Couverture de NRT_251

Article de revue

Nouvelles questions sur Jésus

Pages 122 à 127

Debergé P., Marchadour A., Nieuviarts J., Poirier J.-M., Que sait-on de Jésus de Nazareth ?, éd. A. Marchadour, Paris, Bayard, 2001, 21x15, 299 p., 18.29 €. ISBN 2-227-35023-7

1Quatre professeurs de la faculté de théologie de Toulouse se sont attelés à la « question de Jésus », afin d’en présenter un aperçu à la fois ample et synthétique et d’éclairer nos contemporains sur les problèmes que pose la lecture de l’Évangile. À la suite de conférences organisées à la faculté, son ancien doyen le P. Marchadour en a recueilli les fruits dans cet excellent volume. Nous y retrouvons les grands thèmes qui interpellent les hommes d’aujourd’hui à propos de Jésus : Quelle valeur accorder aux évangiles apocryphes ? (P. Debergé) — Les textes découverts à Qumrân attentent-ils à la véracité des évangiles ? (A. Marchadour) — Dans quel monde vivait Jésus ? (P. Debergé) — A-t-il fait des miracles et que signifient-ils ? (J.-M. Poirier) — Que révèlent ses paraboles ? (J. Nieuviarts) — Qu’en est-il de son procès et de sa passion ? (J. Nieuviarts) — Quel sont le sens et l’enjeu de sa « résurrection » ? (J.-M. Poirier) — Peut-on rapprocher de façon complémentaire la théologie élaborée de Paul de la présentation abrupte de Jésus par l’évangéliste Marc ? (A. Marchadour).

2Chacun des conférenciers traite son sujet comme un tout, et il le fait avec un réel talent pédagogique. L’on voit bien, à la lecture, comment ces sujets s’articulent les uns aux autres, donnant finalement une vue assez complète, sinon exhaustive, de la question : « Que sait-on de Jésus de Nazareth ? ». Sans doute aurait-on pu ouvrir encore la problématique, vu le nombre d’études disparates publiées ces dernières années sur Jésus, et l’on aurait aimé un chapitre sur la manière dont Jésus révèle le Père, thème essentiel à l’évangile johannique.

3Mais tel qu’il est, cet ouvrage vient à point nommé pour orienter les croyants désemparés devant une critique médiatique souvent destructrice. Clair, précis, compétent, bien documenté, et cependant largement accessible, il rendra service aux chrétiens qui veulent savoir « ce qu’il faut croire » à propos de Jésus, ou qui désirent se tenir au courant de la recherche actuelle afin de conforter leur foi en Jésus de Nazareth, à la fois homme de l’histoire et Fils de Dieu. — J. Radermakers, S.J.

Mackintosh H.R., The Person of Jesus Christ, éd. T.F. Torrance, Edinburgh, T&T Clark, 2000, 22x14, IX-94 p., £ 8.95. ISBN 0-567-08695-X

4Un petit livre sur Jésus qui vaut son pesant d’or. Il reproduit des conférences faites en 1911 par le Pr. H.R. Mackintosh au Mouvement chrétien étudiant à Swanwick (Derbyshire) sur la personne de Jésus. L’A., qui était professeur de théologie systématique à l’Université d’Édimbourg y avait mis son cœur et sa foi pour parler de Jésus, personnage de l’histoire qui atteint chaque chrétien au creux de son expérience vitale et qui tout ensemble apparaît comme la révélation de Dieu aux hommes. Le professeur T.F. Torrance, lui-même émérite de la même université, réédite ce petit joyau en le faisant suivre d’une « appréciation », qui rappelle ses relations avec l’A. et qui remémore sa carrière pour faire apparaître la profonde unité que ce vieux routier de la christologie mettait entre son enseignement, sa vie et sa prédication. À lire, à méditer, à vivre. — J. Radermakers, S.J.

Aletti J.-N., Jesu-Cristo ¿factor de unidad del Nuevo Testamento?, coll. Agape, 22, Salamanca, Secr. Trinitario, 2000, 22x14, 277 p. ISBN 84-88643-60-8

5Traduction espagnole de l’ouvrage paru en français dans la collection Jésus et Jésus Christ (n° 61, Desclée, 1994), ce beau livre est le fruit d’un patient labeur de scrutation des évangiles. L’A., jésuite français, professeur d’exégèse à l’Institut biblique pontifical (Rome) nous est bien connu par ses travaux sur les écrits de Paul et de Luc (cf. NRT 105 [1983] 604 ; 107 [1985] 107 ; 112 [1990] 96 ; 116 [1994] 911 ; 120 [1998] 106). Il nous présente ici un travail de synthèse, mené avec rigueur et précision. Son but est de montrer la diversité des approches néotestamentaires concernant la figure de Jésus afin de construire « ce qu’on pourrait appeler une (pour ne pas/plus dire : la) “christologie du Nouveau Testament” » (J. Doré, dans la préface, p. 12).

6Après une introduction où il esquisse le problème en tant que bibliste et propose une méthode d’investigation, l’A. construit son étude en trois temps : les lettres pauliniennes et les autres ; la mise en récit et les biographies de Jésus ; Jésus Christ et l’unité du Nouveau Testament.

7À propos de saint Paul, l’A. parcourt d’abord les grandes épîtres, et il détecte une christologie qui se cherche, se centrant sur « la mort en croix comme excès de l’amour » (p. 73) et la plénitude de gloire à laquelle participent les croyants. Il montre comment, dans la suite, la christologie se structure progressivement dans les lettres apostoliques où se manifeste « une christologisation diffuse » (p. 35). Abordant alors les évangiles, il s’interroge sur le passage du kérygme pascal au récit biographique et examine l’élaboration des évangiles à partir de petites unités narratives aboutissant, au-delà des tâtonnements, à la tradition synoptique et à la présentation des Actes qui manifestent un recentrage sur la personne de Jésus.

8Il consacre aussi un chapitre entier aux différents types de christologisation attestés par les évangiles, et il s’attarde à l’optique matthéenne de la justice par la Loi. Il en ressort que « c’est Jésus qui définit les rapports » entre Dieu, lui-même et les croyants (p. 201). Dès lors, il ne faut pas forcer les différences entre Paul et les évangélistes. Une attention particulière est attachée aux écrits johanniques, où l’A. souligne les relations Père/fils/frères, Maître/disciples, Époux/épouse (p. 235) et une christologisation apocalyptique de l’ecclésiologie. La troisième partie, conclusive, résume le chemin de cette « structuration jésuchristologique » du Nouveau Testament. L’A. note, en fin de parcours, le caractère nettement théologique de son enquête de bibliste. Parcours éclairant pour qui peut mettre le prix d’une lecture parfois ardue, complexe et nuancée, dont l’aspect synthétique rebutera sans doute les commençants. Nous souhaitons bon courage aux lecteurs hispanophones qui ne manqueront pas de retirer un fruit savoureux de leur lecture. — J. Radermakers, S.J.

Meier J.P., A Marginal Jew. Rethinking the Historical Jesus, vol. 3, Companions and Competitors, coll. The Anchor Bible Reference Library, New York, Doubleday, 2001, 24x16, XIV-703 p., rel., $ 42.50. ISBN 0-385-46993-4 ; Un Ebreo marginale. Ripensare il Gesù storico. 2. Mentore, messagio e miracoli, coll. Bibl. di teologia contemporanea, 120, Brescia, Queriniana, 2002, 23x16, 1338 p., 99.50 €. ISBN 88-399-0420-4

9C’est une œuvre monumentale qu’a entreprise l’A., prêtre catholique, professeur de Nouveau Testament à l’Université Notre-Dame (Indiana), naguère président de l’« Association biblique catholique » et éditeur général du Catholic Biblical Quarterly. Il se propose, en effet, de « repenser le Jésus de l’histoire » en une trilogie (seul le troisième volume nous est parvenu en américain, le deuxième en traduction italienne). Il s’adresse dans un langage intelligible à d’« honnêtes historiens », un catholique, un protestant, un juif et un agnostique, qu’il emmène à la bibliothèque de théologie de Harvard et entre lesquels il espère pouvoir établir un consensus touchant Jésus.

10Son premier volume, paru en 1991, est consacré aux « racines du problème et de la personne ». Il distingue le Jésus réel du Jésus historique, celui-ci étant objet de reconstruction à partir des livres canoniques du N.T., des écrits de Fl. Josèphe et d’autres sources juives, païennes ou apocryphes. Il se base sur un quadruple critère d’authenticité : discontinuité, multiple attestation, cohérence et éléments embarrassants pour l’Église. Il étudie alors le milieu socio-économique et culturel de l’époque de Jésus, et il fixe sa naissance en l’an -7 ou -6, sans doute à Nazareth, et il date le début de son ministère de 27 ou 28, sa crucifixion du 7 avril 30. L’A. estime que « les frères et sœurs » de Jésus étaient des enfants nés après lui de Marie et Joseph (cf. CBQ 54 [1992] 128).

11Le deuxième volume, paru en 1994, s’attache aux relations de Jésus avec Jean-Baptiste, puis à son enseignement, ses miracles. Sa reconstruction du personnage du précurseur — prophète apocalyptique — est intéressante ; il suppose que Jésus fut d’abord disciple du Baptiste avant de délivrer son message propre concernant le Royaume de Dieu, à propos duquel l’A. présente un excellent résumé de la perspective vétérotestamentaire. D’après lui, Jésus croyait à l’imminence de son avènement : Royaume à venir et déjà présent ; en effet, il proclamait la fin du monde plutôt que sa transformation dès ici-bas. À vrai dire, l’eschatologie de Jésus telle que la présente le volume n’a pas toujours des contours précis. Quoi qu’il en soit, l’A. se penche ensuite sur les signes du Royaume déjà présent : les miracles, auxquels il consacre une réflexion suggestive touchant leur interprétation, avant d’aborder les récits évangéliques qui en parlent et de les expliquer au lecteur, suivant les critères préalablement établis. Il maintient un fond d’authenticité historique, sauf pour les miracles concernant la nature. En tant qu’historien, il peut seulement affirmer que Jésus a accompli des actions que ses contemporains interprétaient comme des interventions divines ; lui-même ne prend pas position comme théologien. Mais il concède, contre le scepticisme moderne concernant les miracles, que Jésus opérait vraiment en tant que thaumaturge, afin de mener les personnes à la foi et la repentance et d’en faire des disciples.

12Dans le troisième volume, l’A. examine les relations de Jésus avec les juifs en général d’abord, avec les foules, puis avec ses disciples et particulièrement les Douze et chacun d’eux. Il s’attaque alors aux adversaires de Jésus et brosse un tableau impressionnant des divers courants en présence : les pharisiens et leur origine à partir des Hasmonéens, leur distinction d’avec les esséniens, et leur comportement actuel ; les sadducéens, et le portrait qu’en tracent les évangiles et les Actes, avec leur refus de la résurrection ; enfin les esséniens de Qumrân et les samaritains, les scribes, les hérodiens et les zélotes. Un beau chapitre de conclusion essaie d’intégrer les relations juives de Jésus dans une plus large perspective, ouvrant sur le judaïsme du 1er siècle et montrant l’accomplissement des prophéties par cet étonnant « Juif marginal » qui instaure de nouvelles structures dans son monde.

13L’originalité de l’A., en tout cas face à la discussion du Jesus Seminar aux États-Unis (cf. NRT 124 [2002] 281) et des émissions Corpus Christi en France, c’est d’avoir mis l’accent surtout sur la judaïté de Jésus. On pourra discuter certaines affirmations de l’A., mais on reste impressionné par l’abondance des matériaux brassés autant que par son jugement mesuré, « sans parti pris ». Nul doute que les lecteurs intéressés par le Jésus historique trouveront là de quoi approvisionner leur réflexion, s’ils ont le courage de s’attaquer à ces trois importants volumes, davantage objets de consultation que de lecture suivie. Dans l’édition américaine, les nombreuses notes viennent en fin de chapitre, tandis que l’italienne a préféré les installer en bas de page. Des index d’abréviations, de références scripturaires, d’auteurs et de matières traitées achèvent de donner à cette volumineuse étude sa frappe scientifique. Nous savons gré à l’A. d’avoir mené à bien un gigantesque labeur de critique historique qu’on ne pourra désormais pas négliger. — J. Radermakers, S.J.

Theißen G. & Merz A., Il Gesù storico. Un Manuale, coll. Biblioteca biblica, 25, Brescia, Queriniana, 1999, 23x16, 803 p., 120.000 lires. ISBN 88-399-2025-0

14Paru chez Vandenhoeck & Ruprecht en 1996 sous le titre Der historische Jesus : ein Lehrbuch, et réédité en 1999, cet ouvrage de valeur voit aujourd’hui le jour en langue italienne, comme il l’avait été en anglais (The Historical Jesus. A Comprehensive Guide, SCM Press, 1998). Gerd Theißen est bien connu par ses nombreux ouvrages, dont, en traduction française : Le christianisme de Jésus (Desclée, 1978), Histoire sociale du christianisme primitif (Labor et Fides, 1996), L’ombre du Galiléen (Labor et Fides, 1996) ; il tient la chaire du N.T. à l’Université de Heidelberg où A. Merz, sa collaboratrice, est assistante en exégèse du N.T. Ce livre se donne comme un manuel consacré lui aussi au « Jésus de l’histoire ». Quatre parties divisent l’étude, précédées par une introduction fort intéressante sur l’histoire — en cinq phases — de la recherche concernant la vie de Jésus.

15La première partie traite des sources biographiques et de leur valeur : sources chrétiennes, comme les évangiles canoniques et apocryphes, les fragments et traditions, puis les sources non chrétiennes de Fl. Josèphe, des rabbins ou des auteurs romains. Ces documents sont brièvement analysés ; ils ont généré un scepticisme historique généralisé : Jésus serait-il une invention de la troisième génération chrétienne ?

16Une deuxième partie dessine le cadre de l’histoire de Jésus : cadre temporel et religieux historique du judaïsme, avec les courants pharisien, sadducéen et essénien et les mouvements de renouveau au Ier siècle, de nature baptiste ou prophétique ; cadre chronologique aussi, avec la date de sa naissance (l’an -5 ou -4) et celle de sa mort (30) ; cadre géographique et social : Nazareth, Capharnaüm, les déplacements en Galilée, Jérusalem.

17La prédication de Jésus occupe la troisième partie du livre. Les A. choisissent cinq aspects de son activité apostolique : Jésus charismatique, dans ses rapports avec ses contemporains, le Baptiste, ses disciples, les foules, les femmes, ses adversaires (scribes, pharisiens, sadducéens, hérodiens) — Jésus prophète et sa conception de l’eschatologie, dont les différentes interprétations sont passées en revue, avec sa prédication du Royaume de Dieu à coloration apocalyptique, son point de vue sur le présent et l’avenir, le jugement et le salut — Jésus guérisseur, opérant des miracles, guérisons et exorcismes, dont les récits sont comparés aux récits païens ou proto-chrétiens afin de distinguer sa thaumaturgie de celle de ses contemporains — Jésus poète nous fait redécouvrir les paraboles, avec les diverses interprétations de la critique, les images et similitudes, les récits — Jésus enseignant, ou rabbi, nous introduit à son éthique : une brève histoire de la recherche nous mène à évaluer à la fois son obéissance à la Torah et la manière dont il la relativise, avec une double motivation, sapientiale et eschatologique, centrée sur l’amour.

18La quatrième partie est consacrée à la Passion et à la Pâque de Jésus, sous quatre rubriques : Jésus fondateur de culte, avec la dernière Cène et son mémorial dans la première Église — Jésus martyr à travers sa passion, compte tenu des examens scientifiques, du rôle des Romains et de l’aristocratie de Jérusalem, et du rôle du peuple dans le procès — Jésus ressuscité développant les interprétations du mystère pascal basées sur les sources de la tradition — enfin Jésus historique et les débuts de la christologie, soulignant les trois phases de la recherche scientifique sur la christologie du N.T., celle, implicite, contenue dans l’activité du Jésus de l’histoire, son titre de Messie ou Christ et ceux de « Fils de l’homme » et de Seigneur. Une conclusion brève jette un regard rétrospectif sur le chemin parcouru : une synthèse de la vie de Jésus en cinq pages.

19À la fin de chaque chapitre, nous trouvons une réflexion herméneutique et des exercices proposés, dont la solution est reportée à la fin du volume. Une bibliographie choisie et un index des citations ferment cet ouvrage important qui sur bien des points fait concurrence à celui de Meier ; mais il a l’avantage de s’attacher aussi à des points de théologie qui sont une interprétation des faits racontés dans les évangiles. C’est dire que l’essai s’adresse plus spécialement aux étudiants en théologie et à leurs professeurs, auxquels ils fournissent des éléments de réflexion essentiels présentés de manière fort pédagogique. C’est donc un excellent manuel dont on espère la traduction française. — J. Radermakers, S.J.

Paul A., Jésus Christ, la rupture. Essai sur la naissance du christianisme, Paris, Bayard, 2001, 21x15, 280 p., 18.90 €. ISBN 2-227-35012-9

20L’A., exégète et historien de renom, est incontestablement un grand connaisseur de la communauté et des écrits de Qumrân ; en fait foi le remarquable ouvrage que nous avons recensé précédemment : Les manuscrits de la mer Morte (Bayard, 1997 et 2000 ; cf. NRT 121 [1999] 297). Fort de sa compétence, il entame aujourd’hui le deuxième tome de sa trilogie sur la genèse de la Bible, dont il a publié le premier sous le titre significatif Et l’homme créa la Bible. D’Hérodote à Flavius Josèphe (Bayard, 2000). Nous en avons annoncé le propos, tout en émettant des réserves par rapport à certaines reconstructions contestables (cf. NRT 123 [2001] 641). Dans le présent essai, il tente de montrer comment la communauté chrétienne est née à partir de Qumrân, grâce à l’initiative de Jean le Baptiste reprise par Jésus de Nazareth, en rupture d’avec la société religieuse juive.

21L’argumentation de l’A. se déroule en cinq étapes, chacune étant introduite par un sommaire et suivie d’un exposé synthétique permettant d’en saisir la portée. La première décrit ce que devait être l’idéal de la « commune » essénienne des « séparés », modèle réduit d’Israël, vrai « laboratoire doctrinal » où le « Dieu national se trouvait comme en perdition transitoire » (p. 73). Vient la deuxième étape où, à partir du monothéisme juif consigné dans l’Écriture et des visions apocalyptiques se forge l’attente d’un « être virtuel ». Ces textes disent la quête d’un Dieu transcendant et l’angoisse devant le mystère d’iniquité.

22On en arrive au cœur du livre : « la vraie rupture déclarée par Jésus de Nazareth » (p. 119). L’amorce de cette rupture serait à attribuer à Jean le Baptiste, à la fois complice et indépendant de la communauté essénienne dont il se sépare, peut-être en excommunié, pour inaugurer une société rénovée. Le Galiléen Jésus aurait repris le flambeau et consommé la rupture. Ici l’A. qui s’est efforcé de demeurer historien fait place au romancier pour nous camper un Jésus novateur, « déconstruisant un système clos » (p. 162), « transfigurant le Temple en royaume des cieux » (p. 165), jetant les bases d’une « assemblée » toute nouvelle. Celle-ci se nomme et s’organise en « église », corps social vivant dans l’attente de la restauration des corps. Pour les adeptes de celui qu’on va appeler « Christ », il s’agit de « retrouver la chair en un corps dissous dans l’esprit » (p. 184) et de trouver un langage pour le dire, soit juif (résurrection), soit grec (immortalité). L’A. esquisse brillamment la genèse de la croyance en la résurrection individuelle, jusqu’à Paul, « le grand théoricien et promoteur du message chrétien » (p. 225), qui donna sa frappe décisive à la doctrine chrétienne de la résurrection, « une vérité “à croire” », là où « évoluent l’imaginaire plus que le notionnel, la vision plus que la raison » (p. 233).

23Nous abordons ainsi la cinquième étape qui présente « l’utopie chrétienne et la voix de Jean de Patmos » (p. 235), une évocation de l’Apocalypse avec l’Agneau siégeant sur le trône divin : image « mythique » de l’existence chrétienne ; ainsi le tragique de la vie se trouve sublimé dans cette vision royale. La conclusion donne à penser. L’A. nous laisse sur trois propositions qui seront à développer dans le dernier tome de la trilogie : « le dogme comme source d’or de la culture » — « le mythe comme moyen princier de connaissance » — « la résurrection comme science prospective de la vie » (p. 271-273).

24Cette « explication historique de la naissance du christianisme, considérant les choses du côté des hommes » (p. 271) surprendra maint lecteur et risque de bouleverser nombre de ses conceptions rationnelles ou imaginées. C’est que ce livre, écrit dans un fort beau style, peut être lu à des niveaux divers, ce qui en constitue le charme et l’ambiguïté : le visage de Jésus y apparaît génial, mais totalement humain, et l’on se demande où est la divinité, sinon dans la quête des hommes. De plus, comme historien, il nous fait revivre l’épopée de Jésus « comme si vous y étiez », mais au fil du texte, on s’aperçoit que le possible s’est mué en probable et devient finalement le réel de l’histoire. Au fond, cette histoire qu’il nous présente n’est-elle pas celle qu’il imagine ? C’est ce que le troisième volume nous permettra peut-être d’élucider, et en tout cas d’ouvrir le débat. — J. Radermakers, S.J.

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