Couverture de NRT_271

Article de revue

Religions

Pages 135 à 155

Symbolisme et expérience de la lumière dans les grandes religions. Actes du Colloque tenu à Luxembourg du 29 au 31 mars 1996, éd. J. Ries et Ch.M. Ternes, coll. Homo Religiosus – série II 1, Turnhout, Brepols, 2002, 24x16, 276 p., 50 €. ISBN 2-503-51221-6

1De 1978 à 1993, la première série de la collection Homo Religiosus a proposé au public pas moins de seize volumes collectifs contenant principalement les actes de colloques d’histoire des religions organisés par les universités de Louvain-la-Neuve et de Liège. La résurrection de cette collection, chez un nouvel éditeur, permet heureusement la publication en français d’un recueil d’études parues il y a quelques années déjà en traduction italienne (Milan, Jaca Book, 1997) !

2Sans prétendre bien sûr à l’exhaustivité, ce solide dossier rassemble, outre une introduction et des conclusions (ou plutôt : un « constat ») signées par J. Ries, 17 contributions qui illustrent tant les convergences que les spécificités des diverses traditions envisagées. Elles se regroupent en quelques grandes sections. Proche-Orient et monde classique : illumination du défunt dans l’Égypte ancienne (Chr. Cannuyer) ; divinités solaires d’Anatolie (R. Lebrun) ; Apollon chez Dionysos (Ch.M. Ternes) ; nuit et lumière dans les mystères d’Eleusis (A. Motte) ; lumières de Byzance (P. Somville). Inde ancienne : lumière et ténèbres dans l’Inde brahmanique (J. Scheuer) ; le halo de lumière dans l’iconographie bouddhique (M. Delahoutre). Traditions bibliques : lumière (présence du Seigneur) contre lumières (luminaires divinisés) selon Is. 60 (Th.P. Osborne) ; textes de Qumrân (M. Gilbert) ; conflit ténèbres/lumière dans les écrits johanniques (Cl. Hélou). Gnose et initiation : illumination gnostique selon les textes manichéens coptes (J. Ries) ; lumière et théophanies chez Ibn ’Arabî (S. Arbache). Enfin Esthétique et liturgie : la Transfiguration dans l’art médiéval d’Occident (Fr. Boespflug) ; la lumière dans l’espace liturgique (S. de Lavergne) ; la lumière des églises romanes, gothiques, en style Louis XIV et Louis XV (M. Schmitt). Viennent s’y ajouter, en ouverture, le regard méditatif d’un astrophysicien (L. Avan) et la réflexion méthodologique d’un historien des religions à partir du symbolisme de la lumière dans l’herméneutique de M. Eliade (N. Spineto). Plusieurs contributions, notamment dans la section Esthétique et liturgie, comportent des illustrations. Une bibliographie générale complète les indications fournies en notes par chacun des auteurs. — J. Scheuer, S.J.

Demariaux J.-Chr., Pour comprendre les religions, coll. Pour lire, Paris, Cerf, 2002, 21x21, 218 p., 19 €. ISBN 2-204-06904-3

3Après un estimable Pour comprendre l’hindouisme (1995 ; NRT 118 [1996] 775) l’A. propose des clés pour comprendre les religions. Il ne s’agit pas d’exposés parallèles sur les différentes religions, mais d’une approche « anthropologique et phénoménologique » du fait religieux, illustrée bien sûr d’exemples pris dans bon nombre d’ensembles religieux, de la préhistoire à nos jours. Après un bref prologue évoquant quelques grands moments de l’histoire de l’histoire des religions, l’ouvrage aborde, dans la perspective de l’expérience du sacré, les ressources que les religions mettent à la disposition de l’homme en société pour vivre, exprimer et donner corps à cette expérience. Le sacré — ou peut-être la polarité sacré/profane — est ce qui permet à l’être humain de trouver et de donner un sens au monde, notamment par une structuration ou une transfiguration de l’espace et du temps (chap. 1). Partant de ce que nous pouvons connaître de la préhistoire, l’A. expose la fonction des mythes et symboles dans la genèse de figures divines ainsi que d’êtres intermédiaires et de représentations de l’au-delà (chap. 2). Viennent ensuite : la place des Écritures (ou de textes fondateurs transmis oralement), la constitution d’un canon et l’élaboration de la tradition (chap. 3) ; les organisations et institutions qui structurent la dimension sociale et communautaire du religieux, notamment à travers divers types de rapports entre vie religieuse et vie sociale, entre autorité spirituelle et pouvoir temporel (chap. 4) ; les multiples fonctions des rites et des pratiques religieuses (chap. 5). Nous retrouvons enfin l’expérience du sacré, sa structuration psychologique, ses rapports à la croyance et la foi, ses répercussions sur le devenir de la personne (chap. 6).

4L’exposé est agrémenté de nombreux exemples pris dans un grand éventail de traditions religieuses à travers l’espace et l’histoire, même si le judaïsme, l’islam et surtout le christianisme sont plus fréquemment invoqués ; il arrive que l’A. propose un éclairage de théologie chrétienne (par ex. sur la pluralité des voies de salut), mais cela est toujours clairement signalé. Des textes encadrés proposent des exemples un peu plus développés et un dossier de textes en annexe offre une série de points de vue (Engels, Durkheim, Freud, Jung, Buber…) sur « religion » et « sacré ». Dans l’ensemble, Eliade est de très loin le nom le plus cité, mais l’A. sait à l’occasion prendre distance. Classées par thème, les orientations bibliographiques rendront service. Bien informé et clairement rédigé, l’ouvrage est une bonne ressource pour l’étude personnelle et peut aussi servir de base pour des enseignements. — J. Scheuer, S.J.

Cocagnac M., Sacré et secret. Méditer pour entrer dans la profondeur des textes, coll. Lire la Bible 131, Paris, Cerf, 2003, 22x14, 241 p., 21.00 €. ISBN 2-204-07033-5

5Le P. Cocagnac, dominicain, aime méditer pour nous les symboles bibliques et nous faire entrer par ce biais dans une perception existentielle des textes de l’Écriture. Après son Lexique des symboles bibliques (Paris, 1993), il a déjà confié trois essais suggestifs à la collection « Lire la Bible » (nos 102, 109 et 120) : La Parole et son miroir (1994) — L’énergie de la Parole biblique (1994) — Le Corps et le Temple (1999). Ce numéro 131 de la collection invite les lecteurs à savourer la moelle du texte biblique en leur faisant goûter la poésie subtile des images, la force spirituelle de la musique, le jaillissement de l’action de grâce, le mystère secret du sacré, la puissance souveraine de Dieu maître de l’impossible, mais aussi l’écoulement du temps qui passe, les visages insolites du diable, les animaux symboliques des évangélistes, l’inattendu des visites célestes, la divine alchimie du feu et de l’eau.

6Ce petit volume permet de nourrir notre imaginaire de celui de la Bible, d’illuminer de poésie notre compréhension des textes, de baigner de mystère notre méditation, bref d’apprendre à contempler la Parole de Dieu dans toutes ses dimensions d’incarnation. Œuvre d’un théologien doublé d’un poète, cet essai enchantera les âmes intérieures. — J.R.

Comeau G., Grâce à l’autre. Le pluralisme religieux, une chance pour la foi, coll. Interventions théologiques, Paris, L’Atelier, 2004, 22x16, 159 p., 16 €. ISBN 2-7082-3742-X

7Dans cette excellente collection des éditions de L’Atelier, qui développe l’actualité de notre foi chrétienne, paraît ce livre suggestif d’une théologienne, professeur au Centre Sèvres de Paris, qui nous avait déjà entretenu avec bonheur des relations nouvelles entre chrétiens et juifs (cf. NRT 126 [2004] 340). Aujourd’hui, elle nous parle de la grâce que représente pour les croyants le pluralisme religieux. Préalablement au dialogue, des questions se posent : sommes-nous au clair avec notre foi et avec l’existence d’autres manières de percevoir Dieu, d’autres langages philosophiques ou religieux, d’autres typologies ? Devant les défis de la modernité, notre foi éprouve le besoin de repères fermes. Nous avons à en revisiter les fondements et à repartir de ce qui fait l’essentiel du christianisme et de l’Église.

8C’est à cet exercice salutaire que nous convie l’A., dialoguant elle-même avec les hommes et les femmes de ce temps, comme le signale l’abondance des notes brèves que l’on trouve à la fin des huit chapitres qui composent l’ouvrage. Repenser le don que Dieu-Trinité fait de lui-même au monde. Redécouvrir la personne du Père et celle de son Fils qui nous saisit dans son unique filiation et nous la partage dans l’Esprit Saint. Telles sont les tâches qui nous sollicitent si nous voulons apprendre à dialoguer. Elle termine en nous faisant redécouvrir l’Église comme « sacrement du salut », selon l’expression inspirée de saint Cyprien.

9Finesse de touche et justesse de ton sont les qualités majeures de cet essai qui va à l’essentiel, dans une écriture largement accessible au plus grand nombre. Une réflexion vigoureuse et pleine d’espérance qui éclairera notre foi exposée aux vents du pluralisme : une nouvelle chance pour retrouver notre identité et notre vitalité. Nous en recommandons vivement la lecture ; elle nous mènera à regarder l’autre comme la grâce du moment qui nous est heureusement offerte. — J. Radermakers, S.J.

Leroy G., Le salut au-delà des frontières : Réflexions d’un laïc chrétien sur le dialogue interreligieux, coll. Conversations, Paris, Salvator, 2002, 192 p., 18.29 €. ISBN 2-7067-0287-7

10« Des cultures religieuses, vivant jusqu’aujourd’hui sur le mode du “chacun chez soi”, se trouvent progressivement émulsionnées dans un grand brassage mondial » (9). Dans une société à la fois sécularisée et diverse, comment le chrétien peut-il penser cette pluralité religieuse ? Si la Bible ne répond pas directement aux questions d’aujourd’hui, elle propose l’éclairage de l’épisode de Babel (Gn 11, lu en conjonction avec la bénédiction d’Abraham, Gn 12) et du récit de la Pentecôte (Ac 2). Cet éclairage permet une première orientation dans l’éventail actuel des théologies chrétiennes des religions. Une compréhension équilibrée et cohérente passe toutefois par la personne du Christ dont l’unicité et l’universalité sont inséparables. C’est à partir de cet axe que les religions trouvent place et sens dans l’histoire du salut de Dieu et que le chrétien peut s’engager avec audace dans le dialogue interreligieux. S’il se réclame volontiers des travaux théologiques de Cl. Geffré et de J. Dupuis, l’A. sait aussi parler concrètement du dialogue à partir notamment de son expérience au sein de la « Conférence Mondiale des Religions pour la Paix ». Une réserve mineure : lorsqu’il évoque, par allusions souvent brèves, des traditions telles que l’hindouisme ou le bouddhisme, l’A. n’évite pas toujours des raccourcis un peu rapides ou des à peu près. — J.Sch.

Gira D., Au-delà de la tolérance. La rencontre des religions, Paris, Bayard, 2001, 21x15, 167 p., 16.77 €. ISBN 2-227-36316-9

11Au-delà des vertus et des limites de la tolérance, comment reconnaître les enjeux et définir les principes d’une rencontre en esprit de dialogue ? Ce petit livre très abordable propose d’abord de brèves introductions aux religions traditionnelles ainsi qu’à l’hindouisme, au bouddhisme, à l’islam et au judaïsme, avant de formuler ce qui fonde le respect chrétien pour les religions et d’examiner en quel sens le chrétien pourra les reconnaître, entre présence active de Dieu et réponse de l’homme, comme des voies de salut. Quelle est dès lors la spécificité du christianisme parmi les religions et comment interpréter la confession de foi en Jésus-Christ, unique médiateur de ce salut ? La réponse à ces interrogations permet de comprendre la vocation chrétienne aux formes diverses du dialogue interreligieux. Des schémas simples illustrent efficacement la démarche de la réflexion. — J.Sch.

Ipgrave M., Trinity and Inter Faith Dialogue. Plenitude and Plurality, coll. Religions and Discourse 14, Oxford/ Bern, Peter Lang, 2003, 23x15, 397 p., 64.80 €. ISBN 3-906769-77-1

12.

13Dans la rencontre et le dialogue avec d’autres croyants, la foi trinitaire des chrétiens n’est-elle qu’un « problème » ou peut-elle aussi être considérée comme une « ressource » ? Plus précisément, quel est le contexte et quel est le langage qui permettraient aux chrétiens de partager leur compréhension du Dieu Trinité de manière intelligible et créative ? Réécriture d’une dissertation doctorale présentée à Durham, l’ouvrage commence par dégager six « paramètres » ou traits caractéristiques de la conception trinitaire chrétienne : pluriel (ou différencié), personnel, trine, égal (refus du subordinationisme), nécessaire (appartenant à l’être même de Dieu), « immanent » (et pas simplement « économique »). À chaque étape de l’étude, ces paramètres serviront de repères et de critères pour situer et vérifier la progression de l’enquête historique et de la réflexion théologique. Ils sont tout d’abord mis à l’épreuve à l’occasion d’un bref examen des positions trinitaires de Tillich et de Panikkar (chap. 1).

14Au-delà de la pensée trinitaire spécifiquement chrétienne, cependant, ces paramètres peuvent utilement caractériser d’autres manières d’appréhender ce que l’A. propose d’appeler la plénitude divine. Les chapitres 2 et 3, au centre de l’ouvrage, examinent plus à loisir deux moments du dialogue interreligieux autour du thème trinitaire. Les dimensions d’unité et de pluralité de la plénitude divine sont envisagées d’abord dans le cadre de la rencontre entre philosophie grecque ou hellénistique et christianisme patristique : l’attention se centre surtout sur Plotin et Origène, puis sur les conciles de Nicée (325) et de Constantinople I (381), avant de se tourner vers Grégoire de Nazianze et Augustin, figures emblématiques de la théologie d’Orient et d’Occident. L’autre grand moment — certes moins fécond — est celui de la controverse entre le monothéisme islamique et la pensée chrétienne médiévale, qu’elle soit proche-orientale (Jean Damascène, Paul d’Antioche), latine (Thomas d’Aquin) ou byzantine (Palamas) : la Parole de Dieu (le Christ Verbe ou le Coran) et les attributs divins sont ici au centre des débats.

15Dans le dernier chapitre, l’A. peut alors développer sa propre réflexion et formuler des suggestions à propos de la dimension trinitaire de la plénitude divine, non seulement comme thème ou comme contenu pris en considération dans le débat interreligieux (notamment avec l’islam et avec l’hindouisme), mais aussi et plus encore comme située au fondement de ce dialogue et lui conférant sa dynamique. L’objectif n’est évidemment pas de dégager un accord unanime entre, par exemple, chrétiens, hindous et musulmans : la Trinité restera toujours, entre eux, un « problème ». Il s’agit plutôt de reconnaître dans la tension entre unité et pluralité au sein de la plénitude divine, telle que cette tension s’exprime dans les différentes traditions, des ressources qui permettraient à chacune d’enrichir et d’approfondir sa foi et sa réflexion propres.

16Que ce soit dans les vastes enquêtes d’histoire doctrinale ou dans les réflexions qu’il propose pour aujourd’hui, l’A. excelle à dégager les enjeux essentiels avec clarté et brièveté. — Je ne suis pas sûr que soit fondé le reproche de réductionnisme sociologique qui est fait à Dumézil (349-351), mais cette question latérale n’invalide pas l’argumentation centrale de l’ouvrage. — J. Scheuer, S.J.

Fisher M.P., Religions Today. An Introduction, London/New York, Routledge, 2002, 24x15, 319 p. ISBN 0-415-26282-8

17Dans cette édition abrégée de son Living Religions, l’A. présente, de manière succincte, claire et agréable, l’origine, le développement, les doctrines et les pratiques de neuf religions : l’hindouisme, le bouddhisme, le taoïsme (et le confucianisme), le shintoïsme, le judaïsme, le christianisme, l’islam et le sikhisme (dont l’A., attachée à un centre sikh de New Delhi, se sent proche et qu’elle présente comme la septième religion du monde). Elle omet le jaïnisme, ainsi que le zoroastrisme (des Parsis indiens), mais elle évoque : en un premier chapitre, les shamanes ; en un dernier chapitre, les nouveaux mouvements religieux. Chaque chapitre présentant une religion est illustré par un certain nombre de citations (dont le choix est fatalement subjectif), par la présentation d’une personnalité publique contemporaine (l’évêque Tutu, le Dalaï Lama…) et par une interview d’un(e) pratiquant(e) ordinaire d’aujourd’hui (une grand-mère de Bangkok, une autre de Calcutta…).

18Le parti pris judicieusement irénique et œcuménique de l’A. la contraint à ne développer certains thèmes contemporains que de manière discrète : la théologie de la libération, l’holocauste (elle n’emploie pas le terme Shoah), le retour à la Shari’ah… Son ambition de présenter la place des femmes dans chaque religion n’est qu’imparfaitement réalisée. L’ouvrage est enrichi d’un glossaire (d’absolutisme à zendo) et d’un index (d’Aaron à Zwingli). — P. Detienne, S.J.

Milestones in Interreligious Dialogue. A Reading of Selected Catholic Church Documents on Relations with People of Other Religions. Essays in honour of Francis Cardinal Arinze. A Seventieth Birthday Bouquet, éd. Ch.D. Isizoh, Rome € Lagos, Ceedee Publ., 2002, 23x15, XXV-430 p. ISBN 88-900030-4-9

19Nommé archevêque d’Onitsha à l’âge de 35 ans, dans son Nigeria natal alors dévasté par la « guerre du Biafra », Francis Arinze fut, 17 ans plus tard, appelé à Rome : il y sera, pendant 18 années et jusqu’en 2002, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux. Le sous-titre du volume d’hommages qui lui est offert indique bien la perspective qui donne leur unité aux 27 contributions ici rassemblées. Un tiers est dû à des auteurs nigérians et africains ; parmi les autres auteurs, signalons les noms de R. Etchegaray, M. Fitzgerald, W. Kasper, F. Machado, Th. Menamparampil. Les 14 premières études offrent commentaires et réflexions sur des documents destinés à l’Église catholique universelle : de Ecclesiam suam, Lumen Gentium, Nostra Aetate ou Gaudium et Spes à Dialogue et Mission, Redemptoris Missio et Dominus Iesus. Viennent ensuite des présentations des documents publiés par Jean-Paul II en conclusion des synodes pour l’Afrique, le Liban, l’Asie, l’Amérique et l’Océanie. La dernière section envisage des questions spécifiques soulevées par les relations judéo-chrétiennes, la place des « religions traditionnelles » (quatre études pour autant de continents), les sectes, les nouveaux mouvements religieux. Le dernier chapitre examine les dispositions du Code de droit canonique en matière de relations interreligieuses. Une brève biographie et une bibliographie du jubilaire clôturent l’ensemble. — J. Sch.

Bae Kuk-Won, Homo fidei. A Critical Understanding of Faith in the Writings of Wilfred Cantwell Smith and Its Implications for the Study of Religion, coll. Toronto Studies in Religion 26, New York/Bern, Peter Lang, 2003, 24x16, XIII-282 p., rel., 71.50 €. ISBN 0-8204-5112-6

20Canadien de tradition presbytérienne, islamologue et historien des religions comparées, W.C. Smith (1916-2000) s’est notamment fait connaître par des essais historiques et théoriques tels que The Meaning and End of Religion (1962), Faith and Belief (1979) ou encore Towards a World Theology (1981) : il y tente en particulier de restituer, dans quelque tradition religieuse que ce soit (pas seulement en contexte occidental ou monothéiste), la dimension de la « foi » (faith) contre-distinguée de la « religion » et des « croyances » (beliefs).

21Après avoir esquissé quatre phases d’une biographie intellectuelle, l’A. examine les raisons — philosophiques et méthodologiques — de la réticence constante de W.C. Smith à l’égard de toute définition de cette « foi » pourtant si centrale dans sa pensée. Il est bien plus aisé, dans la perspective de l’auteur étudié, de dire ce que la foi n’est pas.

22Il est possible cependant de tenter la définition opératoire suivante : « 1) a (the) generic human quality that enables men and women 2) to find a (the) meaning of existence 3) through an act of trust and engagement 4) in a transcendent dimension 5) within a religious (cumulative) tradition 6) expressed in various forms » (118).

23Cette définition personnaliste et de facture phénoménologique est longuement commentée à la lumière des écrits de W.C. Smith et des controverses qu’ils n’ont pas manqué de soulever. L’A. examine ensuite la fécondité mais aussi les écueils d’une telle approche au plan de l’histoire comparée ou des sciences des religions, puis de la philosophie de la religion et de la théologie.

24Ancien assistant de W.C. Smith, aujourd’hui chargé d’enseignement dans une institution baptiste de Corée, l’A. estime que si certaines faiblesses dans l’argumentation ont fait perdre à Smith plus d’une bataille, la guerre n’est pas perdue. Bien informé des débats toujours en cours en histoire comparée des religions, son exposé, qui se développe avec grande clarté, fera mieux connaître l’Œuvre étudiée. Elle invite à articuler de manière rigoureuse — plus rigoureuse que Smith n’est arrivé à le faire — la dimension personnelle « subjective » de l’engagement de foi et les expressions « objectives » qui sont le matériau de l’historien des religions et que philosophes et théologiens ne peuvent ignorer. — J. Scheuer, S.J.

Mooren Th., Making the Earth a Human Dwelling Place. Essays in the Philosophy and Anthropology of Culture and Religion, coll. Religionswissenschaftliche Studien – Studies in Religion 50, Würzburg € Altenberge, Echter € Oros, 2000, 21x15, 351 p., nomb. ill., 80 DM. ISBN 3-429-02236-3

25La correspondance entre microcosme et macrocosme, la relation intime entre les humains et la Terre semble désormais hors de portée. Cependant la réduction du monde à des objets manipulables et monnayables conduit à une impasse. Une nouvelle écologie est-elle possible sans une anthropologie religieuse (sens du rite et du symbole) et une philosophie de la Nature ? L’A. situe ses réflexions sur une ligne de crête : il puise, d’une part, dans un bagage considérable de données ethnographiques empruntées surtout aux mondes amérindiens et aux civilisations du Pacifique ; il interroge, d’autre part, des penseurs tels que Schelling, Heidegger ou encore Ricœur. Alors que l’avènement de l’État, de sa violence et de sa justice, introduit une notion abstraite de bien et de mal qui coupe le contact immédiat avec la bonté de l’Être, comment gérer désormais les rapports entre nature et culture, objet et sujet, vie et raison, sans qu’un pôle dévore l’autre ? À quelles conditions le monde peut-il (re)devenir habitable ? Méditation riche, mais quelquefois un peu chaotique. — J. Sch.

Teologia delle religioni. Bilanci e prospettive, éd. M. Crociata, coll. Cammini nello Spirito – Teologia 60, Milano, Paoline, 2001, 21x14, 388 p., 19.63 €. ISBN 88-315-2151-9

26Cet ouvrage clairement charpenté est le fruit d’un colloque organisé par le département de théologie des religions de la Faculté de théologie de Sicile, à Palerme. On peut y distinguer un versant historique et documentaire et un versant méthodologique et prospectif. Une première étude évoque l’émergence, dans le cadre de la théologie chrétienne, d’un intérêt pour les religions et leur statut dans l’histoire du salut : d’abord l’œuvre de précurseurs tels que O. Karrer, H. de Lubac et J. Daniélou, ensuite les travaux d’un K. Rahner ou d’un H.R. Schlette ainsi que leur réception à Vatican II (G. Canobbio). Pas moins de sept chapitres procèdent ensuite à un examen approfondi de contributions plus récentes dans différents domaines régionaux ou continentaux : pour la France, encore H. de Lubac, ainsi que Cl. Geffré et J. Moingt (J.-M. Aveline) ; dans le domaine anglosaxon les auteurs sont regroupés selon les perspectives exclusiviste, inclusiviste ou pluraliste (J. Farrugia) ; les contributions de langue allemande sont présentées au fil d’un itinéraire qui conduit de E. Troeltsch à H. Küng (G. Gäde) ; un auteur catalan centre toute son attention sur l’œuvre de R. Panikkar (S. Pié Ninot) ; enfin les productions théologiques de l’Asie du Sud, de l’Extrême-Orient et de l’Afrique sont présentées respectivement par F.A. Machado, J.S. Lee et J. Ilunga Muya.

27Sans prétendre à l’exhaustivité, ce tour d’horizon, nourri d’abondantes références bibliographiques, offre des dossiers substantiels dans lesquels apparaissent déjà bien évidemment les enjeux méthodologiques et théologiques qui sont repris dans la seconde partie de l’ouvrage. Entre les sciences des religions (phénoménologie, sociologie, psychologie…) et la théologie des religions, M. Fuss estime que peut s’instaurer une « diaconie » où la réciprocité serait garantie par le respect des statuts et des méthodes propres à chaque discipline. (On pourra se demander toutefois si le choix de termes tels que « anthropologie interreligieuse » ou « anthropologie théologique comparée » pour désigner la théologie des religions ou du moins l’un de ses moments, contribue à clarifier le débat dans le sens souhaité par l’auteur). Dans sa contribution intitulée « Une théologie biblique des religions ? » G. Bellia s’attache surtout à définir l’objet et la méthode de la « théologie biblique », mettant en garde contre un recours trop direct et trop utilitaire à des citations bibliques pour fonder telle ou telle thèse en théologie des religions. Enfin M. Crociata cherche à définir le statut et la démarche de la théologie des religions. L’examen des positions de V. Boublik, P. Rossano, J. Dupuis et H. Waldenfels donne l’occasion de penser notamment la complémentarité entre une réflexion plus générale quant à la portée salvifique des religions et une prise en considération de ce que propose chaque religion particulière. Il s’agit en outre par là de préciser la relation plus étroite que la théologie des religions entretient tantôt avec la théologie fondamentale tantôt avec la théologie systématique. — J. Scheuer, S.J.

Norden Ed., Agnostos theos : Dio ignoto. Ricerche sulla storia della forma del discorso religioso, éd. C.O. Tommasi Moreschini, coll. Lett. cristiana antica, Brescia, Morcelliana, 2002, 23x16, 529 p., 35 €. ISBN 88-372-1880-X

28Pourquoi traduire ce livre un siècle après sa parution en allemand et alors que toutes les sciences dont il parle ont évolué ? L’éditrice italienne estime que ce classique réédité trois fois en Allemagne sans additions (1923-56-96) garde sa valeur par son esprit et sa méthode. Ed. Norden (1868-1941), converti au protestantisme évangélique dès 1885, fut un brillant latiniste, professeur d’Université, Recteur à celle de Berlin en 1906, mais qui dut s’exiler sous le nazisme. On lui a rendu un vibrant hommage en 1991.

29Le plan de son livre est simple : 1- Le discours de saint Paul à l’Aréopage et l’inscription « Au Dieu inconnu » dans Ac 17,23. 2- Recherches historico-stylistiques sur les prières et les formules de prédication. 3- Neuf Appendices sur la composition des Actes, Apollonius de Tyane, la formule « Par lui, avec lui et en lui », parallélismes phraséologiques sémitiques et grecs, place du verbe dans le grec du NT, le logion de Mt 11,25-30, etc., avec quelques additions et corrections. Enfin trois index : noms, lieux scripturaires, quelques termes grecs et latins. Dans sa réédition de 1923, 10 ans après la première, Norden admet que les sciences ont évolué, mais il a renoncé à publier une masse de nouvelles notes pour ne pas trop alourdir le texte et il l’a réédité tel quel sans répondre aux critiques.

30Où se situe la valeur de cet ouvrage d’un savant à la vaste culture ? Dans la conclusion de sa savante préface de plus de 100 pages qui font le point actuel, Chiara Tommasi déclare que Norden fut très sensible aux phénomènes religieux complexes de l’époque hellénistique, mêlés de stoïcisme et de platonisme, de religions à mystères et de religions révélées orientales avec leurs courants monothéistes ou panthéistes, avec l’astrologie et l’alchimie. Lui, un latiniste, a osé aborder ces vastes domaines théologiques. Profitant des avancées de l’école de Tübingen, Norden a dessiné un cadre du christianisme primitif sans le couper des autres phénomènes religieux contemporains et en particulier des courants initiatiques et ésotériques dont il a été l’un des premiers philologues à reconnaître l’importance exceptionnelle ; mais il n’a pas manqué de souligner également leurs différences avec les mouvements gnostiques qui réservaient leurs doctrines à une petite élite et sacrifiaient la masse.

31La cosmogonie d’Hésiode a cédé la place à une autre qui a influencé Platon. Les sympathies orientalisantes de ce dernier dans sa vieillesse ont été anticipatrices. Platonisme et théologie chrétienne ont cohabité, mais avec des racines différentes, cohabitation utile selon les uns et dangereuse selon d’autres. Le livre de Norden a contribué à jeter avec maîtrise quelque lumière sur ce monde complexe, contradictoire et fascinant, tout en clarifiant les interactions philosophiques et religieuses et en laissant la route ouverte pour de nouvelles recherches. L’éditrice présente une bibliographie sélective et mise à jour. Notons que Norden a reconnu lui-même qu’il avait accordé une importance excessive à Apollonius de Tyane, mais son livre demeure un chef-d’œuvre par son esprit, sa méthode et la largeur de ses vues. — A. Pighin.

Carisma profetico, fattore di innovazione religiosa, éd. G. Filoramo, coll. Le scienze umane, Brescia, Morcelliana, 2003, 23x15, 391 p., 30 €. ISBN 88-372-1958-X

32Nous vivons de nos jours des événements dramatiques où des religions jouent à nouveau un grand rôle. On a peur et l’on recherche de nouveaux prophètes et des leaders. Weber a jeté une certaine lumière sur ce phénomène socio-politique et religieux et peut nous aider à y voir plus clair. C’est dans cet esprit qu’un colloque a réuni à Plaisance 21 savants internationaux dont ce livre publie les rapports. Le thème complet de cette rencontre était : comment naît une religion ? Le charisme prophétique comme facteur d’innovation. On y apprend que le prophétisme n’a pas toujours joué un rôle politique ou subversif et qu’il a même parfois consolidé le pouvoir.

33Les exposés partent des grands monothéismes et passent par la Chine avant d’aboutir à l’époque contemporaine. En grec biblique, le terme de prophète comporte un double sens : « qui parle au nom de Dieu » ou « qui prédit l’avenir » (Dorival). Dans l’islam, Dieu communique ses inspirations prophétiques par une révélation et des miracles et souvent en vue de renouveler l’islam (Gril). Dans le mazdéisme, le prophète reçoit d’En-Haut des enseignements qui se répercutent dans le droit (Herrenschmidt). Les prophètes bibliques sont nettement différents des autres prophètes du Moyen-Orient (Grottanelli). La vie de Jésus a un aspect charismatique (miracles, prophéties) alors que d’autres juifs charismatiques de son époque (Honi et Hanina) sont plutôt des sages (Mimouni). Au IIe s., le montanisme marqua la crise et la fin du prophétisme dans l’Église, du moins pour plusieurs siècles (Destro et Pesce).

34Le Bas Moyen Âge vit fleurir les prophétismes en Occident, mais sans vraies figures prophétiques et sous le contrôle de l’Église. On ne revit de vrais prophètes qu’avec Savonarole et, chez les protestants, Th. Münzer (Rusconi). Les fondateurs d’ordres nouveaux pourraient être assimilés à des prophètes (Cuniberti). G. Fox, fondateur des quakers offre des traits proprement prophétiques (Bori). On trouve dans le Coran différents aspects des prophètes et leurs rapports avec Mahomet (Rubin). Le prophétisme islamique est en continuité avec le prophétisme juif et chrétien, mais a été faussé dès les débuts par le souci de prétentions légitimistes (Tettoli). Les imams chiites sont des prophètes ayant une mission sacrée (Amir-Moezzi).

35Pythagore fut un maître de sagesse charismatique doublé d’un thaumaturge (Macris). En Chine, la religion fondée en 1500 par Luo Menghong existe toujours (Seiwert). Jos. Smith, fondateur des mormons au XIXe-XXe s., fut prophète et leader charismatique (Madsen). À notre époque, on peut parler du rôle charismatique de certains leaders prônant la réconciliation en Afrique du Sud, au Rwanda et en Haïti (Corten). Chez les juifs, le groupe hassidique des Lubavich (vers 1800) prône un messianisme basé principalement sur Maïmonide et la connaisssance ; il attire à lui aussi bien le peuple que les mystiques, attend la venue imminente du Messie et la reconstruction du temple de Jérusalem (Guolo). E. Pace conclut en montrant les différents rôles innovateurs des leaders charismatiques.

36Ce large éventail des questions traitées intéressera les spécialistes et ceux qu’inquiètent les phénomènes de notre temps. Le ton irénique des exposés facilitera peut-être le dialogue interreligieux. — B. Clarot, S.J.

Porro C., Il sapore dell’immutabile. La presenza di Dio nel cristianesimo e nelle grandi religioni, coll. Contributi alla teologia 34, Roma, Città Nuova, 2002, 20x13, 159 p., 12 €. ISBN 88-311-3266-0

37Alors que dans le stress et le confort modernes, beaucoup d’hommes deviennent indifférents à la religion, d’autres motivés par le vide spirituel ou l’épreuve cherchent comment entrer en union avec Dieu. Les chrétiens ont trop négligé les voies de l’expérience de Dieu et la mystique au profit de la doctrine et des dogmes. De là le succès des religions qui offrent une expérience de Dieu au terme d’un itinéraire assez précis.

38C. Porro, professeur de théologie, veut relever le défi en montrant dans le christianisme des voies offertes par Dieu à tous pour arriver à une certaine expérience divine par des voies multiples et à des degrés divers. Après avoir brièvement parcouru l’histoire chrétienne à ce point de vue depuis l’AT jusqu’à notre époque, il examine très succinctement les chemins offerts par le stoïcisme d’Épictète, la Bhagavad Gita, le bouddhisme du Grand Véhicule et l’islam mystique ou soufi. Il conclut que Dieu vient vers l’homme pour l’unir à lui par sa grâce. L’expérience spirituelle comporte à la fois sentiment et connaissance, mais toute expérience divine demeure obscure et se déroule dans la foi.

39Porro présente parmi d’autres quatre voies d’accès à cette expérience : la vue de la beauté du monde, la Parole de Dieu dans l’Écriture, l’eucharistie, tandis que les jeunes préfèrent aujourd’hui expérimenter Dieu dans le service du prochain et des pauvres. De toute façon, cette expérience exige une certaine ascèse : silence, prière, éloignement du péché.

40Intéressant, ce livre paraît cependant encore fort théorique et la multiplicité des voies disperse l’attention. Il est probable que seuls des témoins de l’une des voies peuvent emporter l’adhésion et l’imitation. — B. Clarot, S.J.

Terrin A.N., Mistiche dell’Occidente.New Age, Orientalismo, Mondo Pentecostale, coll. Le Scienze umane, Brescia, Morcelliana, 2001, 23x16, 284 p., 15.49 €. ISBN 88-372-1840-0

41Spécialiste des religions, A. Terrin est professeur à Milan, Urbino et Padoue. Il étudie le vécu religieux sans le classer dans des catégories préétablies. C’est dans cet esprit phénoménologique qu’il aborde les grandes expériences ou sensibilités religieuses de notre époque pour essayer de les comprendre dans leur originalité. Or il constate que la tendance mystique y est dominante dans un esprit plus libre, plus risqué, plus délivré de toute autorité et nous rend familiers ce qui nous paraissait étrange il y a peu encore. On favorise aujourd’hui une expérience religieuse fluide et une conception holistique (globale) du monde. On aspire au vrai spirituel et à la redécouverte du besoin de Dieu qui nous habite. En somme, c’est un retour à William James.

42Sur ce fonds commun, Terrin présente l’éventail des grands et nouveaux mouvements religieux en Occident et leurs tendances mystiques : Nouvel Âge, hindouisme, pentecôtisme. Il voit la mystique comme la tendance spirituelle actuelle la plus authentique et la plus déconcertante, alors que la théologie catholique s’en soucie trop peu. Le Nouvel Âge lui apparaît comme une mystique foisonnante, une religion de la nature qui veut réunir harmonieusement les parties au tout. L’Orient, lui, est le lieu de naissance de nos mystiques occidentales contemporaines et on peut y retrouver tous les fragments mystiques de notre monde. Terrin souligne ses rapports avec l’Occident et s’attarde sur la mystique advaïta (non dualiste) de Shankara (788-820) et de Ramana Maharsi plus près de nous : Tattvamasi (Tu es cela : c’est-à-dire tu es la réalité unique, car Dieu est tout et tout est Dieu).

43Il en arrive au surprenant Pentecôtisme catholique qui, selon lui, possède tout pour devenir l’équivalent chrétien de la vision du Nouvel Âge et jouer chez nous le rôle de l’Orient mystique actuel. Mais il note qu’un certain fondamentalisme gêne son expression, de même que l’obligation de rendre compte de ses charismes à l’Église hiérarchique qui redoute d’être débordée par tant de liberté et d’audace.

44La mystique comme besoin de s’établir dans l’émotion religieuse sur fonds d’expérience du divin semble devenue le sommet d’une culture qui donne un démenti à la sécularisation actuelle. Le christianisme a trop identifié la structure du monde à sa description objectivante, au détriment de l’expérience religieuse. Il nous faut aller dans le sens du Pentecôtisme sans trop le brider et en acceptant de reconsidérer nos positions théologiques trop statiques. Ajoutons qu’on devrait méditer cette phrase de l’excellent spécialiste de l’hindouisme que fut le Père P. Johanns sj : « La seule grande différence entre l’hindouisme et nous, c’est que pour lui nous sommes Dieu par nature, alors que pour nous, chrétiens, nous le sommes par grâce ». — B. Clarot, S.J.

Kippenberg H.G., La scoperta della storia delle religioni. Scienza delle religioni e modernità, tr. G. Ghia, coll. Scienze delle religioni, Brescia, Morcelliana, 2002, 23x16, 342 p., 25.50 €. ISBN 88-372-1907-5

45La place des religions dans la modernité est plus que jamais à l’ordre du jour. Le regard que nous pouvons aujourd’hui jeter sur la diversité des religions, antiques et contemporaines, ne se conçoit guère sans le développement, depuis deux siècles à peu près, de l’histoire comparée, puis des sciences humaines des religions. L’apparition et la constitution de ces disciplines et de leurs méthodes sont à leur tour indissociables de l’évolution générale de la société occidentale moderne et du statut de la religion dans cette culture. L’ouvrage propose le récit alerte de la naissance et du développement des sciences des religions, de 1850 environ à la fin de la première Guerre Mondiale, en faisant revivre quelques-unes de leurs figures plus significatives : Max Müller et Edward Tylor, W.R. Smith et James Frazer, Emile Durkheim et Marcel Mauss, William James et Max Weber ou encore Rudolf Otto. Le mérite de l’A. est d’aider à comprendre, chemin faisant, les enjeux culturels, épistémologiques et philosophiques de cette histoire toujours en cours. Chaque chapitre est accompagné d’une abondante bibliographie. Traduit de l’allemand (Die Entdeckung der Religionsgeschichte, 1997), l’ouvrage est déjà disponible en français (À la découverte de l’histoire des religions, Paris, Salvator, 1999). Sa traduction italienne en confirme l’intérêt et l’utilité. — J. Scheuer, S.J.

Waldenfels H., S.J., Phänomen Christentum. Eine Weltreligion in der Welt der Religionen, coll. Begegnung 10, Bonn, Borengässer, 2002, 23x16, IX-118 p., rel., 14.90 €. ISBN 3-923946-59-7

46Réimpression, avec quelques mises à jour (dans le texte et dans les suggestions de lecture en fin de chapitres), d’un cycle de conférences organisé à la mémoire de Romano Guardini et publié tout d’abord chez Herder en 1994. L’ensemble comporte huit causeries : la situation présente du christianisme entre sécularité et « religiosité » ; la transition de l’Europe chrétienne des Temps Modernes à une modernité post-chrétienne ; le panorama actuel du religieux ; le judaïsme et notamment le rapport du christianisme à ses racines juives ; l’islam, le sceau de la prophétie et l’imitation du Prophète ; l’hindouisme et le bouddhisme comme formes de spiritualité nouvelles sur la scène occidentale ; l’art de se frayer une voie entre les dérives fondamentalistes et syncrétistes ; enfin une affirmation personnelle forte du pouvoir de fascination du christianisme : nous pouvons aujourd’hui encore reprendre le « à qui irions-nous ? » des évangiles. Dans ces exposés brefs, où il lui faut marcher d’un bon pas, l’A. propose des aperçus vigoureux qui vont à l’essentiel. — J.Sch.

Khalidi T., Un musulman nommé Jésus. Dits et récits dans la littérature islamique, tr. J.-L. Bour, coll. L’Islam des lumières, Paris, Albin Michel, 2003, 23x15, 263 p., 18 €. ISBN 2-226-14265-7

47« Au milieu des tensions actuelles entre le christianisme et l’islam dans certaines régions du Moyen-Orient et d’Europe, il est salutaire que nous nous souvenions d’une époque et d’une tradition où christianisme et islam étaient largement ouverts l’un à l’autre, plus conscients et plus dépendants du témoignage de l’un sur l’autre » (p. 61). Ainsi s’exprime l’A. à la fin de son introduction à ce livre courageux et instructif, manifestant ainsi le propos de son ouvrage. Né à Jérusalem, ce Palestinien diplomé des Universités d’Oxford et de Chicago, a dirigé à Cambridge le centre d’études sur le Moyen-Orient et l’Islam, avant d’être chargé par l’Université américaine de Beyrouth de la direction du département d’études arabes et islamiques. Parmi ses nombreux ouvrages, citons L’Islam arabe classique et La pensée historique arabe dans la période classique.

48Admirablement documenté sur le « Jésus islamique » tant dans les sources arabes anciennes que dans les études modernes, comme l’atteste l’excellente bibliographie citée dans le livre, il entreprend de relever dans la littérature de l’Islam les traditions concernant « l’évangile de Jésus » à partir des « dits et récits » qui correspondent à ce que les rabbins appellent midrash et la tradition chrétienne « évangiles apocryphes » ou « dits gnostiques », révélateurs de la pensée et de l’imagination d’une communauté à telle ou telle époque. Une fois édité en anglais en 2001, ce livre a été immédiatement traduit en une vingtaine de langues, signe de son importance pour le dialogue interreligieux.

49La connaissance étendue que l’A. a de la littérature arabe classique lui a permis de réaliser ce florilège impressionnant de citations, répertoriées, traduites et commentées sur « le fils de Marie », « le prophète Jésus ». Saluons cette œuvre de rapprochement des cultures et des religions réalisée ici : les lecteurs musulmans, juifs ou chrétiens y trouveront matière à réflexion et occasion d’ouvrir leur cœur à l’« autre », même si le Jésus que présente l’A. ne correspond pas exactement à celui de leur tradition. Pour nous, sans doute, manque la référence à l’histoire factuelle, mais les « dits et récits » mentionnés s’inspirent évidemment d’une tradition religieuse « assimilée et interprétée par une autre qui en recueille les miettes », permettant des rencontres en profondeur, sans syncrétisme, mais avec le souci mutuel de s’écouter et de se comprendre. Merci à l’A. et aux éditeurs de cette initiative constructive et généreuse qui n’est certes pas sans écueil si on ne la reçoit pas avec circonspection. — J. Radermakers, S.J.

Évangile de Barnabé. Fac-similé, tr. et notes L. Cirillo et M. Frémaux, coll. Religions, 2e éd. revue par M.F., Paris, Beauchesne, 1999, 27x21, XIX-363 p., 246 FF. ISBN 2-7010-1389-5

50On sait, depuis sa découverte ou du moins la publication de traductions en anglais (1907) et en arabe (1908), l’importance que ce texte discuté a revêtue dans les relations de controverse entre musulmans et chrétiens. Cette deuxième édition reproduit le texte (en facsimilé), la traduction française, les notes et les index de l’ouvrage paru en 1977 chez le même éditeur (598 p. ; cf. NRT 111 [1979] 604-607). Si le premier sous-titre d’alors (« Recherches sur la composition et l’origine ») a disparu, c’est que la plus grande partie de l’introduction signée par L. Cirillo n’est pas reprise ou se trouve réduite à quelques éléments de conclusions (avec, le cas échéant, brève indication de nouvelles données du dossier). La bibliographie a fait l’objet d’une mise à jour (XVIII-XIX). — J. Sch.

Von Athen nach Bagdad. Zur Rezeption griechischer Philosophie von der Spätantike bis zum Islam, éd. P. Bruns, coll. Hereditas – Studien zur Alten Kirchengeschichte 22, Bonn, Borengässer, 2003, 23x16, 180 p., rel., 26.40 €. ISBN 3-923946-63-5

51D’Athènes vers Bagdad… et vers l’Occident, ou de la (dis)continuité entre la philosophie antique et les mondes islamique et chrétien. Ce volume mince, mais riche de substance, rassemble neuf études présentées dans le cadre d’un cycle de conférences à l’Université de Bamberg (2001). S. Brock (Oxford) examine les traductions du grec en syriaque, du 5e au 7e s., notamment dans le domaine de la philosophie populaire de caractère éthique ; il analyse leur réception dans le monde oriental et leur intérêt pour les hellénisants. P. Bruns (Bamberg) fait de même pour le corpus aristotélicien et la formation d’une « scolastique » en Orient (école de Nisibe, Philoxène de Mabboug, Babai le Grand). G. Endress (Bochum) suit le cheminement de la philosophie grecque dans le monde musulman, jusqu’à Bagdad et au-delà, évoquant les figures d’al-Kindî, puis d’al-Fârâbî et d’Avicenne, jusqu’à la réaction théologienne d’al-Ghazâlî. Fr. Niewöhner (Wolfenbüttel) étudie le commentaire d’Averroës sur la République de Platon, notamment à propos de l’éducation des femmes.

52Les Pères de l’Eglise ne sont pas oubliés. A. Meredith (Londres) reprend l’examen de la question suivante : peut-on détecter chez les Pères cappadociens l’influence du langage et de la pensée de Plotin, voire de Porphyre ? R. Rieks (Bamberg) observe la présence de traits essentiels de l’éthique « païenne » chez Augustin : connaissance de soi, conscience, humanitas… À la charnière de l’Antiquité et du monde médiéval, viennent ensuite les figures de Boèce et de Cassiodore, étudiées respectivement par Chr. Schröer (Bamberg) et B. Steinhauf (Bamberg). Enfin, G. Strohmaier (Berlin) revient sur le rôle des auteurs arabes dans la transmission à l’Occident de l’héritage philosophique antique et sur notre propre rapport à la Grèce. Chaque communication est suivie d’une bibliographie assez développée (sources et études). — J. Scheuer, S.J.

Im Schatten der Politik. Einwirkungen auf das christlich-islamische Gespräch, éd. R. Albert – W. Dettling S.J., coll. Religionswissenschaftliche Studien 52, Altenberge, Oros Verlag, 2002, 21x15, 297 p., 38 €. ISBN 3-89375-207-2

53L’intégration sociale et politique des migrants musulmans (majoritairement turcs) en Allemagne ainsi que les relations entre chrétiens et musulmans seraient-elles dans une impasse ? Les initiateurs de ce recueil estiment qu’il ne faut pas en chercher la raison principale dans des facteurs culturels ni même proprement religieux. Outre une certaine incapacité de la société hôte à envisager des solutions neuves, il faut reconnaître surtout l’influence, sur la population immigrée, de mouvements politiques et de conflits politico-religieux importés des pays d’origine (Turquie ou monde arabe). C’est à une analyse réaliste de ces interférences que le lecteur est invité (une note précise que la majeure partie des contributions était rédigée « avant le 11 septembre 2001 »).

54La plus longue contribution invite sociologues, praticiens des sciences humaines et responsables politiques à dépasser un certain « fondamentalisme occidental » (67) incapable de penser à nouveaux frais son credo de sécularité ou de laïcité. Deux intervenants examinent ensuite plus brièvement les critiques islamiques à l’égard de cette laïcité, puis, à partir de l’exemple de l’Afghanistan, les contradictions dont souffrent les récentes interventions de l’Occident. Une deuxième section analyse le discours politique des organisations islamistes (turques et arabes) en Allemagne. Vient ensuite le récit commenté du projet d’organiser à Mannheim un enseignement religieux islamique qui se donnerait en langue allemande et dans une plus grande autonomie par rapport aux pouvoirs politiques des pays d’origine. Une dernière section rend compte d’une importante rencontre organisée en Turquie sur le thème des relations interreligieuses. — J. Scheuer, S.J.

Autour d’une conversion. Lettres de Louis Massignon et de ses parents au père Anastase de Bagdad, éd. D. Massignon, coll. Patrimoines Islam, Paris, Cerf, 2004, 24x17, 113 p., 18 €. ISBN 2-204-07618-X

55Au cours du long voyage qui, du 4 juin au 9 juillet 1908, le ramenait en France, L. Massignon voyagea en compagnie du carme d’origine irakienne Anastase-Marie de Saint Élie, qu’il avait rencontré quelques mois auparavant et qui se révéla un homme fort érudit en fait d’histoire de la littérature arabe. Une amitié profonde se tissa entre les deux hommes, qui se concrétisa par un assez abondant échange épistolaire qui couvrit les années 1908-1936. S’il n’était pas possible de les publier toutes — entre autres parce que celles du religieux à M. ont été confiées aux Archives nationales irakiennes et que nul ne sait quel fut leur sort après les événements récents —, D.M. a toutefois entrepris de publier une septantaine de missives envoyées au P. Anastase, certaines n’étant toutefois pas publiées intégralement, et d’autres ayant été écrites par les parents de M. Le tout est d’ailleurs suivi d’un relevé complet des 250 lettres de M. à Anastase.

56Quel que soit le sentiment d’inachèvement que pourrait susciter cette publication (D.M. laissa un manuscrit inachevé), d’ailleurs soigneusement annotée, il n’en est pas moins précieux pour tout ceux qui s’intéressent bien sûr à M. : c’est un dossier de plus qui témoigne de la grande finesse humaine et religieuse de cet homme. Et comme tous les dossiers de correspondances émanant de savants, cela ne peut qu’éclairer leur époque si riche en débats intellectuels.

57Espérons que l’on puisse un jour retrouver les lettres du carme, et que l’ensemble de cette correspondance ait la chance d’être intégralement mise au jour. — B.J.

Magnin P., Bouddhisme, unité et diversité. Expériences de libération, coll. Patrimoines, Paris, Cerf, 2003, 24x15, 763 p., 64 €. ISBN 2-204-07092-0

58Les publications autour du bouddhisme se sont multipliées ces dernières années. Nous ne disposions cependant guère en langue française d’ouvrages substantiels proposant un parcours relativement complet de l’histoire ainsi que des doctrines et des institutions bouddhiques. Directeur de recherches au CNRS, spécialiste du bouddhisme dans le domaine chinois, l’A. s’est donné pour objectif de faire le point, à l’intention d’un public exigeant mais non spécialisé, sur l’état de nos connaissances. Attentif à la diversité des formes que le bouddhisme a prises, des origines à nos jours, dans les différentes cultures de l’Asie et au sein de ses multiples courants et écoles, il ne méconnaît pas pour autant l’unité de son message central et de sa visée de libération. Il ne manque pas, en effet, de présentations rapides et générales « du » bouddhisme ou bien au contraire d’interprétations particulières inspirées de telle ou telle école. Le mérite — mais aussi le défi et l’exigence — d’une étude approfondie des diversités est de mettre en relief les points controversés, les options propres aux courants de pensée, aux traditions de pratique et de discipline : on est alors amené à s’interroger sur ce qui fait l’unité profonde ainsi que sur les méthodes d’interprétation et les procédures de transmission par lesquelles les bouddhistes ont cherché au fil des siècles à garantir leur fidélité au message du Bouddha.

59Dans l’ensemble, le plan de ce gros ouvrage est classique : les grands traits de la vie et de la quête spirituelle du Bouddha ; la communauté monastique et le cercle des disciples laïcs ; les enseignements doctrinaux et pratiques du fondateur, organisés selon le plan des « 4 Nobles Vérités ». Viennent ensuite des développements sur l’évolution du bouddhisme ancien (notamment les conciles et la formation des écoles), sur les fondements du « Grand Véhicule » (Mahâyâna) et la formation d’un « panthéon » bouddhique, sur les traits caractéristiques du bouddhisme chinois (trop souvent négligé dans les publications occidentales), avec ses écoles propres, leur diffusion et leurs transformations dans le reste de l’Extrême-Orient. Un long chapitre est consacré à la méditation et au développement des lignées de maîtres dans l’école Chan/Zen. Les deux dernières sections du corps de l’ouvrage étudient le bouddhisme tantrique (de l’Inde au Japon), puis les principaux courants de la tradition tibétaine. On pourra regretter, pour les nombreux siècles qui ont suivi le « bouddhisme ancien », l’absence d’un chapitre sur les développements propres à l’Asie du Sud et du Sud-Est.

60Rédigé à l’intention de lecteurs occidentaux motivés, cet ouvrage très informé, dense et substantiel, demande une lecture (ou une consultation) attentive, bien qu’il évite une technicité propre à décourager le non-spécialiste. Des notes précises et une importante bibliographie classée selon le plan des chapitres font de cette somme un tremplin pour des explorations ultérieures. Le volume s’ouvre sur une présentation des courants du bouddhisme présents en France et sur les raisons de l’intérêt qu’ils y suscitent. En fin de parcours, un dernier chapitre propose une éclairante mise en perspective du bouddhisme et du christianisme considérés comme deux voies de libération. — J. Scheuer, S.J.

Clooney F.X., Sagesse hindoue pour qui cherche Dieu, tr. Éd. Boné et J. Scheuer, coll. L’Autre et les autres 5, Bruxelles, Lessius, 2004, 21x15, 196 p., 21 €. ISBN 2-87299-119-0

61Enseignant la théologie et les religions comparées à Boston, auteur de plusieurs ouvrages sur divers courants philosophiques et religieux de l’hindouisme, ce jésuite américain a fait de longs séjours au Népal et en Inde. C’est à un large public cultivé qu’il destine ce petit livre, fruit d’un cycle de conférences. La diversité foisonnante du monde hindou risque de décourager plus d’un occidental en quête d’absolu ou simplement désireux de comprendre ces traditions antiques et toujours vivantes. Nous n’avons pas ici entre les mains un traité savant ni un manuel d’histoire ou de philosophie orientales.

62Depuis les mythes d’origine jusqu’aux figures modernes de Gandhi et de Mahasweta Devi, sept petits chapitres invitent à découvrir de l’intérieur et pour ainsi dire à éprouver le monde de l’hindouisme, son regard sur la vie et la mort, la création et la souffrance, le corps et l’imaginaire, la louange et la méditation silencieuse, la proximité de Krishna, la grandeur sauvage de Shiva, la puissance destructrice ou bienfaisante de la Grande Déesse. Chemin faisant, à mesure qu’il pénètre dans cet univers nouveau et peut-être étrange pour lui, le lecteur est constamment renvoyé par les réflexions de l’auteur à sa propre culture, à ses propres traditions religieuses, aux motivations de sa quête, aux richesses et aux écueils sur le chemin de la découverte. La rencontre de l’autre, dans le respect de sa différence, est aussi un chemin vers soi. — J. Scheuer, S.J.

von Stietencron H., Hinduismo, éd. Alb. Pelissero, coll. Scienze delle religioni, Brescia, Morcelliana, 2002, 23x16, 121 p., 13 €. ISBN 88-372-1905-9

63Indianiste réputé de l’Université de Tübingen, auteur d’ouvrages de recherche sur la littérature et l’iconographie religieuses hindoues, H.v.St. s’est également fait connaître d’un public plus large par sa participation, pour la section « hindouisme », à l’ouvrage dirigé par Hans Küng sur Le christianisme et les religions du monde (Seuil, 1986). Il propose ici, des origines (civilisation de l’Indus ; textes védiques…) à nos jours (évolution de l’hindouisme vécu ; liens entre religieux et politique dans le cadre du nationalisme indien…), un parcours rapide mais dense et bien informé. Il s’y montre en particulier attentif à la diversité culturelle, sociale et religieuse des phénomènes recouverts par l’étiquette hospitalière « hindouisme ». Un tableau chronologique et une carte des lieux saints de l’Inde complètent l’exposé. — J.Sch.

Yusa M., Japanese Religions, coll. Religions of the World, London, Routledge, 2002, 21x14, 128 p., 8.99 £. ISBN 0-415-26284-4 ; Adler J.A., Chinese Religions, id., 144 p., 8.99 £. ISBN 0-415-26283-6

64Sous la direction éditoriale de Ninian Smart, cette collection destinée à un large public propose des introductions qui, tout en se voulant précises et rigoureuses, ne requièrent guère de connaissances préalables. La perspective est plutôt descriptive et factuelle, avec une attention particulière aux évolutions contemporaines. Des chapitres brefs, avec de nombreuses subdivisions et intertitres, des mots clés mis en relief, quelques illustrations, des tableaux chronologiques, un calendrier des fêtes, un glossaire, des suggestions de lecture : ces petits volumes se présentent comme des guides ou des instruments d’étude clairs et maniables.

65Le volume consacré aux religions du Japon suit pour l’essentiel un plan chronologique : origines, mythes et rites du Shintô ; arrivée des écoles bouddhiques chinoises et développement, à l’ère Kamakura, de courants davantage marqués par la culture japonaise ; interaction du Shintô et du bouddhisme ; premiers contacts avec le christianisme ; bouleversements de l’ère Meiji et apparition d’innombrables « nouvelles » et « nouvelles nouvelles religions »… Les rapports avec l’histoire politique, les pratiques sociales et les arts sont esquissés au passage.

66L’exposé consacré aux traditions chinoises se développe de même selon un plan chronologique. À la présentation des grandes figures de l’Antiquité (Confucius, Mencius et Xunzi, ainsi que Laozi et Zhuangzi) succède l’étude des représentations cosmologiques et de ce que, faute d’un meilleur terme, on appellera religion populaire. À partir du début de notre ère, le tableau, pour chaque période, s’enrichit de la présence du bouddhisme et de ses interactions avec le patrimoine proprement chinois. Pour le XXe s., les renouveaux confucéen et bouddhique sont brièvement évoqués, tandis que l’A. s’attache davantage à la religion populaire et aux thèmes taoïstes qu’elle véhicule. — J. Scheuer, S.J.

Laporte J., Traditions religieuses en Chine et mission chrétienne, coll. Initiations, Paris, Cerf, 2003, 21x15, 400 p., 29 €. ISBN 2-204-07138-2

67Ayant longtemps étudié et enseigné les Pères de l’Église et la littérature chrétienne ancienne, l’A. s’est par ailleurs passionné pour les traditions religieuses du monde chinois et l’histoire de l’évangélisation en Chine. Il propose ici, dans une présentation simple et claire, un dossier de notes de lecture et d’extraits de textes, qu’il souhaite accessible à un large public. Une bonne moitié du livre explore les traditions qui constituent le patrimoine spirituel de la Chine : les Classiques de l’Antiquité et les enseignements des lettrés de tradition confucéenne ; les « Pères » du taoïsme ; le bouddhisme, en particulier dans ses développements propres au « Grand Véhicule », y compris au Tibet ; les croyances populaires.

68La seconde moitié du volume parcourt l’histoire de la mission chrétienne, surtout à partir de la fin du XVIe s. : les « temps heureux » qui débutent avec Ricci ; la réaction des lettrés et leurs critiques du christianisme ; l’interminable gâchis de la « querelle des rites » ; enfin, à l’époque contemporaine marquée par l’impérialisme et le marxisme, les épreuves des chrétiens de Chine « entre le marteau et l’enclume ». À la fin de chaque chapitre, une liste de questions stimule la réflexion du lecteur ou la discussion en groupe. — Un premier parcours, qui ne s’éloigne guère des sources dont l’A. est tributaire, mais qui pourra donner l’envie de poursuivre l’exploration. — J. Scheuer, S.J.

Winter St., Zen. Bibliographie nach Sachgebieten, coll. Schriften zur Meditation und Meditationsforschung 6, Frankfurt a.M., Peter Lang, 2003, 21x15, 265 p., 42.50 €. ISBN 3-631-51221-X

69Les publications sur le bouddhisme Zen et sur la méditation qui constitue la pratique essentielle de cette école ne cessant de se multiplier en Occident, le besoin de nouveaux instruments bibliographiques se fait régulièrement sentir. Bien que l’A. s’en soit tenu, outre les livres et quelques sites Internet, aux articles de quelque importance, la récolte est impressionnante : 3571 publications en allemand, en anglais et en français. Ce relevé couvre aussi bien les textes et les enseignements classiques que leur diffusion et leur pratique contemporaines en Occident. Une section utile classe les publications de pas moins de 86 maîtres Zen contemporains, asiatiques et occidentaux (en introduction, une brève « Histoire du Zen en Allemagne » permet de situer plus précisément certains de ces protagonistes). Signalons une section (près de 250 titres) sur les relations entre le Zen et d’autres traditions, qu’il s’agisse d’autres branches du bouddhisme ou bien du judaïsme et du christianisme. Une autre, d’importance comparable, rassemble les travaux sur Zen et philosophie, notamment autour de l’école japonaise dite de Kyoto ou encore dans la ligne de Heidegger.

70Les notices ne contiennent que les données bibliographiques essentielles ; elles ne proposent pas d’appréciation critique, bien que la rubrique sous laquelle elles apparaissent permette dans une certaine mesure d’apprécier le caractère scientifique et le genre littéraire des publications citées. Une table détaillée (près de 8 pages) sert en quelque sorte d’index des matières et facilite grandement la consultation. Le lecteur pourra recourir également à l’index des auteurs ; il est dommage que ce dernier ne soit pas complété par un index des personnes qui font l’objet d’une étude : sans occuper un espace excessif, un tel index aurait permis un accès complémentaire aux ressources ici rassemblées. Telle quelle, cette bibliographie constitue cependant un utile instrument de travail. — Corr. : n° 879 et index : Maillard, Stanislas (et non : Stanislas, M.). —J. Scheuer.

Verlinde J.-M., Le défi de l’ésotérisme au christianisme, 1. Quand le voile se déchire… ; 2. La déité sans nom et sans visage, Versailles, Saint-Paul, 2000, 21x14, 322 et 372 p., 17.98 € (x2). ISBN 2-85049-768-1 ; 2-85049-857-2

71On connaît le parcours mouvementé de l’A., prêtre de la Famille de Saint Joseph, actuellement professeur de philosophie à l’Université catholique de Lyon et au séminaire d’Ars. Chercheur scientifique, il a travaillé pour le CNRS belge, avant d’être saisi par le mouvement « Méditation transcendantale » inspiré de l’hindouisme, et de devenir disciple du gourou hindou Mahesh Yogi. Il raconte son histoire dans le livre intitulé L’expérience interdite (Versailles, 41998 ; cf. NRT 123 [2001] 511). Renouant avec son christianisme, il sacrifia un temps aux doctrines ésotériques de l’occultisme jusqu’au moment où il prit conscience de leur incompatibilité avec sa foi chrétienne. Depuis son ordination sacerdotale, il s’emploie à dénoncer les risques de semblables aventures. C’est dans ce cadre qu’il faut placer les deux livres ici présentés.

72Dans le premier, l’A. « déchire le voile » du mystère de la pensée ésotérique qui fascine tant de nos contemporains. Il entreprend dès lors de nous présenter les grandes lignes de l’histoire de l’ésotérisme occidental telles qu’on les retrouve dans toutes les cultures, et d’où sortit le Nouvel Âge. Il s’efforce alors de dégager les visées et la méthode du courant ésotérique, de saisir quelle est sa conception du divin et comment il perçoit l’homme au sein de l’univers. Ses interlocuteurs sont : la théosophie, l’anthroposophie, l’école Arcane, les loges maçonniques, les Rose-Croix et d’autres groupements analogues. Il se demande notamment comment ils intègrent la personne du Christ.

73Trois parties divisent ce premier tome. La première, intitulée La science des choses cachées nous ouvre les arcanes de la gnose, selon la « tradition hermétique » d’Hermès Trismégiste, puis celles de l’occultisme qui s’établit dans le monde subtil des énergies cachées dont certains initiés prétendent se rendre maîtres. L’A. expose alors la terminologie, la méthode et la finalité de l’ésotérisme, avant de nous mener en visite chez les principaux représentants de ces mouvements (deuxième partie). Une troisième partie s’efforce de poser un discernement chrétien à partir de la grâce divine : une réflexion sur la distinction entre foi et raison montre comment le christianisme part d’une révélation de Dieu, qui est tout le contraire d’une aliénation. Il en dégage « l’humble certitude » que donne la vérité révélée par Jésus dans les évangiles, et il expose, avec saint Paul, comment la personne de Jésus est le Mystère par excellence, dans un chapitre intitulé La gnose chrétienne. Des annexes reproduisent des déclarations de l’Église à propos de la théosophie et de la Franc-maçonnerie et de leur incompatibilité pour le catholique, car les mêmes mots véhiculent souvent des réalités complètement différentes.

74Dans le deuxième tome, l’A. s’interroge sur la conception de Dieu ou du divin dans l’ésotérisme. Refusant l’idée de révélation, celui-ci prétend atteindre le divin par les seules ressources humaines et élabore une théorie rationnelle sur Dieu, l’homme et l’univers à partir de l’expérience intuitive de niveaux plus subtils du réel accessibles grâce à l’initiation. Comment le relatif peut-il apparaître au sein de l’absolu ? L’histoire de la philosophie en trace le cheminement depuis Plotin jusqu’à l’idéalisme allemand de Jacob Boehme, à travers le manichéisme, le catharisme, le gnosticisme, la Kabbale, la Rose-Croix, d’où dérivent, à la Renaissance, les traditions aboutissant à la Maçonnerie. L’A. reparcourt cette longue histoire, avant de mettre en relief la spécificité de la connaissance de Jésus-Christ, et il esquisse le difficile chemin du dialogue en raison des préjugés et des soupçons qui pèsent sur la réalité chrétienne. Des annexes sur les documents ecclésiaux, une bibliographie et un index clôturent les deux tomes, qui doivent être suivis par un troisième où l’A. doit affronter « les Christs » du Nouvel Âge au Jésus-Christ des évangiles.

75Cette trilogie s’avère du plus haut intérêt pour les théologiens et pour les lecteurs formés désireux de discerner les écueils du Nouvel Âge et de toutes les formes d’occultisme présents souvent à l’état larvé dans les courants médiatiques modernes. — J. Radermakers, S.J.

Le religieux dans la commune. Les régulations locales du pluralisme religieux en France, éd. Fr. Frégosi et J.-P. Willaime, coll. Histoire et société 43, Genève, Labor & Fides, 2001, 23x15, 371 p., 28.99 €. ISBN 2-8309-1022-2

76Travaux d’un colloque tenu à Strasbourg, les 5 et 6 novembre 1998, traitant des rapports mutuels entre autorités communales et entités religieuses : monographies historiques et sociologiques, études sur base d’enquêtes de terrain, témoignages d’acteurs élus et religieux. Parmi les thèmes abordés nous notons : diversification croissante du paysage religieux ; nouvelle conception de la laïcité, non plus hostile ni neutre, mais garante du libre exercice du culte ; spécificité de l’Alsace-Lorraine concordataire et des quatre cultes « reconnus » : catholique, luthérien, réformé, juif ; revendication de religions mondiales récemment implantées ; hétérogénéité des groupes islamiques (turcs, maghrébins…) et bouddhistes (tibétain-rural, japonais-citadin) ; pathologisation de l’islam ; cohabitation difficile avec les multiples dissidences chrétiennes socialement controversées ; répercussions négatives des rapports parlementaires concernant les sectes ; définition du « religieux légitime » pour l’octroi du statut d’association cultuelle ; constitution de conseils interreligieux à l’échelle d’une agglomération ; offres et demandes exprimées localement : lieu de culte, regroupements occasionnels, inhumation, interdits alimentaires dans les cantines scolaires, etc. — P.-G.D.

Couture A., La réincarnation, coll. BREF 56, Paris / St Laurent, Cerf / Fides, 2000, 18x10, 125 p., 48 FF. ISBN 2-204-06391-6

77Dans la réincarnation, seule l’âme passe dans un corps différent et réalise son sort ultime à travers de multiples réincarnations purificatrices avant de pouvoir enfin fusionner en Dieu et se perdre en lui. Les adeptes actuels de cette doctrine en Occident ont l’impression de pouvoir choisir leurs différentes vies. Cette doctrine est loin d’être une doctrine toute simple et elle s’est précisée et imposée lentement chez nous à partir des religions orientales et surtout grecques. Elle a prospéré aux deux siècles passés à travers le spiritisme jusqu’au New Age. Elle croit à l’autonomie absolue de l’individu et au progrès illimité, dans la ligne des best-sellers de Gina Germinara, De nombreuses demeures (1950) et de James Redfield, La dernière révélation (1996). Par-delà des arguments fragiles, la réincarnation peut donner sens à la vie de certaines personnes qui veulent prendre leur destinée en main jusqu’au seuil de l’au-delà. On ne doit pas ridiculiser cette croyance. Les chrétiens, qui parlent actuellement fort peu de l’autre vie, doivent eux-mêmes justifier leur point de vue sur la résurrection en respectant la foi des autres. N’oublions pas que dans les sondages, un quart des catholiques pratiquants se disent partisans de la réincarnation.

78Livret très bien fait, objectif, décapant, sérieusement informé, il est l’œuvre d’un professeur de religions à l’Université Laval du Québec. Mais il insiste trop peu, nous semble-t-il, sur la différence entre le salut chrétien, don de Dieu obtenu par la foi, et le salut recherché dans la réincarnation par la seule activité humaine. — B. Clarot, S.J.

Couvert Ét., La gnose en question. Dialogues et controverses, Chiré, éd. de Chiré, 2002, 21x14, 214 p., 16 €. ISBN 2-85190-102-8

79Triple appendice aux précédents ouvrages de l’A., consacrés à la gnose : études complémentaires (l’assassinat du duc de Guise, le suicide de Luther…) ; réponses aux lecteurs (p. ex. Les Esséniens de la Mer Morte sont les chrétiens du Ier siècle ; controverses. L’A., qui fait état des louanges de l’abbé Georges de Nantes et de Mgr Lefebvre d’Écône, considère comme gnostiques : le protestantisme, Thomas More, l’infâme luciférien Teilhard de Chardin et le Bouddhisme… qui, créé par Mani, n’est rien d’autre qu’une forme abâtardie d’une gnose judéo-chrétienne).

80Il est certain, affirme l’A., que les bouddhistes ont plagié la naissance du Christ. Aux conclusions des historiens dits scientifiques (fumistes ou imposteurs) tels que René Grousset, l’A. préfère le témoignage des bons pères missionnaires. Il cite le jésuite André d’Andrade qui, au début du XVIIe siècle, croit avoir perçu des traces de la Trinité et de l’Incarnation chez les bouddhistes tibétains… et qui conclut que « d’une certaine manière la lumière du Saint Évangile est parvenue ici ». Malgré l’absence (usuelle) de référence, nous pensons que l’A. cite ici les Lettres édifiantes et curieuses, dont la valeur documentaire est bien attestée, mais dont les concordances théologiques sont naïves : les bons pères ont identifié Brahma et Abraham, Sarasvati et Sara. — P. Detienne, S.J.

Dericquebourg R., Croire et guérir. Quatre religions de guérison, Paris, Dervy, 2001, 22x14, 195 p., 14.48 €. ISBN 2-84454-076-7

81Sur un sujet qui pouvait être passionnant, ce petit ouvrage déçoit, d’abord parce qu’il est mal écrit et mal corrigé (ainsi, la note 51 a disparu au profit d’une répétition de la note 52, p. 141 et 151, sans parler de nombreuses fautes d’orthographe) ; ensuite parce qu’il demeure à mi-chemin dans l’analyse des « religions » qu’il se contente de décrire : l’antoinisme (sans doute le chapitre le mieux réussi), la science chrétienne, l’invitation à la vie, la scientologie (avec un curieux parti-pris pour cette dernière) ; enfin, la préface de J. Baubérot, sociologue des religions, et la postface d’O.L. Seguy, avocat « spécialiste de la liberté de conviction », ne parviennent pas à modifier l’impression d’une trop grande précipitation, comme l’atteste aussi le lexique, où manquent certains mots récurrents (le fameux cult…). On sait, pour finir, que les pratiques thérapeutiques sont intriquées, dans ces groupes minoritaires, avec des cosmologies religieuses particulières ; mais pourquoi le « profil sociographique » ainsi dressé s’intéresse-t-il si peu au régime financier de telles « religions » ? — N. Hausman, S.C.M.

Lozachmeur J.-Cl., Fils de la veuve. Recherches sur l’ésotérisme maçonnique, Chiré, Éd. de Chiré, 2002, 21x14, 285 p., 21 €. ISBN 2-85190-130-6

82L’A., universitaire médiéviste spécialisé dans les romans de la Table Ronde, chrétien convaincu, décrypte à la lumière de ses propres travaux le sens de l’énigme maçonnique. Péremptoirement, il fait ressortir le parallélisme qui existe entre les mythes des cultes païens et ceux de la Franc-maçonnerie, avatar moderne d’une religion multiséculaire et universellement répandue ; les mythes sont en effet des récits codés transmettant sous forme de symboles une doctrine dont on découvre le secret en les décryptant. Ainsi, derrière les symboles des « fils de la veuve », se cache une religion dualiste cohérente où s’opposent un dieu civilisateur ami des hommes et un dieu mauvais et ennemi, qui veut les punir de s’être approprié connaissance et technique. De plus, ce dieu hostile châtie son rival coupable de les avoir transmises. Notons que la déesse de cette connaissance efficace est Athéna, synonyme de Satana notre démon, considéré ici comme le grand bienfaiteur de l’humanité.

83Dans la légende de Perceval, à propos du conte de Graal, l’attention de l’A. est attirée par une personne appelée « fils de la veuve », nom donné précisément aux Francs-maçons. La Veuve représente la connaissance privée de son époux (le dieu civilisateur) et, par l’intermédiaire de ses enfants, elle est ivre de revanche. Dans une histoire conçue comme cyclique, les initiés maçons veulent, en vengeant le Père, restaurer l’âge d’or collectiviste de l’humanité. — De la sorte, dix mythes européens parallèles et quarante trois mythes universels se trouvent spécialement éclairés par celui de Prométhée (Eschyle), accusé par l’Aréopage d’avoir révélé un secret interdit, par celui d’Enlil, d’Hephaïstos, d’Osiris et Isis, et même de Yu le Grand en Chine… — †G. Navez, S.J.

Bregman L., Death and Dying, Spirituality and Religions. A Study of the Death Awareness Movement, coll. American University Studies – Series VII : Theology and Religion 228, New York/Bern, Peter Lang, 2003, VII-251 p., rel., 63 €. ISBN 0-8204-6729-4

84Depuis une trentaine d’années, en particulier depuis la publication des premiers ouvrages d’Elisabeth Kübler-Ross, les perceptions de la mort et du mourir, de la séparation et du deuil se sont profondément modifiées dans les sociétés nord-américaine et européenne. Fortement marquée à ses origines par un humanisme qui se voulait non religieux, cette prise de conscience s’ouvre aujourd’hui davantage à des dimensions spirituelles. Cette spiritualité est-elle en rupture ou en continuité avec les messages des religions traditionnelles ? Et pourquoi, par exemple, les publications d’inspiration bouddhiste semblent-elles si présentes sur ce terrain, alors que la contribution chrétienne paraît bien modeste ?

85L’ouvrage commence par passer en revue les images et symboles, les attitudes et valeurs véhiculés par cette nouvelle sensibilité, non sans s’interroger sur certaines absences ou sur une tendance à passer sous silence des aspects plus sombres du mourir. Deux chapitres examinent ensuite les transformations de la sensibilité et du langage chrétiens face à la mort : on n’en parle plus guère comme un bien, ni comme un châtiment, ni comme la volonté de Dieu ; alors que l’enfer tombe dans l’oubli, la résurrection de la chair semble également peu présente. Il est en revanche beaucoup question de vivre authentiquement « sa » mort, de paix et de pardon mutuel, de relations avec les défunts et de la présence d’anges… D’autres traditions sont étudiées plus rapidement : le judaïsme et sa spiritualité du deuil, le « bouddhisme américain » et son insistance sur le mourir en pleine conscience, les religions amérindiennes et leur rapport à la nature. Ces chapitres fourmillent de notations culturelles et psychologiques intéressantes.

86En conclusion l’A. note avec pertinence que l’insistance sur l’authenticité du « mourir » et la pleine conscience bute sur la fréquente diminution des facultés (cas d’Alzheimer, p. ex.) : n’est-ce pas une invitation à mettre davantage en valeur la remise de soi confiante à Dieu, vécue en union avec le Christ dans sa mort ? Les chrétiens sont invités en outre à se montrer moins timides dans la présentation de leur manière de (se) préparer à la mort. Cependant, les quelques propositions concrètes formulées en conclusion paraîtront peut-être moins pertinentes que les analyses qui les ont préparées. — J. Scheuer, S.J.


Date de mise en ligne : 14/04/2015

https://doi.org/10.3917/nrt.271.0135

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