Couverture de NRT_252

Article de revue

Histoire de la pensée

Pages 332 à 347

Apologie à Diognète. Exhortation aux Grecs, trad. M. Bourlet, intr. et notes R. Minnerath, guide thém. M.-H. Congourdeau, index X. Morales, coll. Les Pères dans la foi, 83, Paris, Migne, 2002, 20x14, 150 p., 14 € ISBN 2-908587-46-7

1Ces deux Apologies, erronément attribuées à Justin le philosophe, sont présentées par Mgr R. Minnerath, de l’université de Strasbourg. La Lettre à Diognète (IIe siècle), qui répond à une demande (fictive) d’un païen cherchant à connaître le christianisme, est bien connue pour ses éloquents chapitres 5-6 : les chrétiens, vivant dans le monde sans être du monde, sont au monde, selon la métaphore stoïcienne, ce que l’âme est au corps : leur présence soutient le monde. Pour prouver la supériorité du christianisme, l’auteur anonyme s’en prend à la fois aux tabous alimentaires des Juifs, à leur sabbat, à leur « mutilation charnelle », à leurs sacrifices sanglants (!), et à l’idolâtrie des païens, dont il réduit les dieux aux statues qui les représentent. L’auteur, qui évoque le Verbe sans jamais citer ni le Christ ni l’Esprit Saint, conclut par un fervent appel à la conversion.

2L’Exhortation aux Grecs (IIIe siècle), dont voici la première traduction française, utilise deux arguments : contrairement aux prophètes hébreux qui, grâce à l’inspiration du Saint-Esprit, s’accordent toujours entre eux, les auteurs païens ne sont pas fiables : les dieux de l’Iliade, abondamment citée, sont ridicules ; les philosophes grecs se contredisent… et ce qu’ils disent de vrai, ils le doivent à la Bible des Juifs (Platon a reçu l’enseignement de Moïse, qu’il a déformé de peur de subir le sort de Socrate), cette Bible miraculeusement traduite en grec… dont les chrétiens sont les vrais propriétaires, même si le texte en est provisoirement conservé dans les synagogues, de telle sorte que les chrétiens ne peuvent être accusés de falsification. Apologie d’un autre âge. — P. Detienne, S.J.

Tertullien, Contre Marcion, t. IV, éd. Cl. Moreschini et R. Braun, coll. Sources chrétiennes, 456, Paris, Cerf, 2001, 20x13, 545 p., 310 FF. ISBN 2-204-06585-4

3Parmi les 31 écrits authentiques de Tertullien qui nous sont parvenus, l’Adversus Marcionem en cinq livres (211) tient une place de choix dans le genre des « controverses ». Poursuivant l’édition critique et la traduction commentée de cet ouvrage, deux professeurs d’Université, de Pise et de Nice, conjoignent leurs efforts pour en publier la totalité ; ils sont arrivés au Livre IV (cf. NRT 113 [1991] 588 ; 114 [1992] 758 ; 117 [1995] 591). Tertullien y examine les textes de l’Écriture retenus par Marcion ; il s’agit ici de « l’évangile marcionite », c’est-à-dire celui de Luc remanié. L’A. démontre qu’il est un faux, en se basant sur le texte de son adversaire, et il réfute sa présentation du Christ en mettant en lumière celle que propose l’Église.

4Une introduction au livre IV précède le texte latin et sa traduction annotée, précise et alerte. Maniant avec vigueur les procédés rhétoriques, l’A. discute, en 43 chapitres, les passages de cet évangile lucanien adultéré, appelé Antithèses qui opposent la Loi à l’Évangile. Il démontre son inauthenticité, parce qu’il échappe à l’autorité apostolique. Dans une polémique pleine de verve et d’ironie, l’A. reprend les arguments des livres précédents : la bonté infinie du Dieu créateur révélé en Jésus Christ, vrai homme et vrai Dieu, la continuité et l’harmonie entre les deux Testaments, l’importance de la prophétie annonçant l’accomplissement en Jésus Christ. L’intérêt de cet ouvrage est de nous montrer à l’œuvre l’exégèse scripturaire de l’A. et de permettre de vérifier le texte de l’édition latine qui était la sienne, au IIIe siècle commençant. C’est ce qui touchera en premier les exégètes de profession et les historiens de l’Église. Espérons que les éditeurs parviendront rapidement à achever leur beau travail. — J. Radermakers, S.J.

Origène, Exégèse spirituelle. II. Exode et Lévitique. III. Les Nombres, éd. Sr A. Égron, O.S.B., préf. J.-M. Poffet, O.P., coll. Foi Vivante, Les Classiques, 417 et 418, Paris, Cerf, 2000 et 2001, 18x11, V-339 p. et 185 p. ISBN 2-204-06462-9 et 2-204-06519-6

5Poursuivant son patient labeur de lecture de l’œuvre exégétique d’Origène, afin de faire profiter un large public de la réflexion du grand maître alexandrin sur l’Écriture, Sr Agnès Égron, moniale bénédictine, nous offre deux nouveaux choix des meilleures homélies d’Origène concernant l’Exode, le Lévitique et le livre des Nombres. Ainsi sont mis en évidence, plus que dans ses grands commentaires sans doute, le souci pastoral et la préoccupation d’édification spirituelle de l’A.

6On pourrait s’interroger sur la pertinence actuelle de ces publications, alors que notre approche de l’Écriture est si différente de celle du IIIe siècle de notre ère. Il s’agit en fait de nous purifier d’un réflexe historiciste, qui grève encore trop souvent notre lecture de la Bible. L’exégèse d’Origène est une exégèse chercheuse, toujours en mouvement, invitant à découvrir que l’Écriture fait ce qu’elle dit, et opère la conversion spirituelle du lecteur, ce qui n’est pas sans intérêt.

7L’introduction, les notes et surtout les « exposés méthodologiques » dont l’éditrice parsème son étude, sont vraiment éclairants ; ils contribuent à nous faire aimer Origène en même temps qu’ils nous aident à apprécier les richesses parfois surprenantes de son exégèse allégorique. Notons que le Supplément n° 96 aux « Cahiers Évangile » (Origène, lecteur de l’Écriture), œuvre de L. Villey, constitue une excellente introduction à la pratique scripturaire d’Origène, comme le souligne heureusement J.-M. Poffet o.p., directeur de l’École Biblique de Jérusalem, préfacier du second tome ; ce dernier en effet fait suite à Origène. Les Écritures, océan de mystère (Exégèse spirituelle. I, La Genèse), Paris, Cerf, coll. Foi Vivante 399, 1998. — J. Radermakers, S.J.

Origène, Homélies sur les Nombres, III (XX-XXVIII), éd. L. Doutreleau, S.J., coll. Sources chrétiennes, 461, Paris, Cerf, 2001, 20x13, 396 p., 256 FF. ISBN 2-204-06708-3

8Avec ce volume s’achève la publication des 28 homélies d’Origène sur le livre des Nombres, d’après la traduction latine de Rufin. Sur le texte établi par W.A. Baehrens, le P. Doutreleau en a ainsi parachevé la traduction française annotée (cf. NRT 119 [1997] 431 et 123 [2001] 647). Les tomes 415, 442 et 461 des Sources chrétiennes nous permettent dès lors d’entrer dans l’exégèse allégorique que fait Origène du quatrième livre de l’A.T., qui ne nous est pas toujours familier.

9Les derniers chapitres de cet écrit se trouvent ici embrassés : la pensée d’Origène, partant du texte comme les abeilles d’une ruche, va butiner un peu partout dans le jardin fleuri du mystère chrétien. Ainsi l’épisode de Belphégor (hom. XX) lui inspire des considérations sur la luxure et le mariage mystique ; le second dénombrement (XXI) une discussion sur la répartition des biens ; la mort de Moïse (XXII) sur le thème de la succession. Importante est l’hom. XXIII sur les fêtes et le sabbat, en rapport avec la vie future, de même que celle sur les sacrifices et les vœux qui consacrent l’homme intérieur (XXIV). Le combat spirituel est traité dans les hom. XXV et XXVI, tandis que l’avant-dernière (XXVII) évoque les étapes du peuple en marche vers la Terre promise comme un itinéraire spirituel, où Origène finit par comparer l’Écriture à une ruche bourdonnante où chacun peut produire son miel, ce qu’il fait lui-même couramment. La dernière (XXVIII) sur la délimitation de la Terre sainte fait réfléchir au partage de la terre en Adam et en Christ. Cette exégèse spirituelle nous désoriente, mais elle invite à la méditation. Remercions l’éditeur dont l’élégante traduction nous fait mieux goûter le suc intérieur de l’Écriture. — J. Radermakers, S.J.

Pamphile, Eusèbe de Césarée, Apologie pour Origène, t. I, suivi de Rufin d’Aquilée, Sur la falsification des livres d’Origène, éd. R. Amacker et É. Junod, coll. Sources chrétiennes, 464, Paris, Cerf, 2002, 20x13, 337 p., 31 € ISBN 2-204-06849-7

10Première traduction en langue moderne (par René Amacker, de Genève) de ce qui survit de l’Apologie pour Origène, composée, entre 307 et 310, par Pamphile et Eusèbe de Césarée : le premier des six livres qu’elle comportait, présenté, en 397, en traduction latine par Rufin d’Aquilée, qui l’a encadré d’une courte préface et d’un opuscule Sur la falsification des livres d’Origène (allusion à un procédé dont Origène lui-même s’est plaint). Les deux tiers de l’Apologie ne nous sont pas autrement connus. Toutes ces citations sont tirées (à une exception près) de traités (Peri Archôn, 28 citations, qui ne se retrouveront pas identiquement dans la traduction de l’ouvrage que Rufin publiera quelques mois plus tard ; De Resurrectione) et de commentaires : en tout, quinze ouvrages « privés ». Rufin affirmant avoir intentionnellement exclu les ouvrages « publics » (homélies), où Origène aurait pu être tenté de camoufler sa pensée.

11Après avoir exposé la position trinitaire d’Origène, les auteurs réfutent une dizaine d’accusations portées contre lui, concernant la vérité de l’histoire dans l’Écriture, la résurrection des corps, la préexistence des âmes (un sujet auquel Pamphile ajoute ses considérations personnelles), la « métensomatose », une théorie qu’Origène a discutée, sans la soutenir. Retenons le beau développement sur les « actions du Christ accomplies selon le sens corporel » (circoncision, digestion…)

12Plusieurs questions demeurent : pour qui et contre qui Pamphile et Eusèbe ont-ils composé leur Apologie ? Quel a été, dans le travail de rédaction, le rôle de chacun ? Que contenaient les tomes II-VI ? Rufin, qui, dans sa traduction, ne cite nommément aucun des adversaires d’Origène, a-t-il adéquatement reproduit leurs accusations ? En quel sens a-t-il pu interpoler le texte grec ? Jérôme, auteur d’une Apologie contre Rufin, affirme qu’il a gommé les traits d’hérétique d’Origène. Toutes ces questions sont traitées dans un deuxième tome par Éric Junod, de Lausanne. — P. Detienne, S.J.

Saint Jérôme, Commentaire de l’Ecclésiaste, éd. G. Fry, coll. Les Pères dans la foi, 79-80, Paris, Migne, 2001, 20x14, 353 p., 28.87 €. ISBN 2-908587-44-0

13Un professeur de latin à la Faculté des Lettres de l’Université de Genève s’est épris du commentaire de Jérôme sur le livre de Qohélèt. Il nous en donne une traduction fidèle et élégante, assortie d’une remarquable introduction, d’abondantes notes et d’un guide thématique. Tâche doublement ardue en raison du caractère rugueux et peu amène de l’exégète ancien et de la difficulté de l’œuvre choisie. L’A. n’est pas tendre pour l’ermite de Bethléem, un « ascète… que son tempérament d’affectif fusionnel empêche de s’abstraire du monde et de son aventure personnelle » (p. 8). Il décrit son exégèse comme un « mysticisme biblique », ou comme « la méditation toujours progressante d’un contemplatif. Une méditation simple, libre de structures, dépouillée des inutilités littéraires. Il y a de la lectio divina dans ce commentaire » (p. 9).

14L’introduction de 50 pages sur la vie et l’exégèse de Jérôme (347-419) est un petit chef-d’œuvre ; elle mérite le détour. Dans son commentaire, Jérôme explique le texte verset par verset. Les notes explicatives permettent de situer les allusions de l’A. et de comprendre la portée du texte. Jérôme manie parfaitement l’un et l’autre Testaments, car c’est un fin connaisseur de l’Écriture dans sa totalité et son unité. Il cueille pour nous le fruit de sa rumination personnelle, foisonnante, peu accueillante à l’esprit du monde. Après avoir donné son attention à la « lettre » du texte, il en déploie le sens spirituel, qui parfois nous déroute. Et l’auteur de la traduction de nous faire découvrir tout à la fois la réflexion de Jérôme et le livre de l’Ecclésiaste, nous ouvrant un monde d’interprétation. Ce livre nous éclaire sur la réception chrétienne d’un texte de sagesse réputé désabusé et pessimiste ; la relecture qu’en fait Jérôme à la lumière du Christ est vraiment intéressante. Nous lui souhaitons de nombreux utilisateurs. Ils ne seront pas déçus, car ils trouveront dans l’éditeur un guide expérimenté. — J. Radermakers, S.J.

Commentaire de Jérôme sur le prophète Isaïe. Intr. R. Gryson. Livres XVI-XVIII, éd. R. Gryson, C. Gabriel, H. Bourgeois et H. Staniek, coll. Vetus latina, 36, Aus der Geschichte der lateinische Bibel, 36, Freiburg, Herder, 1999, 24x16, 378 p. ISBN 3-451-21950-6

15R. Gryson a réussi la performance de publier en six ans les cinq volumes de cette édition critique du commentaire de Jérôme sur le prophète Isaïe. Il mérite de sincères félicitations pour cette entreprise qu’il a menée de pair avec l’édition de la Vetus Latina d’Isaïe. En ce qui concerne le commentaire d’Isaïe par Jérôme, la tradition manuscrite se dégrade de livre en livre, surtout à partir du livre XII. Pour les livres XVI à XVIII, l’éditeur n’a souvent à sa disposition que deux témoins sûrs, le palimpseste de Bobbio et l’exemplaire d’Einsiedeln. De plus, le palimpseste de Bobbio s’arrête au livre XVI et l’exemplaire d’Einsiedeln est de plus en plus défectueux. Il fallait donc faire appel à des solutions de fortune, comme le manuscrit italien de la bibliothèque ambrosienne de Milan (XIe/XIIe siècle) et le manuscrit de Cologne (Dombibliothek). Il fallait faire preuve de doigté pour l’établissement du texte, une des principales qualités de R.G. Le volume contient une liste des sigles et abréviations, une page d’errata et trois index (citations scripturaires, auteurs chrétiens, auteurs non chrétiens). — J.-L. Ska, S.J.

Neusch M., Saint Augustin. L’amour sans mesure, Paris, Parole et Silence, 2000, 21x14, 178 p., 95 FF. ISBN 2-84573-055-1

16Le but de l’auteur est « de conduire à Augustin et de donner le goût de le lire » (p. 9). Après une esquisse biographique qui situe les principales œuvres d’Augustin dans leur contexte, les chapitres qui suivent donnent, dans un langage clair et accessible, des clefs pour aborder divers écrits augustiniens : les Confessions, la Règle, la Cité de Dieu, les commentaires sur les Psaumes, la lettre 130 sur la prière de demande, les homélies sur la 1ère épître de saint Jean. Seuls les ch. VII et IX sont consacrés à des thèmes : le Christ et la Parole de Dieu. Ces chapitres, à l’exception du ch. VII, ont été d’abord publiés dans Itinéraires augustiniens, puis remaniés et ordonnés pour le présent ouvrage. Quant à son titre « L’amour sans mesure », signalons qu’il figure dans le s. Dolbeau 11 découvert à Mayence. — D. Dideberg, S.J.

Acta Philippi. « Praefatio » – « Textus », éd. Fr. Bovon, B. Bouvier, Fr. Amsler ; « Commentarius » – « Indices », éd. Fr. Amsler, coll. Corpus christianorum, Series Apocryphorum, 11 et 12, Turnhout, Brepols, 1999, 26x17, XL-434 et XXXVI-699 p., 217 et 260 € ISBN 2-503-41111-8 et 2-503-41122-3

17Les Actes de l’Apôtre Philippe (APh) ont été publiés par les soins des mêmes éditeurs, en 1996, en collection de poche, chez Brepols déjà, et en 1997 dans la Bibliothèque de la Pléiade. Ces publications successives ont permis de peaufiner l’ouvrage, qui prend ici place dans la Series Apocryphorum dirigée par J.-D. Kaestli. L’avant-propos de Fr. Amsler présente le patient décryptage de cette œuvre collégiale portée avec Fr. Bovon et B. Bouvier. Tous trois avaient précédemment traduit ou édité les APh.

18Ces Acta, dont ont disparu l’essentiel des Actes II et III et la totalité des Actes IX et X, comprennent 15 sections et le récit du martyre ; ils datent probablement du 4e ou du 5e siècle et sont conservés en grec. Une substantielle introduction (40 p.) signale entre autres que les éditeurs ont pu, et à plusieurs reprises, consulter sur place les manuscrits de référence.

19Les deux principaux mss — les mss A (le Xenophontos 32, découvert en 1974 au Mont Athos par Fr. Bovon et B. Bouvier ; le texte est traduit par leurs soins) et V (le Vaticanus graecus 824, édité jadis par M. Bonnet, est ici traduit pour la première fois en français par Fr. Amsler) — sont présentés ici de manière synoptique. Relevons ces titres étonnants donnés au Christ : « notre bon intendant » (II,13), « médecin de notre homme intérieur » (III,4), « chambre secrète de ceux qui prient » (XIII,5) !

20Les nombreux index (140 p.) sont reportés en fin du 2e volume : index scripturaire, onomastique, des textes et auteurs anciens, des manuscrits, et finalement index des mots grecs.

21Fr. Amsler se charge seul du commentaire des APh. Minutieusement, il s’attache à proposer plan, structure et analyse narrative, tradition manuscrite des chapitres, ainsi que le rapport des APh avec le donné biblique. Il montre comment ils témoignent d’un christianisme intransigeant (chap. I), tout en présentant des prières qui révèlent une âme éprise de mystique (III,4).

22Trois excursus clôturent l’ouvrage : le premier, qui présente des témoignages anciens sur Philippe, aboutit à la conclusion qu’il n’est plus possible de savoir de quel Philippe il est question : l’apôtre ou un autre personnage (p. 465) ; le deuxième consacre 50 p. à montrer jusqu’à quel point les APh se rattachent au courant encratiste, prônant la continence sexuelle et alimentaire. Ce mouvement manifeste une structure ecclésiale propre, avec son clergé et ses pratiques. Les APh, même s’ils développent des thèmes encratistes, sont plutôt de caractère composite (p. 519). Le troisième excursus s’attache à décrire le cadre dans lequel se déroulent les Actes de Philippe.

23Par la qualité de leur travail et la précision de leurs investigations, les éditeurs apportent une aide substantielle à la compréhension du genre littéraire « apocryphe » et d’une page de l’histoire de l’Église. — Ét. Rousseau.

Avit de Vienne, Histoire spirituelle, t. 1 (chants I-III), éd. N. Hecquet-Noti, coll. Sources chrétiennes, 444, Paris, Cerf, 1999, 20x13, 334 p., 173 FF. ISBN 2-204-06321-5

24Alcimus Ecdicius Avitus est l’une des figures marquantes de l’Antiquité tardive. Évêque de Vienne entre 490 et 518, il se consacre avec ardeur à son ministère épiscopal et met la richesse de sa culture classique au service de la foi. Parmi ses nombreux écrits, le De spiritalis historiae gestis, épopée biblique en cinq chants, apparaît sans nul doute comme l’un de ses chefs-d’œuvre. Le but du présent ouvrage de N. Hecquet-Noti est précisément de mettre en lumière le talent littéraire avec lequel Avit a fait de « La geste de l’histoire spirituelle » un des exemples les mieux réussis de la réconciliation entre culture classique et spiritualité chrétienne.

25Dans cette perspective, N. Hecquet-Noti se consacre à l’édition complète de l’œuvre, publiant déjà ici les trois premiers chants, centrés sur le péché originel (De initio mundi, De originali peccato, De sententia Dei) — les chants 4 et 5 traitant respectivement du déluge et du passage de la Mer Rouge. Comme de coutume dans la collection Sources Chrétiennes, il s’agit avant tout d’une édition du texte. Celle-ci est fondée sur un apparat critique précis, qui témoigne d’une étude minutieuse des différents manuscrits existants. Elle s’accompagne d’une traduction inédite — seules deux traductions fragmentaires existent à ce jour —, tout aussi rigoureuse et enrichie de nombreuses notes qui, avec le plan précédant chacun des trois chants, illustrent de manière détaillée les caractéristiques du poème exposées dans l’introduction.

26Celle-ci met notamment en évidence les sources d’Avit, et tout d’abord la Genèse et l’Exode. Le sujet du De gestis est l’histoire de la rédemption et du salut de l’homme. L’œuvre apparaît avant tout comme une glorification du Christ à travers les héros de l’Ancien Testament : Adam, Noé et Moïse. L’hymne christique de la fin du chant 3, largement influencée par l’hymnodie chrétienne (Ambroise, Prudence, Paulin de Nole), en est l’illustration : passage central, il donne la clé de lecture typologique de l’ensemble, soulignant tout à la fois la nature divine du Fils de Dieu et sa médiation indispensable pour obtenir la rémission des péchés et la grâce divine. Le De gestis ayant comme source d’inspiration les premiers livres de l’Ancien Testament, Avit utilise l’exégèse figurative comme fondement de sa glorification du Christ sauveur de l’humanité, alternant excursus didactiques expliquant le propos moral de l’A. — tel celui consacré à la femme de Loth au chant 2 — et digressions symboliques illustrant les mystères qui fondent la théologie chrétienne — comme celle du chant 1 consacrée au sommeil d’Adam (qui préfigure la mort du Christ) et à la naissance d’Ève (qui symbolise l’avènement de l’Église).

27Mais l’œuvre d’Avit est surtout fondée sur l’imitatio poetarum dont seuls des lettrés possédant une bonne culture classique peuvent percevoir le sens métaphorique ou allégorique caché dans la littéralité du récit. Écrite en hexamètres dactyliques dans la tradition virgilienne, l’épopée se voit émaillée de nombreuses références aux auteurs anciens, particulièrement aux poètes épiques Virgile, Lucain, Stace, ou encore au poète augustéen Ovide. Avit s’inspire également de l’éloquence classique pour la construction de certaines parties, comme dans le dialogue entre Ève et le serpent au chant 2. Enfin, poètes chrétiens (Juvencus, Prudence, Sédulius, Dracontius, …) et Pères de l’Église (Augustin, Ambroise, Lactance, …) sont également évoqués, notamment à travers les digressions exégétiques qui traversent l’œuvre.

28N. Hecquet-Noti mentionne finalement les caractéristiques lexicales du De gestis, dont la richesse du vocabulaire utilisé apparaît clairement dans les termes désignant le paradis, l’enfer et le péché originel. Les particularités syntaxiques sont pour leur part celles de la langue tardive.

29Les qualités de sérieux et de rigueur du présent ouvrage transparaissent clairement dès son abord. Elles permettent au lecteur de goûter pleinement la richesse d’une œuvre qui célèbre avec originalité et talent la gloire du Christ. — A. de Bels.

Césaire d’Arles, Sermons sur l’Écriture, t. I (85-1205), éd. J. Courreau, coll. Sources chrétiennes, 447, Paris, Cerf, 2000, 455 p., 40 €. ISBN 2-204-06333-9

30Ce n’est que depuis 529, au concile de Vaison, que les prêtres obtinrent la permission de prêcher, fonction jusque là réservée aux évêques. C’est surtout pour les aider dans leur nouvelle tâche que Césaire d’Arles (470-542) publia ses séries de sermons qui connurent un grand succès en Occident. Ce groupe d’homélies exégétiques et pratiques fut prononcé au cours de plusieurs carêmes pour préparer le baptême de la nuit pascale.

31L’époque qui suivit les grandes invasions était encore fort troublée et la culture en pâtissait. Césaire s’adresse à un public peu instruit et adopte volontairement un style simple, facilement compréhensible, avec beaucoup d’images et des exemples concrets pour illustrer les vérités de la foi. Il suppose une certaine connaissance de la Bible et il utilise souvent les Pères de l’Église, principalement Origène, Ambroise et Augustin. Lorsqu’il les copie, il modifie ses sources pour les adapter au captum de son auditoire et les simplifie en les clarifiant.

32Césaire s’attaque souvent aux hérétiques spécialement ariens arrivés avec les Goths et n’hésite pas à forcer le sens trinitaire de certains textes de l’A.T. Contre les manichéens très actifs, qui rejetaient en bloc l’A.T. et contre les juifs de sa ville épiscopale, Césaire souligne le sens allégorique de l’A.T. pour expliquer comment il annonce et prépare le Christ. Dans l’exégèse des livres historiques de la Bible, il utilise beaucoup le sens allégorique ou le passage du sens littéral au sens spirituel ; ailleurs il emploie fréquemment le sens moral. Il montre que, si on sait l’interpréter spirituellement, l’A.T. conduit au Christ et prend alors tout son sens.

33Les mss des Sermons forment deux familles : les collections arlésiennes et l’ensemble des homiliaires. Le premier comprend deux groupes, B et O, avec des pièces inauthentiques. Les homiliaires regroupent les sermons par sujets, retouchent souvent le texte de B et O, mais apportent aussi une quinzaine d’homélies absentes du premier groupe. Le travail des Mauristes au XVIIIe s. a permis de restituer à Césaire 64 homélies attribuées à Augustin. Le texte adopté ici est celui de Dom Morin de Maredsous en 1937-1942, mais avec des notes critiques allégées et structurées. Les Sermons récemment découverts par R. Étaix dans une Collection gallicane et ailleurs apportent peu de variantes avec le texte de Dom Morin. La bibliographie est classée par thèmes. — G. Leclair.

Bède, Expositio Apocalypseos, éd. R. Gryson, coll. Corpus Christianorum, Series latina, 121A/Bedae Opera, II, 5, Turnhout, Brepols, 2001, 25x16, 606 p., 237 €. ISBN 2-503-01214-0

34R. Gryson, spécialiste de la Vetus Latina, édite ici le Commentaire sur l’Apocalypse de Bède le Vénérable, poursuivant ainsi la tâche que n’avait pu mener à bien le professeur H. Sparks. Plus de 200 p. lui sont nécessaires pour introduire au texte proprement dit. Le chap. 1er énumère les 113 manuscrits, suivant l’ordre alphabétique de leur provenance, avec une brève description. Avec le 2e chapitre, l’éditeur présente l’histoire du texte, distinguant trois familles de mss. Des graphiques en proposent les stemma, l’un simplifié, d’autres détaillés. L’editio princeps nous fait remonter en 1521, sous l’égide de l’humaniste Bade. Les chap. 3 et 4 sont consacrés aux divisions du texte et à ses sources : Tyconius et Primasius, mais aussi Grégoire le Grand, Augustin et Jérôme.

35Pour ce qui est du texte biblique (chap. 5), Bède s’en réfère à un texte hybride (p. 180), qui complète ou corrige la Vulgate par des emprunts à d’autres versions, suivant en cela la lecture de Tyconius. Au chap. 6, R.Gr. détaille dix cas pour lesquels il a considéré qu’il y avait corruption de la tradition manuscrite (p. 195s.) ; dans d’autres cas (p. 199s.), bien que le texte fasse difficulté, il n’y a pas touché.

36Après cette longue introduction qui s’imposait, l’éditeur en vient au texte. Celui-ci se déroule sur la page de droite, tandis qu’à gauche s’exposent « Fontes et loci paralleli ». Après une ample préface, qui mentionne régulièrement Tyconius, Bède déroule son commentaire en trois livres (Ap 1,1 - 8,1 ; 8,2 - 14,20 ; 15,1 - fin). On s’étonnera du développement donné à Ap 21,19-20 (près de 200 versets) : c’est que Bède, à propos des « douze gemmes » (cf. p. 173), se lance dans l’allégorie qui lui est personnelle ; alors que des passages tels que 2,17 ou 3,20 recueillent à peine deux lignes de sa part. Le commentaire de Bède sur l’Apocalypse est la première de ses œuvres scripturaires. On y perçoit déjà ce que son exégèse deviendra par la suite, hésitant entre un sens critique de la lettre du texte et de la signification précise des vocables, et une interprétation spirituelle de type allégorisant, dans une fidélité éclectique à ses sources.

37Des tables présentant les citations scripturaires et les sources et lieux parallèles clôturent l’ouvrage. — Ét. Rousseau.

Guerrico d’Igny, Sermoni, éd. O. Testoni, coll. Padri occidentali, Magnano, Qiqajon, 2001, 21x15, 706 p., 41.32 €. ISBN 88-8227-098

38Poursuivant leur travail de traduction et de publication d’œuvres des Pères d’Orient et d’Occident, les éditions Qiqajon du Monastère de Bose offrent au public de langue italienne l’intégrale des Sermons de Guerric d’Igny. Distribués au fil de l’année liturgique, ces sermons introduisent le lecteur dans l’intelligence proprement spirituelle et monastique de la Parole proclamée et accueillie en Église. La parfaite maîtrise de l’art oratoire du grand abbé cistercien, sa finesse spirituelle et théologique ne sont pas à démontrer. Relevons seulement la liberté avec laquelle il prend à partie son auditoire ou bien se met lui-même en cause ; la vivacité des dialogues imaginaires où il n’hésite pas à mettre en scène Dieu le Père ou le Christ échangeant avec tel ou tel interlocuteur ; l’aisance avec laquelle il passe, sans effort apparent, du récit à l’admonestation, de la méditation des mystères à la louange, de la lamentation pour le péché de l’homme au cri d’admiration pour la tendresse divine.

39L’ensemble du recueil est précédé d’une introduction du traducteur, Oscar Testoni. Ce dernier s’est attaché en premier lieu à présenter le « status quaestionis » de la chronologie de la vie de Guerric. Bien des obscurités demeurent à ce propos et il est peu probable qu’elles soient jamais levées. Ceci dit, notre ignorance au plan historiographique n’ôte rien à la valeur propre des enseignements de l’abbé d’Igny, l’un des « quatre évangélistes de Cîteaux », selon la belle expression de dom Anselme Le Bail.

40La seconde partie de l’introduction explore deux questions qui, traversant l’ensemble de l’œuvre de Guerric, en permettent une approche synthétique : À qui s’adresse l’A. ? Quel emploi fait-il de l’Écriture Sainte ? Guerric est avant tout un moine qui s’adresse à d’autres moines. Selon l’usage cistercien, l’abbé a charge de prêcher à l’occasion de certaines fêtes. Il se doit, en de telles circonstances, de rompre le pain de la Parole pour le distribuer à ses fils. À ses auditeurs (et à ses lecteurs !) Guerric partage donc sa lectio personnelle, son attention amoureuse et précise à la lettre des Écritures. Pas de séparation chez lui entre action et contemplation car la vie concrète est le lieu où rencontrer le Seigneur que l’on cherche dans l’étude et la prière. Tout comme la Parole s’est faite chair en Marie — thème cher entre tous aux premiers cisterciens — le Christ doit prendre corps en chaque moine ainsi appelé à la maternité spirituelle. Les sermons de Guerric, tissés qu’ils sont de multiples citations, adaptations et allusions scripturaires, constituent par eux-mêmes un admirable témoignage d’une semblable « incorporation » de la Parole de Dieu.

41Outre l’introduction générale, l’ouvrage comporte une présentation de chaque ensemble d’homélies : pour l’Avent, la Nativité, l’Épiphanie, la Purification, le Carême, etc… Chacune ressaisit en quelques paragraphes les thèmes abordés et le mouvement d’ensemble des divers sermons. Deux appendices — deux textes que la tradition manuscrite attribue à tort à Guerric — et un index des citations bibliques complètent le volume. Il faut enfin mentionner le grand nombre de notes — plus de 3600 ! — qui renvoient principalement à l’Écriture Sainte mais encore aux Pères de l’Église où à des travaux contemporains consacrés aux débuts de la réforme cistercienne. Un bien bel ouvrage ! — Fr. Vermorel.

Nouzille Ph., Expérience de Dieu et théologie monastique au XIIe siècle. Étude sur les sermons d’Aelred de Rievaulx, coll. Philosophie & théologie, Paris, Cerf, 1999, 22x14, 331 p., 182 FF. ISBN 2-204-06337-1

42Résumé d’une thèse de maîtrise en théologie à l’Institut catholique de Paris, ce livre pose la question de la théologie monastique, spécialement dans l’œuvre du cistercien Aelred de Rievaulx (1110-1167). Dans ce but, Philippe Nouzille osb étudie ceux-ci (y compris les inédits en cours de publication). Un chapitre d’introduction se demande s’il est possible de penser le rapport de l’homme à Dieu sans recourir à l’ontologie. Les trois chapitres suivants y répondent par l’examen des textes. L’un s’intitule « la tunique multicolore du Christ » (la création, le rôle du Verbe et l’image de Dieu dans l’homme, l’Écriture, l’incarnation, la liturgie…). L’autre, « Domus Dei », étudie l’acquisition des vertus, l’itinéraire spirituel, la demeure de la Trinité, la nouvelle tunique de Joseph. Le dernier chapitre présente « le temps de la béatitude ». Face à une théologie savante, qui risque de se dégrader en considérations purement spéculatives, la « théologie monastique » (le terme est de Jean Leclercq osb) se présente comme une démarche unifiante, où le discours ne se détache pas du vécu, car elle se veut rencontre objective de Dieu dans l’expérience subjective du croyant.

43Il pourrait être intéressant, croyons-nous, de rapprocher cette affirmation de la réponse de Joseph Maréchal († 1944) à l’aporie de Kant. Celui-ci se déclarait incapable de conclure par un raisonnement humain à la certitude de l’existence de Dieu. Maréchal, reprenant l’analyse du jugement, a montré que ce que Kant ne trouvait pas au terme était inclus comme élément constitutif du processus, car le jugement humain n’est possible que sous l’attrait d’un Absolu, à la fois réel et non-conceptualisable. — L. Renwart, S.J.

Jean de Ford, Sermons sur le Cantique des Cantiques, t. 3 (88-120), éd. P.-Y. Émery, coll. Pain de Cîteaux, 17, Oka (Québec), Abb. N.-D. du Lac, 2001, 20x15, 529 p. ISBN 2-921592-21-5

44Avec ce troisième tome, le Frère Pierre-Yves de Taizé achève un gros travail : la traduction et l’édition du Commentaire du Cantique des Cantiques par Jean, abbé du monastère cistercien de Ford (Devonshire) de 1192 à 1214, année de sa mort (cf. NRT 123 [2001] 661). Comme nous l’avons dit dans la recension des deux premiers tomes, il s’agit d’une interprétation franchement christologique du Cantique, selon laquelle l’épouse — l’Église ou l’âme chrétienne — contemple son Bien-aimé, le Christ, Verbe de Dieu, et vit en sa présence. Est pris en compte dans ce volume le passage qui va de Ct 7,9 à 8,14, en trois parties : les sermons 88-97 traitent de la familiarité spirituelle des amants ; les sermons 99-110 disent la profondeur de l’amour qui unit l’Époux à son épouse, à travers l’ultime éloge qu’il fait d’elle ; les sermons 111-120 commentent les sept derniers versets du Cantique sous le mode de l’allégorie, avec applications à la communauté ecclésiale ou monastique. Le commentateur termine en confessant son indignité. L’éditeur ajoute un sermon pour le dimanche des Rameaux, un long index biblique et un autre, thématique ; puis, en postface, il joint la recension, par le Fr. Pierre-André Burton, de l’abbaye française de Ste-Marie du Désert, d’un ouvrage collectif récent sur Jean de Ford(e), ce grand cistercien d’autrefois qui s’avère être un vrai guide spirituel pour notre temps. On aura plaisir à lire ces pages enflammées. Elles nous élèvent et nous pacifient. — J. Radermakers, S.J.

Peter Iohannes Olivi, Expositio in Canticum Canticorum, éd. J. Schlageter, O.F.M., coll. Oliviana, II, Grottaferrata, Frati Editori di Quaracchi, 1999, 24x17, 345 p. ISBN 88-7013-174-2

45L’A., qui appartient à l’ordre franciscain, nous donne ici une édition complète du commentaire d’Olivi sur le Cantique, avec une traduction allemande précise et soignée ; la collation des manuscrits a été effectuée par Mme F. Borzumato. Le commentaire est précédé d’une introduction fort intéressante qui resitue le commentaire du Cantique dans l’évolution de la pensée de son auteur, puis il en décrit à grands traits la perspective théologique et spirituelle, avant d’en exprimer la signification centrale. Il y ajoute une note justificative sur la tradition manuscrite de l’œuvre, et un développement concernant les influences que révèle ce commentaire, notamment celle de Bonaventure, et il termine par la proposition d’un stemma des manuscrits disponibles.

46Dans son commentaire, Olivi prend ses distances par rapport à l’amour charnel et opte pour une interprétation spirituelle, sans pourtant verser dans la pure allégorie : l’amour dont parle le Cantique est celui qui unit Dieu et l’humanité, le Christ et l’Église. En effet, Olivi lit les textes de l’Ancien Testament d’une manière mystique et prophétique, mais il entend bien emmener son lecteur à une vie chrétienne d’union au Christ et à l’Église qui soit vraiment responsable et conduise à une réforme de vie authentique. Olivi pense aussi que le Cantique esquisse une vision historique de l’histoire où les Juifs regagneront l’Église du Christ, interprétant de la sorte « la maison de la mère » de la Bien-aimée à la lumière de Rm 11,26. Ainsi ce commentaire s’inspire-t-il de Joachim de Flore et du mouvement franciscain. Son intérêt demeure pourtant actuel ; les exégètes du Cantique auront à cœur de le consulter, notamment pour la manière dont il lit la lettre avec acribie, et dont il saisit l’esprit dans la lettre. Merci à l’éditeur de nous faire connaître cette œuvre attachante ! — J. Radermakers, S.J.

Peter of John Olivi, On the Acts of the Apostles, éd. D. Flood, O.F.M., coll. Franciscan Inst. Publ., 25, Bonaventure (NY), Franc. Inst. Publ., 2001, 23x15, XXV-516 p., $ 50. ISBN 1-57659-174-3

47L’infatigable éditeur des œuvres de Pierre Olivi — ou, en français, Pierre Olieu fils de Jean (1248-1298) — continue son précieux travail de publication en nous présentant son commentaire sur les Actes des apôtres. Cet auteur, disciple de Bonaventure, puis professeur d’Écriture sainte dans le Languedoc s’attira des difficultés avec Rome en raison de la pauvreté radicale qu’il prônait à travers tout (cf. NRT 114 [1992] 433 et 120 [1998] 676). Aussi beaucoup de ses travaux furent-ils détruits.

48Après une brève introduction concernant les manuscrits et l’édition, où nous apprenons que l’A. divise son enseignement sur les Actes en quatre saisons, se déroule le texte latin du commentaire. En fin de volume, nous trouvons les notes concernant chaque chapitre, suivies d’un résumé en anglais de la matière traitée en chacun d’eux. Une liste des « questions disputées » et un index des références achèvent de donner à ce volume sa valeur scientifique. Le commentaire lui-même est une paraphrase du texte de Luc ; l’A. travaille surtout avec la glose latine et le commentaire de Bède le Vénérable. Son explication se meut entre le sens littéral et l’allégorie ; il met surtout la figure de Paul en valeur, et utilise aussi les écrits pauliniens en parallèle. En fait, il considère les Actes comme une histoire des débuts de l’Église, où des hommes fragiles sont conduits par l’Esprit Saint. Ouvrage qui intéressera les exégètes soucieux de se faire une idée de l’interprétation de l’époque. — J.R.

Duns Scot J., Prologue de l’Ordinatio, éd. G. Sondag, coll. Épiméthée, Paris, PUF, 1999, 22x15, 431 p., 298 FF. ISBN 2-13-050013-7

49Présenté, traduit et annoté par Gérard Sondag, le Prologue de l’Ordinatio est donné en latin d’après l’édition critique (allégée de son apparat scientifique) parue aux Presses Vaticanes en 1950, la traduction française lui fait vis-à-vis sur les pages de droite. Une introduction fournit un aperçu de la vie de Jean Duns Scot (1266-1308), le sens du Prologue de l’Ordinatio, la place de celle-ci parmi les œuvres de Duns Scot et la littérature récente relative à l’auteur et à sa place dans l’histoire de la philosophie et de la théologie.

50C’est essentiellement pour répondre aux insuffisances de la théorie de Henri de Gand, alors professeur à l’Université de Paris, que D. présente ses propres thèses. Ce sont elles que le Prologue donne en cinq brefs énoncés : nécessité d’un enseignement révélé, caractère suffisant de l’Écriture sainte, objet de la théologie, celle-ci comme science et enfin, dans le point le plus détaillé de ces énoncés, la théologie comme science pratique. Sondag introduit chacun de ces thèmes par autant de scolies qui dégagent la signification de ces mots, le sens précis que leur donne D., les adversaires qu’il vise, les arguments qu’il met en avant et les positions philosophiques et théologiques qu’ils impliquent.

51Cette étude érudite met à la disposition des chercheurs un bon instrument de travail. Deux index et une bibliographie des ouvrages cités dans l’introduction, les notes et les scolies aident à poursuivre la recherche. — L. Renwart, S.J.

Pétrarque, De vita solitaria. La vie solitaire (1346-1366), éd. bilingue latin-français, préf. N. Mann, éd. Chr. Carraud, coll. Atopia, Grenoble, J. Millon, 1999, 20x14, 477 p., 195 FF. ISBN 2-84137-084-4

52François Pétrarque dédie à Philippe, évêque de Cavaillon, son ordinaire et son ami, ce traité qu’il mit vingt ans à parfaire et qui vise, plus que le repos religieux (ce sera le second volet du diptyque), l’unité d’une vie qui procède de la considération de notre fin (p. 16). La mémoire des textes antiques se noue à l’héritage chrétien, pour un éloge de la vie simple, entre amis, loin de la cité et du vulgaire (donc des femmes, p. 209), comme il est de coutume, selon l’A., d’Adam aux prophètes, des premiers papes aux Pères de l’Église, de Basile à François et au Pape Célestin, mais aussi chez Jean-Baptiste et, par-dessus tous ces exemples, chez Jésus-Christ. Les anciens Romains, les premiers mahométans, les lointains Indiens, les penseurs, les poètes, les princes de l’Antiquité n’ont rien cherché d’autre que la vie en solitude ; et les arguments opposés sont balayés d’un geste (« si tout le monde quitte les villes, ce sera une raison de changer d’avis », p. 385). Mais l’afféterie littéraire couvre trop les bruits du feuillage et le murmure des eaux (p. 395) pour qu’on se découvre converti par un tel classique (le rêve n’est chrétien qu’en apparence) ; qu’il suffise d’avoir été, pour un instant, enchanté. — N. Hausman, S.C.M.

de Courcelles D., Le « Dialogue » de Catherine de Sienne, coll. Classiques du christianisme, Paris, Cerf, 1999, 20x13, 137 p., 95 FF. ISBN 2-204-06270-7

53Ni biographie critique de Catherine de Sienne, ni histoire du texte du Dialogue, cet ouvrage se veut une analyse en profondeur de la signification de ce traité d’initiation spirituelle que la sainte dicta en 1378 à ses secrétaires. En référence constante à l’œuvre de Thomas d’Aquin, Catherine goûte en contemplation la vérité de la doctrine divine, sans cesser pour autant de participer intensément à la vie de l’Église et du monde. Liant ainsi le théologique et le politique par le spirituel, elle s’inscrit résolument dans la perspective dominicaine.

54Nous savons par Raymond de Capoue que le Dialogue a sans doute été composé au cours de cinq jours d’extase, « sous l’inspiration de l’Esprit d’En Haut ». Organisé par Catherine elle-même, et donc œuvre authentiquement personnelle, le texte en a probablement été remanié par les Dominicains qui n’ont cependant pas hésité à le lui attribuer. Le traité une fois achevé, la sainte s’installa définitivement auprès du Pape, et mourut à Rome le 29 avril 1380. Traducteurs et commentateurs ont fait remarquer les répétitions et les maladresses de style d’un ouvrage foisonnant de métaphores. La noétique thomiste et le caractère prophétique du livre justifient cette pluralité d’images dont le jeu était nécessaire pour communiquer une vision que seule pouvait exprimer une forme immédiatement concrète. L’articulation de l’ensemble apparaît beaucoup plus logique et construite qu’on ne l’a longtemps pensé, au point que l’on reconnaît maintenant au Dialogue une structure rigoureuse. À ce texte incomparable, l’A. donne une introduction substantielle qui permettra aux lecteurs de rejoindre Catherine dans la grâce de « sa douce vérité ». — H. Jacobs, S.J.

Van Ruusbroec J., Ornatus spiritualis desponsationis Gerardo Magno interprete, éd. R. Hofman, coll. Corpus Christianorum, continuatio medievalis, 172, Turnhout, Brepols, 2000, 26x17, XCVII-221 p., 125 € ISBN 2-503-04722-X

55Gérard Grote (ou Le Grand) (1340-1384) est un prêtre hollandais de Deventer converti après une grave maladie en 1372 et décidé à suivre la vie du Christ de très près. Il groupe des disciples, fréquente les chartreux près d’Arnhem, y découvre les œuvres de Jean Ruusbroec et prêche la réforme des chrétiens et du clergé. Il meurt victime de la peste et ses disciples continuent son mode de vie et ses prédications, ce qui devint la « devotio moderna » et donna l’Imitation de Jésus-Christ. Les Hollandais ont entrepris d’éditer les Œuvres complètes de Gérard, dont cette traduction latine des Noces spirituelles de Ruusbroec. On pense que Gérard a rencontré le mystique bruxellois vers 1378 pour lui exposer ses difficultés à propos de certains passages de son œuvre et qu’il aurait reçu tous ses apaisements. Ces Noces spirituelles, œuvre la plus fameuse de Ruusbroec (1293-1381) ont été écrites en vieux flamand et déjà du vivant de leur auteur ont été traduites en latin pour être lues par tous les lettrés. Gérard, maître ès arts de Paris, voulait en faire une traduction nouvelle collant étroitement au texte et demanda à pouvoir corriger trois ou quatre expressions trop dangereuses au point de vue théologique. Or, on constate que sa traduction a été faite sur la seconde version flamande de l’œuvre qui comporte ces corrections et quelques autres.

56Il nous reste 13 mss de ce texte latin, mais avec pas mal de divergences entre eux, car il semble que les copistes possédaient aussi une copie flamande de l’œuvre et corrigeaient le latin là où cela leur paraissait indiqué. Après une longue critique de ces mss, l’éditeur R. Hofman aboutit à un schéma assez complexe de leur filiation.

57Les Noces spirituelles comportent trois parties pour parler des trois voies traditionnelles de la vie spirituelle ou Noces spirituelles : vie active, passive, et unitive ou contemplative. Chaque partie se divise en quatre chapitres tous introduits par une des quatre divisions de la phrase de Mt 25,6 : « ecce/ Sponsus venit/ exite/ obviam ei/ ». Dans son Prologue, Ruusbroec explique que l’Époux est le Christ, et la nature humaine, son épouse créée à l’image de Dieu. Dans le jardin d’Éden, la nature humaine était unie à Dieu. Le péché a rompu l’Alliance que le Christ est venu rétablir et il l’offre de nouveau à chacun de nous. — B. Clarot, S.J.

Becker K.M., From the Treasure-House of Scripture : an Analysis of Scriptural Sources in « De imitatione Christi », coll. Instrumenta Patristica et Mediaevalia, 44, Turnhout, Brepols, 2002, 24x16, 767 p., rel., 120 €. ISBN 2-503-51386-7

58Œuvre de Thomas a Kempis, « dévot moderne » nourri de lectio divina (lecture priante de la Bible), le De Imitatione Christi est profondément marqué par la Vulgate. L’A. y relève plus de 3800 citations littérales ou paraphrasées, allusions explicites ou implicites, échos plausibles ou conjecturaux. Tous les livres de la Bible, à l’exception de Ruth, Jonas et Aggée, sont cités. Le psautier et Matthieu sont les sources les plus fréquemment utilisées. Les citations littérales sont constituées de 2 à 25 mots. Leur auteur (le prophète, Luc…) est parfois cité. Certains passages s’inspirent de plusieurs textes bibliques jusqu’à former des catenae. Parmi les altérations stylistiques, mentionnons les jeux de mots (bona vita pour via bona ; antiqua consuetudo pour iniqua consuetudine ; arta vita pour arta via…) et les changements de sens (frigidi et tepidi au lieu du tepidus es et nec frigidus de l’Apocalypse).

59Rassemblant les quelque 300 textes bibliques cités plus d’une fois dans le De Imitatione Christi, l’A. reconstitue une « Bible courante » en trois parties (évangiles ; N.T. autre qu’évangiles ; A.T.), dont il considère la prière qui clôt le 3e livre comme un beau résumé. Il suggère plusieurs pistes pour des recherches ultérieures : le rythme des phrases et la mnémotechnie (l’ouvrage a été longtemps appelé musica ecclesiastica) ; les sources bibliques modifiées par la liturgie ; les influences non bibliques : Augustin, Bernard, Eckhart, Tauler… ; le texte résiduel… N’oublions pas la préface : elle traite des manuscrits, des éditions, de l’auteur, du contenu et de l’influence de l’ouvrage (sur Renan, Bonhoeffer, Agatha Christie…) ainsi que du rôle de la lectio divina dans la Dévotion Moderne et du rôle de l’Écriture dans l’œuvre de Thomas a Kempis. Superbement édité. Facilement consultable. — P. Detienne, S.J.

Denys le Chartreux, Chroniques de l’extase, éd. Chr. Bagonneau, Paris, Parole et Silence, 2000, 21x14, 182 p., 95 FF. ISBN 2-84573-042-X

60Arrivant à la fin du Moyen Âge, Denys le Chartreux (1402-1471) a été surnommé « le dernier des scolastiques ». Alors qu’il fut pendant deux siècles l’un des best sellers, son œuvre est actuellement fort méconnue. Né au diocèse de Liège, près de Saint-Trond, il fit ses études secondaires à Zwolle aux Pays-Bas, chez les Frères de la Vie commune qui l’initièrent à la « devotio moderna ». À 18 ans, il voulut entrer chez les chartreux de Roermond (NL) ; mais frappé par son intelligence, le prieur l’envoya étudier d’abord la théologie à l’Université de Cologne. Devenu chartreux, Denys se mit très tôt à écrire pendant ses temps libres les fruits de sa prière et fut gratifié de grâces d’oraison et d’extase tout en menant une vie humble. Il devint procureur de son abbaye, en 1434, pour accueillir plus facilement ses nombreux visiteurs ; il accompagna en 1451 le légat pontifical, Nicolas de Cues, chargé de réformer les pays de Meuse et du Rhin. En 1466, envoyé fonder une abbaye, il échoua et rentra définitivement à Roermond où il mourut bientôt.

61En 47 ans, il a rédigé plus de 20.000 pages d’une œuvre encyclopédique : commentaires de toute la Bible, philosophie, théologie, droit canon, polémique, liturgie, conseils de réforme, ascétisme, cette dernière catégorie étant la plus populaire de ses œuvres. Denys souhaitait réconcilier théologie et mystique, à la façon des Pères de l’Église, et appelait à une réforme profonde de l’Église en même temps qu’à une réforme intérieure des chrétiens. Ses ouvrages commencèrent à être imprimés dès les débuts de l’imprimerie en 1471 et, en 1530, les chartreux de Cologne éditèrent toute son œuvre pour faire barrage au protestantisme. Denys a beaucoup lu et reflète toutes les tendances qui l’ont précédé, mais principalement le pseudo-Denys l’Aréopagite. Son ouvrage le plus connu fut L’étroit chemin du salut. Ses Œuvres complètes se virent rééditées entre 1896 et 1914, mais en latin, ce qui en limitait l’audience. Si ses écrits sont lentement tombés dans l’oubli, c’est en bonne partie dû à leur manque de soin et de structure, car Denys écrivait au fil de la plume, sans guère se corriger. En fait, il n’a pas réussi à créer un courant spirituel.

62En 1530, un chartreux de Paris traduisit en français une douzaine de ses ouvrages ascétiques. Les éditeurs du présent recueil ont puisé dans ces traductions, en les retouchant légèrement, des extraits qu’ils regroupent en un itinéraire spirituel : la conversion, l’unique nécessaire, l’éloignement du monde, l’humilité, la garde du cœur, la primauté de l’amour, la prière, la méditation, la contemplation. Dans la plupart de ces extraits, Denys parle à Dieu ou au lecteur, à la seconde personne. On trouvera ici un bon spécimen de la valeur de ses ouvrages ascétiques. — B. Clarot, S.J.

Érasme, La langue (Lingua), éd. J.-P. Gillet, coll. Histoire et société, 44, Genève, Labor & Fides, 2002, 23x15, 350 p., 38.15 €. ISBN 2-8309-1044-3

63Première traduction française d’une œuvre étrange, publiée en 1525. Les attaques tant des théologiens louvanistes que des Réformateurs, une santé délabrée (des calculs rénaux), les « calamités publiques » (guerre des paysans) ont rendu Érasme de méchante humeur. Il se lance dans une diatribe effrénée, diffuse et répétitive, sans structure claire, contre les intempérances de langage : la kenophônia (vaniloquium) des matéologiens glossogastres, la garrulitas (loquacitas, volubilitas) des cochers, des marins, des cabaretiers, des barbiers, des mauvais prêtres et des faux évêques…

64Il consacre des pages entières à fustiger les franciscains « qui vont sans armes si ce n’est qu’ils portent partout leur langue avec eux ». Il s’attaque à la médisance, à la diffamation, au dénigrement, à la calomnie, au mensonge, à la duplicité, à la trahison des secrets. Encyclopédiste phénoménal, il illustre ses propos avec des citations et des histoires tirées tant de (plusieurs centaines d’œuvres de) l’Antiquité gréco-latine que de (tous les livres de) la Bible.

65Il puise ses exemples dans tous les domaines : médecine, littérature, philosophie, théologie, histoire contemporaine (mais sans citer de noms). Il s’attaque à la polyphonie, aux cérémonies, à la confession. Conscient de ses digressions (cessons de nous éloigner… revenons à notre question !), il entend conduire le lecteur vers le langage angélique, par le silence et la concision (qu’il loue de manière prolixe). Nombreux index : thèmes, noms, citations bibliques. — P. Detienne, S.J.

Jean de Saint-Samson, Œuvres complètes, 3, Méditations et Soliloques : 2, L’exercice des esprits amoureux solitaires en leur solitude, éd. H. Hooft et H. Blommestijn, O.C.D., coll. Spirituels / Vacare Deo, Paris / Roma, Fac-Édit. / Ed. Carmelitane, 2000, 24x16, 289 p., 198 FF. ISBN 2-913885-03-9

66Commencée en 1987 à Rome dans la coll. Vacare Deo (cf. NRT 110 [1988] 436), l’édition des œuvres complètes de Jean de Saint-Samson, carme, a été reprise et continuée à Paris en 1992-93 (cf. NRT 116 [1994] 789) dans une coédition avec Fac-Paris et dans une nouvelle collection, Spirituels, d’une conception assez différente. Les commentaires sont supprimés, la longue introduction de 1987 est condensée, les notes critiques allégées, ce qui permettra de ramener le nombre total des volumes à onze. Rappelons que Jean du Moulin, futur Jean de Saint-Samson (1571-1636), devenu aveugle à trois ans, orphelin, éduqué à la diable, excellent organiste à 12 ans, a connu les carmes de Paris, est entré au carmel de Dol en Bretagne en qualité de Frère lai, puis est passé au couvent réformé (à la française) de Rennes ; là, il refait un noviciat sérieux et y restera toute sa vie attaché, tant on apprécie ses qualités spirituelles pour la formation des novices. Jusqu’ici, il s’est fait lire les mystiques de son temps ; maintenant, il se met à dicter une œuvre qui comporte 4000 pages manuscrites.

67Seule une petite partie en a été publiée. L’édition de ses Œuvres complètes offrira donc des écrits pratiquement introuvables ou inconnus. Son souci sera de veiller à « l’établissement exact des textes, en laissant à d’autres la recherche des sources et l’interprétation ». Notre édition s’appuie principalement sur un manuscrit de Rennes, avec un apparat critique léger visant à une bonne lisibilité, sans prétention à établir l’ordre chronologique des œuvres.

68Cette seconde partie des Méditations et soliloques ne contient qu’une seule œuvre, L’exercice des esprits amoureux en leur solitude, qui se propose de montrer l’excellence de l’amour divin pour l’homme à travers la vie du Christ contemplé dans ses mystères jusqu’à l’Assomption de la Vierge et la gloire des saints, en vue d’exciter notre propre amour de la perfection et de la contemplation. Il s’agit en fait d’une introduction à la vie contemplative qui nous entraîne à répondre à l’Amour par l’amour et même par un amour extatique, ce qui suppose notre transformation par « un feu d’amour ».

69L’orthographe du texte reste le plus près possible de celle du manuscrit avec de rares transpositions ou explications pour en faciliter la lecture (mais pourquoi ne pas moderniser franchement l’orthographe ?). — B. Clarot, S.J.

Escrivá de Balaguer J., Camino, éd. P. Rodríguez, coll. Obras completas, I/1, Madrid, Rialp, 2002, 15x18, XXXVI-1195 p., rel. ISBN 84-321-3390-6

70Premier des cinq volumes prévus pour les Œuvres complètes de Josemaría Escrivá de Balaguer, ce tome, consacré aux textes édités, se résume en fait à la présentation de Camino dans sa version définitive. C’est pourquoi Pedro Rodríguez en a fait une édition critico-historique. Il établit d’une part le texte selon les critères habituels de la présentation scientifique. D’autre part, il s’efforce de situer ces pages et les positions qu’elles présentent dans l’évolution de la pensée d’E. telle qu’on peut la découvrir dans ses autres écrits.

71Premier écrit de la série, ce volume s’ouvre par une présentation de l’auteur, sa biographie et ses œuvres écrites. En annexe, l’on trouve les pièces de tradition éditoriale (notes de l’auteur sur l’original, éditoriaux des diverses éditions, correspondance, etc.). Un second chapitre détaille le plan des considérations spirituelles des ouvrages parus en 1932, 1933 et 1934. Un ensemble d’index (chronologie des points traités par Camino, index scripturaire, index analytique, index des noms de personnes, de lieux, d’institutions, etc.) permet un accès aisé aux nombreux renseignements contenus dans l’ouvrage. — L. Renwart, S.J.


Date de mise en ligne : 18/04/2015

https://doi.org/10.3917/nrt.252.0332

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