Antropologia (L’) della teologia morale secondo l’enciclica ‘Veritatis splendor’. Atti del Simposio promosso della Congregazione per la Dottrina della Fede, Roma 2003, coll. Atti e Documenti 24, Vaticano, Libr. Ed., 2006, 25x18, 329 p., 29.50 €. ISBN 88-209-7814-8
1En 2003, dix ans après l’encyclique Veritatis splendor, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a réuni à Rome un symposium pour approfondir les fondements anthropologiques de la morale. On y a fait appel à des moralistes, ainsi qu’à des philosophes, dogmaticiens, et ecclésiologues, d’Italie et d’Europe. Soigneusement préparé et canalisé, ce symposium insiste sur la notion de ‘filiation’, chère au Cardinal Ratzinger, alors Préfet de la Congrégation.
2Voici les 7 points de la synthèse opérée par le Comité restreint du symposium (Tremblay cssr, Laduria sj et Rodriguez Lunõ) :
31. Le Christ est le fondement de la morale chrétienne et, par son Esprit nous aide à la suivre.
42. Nous sommes ‘fils dans le Fils unique’ du Père et notre nature comporte une ouverture dynamique à sa filiation divine.
53. Le chrétien est un fils qui accepte sa filiation divine et agit selon elle.
64. Le mystère de l’homme ne s’éclaire que dans le mystère du Verbe incarné (GS 22) qui donne tout son sens à la loi naturelle.
75. Nature et grâce sont vues à l’intérieur de la relation entre Dieu et l’homme. L’éthique chrétienne est universelle et propose un ‘plus’.
86. La dimension ecclésiale de la morale est en rapport étroit avec sa dimension christologique et l’anthropologie filiale.
97. La vocation de l’homme à la filiation divine ne se découvre pleinement que grâce à la Révélation divine, interprétée par le Magistère ecclésial. L’Autorité du Magistère s’exerce même quand il ne parle pas de manière infaillible. Il n’est donc pas légitime de substituer le concept d’autorité à celui d’infaillibilité.
10Ce dernier point, qui ne s’imposait nullement ici, est celui qui fait le plus de difficultés et a suscité des tollés dans l’Église en 1998, quand le Pape, dans son motu proprio Pour protéger la foi a voulu donner valeur ‘définitive’ et donc indiscutable à certaines décisions pontificales. C’est nier le droit de la raison et de la liberté affirmés par le Concile dans La liberté religieuse n. 11. Prétendre, comme on l’a fait, que ‘définitif’ ne signifierait pas ‘irréformable’ serait jouer avec le sens des mots. Qu’on définisse alors clairement les termes. — B. Clarot sj
Ass. Canonistica italiana, Il Diritto canonico nel sapere teologico. Prospettive interdisciplinari. XXX incontro di Studio, Passo della Mendola – Trento, 30 giugno – 4 luglio 2003, coll. Quaderni della Mendola 12, Milan, Glossa, 2004, 24x14, 347 p., 26 €. ISBN 88-7105-171-8
11À l’occasion de son trentième congrès, l’association canonique italienne a traité de la place du droit canonique dans le savoir théologique. Le contexte actuel se caractérise en effet par une fragmentation toujours plus accentuée du savoir, qu’il convient de « corriger » par un développement de l’interdisciplinarité.
12Un premier groupe de contributions examinent précisément le passage progressif de l’unité du savoir théologique à la fragmentation. Si la science canonique se pose en savoir autonome dès le 12e siècle, la littérature canonique du Moyen Âge n’hésite pas à affronter des thèmes proprement théologiques, particulièrement dans le domaine sacramentel. À l’époque des manuels (16e19e siècles), le droit canon apparaît comme particulièrement lié à la théologie morale. Il ne s’en « émancipe » véritablement qu’au début du 20e siècle.
13Le renouveau post-conciliaire, après Vatican II, laisse ouverte la question d’une accentuation ou non de la fragmentation du savoir théologique. À titre d’exemple, le droit canon est resté étranger aux quatre grands mouvements de renouveau qui animèrent le concile (biblique, liturgique, patristique et œcuménique). On connut alors une véritable interdisciplinarité négative, les différentes disciplines théologiques (particulièrement l’ecclésiologie) rejetant toute perspective juridique. Cet antijuridisme est aujourd’hui dépassé. Un nouveau type d’interdisciplinarité est en train d’émerger, particulièrement entre l’ecclésiologie et le droit canonique.
14Une deuxième série d’interventions se penchent sur le cas particulier du droit du mariage qui peut donner lieu à différentes approches interdisciplinaires. Depuis Vatican II, les canonistes s’intéressent beaucoup plus aux sciences humaines. À l’inverse, on peut déplorer un manque d’efforts de la part des experts en sciences humaines pour approfondir la signification canonique du mariage. Or, pour être fructueux, le dialogue interdisciplinaire, et plus particulièrement la relation entre le juge et l’expert, devrait être réciproque, sur le fond d’une anthropologie commune.
15Entre droit canon et théologie sacramentaire, une véritable interdisciplinarité devrait également se développer, à propos par exemple du lien entre contrat et sacrement : dans l’hypothèse de baptisés à la foi balbutiante, le consentement suffit-il pour le sacrement ? Les visions théologique et juridique ne devraient pas s’opposer, mais s’éclairer mutuellement.
16Un troisième « lieu » d’interdisciplinarité concerne le rapport entre droit canon et pastorale familiale. Le c. 1063 ouvre ici des perspectives à propos de la difficulté de situer le mariage à l’intérieur d’une réelle espérance de foi et de vie chrétienne, de la mise en évidence de la dimension ecclésiale du sacrement lors de sa célébration, ou encore de la participation des couples à une véritable pastorale familiale.
17Un dernier ensemble de contributions examine l’interdisciplinarité dans l’ordonnancement actuel des études théologiques, particulièrement dans les ratio studiorum de formation des séminaristes, dans la méthode d’enseignement du droit canon, ainsi que dans le nouveau plan des études des facultés de droit canonique.
18L’ensemble des contributions est de grande qualité et apporte de précieux éclairages sur l’articulation à promouvoir entre le droit canonique et les autres disciplines théologiques. L’ancrage de l’ouvrage est bien évidemment italien, ce qui supposera chez le lecteur un effort d’adaptation à sa réalité propre. On relèvera l’intérêt particulier de l’étude du droit canonique dans le renouveau post-conciliaire et des développements relatifs au droit canon du mariage. — B. Malvaux sj
Id., La parrocchia. XXXI incontro di Studio, Centro Dolomiti Pio X – Borca di Cadore (BL) 28 giugno – 2 luglio 2004, ibid. 13, 2005, 324 p., 24 €. ISBN 88-7105-189-0
19Parmi les institutions ecclésiales, la paroisse est certainement une de celles qui vit actuellement les bouleversements les plus importants. Après avoir connu une grave crise d’identité dans l’immédiat après-concile, où on lui reprochait notamment son manque de dimension missionnaire et prophétique, elle vit aujourd’hui, du moins en Belgique et en France, une révolution plus profonde encore, avec les diverses formes de remodelage paroissial mises en œuvre dans nombre de diocèses.
20Un pays n’est pas l’autre. L’Italie reste aujourd’hui encore davantage fidèle à la figure classique de la paroisse telle qu’elle est énoncée par les canons 515 à 552 du code. C’est sans doute la raison pour laquelle la 31e assemblée canonique italienne, qui s’est penchée sur la paroisse, s’est surtout attachée à mettre en évidence les diverses dimensions de la figure canonique de la paroisse telles qu’énoncées par le CIC 83 — à l’exception des deux premières contributions de l’ouvrage, qui traitent respectivement des défis adressés à la paroisse italienne aujourd’hui et de l’évolution des paroisses au long du deuxième millénaire. Sont ainsi passés en revue les grands thèmes du droit canon des paroisses : la paroisse comme Église locale, la paroisse entre communauté et territoire, le ministère du curé, le rôle des fidèles dans la vie paroissiale, l’administration des biens paroissiaux, les paroisses sans prêtre, les doyennés et autres regroupements paroissiaux.
21L’ensemble constitue un commentaire fouillé de la législation canonique actuelle en la matière. Même si les allusions à la situation franco-belge sont assez nombreuses, on aurait souhaité davantage de créativité pour penser la paroisse de demain. Mais, répétons-le, un pays n’est pas l’autre. — B. Malvaux sj
Bazoli G., Giustizia e uguaglianza. Modelli biblici, coll. Il Pellicano rosso n.s. 25, Brescia, Morcelliana, 2005, 19x12, 79 p., 10 €. ISBN 88-372-2034-0
22Ce petit livre nous offre la réaction d’un économiste chrétien, directeur de banque, face à deux textes scripturaires sur « la justice et l’égalité ». Il s’agit de Gn 18 (intervention d’Abraham pour sauver Sodome) et de Mt 20 (parabole des ouvriers de la vigne) : peut-on punir les justes avec les pécheurs et quelle proportion doit exister entre le travail et la récompense ? Ces problèmes restent actuels.
23La justice divine dans la Genèse peut-elle servir de modèle pour la nôtre ? peut-on punir tout un groupe pour quelques injustes ou l’inverse ? Qu’en est-il de la responsabilité collective d’un pays ? Dans quelle mesure Dieu intervient-il pour établir plus de justice ici-bas ? Nous sommes choqués par le silence divin devant les injustices humaines. Heureusement le NT ne parle plus de la Providence comme l’AT, car Dieu n’entre pas en personne dans notre histoire pour sauver le monde. Certes le Juste a péri, mais sa résurrection manifeste un nouveau type de justice, un Royaume divin où les victimes de l’injustice seront au premier rang.
24Dans la parabole des ouvriers de la onzième heure, nous voudrions une proportion entre le travail presté et la récompense ; or la justice divine s’oppose à cette mentalité parce qu’elle est bonté, miséricorde. L’ordre de l’amour l’emporte sur celui de la justice. Les ouvriers de la onzième heure ne sont pas des paresseux, mais des gens que personne n’avait embauchés. Pour les récompenser, Dieu tient compte de la diversité des situations humaines. Ceci fait qu’en Dieu peuvent coexister justice et bonté. Dieu corrige au ciel les disparités humaines et fait preuve d’une justice supérieure qui éclate dans les béatitudes. Nous devons tenter d’imiter Dieu icibas dans la mesure du possible. — B.C.
Bedouelle G., Bruguès J.-L., Becquart Ph., L’Église et la sexualité. Repères historiques et regards actuels, coll. Histoire du christianisme, Paris, Cerf, 2006, 20x13, 271 p., 18 €. ISBN 2-204-08060-8
25Même si l’Église est souvent mise à l’écart des mouvements de libération de la sexualité de nos temps modernes, il est intéressant de voir comment s’articulent en raison une doctrine à ce propos à l’intérieur, et une à l’extérieur de cette Église. La sexualité n’est pas loin du « sacré » : pour les catholiques, elle a un enjeu déterminant. Elle est le lieu d’une ressemblance personnelle avec le Dieu Créateur et Sauveur (Gn 1,27). Même si elle est le lieu d’affrontements relationnels, de jugements moraux et de combats spirituels, la sexualité humaine fait corps avec la Bonne Nouvelle du Salut qu’annonce l’Église depuis l’origine. « L’originalité de la recherche tient au choix méthodologique de conjuguer et de croiser la recherche historique et l’approche morale » (p. 8). Il est bien vrai que pour chaque thème choisi, l’épaisseur historique permet une meilleure compréhension du sens « catholique » d’un geste à poser ou à éviter. Elle situe la réflexion d’aujourd’hui dans un climat de paix qui peut être un véritable « antidote » au ressentiment et à la culpabilité de nombre de nos contemporains. L’histoire ne fixe pas sa loi à la théologie morale, mais elle en éclaire les évolutions : les grandeurs et les faiblesses. Ce choix méthodologique aidera les jeunes générations à percevoir l’originalité chrétienne de l’appel à la conversion dans l’agir sexuel et corporel.
26La matière abordée est large et représentative des débats actuels : « le mariage comme pierre d’angle de la réflexion sur la sexualité humaine ; les fiançailles et les relations préconjugales ; la contraception ; l’avortement ; la masturbation ; l’homosexualité ; la chasteté et la pudeur » (p. 8). À la lecture des thématiques diverses, on ne peut qu’être saisi, à travers la forme sobre et synthétique des exposés, d’une cohérence théologale qu’atteste l’existence d’une doctrine de l’Église concernant la sexualité. Sans juger les personnes, apparaissent non pas seulement des normes de l’agir humain, mais une signification profonde de la différence homme-femme, de la relation entre la créature et le Créateur, de la nécessité d’un salut qui pénètre à la jointure de l’âme et du corps, d’une réalité « gracieuse » parce que « graciée » du corps humain dans sa masculinité et sa féminité, de la vérité sacramentelle de l’union conjugale.
27Nous aurions étudié plus longuement l’unité corps-personne qui se dégage de ces évolutions et la réalité de l’Église comme « lieu du pardon » toujours offert. Par ailleurs, en ce qui concerne l’homosexualité, l’histoire « racontée » éclaire la fermeté de l’Église. Il aurait été heureux d’approfondir les revendications sociales des personnes homosexuelles et le conflit actuel qui est devenu frontal. Le processus historique est-il terminé dans le mariage homosexuel et dans l’adoption d’enfants par ces couples ? Ou bien sommes-nous affrontés à un défi plus profond dans l’affirmation de la théorie du gender ?
28La conclusion du livre est originale et pleine de délicatesse car elle montre comment la dignité humaine grandit dans la chasteté, la continence et la pudeur. Ces attitudes, enracinées dans le corps et la liberté, manifestent combien l’homme ne se réduit pas à l’exercice du corps sexué qu’il est. Elles attestent également comment l’éros est transformé, par grâce, en Amour dans la personne humaine, image de Dieu. — A. Mattheeuws sj
Belleil O., La relation conjugale, Paris, Verbe de Vie / Béatitudes, 2006, 20x14, 142 p., 10 €. ISBN 2-84024-232-X
29L’objectif de ce livre est de manifester la bonté de la relation sexuelle dans le mariage et d’aller jusqu’au bout du mystère de l’Incarnation en comparant de manière « analogique » cette relation à la liturgie eucharistique actuelle (rite de Paul VI). Le rapprochement de la célébration de l’amour humain dans sa dimension affective et sexuelle avec la célébration liturgique n’est pas une interprétation totalement neuve dans la tradition de l’Église, mais elle suppose beaucoup de délicatesse et de pudeur. L’auteur est marié et modérateur actuel de la Communauté du Verbe de Vie. Il tente ainsi d’éclairer l’enjeu de la vie de couple. Les diverses étapes qu’il déploie intègrent de manière heureuse ces deux réalités : comme à un rendez-vous d’amour (chap. 1) ; la demande de pardon (chap. 2), la liturgie de la Parole (chap. 3) ; préparation des dons (chap. 4), la communion (chap. 5) ; l’action de grâce (chap. 6), l’envoi en mission (chap. 7), les Mystère joyeux et douloureux (chap. 8). L’A. enracine les liens qu’il décrit dans une théologie de l’Alliance qui s’exprime de manière « sponsale ». Les comparaisons qu’il établit entre ces divers moments de la liturgie et l’action amoureuse soulignent le caractère à la fois humain et spirituel de l’acte conjugal. Les citations qui rythment la comparaison sont prises avec justesse dans le Cantique des cantiques : le lecteur y découvrira certainement un langage « inspiré » peu connu et pourtant si vrai dans son audace anthropologique et théologique. Les rapprochements entre ces moments sont plus ou moins denses, mais le langage reste toujours simple et compréhensible : ce livre est certainement le fruit de nombreux enseignements et d’une longue écoute des couples.
30L’A. gagnerait à distinguer plus nettement l’acte conjugal d’un acte sexuel posé en dehors de la promesse sacramentelle pour valoriser le sens de l’engagement sacramentel du mariage et la présence déjà intime du Christ dans l’acte de liberté des époux. Nous partageons sa conviction exposée sur la sainteté de la relation (p. 86-89), mais il nous paraît important de ne pas la fonder sur la distinction juive ou grecque du « sacré et [du] profane ». La sainteté « nouvelle » est enracinée non pas dans la « séparation » (p. 86), mais dans la « communion » établie en son hypostase par l’unique Sauveur. Cette manière de poser la question aurait des implications morales importantes que le livre n’aborde pas. Dans cette comparaison, nous comprenons l’insistance méthodologique de l’A. à valoriser la relation des époux, mais il est difficile à la lecture du livre de pouvoir intégrer de manière paisible la doctrine si délicate de la « double signification de l’acte conjugal » (Humanae vitae, 1968) car la fécondité de la vie d’un couple est intrinsèquement ordonnée à la vérité de cette relation. Il est normal et nécessaire de mieux parler de la relation d’union des époux et ce livre est très précieux au point de vue pastoral et spirituel. Il gagnerait pour une prochaine édition à développer encore plus l’ampleur de la fécondité de l’acte conjugal, dans son exercice comme dans son renoncement. — A. Mattheeuws sj
Coutinho V., Bioética e teologia : que paradigma de interaccão ?, coll.Ética e bioética, Coimbra, Gráfica de Coimbra, 2005, 23x16, 435 p. ISBN 972-603-333-0
31Ce livre portugais reprend une thèse défendue à l’Université de Münster en Allemagne en 2005. Fruit d’une solide étude, celle-ci puise aussi à de nombreux contacts au cours de ministères pastoraux dans le diocèse de Münster.
32Le but de cet ouvrage, nous avertit l’A., est d’intégrer dans une réflexion bioéthique interdisciplinaire, la contribution propre d’une éthique théologique catholique. Dans un monde pluraliste, il est essentiel d’avoir un processus dialogal de recherche, sans renoncer à ce qui nous est propre, tout en évitant d’imposer souverainement nos solutions. C’est là ce que l’A. appelle le nouveau « paradigme ». Ceci l’amène, dans une première partie, à parler des commissions d’éthique installées dans bon nombre de pays et de leur fonctionnement en Allemagne et au Portugal. La seconde partie précise le rôle de l’éthique théologique dans le débat bioéthique : rôles de la foi, de la liberté, rôle aussi de l’éthique chrétienne comme science et de la conception théologique de l’homme.
33Nous avons une longue tradition morale, mais, devant la nouveauté des questions bioéthiques, les solutions anciennes toutes faites ne suffisent pas. Sachons aussi que la bioéthique a revivifié la théologie morale et l’a enrichie en posant des questions vraiment nouvelles qui l’ont obligée à découvrir une autre méthode d’approche, de type plural et interdisciplinaire.
34Très lisible, ce volume, fruit d’une expérience sur le terrain et d’une réflexion loyale, aide à avancer modestement sans croire posséder à soi seul les bonnes solutions dans un domaine inédit et complexe. — B. Clarot sj
Fourgnaud A., Les jeunes et le sexe. Et si on en parlait, Paris, Pr. Renaissance, 2006, 21x12, 107 p., 12 €. ISBN 2-7509-0168-5
35Au terme de son enquête auprès des jeunes dont elle nous confie les témoignages, l’A., journaliste, fustige la banalisation de la pornographie, antithèse, nous dit-elle, non pas seulement de l’amour mais de la civilisation. Omniprésente dans les médias (TV, jeux vidéo, internet…), elle engendre une « pollution surinformative déformante » et une non-intégration des limites sexuelles, dont sont victimes les très jeunes enfants : il n’y a plus de flirt… on essaie tout dès le premier baiser ! Ce désarroi des adolescents (qui peut mener à une surconsommation d’alcool et de cannabis, à des tentatives de suicide, à des dépressions) semble dû, pour une large part, à l’ambiance mono-générationnelle créée par les « toujours jeunes » soixante-huitards, qui perçoivent les vrais jeunes comme une menace. L’A oppose la pornographie, dont l’enjeu est de se satisfaire aux dépens de l’autre, à la saine sexualité, qui intègre l’autre dans le respect des différences entre les sexes et entre les générations. — P.-G.D.
Frings M. – Latteur V., Les alimentations artificielles en fin de vie, coll. Les racines de la vie, Bruxelles, Racine, 2006, 23x15, 189 p., 22 €. ISBN 2-87386-430-0
36Riches d’une documentation puisée dans divers journaux médicaux anglo-saxons et d’une étude d’une quinzaine de cas vécus et racontés, deux médecins, l’une gériatre, l’autre ‘palliativiste’, réfléchissent sur les problèmes du gavage par sonde. Constitue-t-il un soin de base ou un traitement médical ? Pouvons-nous arrêter une alimentation artificielle chez une personne consciente, non mourante mais incompétente de droit (un enfant) ou de fait (un dément) ? Des distinctions s’imposent tant en ce qui concerne le patient (dont la mort est imminente, en état végétatif, comateux…) que le traitement : naturel ou artificiel, ordinaire ou extraordinaire, proportionné ou disproportionné, obligatoire ou optionnel, raisonnable ou futile… Dans la décision thérapeutique à prendre, tout en consultant notre conscience, en respectant la présomption générale en faveur de l’alimentation et en évaluant les avantages et les inconvénients possibles, comment intégrerons-nous les souhaits du patient (dont nous attendons un consentement libre et éclairé) ou de son représentant ?… Une étude médico-éthique claire et éclairante. — P.-G.D.
Galvagni L., Bioetica e comitati etici, coll. ITC – Scienze religiose n.s. 13, Bologna, EDB, 2005, 21x14, 200 p., 13.50 €. ISBN 88-10-41501-9
37Docteur en philosophie et spécialisée en bioéthique, Lucia G. dresse l’historique des Comités éthiques en Italie et étudie leur rôle. Elle y voit les signes d’un besoin croissant de réfléchir sur la dimension éthique de la médecine et de son évolution rapide. Elle distingue les comités consacrés à la recherche, ceux chargés des cas particuliers dans les établissements hospitaliers, et enfin ceux chargés des problèmes-limites dans un domaine en rapide évolution. La thèse du livre est que de tels comités sont des lieux de réflexion et de confrontation pour mener une réflexion communautaire sur la médecine, ses objectifs et ses dimensions éthiques.
38Alors qu’autrefois les décisions étaient prises par deux personnes, le médecin et son patient, elles dépendent de plus en plus de nombreuses instances impliquées dans les soins médicaux. La démocratie exige que les malades partagent les responsabilités et les décisions à leur sujet. Pour respecter l’autonomie des personnes, la société doit favoriser la coexistence d’options morales et de décisions variées. Les comités éthiques font apparaître ces différences et essayent de les résoudre. On constate qu’ils aboutissent souvent à un consensus qui permet de faire des lois respectant la diversité des visions morales des populations de différents pays. Les comités éthiques sont également devenus des observatoires pour évaluer les nouveautés de la médecine et les réponses à leur apporter.
39Quatre interviews complètent cet exposé et fournissent de précieux témoignages directs de personnes qui font autorité : un président et un ex-président du comité national italien de bioéthique, celui d’une personne impliquée dans un comité pour les soins palliatifs, et aussi celui d’une autre dans un comité sur le cancer.
40Travail utile et bien pensé, qui peut aider même à former les membres des comités éthiques. — B.C.
Krumb J.-M., Les fondements de la morale chrétienne, coll. Cheminements – Spirituels, Paris, L’Harmattan, 2005, 24x15, 408 p., 41 €. ISBN 2-7475-8344-X
41Il est difficile de rendre compte de cet ouvrage tant est évidente sa perspicacité, tant sont durs ses jugements. L’A. rappelle la fameuse exclamation d’Yvan dans Les frères Karamazov de Dostoïevski : « Si Dieu n’existe pas, tout est permis ». À son avis, cette thèse, qui permet d’exprimer l’essence du christianisme et de sa doctrine morale, est explicitement reprise par le catholicisme romain d’aujourd’hui pour régler l’action humaine par des normes indiscutables sans lesquelles il n’y pas d’existence humaine et morale possible.
42L’A. prend donc pour objet de son étude le christianisme, non pas comme foi ou religion, mais dans le système doctrinal et moral où le magistère romain contemporain l’exprime. Il y a donc, cela étant, une opposition totale entre la « modernité », où l’action humaine est affranchie de toute tutelle théologique, et une pensée religieuse qui précisément affirme une telle tutelle. Pour éclairer ce conflit doctrinal, l’A. a donc dû évaluer les critiques théologiques et métaphysiques que le magistère romain oppose à la philosophie occidentale de ces derniers siècles.
43Même si des théologiens chrétiens ont pu pour leur part interpréter, voire relativiser certains textes de l’Écriture et certaines positions classiques, le propos de l’A. est de les laisser ici de côté. Son but, en effet, est de « voir comment le magistère romain contemporain… a intégré des positions parfaitement traditionnelles, pour ne pas dire conservatrices, dans son corpus doctrinal ». Par souci d’objectivité, l’A. reproduit un nombre important de textes avec les références et les annotations nécessaires, à l’appui de ses propres interprétations.
44Il concentre essentiellement ses analyses sur la liberté et l’autonomie de la raison humaine. À son avis, il est incontestable que pour le magistère romain, si Dieu n’existait pas, tout serait permis. D’ailleurs le magistère va encore plus loin en affirmant que puisque tout n’est pas permis, Dieu existe. Dieu est le fondement absolu de la morale, ou alors il n’y a pas de morale. Entre la foi et la raison, il ne peut y avoir de conflit. Mais justement la modernité pose les questions : quelle raison ? quelle philosophie ? Pour l’Église, il n’y a de philosophie authentique que soumise à la foi. Pour la modernité, la philosophie n’a cessé de proclamer sa volonté d’émancipation face à toute autorité et à toute tradition.
45L’Église rejette le pluralisme idéologique et éthique alors que la philosophie moderne est essentiellement plurielle et se refuse à tout absolutisme. Sans mettre en évidence d’éventuels conditionnements « politiques » de l’attitude de l’Église, l’A. y voit surtout une logicisation excessive de l’expérience humaine. En effet, le magistère a, selon lui, subordonné la réflexion au seul principe logique de non-contradiction, dégageant ainsi sa doctrine du critère de l’expérience. Ceci explique « l’intempérance théorique du magistère romain » notamment au plan de la morale. Et s’explique également la distance qui désormais sépare le message biblique et apostolique, surtout en matière morale, de la modernité, faisant que la doctrine magistérielle n’est plus audible aujourd’hui.
46À notre avis, pareil ouvrage mérite notre plus diligente attention. N’a-t-on pas confondu l’absolu et l’universalité des valeurs pour lesquelles milite l’Église avec la généralité de la loi ? Là où le « relativisme » doit, évidemment, être rejeté, ne faut-il pas tenir compte de la « relativité » qu’impose l’expérience ? Il faudra un jour au magistère le douloureux courage d’aborder ces questions, sans se contenter, face à la rigidité de ses normes, morales et canoniques, de ne trouver d’issue que dans le seul discours de la miséricorde. — H. Jacobs sj
Lacroix X., De chair et de parole. Fonder la famille, Paris, Bayard, 2007, 21x15, 176 p., 18 €. ISBN 978-2-227-47647-9
47Familles monoparentales, recomposées, concubinaires, homoparentales… La grande saga de la famille contemporaine est interrogée, dans ces pages de sagesse humaine, d’après l’alliance la plus fondatrice, celle de la chair et de la parole, jusqu’au seuil des enjeux religieux qui s’y révèlent aussi. Tous les modèles familiaux ne se valent pas, dans l’éthique commune sur laquelle on peut fonder quatre piliers qui sauvegarderont l’avenir de la famille : le mariage (fait universel), la différence des sexes (en raison de l’enfant), l’accueil de la vie comme don (l’intangible gratuité), l’appartenance à un plus grand corps (que le triangle père-mère-enfant). Dans ce modèle non conservateur se croisent le désir d’épanouissement personnel et le sens des responsabilités les plus radicales, le lien horizontal entre époux et le lien vertical entre les générations. Ceci clairement posé, le mariage sera entendu, dans le chapitre II, comme ouverture au tiers, visible et invisible (« les concubins sont des héritiers [du mariage] qui s’ignorent ou qui veulent ignorer », 85). Un troisième chapitre, joliment intitulé « Pourquoi vieillir ensemble ? » s’intéresse fortement aux quatre raisons de durer (95) et aux ressources disponibles — ici revient l’insistance transversale qui recommande aux couples de reprendre souffle dans un cadre communautaire élargi. Le dernier chapitre, plus nettement spirituel, médite sur le roc de la différence des sexes et des générations où s’inscrit la transcendance. « Comment a-t-on pu en arriver » à désigner le sexe lui-même comme une construction culturelle, c’est-à-dire à perdre à ce point le contact avec le réel du donné corporel ? Les débats actuels sur l’ouverture du mariage ou de l’adoption par des « duos homosexuels » révèlent la triple incertitude contemporaine sur le mariage, la parenté, la teneur de la différence sexuelle. Très justement, l’auteur distingue la prise en compte de situations particulières de leur institution par la loi. Quand on articule chair et parole, nature et culture, la famille ne peut être que conjugale et de surcroît, hétérosexuée, peut-il affirmer pour finir. Fortement argumentées et fondées dans l’immense expérience de l’auteur, ces positions lumineuses pourraient emporter la conviction des esprits non prévenus. — N. Hausman scm
Martin-Prevel M., Lettre aux divorcés, coll. Petits Traités spirituels – série III « Bonheur chrétien », Nouan-Le-Fuzelier, éd. des Béatitudes, 2005, 18x11, 101 p., 5 €. ISBN 2-84024-229-X
48« Lettre » délicate à envoyer, genre littéraire difficile mais fraternel, ce « petit traité » atteint son objectif : ouvrir le cœur à la miséricorde et manifester les paradoxes de cette tendresse divine telle qu’elle s’exprime dans sa Parole et dans l’Église, dans son enseignement, ses lois et son économie sacramentelle. Ce qui est dit par l’auteur jaillit d’une longue expérience d’accompagnement (Déjà auteur de Refaire sa vie ? Lettre ouverte à une divorcée). Ses conseils sont fondés sur la grâce baptismale (chap. 1) : il en révèle les fruits principaux de Cana à la Croix et à la Pentecôte. La réalité du pardon est incontournable : elle un don de Dieu auquel nous pouvons collaborer (chap. 2).
49Si l’homme est appelé à la fidélité (aux modes parfois bien divers), c’est parce que notre Dieu est un Dieu fidèle. L’A. insiste sur la fidélité possible et sur les moyens pour en vivre ou y parvenir. Il situe concrètement la question de la chasteté, du remariage envisagé et/ou vécu. Les deux derniers chapitres éclairent des points difficiles : place de l’Eucharistie, accompagnement des enfants du divorce dans diverses situations. L’axe de la pensée est de paix : il vise la réconciliation et le respect de la doctrine de l’Église. Les exemples considérés et le langage utilisé toucheront le cœur de nombreux lecteurs. Voici une « lettre » précise, chaleureuse et désireuse de rendre compte du Mystère de l’Amour de Dieu toujours présent dans nos vies brisées et blessées. — A. Mattheeuws sj
Mazuir Fr., Les déchirures de la modernité. La transformation contemporaine des représentations symboliques, coll. Sociologie de la modernité, Paris, L’Harmattan, 2006, 22x14, 229 p., 20 €. ISBN 2-296-00471-7
50Une fort bonne mise au point lucide, ouverte, attentive aux répercussions sociologique provoquées par l’avènement de la modernité. Aussi ce livre est-il bien à sa place dans la série « sociologie de la modernité » des éditions L’Harmattan. C’est en fait le condensé d’une thèse de doctorat défendue à l’Univ. Paul Valéry de Montpellier III, sous la direction du Pr P. Tacussel qui préface l’essai. L’A. est chargée d’enseignement au département de sociologie de cette Université.
51La visée de l’A. est nettement spéculative, comme le souligne l’introduction ; elle plaide pour une « épistémologie de la complexité ». Une première partie s’efforce alors de détailler les failles de la modernité, concept dont elle fait une analyse éclairante, démasquant les mythes du progrès et de la politique dans la structure sociale, avant de considérer la mutation des formes sociales et de mettre en évidence de nouvelles figures de légitimité. Une 2e partie considère les figures de la conflictualité à partir de mai 68, avec un examen précis du rôle, des symboles et des enjeux de la violence dans les relations sociales, et la mise au point de structures de médiation. La 3e partie campe face à face le politique et le social dans une discussion suggestive sur le pouvoir, le glissement des modèles et le déplacement de la fonction symbolique. L’A. termine par un chapitre conclusif intitulé « pour une gestion de la complexité ».
52Tout au long de son parcours, l’A. discute avec nombre d’auteurs politiques ou sociaux, dont nous trouvons une liste impressionnante dans la bibliographie. Elle nous fait ainsi entrer dans l’histoire de ce difficile problème, appelé aujourd’hui « post-modernité », à travers ce qu’elle qualifie « sociologie du mouvement ». C’est là une étude austère, qui jongle avec les idéologies et leur émergence dans les phénomènes de société. Destiné par priorité aux sociologues et aux politiciens, cet ouvrage aidera les lecteurs avertis à prendre le pouls de ce qui se vit dans la société contemporaine ; un domaine qui gagne à être connu. L’A. elle-même entraîne ses lecteurs à un examen de conscience sur l’éthique de leur engagement et sur le sens de leur responsabilité politique et sociale. — J. Radermakers sj
Morandini S., Teologia e ecologia, coll. Novecento teologico 17, Brescia, Morcelliana, 2005, 19x12, 223 p., 16 €. ISBN 88-372-2064-2
53Laïc marié, S. Morandini est professeur de théologie et spécialiste de l’écologie. Il relève que depuis 40 ans environ l’écologie a pris une importance internationale. Dieu a confié à l’homme la domination de la terre, non pas sa destruction. Il est grand temps de réagir. La responsabilité de tous est engagée et on doit accepter de modifier nos styles de vie personnelle et communautaire. Le Mouvement Œcuméniques a plaidé auprès des Églises pour « la sauvegarde de la création », à Bâle, Séoul et Graz, et a élaboré une « Charte œcuménique interconfessionnelle » que Jean-Paul II et le Patriarche Bartholomé ont signée en 2002. Ce thème est également discuté entre les grandes religions.
54Entre 1960 et 70, on a accusé le christianisme d’être si centré sur l’homme, qu’il en oubliait la terre sur laquelle il vivait. Ces attaques ont obligé la théologie à voir différemment les rapports entre Dieu, l’homme et le monde. Les deux premières parties du livre parcourent quelques étapes de la recherche théologique pour une écologie positive. On y découvre des précurseurs comme A. Schweitzer et Teilhard, des écoféministes, des biblistes, des théologiens de la stature de J. Moltmann.
55La troisième partie relève quelques conclusions fermes de ces recherches pour sauver la terre comme demeure de la vie et propose une relecture écologique de la Bible. La théologie écologique pense la création dans le mystère de Dieu-Trinité et de la christologie en vue de découvrir le sens du monde dans lequel nous vivons. Elle précise que la création existe dans le Christ comme œuvre du Père. L’Incarnation est encore inachevée et tend vers sa plénitude. Moltmann souligne la grâce propre de la nature destinée à la gloire du Royaume qui éclatera à la Parousie. Les croyants sont responsables du monde et de son achèvement et ont à collaborer avec tous les hommes de bonne volonté. Toute créature porte en elle l’image de son créateur, mais, pécheresse, elle est aussi capable de ruiner la terre.
56Petit livre simple et clair qui nous explique l’importance de cette nouvelle branche de la théologie qu’est l’écologie et comment elle s’intègre dans la théologie fondamentale. — B.C.
Teologie politiche. Modelli a confronto, éd. G. Filoramo, coll. Centro Alti Studi in Scienze Religiose di Piacenza 4, Brescia, Morcelliana, 2005, 23x16, 464 p., 32.50 €. ISBN 88-372-2026-X
57Après les attentats du 11 sept. 2001, la globalisation et la crise de l’État libéral, le thème des « théologies politiques » est redevenu actuel et dramatique. La globalisation a disloqué les centres traditionnels du pouvoir ouvrant par là une crise identitaire complexe, explique G. Filoramo dans sa préface, et a rendu aux religions la fonction de restaurer les identités ethniques et politiques menacées. En quoi les théologies politiques peuvent-elles aider à clarifier ces questions délicates spécialement dans nos démocraties ? Le Centre d’études religieuses de Plaisance a réuni 22 spécialistes internationaux pour discuter de ce problème de façon interdisciplinaire. Les études sont groupées en trois parties : les théologies politiques et les monothéismes, les droits sacrés, et la modernité.
58Leur point de départ fut la célèbre étude de C. Schmitt en 1922 sur « la théologie politique » en Occident avec le pouvoir divin comme modèle du pouvoir humain et structure qui aurait abouti en fait à notre sécularisation. En 1935, E. Peterson attaqua cette thèse à partir d’un texte de Grégoire de Nazianze sur la théologie trinitaire. Historiquement, le christianisme annonçait un Royaume divin au-delà de ce monde et il s’opposait par là à la religion civique des Romains. La Renaissance fit revivre cette idée de religion civique, alors que le Moyen Âge avait vu se succéder deux types de société : l’un où société et religion coexistaient simplement, l’autre où toutes deux collaboraient pour réaliser le plan divin, mais tout en essayant de se dominer l’une l’autre. La Russie sacralisa le pouvoir du Tsar.
59Peut-on comparer à ces modèles chrétiens les relations entre les deux pouvoirs dans l’Islam et dans l’État moderne d’Israël ? Vatican II a proclamé la liberté religieuse et l’autonomie des deux pouvoirs tout en rappelant qu’ils sont au service des mêmes personnes, ce qui suppose une certaine collaboration, respectueuse des libertés des personnes. Pour l’Islam, comment concilier le Coran et la démocratie qui limite le droit religieux ? En Israël, le cas de Rufeisen, juif devenu carme catholique, a souligné les liens étroits de l’État avec la religion en refusant à ce carme la pleine qualité d’Israélien en raison de sa conversion. Le régime politique dans l’Iran actuel souligne la difficulté des rapports entre théocratie et démocratie. Tels sont les grands thèmes de ce recueil.
60Ce congrès a bien montré qu’on ne peut pas séparer totalement les domaines politiques et religieux en dépit de la sécularisation. Les éclairages qu’il apporte sur ces questions complexes invitent à la prudence et à une étude approfondie de chaque cas. — B. Clarot sj
Testa L., La questione della coscienza erronea. Indagine storica e ricerca critica del problema della sua autorità, coll. Dissertatio, series romana 42, Milano, Glossa, 2006, 24x16, 428 p., 28 €. ISBN 88-7105-202-1
61Depuis saint Paul et la question des viandes immolées aux dieux (1 Co 8 et Rm 14), on admet que l’homme doit obéir à sa conscience, même si elle est erronée. Normalement, seule la vérité peut obliger. Définie comme « écho de la loi divine », d’où vient à la conscience son autorité en cas d’erreur non coupable ? C’est cette question que L. Testa, prêtre bergamasque, tente de clarifier dans cette thèse présentée à la Grégorienne en 2004.
62Commençant par le NT et saint Paul, il souligne deux problèmes, celui de l’intention et celui de l’ignorance. On sait aujourd’hui qu’on peut connaître une norme sans en être persuadé en conscience, ce qui oblige à adopter une approche concrète du sujet. La première discussion théologique sur la conscience erronée eut lieu entre Bernard et Abélard au XIIe s. ; elle fut reprise ensuite par Thomas et les scolastiques. La conscience est comme un héraut qui transmet les ordres de Dieu ; dès lors, elle oblige même si elle se trompe.
63Est-elle un simple organe d’application d’une loi ou possède-t-elle sa moralité propre ? La thèse de Testa est qu’il n’y a d’objet moral que dans la reconnaissance de la moralité de l’objet par le sujet. La conscience agit au sein d’un dynamisme vital de la personne vers Dieu. L’obligation vient de Dieu qui appelle l’homme à l’obéissance. La conscience possède en elle-même son caractère obligatoire et une erreur particulière ne détruit pas le lien constitutif avec la vérité.
64Ce livre constitue un bel effort pour clarifier ces problèmes. — B. Clarot sj
Zuccaro C., Morale e missione. Animare la fede e convertire la vita, coll. Studia 53, Rome, Urban. Univ. Press, 2006, 24x17, 248 p., 23 €. ISBN 88-401-4019-0
65Cataldo Zuccaro, professeur de morale à l’Université Urbaniana et à la Grégorienne, a publié divers livres sur la morale générale et particulière. Il affirme que la théologie a besoin de discussion publique pour éviter l’asphyxie, et a fortiori la théologie morale qui touche à bon nombre de disciplines. Il constate qu’on a rarement traité de la morale dans ses rapports avec le monde de la mission. Son objectif est ici de chercher les critères qui rendent féconds les rapports entre théologie morale et mission, car l’évangélisation comporte une exigence d’annonce morale.
66Même si elle est objective, universelle, absolue, la loi morale est cependant historique et la conscience y joue un rôle de premier plan. Pour répondre aux vrais besoins de la personne, la loi morale chrétienne doit être interprétée par les diverses cultures où le christianisme arrive, car l’ouverture de la personne à cette nouveauté évangélique ne peut être que progressive, proportionnelle à sa maturité humaine. Quoique immuable, la loi naturelle possède un caractère historique et dynamique. L’homme doit déchiffrer et interpréter la loi naturelle pour réaliser le bien moral, et cela ne va pas sans peine. La théologie morale est donc un chantier toujours ouvert, une discipline en construction. Il faut en tenir compte surtout face à des convertis.
67On ne peut faire violence à la conscience. Avec les non-chrétiens, nous avons à respecter la « loi de gradualité » et ne pas exiger des gens plus qu’ils ne peuvent porter. Il faut faire preuve de tolérance à leur égard. Le grand problème est ici le suivant : les païens droits et généreux se sauvent-ils à travers leur religion ou malgré elle ?
68Tels sont quelques-uns des problèmes traités par C.Z. Ceci l’amène à renoncer à un discours synthétique de même qu’à examiner certains problèmes de morale spécifiques. Il veut proposer des clés de lecture et d’interprétation valables pour tous ces problèmes particuliers.
69Livre dense et nuancé qui met en bonne place le rôle de la conscience et la loi de gradualité. Dans un domaine si délicat, on peut ne pas être d’accord avec C. Zuccaro sur certains points, encore faut-il répondre valablement à ses arguments. — B. Clarot sj