Couverture de NRT_312

Article de revue

Théologie

Pages 480 à 507

Alexandre M., Wolinski J., Vannier M.-A., Descourtieux P., Le Catholicisme des Pères, coll. Conférences du Studium Notre-Dame, Paris, Parole et Silence, 2007, 21x14, 167 p., 18 €. ISBN 978-2-84573-612-2

1Le présent recueil reprend quatre Grandes Conférences données pendant l’année 2006-2007 à la Faculté Notre-Dame, Paris. Monique Alexandre traite de l’unité christocentrique des deux Testaments, le Nouveau étant préfiguré dans l’Ancien. Elle évoque le conflit des interprétations : controverses avec le judaïsme et avec les gnostiques ; opposition des Antiochiens à l’allégorisme des Alexandrins. Joseph Wolinski étudie la transmission de la foi (considérée comme l’acte d’adhérer à son contenu) à partir de son point de départ : l’événement de la Résurrection, dont témoignent les premiers Pères après les Apôtres, qui se présentent comme témoins du Crucifié ressuscité selon les Écritures. La nouveauté de ce kérygme pascal consiste en notre statut de fils de Dieu, sans cesse engendrés dans le Christ. Dans son article « Édifier la charité chez les Cappadociens et saint Augustin », Marie-Anne Vannier présente la Trinité comme source de toute charité, d’une charité qui nous unit non seulement les uns les autres mais à Dieu même, et qui sauvegarde l’unité. Mgr Patrick Descourtieux considère la manière dont les Pères ont conçu l’évangélisation : rassembler des enfants de Dieu dispersés ; partir à la recherche de ce qui, dans chaque culture, est comme une pierre d’attente pour la Révélation ; prêcher ; être prêt à donner sa vie. — P.-G.D.

Anatrella T., Balmary M., Brague R., Brincard Mgr H., Hendrickx M., Libert A.-M., Sr Marie Pierre, Vanneste Chr., Homme et femme Il les créa. Annales de l’Acad. d’éducation et d’études sociales, Paris, de Guibert, 2008, 24x17, 268 p., 22 €. ISBN 978-2-7554-0260-5

2L’A.E.S. a mené ses travaux en référence au verset 1,27 du livre de la Genèse : « Homme et femme Il les créa », dont ces Annales 2006-2007 présentent le contenu des contributions apportées en cours d’année par les conférenciers invités. Le texte de chacune d’entre elles est précédé d’une présentation et suivi d’un échange de vues. L’attention porte notamment sur l’altérité comme valeur essentielle pour la personne et pour la société.

3La psychanalyste bien connue M. Balmary (Paris) ouvre le feu avec un commentaire pénétrant du verset leitmotiv de Gn 1,27. Elle insiste sur la manière dont l’homme et la femme sont « en image de Dieu », avec la tâche d’achever leur propre création dans la ressemblance et la différence. – Le philosophe R. Brague (Univ. Paris I et Munich) traite ensuite de la place de l’homme et de la femme dans les trois religions monothéistes en se référant à la Bible, au NT et au Coran : injonction, sens et interprétation. – Chr. Vanneste, député du Nord (U.M.P.), parle de la politique de la famille et des familles dans un monde où s’effondre la réalité familiale et où l’intégration à la société devient difficile en raison du manque de repères en matière sexuelle et de l’individualisme effréné. – M. Hendrickx, théologienne à Rome traite du féminisme selon Jean-Paul II à partir de son affirmation « Aimée pour aimer à son tour », en se basant sur l’encyclique « Marie, mère du Rédempteur », la lettre aux femmes et la lettre apostolique sur la dignité de la femme : ordre du symbole, qui est aussi la réalité christique essentielle. – Le psychanalyste Mgr T. Anatrella, consulteur pontifical pour la famille et la santé traite en profondeur de la question de l’homosexualité et de la différence sexuelle niée par la théorie du « genre » ; il dégage une perspective pour l’avenir. – L’évêque du Puy-en-Velay Mgr H. Brincard se penche sur le rôle éducatif des parents afin d’élever leurs enfants et les jeunes à une vraie liberté dans la foi. – Anne-Marie Libert, philosophe et théologienne (Liège et Namur) examine alors la théorie du gender dans les institutions internationales : entreprise de destruction de la spécificité de la femme par la négation de la nature. – Mère Marie Pierre, directrice d’internat (Compiègne) parle de l’éducation des filles et donne un témoignage du climat de confiance qui est vécu à la Maison française. – Enfin deux membres de l’A.E.S. : Marie-Joëlle Guillaume agrégée en Lettres et Nicolas Aumônier, maître de conférence (Grenoble) tirent à deux voix les conclusions du cycle, faisant écho aux conférences et aux interventions, donnant des pistes de réflexion et des orientations pour l’avenir. Le volume s’achève par quelques propositions de l’A.E.S.

4C’est une réflexion substantielle et stimulante que l’A.E.S. présente ainsi à ses lecteurs potentiels, sur un thème extrêmement important dans notre monde sécularisé. S’en dégagent trois objectifs : importance du groupe, stratégie d’éducation, promotion de la maîtrise de soi. Un sujet d’étude pour les parents et les éducateurs d’aujourd’hui. — J. Radermakers sj

Angelini G. e.a., Fede, ragione, narrazione. La figura di Gesù e la forma del racconto, coll. Disputatio 18, Milano, Glossa, 2006, 21x14, 254 p., 23 €. ISBN 978-88-7105-209-9

5La collection de « Débats » des éditions Glossa fait paraître ce recueil intéressant sur le thème fort actuel du « Récit », écho d’une session tenue à Milan en février 2006. Comment et pourquoi, en effet, le mystère chrétien s’est-il transmis dans la forme littéraire de la narration ? C’est ce dont débattent les A., appartenant pour la plupart à la Faculté de théologie de l’Italie du Nord (Milan). Ils tentent de distinguer les récits évangéliques de la masse de romans et de contes gnostiques ou laïcs de plus en plus envahissants de nos jours.

6P. Sequeri, prof. de théologie fondamentale, présente le thème et les auteurs. G. Angelini, moraliste, examine les difficultés d’une lecture historico-critique exacerbée ou du caractère « fictif » des récits sur Jésus. F.G. Brambilla, président de la Faculté de Milan et théologien systématique, réfléchit sur « la mémoire de Jésus » comme principe de la narration évangélique, puis L. Baugh, spécialiste du cinéma et prof. à la Grégorienne (Rome) étudie « l’invention filmique » de Jésus à partir d’écrits apocryphes ou romancés. Les lectures sécularisées de la vie de Jésus aux XIXe et XXe siècles sont parcourues par A. Zambarbieri, historien de l’Église, qui imagine la perspective d’un « récit infini ». P.R. Scalabrini, enseignant en théologie biblique, s’attache à montrer la dramatique de révélation divine contenue dans les paraboles de Jésus, à décoder par le lecteur. Enfin R. Vignolo, exégète et théologien, analyse le titre « Fils de l’homme » préféré par Jésus comme figure de son identité divine.

7Ce recueil contient des notations souvent originales dignes d’une grande attention que les exégètes francophones et anglophones auraient profit à consulter, car les doutes qui planent aujourd’hui sur la « littérature évangélique » sont à prendre au sérieux. La réflexion des A. entraîne une réflexion profonde sur la nature et la fiabilité de ces documents qui sont d’abord kérygmatiques ou catéchétiques avant de raconter l’histoire au sens positiviste du terme. Ce petit volume demande une attention soutenue ; il représente un complément substantiel à d’autres études concernant l’analyse narrative. — J. Radermakers sj

Antoniotti L.-M. op, Les sacrements de l’Église, signes de Dieu Amour, coll. Croire et Savoir, Paris, Téqui, 2003, 22x15, 151 p., 14 €. ISBN 2-7403-1097-8

8Face à la désaffection marquée à l’égard des sacrements, ce livre synthétique vise à consolider notre espérance. Pour l’A., « les sacrements sont une rencontre avec le Dieu vivant » (p. 9) : ils établissent une relation vivifiante entre Dieu et ses enfants. Comment cette vie est-elle offerte ?

9Le premier chapitre est consacré à l’analyse du mot « sacrement ». Le mysterion désigne chez les Pères grecs aussi bien les figures qui, dans l’AT, annonçaient le Christ que le Christ lui-même et les événements de sa vie. En Occident, sacramentum évoque d’abord le serment militaire mais, dans la traduction du grec mysterion, il se charge aussi de sa signification orientale. Ainsi le sacrement en vient-il à désigner le mystère du dessein de Dieu, annoncé par les figures de l’AT, réalisé dans le Christ, actualisé dans les rites principaux du baptême et de l’Eucharistie. Un peu avant le Concile de Trente, l’évolution sémantique est fixée ; le sacrement est un rite sacré qui symbolise la réalité sainte qu’il procure. « Ce rite comporte un élément sacré et révélé à la seule foi […] Ce rite a une relation essentielle à la sanctification du croyant […] Il fait appel à la foi du sujet qui le reçoit et il suscite son engagement personnel dans la vie chrétienne, au sein de l’Église » (p. 24).

10Le second chapitre livre un aperçu historique de la doctrine des sacrements. De larges citations des catéchèses des Pères sur le symbolisme liturgique sont présentées. Pour l’A., saint Augustin est le véritable fondateur de la théologie sacramentaire. Il définit le signe sacramentel : élément visible exprimant une réalité invisible. Dans cette célébration, des signes sont utilisés : l’eau, le pain, le vin, l’huile … Autant d’éléments naturels choisis pour leur valeur expressive et évocatrice des réalités spirituelles. À la suite de saint Augustin, cette « définition », encore plastique, connaît nombre de variations. Isidore de Séville, par exemple, estompe la valeur du signe et met l’accent sur les richesses de vie divines « cachées » sous d’humbles réalités matérielles. Bérenger insiste au contraire sur le caractère sacré du signe. Ces recherches permettront, au Moyen Âge, de transférer la qualification « sacrée » du signe au signifié. Le sacrement n’est plus un signe sacré mais le signe d’une réalité sacrée, le signe visible de la grâce invisible. Cette précision permet de fixer la définition scolastique du sacrement. Saint Thomas affirmera que le sacrement chrétien symbolise la sanctification de grâce comme actuellement exercée, et suscite notre engagement personnel dans l’œuvre de notre sanctification. Cette conception sera contestée radicalement par les réformateurs qui nient la vertu salutaire des sacrements. Ils ne peuvent pas causer la sanctification que seule la foi nous obtient. Calvin assure que les sacrements, certes, « sont pleins d’efficace quand l’Esprit Saint besogne par dedans » mais il est erroné de leur attribuer quelque vertu secrète … « Opinion pernicieuse qui promet la justice sans la foi, qui fait du sacrement comme la cause de la justice » (L’institution chrétienne, IV, 14, 7.14). Face à la question délicate de l’efficacité du sacrement et de la foi, l’A. rappelle la doctrine équilibrée du Concile de Trente, mais elle ne développe pas beaucoup le symbolisme sacramentaire, ni la relation entre sacrements et foi mise en exergue par la Réforme.

11Dans les autres chapitres, l’A. déploie de manière systématique la doctrine des sacrements à partir de la synthèse thomiste, non sans la compléter ou l’évaluer discrètement dans le cadre de recherches plus récentes (Dom Casel, L.M. Chauvet).

12Si « le sacrement chrétien est le signe d’une réalité sainte qui sanctifie les hommes » (saint Thomas d’Aquin, IIIa, q. 60, a. 2), il est, pour l’A., un rite symbolique qui signifie une réalité sainte et cause la sanctification de l’homme. L’A. souligne deux effets principaux : la grâce sanctifiante conférée selon la tonalité propre de chaque sacrement, et le caractère imprimé par le baptême, la confirmation et l’ordre. Ces caractères sont comme trois participations au sacerdoce du Christ qui disposent ainsi l’âme à s’offrir avec le Christ.

13L’Église, dans sa pratique, a découvert « et mis en ordre » l’organisme sacramentaire au centre duquel jaillit, comme une source, l’Eucharistie.

14« Toute l’économie sacramentelle est faite pour le pèlerinage du peuple de Dieu sur la terre des hommes » (p. 109), pour fortifier notre foi et nous préparer au face à face de la vision béatifique. — Gr. Drouot

Associazione Teologica Italiana, Il corpo alla prova dell’antropologia cristiana, éd. R. Repole, coll. Forum ATI 4, Milano, éd. Glossa, 2007, 21x14, 195 p., 20 €. ISBN 978-88-7105-237-3

15L’Association théologique italienne (ATI) publie des travaux d’aggiornamento suivant la pensée de Vatican II à verser au débat théologique contemporain. Ont été réunis dans ce volume les textes des cours de réflexion organisés par l’Association. Le thème est celui du corps humain face à l’anthropologie chrétienne.

16La présentation introductive est de R. Repole, prof. de théologie systématique à Turin. Suivent sept exposés suggérant différentes approches de la question. G. Piana, professeur de morale à l’Univ. d’Urbino traite de l’ambivalence du corps et plaide pour une considération symbolique de ce lieu où l’homme cherche à réaliser sa propre identité. A. Dall’Asta, directeur de la galerie San Fedele à Milan, montre que l’art fait percevoir cette recherche à travers la rencontre de l’autre. C. Simonelli, prof. de patristique à Vérone, part de la vie de sainte Macrine par Grégoire de Nysse pour nous faire contempler la beauté de l’âme à travers celle du corps, signe d’unité. Une approche philosophique originale, de saint Thomas (hylémorphisme) à Descartes (objectivité), à la lumière de Michel Henry par P. Gilbert, prof. de métaphysique à la PUG de Rome.

17Avec P. Gamberini, enseignant à Naples la théologie systématique, nous entrons dans la « grammaire chrétienne de la chair » par une réflexion approfondie sur l’incarnation du Verbe de Vie et sur la personne comme don de soi-même. E. Salmann, prof. de philosophie et de théologie systématique à Rome (PUG et St-Anselme), entame une approche théologique à partir d’une phénoménologie symbolique du corps et à l’aide d’auteurs modernes ; il conclut en présentant une bibliographie fort intéressante. Enfin une longue contribution de F.G. Brambilla, président, prof. de théologie systématique et évêque auxiliaire de Milan, enquête sur « le corps à l’épreuve des manuels d’anthropologie théologique » : le corps comme « chose » de notre salut. L’index des auteurs cités est le bienvenu ; on note peu de noms d’auteurs francophones contemporains, sauf M. Henry et P. Ricœur, et pourtant il y en a ! Au demeurant, le Dictionnaire du corps de Michela Marzano (PUF, 2007) n’avait pas encore été publié.

18Une réflexion philosophico-théologique à la fois multiple et exigeante. Les professeurs auront plaisir à le consulter, surtout en raison d’approches suggestives, mais aussi les lecteurs tentés par une réflexion solide sur le sujet. — J. Radermakers sj

Aumont I., La « purification de la mémoire » selon Jean-Paul II, Paris, Parole et Silence, 2008, 19x12, 96 p., 9 €. ISBN 978-2-84573-680-1

19L’auteur dresse un inventaire impressionnant des textes de Jean-Paul II concernant la « purification de la mémoire », une expression utilisée par Paul VI, dès 1975, à l’adresse des frères séparés de l’Orient.

20C’est dans le même contexte que Jean-Paul II en fait usage en 1979. Il reprendra la formule, en 1984, dans une rencontre avec la Fédération des Églises protestantes suisses. Suivra l’encyclique Ut unum sint (1995) où la purification de la mémoire évoque : incompréhension, malentendus, préjugés, inertie, indifférence, insuffisance de la connaissance mutuelle … L’expression sera reprise lors de la Journée mondiale de la Paix (1997) … En plus de trente occasions, Jean-Paul II a déclaré : Au nom de l’Église, je demande pardon pour les péchés passés et présents de ses fils. Cette demande de pardon s’adresse aux Africains déportés comme esclaves (Yaoundé 1985) ; aux Indiens d’Amérique (Saint-Domingue 1992) ; aux Moraves (Olomouc 1995) ; aux Huguenots de la Saint-Barthélemy (Paris 1997) ; aux victimes de la Shoah (1998) ; au peuple juif (Jérusalem 2000) ; aux victimes des croisés à Constantinople (2001) … sans parler du « chapitre douloureux » de l’inquisition. Présentant la purification de la mémoire comme une grâce reçue de la miséricorde de Dieu, l’A. en développe alors les dimensions spirituelles et théologiques. Elle rappelle que, lors de la liturgie pénitentielle du 12 mars 2000, année jubilaire, d’autres sujets de repentir ont été soulignés : le manque de respect pour les cultures et les religions, pour la dignité de la femme … Elle conclut sa réflexion en compagnie du Père Kolbe. — P.-G.D.

Blaquart J.-L., Conversation sur le mal, Cerf, 2007, 22x14, 102 p., 15 €. ISBN 978-2-204-08289-1

21L’A., théologien laïque, échange avec un journaliste quelques propos au sujet du mal. Extrayons-en quelques bribes. Il y a de plus en plus de mal parce que les normes sont de plus en plus exigeantes : nous n’acceptons plus ce qui était, pour nos ancêtres, dans l’ordre des choses. L’homme a renoncé à imputer le mal aux divinités, il se reconnaît cause de son malheur : chacun a le bonheur qu’il mérite. Mais cette stratégie de la rétribution ne fonctionne pas : il y a un mal dont à la fois le monde et les hommes sont innocents. Il n’y a pas de désordre dans la nature, sauf par rapport à nos désirs. Ce n’est pas le monde qui a changé (il n’est ni bon ni mauvais) mais notre regard sur le monde. Nous devons faire le deuil d’une justice qui serait dans les choses et dans les événements. On ne doit pas compter sur Dieu pour expliquer le mal. Ce n’est plus la désobéissance aux règles qui cause le malheur, ce sont les règles elles-mêmes qui sont en tort : on accuse le ‘système’. La souffrance est une réalité dont nous ne pouvons pas faire l’économie. Nous ne lui trouvons pas de justification, mais nous devons pouvoir la vivre humainement. Le sens n’est pas donné à l’avance, il est à faire … Le dernier mot est à l’espérance. Et au pardon. — P. Detienne sj

Borgeaud Ph., La Madre degli dei. Da Cibelè alla Vergine Maria, tr. G. Mongini, coll. Scienze e storia delle religioni, n.s. 2, Brescia, Morcelliana, 2006, 23x15, 240 p., 20 €. ISBN 88-372-2086-3

22Tout homme naît d’une femme, et il s’unit à une autre pour engendrer : mystère … (ou mythe ?) de la mère, et de la vie. L’A. de ce livre, professeur d’histoire des religions à l’Université de Genève, a déjà publié Aux origines de l’histoire des religions (Seuil, 2004) et Exercices de méthodologie (Labor et Fides, 2004). Les éditions Morcelliana de Brescia viennent de traduire un précédent ouvrage sur le thème du matriarcat La Mère des dieux. De Cybèle à la Vierge Marie (Seuil, 1996), où il entreprend une étude historico-religieuse : « les aventures de la différence » comme le note le préfacier G. Filoramo (p. 6).

23La Grande Mère, personnage archétypique qui hante les anciennes cultures et les religions humaines, comme aussi notre imaginaire : l’icône du Féminin. Peut-on suivre à la trace ses innombrables mutations ? L’A. s’y essaie avec brio ! Il s’agit bien de l’histoire du mystère maternel à travers les mythes antiques : la diffusion d’une image, du culte athénien de Déméter à l’invention mythologique de la mère de la République romaine. Puis, la légende de la mère impériale et d’Attis va subir une nouvelle métamorphose avec la religion chrétienne : la Vierge Marie, Mère de Dieu, et son Fils.

24Un parcours passionnant d’anthropologie culturelle dans le monde gréco-romain qui nous fait retrouver les soubassements de notre imaginaire à propos du mystère de la femme, porteuse et nourricière de l’homme, voire de l’humanité divinisée … Serait-ce une image « naturelle » de la force divine créatrice ? L’itinéraire historique et géographique que nous présente l’A. s’avère fort suggestif pour les penseurs chrétiens, anthropologues ou mariologues. — J.R.

de Chaignon Fr., Le mystère de l’Ascension, coll. Cahiers de l’École Cathédrale 82, Paris, Parole et Silence, 2008, 21x14, 183 p., 14 €. 978-2-84573-652-8

25Scrutant les textes liturgiques, l’A. découvre la dimension relationnelle et ecclésiale de la « fête du quarantième jour », insérée dès la fin du IVe siècle dans le laetissimum spatium des cinquante jours du temps pascal. L’Ascension-assomption, couronnement des mystères du Christ, nous fait passer du plan des perceptions sensibles (vocabulaire spatial : monter au ciel) au registre symbolique des réalités spirituelles, dans l’espérance d’une plénitude à venir. Le Christ a précédé les membres de son Corps, qui le rejoindront un jour, entraînant tout le cosmos (temporalité, spatialité, corporéité, interpersonnalité). L’A. évoque alors les enlèvements et voyages célestes de la littérature intertestamenaire apocalyptique : Hénoch, Élie, Esdras. Il y relève les similitudes avec l’Ascension : le passage, dans la nuée, d’un Fils d’homme quittant le domaine terrestre pour être introduit devant Dieu révèle le sens de l’histoire humaine jusqu’à une venue et un jugement.

26Quant aux différences : le Christ est élevé dans l’intégrité de son être ; il ne rejoint pas des hommes élevés avant lui ; ayant acquis une proximité nouvelle, il donne à l’homme d’avoir accès auprès de Dieu et de vivre en Dieu. L’A. parcourt le NT. Pour Luc, l’Ascension est la conclusion de l’itinéraire du Christ au milieu des siens et l’ouverture du temps de l’Eglise. Matthieu suppose, dans le récit de la dernière apparition, l’intronisation déjà effectuée. Paul se contente de transmettre le résumé kérygmatique de l’exaltation de Jésus, une exaltation qui, pour Jean, est déjà effectuée sur la croix. Selon Hébreux et Apocalypse, l’Ascension rétablit la communication entre la terre et le ciel ; elle atteste la réalité du renouvellement de l’Alliance. Pour conclure : douze extraits d’auteurs divers : Le Christ conduisit au ciel toute la nature qu’il avait prise (Maxime le Confesseur) ; il participe désormais à la manière qu’a Dieu d’être présent au monde (Ratzinger). À lire. — P. Detienne sj

de La Soujeole B.-D., Éléments pour une spiritualité de l’Église, Paris, Parole et Silence, 2006, 21x14, 192 p., 17 €. ISBN 978-2-84573-544-6

27L’ouvrage est initialement motivé par un constat : beaucoup de chrétiens aujourd’hui opposent spiritualité et institution ecclésiale. Fort de la conviction que cette opposition ruineuse naît d’une mécompréhension de la nature profonde de l’Église, l’A. propose de la surmonter. Son livre, issu de diverses prédications, s’adresse à un large public et, même s’il entend ne rien sacrifier de la rigueur théologique, a une vocation avant tout pédagogique. Il voit l’origine du conflit contemporain opposant Église et spiritualité dans la séparation moderne de la transcendance et de l’immanence divines et propose de comprendre les réalités immanentes comme transparentes à la transcendance. Il s’agit autrement dit de réapprendre ce que la modernité a oblitéré dans sa promotion d’une compréhension inadéquate de la sécularisation, à savoir la dimension symbolique de la réalité mondaine. Partant, on se rendra capable d’assumer la dimension symbolique de la réalité ecclésiale, à la fois comme le signe d’une réalité supérieure et comme l’accomplissement de ce qu’elle désigne. En conclusion de son ouvrage, l’A. invite les chrétiens à vivre ce symbolisme, en sorte que la vie ecclésiale « soit expressive — transparente — de la transcendance qui en elle et par elle se dit et se donne ». — P. Dasseleer

Dettwiler P. – Faber E.-M., Eucharistie und Abendmahl. Ökumenische Perspektiven, Paderborn / Frankfurt, Bonifatius / Lembeck, 2008, 21x14, 136 p., 14.80 €. ISBN 978-3-89710-409-9

28Dans une perspective œcuménique, ce livre est composé en dialogue : un théologien réformé Peter Dettwiler, exerçant le ministère paroissial de pasteur en Suisse et chargé de mission œcuménique dans le canton de Zurich, et une théologienne catholique Eva Maria Faber, formée à Münster, Toulouse et Fribourg/Br., prof. de théologie dogmatique et fondamentale dans la Haute école de Chur, dont elle est directrice. Les deux A. tentent de préciser leur conception propre de l’Eucharistie, Cène ou Repas du Seigneur.

29Ils commencent par définir ces trois termes selon leur confession et dans la compréhension des deux milieux théologiques. Ils ont ensuite composé chacun un résumé de leur foi sacramentelle, laissant leur interlocuteur intervenir au cours de leur développement par des questions ou des réflexions personnelles. Ainsi sont traités des points comme les fondements scripturaires, la conception de l’Église, la présence réelle, le sens du Mémorial, le Corps du Christ, la communion eucharistique.

30La confrontation des perceptions est impressionnante : elle manifeste à la fois les convergences et les divergences, en signalant pourquoi l’une et l’autre communautés ne sont pas prêtes à une célébration commune appelée parfois intercommunion. Au-delà de la différence d’opinion, il faut aussi noter la diversité des pratiques marquées par l’histoire et la tradition. À lire ce livre, on perçoit bien comment la conception du sacrement est au centre de la séparation des confessions, compte tenu d’un même souci œcuménique. — J.R.

Dotolo C., Un cristianesimo possibile. Tra postmodernità e ricerca religiosa, coll. Gdt 324, Brescia, Queriniana, 2007, 20x12, 414 p., 24.50 €. ISBN 978-88-399-0824-7

31N’est-il pas utopique de parler d’un « christianisme possible » ? demande C. Dotolo. Nous sommes en effet arrivés à un « changement d’époque », explique-t-il, plus qu’à une « époque de changement ». Il faut dès lors repenser la présentation du christianisme et la dégager de sa forme européenne et nord-américaine. Nous arrivons à un tournant capital qui mènera à un renouveau … ou à un déclin. De toute nécessité, il faut recréer du neuf et ne plus continuer l’ancien. Face à la culture moderne, transmettre la foi doit être un acte créatif. Pareille adaptation a eu lieu à toutes les grandes époques, mais aujourd’hui la situation est plus complexe, tout en évoluant donc rapidement et de façon très pluraliste.

32Il s’agit de repenser le travail, la méthode et l’enseignement de la théologie. On sent le besoin de rendre plus compréhensible aux chrétiens actuels le credo et les anciennes formules de foi. On désire mieux comprendre le sens de notre foi et son originalité. Il faut dialoguer en vérité avec les gens, écouter leurs questions, tenter d’y répondre en profondeur et accepter un certain pluralisme parmi les chrétiens.

33Dans le climat postmoderne, il y a risque de raidissement des chrétiens ou encore d’un certain relativisme parce qu’on est désorienté par la nouveauté de la situation et le pluralisme religieux découvert dans le monde grâce aux médias. Ce pluralisme exige des chrétiens une nouvelle intelligence de leur identité chrétienne et du rôle du Christ. C’est dans ce sens que va la réflexion de Dotolo. L’homme lutte pour sa liberté et pour son bonheur. Il attend de nous une réponse de qualité dans le monde qui naît aujourd’hui. Dieu et le Christ nous réservent toujours des surprises et éveillent notre inquiétude de même qu’une passion pour la recherche spirituelle.

34Cette position du problème est excellente, mais la réponse paraît fort intellectuelle. À force de comparer, nuancer, préciser, on obscurcit l’essentiel. On rêve d’un livre plus simple, sans cette masse de citations et où quelques réalisations concrètes donneraient vie à la théorie. — B. Clarot sj

Falque Em., Dieu, la chair et l’autre. D’Irénée à Duns Scot, coll. Épiméthée, Paris, PUF, 2008, 22x15, 494 p., 39 €. ISBN 978-2-13-056123-1

35Nous avons précédemment recensé deux livres de l’A., docteur en philosophie et professeur à l’Institut catholique de Paris (cf. NRT 122 [2000], 661 ; 129 [2007], 300). Renouant avec sa double spécialité (cf. NRT 124 [2002], 472), il nous offre à présent une vraie merveille et un tour de force. Le tour de force est de faire parler les théologiens médiévaux sur un mode phénoménologique. La merveille est de nous présenter ces derniers sous un jour nouveau, nous dévoilant des aspects inédits de leur réflexion. Comment lire ces théologiens quand on est philosophe du XXIe siècle, et phénoménologue de surcroît ? Em. Falque se devait de le démontrer ; il le fait ici en publiant sa thèse d’habilitation à diriger des recherches à l’Univ. de Paris IV-Sorbonne. Nous l’en félicitons.

36Il fait défiler devant nous des visages, à travers des écrits : Augustin, Jean Scot Érigène, Maître Eckhart (pour Dieu), Irénée, Tertullien, Bonaventure (à propos de la chair), Origène, Thomas d’Aquin, Jean Duns Scot (concernant l’autre), nous conduisant à l’histoire de la philosophie perçue par un biais différent. Cette approche interpelle, car elle nous signale la nouveauté de personnages que nous croyions connaître. Le livre est un pur régal. Qui connaît un peu ces grandes figures achèvera sa lecture avec l’impression d’avoir compris. Qui n’a pu que se laisser enchanter par quelques pages de vrai nectar rendra grâce à l’A. de lui avoir illuminé l’esprit et le cœur. Qui aura lu ce livre avec le sentiment d’avoir perdu ses repères se réjouira d’avoir pu expérimenter quelque chose de Dieu, de Dieu « toujours plus grand », mais aussi incarné et rassemblant les membres de son corps pour nous donner les uns aux autres. L’A. en effet nous immerge dans un bain de jouvence, dont on ne sort pas indemne : chair vivifiée en notre intime, cœur réjoui en Dieu, autrui devenu angélique compagnon …

37Il faut du courage pour s’atteler à pareille lecture innovante, mais le détour vaut la peine. On reste ébloui par l’érudition exceptionnelle de l’A., à la fois riche et précise. Sa perception phénoménologique lui permet d’établir entre les auteurs évoqués des liens déroutants parce que nouveaux pour nous. C’est aussi une approche nouvelle de l’Écriture lue dans la tradition chrétienne, suggestive à souhait. Richesse d’érudition mise au service d’une approche resituée poétiquement avec une finesse de langage et une nuance de la pensée qui suscite l’admiration. — J. Radermakers sj

Famerée J. – Routhier G., Yves Congar, coll. Initiation aux théologiens, Paris, Cerf, 2008, 22x14, 313 p., 28 €. ISBN 978-2-204-08566-3

38Ce mémorial à deux voix, qui cite bien des articles publiés sur ou par Congar dans la NRT, s’achève utilement sur une sélection de textes du grand ecclésiologue dominicain, avant une courte bibliographie. Elle s’ouvre par une biographie intellectuelle qui suit simplement la chronologie (G. Routhier) et s’attache ensuite à la pensée théologique (c’est le corps de l’ouvrage, en six chapitres que les auteurs se sont répartis) : œcuménisme, réforme de l’Église, ministères, tradition, « ecclésiologie trinitaire », méthode théologique y sont tour à tour présentés. La brève troisième partie s’intitule « géographie de l’œuvre » (J. Famerée) ; s’y entremêlent parfaitement la chronologie et la thématique. La quatrième partie (G. Routhier) conclut sur l’invitation adressée par Congar à tous les théologiens de reprendre les questions en élargissant les horizons. Un ouvrage qui pourrait devenir classique. — N. Hausman scm

Fédou M., La voie du Christ. Genèses de la christologie dans le contexte religieux de l’Antiquité du IIe siècle au début du IVe siècle, Paris, Cerf, 2006, 22x15, 553 p., 44 €

39L’ouvrage de M.F. est un parcours historique complet d’un point de vue non seulement christologique mais aussi trinitaire, depuis le Symbole des apôtres et la Didachè (IIe siècle), jusqu’à la naissance du monachisme et la Vie d’Antoine (IVe siècle). Le lecteur ne doit pas se tromper : cette démarche chronologique n’a pas une simple portée pédagogique. Elle procède d’une visée théologique qui concerne le dialogue interreligieux lui-même. La présentation claire des textes choisis, allant de pair avec le refus d’une présentation pointilliste des auteurs, est le point fort de ce volume qui porte cette intention : dégager les conditions dans lesquelles l’affirmation de la foi chrétienne s’est déterminée au contact des traditions culturelles et religieuses de l’antiquité, qu’il s’agisse du judaïsme, du paganisme, de la gnose des hérésies. L’A. le fait d’une manière irénique, tout en réussissant à souligner comment l’élaboration d’un langage sur le Verbe a donné lieu à un approfondissement christologique et trinitaire rendant compte du radicalisme de la confession de la foi.

40Une question se pose : que faire de ces textes, aujourd’hui ? Ce n’est pas seulement l’argument de la tradition qui les rend intéressants, estime l’A. avec raison : la diversité des langages christologiques, l’attention aux situations réelles, doivent conduire « à prendre acte des moments historiques qui ont marqué autant d’étapes dans les relations des communautés chrétiennes avec les adeptes des autres traditions » (p. 528). Dans cette perspective, on comprend les trois axes choisis : l’axe apologétique, qui a permis d’insérer la voie du Christ parmi les traditions de l’antiquité ; l’axe dogmatique selon lequel la littérature chrétienne ancienne marque la portée universelle du dessein de Dieu et du salut en Jésus-Christ ; l’axe de la spiritualité enfin, c’est-à-dire la manière d’être qui actualise la voie du Christ dans la vie chrétienne, dans le monde où l’Esprit agit. La voie du Christ se poursuit encore aujourd’hui ! On mesurera alors sans doute la part accordée à l’Écriture sainte — présente à chaque page de l’ouvrage — dans ces constants échanges entre les auteurs chrétiens et les traditions de leur temps. À cet égard, on notera (et c’est le seul regret) l’absence d’un index scripturaire qui aurait pu être utilement joint à ceux des diverses traditions étudiées. — A. Massie sj

Ferraro G., Il bacio della terra. Il sacerdozio nell’insegnamento di Paolo VI, coll. Sintesi e proposte 44, San Cataldo/Caltanissetta, Centro Studi Cammarata/Ed. Lussografica, 2006, 21x14, 286 p., 15 €. ISBN 88-8243-149-5

41Comment Mgr Montini, Archevêque de Milan et devenu Pape concevait-il le sacerdoce ? G. Ferraro, professeur de théologie à Naples, Cagliari et à la Grégorienne a étudié les milliers de pages des œuvres du Pape pour répondre à cette question. La pensée papale apparaît très classique sauf à propos de l’ordination épiscopale qu’il voyait comme un sacrement dès avant le concile, alors que la question était fort discutée.

42Pour lui, le sens du sacerdoce tourne autour du sacrifice de Jésus, prêtre et victime, sacrifice seul agréable à Dieu pour notre salut, que le prêtre présente au Père en s’y unissant. À travers ce sacrifice, le prêtre est médiateur entre Dieu et les hommes. Le sacerdoce transcendant du Christ est source de tout sacerdoce. Le baptême fait participer les chrétiens à un sacerdoce universel tandis que le sacrement de l’ordre fait participer le prêtre au sacerdoce ministériel du Christ. L’épiscopat a été institué directement par Jésus-Christ comme plénitude de participation à son sacerdoce, alors que l’ordination presbytérale confère un degré de sacerdoce subordonné à celui de l’évêque, en vue de la prédication, des sacrements et du gouvernement des fidèles.

43L’ordination confère au prêtre une sainteté « objective » qui assimile le prêtre au Christ roi, prophète, sanctificateur et liturge du Père. On est ordonné non pas pour soi-même, mais pour le service des autres. À travers le service du prêtre en tant que tel, c’est le Christ lui-même qui agit. Le prêtre prolonge la présence et l’action du Christ, et en particulier son rôle de victime. En tant que Pape et dans la ligne du concile, Paul VI a en outre insisté sur la collégialité épiscopale et a créé les synodes épiscopaux.

44On voit que ces idées étaient la doctrine catholique classique sur le sacrifice et le prêtre, en continuité avec le judaïsme, saint Pierre et surtout saint Paul. Aujourd’hui on remet en honneur la pensée de saint Jean qui semble plus proche de la nouveauté du christianisme. Le Père ne demande pas à son Fils de “l’apaiser” par son sang, mais il a envoyé son Fils pour sauver les hommes en révélant l’infini de son amour paternel (et trinitaire) pour les hommes afin que les hommes osent se réconcilier avec lui. Dès 1923 un homme comme l’abbé L. Richard avait affirmé des idées analogues dans son article : « La Rédemption, mystère d’amour » (RSR), idées que d’autres ont approfondies dont Urs von Balthasar dans L’Amour seul est digne de foi et surtout dans sa monumentale trilogie. — B. Clarot sj

Forte Br., La via della Bellezza. Un approccio al mistero di Dio, coll. Il pellicano rosso 58, Brescia, Morcelliana, 2007, 19x12, 57 p., 7 €. ISBN 978-88-372-2208-6

45Dans un monde qui a du mal à comprendre la logique convaincante du vrai et la nécessité morale du bien, l’A., à la fois théologien renommé et pasteur-évêque, est désireux de montrer l’importance de l’esthétique théologique et la « voie de la beauté » dans la situation actuelle du christianisme. Il trace cette voie de la beauté en s’appuyant sur deux textes de l’Écriture : « le plus beau des enfants des hommes » (Ps 4, 3) et la figure du serviteur souffrant sans éclat ni beauté (cf. Is 53, 2) tout en ayant recours à Augustin et Thomas d’Aquin. La beauté qui sauve est la beauté de Jésus, « le beau Pasteur » (Jn 10, 11) et celle du Crucifié qui révèle l’amour de Dieu. Dans un premier chapitre : « Dire la beauté », l’A., en guise d’introduction, explicite le sens de sept mots liés à la beauté dans différentes langues ; il y voit déjà caché prophétiquement le verbum abbreviatum de la Parole de Dieu. — E. Barucco

Frosini G., Babele o Gerusalemme ? Teologia delle realità terrestri. I La città, 2a ed. riv. e aggiornata, coll. Nuovi saggi teologici 68, Bologna, EDB, 2007, 22x14, 297 p., 25 €. ISBN 978-88-10-40580-2

46Aujourd’hui plus de la moitié de l’humanité vit dans des villes et la tendance au regroupement continue. L’avenir est à la cité plus qu’à l’État. La civilisation est essentiellement un fait urbain. Le grand historien Toynbee a prédit la survivance de seulement deux formes de communauté, la locale et la mondiale. La théologie a trop négligé ce fait et remplacé la ville par la société, entité abstraite et désincarnée. J. Comblin, théologien belge vivant au Brésil, a écrit en 1971 la première « Théologie de la cité ».

47La pastorale de l’Église est demeurée trop agrippée à la société rurale. On a transposé à la ville la pastorale rurale et considéré la cité comme un agrégat de paroisses et non comme une unité organique. Il faut revoir cette pastorale et chercher le sens de la cité comme un tout. L’A. s’inspire ici de penseurs chrétiens tels La Pira, A. Olivetti, Péguy, Saint-Exupéry, Dossetti, etc. tous marqués par le personnalisme de Mounier. Il parcourt aussi l’histoire de l’Église depuis la Bible.

48Les résultats de ces recherches peuvent paraître décevants, avoue-t-il, néanmoins la théologie de la cité offre quelques conclusions importantes. Malgré ses invectives contre leurs défauts, la Bible considère les villes et surtout Jérusalem avec sympathie. La ville doit s’ouvrir à la transcendance et donner aux hommes une véritable espérance pour préparer la cité finale dans le Royaume de Dieu. Ils sont, en effet, à la fois hommes de la terre et du ciel. Les chrétiens doivent faire des villes de vraies communions humaines. Il appartient aux chrétiens d’être les sauveurs de la cité. À chaque chrétien de faire progresser la situation dans cette direction, là où il possède une compétence et une responsabilité. — B.C.

García Martínez Fr., La humanidad re-encontrada en Cristo. Propuesta de soteriología cristiana a la luz de la antropología de René Girard, coll. Bibliotheca Salmanticensis, Estudios, 282, Salamanca, Pont. Univ., 2006, 24x17, 378 p., 23 €. ISBN 88-7299-699-9

49L’A., prénommé Francisco — à ne pas confondre avec Florentino, prof. à l’Université catholique de Leuven — enseignant en théologie à l’Université pontificale de Salamanque, fait en ce volume une remarquable analyse de l’anthropologie de René Girard afin d’élaborer une sotériologie chrétienne à sa lumière. Il nous propose ainsi une réflexion solide, argumentée et originale sur le « salut chrétien en Jésus-Christ ressuscité », Verbe incarné de Dieu qui a traversé notre humanité, lui conférant sa consistance et sa force. Le salut en effet constitue le mystère le plus intime de la vie de l’homme, répondant au mystère de la grâce de Dieu pour l’homme.

50Une introduction justifie la méthode de l’A. qui explique pourquoi il utilise l’anthropologie de René Girard comme pré-sotériologie fondamentale basée sur le désir mimétique, symptôme de frustration où s’origine la violence avec le mécanisme victimaire (1re partie). La 2e partie détaille le chemin du salut, de la frustration (péché originel) à l’espérance (Parole révélée) dans l’histoire de l’hominisation, en suivant l’hypothèse de Girard, puis l’ouverture aux temps du salut, depuis le péché jusqu’à l’Alliance grâce au Dieu sauveur, avec les textes de l’AT. La 3e partie parle de la plénitude des temps avec une esquisse de christologie salvifique reprenant le processus victimaire girardien en l’intégrant à l’incarnation rédemptrice à la faveur de textes du NT. Une « récapitulation » reprend l’essentiel de la thèse : Jésus, Fils unique de Dieu, victime des hommes et sauveur du monde.

51L’ouvrage propose une manière nouvelle d’envisager la sotériologie chrétienne, dont sauront profiter les théologiens spécialisés en christologie ; les lecteurs hispanophones sauront y investir un effort soutenu. — J.R.

Journet Ch., Entretiens sur la rédemption, Paris, Parole et Silence, 2005, 21x14, 106 p., 13 €. ISBN 2-84788-067-4

52Dans cette retraite prêchée en 1972, l’A. propose six entretiens sur la rédemption : don du second amour, impossible pour l’ange, surcompensation plutôt que réparation … De manière agréablement didactique, il évoque la catastrophe originelle permise pour un plus grand bien, la quasi-souffrance de Dieu, la rançon, le sang rédempteur, les deux sortes de corédempteurs : les imparfaits et les éminents. Présentant le commentaire de Luther sur le Christ « fait péché pour nous », il s’insurge contre les inconscients qui souhaitent sa réhabilitation officielle. Le texte est ponctué d’innombrables références à Saint Thomas et de nombreuses citations de Maritain, auquel l’A. emprunte des pages entières. Il termine par une contemplation du retable de l’Agneau mystique des frères Van Eyck. Instructions théologiques plutôt que méditations dévotionnelles. — P.-G.D.

Journet Ch., L’Église du Verbe incarné. V. Compléments et inédits, éd. R. et D. Mougel, Saint-Maurice, Saint-Augustin, 2005, 21x14, ix-1088 p., 85 €. ISBN 2-88011-380-6

53Des quatre volumes qui devaient constituer L’Église du Verbe incarné, Ch. Journet (1891-1975) n’a publié lui-même que les deux premiers (La hiérarchie apostolique, 1941 ; Structure interne et unité catholique de l’Église, 1951) et ce qui correspond globalement au quatrième (Esquisse d’une théologie ecclésiale de l’histoire du salut, 1969). Que leur ajoute le présent ouvrage ?

54La première partie rassemble une douzaine d’études, publiées entre 1931 et 1957, qui traitent du sujet prévu pour le volume III : La cause finale et la sainteté de l’Église (sainte dans son culte, sa vie et son message) avec, en annexe, un essai sur l’Église selon Thérèse de Lisieux. La seconde partie comporte deux sections : des compléments au tome IV envisagés par l’A. concernant principalement l’Église aux tournants de l’histoire, rédigés entre 1964 et 1970 à la lumière de Vatican II ; des études fort détaillées relatives aux fins dernières : l’Église souffrante (1932), qui soulève des questions telles que : les âmes du purgatoire prient-elles pour elles-mêmes, nous invoquent-elles ? prient-elles pour nous ? et l’Église glorieuse, ses causes efficiente, formelle, matérielle, finale (1944-1945), avec une dizaine de pages aux auréoles des saints. Les exposés, austèrement scolastiques, sont illustrés par d’abondantes citations de l’Aquinate et de Maritain. L’A. recourt, en exégèse, aux Pères Lagrange et Allo.

55Relevons l’ouverture œcuménique : l’islam a été une bénédiction pour des peuples qui sans lui seraient animistes, polythéistes, panthéistes ou athées ; l’Église orthodoxe est non pas schismatique, mais dissidente privilégiée ; nous sommes redevables aux protestants d’initiatives heureuses dans le domaine social. Un ouvrage quelque peu hétérogène, intelligemment édité, d’un intérêt historique certain, et qui réjouira le lecteur intéressé à l’œuvre intégrale de Ch. Journet. — P. Detienne sj

Kim Younhee, The Quest for Plausible Christian Discourse in a World of Pluralities. The Evolution of David Tracy’s Understanding of « Public Theology », coll. Religions and Discourse 35, Oxford / Bern, Peter Lang, 2008, 23x15, 411 p., 67.70 €. ISBN 978-3-03910-733-9

56Alors que le christianisme est en butte à une critique contemporaine axée sur la rationalité et l’autonomie, critique qui s’exerce tant au plan cognitif qu’éthique et existentiel, David Tracy (1939-), dans son projet de théologie fondamentale développé en particulier dans Blessed Rage for Order (1975), veut établir l’intelligibilité de la théologie chrétienne au moyen d’un discours « public », c’est-à-dire accessible à toute personne raisonnable et responsable. Ce projet se déploie en deux temps : critique des modèles théologiques existants, puis proposition de cinq thèses : il s’agit pour l’essentiel, partant de l’expérience humaine commune et de son langage, de les mettre en corrélation avec les textes où s’exprime la foi chrétienne. Cette mise en corrélation s’effectue selon une méthode transcendantale.

57La 2e partie de cette thèse présentée à Louvain (Leuven) examine de plus près les analyses phénoménologique et herméneutique de ces deux pôles : d’une part l’expérience « religieuse », définie en termes de « situations-limites » et de « questions-limites », d’autre part le langage des sources chrétiennes, caractérisé notamment par un certain emploi (« limite ») du proverbe et de la parabole. Le référent ultime de cette expérience humaine et de ce langage chrétien est « Dieu » : son existence est établie par une démarche réflexive de type transcendantal (J. Maréchal, E. Coreth, ensuite Sh. Ogden) et sa nature est étudiée à l’aide de la philosophie du « process » (Ch. Hartshorne).

58La 4e et dernière section examine les développements et parfois les révisions de la pensée de Tracy dans les années 1980, puis dans les années 1990 et jusqu’à nos jours (dans l’attente de son This Side of God) : l’accent se déplace quelque peu de la rationalité moderne à une post-modernité attentive à l’ambiguïté, la pluralité et l’altérité, en particulier dans le domaine de l’interreligieux. Le discours sur Dieu devient plus fragmentaire, marqué par le style apocalyptique et la dimension apophatique.

59Chemin faisant, l’A. étudie quelques-uns des auteurs que Tracy met à contribution : E. Coreth, Ch. Hartshorne, K. Rahner, B. Lonergan, P. Ricœur, G. Lindbeck … Sur plus d’un point, elle formule ses propres réflexions et observations critiques. Elle estime en particulier que les méthodes ou perspectives transcendantale et herméneutique demeurent chez Tracy plus juxtaposées que véritablement intégrées. — J. Scheuer

Labbé Y., La Foi et la Raison. II. La religion chrétienne dans l’échange : symbole et dialogue, Paris, Salvator, 2007, 21x14, 312 p., 29 €. ISBN 978-2-7067-0532-8

60Parmi les huit études publiées déjà par l’A. dans diverses revues et ici rassemblées, deux proviennent de la NRT (122 [2000], 573-596 et 127 [2005], 200-225). Leur ensemble offre une pensée cohérente et structurée. Elles portent sur le symbole et le dialogue dont l’usage est apparu déterminant dans la vie des catholiques. « Le symbole définit l’une des dimensions du rite, le dialogue l’une des modalités de la parole ». — Ce qui les conjoint, c’est qu’il s’agit de « deux formes d’échange social passant par la méditation » des signes. L’intérêt porté au symbole provient de la nouvelle liturgie, issue de Vatican II. C’est avec le même concile que le dialogue a pris son importance dans l’Église catholique comme « élément déterminant de la mission évangélisatrice de l’Église ».

61Ceci commença à être reconnu dans l’encyclique Ecclesiam suam de Paul VI. Mais pour l’A., l’attention apportée au symbole et au dialogue ne relève pas seulement des faits de l’histoire. Elle se fonde dans des raisons anthropologiques et théologiques. Le symbole s’enracine dans la corporéité sensible et culturelle, le dialogue dans la communicabilité des sujets parlants et de ce qui est dit. On le sait, symbole et dialogue ont parfois donné lieu à des pensées réductrices. L’intention de l’A. n’est pas tant d’en élaborer la critique que de « défendre le droit du référent, la cause de l’être ». Dans le cas présent, il s’agit de montrer que « l’échange que l’un et l’autre instituent ne saurait se comprendre en dehors de ce qui s’y présente et qu’ils ont à présenter : le salut réalisé et révélé en Jésus le Christ ». — L’A. s’acquitte parfaitement de la tâche qu’il s’est assignée en suivant le chemin d’une philosophie rigoureuse, libre et critique. — H. Jacobs sj

Ladaria L.F., Jesucristo, salvación de todos, coll. Teología Comillas, Madrid, San Pablo / Comillas, 2007, 22x15, 180 p. ISBN 978-84-285-3130-6

62Pourquoi continuer à dire que le Christ est le sauveur de tous les hommes ? Pourquoi maintenir les chrétiens dans cette prétention peu intelligible et même scandaleuse pour beaucoup de nos contemporains ? La sotériologie et l’anthropologie chrétiennes nous apprennent la nature du salut que le NT et l’enseignement constant de l’Église nous présentent comme la vocation et la perfection ultime de l’homme, ce qui ne peut s’expliquer sans le Christ. Le Christ en effet est non seulement le Sauveur, mais encore le “salut” de l’homme puisqu’il nous rend participants de sa propre vie glorifiée par le Père à la résurrection. Le salut et la plénitude de l’être humain sont la participation à la gloire du Christ dans son humanité assumée en Dieu.

63Par son incarnation, le Fils de Dieu s’est uni en quelque sorte à tout homme (GS 22) et est devenu la tête de tout le corps que constitue l’humanité et nous associe ainsi à son destin. Il nous donne son Esprit qui fait de nous un seul corps. Il est le seul qui peut amener les hommes au Père et, avec la force de l’Esprit, faire de nous en plénitude les enfants de Dieu, participants à sa vie filiale trinitaire.

64Par des chemins que Dieu seul connaît, l’Esprit Saint offre à tous les hommes la possibilité d’être associés au mystère pascal (GS 22) et de devenir en lui enfants de Dieu. Jésus est ainsi le Médiateur unique et les hommes ne peuvent être sauvés qu’en lui. Dans le Christ, Dieu nous offre sa plénitude dans un acte d’amour qui attend notre libre acceptation par amour. Ce salut peut donc être refusé. Nous avons à découvrir dans toutes les religions les signes de la présence du Christ et de la présence de l’Esprit. Mais l’Église, corps mystique du Christ, est le lieu privilégié de la présence de l’Esprit.

65Ce livre clair et bien structuré est malheureusement déparé par 16 pages blanches dans le dernier chapitre sur l’universalité du salut dans le Christ. L. Ladaria professeur de théologie à la Grégorienne et secrétaire de la Commission théologique internationale vient d’être nommé secrétaire à la Congrégation de la foi. — B. Clarot sj

Landron O., Le catholicisme vert. Histoire des relations entre l’Église et la nature au XXe siècle, Paris, Cerf, 2008, 24x17, 527 p., 48 €. ISBN 978-2-204-08658-5

66Après des décennies de progrès techniques et industriels opérés sans grand souci de leur impact sur l’environnement, la « préservation de la nature » — pour faire bref — est devenue une préoccupation majeure de notre époque et a donné lieu à bien des initiatives de type écologique en tous genres. Dans ce contexte, la question méritait d’être posée de voir comment l’Église se situe face à la nature et aux défis de notre temps en la matière. L’A. parcourt l’histoire du catholicisme contemporain, principalement français, décrivant tous les domaines où des chrétiens ont mis la nature au centre de leur activité, que ce soit dans des œuvres artistiques (littérature, peinture …), dans la réflexion théologique (pensons à un Teilhard de Chardin), à travers des prises de position au sujet de questions de société (pauvreté, énergie atomique, etc.), ou encore dans des activités plus directement pastorale (pèlerinage, scoutisme, pastorale du tourisme). Certes l’ouvrage pourra paraître « aller dans tous les sens ». Mais le lire est sans doute une bonne manière de se rappeler que la nature, ou peut-être plus exactement la création, est une donnée fondamentale de la révélation chrétienne et que, confiée à l’homme par Dieu, elle ne peut être « utilisée » n’importe comment. Autre intérêt de l’étude : la mise en évidence que certaines initiatives écologiques n’ont rien de chrétien. — B.J.

Le Guillou M.-J., Marie, Paris, Parole et Silence, 2007, 21x14, 184 p., 16 €. ISBN 978-2-84573-577-4

67Sœur Marie-Agnès, des Bénédictines de Montmartre, qui a accompagné le P. M.-J. Le Guillou avant son retour au Père, préface ce beau livre sur Marie, qui nous dit la dévotion filiale d’un homme de prière et le rôle essentiel de la Mère de Jésus à notre époque postmoderne.

68La première partie de l’ouvrage considère le mystère de Marie et de l’Esprit, de même que son œuvre dans l’Église, avec quelques pages sur l’Assomption et un plus long développement sur la personne de Marie dans la tradition orientale. Dans une seconde partie, l’A. examine différents aspects de la mariologie dans le cadre de l’œcuménisme : protestantisme et orthodoxie. C’est surtout cet aspect du mystère marial qui attirera et intéressera les lecteurs. Les citations nombreuses sont importantes ; elles manifestent l’admirable documentation de l’A.

69Un livre sérieux, mais d’accès facile, qui rapprochera les chrétiens dans une perception plus juste de l’intérêt d’une mariologie vécue en dialogue à l’ombre d’une christologie ferme et juste. — J.R.

Les fins dernières, éd. G. Médevielle, coll. Théologie à l’université, Paris, DDB, 2008, 21x14, 174 p., 17 €. 978-2-220-05906-8

70En ce colloque organisé en novembre 2006 par l’Institut Catholique de Paris à l’occasion du 150e anniversaire de la fondation de la Congrégation des Sœurs Auxiliatrices, sept théologiens, dont deux Auxiliatrices, proposent un éclairage nouveau sur l’eschatologie. Première partie, histoire : Les fins dernières au XIXe siècle (G. Cuchet) ; De l’espérance de la vision à l’incertitude du salut (G. Berceville o.p.) ; Eucharistie, charité et eschatologie (P. Prétot o.s.b.). Deuxième partie, théologie contemporaine : Eschatologie et renouvellement de la création (J.L. Souletie) ; Christologie du samedi-saint dans la sotériologie de H.U. von Balthasar (V. Holzer). Troisième partie : l’urgence de la rencontre dans les Exercices spirituels de saint Ignace (S. Robert s.a.) : la charité et l’urgence de la rencontre (G. Médevielle s.a.). Les auteurs relèvent l’ambiguïté de certaines représentations héritées de la tradition. Ils insistent sur la dimension collective, universelle, cosmique, relationnelle de l’eschatologie, et son lien avec le mystère pascal : l’eschatologie n’est pas un simple achèvement d’une histoire personnelle, mais l’accomplissement de ce qui est déjà inauguré dans la Pâque de Jésus. — P.-G.D.

Maldamé J.-M., Le péché originel. Foi chrétienne, mythe et métaphysique, coll. Cogitatio fidei 262, Paris, Cerf, 2008, 18x12, 349 p., 28 €. ISBN 978-2-204-08573-1

71Un remarquable ouvrage qui ne passera pas inaperçu. Il fallait du courage et de la ténacité à la fois humaine et croyante pour reprendre à nouveaux frais une réflexion aussi intelligente et minutieuse sur « le péché originel ». Cette dernière expression, on est sans cesse tenté de la remplacer par d’autres, plus modernes peut-être, mais sans jamais épuiser ce que la tradition chrétienne y a condensé de perception profonde sur la question de l’origine du mal et sa propagation dans l’histoire des hommes. Le Fr. J.-M. Maldamé, dominicain, de formation scientifique et théologique, professeur à l’Institut catholique de Toulouse, membre de l’Académie pontificale des sciences, nous fait ici une leçon magistrale, préparée par d’autres excellentes publications (aux Éditions du Cerf), notamment Le scandale du mal (2001), Science et foi en quête d’unité (2003), Création et Providence (2006). Compétent et outillé pour relever ce défi, il le fait avec une probité à laquelle nous rendons hommage.

72Le sous-titre du volume est honoré avec pertinence : Foi chrétienne, mythe et métaphysique. L’A. se base essentiellement sur l’Écriture, méditée avec rigueur et finesse. Pour un lecteur traditionaliste, il paraîtra sans doute déconstruire absolument la notion ; pourtant, il n’en est rien : l’acribie de son analyse du texte le montre, comme aussi l’abondante documentation que suppose sa réflexion. Partant de saint Augustin, commentateur de la Genèse, il commence par dégager les fondements de la doctrine de l’Église à ce propos, puis passe à l’examen des traditions juives et chrétiennes avant de s’attaquer à la crise pélagienne et à la dogmatisation de la théologie d’Augustin. Il examine ensuite avec soin l’importante distinction à maintenir entre péché originel, péché d’Adam et péché du monde, puis il réinterprète le récit biblique de la chute, et rappelle l’histoire de l’élaboration de la doctrine du péché originel. Une troisième partie est consacrée au problème de « l’origine du mal » et aux différentes thématisations qu’on en a faites au long des siècles : comment la pensée européenne s’est emparée du mythe des origines, jusqu’à la sécularisation du péché originel par l’idéalisme protestant, puis le point de vue des scientifiques créationnistes ou évolutionnistes (biologie, concordisme, propositions de Teilhard et Dubarle), interprétations existentiale et symbolique, voire psychanalytique des modernes, et finalement un chapitre déterminant de réflexion philosophicothéologique sur la réalité de la rédemption par l’amour de Dieu manifesté dans la croix du Christ.

73Bref, un livre à lire, plume en main, et à approfondir avec soin, tant par les théologiens, professeurs ou étudiants, que par les chrétiens soucieux de s’informer à bonne école sur un point essentiel du Credo chrétien. — J. Radermakers sj

Masson C., Les laïcs dans le souffle du Concile, coll. Histoire, Paris, Cerf, 2007, 19x12, 349 p., 29 €. ISBN 978-2-204-08418-5

74Vatican II a sans conteste été un événement majeur quant à la réflexion sur le statut et la mission des laïcs dans l’Église. Il est tout aussi incontestable que les textes produits alors à ce sujet comme à propos des autres problématiques abordées par le Concile ont tout à la fois été sujets à des interprétations fort variées, ont suscité un foisonnement d’initiatives très diverses et inspirent encore largement de nos jours la vie de l’Église.

75L’ouvrage est fait de quatre parties. Tout d’abord une relecture des textes conciliaires, une démarche qu’on ne peut qu’apprécier, sous peine de tomber dans le « connu, connu » avec toutes les bévues que cela peut engendrer. Dans un second temps, l’A. nous présente un aperçu de l’histoire du laïcat depuis les origines jusqu’au Concile ; entre autres, est bien mis en évidence que, dans une Église qui jusqu’alors était plus fortement « hiérarchisée » et dominée par les clercs, le rôle des laïcs n’était pas rien ; ceux-ci n’étaient pas uniquement des « sujets » sans consistance, tandis que, durant le demi siècle précédant le Concile, bien des réflexions furent menées pour mieux mettre en valeur leur place. Les deux dernières parties s’enchaînent tout naturellement, qui présentent l’effervescence des années suivant le Concile au sein d’ « un catholicisme ébranlé par la crise de civilisation », puis les « maturations et apaisements ».

76L’enquête est certes fortement centrée sur l’Église de France. Mais un tel livre a le mérite de donner un panorama des réalités ecclésiales où l’action des laïcs est bien réelle. En même temps, il fait mieux comprendre que l’Église est une réalité bien spécifique et complexe, qui ne fonctionne pas uniquement sur base de critères politiques, sociologiques et autres du même genre, et dans laquelle, tout en préservant le caractère « institutionnel » qui ne peut jamais être mis entre parenthèses, la prise en compte de la « richesse » de tous ses membres est certainement le meilleur critère pour que la mission de cette Église soit menée à bien. — B. Joassart sj

Montaldi G., In fide ipsa essentia revelationis completur. Il tema della fede nell’evolversi del concilio Vaticano II : la genesi di DV 5-6 e i suoi riflessi, coll. Tese Gregoriana – Serie Teologia 126, Roma, PUG, 2005, 24x17, 624 p., 35 €. ISBN 88-7839-043-7

77Diverses études sur les textes de Vatican II voient le jour, après quarante ans ; il faut en rendre grâce. Témoin cette thèse volumineuse d’un membre de la Congrégation de la sainte famille de Nazareth, actuellement directeur de l’Institut Piamarta de Brescia, thèse que l’A. a défendue à l’Université grégorienne sous la direction du prof. J. Wicks.

78Il s’agit en fait d’une étude approfondie des paragraphes 5 et 6 de la constitution dogmatique Dei Verbum comme fondement de notre foi, en réponse à la révélation divine. Un premier chap. porte sur la méthode du travail et l’enjeu du document, l’A. divise ensuite son analyse en trois parties. La première est consacrée à l’histoire de la genèse du texte, de 1962 à 1965. La deuxième considère comment la réflexion sur la foi s’est développée tout au long de l’élaboration du texte, avec une attention toute spéciale aux paragraphes 5 et 6 du 1er chapitre de la constitution (l’accueil de la révélation et son rapport avec la connaissance naturelle de Dieu), suite aux discussions entre G. Garrone et S. Tromp à propos des sources de la révélation et les rédactions successives du document. La troisième partie s’attache à réfléchir sur la foi comme adhésion des fidèles à la révélation de Dieu à travers sa parole, dans le sillage du concile Vatican I. Cette étude est destinée particulièrement aux théologiens spécialistes en la matière. Elle est une mine de renseignements concernant les discussions et l’élaboration du texte conciliaire. Une bibliographie précise et un index des auteurs cités témoignent du sérieux du travail. — J.R.

Neusch M., L’énigme du mal, éd. revue et augmentée, Paris, Bayard, 2007, 21x15, 200 p., 15 €. ISBN13 978-2-227-47689

79On ne peut que se réjouir de la réédition de ce texte paru en 1990 (dans la série « Parcours » au Centurion et sitôt réimprimé en 1992) non seulement en raison de sa qualité intrinsèque, mais encore parce qu’elle nous vaut quatre Annexes sur des questions en débat. Un état des lieux à propos de questions toujours à réexaminer : le péché originel est-il à l’origine du mal ? (ici le familier d’Augustin qu’est le P. Neusch nous offre un rappel succinct mais très clair de l’histoire de cette doctrine) ; une prise de position très ferme, philosophique, anthropologique et sotériologique à propos de la réincarnation dont la promesse séduisante se révèle clairement hors pensée chrétienne ; une très sensible exposition de la « troublante question » de l’enfer dont « la possibilité […] ne peut être écartée au nom de la miséricorde de Dieu comme le fait la doctrine de l’apocatastase » (185) ; enfin les très belles pages en dialogue avec Hans Jonas justement titrées « L’excès de mal ou la faiblesse de Dieu ». Une précieuse bibliographie commentée complète cette réédition d’un travail dont on avait déjà apprécié en son temps, outre la tenue du propos, la très grande qualité, devrait-on dire pédagogique et pastorale. L’auteur s’explique : « Alors que le chapitre III, en présentant la folie de la croix comme la sagesse même de Dieu, constitue le pivot central du dispositif — ce qui indique que, pour nous, seule l’expérience du Christ est pleinement éclairante sur la question du mal —, le chapitre II s’intéresse aux sagesses humaines, sagesses qui se sont développées à la fois en dehors du Christ et au sein du monde chrétien, tandis que le chapitre IV analyse les attitudes face au mal, en particulier la pratique qu’engendre la foi au Christ. Les chapitres II et IV se répondent comme théorie et pratique. Quant au chapitre initial, en nous faisant entendre le cri de l’homme souffrant, il nous place d’emblée, à l’exemple de Dieu, du côté de la victime du mal. Le dernier chapitre évoque l’espérance que le Christ a éveillée au cœur de l’existence humaine, reprenant la question du sens ultime de l’existence humaine que le chapitre I avait laissée en suspens. » Modestement l’auteur parle de ce qu’il nous propose comme d’une « initiation », mais on ne le remerciera jamais assez de nous introduire ainsi à la méditation de notre salut et à l’engagement de notre vie aux côtés de Celui qui le premier nous a rejoints dans ce combat. Un livre à recommander sans réserve. — J. Burton sj

Péché (Le) originel. Heurs et malheurs d’un dogme, éd. Chr. Boureux et Chr. Théobald Chr., Paris, Bayard / Concilium, 2005, 21x15, 216 p., 25.80 €. ISBN 2-227-47420-3

80En rigueur de terme, le titre de ce volume n’est pas exact car, on le sait, la prudence de la Tradition et du Magistère catholiques n’a jamais assumé la doctrine du « péché originel » au rang d’une définition dogmatique. À Vatican II, le texte sur le péché originel qui avait été préparé fut explicitement écarté. Il n’en reste pas moins, et en raison même de cette situation, qu’il est de la première importance que soient régulièrement évaluées et la vérité que cette doctrine recèle et les dérives auxquelles elle a donné lieu. C’est à cette tâche que s’attèlent les onze théologiens convoqués par la revue Concilium et dont les éditions Bayard nous procurent la traduction française des contributions.

81Celles-ci sont regroupées sous trois titres : I. Relire l’histoire du « dogme » du péché originel ; II. Le « récit biblique » du péché originel dans le contexte des religions du monde ; III. Le péché originel comme « matrice culturelle » aujourd’hui. Une relecture conclusive importante (42 pages) est confiée à Christophe Théobald sous le titre : Le « péché originel » — une doctrine toujours controversée : réflexion sur un débat. On l’aura remarqué, les guillemets qui émaillent les titres cités indiquent le statut devenu problématique des concepts qui ont traditionnellement permis d’élaborer ce que Ricœur dénonçait comme « un faux savoir ». Nous sommes donc en plein chantier dont la complexité est due au fait que le débat se porte sur divers plans herméneutiques et entraîne comme un « conflit d’interprétations » où on peut repérer des positions différentes soutenues par des options épistémologiques issues de Kant (Cf. Conjectures sur le commencement de l’histoire humaine [1786] et La religion dans les limites de la simple raison [1793]) qui ouvrent « pour la première fois une ‘frontière épistémologique’ entre, d’une part, le récit historique en tant que représentation (ou ‘mythe’, en langage contemporain) ancrée dans l’espace et le temps, et, d’autre part, la tentative de penser le ‘passage’ inimaginable ‘de la tutelle de la nature à l’état de liberté’ et de ‘culture’ avec ses maux, ses vices et le mal » (177).

82Cela entraînera ce que d’aucuns estimeront, d’un point de vue dogmatique, être un « détournement sémantique » où « on en vient à une anthropologie de la faillibilité, déconnectée de la faute devant Dieu » (179). S’ajoutent encore d’autres situations décisionnelles quant à la théologie de l’histoire et quant à la conception de la théologie. La troisième partie du volume réclame elle aussi une appréciation que Théobald titre : « Le péché originel et sa référence à l’expérience ». Sa possibilité est discutée et ses modalités exposées au regard des positions prises par les intervenants. Enfin, et c’est le dernier titre de la reprise de Théobald, « nous devons nous demander si le topos classique du péché originel n’est accessible qu’à l’adhésion croyante au Christ, ou bien si on peut le faire remonter aujourd’hui de façon séculière à la catégorie du mal — accessible à tous les hommes, bien que différemment interprétée par les uns et par les autres — avec ses conséquences structurelles et fatalistes qui ne cessent de se dérober ». L’alternative est d’importance car deux menaces se profilent : un « monopole ‘augustinien’ de l’institution ecclésiale en matière de mal et de péché ; […] risque d’esquiver la fine pointe théologique de l’expérience du péché comme telle ». On examinera alors le péché du monde à la lumière de l’action messianique de Jésus : une façon de résister au mal. C’est là que toute dogmatique à propos de notre « origine » et de son « péché » doit venir pour reconnaître en vue de quel Adam le « premier » était crée, aimé et, dès avant la fondation du monde, sauvé. — J. Burton sj

Peelman A., Les nouveaux défis de l’inculturation, Bruxelles/Montréal, Lumen Vitae/Novalis, 2007, 21x14, 239 p., 22 €. ISBN 978-2-89507-775-6

83Le dialogue interreligieux a été abordé sous différents aspects : ecclésiocentrique, christocentrique, théocentrique … Le présent A., professeur à Ottawa, en appelle à un pneumatocentrisme, qu’il présente moins comme une stratégie pastorale que comme une aventure spirituelle, basée sur l’expérience universelle de l’Esprit (Rahner) et sur l’inversion trinitaire dans la vie de Jésus et l’histoire du salut : Père-Esprit-Fils (Urs von Balthasar). L’Esprit est proposé comme médiateur entre le Père et le Fils et créateur de l’expérience missionnaire de Jésus. Il y a priorité de la mission de l’Esprit sur la mission du Fils, les deux missions étant intimement liées. L’impatience eschatologico-militariste et la surobjectivation du message chrétien qui ont jadis été source de violence et d’intolérance font place ici au respect de l’autre et à la capacité de nous laisser toucher et transformer par l’autre : avant d’apporter Dieu aux autres, nous découvrons sa présence parmi les autres C’est le sens du dialogue intrareligieux, participation spirituelle à l’expérience spirituelle de l’autre. Il met fin à une marginalisation de l’Esprit, dont l’action apparaissait comme limitée par les frontières institutionnelles de l’Église. Parmi les divers autres sujets développés par l’A., notons l’intérêt particulier qu’il porte au dialogue avec les Premières Nations amérindiennes, auquel il a consacré plusieurs ouvrages. La bibliographie, riche de quelque 350 titres, ne mentionne le nom d’aucun théologien africain. À lire. — P. Detienne sj

Pellitero R., Ser Iglesia haciendo el mundo. Los aicos en la Nueva Evangelization, coll. Espiritualidad, San José (Costa Rica), Promesa, 2007, 21x13, 231p. ISBN 978-9968-41-137-0

84L’A., docteur en théologie de l’université de Navarre, reproduit ici quatre articles qu’il a consacrés à la vocation des laïques dans l’Église : les charismes et les ministères ; la triple fonction des laïques participant aux trois munera du Christ ; la contribution d’Yves Congar à la réflexion théologique sur le laïcat, avant, pendant et après le Concile ; la sanctification du monde et la transformation sociale d’après Josemaria Escriva, « grand précurseur de la doctrine conciliaire concernant les laïques ». Dans un dernier chapitre, inédit, L’engagement des laïques pour une civilisation de l’amour, l’A. évoque deux phénomènes étrangement contemporains : l’incroyance et la nouvelle religiosité. L’ouvrage est enrichi de nombreuses références aux textes officiels du magistère. — P.-G.D.

Philosophie et théologie. Festschrift Emilio Brito, éd. É. Gaziaux, Leuven, Univ. Press / Peeters, 2007, 24x16, lvii-588 p., 84 €. ISBN 978-90-429-1957-0

85Après quelque 25 ans d’enseignement de la théologie à l’Université Catholique de Louvain, le Professeur Emilio Brito sj accède à l’éméritat : ses cours et sa recherche ont sans cesse promu le dialogue rigoureux entre philosophie et théologie. Son jeune collègue Eric Gaziaux a pris l’initiative de contacter 32 personnalités universitaires pour produire ce volume : 6 de l’UCL, 4 de la KUL, 3 de l’Université de Poitiers, 2 de l’Institut d’Études Théologiques de Bruxelles, etc., en français, anglais, allemand, italien et espagnol. Les contributions sont réparties en deux sections : approches historiques (20) et thématiques (12). Sans oublier la substantielle introduction du Professeur Gaziaux lui-même. Dans une première partie, il relit toute l’œuvre scientifique du P. Brito, résumé qui tient presque de l’exploit par sa concision et son exhaustivité. En effet, cette œuvre est constituée de 10 volumes et 122 articles dont nous possédons toutes les références bibliographiques au début du Festschrift. Parmi ces 10 ouvrages, la moitié comptent entre 650 et 800 pages, et ils s’attaquent tous à des géants de la pensée : Hegel, Schelling, Fichte, Schleiermacher, Heidegger et Thomas d’Aquin. M. Gaziaux nous présente même la prochaine publication du P. Brito à la BETL, Philosophie moderne et christianisme, qui interrogera 90 philosophes et théologiens du XVIIe au XXe siècle sur leurs conceptions des rapports entre philosophie et christianisme. La seconde partie de l’introduction nous propose un résumé de toutes les contributions qui suivront et qui tournent toutes, d’un point de vue donné, autour des thèmes principaux de l’œuvre du P. Brito.

86J.S. O’Leary part d’Origène, J. Famerée de la théologie orientale, J.-M. Counet de Thomas et Denys l’Aréopagite, Ph.J. Rossi de Kant. D’autres traitent plus directement de l’idéalisme allemand : L. De Vos, G. Gérard, B. Pottier, J.-L. Vieillard-Baron et E. Tourpe. M. Leiner évoque Schleiermacher, J.-Y. Lacoste Kierkegaard, A. Roux Schelling, Cl. Troisfontaines et R. Virgoulay Blondel (et Teilhard). Deux auteurs traitent de Karl Barth : H.J. Adriaanse et B. Bourgine ; et les deux suivants de Heidegger : B. Vedder et J. Bloechl. P. De Vitiis part de Gadamer et É. Ganty de Weil. Nous abordons ensuite les contributions thématiques. Trois sont centrées sur la religion : A. Vergote, D. Mieth et J.C. Scannone. Ph. Capelle s’interroge sur la phénoménologie française, D. Müller sur les origines, L. Boeve sur la post-modernité, A. Torres Queiruga sur les sacrements, H. De Dijn sur la morale moderne. M.-A. Lescourret part de Levinas et le volume s’achève sur trois méditations phénoménologico-métaphysiques : A. Peperzak, P. Gilbert et M. Vetö. — B. Pottier sj

Pié-Ninot S., Ecclesiologia. La sacramentalità della comunità cristiana, coll. BTC 138, Brescia, Queriniana, 2008, 23x16, 734 p., 68.50 €. ISBN 978-88-399-0436-6

87La présente traduction italienne reprend l’ouvrage publié en espagnol en 2006 par un célèbre professeur de théologie fondamentale et d’ecclésiologie de la Faculté de théologie de Barcelone et de l’Université Grégorienne de Rome. Le sous-titre : « La sacramentalité de la communauté chrétienne » nous livre la perspective choisie par l’A. pour développer sa réflexion sur l’Église. Celui-ci prône en effet le passage d’une approche juridique et apologétique de l’Église à une approche « sacramentelle », dans la perspective des Pères et de la grande scolastique médiévale, retour déjà opéré par Vatican II.

88La sacramentalité sert donc ici de principe herméneutique pour éclairer la fondation de l’Église de la part de Jésus et des apôtres. Elle fournit de plus sa structure à la réflexion grâce à ses trois dimensions que l’A. développe longuement dans la deuxième partie de l’ouvrage : la « réalité théologale dernière » de l’Église (res sacramenti ecclesiæ) est l’Église comme filiation avec Dieu et fraternité entre les hommes dans le Christ ; son signe extérieur (sacramentum / signum ecclesiæ) est l’Église comme société. Tout en s’engageant sur le chemin de la sacramentalité, l’auteur reste attentif aux thèmes traditionnels de l’Église « peuple de Dieu » et « corps du Christ ». On remarquera néanmoins que la dimension de l’Église comme « Épouse du Christ » est assez peu présente et ne trouve même pas place dans l’index thématique. Or si l’Église veut rester crédible, elle doit passer par là : « L’amour seul est digne de foi ». — E. Barucco

Ponga S., L’Écriture, âme de la théologie. I. Le problème de la suffisance matérielle des Écritures, préf. S. Pié-Ninot, coll. Théologies, Paris, Cerf, 2008, 24x15, 512 p., 44 €. ISBN 978-2-204-08287-7

89Publié avec une intéressante bibliographie et un index (où manque P. Piret, cité tout au long), ce fort volume d’un religieux de la Communauté des Béatitudes publie une thèse soutenue à la Grégorienne pour affronter une question rarement reprise depuis Vatican II : « pourquoi faut-il affirmer (sans soutenir une suffisance matérielle des Écritures) que la théologie chrétienne n’a pas d’autres fondements et critère de scientificité que la vérité révélée des saintes Écritures ? « (29). Les deux premières parties évaluent brillamment la théologie préconciliaire et proposent une nouvelle approche à partir de Dei Verbum 24 (en restituant, comme M. Gilbert l’avait fait précédemment, la métaphore de l’âme à la Compagnie de Jésus, et plus exactement aux « deux provinces belges des jésuites ») ; la troisième trouve dans le Verbe de Dieu la vérité formelle des Écritures et la quatrième va du kérygme (le noyau fondamental) au dogme (où l’universel concret de Nicolas de Cuse se traduit actuellement en solidarité rédemptrice).

90Ainsi en vient-on dans la cinquième partie aux deux chapitres essentiels, où la question du début est reprise (334 ; cf 349) et un nouveau status quaestionis proposé, égrenant six tentatives non concluantes de résoudre le débat et d’autres recherches paraconcilaires, dont celle (satisfaisante) de J. Ratzinger. La suffisance matérielle est alors critiquée du point de vue de l’histoire, de la philosophie, de la théologie. Pour finir, l’auteur propose, en retraversant à nouveau l’histoire de la théologie, sa propre hypothèse : la suffisance véritative des Écritures (notion qu’il emprunte au P. de la Potterie, 431). Ici, les Écritures sont la médiation objective de la Révélation d’une vérité salvifique, elles ont ce qui est essentiel pour découvrir la vérité du salut (445). La conclusion relit plusieurs fois la thèse et la résume.

91L’ouvrage comporte encore deux excursus, l’un sur Congar (la Tradition), l’autre sur Rahner (la Révélation). Les notes envahissent plus qu’à leur tour la plus grande partie de la page, et les citations sont souvent fort nombreuses, genre littéraire oblige. Mais l’ensemble du volume forme un travail (dont répétons-le, la cinquième partie représente le cœur) incontournable, pour saisir par le fond les enjeux du Synode sur la Parole de Dieu. — N. Hausman scm

Ramazani Bishwende A., Ecclésiologie africaine de famille de Dieu. Annonce et débat avec les contemporains, coll. Études africaines, Paris, L’Harmattan, 2007, 24x16, 193 p., 18 €. ISBN 978-2-296-02752-7

92Après avoir publié : Église-famille de Dieu. Esquisse d’une ecclésiologie africaine, L’Harmattan, Paris, 2001, (NRT 124 [2002] 480-481), l’A. nous livre le deuxième tome d’une trilogie portant sur l’ecclésiologie de l’Église-famillede-Dieu en Afrique. Dans ce tome il ouvre un débat avec les sciences humaines pour une réception critique de l’évangélisation coloniale de l’Afrique. L’ouvrage s’articule autour de 4 sections égales. La première section jette les bases théologiques et sociologiques des concepts-clés tels que : communion, société, institution, charisme, idéologie et utopie. La deuxième section couvre les philosophes et anthropologues qui ont abordé les sociétés africaines sous le signe de l’étrangeté, voire du primitivisme sauvage par rapport aux sociétés « raffinées » et « civilisées » d’Europe (Hegel, Gobineau, Morgan, Lévy-Bruhl). La troisième section procède à une auscultation phénoménologique des sociétés africaines contemporaines aux prises avec la mondialisation néolibérale et écartelées entre les traditions africaines et la modernité occidentale. L’A. s’interroge aussi sur le rapport entre le Dieu des Africains et le Dieu de la Révélation chrétienne. S’agit-il du même Dieu ? J’aurais voulu qu’il se prononce un peu plus clairement en répondant par oui ou non s’il s’agit bien du même Dieu dans les deux situations et pour quelles raisons théologiques. La dernière section réfléchit sur le modèle de la famille à promouvoir en Afrique, en analysant la crise des États postcoloniaux (dialogue avec Hegel, Marx, Engels), en dévoilant les questions de la violence dans les familles africaines (dialogue avec Freud et Lacan) et enfin, en proposant un modèle ecclésial basé sur la fraternité universelle et christologique. Cet ouvrage a le mérite de synthétiser les questions du thème de l’Église-famille-de-Dieu en Afrique en ouvrant un dialogue épistémologique et théologique avec les sciences humaines contemporaines. — B.É. Awazi Mbambi Kungua

Ratzinger J., Ils regarderont Celui qu’ils ont transpercé. Contributions à une christologie spirituelle, tr. R. Kremer et M.-L. Wilwerth-Guitard, 2006, 21x14, 160 p., 19.9 €. ISBN 2-7067-0437-3

93Dédié à la mémoire du Père A.Grillmeier, ce recueil d’études connaissait déjà sa deuxième édition allemande en 1990, mais c’est la première fois qu’il est traduit en français ; et il n’a pas vieilli. La première partie est justement titrée « Fondements théologiques d’une christologie spirituelle » et comporte trois études ; la seconde, faite également de trois études, s’intitule « Prolongements méditatifs ». Après d’importants « points de repères christologiques » (chap.I) formulés en sept thèses (dont la principale est que le troisième concile de Constantinople éclaire pleinement le sens du dogme de Chalcédoine), l’auteur expose la « teneur et [le] fondement du culte et de la dévotion au Sacré-Coeur de Jésus » dans un chapitre capital qui voit l’encyclique Haurietis aquas reprendre et surpasser les efforts d’Hugo Rahner. Le troisième chapitre médite « sur le lien entre Eucharistie, communauté et mission dans l’Église » pour s’achever sur « la question des excommuniés » (d’importantes ouvertures de Bonaventure et déjà d’Augustin sont à considérer de très près). La seconde partie propose en fait plusieurs homélies qui vont de la Cène à Pâques, en passant par la nuit de Gethsémani et la descente « au royaume de la mort ». Isaac lui-même n’a-t-il pas vu, dans le bélier, le jeune agneau « qui s’est laissé prendre dans les broussailles de l’histoire, qui s’est laissé ligoter et a pris notre relève … ? ; en fin de compte, il a vu ce que Jean avait vu à Patmos …, un Agneau debout comme égorgé » – Dieu rend ainsi à l’homme le rire de joie (« alors, vous rirez », cf Jn 16,20) qui devient hymne de louange (134 ; cfr 137-139). — N. Hausman scm

Ratzinger card. J., La Parole de Dieu. Écriture Sainte – Tradition — Magistère, tr. Traductif, Paris, Parole et Silence, 2007, 21x14, 142 p., 17 €. ISBN 978-2-84573-518-7

94Afin de mieux saisir la pensée de l’A., devenu Benoît XVI, sur la Parole de Dieu, trois ouvrages édités dans la collection « Quaestiones Disputatae » en 1961, 1965 et 1985 sont rassemblés en un seul livre.

95La première partie traite du rapport entre le primat et l’épiscopat. Après avoir rappelé le bien commun de l’Église à ce sujet et affirmé que Vatican I rejette aussi bien le papisme que l’épiscopalisme, il souligne que l’Église est comme une ellipse à deux points focaux. Pour clarifier ce rapport, il analyse le concept de succession apostolique qu’il définit comme « la présence vivante du Verbe sous la forme personnelle du témoin ». À partir de là, il distingue entre le poids des sièges épiscopaux et des sièges apostoliques, dont celui de Rome, pour ébaucher une solution.

96La deuxième partie porte sur le concept de Tradition. Afin de progresser dans le dialogue œcuménique, l’A. situe d’abord la Tradition par rapport à la Révélation qu’il conçoit comme une réalité vivante communiquée par la foi, présence du Christ en son Église. Ensuite, il analyse le décret du concile de Trente à l’aide des interventions des pères conciliaires. Il montre que la Tradition comporte quatre éléments : la transcription de la Révélation dans l’Évangile et dans les cœurs, le Saint Esprit s’exprimant continûment dans l’Église, l’activité conciliaire de l’Église et la tradition de la messe et la tradition globale de la vie dans l’Église.

97La troisième partie traite de l’exégèse. L’A. se demande comment concilier les exégèses historico-critique et théologique ? Pour cela, il invite à faire une autocritique de l’exégèse historique qui permet de constater que les différentes exégèses diachroniques « reflètent davantage ‘l’esprit de ces messieurs’ que l’esprit des temps anciens ». L’A. s’y essaie ensuite d’après le paradigme de la théorie de la méthode de Martin Dibelius et Rudolf Bultmann et propose enfin quelques éléments fondamentaux d’une synthèse nouvelle. — B. de Baenst

Sanna I., L’identità aperta. Il cristiano e la questione antropologica, coll. BTC 132, Brescia, Queriniana, 2006, 23x16, 449 p., 28 €. ISBN 88-399-0432-8

98La nature humaine est remise en question par la globalisation et la biotechnologie qui en modifient les apparences. I. Sanna, pro-recteur de l’Université du Latran et professeur d’anthropologie, aujourd’hui archevêque d’Oristano, veut présenter la notion chrétienne de la nature humaine, son « identité forte » contraire à l’« identité faible » qu’en offre le monde postmoderne.

99La thèse de ce livre affirme que la perception de l’homme comme « image de Dieu », si elle est bien comprise, peut protéger la véritable humanité de l’homme. Cette conception « forte » vaut pour tous les hommes. L’identité personnelle est à la base de toutes les autres identités, culturelles, nationales, religieuses, etc. Or la science fait de l’identité humaine un simple « processus » en évolution continue et non pas une donnée stable, car elle la fait dépendre des données socio-culturelles. Or seule l’identité forte de l’homme comme « image de Dieu » rend cette identité indépendante de la race, de la nationalité ; elles est valable pour tous les temps et toutes les cultures, car elle est spirituelle. Dieu crée des personnes concrètes « à son image » ; c’est l’essentiel de l’anthropologie chrétienne. Pareille anthropologie peut dialoguer avec les autres anthropologies. « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu », a-t-on dit. Jésus-Christ synthétise en sa personne cette identité de l’homme (corps et âme) à l’image de Dieu Un et Trine.

100La crise de Dieu conduit à la crise de l’homme et à celle de la métaphysique avec ses trois pôles : Dieu, l’homme et le monde. La nature de l’homme est devenue manipulable par la biotechnologie. Mais à lui seul le « bien-être » n’enrichit pas notre « être ». Le vrai problème à notre époque n’est pas l’athéisme, mais l’homme lui-même, ou plutôt une « science sans conscience » qui prétend résoudre tous les problèmes humains sans la foi et sans la religion.

101Certes, le point de vue chrétien suppose la foi, mais l’Église et les chrétiens ont le devoir d’apporter leurs réponses pour aider les hommes à trouver de vraies réponses aux questions difficiles que posent les sciences. Ce livre clair et profond, respectueux des opinions différentes, nous aide à approfondir l’une des questions les plus délicates de notre temps et à mieux comprendre le point de vue des incroyants. — B. Clarot sj

Singles D., L’homme debout, Le credo de saint Irénée, Paris, Cerf, 2008, 21x13, 159 p., 18 €. ISBN 978-2-204-08672-1

102Comment s’exprimait la foi de l’Église avant les premiers conciles ? L’A. cherche la réponse dans le Contre les hérésies (circa 180), un ouvrage dans lequel Irénée, évêque de Lyon, disciple de Polycarpe qui fut lui-même disciple de l’apôtre Jean, dénonce et réfute divers systèmes gnostiques apparus en son temps. Cet écrit polémique du « premier théologien de l’époque post-apostolique » s’avère être un véritable exposé de la foi chrétienne : c’est la contention de la présente étude, proposée sous forme d’un commentaire du credo des apôtres. Glanons-y quelques bribes. Dieu crée de ses deux Mains : le Verbe et la Sagesse. L’image de Dieu, inscrite dans la chair de l’homme, est fragile : Adam est un enfant qui fait une crise de croissance, et qui pèche plus par inadvertance que par malice. Irénée ne parle ni de péché originel ni d’expiation : le grand pécheur, c’est Caïn qui a refusé de « s’adoucir ». L’incarnation est inscrite dans le plan originel : « le Verbe à cause de son surabondant amour s’est fait cela même que nous sommes, afin de faire de nous cela même qu’il est ». Le Seigneur a sanctifié tous les âges : il a approché la cinquantaine (Jn 8, 56-57). Nous sommes des êtres inachevés : la mort ne met pas fin à notre espérance de progresser. L’Esprit est l’âme de la communion des saints : comme l’eau est nécessaire à la farine pour devenir une seule pâte, ainsi nous, qui étions une multitude ne pouvons devenir « un » dans le Christ Jésus sans l’Eau venue du ciel. Concluons avec Irénée : « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant ; et la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu. » — P. Detienne

Siviglia I., Antropologia teologica in dialogo, coll. Nuovi saggi teologici 71, Bologna, EDB, 2007, 22x14, 340 p., 28 €. ISBN 978-88-10-40583-3

103Docteure en théologie, Ina Siviglia enseigne l’anthropologie théologique à Palerme. Elle constate qu’avec les énormes progrès en sciences biologique, sociale, psychologique du siècle passé et dans le contexte planétaire et pluraliste actuel, la question anthropologique s’impose de façon nouvelle dans le débat culturel. Il faut repartir de l’homme et repenser le rôle de l’anthropologie en théologie.

104Depuis une cinquantaine d’années, l’anthropologie théologique a réussi à unifier de façon organique plusieurs thèmes théologiques autour de l’incarnation du Christ et de sa relation à l’homme. On a ressenti par la suite la nécessité de resituer l’anthropologie parmi les autres disciplines théologiques, et tout particulièrement avec les sciences humaines, domaine qui la concerne. Elle procède en huit étapes : d’abord la question épistémologique et les problèmes de méthode, puis l’anthropologie théologique dans l’Écriture, dans l’incarnation du Christ, l’ecclésiologie, la mariologie et enfin dans ses relations avec la théologie pastorale (le mariage comme chemin de sainteté) et avec la théologie spirituelle chez Edith Stein.

105Le livre aborde des sujets stimulants, mais peut-être de façon un peu trop théorique. — B.C.

Spronck J., La patience de Dieu. Justifications théologiques du délai de la Parousie, coll. Tesi Gregoriana – Serie Teologia 160, Roma, PUG, 2008, 24x17, 352 p. ISBN 978-88-7839-116-1

106Écrite dans un style limpide, la thèse de l’abbé liégeois s’intéresse à la question théologique du délai de la Parousie (ou encore de « l’interim ecclésial ») et aux facteurs qui peuvent hâter ou retarder la transfiguration du huitième jour : « pourquoi Dieu diffère-t-il son intervention eschatologique ? ».

107Une première partie étudie le NT et la littérature chrétienne primitive. En fait, six passages sont retenus dont l’analyse se prolonge par une investigation patristique (qui va jusqu’à saint Bernard et la constitution Benedictus Deus) ; il s’agit des paraboles de l’ivraie et du filet (Mt 13,24-30), du paysan qui attend le fruit de la terre (Mc 4,26-29), du figuier improductif (Lc 13,6-9) ; puis viennent le discours eschatologique à propos de l’évangélisation des nations (Mc 13,9-13), l’objection du retard de la Parousie (2 P 3,3-15a) et enfin, le cri des martyrs sous l’autel (Ap 6,9-11, avec une importante digression paulinienne).

108En deux pages de transition, les arguments dégagés sont récapitulés et la deuxième partie, systématique, prend la suite pour une étude de quelques théologiens contemporains (et leur évaluation critique) dans leur manière d’articuler cette même thématique : en particulier le « déjà accompli » et le « pas encore achevé » de l’histoire du salut chez Cullmann (mais aussi chez Schweitzer, Dodd, Bultmann), et la double nature du Verbe incarné chez Daniélou. Repartant alors du mystère pascal, le dernier chapitre (qui s’appuie sur Ratzinger et Cyprien) découvre dans la patience du Christ à l’égard des pécheurs la justification de « la lenteur de Dieu à juger eschatologiquement et à faire éclater la gloire de son Règne » (269) et le délai de la Parousie comme « passion continuée » et « espoir eschatologique » du Christ. La conclusion montre dans le désir ardent du dernier avènement le fruit de l’Esprit d’Amour ou la transformation en attente de ce qui semble scandale. Bibliographie et index d’usage concluent l’étude ample et rigoureuse d’un sujet décisif. — N. Hausman scm

Tillich P., Théologie systématique III. Troisième partie : L’existence et le Christ, tr. A. Gounelle, M. Hébert, Cl. Conedera, Québec / Paris / Genève, Pr. Univ. Laval / Cerf / Labor & Fides, 2006, 21x15, 288 p., 24 €. ISBN 2-7637-8367-8

109Ce volume constitue la traduction française de la troisième partie (sur un total de cinq) de la Théologie systématique de Tillich et expose la christologie du théologien protestant. Elle a été établie à partir du texte anglais originel, celui de l’édition américaine, mais elle comporte en notes toutes les variantes de la version allemande qui avait été soumise à l’A. Elle ne reprend pas et diffère donc substantiellement de la première traduction française de l’ouvrage établie en 1980 par Fernand Chapey. L’ambition du théologien allemand, dans ce qui constitue la partie centrale de sa théologie, est de reformuler le cœur du message chrétien dans un langage qui tienne compte des exigences de l’expérience et de la pensée contemporaines.

110Son ouvrage comporte deux grandes sections. La première s’attache à une description de la condition humaine dans une optique largement inspirée par l’existentialisme contemporain. L’être humain souffre d’une scission intime entre ce qu’il est et ce qu’il devrait être et Tillich reprend à Hegel le concept d’aliénation pour décrire cet état de misère constitutif, concept qu’il rapproche de la notion biblique de péché. Il montre finalement comment l’aliénation humaine engendre une aspiration au salut. La seconde section est centrée sur la réalité du Christ et montre comment celle-ci remédie à l’aliénation. Elle tente de comprendre comment l’Être Nouveau se réalise dans le Christ, lui qui permet à chaque homme de devenir enfant de Dieu. Elle affronte le problème de l’historicité de Jésus et réévalue les affirmations christologiques traditionnelles à la recherche d’une reformulation mieux compatible avec les exigences de la pensée contemporaine. — P. Dasseleer

Torres Queiruga A., Ripensare la risurrezzione. La differenza cristiana tra religioni e cultura, tr. de l’espagnol, coll. Nuovi saggi teologici 70, Bologna, EDB, 2007, 22x14, 366 p., 32 €. ISBN 978-88-10-40579-6

111Voici un livre excellent, éclairant, mais déconcertant pour beaucoup. L’A. est un des meilleurs penseurs chrétiens espagnols et enseigne la philosophie de la religion. Il veut repenser le mystère de la résurrection en fonction de notre sensibilité culturelle et de nos questions face à la mort. Il note que, jusqu’en 1960, les théologiens catholiques ne comprenaient pas vraiment l’importance de la résurrection et centraient tout sur l’incarnation du Christ et sa passion.

112De là vient la nécessité de “repenser” la résurrection, comme l’annonce le titre, en tenant compte d’une récente christologie concrète et réaliste, de la discrétion de Dieu dans son œuvre et de la nouvelle façon de voir la révélation. Pour demeurer vivante, la foi doit se renouveler continuellement et devenir expérience effective. Cela est surtout vrai pour la foi en la résurrection si nous voulons qu’elle garde son dynamisme et sa force d’espérance. La modernité nous a obligés à repenser beaucoup de points de notre foi, et les problèmes d’interprétation (herméneutique) ont pris une importance capitale.

113L’A. veut exprimer avec nos conceptions actuelles ce que les premiers témoins de la résurrection ont tenté de dire à leur époque avec leur mentalité. Il demande aux lecteurs d’entrer dans la logique d’ensemble de son livre et de le lire jusqu’au bout pour avoir une vue globale de sa position avant de le juger. Il admet que son interprétation laisse place à d’autres interprétations. À chacun de juger et de choisir ce qui nourrit le mieux sa foi. Car s’il critique les conceptions antérieures (nullement de foi), c’est pour arriver à une conception plus moderne et plus profonde de l’expérience de foi. A. Torres insiste en effet fortement sur l’expérience de foi des apôtres et sur la nôtre, tout en reconnaissant que le mot “expérience” comporte pas mal d’interprétations et d’ambiguïtés.

114Beaucoup seront probablement déconcertés par les positions radicales de l’A. sur le tombeau vide et les apparitions. Mais il est nécessaire de les connaître et d’essayer de les comprendre avant de s’y opposer au besoin. — B. Clarot sj

L’uomo ultimo. Per una antropologia cristiana e francescana, éd. G. Pasquale et P.G. Taneburgo, coll. Teologia viva 53, Bologna, EDB, 2006, 22x14, 128 p, 11 €. ISBN 88-10-40967-1

115En 2005, un forum a été réuni à Venise par les capucins pour fêter la promulgation de Gaudium et spes dont J.-P. II fut l’un des derniers rédacteurs (Il y eut 8 rédactions successives). Le concile a opéré un « tournant théologique » et enraciné l’anthropologie dans la christologie ; mais dès 1966, G. Dossetti signalait l’absence d’une anthropologie surnaturelle précisant ce qu’est l’homme selon la Révélation.

116C’est l’intuition de François d’Assise, constructeur d’une fraternité universelle, qui guide ce volume. Dans sa présentation, G. Pasquale, l’un des deux capucins éditeurs de ce forum, présente et résume les 5 articles en parlant d’une « éthique de l’intelligence et de la pensée ». Le monde évolue très vite, l’homme devient de plus en plus individualiste, centré sur ses émotions, sans valeurs objectives, avec une liberté sans limites. La « question anthropologique » montre que l’éthique doit être le fruit de convictions portant sur le sens de la vie et sur notre destinée, c’est-à-dire la vocation finale, surnaturelle de l’homme qui doit commander l’éthique politique et sociale, pour en arriver à une éthique de la responsabilité.

117Un article étudie l’anthropologie de François d’Assise et un autre l’apport des capucins. Les trois derniers présentent le salut de l’homme intégral, la valeur de l’anthropologie chrétienne face à l’anthropologie sécularisée et enfin « le projet culturel » de l’Église italienne élaboré en 1995. — B.C.

Varillon Fr., Éléments de doctrine chrétienne (1960), Paris, DDB, 2007, 21x14, 604 p., 24 €. ISBN 978-2-220-05866-5

118L’ouvrage a d’abord consisté en une centaine de fiches mensuelles anonymes, rédigées, entre 1947 et 1955 (avec, au début, l’éphémère collaboration du P. Congar), à l’intention de l’Association Catholique de la Jeunesse Française (ACJBF). Editées sous forme de livre (en deux tomes, à deux reprises : Épi, 1960-1961 ; Seuil, 1966) et traduites en plusieurs langues, elles sont aujourd’hui reproduites, en un seul tome, sans commentaire. Leur auteur, François Varillon sj, peu avant sa mort en 1978, en a évoqué le souvenir (voir « Beauté du monde et souffrance des hommes »). Qu’en retenons-nous ? Leur présentation historique, christique, mystique et doctrinale doit beaucoup aux Pères de Montcheuil et de Lubac : le dogme de la Trinité n’y est proposé qu’après sa découverte dans l’évangile ; le Décalogue est inséré dans le Sermon sur la Montagne … L’ouvrage semble avoir atteint les étudiants de la JEC (et les prêtres !) plus que les ouvriers de la JOC et les paysans de la JAC. Beaucoup de fiches seraient aujourd’hui à refaire : concernant le mariage, le retard du baptême, la confirmation, la reformulation des dogmes … Il n’y a pas de chapitre sur le miracle : la fiche n’a pas paru suffisamment orthodoxe aux yeux du P. d’Ouince, le confrère que l’A. se félicite d’avoir eu comme réviseur tout au long de son travail. Une réimpression qui réjouira les nombreux disciples du P. Varillon. —P.-G.D.


Date de mise en ligne : 23/04/2015

https://doi.org/10.3917/nrt.312.0480

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