Acfeb, Les hymnes du Nouveau Testament et leurs fonctions. Actes du xxiie congrès de l’Acfeb (Strasbourg, 2007), éd. D. Gerber et P. Keith, coll. Lectio divina 225, Paris, Cerf, 2009, 21x13, 490 p., 34 €. ISBN 978-2-204-08702-5
1Élogieusement préfacé par H. Cousin (Lyon), c’est un beau grand livre que nous offre l’Acfeb (Association catholique française pour l’étude de la Bible), nous faisant goûter les fruits du congrès de Strasbourg accueilli par l’Univ. Marc-Bloch en août 2007. Nous le devons aux bons soins de deux de ses professeurs qui n’ont pas ménagé leurs peines pour l’organisation du congrès et la publication de ses actes. Nous y trouvons rassemblées 22 communications ordonnées en cinq parties : les ouvertures et le NT groupant les textes des conférences, le NT et son intertextualité résumant le travail de séminaires et une conférence publique de clôture.
2Le sujet en est particulièrement intéressant, car il traverse toute la Bible et déborde aux frontières : quelle est la fonction des « hymnes » (au sens large : psaumes, prières, exhortations, mémoire poétique, cantiques, pièces lyriques) à l’intérieur du texte du NT ? L’essentiel était de bien percevoir le rôle de ces passages dans la trame néotestamentaire. Pour faire saisir l’ampleur et la richesse de ce florilège, notons-en les principales contributions. Tout d’abord les trois ouvertures : Fonction des hymnes dans la littérature antique (Y. Lehmann, Strasbourg) ; Finale de la Règle de Qumrân (Cl. Coulot, Strasbourg) et surtout « l’état de la question » à partir d’Eph 5,19 (Th.P. Osborne, Luxembourg). La fonction des hymnes dans l’évangile de Mt (G. Claudel, Metz) et dans l’évangile lucanien de l’enfance est traitée dans les conférences de D. Gerber et les séminaires de Th.P. Osborne et N. Siffer (Strasbourg), tandis que le prologue de Jn est présenté par J.-M. Sevrin (Louvain-la Neuve). Les hymnes des lettres apostoliques sont traitées en conférences par C. Focant (Louvain-la Neuve) expliquant 1 Co 13, Ch. Reynier (Paris) avec Eph, E. Cuvillier (Montpellier) pour Phil, M. Gourgues (Ottawa) avec 1 P 1-2, et les passages hymniques de l’Apocalypse par M. Morgen (Strasbourg), tandis que J.-N. Aletti (Rome) examine les passages du NT en prose rythmée, et que A. Dettwiler (Genève) s’attache à Col 1,15-20. Notons aussi les séminaires « en amont et en aval » consacrés au Cantique de Moïse (Dt 31-32) par Fr. Laurent, à celui de Déborah en Jg 5 par R. Kuntzmann, à la prière d’Azarias en Dan lxx 3 par J. Joosten et E. Bons, les Constitutions apostoliques par M. Metzger et Hab 3 par Th. Legrand, tous collègues de Strasbourg. ; ajoutons-y J. Duhaime (Montréal) à propos de Qumrân. La conférence finale par J. Duhaime sur la prière d’action de grâce comme récit identitaire contribuant à la structuration d’une communauté croyante est particulièrement suggestive.
3Ce florilège académique, de haute valeur scientifique, réjouira les exégètes néotestamentaires, particulièrement ceux qui étudient la prière psalmique et sa fonction dans les Livres saints. Les étudiants en théologie y trouveront objet de réflexion et approfondissement du sens de l’élévation spirituelle au cœur de l’action quotidienne : la prière comme âme de l’acte. — J. Radermakers sj
Association francophone œcuménique de missiologie, Figures bibliques de la mission. Exégèse et théologie de la mission. Approches catholiques et protestantes, préf. P. Abadie, coll. Lectio Divina, Paris, Cerf, 2010, 14x22, 260 p., 20 €. ISBN 978-2-204-09081-0
4Parfaitement résumé dans la préface, l’ouvrage, dirigé par M.-H. Robert (Lyon), J. Matthey (Genève), C. Vialle (Lille), se compose de trois parties, à commencer par « la geste de Dieu » (la bénédiction dans la Bible hébraïque ; Esther et Judith ; identité d’Israël et mission dans l’Écriture), puis « les figures missionnaires » (Paul, la Samaritaine, et surtout, cet « appel du Macédonien » des Actes, récit fondateur s’il en est) ; enfin, « la réception communautaire » (chez Matthieu, dans les modèles contrastés de Luc-Actes et de Jean, puis dans les seuls Actes, sous l’angle de la guérison). Les conclusions indiquent les convergences et divergences, en regard des thèses principales de la « missiologie œcuménique » actuelle : demeurent en tension, la missio Dei (avec la question des voies parallèles vers le salut de tous) et la missio Ecclesiae (dont l’horizon est aujourd’hui mondial), comme la croix et la résurrection, l’envoyé et le témoin, les communautés et les individus… Un ouvrage qui foisonne d’aperçus stimulants, cite J. Radermakers pour son article « La mission, engagement radical, une lecture de Mt 10 » (dans NRT 93 [1971] 1072-1085), et note que l’appel du Macédonien, initiateur de bien des missions protestantes jusqu’au milieu du XXe siècle, a fait un remarquable retour, du côté catholique, à l’aube du XXIe siècle, chez Jean-Paul II (dans Ecclesia in Europa, 45) : c’est bien à présent l’Europe qu’il s’agit de (ré) évangéliser. — N. Hausman scm
Benoît XVI, Saint Paul. Un maître pour notre temps, Paris, Parole est Silence/Lethielleux, 2009, 21x14, 118 p., 9 €. ISBN 978-2-283-61062-6
5L’année dédiée à saint Paul et ses lettres qui s’est déroulée l’an dernier a vu publier ou republier quantité d’ouvrages intéressants sur l’Apôtre Paul (cf. la bibliographie annotée présentée dans la NRT 131 [2009] 625-644). Le pape Benoît XVI lui a consacré du 29 juin 2008 au 4 février 2009 un cycle de catéchèses lors de ses audiences générales du mercredi. Le texte de ces vingt interventions se trouve ici traduit en français par les soins des éditions Parole et Silence.
6Le Pape brosse un portrait vivant et attachant de saint Paul en soulignant divers aspects de son apostolat parmi les païens dans un milieu multiculturel auquel le préparait sa double appartenance à la tradition juive et à la société gréco-romaine de son temps.
7Un livre solide, dense, passionnant, que liront et reliront volontiers les chrétiens soucieux de s’informer correctement et de puiser un nouveau souffle aux sources du christianisme atteignant le monde méditerranéen, berceau de notre civilisation. Toutes les questions importantes pour notre époque y sont traitées avec bonheur et précision : Paul est bien « un maître pour notre temps ». « Puiser chez lui, tant dans son exemple apostolique que dans sa doctrine, sera donc un encouragement, sinon une garantie, pour la consolidation de l’identité chrétienne de chacun de nous et le rajeunissement de l’Église tout entière. » (p.118). — J. Radermakers sj
Berrigan D., The Kings and Their Gods. The Pathology of Power, Grand Rapids, Eerdmans, 2008, 23x15, ix-202 p., £ 10.99. ISBN 978-0-8028-6043-9
8Surprenant, ce commentaire des deux livres des Rois par le P. Dan Berrigan, poète, militant pour la paix, auteur original, connu aux U.S.A. notamment par un livre sur le prophète Daniel et un autre sur les Psaumes. Le sous-titre de l’ouvrage éclaire le propos : Pathologie du pouvoir. Il fait percevoir comment la passion du pouvoir mène les hommes à la ruine d’eux-mêmes et de la collectivité. C’est vrai dans l’histoire d’Israël, comme dans celle de notre monde : la couverture du livre représente G.W. Bush en campagne au stade du parc Hershey en 2004 !
9Tout en suivant pas à pas les chapitres de l’historien deutéronomiste, l’A. commente sobrement les récits anciens, y mêlant ses réflexions personnelles, des citations d’auteurs récents, des poèmes bibliques et modernes. Bref, nous nous retrouvons en plein monde. Celui d’autrefois et d’aujourd’hui. Au lecteur de comprendre qu’il s’agit de lui dans la Bible et d’en tirer les conclusions.
10Ce livre est écrit dans un style alerte, poétique, allusif, suggestif… Bref, une cure préventive homéopathique pour candidats au pouvoir. — J.Radermakers sj
Bianchi E., Ascoltare la Parola. Bibbia e Spirito : la « lectio divina » nella chiesa, coll. Spiritualità biblica, Magnano, Qiqajon, comunità di Bose, 2008, 20x14, 144 p., 10 €. ISBN 978-88-8227-267-8
11On connaît bien le fondateur et prieur de la communauté monastique et œcuménique de Bose, qui fut appelé par le pape Benoît XVI au synode des évêques sur « la Parole de Dieu dans la vie chrétienne » (octobre 2008). Nous trouvons ici la révision d’un important document de l’A. sur la pratique de la lectio divina dans la vie chrétienne, intitulé « Prier la Parole » (Turin 1990). La Parole divine est à la base de l’évangélisation : l’A. revient dans ce livre sur la question.
12Un 1er chap., avec les Pères de l’Église, nous fournit les chambres et les clefs. Puis l’A. se demande pourquoi la lecture spirituelle de l’Écriture est tellement essentielle à la vie de l’Église. Il approfondit alors la relation entre Parole de Dieu et Écriture sainte, sacrement de la Parole divine. Il établit ensuite l’unité de toute la Bible, en parlant du canon, de la typologie, de la synthèse christologique et de la permanence du peuple de Dieu. Un autre chapitre aborde l’écoute priante. Tout cela meuble une première partie intitulée : Qu’est-ce que l’Écriture et comment l’aborder ? Une seconde partie a pour titre : La lectio divina dans l’Église. Elle comprend trois chapitres : Comment écouter Dieu parlant dans l’Écriture ? — Les fondements et la pratique de la lectio divina : lecture, méditation oraison, contemplation — La lectio divina comme défi, avec les questions des rapports entre la Parole et l’histoire et la difficulté de la modernité à s’ouvrir à la réalité de la foi et à l’intériorité de notre existence.
13Nous avons là une introduction de choix à l’Écriture et à la pratique d’une lecture priante de la Bible. Ce livre est largement accessible à des lecteurs italophones, mais nous pensons qu’il sera bientôt traduit en plusieurs langues modernes, au grand profit des usagers, jeunes et moins jeunes, qui y découvriront le chemin de la vie intérieure et la richesse de la Parole de Dieu recueillie dans la Bible. — J.R.
Cazeaux J., Les Actes des Apôtres. L’Église entre le martyre d’Étienne et la mission de Paul, coll. Lectio divina 224, Paris, Cerf, 2008, 22x14, 356 p., 33 €. ISBN 978-2-204-08756-8
14Continuant d’« ouvrir la Bible comme un livre » (cf. NRT 122 [2000] 464 ; 126 [2004] 465 ; 128 [2006] 102 ; 130 [2008] 321 ; 131 [2009] 304) dans la foulée d’Abraham, Isaac et Jacob puis de Moïse, de David et Salomon jusqu’aux Maccabées, Jacques Cazeaux en arrive aux origines de ce qu’on appellera l’Église. Les Actes des apôtres tracent la route du peuple d’Israël vers l’annonce du Royaume de Dieu. C’est davantage une prophétie qu’une histoire, mais la tradition ecclésiale a souvent confisqué cette route en faisant de Paul « l’apôtre des Gentils » et en évinçant Israël. Il en va de même, affirme l’A. dans son liminaire, pour l’Apocalypse. Ainsi dénonce-t-il le caractère partial d’une lecture des Actes exclusivement missionnaire de type expansionniste pour mettre l’accent sur la dimension pénible et onéreuse de « l’évangélisation » tant en terre d’Israël qu’en diaspora. C’est ce qu’il appelle l’oubli ou le gommage réducteur de la « Passion du Serviteur » qu’évoque son sous-titre : le martyre d’Étienne et l’épreuve de la mission de Paul, rappelée par Luc en Ac 14,22. La mission n’est en rien une marche triomphale… Aussi, à nouveau frais, J. Cazeaux procède à une lecture naïve, modeste, des Actes afin de « donner à penser » au lecteur contemporain : des questionnements surgissent du texte, dévoilant un humour caché habillé en prophétie. Telle est, en gros, l’hypothèse de l’A. : « cet ouvrage bâtit à partir des destins de Pierre puis de Paul une théorie prophétique mettant en tension les deux pôles, la conversion de chacun devant la Passion du Serviteur selon Israël et l’expansion » (p. 15). Et plus loin : « la longue réflexion authentifiant la Résurrection de Jésus est là pour envelopper la Passion de sa vraie lumière. La Résurrection n’est pas l’issue heureuse d’un malheur. Elle donne son éclairage de lien absolu au mystère de l’homme devant Dieu, dont la porte étroite est la confession par chacun qu’il est meurtrier, qu’il est le premier Caïn… » (p. 61).
15Ainsi l’A. se fait-il iconoclaste d’un Paul imaginé qu’on emprunte — ou accapare — en lisant le second volume de Luc à la manière d’un militant d’action catholique ou d’un missionnaire conquistador. Il prend les Actes comme un livre marqué par une sourde unité que l’on garde secrète comme une peur maléfique capable de déstabiliser notre foi souvent « folie des grandeurs dissimulée sous un manteau royal miteux ». « Pour conclure, Paul s’immobilise dans sa maigre location, nous laissant heureusement entre le Royaume de Dieu et l’absence du roi César : le mirage d’une grande entrée dans l’Histoire qui a égaré l’Église s’est dissipé » (p. 352).
16L’A. nous laisse sur cette réflexion que tout commentateur ou lecteur des Actes devrait faire sienne au moment où il s’interroge sur l’enjeu de ce second ouvrage de Luc au cœur même du Nouveau Testament, entre l’évangile de Jean et la lettre de Paul aux Romains. Un livre qui questionne et stimule. — J. Radermakers sj
Chocheyras J., Lecture critique de l’épître aux Galates, Villeurbanne, Golias, 2010, 21x11, 153 p., 10 €. ISBN 978-2-354-721-115
17On ne peut douter de la bonne foi de l’A. ; il en fait profession dans son introduction : fidèle à son rationalisme, il croit en l’absolu de sa critique. C’est dans cet esprit qu’il conduit sa lecture de l’épître aux Galates et qu’il traite par la même occasion de l’inauthenticité de la seconde lettre de Paul aux Thessaloniciens. Tout en louant son désir de probité, il nous faut cependant mettre en doute la scientificité de son étude : la manière dont il détermine les interpolations du texte paulinien est pour le moins rapide et son interprétation de la pensée de Paul manque de rigueur en regard des études poussées parues par ailleurs en « l’année de Paul ». Prisonnier d’une exégèse historico-critique encore étroite, il n’a pu bénéficier des nouvelles approches, comme par exemple celle de J.-P. Lémonon qu’il écarte trop rapidement (p. 43) ou de celle de J. Rouwez, (non publié) basée sur une analyse rhétorique précise. Remarquons en passant que le pape actuel se nomme Benoît XVI (et non WVI, p. 43).
18Osons espérer qu’une étude plus largement documentée et aussi vraiment scientifique fera progresser encore son esprit pointu et légitimement critique. — J.R.
Crimella M., Marta, Marta !, Quattro esempi di « triangolo drammatico » nel « grande viaggio di Luca », prés. A. Marchadour, coll. Studi e Ricerche, sez. biblica, Assise, Cittadella editrice, 2009, 21x15, 523 p., 21 €. ISBN 978-88-308-1016-7
19Le P. Matteo Crimella, prêtre ambrosien, a défendu sa dissertation doctorale à l’École biblique de Jérusalem en mai 2009 sous la compétente direction du P. A. Marchadour. Il nous en livre le texte remanié. Présentement, il enseigne à Monza, Jérusalem et Madagascar et il collabora à la pastorale biblique au diocèse de Milan.
20L’A. s’inscrit dans la ligne de l’approche narrative des textes évangéliques. Il a choisi d’étudier un procédé lucanien repéré par Bultmann : la mise en scène de trois personnages dont deux sont placés « en comparaison » sous le regard du troisième fonctionnant comme témoin ou arbitre ; tel est le « triangle dramatique ».
21L’introduction en explique le fonctionnement au sein du cadre narratif, puis examine quatre exemples de cette figure littéraire à l’intérieur de ce qu’on appelle « le grand voyage » de Jésus vers Jérusalem, passage central propre à Luc. Il s’agit de la parabole du bon Samaritain (Lc 10,25-37) où prêtre, lévite et Samaritain se trouvent face au blessé ; les deux sœurs Marthe et Marie sous l’arbitrage de Jésus (Lc 38-42) ; la parabole du père et ses deux fils prodigues (Lc 15,11-32) ; la parabole du riche et du pauvre Lazare que Jésus place devant le discernement d’Abraham (Lc 16,19-31). L’analyse des quatre textes est précise, minutieuse, et l’A. montre bien comment le lecteur actuel se découvre secrètement interpellé à travers la dynamique du texte. Il fait aussi percevoir le rapport intrinsèque que met Luc entre la forme littéraire et la théologie impliquée dans le récit. Malgré l’aspect technique de l’analyse, la prose de l’A. se lit agréablement et certains passages s’avèrent réellement passionnants.
22Les étudiants italophones en théologie, mais aussi les exégètes professeurs, et même les pasteurs en mal d’homélie y trouveront un incontestable profit spirituel et pastoral, et de précieuses notations. La bibliographie de trente pages dit le sérieux de l’information. Souhaitons à l’A. un franc succès dans son enseignement. — J. Radermakers sj
Ferry J., Isaïe. « Comme les mots d’un livre scellé… » (Is 29,11), coll. Lectio divina 221, Paris, Cerf, 2008, 22x14, 281 p. 30 €. ISBN 978-2-204-08473-4
23Autrefois, on lisait le livre d’Isaïe en unité, puis la critique historique l’a divisé en trois parties (avant, pendant et après l’exil). Aujourd’hui, on le relit à nouveau comme un livre, tout en sachant qu’il est composé d’oracles proclamés et écrits à diverses époques qu’un rédacteur génial a recomposés comme un tout. L’A. de cette étude, xavière, théologienne des religions, enseigne le NT à l’Inst. catholique de Paris ; elle attire notre attention sur cette rédaction finale et nous montre les avantages d’une lecture unifiée et canonique du livre.
24Ce n’est pas un commentaire de l’œuvre isaïenne qu’elle nous offre, mais des repères importants pour la compréhension du livre. Sur le plan historique, elle nous offre un aperçu de l’histoire de l’exégèse du prophète, puis nous présente des éléments essentiels pour comprendre l’architecture de l’œuvre : l’encadrement, c’est-à-dire les chap. 1 et 65-66, puis le pivot du livre au centre (chap. 36 à 39) et enfin une vue d’ensemble sur le livre de l’Emmanuel avec une attention particulière aux chap. 6 et 12. Dans une deuxième partie, l’A. nous fait découvrir quelques approches thématiques qui éclairent l’organicité de la composition du livre : la question de l’endurcissement que doit traverser la foi (avec une étude particulière d’Is 6,9-10) ; le rapport entre justice et salut (avec une lecture d’Is 56) ; le thème du et des serviteurs dans le livre (avec examen précis du chant d’Is 42,1-9) et la figure centrale de Sion, parallèle du thème du serviteur (avec une insistance sur le chap. 60). Enfin, l’A. nous invite à lire le livre en vérité et nous offre en prime une précieuse bibliographie et un double index bien utiles.
25Bref, le travail de débroussaillage que fait l’A. nous permet de dégager les grandes lignes de l’ensemble de l’écrit et de percevoir les thèmes qui représentent l’architecture organique de l’œuvre. Nous remercions l’A. de nous aider à avancer dans la compréhension de ce monument de la prophétie d’Israël dont la composition s’étale sur plus de six siècles. Avec l’ouvrage de A.-M. Pelletier récemment recensé dans la revue, nous sommes à présent bien outillés pour comprendre avec fruit ce grand prophète que fut Isaïe, celui du VIIIe siècle, et ses successeurs. — J. Radermakers sj
Galvagno G., Sulle vestigia di Giacobbe. Le riletture sacerdotali e post-sacerdotali dell’itinerario del patriarca, coll. Analecta biblica 178, Roma, éd. Gregorian & Biblical Press, 2009, 21x15, 391 p., 25 €. ISBN 978-88-7653-178-1
26Une thèse doctorale de l’Institut Biblique de Rome, défendue en février 2008 sous la direction du Pr. J.-L. Ska. L’A. est prêtre du diocèse de Turin ; il enseigne l’Écriture sainte à la Faculté théologique de l’Italie du Nord (Turin). Le propos de son étude relève à la fois de l’historico-critique et de l’analyse narrative.
27Après l’exil, Israël relit la saga patriarcale comme un paradigme de sa présente histoire afin de symboliser l’unité du peuple depuis son origine. L’A. en fait la preuve à propos de l’itinéraire de Jacob qui devient ainsi exemplaire du retour des captifs de l’exil. Partant des anciennes traditions des pérégrinations du patriarche, « l’homme de la bénédiction », il examine minutieusement les traditions sacerdotales et post-sacerdotales mêlées aux récits primitifs ; il montre comment le peuple rentré d’exil modifie ces récits en les infléchissant dans le sens du retour au pays : double relecture de l’histoire montrant que les rapatriés représentent le véritable Israël (cette appellation étant le surnom de Jacob). Il fallait faire valoir que tout ce qui est arrivé aux patriarches est une annonce de ce qui arriverait à leurs successeurs : adage rabbinique à démontrer.
28Un travail minutieux de spécialiste qui intéressera les spécialistes de la rédaction du Pentateuque. Nous admirons l’acribie et la patience du travail de l’A. et la qualité de son information. — J.R.
Garuti P., Qohélet. L’ombre et le soleil. L’imaginaire civique du Livre de l’Ecclésiaste entre judaïsme, hellénisme et culture romaine, coll. Cahiers de la Revue biblique 70, Pendé, Gabalda et Cie, 2008, 24x16, 99 p., 40 €. ISBN 978-2-85021-185-3
29Une manière originale d’aborder le livre de Qohélet ou Ecclésisate. L’introduction dévoile le propos interrogateur de l’A. vis-à-vis du texte. Ensuite, il enquête sur l’identité de l’œuvre ou de son rédacteur : son lieu, son occupation, les vocables qui l’évoquent… Il présente alors une « structure objective » du texte inspirée de Murphey et Wright, avant d’examiner la vision et le mouvement interne du Qohélet. Une deuxième partie se base sur le texte de la Bible grecque et sur le choix de la traduction du titre « Ecclésiaste » : allocution lors d’une assemblée populaire (contio), selon une fonction de convocation ou de proclamation (calator). La conclusion souligne la volonté des traducteurs de faire évoluer les termes de cour royale vers une appellation désignant l’assemblée (démocratique ?).
30Bref, une étude savante pour spécialistes décrivant « l’imaginaire civique du livre de l’Ecclésiaste entre judaïsme, hellénisme et culture romaine », comme l’explique le sous-titre. Sachons gré à l’A. de son érudition généreusement mise au service de la perception éclairante d’un processus traducteur culturellement situé. L’A., prêtre dominicain, enseigne actuellement l’Écriture sainte à l’École biblique de Jérusalem. — J.R.
Gibert P. L’invention critique de la Bible. XVe-XVIIIe siècle, coll. Bibliothèque des Histoires, Paris, Gallimard, 2010, 14x23, 350 p., 21 €. ISBN 978-2-07-078653-4
31Advint un temps où le texte de la Vulgate et l’interprétation allégorique de la Bible ne suffirent plus, ne contentèrent plus l’esprit, même celui des croyants les plus sincères. Le texte de la Bible lui-même et ce que l’on pourrait appeler ses « invraisemblances » au plan du récit historique (l’une des plus obvies : comment Moïse pouvait-il avoir rédigé l’ensemble du Pentateuque, à commencer par ses propres funérailles ?), sa transmission, ses versions hébraïques et grecques, son inspiration furent au centre de bien des questions. La philologie et l’histoire firent peu à peu valoir leur prétention d’avoir leur mot à dire dans la compréhension exacte du texte inspiré. C’est précisément à l’histoire de cette progressive transformation de l’approche du texte biblique depuis Valla jusqu’aux portes du 19e siècle en passant par Érasme, Richard Simon et tant d’autres, ainsi que par les tenants de l’antique approche, tel Bossuet, que l’A. consacre ici un livre passionnant. Livre d’autant plus passionnant et important parce que l’on voit peu à peu se développer le terreau de ce qui sera l’un des débats majeurs de la théologie contemporaine, à savoir le modernisme. — B. Joassart sj
Jordan C., Foi, espérance, amour chez saint Paul. Aux sources de l’identité chrétienne, coll. Lire la Bible 163, Paris, Cerf, 2010, 22x14, 192 p., 19 €. ISBN 978-2-204-09148-0
32La tresse des trois vertus théologales trouve son ossature initiale dans les écrits de Paul. L’A. de cette monographie nous le fait découvrir. Docteur en théologie, elle enseigne l’exégèse néotestamentaire à l’Inst. théologique d’Auvergne et en formation pédagogique dans la région.
33La première lettre aux Thessaloniciens et la première aux Corinthiens — les tout premiers textes chrétiens — développent en primeur cette triade ; l’A. se propose de montrer comment celle-ci structure les communautés initiales se réclamant du Christ Jésus et en maintient la fidélité. Après une présentation générale du vocabulaire paulinien et sa répartition dans les différentes lettres de l’apôtre, tableaux suggestifs à l’appui, l’A. commente systématiquement les deux épîtres de Paul, engageant le lecteur à les relire avec attention en éprouvant la validité permanente de ces trois vertus conjuguées pour vivre du Christ et pour édifier une communauté chrétienne responsable et solidaire. Une dizaine de « documents » scandent le développement de l’A., branchant directement le lecteur sur le texte de Paul.
34Nous invitons les familiers de l’apôtre, et ceux qui le sont moins, à « pratiquer » ce petit volume solide et stimulant, précis et judicieusement documenté. Il introduira ses lecteurs à la profondeur de pensée de Paul tout en les rapprochant personnellement du Christ vivant aujourd’hui. Un beau fleuron apporté à la collection Lire la Bible. — J. Radermakers sj
Mackey J.P., Jesus of Nazareth : The Life, the Faith and the Future of the Prophet (A Brief History), Dublin, The Columba Press, 2008, 22x14, 297 p., 19.99 €. ISBN 978-1-85607-601-2
35Est-il possible aujourd’hui d’écrire une « histoire de Jésus » ? Certes, de nombreux auteurs s’y essaient encore. Cet ouvrage tente à nouveau l’aventure, sans notes en bas de page, sans commentaire encyclopédique ou scientifique ; c’est qu’il s’adresse à un large public afin de faire percevoir la réalité unique et décisive du personnage de Jésus de Nazareth. James P. Mackey, professeur émérite de théologie à l’Univ. d’Edimbourg (Irlande), relève le défi, de façon à la fois simple et remarquable. Sa longue fréquentation des évangiles, mais aussi sa vie intime avec Jésus ressuscité font de ce volume un vrai régal. Déjà peu auparavant, il a publié un traité de christologie qui fait école en Europe comme en Amérique : Jésus, l’homme et le mythe (SCM Press, London).
36L’A. ne suppose aucune connaissance préalable chez son lecteur. Il l’introduit lui-même par un prologue intitulé « La Bible comme histoire et comme littérature » qui le situe immédiatement. À partir des généalogies de Jésus en Mt et Lc, il fait le récit de la naissance virginale avec une longue et délicate explication théologique sans jargon, à la lumière de l’AT. De là, il saute à la dernière Cène en notant comment le texte évangélique fut compris dans les premières communautés chrétiennes, et il embraye immédiatement sur les récits de résurrection et leur signification pour les auteurs du NT : évangélistes et Paul, avec une explication des repas du Ressuscité avec ses disciples. Revenant alors en arrière, il traite de la mission publique de Jésus qu’il parcourt de façon plus systématique que chronologique, en faisant réfléchir son lecteur à la manière dont sont composés les textes : que signifie le jugement des hommes à propos de ce personnage hors du commun ? Un quatrième chapitre est consacré à un excursus sur l’histoire naturelle de la création : commencement absolu, premier repas dans le jardin d’Eden et drame de la chute. Le chap. 5 s’attache alors au sens de la passion et de la mort de Jésus comme « rédemption » de l’humanité. L’épilogue traite de l’avenir de la foi de Jésus de Nazareth, le Juif : ce que Dieu a fait une fois, il le refait sans cesse. En procédant ainsi à la manière d’un film moderne, l’A. prend soin de son lecteur qu’il écoute inlassablement, comme s’il conversait avec lui. Ainsi passe un témoignage qui est beaucoup plus qu’un cours.
37À la fois histoire, sens de l’histoire, symbolique du récit, harmonie des deux Testaments, cohérence de la rédaction biblique, mais aussi poésie, rigueur scientifique : on peut trouver tout cela dans cet ouvrage, en même temps qu’une lecture précise des textes, et surtout une respiration humaine et une inspiration théologique. On aura compris que ce livre vaut le détour. — J. Radermakers sj
Magris A., Il mito del giardino di ‘Eden, coll. Il pellicano rosso 73, Brescia, Morcelliana, 2008, 19x12, 87 p., 10 €. ISBN 978-88-372-2243-7
38L’A. de cet opuscule enseigne la philosophie de la religion à l’Univ. de Trieste. Il a déjà de nombreuses publications à son actif, consacrées à la phénoménologie religieuse, au gnosticisme, à la philosophie hellénistique dans ses rapports avec le judaïsme, à Nietzsche. Il s’interroge ici sur le mythe, genre littéraire qui, sous forme de récit imagé, tente d’exprimer les réalités profondes et les mystères de l’homme ou, dans les religions, de dire son rapport avec la divinité. L’A. se pose la question de savoir si les mythes existent comme tels dans la Bible et il désire nous montrer que celle-ci « démythise » les récits du Moyen-Orient ancien.
39Son étude présente une brève introduction situant le propos. Ayant recherché en vain un mythe dans la Bible, il se pose la question des sources des chapitres 2-3 de la Genèse et il s’attache spécialement au sens des deux arbres du jardin d’Eden, compte tenu des contes mésopotamiens. Remontant à ces récits, il examine l’entreprise de Gilgamesh contre Kur, la montagne personnifiée. Enfin, à partir de Gn 3 et Ez 28, il retrouve des traces du mythe du jardin et de l’homme primordial, pour conclure que la Bible transforme le mythe en morale.
40Un petit volume savamment documenté qui démontre un processus biblique ramenant le lecteur à son intériorité par une audacieuse transmutation innovatrice. Les lecteurs italophones jouiront de ce passionnant essai. — J.R.
Meschonnic H., Dans le désert ; traduction du livre des Nombres, Paris, DDB, 2008, 21x15, 291 p., 22 €. ISBN 978-2-220-06015-6
41Encore une traduction nouvelle de la Bible hébraïque ! H. Meschonnic a ainsi traduit en français les quatre premiers livres du Pentateuque. Avec celui des Nombres, qui détaille des noms, des nombres et des dénombrements, nous retrouvons le rythme de la marche d’Israël « dans le désert », titre de l’hébreu.
42Il met son lecteur sur une route ardue dont la cadence harassante, cahotante, lancinante se trouve épousée par celle du texte qui nous mène, de chapitre en chapitre de nos existences peuplées de révoltes et d’élans, de découragements et d’espérance, de soif et de rassasiement, du Sinaï lointain au Sinaï quotidien.
43La traduction d’A. Chouraqui soulignait l’étymologie de l’hébreu sous son enveloppe rocailleuse. H. Meschonnic poursuit l’effort en nous familiarisant avec le mouvement d’une marche tantôt épuisante, tantôt apaisée, au rythme des battements de nos cœurs et du souffle de nos poumons. Nous lui en savons gré. — J.R.
Mosetto F., Lettura degli Atti degli Apostoli, coll. Percorsi e traguardi biblici, Leumann (Torino), Elledici, 2009, 24x17, 208 p., 39.90 €. ISBN 978-88-01-04288-7
44Pour les italophones, voici un commentaire des Actes simple et accessible, suivant la traduction récemment révisée par la Conférence épiscopale italienne (cai). Il s’agit vraiment d’une « lecture », comme l’annonce le titre. L’A., exégète salésien de Don Bosco, enseigne à l’Univ. salésienne pontificale de Turin ; il dirige la revue Paroles de vie et préside l’Association biblique italienne ; il a déjà publié une « lecture de l’évangile de Luc » (Rome, 2003, 20092) et une autre de la lettre aux Thessaloniciens (Padoue, 2007).
45Un commentaire classique, sérieusement informé, adossé aux commentaires récents, donnant une première compréhension du texte et offrant au lecteur novice un précieux contexte grâce à de nombreuses références bibliques permettant de saisir la portée et l’actualité du message de Luc. La vision qu’il propose est traditionnelle : mission et expansion de la foi dans le monde païen, à travers la prédication vivante de Pierre puis de Paul, à la suite de Jésus ressuscité qui transparaît en ses témoins. On y joindra cependant les correctifs apportés par J. Cazeaux à une lecture versant dans le triomphalisme.
46Au demeurant, ce beau volume introduira de nombreux lecteurs à une réflexion sur les débuts de l’Église dans le sillage de la vocation d’Israël à laquelle les témoins du Ressuscité demeurent fidèles. Pour étudiants en théologie et pour tout chrétien soucieux de ses origines. — J.R.
Oswald W., Nathan der Prophet. Eine Untersuchung zu 2 Samuel 7 und 12 und 1 Könige 1, coll. AThANT, 94, Zürich, Theologischer Verlag, 2008, 24x17, 318 p., 44 €. ISBN 978-3-290-17490-3
47Nathan, prophète de cour sous le règne de David et au début de celui de Salomon, n’est pas toujours bien connu. Nous est offert ici le texte remanié et complété d’une thèse doctorale défendue en 2006 à la Faculté évangélique de théologie de l’Univ. Eberhard-Karl de Tübingen, sous la direction du Prof. E. Blum, par un enseignant à la même Université. Cette thèse s’attache à mettre en valeur les textes bibliques qui parlent de Nathan afin d’en déterminer si possible le profil historique.
48L’ouvrage se divise en quatre parties dont les trois premières analysent avec minutie les passages qui mentionnent Nathan. En tout premier lieu, c’est 2 Sm 7 qui retient légitimement l’attention de l’auteur. Il s’agit du fameux oracle adressé à David à propos de son projet d’édifier un temple à Yhwh et de la promesse divine de maintenir son trône pour lui-même et pour sa descendance. L’A. étudie l’impact de cet oracle chez l’historien deutéronomiste et dans la théologie prophétique. Il vient ensuite à 2 Sm 12 où Nathan intervient pour révéler à David son péché à la suite de son union avec Bethsabée, épouse d’Urie ; c’est là que le prophète développe la parabole de la brebis volée avec ce fameux dévoilement : « Cet homme, c’est toi ! ». Un autre texte analysé est celui de la succession de David en 1 R 1, là où Adonias est supplanté par Salomon. Après ce travail minutieux, l’A. s’efforce d’en tirer une synthèse ; il souligne notamment les éléments sapientiels décelables dans le récit avant de tracer un portrait littéraire et historique de son héros. Une bibliographie de 30 pages conclut ce livre fort éclairant sur le plan de la composition littéraire.
49Cette monographie, on le comprend, s’adresse surtout aux exégètes et aux historiens de la prophétie en Israël. — J. Radermakers sj
Puig i Tárrech A. (éd.), El matrimoni i l’ús dels béns en la Bíblia, coll. Scripta biblica 8, Tarragona, As. bíblica de Catalunya, 2008, 24x16, 288 p., ISBN 978-84-7202-547-9
50L’infatigable exégète catalan A. Puig i Tarrech, que nous avons plusieurs fois rencontré dans nos recensions, se fait ici l’éditeur de deux thèmes bibliques récurrents auxquels se réfèrent les 6ème et 7ème commandements du Sinaï : les liens du mariage et l’usage des biens terrestres, aussi touchés par l’enseignement de Jésus. Tel est le programme de ce huitième volume des Scripta bíblica publiés par l’Abbaye de Montserrat. Loin d’être exhaustive, l’étude est cependant significative, dans l’un et l’autre Testaments.
51La première contribution, signée J.R. Marín i Torner (Gavà) parle des unions entre Israélites et étrangères, sujet de controverses : le Pentateuque traite du mariage avec les Cananéennes, prohibé en raison du danger d’idolâtrie. La deuxième étude, de J. Cervera i Valls (Barcelone), traite de l’usure interdite par la Torah afin d’apprendre à maîtriser le désir du profit dont les modèles étaient Assur, l’Égypte, Tyr ou Babylone. Le chap. 3, de la théologienne T. Solà (Barcelone) a pour sujet l’exigence de fidélité monogame en Ml 2,10-16, texte pris comme référence centrale, le prophète mettant l’accent sur les conséquences désastreuses des mariages mixtes et du divorce. Une autre exégète M.L. Melero Garcia (Barcelone) examine Ex 20,17 et Prov. 3,27-31 à propos de l’économie et de la relation au prochain, dans l’optique du dernier précepte du décalogue, puis N. Calduch Benages, enseignante à Rome, étudie l’enseignement de Ben Sira sur le divorce, notamment Sir 7,26 et 25,26. Une autre contribution, par J. Ribera i Florit (Sant Cugat del Vallès), traite de manière globale de la position juive concernant mariage, divorce, adultère à l’époque intertestamentaire, à la lumière de la Mishna et du NT ; A. Puig i Tarrech (La Selva del Camps) y ajoute des considérations évangéliques sur le vol (cf. Lc 6,30) et la recherche du profit ; X. Alegre (Esplages de Llobregat) se penche sur l’indissolubilité du mariage chez les Synoptiques. Enfin J. Velasco Arias, collègue du précédent, étudie comment la communauté paulinienne de Corinthe percevait le mariage.
52Heureusement, pour les lecteurs non-catalans, une présentation en français de l’ouvrage et un résumé de chaque article en anglais rendent cet intéressant travail quelque peu abordable. Un livre qui vaut cependant le détour. — J. Radermakers sj
Rosaz M., Lectures théologiques selon l’évangile de saint Luc, t.1, chap. 1 et 2 : Les récits de l’enfance. coll. Études bibliques 41, Paris, Médiasèvres, 2008, 29x21, 73 p., 7 €. ISBN 2-900388-89-9
53Monique Rosaz a beaucoup travaillé les Écritures, notamment les évangiles de Marc et de Luc, avec le P. E. Pousset. Les Études bibliques de Médiasèvres republient un précédent cahier reprenant les exposés d’une session animée par l’A. en 1984 (la suite concerne les n. 36 [2005] et 37 [2006] de la collection). D’un ton alerte et incisif — le style oral a été sauvegardé — l’A. parcourt les récits de Lc 1-2. L’introduction présente la méthode de lecture, puis ce sont les deux annonces à Zacharie et Marie, la visitation et les deux naissances de Jean et Jésus, la présentation et le retour de Jésus à Nazareth. L’évangile nous est conté et commenté dans sa force qui n’a pas vieilli.
54Avec sa verve coutumière et sa fine perspicacité, l’A. nous fait pénétrer le message du texte à travers le rôle des personnages, nous plantant tout de go dans l’actualité de nos vies. Nous croyons connaître ces textes, mais M. Rosaz nous montre que nous ne les avons pas épuisés : accepter celui qu’on connaît pour découvrir celui qu’on ne connaissait pas et qui nous mène toujours plus loin…
55Un excellent exercice de lecture appelant les lecteurs à une attention constamment en alerte, cela révèle de bénéfiques surprises. — J. Radermakers sj
Struthers Malbon E., En compagnie de Jésus. Les personnages dans l’évangile de Marc, coll. Le livre et le rouleau, Bruxelles, Lessius, 2009, 20x15, 256 p., 16,50 €. ISBN 978-2-87299-183-9
56C’est un livre précieux et stimulant que nous offre une théologienne, mère de famille, enseignante au Virginia Polytechnic Institute et à l’Univ. d’État (Blacksburg, Virginie, USA), spécialiste des méthodes de lecture narrative du NT, surtout de l’évangile de Marc. Outre sa thèse de 1986 (Narrative Space and Mythic Meaning in Mark) et une lecture du deuxième évangile (Hearing Mark : Listener’s Guide) paru en 2002, elle vient d’écrire un ouvrage fondamental sur la christologie de cet évangile (Mark’s Jesus. Characterization as Narrative Christology, Baylor Univ. Press, Waco, Texas, 2009), que nous recommandons aux théologiens, et particulièrement aux commentateurs de Marc.
57Le genre du récit appartient à de nombreux livres bibliques, et singulièrement aux biographies de Jésus que sont nos évangiles. Une analyse littéraire attentive aux procédés de composition, à la stratégie des auteurs de l’époque, aux ressorts dramatiques de l’œuvre littéraire permet de découvrir en profondeur non seulement les intentions des évangélistes, mais aussi leur perception intérieure et les mentalités religieuses et culturelles des communautés auxquelles ils appartenaient. Dans ce type de lecture, une place importante est réservée à la manière dont les acteurs (disciples, femmes, foule, personnages secondaires) interviennent dans le récit, et même implicitement ceux auxquels s’adresse le texte. Comment vivent-ils autour de Jésus ? Comment sont-ils présentés ? Quelles relations entretiennent-ils avec le Maître et entre eux ? Quels sont leurs liens sociaux, leurs fonctions, leurs difficultés à entendre, comprendre et actualiser le message de Jésus ?
58Ce livre analyse minutieusement les interactions entre les groupes et les personnes individuelles. L’approfondissement de ces relations multiples nous invite à prendre conscience de nos manières de vivre ensemble et de communiquer notre foi en Jésus vivant, ressuscité, ainsi que des tensions et des rapprochements que nous vivons en notre Église actuelle et en notre monde.
59Cet ouvrage passionnant s’avère de plus en plus attachant au fil de la lecture. En sept chapitres, l’A. nous offre une initiation de choix à la lecture de l’évangile. Elle nous apprend à le lire vraiment comme un livre, avec un regard purifié et renouvelé, nous mettant en contact intime avec le Christ et avec l’évangéliste, en leur milieu culturel ; ils nous deviennent présents, fraternellement unis. Dès lors, les lecteurs familiers de Marc, mais plus spécialement les étudiants en théologie, en deviendront les lecteurs favoris. À recommander chaudement ! — J. Radermakers sj
Weill B., L’accomplissement chez saint Paul. Expression du rapport entre les deux alliances, coll. Cahiers de la Revue biblique 72, Pendé, Gabalda et Cie, 2009, 24x16, 190 p., 40 €. ISBN 978-2-85021-192-8
60Que veut-on dire en affirmant que le Nouveau Testament accomplit l’Ancien ou bien que le Christ accomplit les Écritures ? Les chercheurs se sont maintes fois penchés sur la manière dont Paul comprend ce vocable. L’A. de cette monographie « se limite à l’étude de la notion paulinienne d’accomplissement à travers le vocabulaire spécifique utilisé en grec » (p. 152), conscient que le concept excède l’expression. Il nous livre ici le déroulement et la conclusion de son enquête minutieuse, précise, remarquablement informée.
61L’introduction explique le propos de l’A. et cite les textes de Paul dits « authentiques » mentionnant le vocabulaire de l’accomplissement selon deux pôles : plénitude de l’accomplissement (plêroun) ou action visant la perfection (téleîn).
62Le chap. 1 s’attache à la double notion elle-même : 1 Th 2,16 ; 2 Co 10,6 ; Rm 7,22-23 ; Ph 1,6, avec tableau synoptique (p. 33). Le chap. 2 concerne l’accomplissement du temps : Ga 4,4, et la notion du temps chez Paul : 2 Co 12,9 ; Rm 11,25 avec l’emploi des termes Juif et Israël ; Ga 3,15-18. Le chap. 3 est consacré à l’accomplissement de la Torah et son développement paulinien : Ga 5,1-25, avec note sur la foi : Ga 5,14 ; 6,2 ; Rm 8,4 ; 13,8.10 ; 10,4. Le chap. 4 s’attache à l’accomplissement de l’Évangile avec note sur sa spécificité (AT et NT) : Rm 10,5-11 ; 1 Th 1,5, avec le thème de l’imitation. Le chap. 5 fait état de l’originalité paulinienne : l’accomplissement devient chez lui un outil théologique pour exprimer le rapport entre les deux alliances ; c’est déjà une reprise dynamique de la notion. La conclusion fournit une synthèse dense et précise (p.158-159) sur la manière dont les Pères de l’Église ont perçu le rapport AT/NT comme fondement de la théorie de la substitution. Mais peut-on parler de « deux » alliances comme l’on parle de deux Testaments ? Ce point serait à élucider.
63Nous avons là une étude critique, largement informée (20 pages de bibliographie), d’une grande probité et fort minutieuse, avec ouverture sur la signification théologique de la pensée de Paul et sur les développements de la tradition. Une thèse de vérification précieuse tant pour les commentateurs de l’Apôtre que pour les théologiens systématiques. — J.R.