Maxime, Jean de Damas et surtout Grégoire Palamas qui parle de « la lumière incréée communicable ». Le chap. 4 est consacré aux Pères latins : Cyrille d’Alexandrie, Augustin, pour en arriver à la scolastique médiévale et saint Thomas qui dévoile « la clarté de la gloire ». Les chap. 5 et 6 entreprennent « une réflexion plus spéculative à enjeu œcuménique » sur l’expérience mystique comme participation à la lumière divine (enhypostasie), rapprochant ainsi Thomas de Palamas, tout en notant les différences de conception. En intitulant son dernier chapitre « De l’icône à la lumière thaborique », il passe de la transfiguration du Christ à celle des saints. Il termine par « douze questions en guise d’épilogue » qu’il discute sur le plan d’un rapprochement théologique.
6Cette étude subtile et pénétrante ne passionnera sans doute pas le chrétien de la base, incapable de suivre l’A. dans la complexité de ses analyses. Mais, laissant cela aux théologiens chevronnés, le chrétien de base pourra en tirer quelques applications pour une spiritualité lumineuse. — J. Radermakers sj
Evdokimov P., La femme et le salut du monde, préf. O. Clément, coll. Théophanie, Paris, DDB/Lethielleux, 2009, 21x14, 275 p., 20 €. ISBN 978-2-283-61075-6
7Une réédition attendue et qui fait plaisir ! On est heureux de relire ce splendide ouvrage du théologien orthodoxe (1901-1970) qui a composé, entre autres, l’inoubliable Art de l’icône (DDB 1980), L’amour fou de Dieu (Seuil 1973) ou Le buisson ardent (Lethielleux 1981). Publié pour la première fois chez Casterman en 1958, cet essai sur la vocation de la femme dans un xxe siècle russe encore sous l’emprise du matérialisme communiste a conservé son actualité et sa vigueur. Olivier Clément introduit la réflexion qui se déroule en trois parties. D’abord l’anthropologie traitant de la constitution de l’être humain, homme et femme, créés ensemble à la ressemblance de Dieu. Vient ensuite l’Ève biblique avec l’histoire de la femme et du féminin au long des siècles. L’A. rappelle alors les grands archétypes chrétiens sur le plan des symboles : le Christ, la mère de Dieu, Jean-Baptiste. Enfin la conclusion détaille les charismes particuliers de la femme et de l’homme.
8Une présentation profondément humaine et spirituelle sur la vocation de la femme dans l’aujourd’hui de l’Église et de l’humanité : «…c’est du cœur féminin que jaillit spontanément, instinctivement, la résistance invincible au matérialisme et à tous les éléments démoniaques de la décomposition de la civilisation moderne… » (p. 265). À relire et à méditer. — J.R.
Kasper W., Deckers D., Où bat le cœur de la foi ? Une vie au service de l’unité, trad. F. Vanoirbeek-Tiquet, coll. La part-Dieu 17, Bruxelles, Lessius, 2011, 15x21, 312 p. ISBN 978-2-87299-205-8
9Ce livre est écrit en quelque sorte à deux mains. À travers la succession des chapitres, Daniel Deckers — théologien et rédacteur politique — retrace les étapes successives de la vie du cardinal Walter Kasper, celui-ci intervenant, après une toute brève évocation d’un moment de sa vie, pour en préciser la portée et la réalité vécue.
10Le déploiement de ces étapes fait participer, non seulement au chemin parcouru par le cardinal Kasper, aux expériences et aux questions rencontrées, mais aussi à des réalités d’Église vécues en première personne. Le tout avec grande clarté et loyauté, introduisant le lecteur à une compréhension des découvertes et des difficultés éprouvées. La vie de Walter Kasper suivit un chemin parsemé d’expériences vécues et de responsabilités assumées : tout d’abord dans l’étude puis l’enseignement de la théologie (particulièrement à Tübingen), puis dans l’exercice de l’épiscopat à Tottenburg-Stuttgart et, finalement, jusqu’en 2010, comme président du Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens et comme président de la Commission pour les relations religieuses avec le Judaïsme.
11Walter Kasper invite à découvrir, comme de l’intérieur, son ministère et partage, avec le lecteur, ses réflexions sur l’évolution de l’Église (en particulier en Allemagne) et sur l’effort déployé et les résultats obtenus dans les démarches visant à faire progresser l’œcuménisme. — S. Decloux sj
Le Grand Carême. Lectures orthodoxes pour chaque jour. Textes rassemblés par B. Le Caro, Paris, Éd. des Syrtes, 2012, 15x24, 304 p., 20 €. ISBN 978-2-84545-163-6
12Cette contribution est destinée à accompagner le fidèle pendant le Grand Carême. Elle permettra également d’initier le lecteur d’une autre confession à la richesse de la liturgie orthodoxe. À ce titre, les commentaires sur l’ordo, ainsi que le glossaire des termes liturgiques s’avèrent précieux. De même pour la rubrique Liturgica qui apporte des éclaircissements sur les textes liturgiques.
13Nous avons là de larges extraits des offices du Triode, ce livre liturgique contenant le propre des offices de Carême. Savamment disposés comme une catéchèse liturgique et hymnographique, ces textes, rassemblés par B. Le Caro, nous donnent accès à des compositions dont les plus célèbres remontent aux viiie et ixe siècles. Comme le fait remarquer Saint Athanase de Kokrov, cité dans l’introduction, « ce qui se trouve dans les livres liturgiques est le fruit des exploits dans la prière, qui ont parfois duré toute une vie, des meilleurs fils de l’Église » (p. 13).
14À la lecture assidue de ces pages, le lecteur comprendra, émerveillé, pourquoi les Pères de l’Église appellent cette période du Grand Carême le temps béni. — St. Dandé fmj
Nicolini-Zani M. (éd.), Insieme per pregare. Le religioni nello “spirito di Assisi”, int. E. Bianchi, coll. Saquela oggi, Magnano, Qiqajon (Comunità di Bose), 2011, 11x18, 168 p., 16 €. ISBN 978-88-8227-342-2
15Ce petit livre, édité par la communauté de Bose, a le mérite de faire le point sur des rencontres et des relations vécues entre des représentants significatifs d’un bon nombre de religions.
16L’introduction fait directement référence à la toute récente invitation envoyée par le Pape, vingt-cinq ans après la rencontre d’Assise convoquée par Jean-Paul II et qui avait rassemblé des représentants de tant de religions réparties de par le monde.
17Les invités d’aujourd’hui se rassemblaient pour une journée de réflexion, de dialogue et de prière pour la paix et la justice dans le monde. Étaient également invitées des personnalités de la culture qui ne professent aucune religion. Tous se considéraient comme des pèlerins en recherche de la vérité, de la justice et de la paix. Tous se sont engagés à “marcher en silence” en observant un silence habité par la prière ou la méditation. Était aussi renouvelé l’engagement commun au respect mutuel, à l’observance de la liberté religieuse et de la liberté de conscience, à la recherche de la justice, de la réconciliation, du pardon mutuel, et par conséquent de la paix.
18Le livret que nous recensons profite de l’occasion pour rappeler les progrès accomplis sur le chemin du dialogue, ainsi que les nombreuses rencontres interreligieuses.
19Mémoire est faite d’évènements antérieurs s’inscrivant de diverses manières dans le même esprit de dialogue, et des précisions sont données sur divers dialogues interreligieux dans lesquels l’Église est engagée. — S. Decloux sj
Lemaître F., Anglicans et Luthériens en Europe. Enjeux théologiques d’un rapprochement ecclésial, coll. Studia Œcumenica Friburgensia 55, Paris, Cerf, 2011, 16x23, 356 p., rel., 35 €. ISBN 978-2-204-09569-3
20Jean-Paul II et Benoît XVI ont inscrit le dialogue œcuménique parmi leurs priorités. Mais si les chrétiens contemporains sont assez bien sensibilisés au dialogue entre les grands rameaux de la foi chrétienne, on oublie parfois, voire on ignore tout simplement, qu’il existe un dialogue œcuménique à l’intérieur des Églises issues des Réformes — pour faire bref — « protestantes ». Aussi l’ouvrage de Fr. Lemaître est-il particulièrement bienvenu pour mieux comprendre les contacts entretenus pas deux grandes branches du christianisme, anglicane et luthérienne. Et on ne peut manquer d’avoir l’attention attirée par l’une des questions cruciales plus particulièrement étudiées dans le cadre de ces contacts, à savoir celle de l’apostolicité. On pressent dès lors toutes les implications que cela entraîne pour la théologie sacramentaire et ecclésiologique (encore que la question des ordinations de femmes ne paraît guère avoir de place). L’ouvrage est pointu, qui brasse une ample bibliographie, tout en étant fort didactique et d’une clarté qui souligne bien les enjeux. Nul doute qu’il constitue une pierre importante dans la rencontre entre toutes les communautés qui se réclament du même Jésus-Christ. — B. Joassart sj