Couverture de NRT_312

Article de revue

Morale et droit

Pages 374 à 387

Böckenförde E.W., Cristianesimo, libertà, democrazia, ed. M. Nicoletti, coll. Filosofia n.s. 41, Brescia, Morcelliana, 2007, 24x15, 364 p., 24 €. ISBN 978-88-372-2187-4

1Professeur de droit dans quatre Universités allemandes successives et longtemps juge au tribunal constitutionnel allemand, le catholique qu’est B.E.W. nous livre ici sa pensée sur la religion et la politique. Loin de toute idéologie, il place la discussion sur son vrai terrain, la cohabitation pacifique entre citoyens dans la liberté et la justice. Il étudie particulièrement 4 domaines.

2I. Liberté, conscience et autorité. L’état moderne est l’aboutissement d’un processus de sécularisation où le pouvoir politique s’est rendu indépendant du pouvoir religieux. La liberté de religion et de conscience y a joué un rôle central. La déclaration sur la liberté religieuse faite à Vatican II représente un tournant copernicien dans la position de l’Église : on est passé des droits de la seule vérité au droit de la personne humaine. Contrairement aux déclarations antérieures, le christianisme se comprend comme « la religion de la liberté » et l’Église admet que la liberté de conscience est « un droit naturel ». Dès lors, l’Église accepte que le droit naturel peut changer ou du moins son interprétation par le magistère ecclésiastique. Il suit que l’infaillibilité pontificale se limite aux déclarations officielles faites ex cathedra et n’inclut pas les encycliques et l’enseignement ordinaire des papes.

3Si, sur un point, le magistère et le sensus fidelium s’affrontent, le magistère devrait prendre cette opposition au sérieux et revoir ses positions (on pense ici à l’encyclique Humanae vitae à propos de la pilule). Le magistère ne devrait pas être source d’ordres, de commandements, mais un dynamisme d’autorité-confiance, sans soumission aveugle, mais respectueux du jugement des personnes. En dehors des rares déclarations infaillibles, le magistère doit favoriser la conscience critique des fidèles. Hélas ! Le Droit canon (752) a de nouveau exigé « un assentiment religieux de l’intelligence et de la volonté » au magistère papal et épiscopal en matière de foi et de morale. On nie ainsi tout espace à l’exercice de la raison autonome qui seule peut aider l’autorité religieuse à revoir ses positions, comme ce fut le cas pour la liberté religieuse.

4II. L’Église et l’État moderne. L’Église a aidé à désacraliser le pouvoir et à proclamer la dignité infinie de la personne humaine, mais elle a freiné la liberté religieuse et la propriété individuelle. L’A. distingue État neutre et État laïc. L’Église peut aider indirectement l’État en prônant l’obéissance, la solidarité, le sacrifice.

5III. Éthique, droit naturel et justice. La démocratie a besoin d’une éthique démocratique qui accepte les principes de la démocratie : liberté, égalité, acceptation de la majorité, défense de la démocratie. Il faut arriver à éviter le drame de la dictature nazie qui a eu accès démocratiquement au pouvoir. L’A. met au point quelques idées sur le droit naturel chrétien. Il précise qu’il n’est pas question de rejeter le droit naturel, mais affirme que celui-ci est toujours à redécouvrir et à réinterpréter selon les circonstances changeantes.

6IV. Le problème de la théologie politique. Le message chrétien n’est pas politique. Il est l’annonce du salut, sans moyens politiques pour le faire accepter. Mais tout discours théologique a des effets politiques puisque la politique intervient dans presque tous les domaines de la vie humaine. L’Église allemande aurait-elle dû proclamer la désobéissance face à certains ordres nazis ? Elle n’a jamais voulu répondre à cette question. Que penser des théologies de la libération ? L’A. précise sa pensée à ce propos ainsi qu’au regard d’autres problèmes qui ont secoué l’Église.

7Ce résumé donne une idée sur les richesses de ce livre et la pensée forte, structurée, équilibrée de l’A. On souhaiterait trouver d’autres juristes de cette trempe pour équilibrer la pensée des théologiens et des canonistes en vue du plus grand bien de l’Église. — B. Clarot sj

Camiade L., L’Amour trahi. Osons parler du péché, Paris, DDB, 2007, 21x14, 260 p., 23 €. ISBN 978-2-220-05860-3

8La première partie de cette « méditation sur le péché » tente un essai d’anthropologie des formes de la trahison dans les milieux occidentaux marqués par la tradition chrétienne ; son intérêt est de naviguer sans cesse de la philosophie contemporaine à la bande dessinée, du cinéma à la littérature et à la spiritualité. Or, « l’infidélité à la parole donnée est aussi le fruit d’une tentation spirituelle » dont il faudrait avertir tous ceux qui vont s’engager (83) ; « ne pas voir dans la désaffection des assemblées liturgiques et des séminaires un signe de la présence du mal serait un aveuglement » (91).

9Dans une seconde partie, l’A. voit la doctrine du péché originel s’articuler avec le drame de la rédemption en Christ : « la matrice du péché est devenue indissociable de la matrice du Salut, mais c’est la seconde qui donne sa forme à la première » (179). La troisième partie (« condamnation et miséricorde ») réfléchit à la situation de ceux qui ne se confessent plus, revient sur la véritable conception de l’enfer (contre les tendances « apocatastiques »), sur le pardon de l’impardonnable (ici reflue la figure transversale de Judas), pour finir par les amitiés humaines qui peuvent devenir rédemptrices. C’est que « Dieu offre à ces maudits que nous sommes une vocation sainte » ; « méditer sur le péché consiste essentiellement à contempler le mystère divin et s’approcher de l’Amour trahi » qui nous tend la main (256). — N. Hausman scm

Cantin A., Le mystère de la sexualité. Essai sur la signification des sexes, Paris, Cerf, 2008, 22x13, 125 p., 17 €. 978-2-204-08591-5

10L’A., membre des Fraternités monastiques de Jérusalem, est philosophe, non sexologue. Il présente ici vingt-quatre courts essais, aux titres suggestifs : p.ex. « L’égalité par l’inégalité acceptée ». Que retenons-nous ? L’A. commente l’affirmation paulinienne que l’homme est le chef de la femme. Il relève l’essence féminine de l’Église et l’affinité « entre le sexe que l’on dit deuxième et la bienheureuse deuxième Personne divine ». Il décrie la tentative de réparer l’effacement de la femme par un certain effacement de la féminité. Il exalte la grandeur de la dépendance : Marie est soumise à « Joseph qui représente le Père éternel ». Pour l’A., le féminin est trop profond et trop spirituel pour s’intégrer à l’ordinaire de la structure hiérarchique et ministérielle de l’Église. Il s’interroge : l’homme est-il le modèle humain sur lequel la femme doit s’aligner ? En homme, la femme est moins qu’homme et moins que femme. L’A. appuie ses arguments sur les dernières apparitions de Marie : à l’Ile-Bouchard (1947) et à Amsterdam (1945-1959), en attendant que la « Dame de tous les peuples » soit déclarée dogmatiquement corédemptrice, médiatrice et avocate de l’humanité. Un exposé franc, à la fois traditionnel et personnel (sans bibliographie et sans notes), qui ne manquera pas d’interpeller et de provoquer le lecteur. — P. Detienne sj

Catholic (The) Church and the International Policy of the Holy See – L’Église Catholique et la politique internationale du Saint-Siège, coll. Fondazione Europea Dragan 29, Milano, Nagard, 2008, 24x17, 337 p., 10 €. ISBN 978-88-85010-80-2

11La Fondazione La Gregoriana et l’Institut International Jacques Maritain ont organisé à Rome et à Turin (7-27 mai 2007), à l’intention de diplomates venus de seize pays du Maghreb et du Moyen-Orient, un cours consacré à la politique internationale de l’Église. Y sont intervenus une trentaine d’experts issus du Vatican (Congrégation pour les Églises Orientales, Congrégation pour les Évêques, Conseil Pontifical Justice et Paix, Caritas Internationalis, Institut pour les œuvres de religion …), de diverses universités (Rome, Turin, Parme, Gènes, Pise …) et de quelques ambassades (Liban, Maroc, Grande-Bretagne). Une première partie a présenté diverses structures : Église universelle et Églises locales ; le Saint-Siège et le Vatican ; le secrétariat d’État ; le rôle des représentations diplomatiques ; l’Église et l’ordre international ; les finances … Une seconde partie, dont le titre, nécessairement ambigu, était l’Islam et l’Occident, a traité essentiellement du dialogue interculturel et interreligieux. La dernière partie concernait l’action socio-économique de l’Église et les institutions d’inspiration chrétienne ; l’éthique et la finance, la responsabilité de l’entreprise … Notons également les interventions d’un ministre italien et d’un professeur de Beyrouth, qui ont proposé leurs points de vue sur le conflit israélo-palestinien. — P.-G.D.

Chomé É., Tends l’autre joue. Ne rends pas coup pour coup. Mt 5, 38-42 : Non-violence active et Tradition, coll. Sortir de la violence, Bruxelles / Louvain-la-Neuve, Lumen Vitae / CommunicActions, 2008, 25x18, 259 p., 18 €. ISBN 978-2-87324-336-4

12L’A., formateur en gestion des conflits, expose et critique différentes présentations (d’Augustin, de Thomas d’Aquin …) de l’interprétation traditionnelle de la péricope matthéenne 5, 38-42 : en invitant à tendre la joue, à laisser son manteau, à faire mille pas, le Christ propose non pas des préceptes mais des conseils, un idéal hors prise, une éthique d’intention … qui, de toutes façons, ne remet pas en cause la justification de la « guerre juste », une expression que le Catéchisme de l’Église Catholique (1992) entoure aujourd’hui de guillemets. Considérant que cette interprétation traditionnelle de non-violence passive, option individuelle élevée au rang d’acte héroïque, ne peut servir de norme en société, face au droit de légitime défense et au devoir d’assistance aux victimes, l’A suggère de lui substituer une interprétation contemporaine de non-violence active, telle que l’ont pratiquée Gandhi et Martin Luther King : l’opprimé s’attaque à l’injustice de l’oppresseur en en appelant à sa conscience : tout en aimant mon adversaire, je contre ses abus de pouvoir, sans riposte violente ni pacifisme irresponsable. L’ouvrage, aux dimensions insolites et à la typographie déroutante, est enrichi de nombreuses citations, et complété par d’abondantes notes qui couvrent un quart du volume. Intéressant et ingénieux. — P. Detienne sj

Ciccone L., L’inconfessabile et il confessato. Casi e soluzioni di 30 problemi di coscienza, coll. Problemi e documenti, Milano, Ares, 2007, 18x12, 196 p., 12 €. ISBN 978-88-8155-391-4

13Professeur émérite de la Faculté théologique de Lugano et consulteur du Conseil Pontifical pour la famille, l’A. a déjà développé à travers son œuvre de multiples thèmes de théologie morale et de bioéthique. Son expérience nous est offerte ici dans un langage pastoral à la fois précis et varié. Une trentaine de situations délicates sont d’abord décrites brièvement : relations sexuelles pré-matrimoniales, utilisation de contraceptifs, avis contradictoires de prêtres différents, pratiques d’euthanasies et ambiguïtés familiales, absolution des habitudinaires, etc. Cette description est stylisée, par discrétion et pudeur, mais elle n’est ni virtuelle ni purement fictive. Elle nous semble rejoindre des situations que de nombreux pasteurs rencontrent dans leur vie. À chaque « récit » correspond une « solution » argumentée par l’auteur. Le lecteur pourra ainsi, nous l’espérons, confronter son propre jugement, sa réaction pastorale et fraternelle à celle qui est proposée par le moraliste. Car à considérer les solutions comme des recettes, on passerait à côté de l’objectif du livre et d’une vraie réflexion théologique. L’intérêt de ce livre est d’ouvrir l’horizon expérientiel de ses lecteurs, de leur permettre de réfléchir par eux-mêmes ou en groupe de travail, et de confronter leur avis à l’énoncé d’une sagesse morale proposée. Dans tous les cas, il s’agit encore et toujours d’apprendre à « articuler » et à « harmoniser » le jugement moral et le conseil pastoral avec la miséricorde divine telle qu’elle se dit dans l’histoire d’aujourd’hui. C’est un défi encore et toujours à relever. Ce livre peut être une aide, mais ne devrait pas se substituer au jugement personnel ou devenir une méthode. — A. Mattheeuws sj

Conscience du péché, accès au pardon. Un défi pour aujourd’hui, éd. G. Comeau et Fr. Euvé, coll. Théologie 140, Paris, Médiasèvres, 2007, 24x17, 98 p., 9 €. ISBN 978-2-900388-83-2

14Ce cahier reprend les contributions apportées au colloque du Centre Sèvres du 25.2.2006. Il s’interroge : « le péché » est-il une catégorie dépassée, témoin d’un moralisme d’autrefois ? Quel est son rapport avec la culpabilité, la faute, mais aussi la responsabilité ? Que révèlent cette transformation du langage et les réalités qu’il signifie ?

15Quatre étapes dans la réflexion. La première (Chr. Theobald) consiste à retourner à « la pratique de Jésus » ; en quoi est-elle éclairante pour aujourd’hui ? La deuxième (A. Thomasset) part de la situation présente et analyse l’évolution de la notion de responsabilité à la faveur du récit de Gn 2 ; il est suivi par une réflexion sur un sentiment actuel de fatalisme (Fr. Euvé). La troisième s’accroche à l’Écriture : le bon Samaritain (G. Comeau), la guérison de l’aveugle-né (O. Flichy) relus dans le texte, avec réflexion théologique (M. Fédou) passant d’une conception étroite du péché originel à une dynamique de lumière. La quatrième s’attache à la pratique pastorale : deux récits significatifs (É. Grieu) d’une relation qui fait accéder au pardon ; l’expérience de réconciliation dans la pratique œcuménique (A.-M. Petitjean).

16Un parcours substantiel, bien enraciné dans l’actualité changeante, source d’une réflexion à la fois théologique et psychologique, scripturaire et pastorale où de nombreux lecteurs, nous le souhaitons, ne manqueront pas de trouver un profit constructif. — J.R.

David et Jonathan, Les homosexuels ont-ils une âme ?, Paris, L’Harmattan, 2008, 24x16, 242 p., 24 €. ISBN 978-2-296-05533-9

17Dès l’adresse, le lecteur est prévenu : les éditeurs (anonymes ou signant par initiales) ont « fait le choix de publier [des] témoignages plutôt qu’un exposé théorique, parce qu’il y a moins de force dans une innovation artificielle que dans une répétition destinée à suggérer une vérité neuve » : ce qu’on appelle homosexualité « n’est pas réductible à une pratique » et peut être « le point de départ d’un cheminement spirituel si on l’accepte, si on ne la contourne pas, si on essaie d’être authentique avec soi ».

18Un premier « chapitre » tâche d’ordonner ces témoignages en trois parties, avant de les livrer, regroupés sous des titres chocs : « Monsieur l’Curé n’veut pas », « vous savez bien que la Bible est contre », « mariez-vous, ça vous passera » … La réflexion s’approfondit quand il s’agit de faire face (« la vérité vous rendra libres »), d’évoquer le cas de prêtres (« notre échange nous a révélé combien nous étions de fait en lien avec des marginaux de tous genres »), les rapports à la foi (« je rends grâce à Dieu de m’avoir fait connaître l’amour authentique »), la parentalité (« nous cheminons désormais à six »), « les silences qui crient » (y compris dans le cloître), l’espoir malgré le sida. La conclusion s’en prend au « génocide moral » que l’Église promeut quand elle impose la seule chasteté-continence, qui est « non-sens et violence », alors qu’« il est possible de concilier sa condition homosexuelle et sa foi en Dieu ».

19Un dernier « chapitre » fait connaître les associations homosexuelles — en fait, celle qui édite l’ouvrage, plusieurs fois louée dans les dépositions —, avant une courte bibliographie. Notons que beaucoup de ces itinéraires révèlent des enfances pieuses ou des séjours plus ou moins longs dans les noviciats, monastères et autres séminaires ; quarante pages de récits viennent de prêtres en exercice (plus rarement, de religieuses ou d’ex-religieuses) ; quelques passages sont l’œuvre de parents ou de conjoints déconcertés. Certes, les homosexuels ont une âme ; mais qu’en est-il de leur liberté ? — N. Hausman scm

de Cherisey L., Recherche volontaire pour changer le monde. Les clés du succès de ceux qui l’ont, Paris, Renaissance, 2008, 23x14, 407 p., 21 €. ISBN 978-2-7509-0380-0

20Épaulé par des journalistes de Reporters d’espoirs, une agence d’information qu’il a contribué à créer, l’A. présente le fruit de longues interviews réalisées aux quatre coins du globe auprès de personnes qui, en quête de sens pour leur vie et mues par un altruisme imaginatif (on ne peut être heureux tout seul !), ont collaboré à introduire un peu de solidarité dans le monde. Le nom de leurs associations est éloquent : Immeubles en fête ; L’orchestre à l’école ; Épiceries solidaires ; Initiatives et changement ; Mission possible ; Planète urgence ; Fondation de la deuxième chance ; Alter Éco (pour un commerce direct, juste, solidaire, transparent, qualitatif) … sans parler de Simon de Cyrène et de Aux captifs la libération qui affichent leur motivation spirituelle.

21À la suite de modèles éprouvés (l’abbé Pierre et Mère Térésa, Schuman et Adenauer, Gandhi et Mandela), nous sont présentés une série de personnages contemporains particulièrement inspirants. Tandis que certains sont ouvertement chrétiens (un jésuite, un salésien, un vicaire, le pasteur luthérien Frank Buchman), le grand nombre ne revendique aucune position philosophique (avec pourtant une grande question : le jour de ma mort, que serai-je heureux d’avoir fait de ma vie ?). Et puis il y a des musulmans et des hindous, tel ce docteur indien qui commence chacune de ses journées par une heure de méditation silencieuse. Le consigne générale semble être : regardons l’impact social avant la rentabilité économique … deux points de vue qui ne sont pas nécessairement antinomiques : en témoigne l’improbable collaboration entre une multinationale (Danone) et le microcrédit de la Grameen Bank de Mohammed Yunus, au Bangladesh qui partent d’un même principe : éradiquons la pauvreté au moyen du profit ! — P. Detienne sj

La déontologie des ministères ecclésiaux, éd. L.-L. Christiaens, préf. A. Borras, coll. Droit canonique, Paris, Cerf, 2007, 22x14, 212 p., 29 €. ISBN 978-2-204-08491-8

22Publié à l’initiative du dynamique Groupe des canonistes francophones de Belgique, l’ouvrage présente d’abord cinq contributions qui toutes plaident à leur manière « pour une déontologie des ministères ecclésiaux ». A. Borras esquisse un code en dix devoirs principaux, J.-P. Schouppe s’attache au versant procédural de cette perspective, T. Meijers interprète certaines règles de conduite et le code professionnel des travailleurs pastoraux des Pays-Bas, R. Puza présente l’état des pratiques en Allemagne, L.-L. Christaens s’interroge sur les effets civils de ces nouvelles initiatives ecclésiales.

23Le second volet (on pourrait commencer par lui) propose des réactions incisives, qui indiquent la portée des débats ainsi soulevés — en particulier, se demande G. Routhier, « l’adoption de codes de déontologie ne représente-t-elle pas un autre moyen de séculariser l’institution ecclésiale », au moment même où un magistère décrédibilisé souffre d’un manque de règles juridiques (internes) pour mieux baliser des situations qui blessent le corps ecclésial. Dynamique, disions-nous. — N. Hausman scm

de Solemne M., Innocence et culpabilité. Dialogues avec Jean-Yves Leloup, Philippe Naquet, Paul Ricœur et Stan Rougier, Paris, Albin Michel, 2007, 18x11, 134 p. ISBN 978-2-226-17829-9

24Marie de Solemne interroge Paul Ricœur, philosophe ; Stan Rougier, prêtre ; Philippe Naquet, biologiste, Jean-Yves Leloup, théologien. Quelques questions : le sentiment de culpabilité génère-t-il la responsabilité ou l’hypocrisie ? La société actuelle, les religions, la culture judéo-chrétienne sont-elles culpabilisantes ? La déculpabilisation est-elle expression de pardon ou d’indifférence ? … Parmi les sujets abordés notons : la peur et la honte ; péché et pardon ; faute et erreur ; nécessité des interdits ; culpabilité collective et conscience individuelle ; échec et culpabilité ; culpabilité de la différence ; névrose du sentiment de culpabilité, psychose de son absence … — P.-G.D.

« Dignitatis humanae ». La libertà religiosa in Paolo VI. Coll. Intern. di Studio, Brescia, 24-26 sett. 2004, éd. R. Papetti & R. Rossi, coll. Pubbl. dell’Istituto Paolo VI – 29, Brescia / Roma, Ist. Paolo VI / Studium, 2007, 27x19, x-340 p., 40 €. ISBN 88-382-4029-4

25Ce n’est que tout à la fin du Concile que fut approuvée et promulguée la déclaration conciliaire sur la liberté religieuse. Sa maturation au sein du Concile et les débats qui suivirent sa réception dans l’Église montrent un cas typique du difficile changement au sein de l’Église catholique. Ce parcours historique et l’évolution de G. Montini sur ce point jettent un peu de lumière sur son action pendant et après le concile. Ce volume rassemble les Actes du IXe colloque international tenu à Brescia, lequel faisait suite aux journées d’études sur le même thème à Washington D.C. en 1993. Chacun des 11 rapporteurs a pris la responsabilité de son texte. Le Cardinal Poupard présidait ce colloque et présenta un excellent résumé final d’où nous extrayons ces quelques notations.

26La liberté religieuse était pour Paul VI une conviction forte sur laquelle il n’a jamais transigé, bien qu’il fût conscient du mauvais usage qu’on pouvait en faire contre la foi chrétienne. Le colloque a d’abord rappelé le difficile parcours du document et le climat dans lequel les débats se sont déroulés. On est parti d’un petit texte rédigé à Fribourg (Suisse) en 1960 et on mit 5 ans d’intense recherche religieuse et de discussions passionnées pour clarifier son contexte théologique et juridique sous la direction de Mgr De Smedt, relateur et évêque de Bruges. On a précisé que le vrai sujet de droits est la personne humaine et la société composée elle-même de personnes ; le primat de la vérité est basé sur la dignité des personnes qui sont elles-mêmes faillibles.

27On est passé de la préoccupation de la tolérance à celle de la conscience et à la clarification des liens entre le plan doctrinal et le plan juridique en insistant sur le fait que la vérité est la source de toute vérité authentique. On a souligné trois principes clés de cette déclaration : le droit de chercher la vérité à travers le dialogue, l’obligation de suivre la conscience convaincue et enfin le caractère libre et surnaturel de l’acte de foi, avec le devoir, pour l’État, de respecter la foi de chacun. La vérité doit attirer et non pas être imposée.

28Les échos de cette déclaration dans l’Église et le monde furent très divers ; c’était la doctrine la plus révolutionnaire de tout le Concile, car on proclamait le droit à la liberté religieuse à partir de la dignité de la personne et non plus de la Révélation divine. Ce texte explosif a modifié l’attitude de l’Église face à la démocratie, aux États libéraux, à la laïcité et à la modernité elle-même. Voir les réactions produites chez Mgr Lefebvre et dans différents États jusqu’au Japon et dans les pays communistes. « L’homme vient à Dieu librement et Dieu sauve l’homme librement », dira Paul VI.

29La liberté religieuse a introduit dans l’Église : le respect pour le pluralisme religieux, le dialogue dans la vérité et la charité avec les religions même non-chrétiennes, sans relativisme doctrinal et dans la reconnaissance des autres religions comme préparations à la plénitude de la foi révélée dans le Christ.

30On ne dira jamais assez l’importance de ce changement de cap religieux qui a exigé du courage. — B.C.

Guilbert P., La morale revisitée. Vers la vie heureuse, coll. Racines, Bruyères-le-Châtel, Nouvelle Cité, 2007, 20x13, 284 p., 20 €. ISBN 978-2-8531-3535-1

31Après avoir évoqué les sources païennes et bibliques (les stoïciens, Platon, Aristote, Plotin, Ancien Testament, Évangiles, Épîtres) de la morale chrétienne, l’A. en survole l’histoire : depuis Augustin et Thomas d’Aquin jusqu’à Ockham, dont le nominalisme fonde l’éthique non plus sur les vertus mais sur l’obligation : face à la volonté de Dieu arbitraire et aliénante, la liberté, assimilée au libre arbitre, mène aux dérives de mai 1968 : il est interdit d’interdire. L’A. entreprend alors une refonte de la morale, respectueuse de la liberté et de la dignité de l’homme, en y intégrant la vie spirituelle et la prière, expression privilégiée de la relation de l’homme à Dieu, au cœur de la morale. Faire la volonté de Dieu est un choix heureux : elle n’est jamais contraire à la mienne quand je choisis la vie. C’est dans cette optique que l’A. reprend tous les grands thèmes : l’interdit, le commandement, la sanction, les vertus, la conscience morale, le péché et la grâce, le plaisir et le bonheur, la loi. — P. Detienne sj

Incitti G., Il popolo di Dio. La struttura giuridica fondamentale tra uguaglianza e diversità, coll. Manualidiritto, Vatican / Urbaniana Univ. Press, 2007, 24x17, 239 p., 22 €. ISBN 978-88-401-7025-1

32Professeur de Droit canon à l’Université Urbanienne (Rome), consulteur pour la Congrégation du clergé, G. Incitti étudie ici la nouvelle structure de l’Église « peuple de Dieu » voulue par le concile. Il le fait de façon systématique et organique à partir du concile, de la législation qui en est issue et du Droit canon de 1983. Son manuel est destiné en premier lieu aux étudiants en Droit canon. Il est agréable de lire un spécialiste du droit qui ne reste pas prisonnier de son sujet et sait prendre de la hauteur à l’occasion. Il ne manque pas de souligner à diverses reprises les faiblesses et les incertitudes de certains textes en parcourant l’histoire de leur élaboration.

33Tous les chrétiens sont égaux par leur baptême et différents par leurs missions. Tous les fidèles participent à un sacerdoce commun qui les rend, eux aussi, « prêtres, rois et prophètes ». Incitti souligne la difficulté de sauvegarder l’égalité des fidèles et des prêtres. Plutôt que de définir la délicate notion de « laïc », le concile a préféré préciser l’étendue de sa mission qui est de participer à la mission de l’Église et à son apostolat auquel il « collabore », et non plus en « dépendance » de la hiérarchie. La condition des diacres permanents dépend en bonne partie des conférences épiscopales. La condition des femmes dans l’Église n’est pas suffisamment prise en compte, estime l’A.

34Le droit des associations dans l’Église est devenu très souple et permet de nombreuses formules d’association. Les « prélatures personnelles » demeurent un point délicat et on en a beaucoup parlé à cause de l’Opus Dei qui a tenu à quitter son statut d’ « Institut séculier » pour ne pas dépendre de la Congrégation des évêques, dit-on, et devenir une prélature personnelle rattachée directement au Pape. L’A. écrit que c’est la seule prélature personnelle connue.

35Le livre ne parle pas de la disparition étonnante des « Conseils » (pastoraux, épiscopaux …) et de la collégialité épiscopale voulue par le concile pour un meilleur partage des pouvoirs et une participation de tous aux prises de position de l’Église aux différents niveaux de pouvoir. On a l’air d’y avoir renoncé. Il était évident qu’après 2000 ans de pouvoirs indépendants, il allait être difficile de mettre en place des formules de participation aux différents pouvoirs (on ne peut guère dire en effet que le « synode des évêques » soit une participation au pouvoir). Cette difficulté ne peut pas servir de prétexte pour les supprimer. Rappelons-nous que « tout pouvoir corrompt » et que Jésus a voulu l’autorité chrétienne comme un « service » et non pas une domination. — B. Clarot sj

Limiter ou arrêter les traitements en fin de vie. Quels repères pour quelles pratiques ? éd. Br. de Malherbe, Paris, Parole et Silence, 2008, 21x14, 134 p., 18 €. ISBN 978-2-84573-622-1

36Un juriste, quatre praticiens, deux moralistes confrontent leurs expériences et partagent leurs réflexions lors d’un symposium (2006) à l’École Cathédrale de Paris, consacré aux questions relatives à la fin de la vie. Ils analysent la Loi Léonetti du 24 avril 2005, qu’ils replacent dans un contexte de relativisme favorable à l’euthanasie, et dont ils relèvent à la fois les mérites et les imprécisions. À propos des patients en réanimation et des vieillards en gériatrie, ils évoquent des notions telles que l’obstination déraisonnable, les soins futiles, inutiles et disproportionnés, la dignité du mourant : la thérapie palliative privilégie la qualité de vie, présente et future, plutôt qu’une ‘survie’ qui prolonge la mort. L’arrêt des traitements actifs (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie …) ne signifie ni un abandon de la personne, à laquelle est due une patiente écoute, ni une cessation des soins de base (alimentation et hydratation …) ou de confort. Les décisions sont prises, au cas par cas, en équipe pluridisciplinaire qui en évalue les bénéfices, les contraintes et les risques, ce qui rend indispensable une collégialité qui s’étende à la secrétaire, au stagiaire et à l’agent de service. À noter que la formation médicale survalorise la thérapeutique aux dépens de l’accompagnement. À lire. — P. Detienne sj

Perdono e riconciliazione, coll. Quaderni teologici del Seminario di Brescia, Brescia, Morcelliana, 2006, 21x15, 428 p., 32 €. ISBN 88-372-2143-6

37En écho à la tragédie new-yorkaise du 11.9.2001, Jean-Paul II appelait à une réflexion sur la justice et le pardon. Les contributions rassemblées dans ce volume font droit au souhait du Pape ; les 14 A. italiens sont de disciplines diverses : exégèse, théologie, morale, philosophie, liturgie, catéchèse.

38Après une introduction, voici la table des matières : Passage du conflit à la réconciliation (C. Bresciani) ; la possibilité du pardon (M. Zani) ; Mémoire et pardon dans la Bible hébraïque (G. Toloni) ; Le loup et l’agneau (F. Dalla Vecchia) ; La communauté partage le pardon en Mt 18 (F. Montagnini) ; Liberté de Jésus et de l’homme (R. Maiolini) ; La conscience et le juge (la pénitence après Trente : A. Maffeis) ; Réconciliation et pénitence (M. Busca) ; Interprétation de la prière eucharistique (O. Vezzoli) ; L’Église comme signe et instrument de l’humanité réconciliée (R. Tononi) ; Richesse du pardon et sainteté de l’Église (G. Canobbio) ; Se réconcilier avec la nature (G. Scalmana) ; La catéchèse comme chemin de réconciliation (R. Lombardi). Chaque contribution est suivie d’un résumé succinct en anglais.

39On mesure la richesse de pareille réflexion, qui complète bien celle des professeurs du Centre Sèvres : il s’agit davantage ici d’une réflexion sur la démarche de réconciliation dans l’Église plutôt que d’une analyse de la situation actuelle des chrétiens vis-à-vis du péché et du pardon. Les prêtres et les fidèles italophones trouveront dans ce riche volume un véritable traité de théologie dogmatique et spirituelle concernant le pardon confié par Dieu à la communauté des hommes. — J.R.

Périne M., Chut, Dans les silences de l’inceste, Paris, Renaissance, 2007, 23x14, 231 p., 17 €. ISBN 978-2-7509-0286-5

40L’A. a subi, pendant plusieurs années, de graves abus sexuels (viols déguisés en actes d’amour) causés par la perversité d’un beau-père manipulateur. Sans jamais avoir reçu la moindre assistance de la part de sa mère. Se sentant sale et coupable, elle décide de se libérer en présentant son histoire à une émission de télévision. Deux ans plus tard, après cinq ans de thérapie et quinze ans de souffrances, elle prolonge son témoignage dans Chut. Elle y évoque, en style mesuré et avec talent, les séquelles de la torture mentale qu’elle a endurée : anorexie, comportements obsessionnels (phobies de la saleté et du désordre), diabète, mycoses, colites, colopathies … Elle se plaît à souligner le soutien inconditionnel que lui a offert son mari. Elle exprime la satisfaction d’être enfin parvenue à se faire reconnaître par ses proches comme victime, un statut que, pour cause de prescription, la justice n’a pu lui accorder. Un ouvrage qui invite fort utilement les victimes à briser le mur du silence. Absence de toute référence spirituelle ou religieuse. — P.-G.D.

Peterson E., Le monothéisme : un problème politique et autres traités, tr. A.-S. Astrup & G. Dorival, préf. B. Bourdin, Paris, Bayard, 2007, 24x16, 219 p., 25 €. ISBN 978-2-227-47273-0

41E. Peterson (1890-1960), théologien allemand, converti au catholicisme en 1930, publie en 1935 une thèse dont l’intention explicite est de s’opposer au nazisme et d’attaquer la Reichstheologie, dans laquelle il voit une sécularisation du royaume de Dieu allant dans le sens d’un renouveau de l’imperium sacrum. Il y prône, pour des raisons théologiques d’incompatibilité trinitaire et eschatologique, l’impossibilité d’une théologie politique chrétienne (telle que l’a proposée son ami, le juriste Carl Schmitt en 1922). L’Église n’existe que parce que, suite au rejet du Christ par les Juifs, les apôtres, inspirés par le Saint Esprit, ont pris la décision de se tourner vers les païens ; elle n’a de sens que par le caractère médiat de l’avènement définitif du Christ.

42Bernard Bourdin, dans son éclairante préface, montre comment cette thèse, théologiquement vraie, est historiquement fausse : le christianisme n’a cessé de justifier théologiquement des ordres politiques, tout en les soumettant à sa critique au nom même de la transcendance de Dieu. Sont inclus dans le présent ouvrage un traité de Peterson : Qu’est-ce que la théologie ? (1925), une conférence dans laquelle il critique la théologie dialectique de Barth et de Bultmann ; S’y ajoutent sa Correspondance avec Harnack (1932) dans laquelle il évoque les raisons de sa conversion ; L’Église (1928), condensé d’une ecclésiologie fondamentale qu’il espérait justifier dans un livre plus important qu’une opposition tant protestante que catholique l’a fait renoncer à écrire et Le Christ Imperator (1936) qui, alliant actualité et recherche historique, propose une critique patristique du culte totalitaire du Führer. — P. Detienne sj

Pouvoir et Sainteté, Modèles et figures, éd. St.-M. Morgain, Paris / Toulouse, Parole et Silence / Centre Histoire et Théologie (ICT), 2008, 24x15, 276 p., 22 €. ISBN 978-2-84573-648-1

43Le Centre Histoire et Théologie de l’Institut catholique de Toulouse présente une douzaine de monographies consacrées au rapport pouvoir – sainteté : pouvoir contre sainteté, sainteté dans le pouvoir, pouvoir par la sainteté. Divers personnages sont proposés comme paradigmes : Jean Chrysostome, admonestant les clercs qui ambitionnent le prestige et le pouvoir de l’épiscopat ; Ignace de Loyola, pour qui l’opposition n’est pas entre politique et sainteté, mais entre une vanité et une véracité, qu’il nous invite à discerner ; Thomas More, Lord Chancelier du roi d’Angleterre, décapité pour son refus de prêter un serment que sa conscience réprouve et déclaré « patron céleste des responsables de gouvernement et des hommes politiques » par Jean-Paul II en 2000 ; Edmond Michelet, surnommé « le ministre qui prie », en instance de béatification ; Paul VI, Souverain Pontife, serviteur des serviteurs de Dieu, pèlerin à Jérusalem, qui renonce à la tiare et qui, agenouillé, baise les pieds de l’archimandrite Méliton de Sardes … Un chapitre est consacré à une réinterprétation théologique de la fête du Christ-Roi, établie par Pie XI (1926) en protestation contre la perte du pouvoir religieux sur la société. Reportée au dernier dimanche de l’année liturgique, dont elle est le couronnement, celle-ci revêt désormais une dimension eschatologique : c’est la fête du Christ, Roi de l’univers. N. B. Au lieu de « Père Grootaers » lire Jan Grootaers, laïque. — P. Detienne

Preaching Justice, Dominican Contributions to Social Ethics in the Twentieth Century, Dublin, Dominican Publications, 2007, 24x16, 512 p., 30 €. ISBN 978-1-905604-07-4

44Préfacées par le péruvien G. Gutiérrez, « père de la théologie de la libération », lui-même dominicain, les monographies ici rassemblées évoquent la vie, l’inspiration thomiste et l’action sociale d’une trentaine de dominicains œuvrant au XXe siècle dans une vingtaine de pays. Parmi les noms retenus, relevons : le Français L.J. Lebret, fondateur d’Économie et Humanisme, nommément cité dans l’encyclique Populorum Progressio ; les Belges D. Pire, Prix Nobel (1958), fondateur des Iles de paix, et son prédécesseur G.C. Rutten, le « mineur blanc », sénateur, figure de proue du syndicalisme chrétien, inspirateur de nombreux confrères, tels les Espagnols P. Gerard et J. Gafo, et le Québécois G.L. Lévesque qui a fondé en 1963 l’Université nationale du Rwanda ; les Anglais V. McNabb, prêcheur à Hyde Park, ami de Chesterton et de Belloc, apôtre du mouvement « Retour à la terre », et son compatriote G. Vann, auteur de Les implications sociales des Béatitudes ; deux Nord-américains, spécialisés en éthique médicale (cloning humain, recherche sur embryons …) : l’un plus théorique, B. Ashley, l’autre plus pratique, K. O’Rourke ; deux Sud-africains, A. Nolan et B. Connor qui ont développé le concept de péché structurel dans le contexte de l’apartheid ; l’Allemand L. Siemer, impliqué dans l’attentat contre Hitler, et ses confrères du Cercle de Walberberg : les théoréticiens B. Welty et A.F. Utz, et F.M. Stratmann, pacifiste ; les Croates J. Kuni?i? et T. Vereš dialoguant avec le marxisme ; le Polonais M.A. Krapiec, « philosophe social dans un État communiste » ; l’Italien R. Santilli, fondateur de la revue Vita Sociale, et son compatriote R. Spiazzi, promoteur d’un humanisme chrétien ; le Hollandais J. Arntz, refusant le concept de guerre juste ; l’Espagnol J. Todolí, développant une philosophie du travail et le Brésilien C.J. Pinto de Oliveira, qui a collaboré lui-même à ce remarquable ouvrage. — P.-G.D.

Qu’est-ce qu’une société juste ?, Semaines sociales de France. Actes de la LXXXIe session Paris-La Défense CNIT, 24-26 novembre 2006, coll. En mouvement, Paris, Bayard, 2007, 21x15, 430 p., 21 €. ISBN 978-2-227-47706-3

45Ce volume constitué par les Actes de la LXXXIe session des Semaines Sociales de France forme un dossier substantiel de réflexions et d’analyses touchant la question prise pour titre. Il est vrai que tout le monde ne s’accorde pas sur la pertinence d’une telle interrogation. Les nombreuses contributions, les ateliers, les débats, les textes cités apportent à ce propos des lumières dont philosophes, politiques, juristes, économistes tireront le plus grand profit.

46Geneviève Médévielle présente l’enseignement social de l’Église sur la justice. Elle a le grand mérite de commencer son exposé par des considérations de méthode. Quel en est le corpus ? Comment évaluer tradition longue et tradition courte ? Quels auteurs retenir ? Comment discerner des matériaux si composites ? Résoudre tous ces problèmes serait une tâche impossible. Aussi en vient-elle à fonder sa réflexion sur l’étude de la lettre pastorale des évêques américains intitulée Justice économique pour tous. Certes marquée par la situation des années 1980, notamment par l’optique de l’administration Reagan, cette lettre est surtout importante par son processus rédactionnel en plein cœur du débat nord-américain. Elle proposait une sérieuse interrogation éthique sur ce qui doit présider à la vie économique pour qu’une société soit juste et humanisante. Particulièrement stimulantes sont les pages où G.M. mesure la prise de distance de l’épiscopat américain vis-à-vis des théories les plus en vogue, celles de R. Nozick, M. Novak, M. Walzer, et surtout John Rawls.

47Nous retrouvons ce dernier penseur dans la contribution de Philippe Van Parijs. Il y analyse les conditions de toute conception plausible de la justice aujourd’hui. À son avis, celle-ci « doit être à la fois libérale et égalitaire et comprendre cet égalitarisme d’une manière qui fait place tout autant à la responsabilité qu’à l’efficacité ». Cela dit, Ph. V. P. évoque l’essentiel de la Théorie de la justice de Rawls et passe en revue les principales critiques qui lui ont été faites. Il en arrive alors à sa propre position. Pour lui, la question de savoir ce qu’est une société ou une nation juste n’est pas le meilleur point de départ logique pour traiter de la justice aujourd’hui. En réalité, c’est d’abord au niveau du monde dans son ensemble qu’il faut désormais poser la question de la justice. Ce qui est prioritaire c’est la question d’un monde juste.

48Par l’exemple des deux contributions que nous avons évoquées le lecteur se rendra compte de l’intérêt considérable que peut susciter ce volume des Semaines Sociales. En particulier nous voulons signaler les 12 propositions qu’on y a présentées avec Bernard Ibal pour une société plus juste. — H. Jacobs sj

Reflecting theologically on AIDS. A global challenge, éd. R. Gill, Norwich, SCM Canterbury Press, 2007, 22x14, x-208 p., 16.99 £. ISBN 978-0-334-04002-6

49L’éditeur, Robin Gill, de l’université de Kent (Canterbury), présente ici les conclusions d’un séminaire de théologie organisé en Namibie en 2003, illustrées par une douzaine d’articles traitant du sujet auquel il était consacré : le sida. Notons entre autres : l’attitude de Jésus envers les lépreux ; Job, face à ses amis, comme paradigme ; l’Église et l’homosexualité, dans un article qui date d’une époque (1990) où les hétérosexuels étaient considérés comme moins exposés à l’infection ; l’usage pastoral de la tradition africaine de la lamentation ; la collaboration avec les institutions privées et gouvernementales … Une constatation : le rigorisme moral mène au laxisme. Un problème : comment condamner une activité sexuelle dangereuse sans condamner les personnes qui s’y engagent ? Une question : qui est responsable : Dieu ? Les victimes ? La doctrine de l’Église ? L’Occident capitaliste indifférent aux personnes socialement et économiquement faibles et à leur non-accès aux remèdes efficaces ?

50Le fait de présenter le sida comme une punition de l’immoralité a causé une autre épidémie, qui a pour nom : stigmatisation, marginalisation. Plusieurs contributions concernent la femme africaine, victime innocente : mariée sans son consentement, sans réel pouvoir sur sa vie sexuelle, s’adonnant à la prostitution pour survivre, forcée de subir des relations sexuelles avec des parents de son mari défunt … Les deux derniers chapitres concernent la pastorale de la prévention : usage du préservatif et échange prophylactique des seringues. Ils évoquent le principe du moindre mal (ou peut-être : du moindre bien), la casuistique d’accommodation, l’epikeia, le double effet. Le dernier mot est pour la compassion. À lire. — P. Detienne sj

Ricœur P., Etica e morale. Antologia a cura di D. Jervolino, coll. Il pellicano rosso 35, Brescia, Morcelliana, 2007, 19x12, 115 p., 10.50 €. ISBN 9787-88-372-2074-7

51Ce petit livre est une anthologie qui recueille trois articles concernant un même thème repris et approfondi à plusieurs reprises sous divers modes par l’A. D. Jervolino a choisi un ordre non chronologique (1990, 2000, 1975) afin de nous aider à savourer la structure philosophique de la pensée éthique de Paul Ricœur. La liberté humaine désire une vie bonne pour soi-même, pour le toi-autrui et pour le tiers-institution. Mais devant l’épreuve de la violence, cette éthique téléologique d’empreinte aristotélicienne doit « passer » par la morale et des lois de type kantien pour que la liberté puisse à nouveau se déployer dans les situations concrètes à l’aide d’éthiques pratiques. La liberté se cherche un chemin pour réaliser pleinement son humanité, sans éliminer ni son désir, ni les lois profondes de son être, pas plus que la reconnaissance d’elle-même dans des actions concrètes. En intégrant toutes ces étapes, la liberté acquiert la « sagesse pratique » nécessaire à la solution de ses conflits éthiques. — E. Barucco

Scola A., Patriarch von Venedig, Das hochzeitliche Geheimnis, éd. J.-Cl. Lechner, coll. Theologia romanica 28, Freiburg, Johannes Verlag Einsiedeln, 2006, 23x15, xxxi-554 p., relié, 34 €. ISBN 2-89411-395-7

52On connaît le très bel ouvrage de l’ancien recteur de l’Univ. pontificale du Latran et président de l’institut pontifical Jean Paul II, devenu patriarche de Venise, intitulé Le mystère nuptial (cf. NRT 123 [2001] 480 et 126 [2004] 150) paru en original italien en deux tomes (PUL-Mursia, Roma, 1998 et 2000). La totalité de l’œuvre, dûment revue et mise à jour, déjà traduite en espagnol (Madrid 2001) et en portugais (Bauru 2002), se trouve maintenant publiée en langue allemande dans une excellente traduction et une édition superbe. Nous nous réjouissons de cette parution qui donne une ampleur et une audience nouvelles aux travaux persévérants et pastoralement indispensables de ce pionnier du « mystère nuptial » qui unit la femme et l’homme dans le sacrement de mariage, donnant aux époux chrétiens de vivre réellement l’union du Christ et de l’Église. À quand la traduction française de ce précieux ouvrage ? — J.R.

Sorge B., Introduzione alla dottrina sociale della Chiesa, coll. Books, Brescia, Queriniana, 2006, 21x14, 430 p., 23 €. ISBN 88-399-2855-3

53B. Sorge, jésuite, est une autorité en matière sociale ; il a longtemps dirigé la « Civiltà Cattolica » et a fondé à Palerme un « Centre d’études sociales ». Il dirige actuellement la revue « Aggiornamenti sociali ». C’est en 1996 qu’il a publié la première édition de ce livre sous le titre « Pour une civilisation de l’amour ». Après deux rééditions, il en a modifié le titre pour y intégrer le document romain « Résumé de la doctrine sociale de l’Église » (2004).

54Cet ouvrage se présente comme un condensé de la doctrine sociale de l’Église. L’A. y pose les questions centrales : qu’est-ce que la doctrine sociale de l’Église ? Comment s’est-elle formée ? L’Église peut-elle intervenir dans les domaines du social et du politique ? Qu’apporte-t-elle de spécifique et d’utile dans une société laïque, sécularisée et pluraliste ? L’A. désire harmoniser pensée et action pour orienter les hommes politiques chrétiens vers une civilisation de l’amour.

55Relevons quelques prises de positions dans la 4e partie, la plus nouvelle : devant tant de défis actuels, Vatican II demeure une boussole sûre ; avançons avec confiance en comptant sur le Christ ; seule une globalisation solidaire évitera des résultats désastreux. Devant la culture néolibérale, l’Église ne peut rester neutre et doit parler. Il faut réformer l’ONU pour faire prévaloir « la force du droit » sur « le droit de la force », car on ne vainc la haine que par la justice, le pardon et l’amour. L’Église a renoncé à la peine de mort en réévaluant ses anciens arguments. L’éthique doit humaniser la recherche scientifique en la rendant responsable des conséquences qu’elle entraîne. Devant les excès du néolibéralisme, l’Église italienne doit parler et non pas se taire sous prétexte de pluralisme. Face au terrorisme musulman il faut répondre par la tolérance et le respect. L’intégration sociale des musulmans en Europe est l’affaire des États ; la défense des valeurs chrétiennes est celle des chrétiens par un vigoureux élan spirituel, un accueil fraternel et un dialogue sans préjugés. Dans une Europe sécularisée et pluraliste, la force du chrétien tient à son message, à la puissance désarmée de la Parole de Dieu et au témoignage cohérent des chrétiens, a dit le concile (GS, 76).

56On voit par ces quelques notes que la pensée de Sorge est claire, ferme, équilibrée. Il nous offre ici un beau manuel, bien pensé et original. — B. Clarot sj

Teología y nueva evangelización, éd. G. Uríbarri Bilbao, coll. Bibl. de teología Comillas 14, Madrid, Univ. Pont. Comillas / DDB, 2005, 21x15, 394 p. ISBN 84-330-1983-X

57Au concile, l’Église a repensé et unifié l’ensemble de son message. Après 30 ans de réflexion sur la nature de l’Église, alors que certains annonçaient la fin de l’ère chrétienne, Jean-Paul II a lancé l’appel à une nouvelle évangélisation pour le troisième millénaire. L’Université de Comillas à Madrid a réfléchi pendant un an au lien entre théologie renouvelée et nouvelle évangélisation. Au cours d’un symposium en 2004, 6 professeurs parlent de l’acquis du concile et de la voie vers un renouveau théologique et pastoral.

58Ces études nous montrent que, pour proposer la foi à l’homme moderne, il faut lui apporter une image complète de Jésus et du Père en proposant des voies nouvelles, plus adaptées à sa mentalité, mais pour aboutir au salut en Jésus-Christ. — B.C.

Xerri J.-G., À la rencontre des personnes de la rue « Aux captifs la libération », entretiens avec P.-O. Boiton, préf. J.-M. card. Lustiger, coll. Vie des hommes, Bruyères-le-Châtel, Nouvelle Cité, 2007, 22x15, 156 p., 18 €. ISBN 9782853135269

59Interviewé par un journaliste de La Croix, l’A. présente l’association « Aux Captifs, la libération » dont il est aujourd’hui le président. Fondée en 1981 par l’abbé Patrick Giros (1939-2002) au service des grands exclus marginalisés (SDF, prostitué(e)s, mineurs isolés étrangers), cette association regroupe des chrétiens, aussi bien bénévoles que professionnels salariés, envoyés par l’Église vers les pauvres pour témoigner, les mains nues, de la tendresse de Dieu : ni assistance (pas même une cigarette !) ni prosélytisme. Organisés en binômes mixtes (un homme, une femme, manifestant une certaine diversité d’âge, de culture, de sensibilité religieuse), ils effectuent des tournées-rue : toujours la même paire, le même trajet, le même horaire nocturne. Leur « activité » consiste à être pleinement présents à l’autre, dans le silence, la patience et la fidélité, posant sur lui un regard unifiant qui signifie qu’il est aimable … et acceptant le regard que cet autre porte sur eux. Chaque chapitre est accompagné d’une méditation évangélique : rencontrer, la Samaritaine ; accompagner, Emmaüs ; révéler, Lazare. Parmi les diverses activités de l’association mentionnées en annexe, relevons : les pèlerinages annuels (v.g. de travestis et transsexuels à Lourdes, accompagnés par un évêque) ; « les morts de la rue » ; l’espace emploi ; le suivi RMI … — P.-G.D.

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