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Article de revue

Avant et après : peindre en deux temps

Pages 47 à 58

Notes

  • [1]
    Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman (1924), traduit du russe par D. Olivier, Paris, Gallimard, « Tel », 2001, p. 103.
  • [2]
    Bertrand Lavier, « La grande joie des longs chantiers » (entretien avec Jacques Henric, Art Press, n° 155, février 1991), dans Conversations, 1982-2001, Genève, Mamco, 2001, p. 110. La formule empruntée à André Malraux est reprise à différentes occasions par Lavier. Voir par exemple « La touche de Van Gogh », propos recueillis par Élisabeth Lebovici (Beaux-arts magazine, n° 76, avril 1990), ibid., p. 85.
  • [3]
    Tzvetan Todorov, Qu’est-ce que le structuralisme ?, vol. II, « Poétique » (1968), Paris, Seuil, « Points », 1973, p. 43.
  • [4]
    Les extraits sont respectivement tirés des fameux passages suivants : le premier de Denis Diderot, Jacques le Fataliste et son maître, Paris, Flammarion, « GF », 1990, p. 29 ; le second de Laurence Sterne, La Vie et les Opinions de Tristram Shandy, traduit de l’anglais par G. Jouvet, Auch, Éd. Tristram, 2004, p. 789.
  • [5]
    Tzvetan Todorov, Qu’est-ce que le structuralisme ?, vol II, « Poétique », op. cit., p. 44.
  • [6]
    Denis Diderot, Jacques le Fataliste et son maître, op. cit., p. 313.
  • [7]
    Franck Scurti, « Before & After, Franck Scurti interviewé par Jérôme Sans », dans Before and After, catalogue d’exposition, Paris, Palais de Tokyo, site de création contemporaine, Centre national de la photographie, 2002, p. 131.
  • [8]
    Ibid.
  • [9]
    Charles S. Peirce, Écrits sur le signe, traduit de l’anglais par G. Deledalle, Paris, Seuil, « L’ordre philosophique », 1978, p. 144.
  • [10]
    Ibid., p. 154.
  • [11]
    Ibid., p. 159.
  • [12]
    Franck Scurti, « Before & After, Franck Scurti interviewé par Jérôme Sans », Before and After, op. cit., p. 132.
  • [13]
    Jean-Luc Nancy, présentation du texte de Jean Paul, « Sur le trait d’esprit (Witz) », traduit de l’allemand par A.-M. Lang et J.-L. Nancy, Poétique, n° 15, 1973, p. 368. Jean-Luc Nancy ajoute à propos du wit, « et, s’il n’est pas le malpropre, il est du moins l’incongru de la philosophie. »
  • [14]
    Andy Warhol, « Andy Warhol : ma véritable histoire » (entretien avec Gretchen Berg, 1966 ; le texte publié dans les Cahiers du cinéma, n° 205, octobre 1968 est connu sous le titre « Rien à perdre »), Entretiens 1962-1987, traduit de l’américain par A. Cueff, Paris, Grasset, 2006, p. 104.
  • [15]
    On recense trois peintures intitulées Avant et après : la première, Avant et après 1, 1961 (caséine sur toile, 172,7 x 137,2 cm, New York, Metropolitan Museum), que je me propose d’analyser ; la deuxième, Avant et après, 1961 (caséine sur toile, 137,1 x 177,3 cm, New York, The museum of Moderne Art) et la troisième, Avant et après 3, 1962 (acrylique sur toile, 182,9 x 255,9 cm, New York, The Withney Museum of American Art). Contrairement à ce que déclare Alain Cueff, directeur scientifique de l’exposition Warhol aux Galeries nationales du Grand Palais en 2009, ce n’est pas la peinture de la collection du Museum of Modern Art mais bien celle du Metropolitan Museum qui est exposée dans la vitrine du magasin Bonwit Teller. Voir Alain Cuef, « Cosmétique de l’ombre », Warhol. Le grand monde d’Andy Warhol, catalogue d’exposition, Paris Réunion des musées nationaux, 2009, p. 27. Voir également la photo -graphie de la vitrine du magasin Bonwit Teller reproduite dans ibid., p. 42.
  • [16]
    Andy Warhol, Ma philosophie de A à B et vice-versa (1975), traduit de l’américain par M. Véron, Paris, Flammarion, 1977, p. 58.
  • [17]
    Andy Warhol a signé en réalité deux tableaux avec le même intitulé The Lord Gave me my Face, But I Can Pick my Own Nose, ou selon une deuxième version The Broad Gave me my Face, But I Can Pick my Own Nose, autrement traduit Le Seigneur [ou la grosse] m’a refilé mon visage, mais je peux me gratter le nez tout seul. L’un et l’autre ont été peints en 1948, le premier, tempéra sur panneau aggloméré, 62,2 x 76,2 (présenté lors de l’exposition « Le grand monde d’Andy Warhol », Paris, Galeries nationales du Grand Palais, 18 mars-13 juillet 2009), le second, huile sur panneau aggloméré (92,7 x 45,7), Pittsburgh, collection famille Paul Warhola.
  • [18]
    Jean Paul, « Sur le trait d’esprit », dans Cours préparatoire d’esthétique (1804, 1813), traduit de l’allemand par A.-M. Lang et J.-L. Nancy, Lausanne, L’Âge d’homme, 1979, p. 171.
  • [19]
    Roger de Piles, Cours de peinture par principes 1708, Paris, Gallimard, « Tel », 1989, p. 169.
  • [20]
    Andy Warhol, Ma philosophie de A à B et vice-versa, op. cit., p. 56.
  • [21]
    Ibid., p. 60.
  • [22]
    Voir Sigmund Freud, le Mot d’esprit et sa relation à l’inconscient (1905), traduit de l’allemand par D. Messier, Paris, Gallimard, « Connaissance de l’inconscient », 1998, p. 282, p. 376-377. Sur cette figure de double visage à la Janus à laquelle Freud compare son Witz, voir en particulier Sarah Kofman, Pourquoi rit-on ?, Paris, Galilée, 1986, p. 41 sq. et le chapitre « Un Janus double face », p. 74-82.
  • [23]
    Cité dans Sigmund Freud, Le Mot d’esprit et sa relation à l’inconscient, op. cit., p. 137.
  • [24]
    Ibid., p. 376.
  • [25]
    Walter Benjamin, « Brèves ombres (1) », Images de pensée, traduit de l’allemand par J.-F. Poirier et J. Lacoste, Paris, Bourgois, « Détroits », 1998, p. 124.
  • [26]
    Françoise Proust, L’Histoire à contretemps, le Temps historique chez Walter Benjamin (1994), Paris, Le Livre de poche, « Biblio Essais », 1999, p. 68.
  • [27]
    Ibid., p. 62.
  • [28]
    Roy Lichtenstein, Poubelle à pédale avec jambe (« Step-on Can with Leg »), 1961. Huile sur toile, 2 panneaux, chacun : 82,5 x 67,5. Collection particulière.
  • [29]
    Françoise Proust, L’Histoire à contretemps, op. cit., p. 240.
  • [30]
    Raphaël Sorin, « Roy Lichtenstein » (janvier 1968), dans Pop Art 68, Produits d’entretiens, Paris, L’Échoppe, 1996, p. 16.
  • [31]
    Janis Hendrickson, Roy Lichtenstein, traduction française de F. Laugier, Cologne, Taschen, 2001, p. 30.
  • [32]
    Voir Bernard Marcadé, « La peinture et son ombre », Artstudio, « Spécial Roy Lichtenstein », op. cit., p. 122.
  • [33]
    Voir ibid.. Voir également Robert Rosenblum, « Roy Lichtenstein : passé, présent, futur », ibid., p. 47.
  • [34]
    Cité dans Bernard Marcadé, « La peinture et son ombre », ibid., p. 124.
  • [35]
    Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, op. cit., p. 418. Selon Bakhtine, c’est « à la lumière d’un autre langage et style possibles que le discours direct donné est parodié, travesti, raillé. La conscience créatrice se tient comme à la lisière des langages et des styles. »
  • [36]
    Voir Frédéric Ogée et Olivier Meslay, « William Hogarth et la modernité », William Hogarth, catalogue d’exposition, Paris, Hazan, musée du Louvre, 2006, p. 23-29.
  • [37]
    William Hogarth, « Autobiographical Notes », cité dans ibidem, p. 27.
  • [38]
    L’expression « paper culture » est de David Bindman, dans Hogarth and his Times, Londres, 1997. Voir Frédéric Ogée et Olivier Meslay, « William Hogarth et la modernité », William Hogarth, op. cit., p. 28.
  • [39]
    Les mots « contrepartie » ou « contre-épreuve » sont empruntés à Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, op. cit., p. 412 en particulier.
  • [40]
    Ibid., p. 414.
  • [41]
    Charles S. Peirce, Écrits sur le signe, op. cit., p. 155.
  • [42]
    Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, op. cit., p. 418.

1Au principe du dialogisme qui établit le rapport entre deux sujets correspond l’idée de se référer à un « déjà-dit » et de solliciter réciproquement une réponse imaginée par avance. Suivant cette notion de dialogisme inventée par Mikhaïl Bakhtine, « le discours naît dans le dialogue comme sa vivante réplique et se forme dans une action dialogique mutuelle avec le mot d’autrui, à l’intérieur de l’objet [1] ». Le dialogue est autant instruit en amont qu’il est animé en aval. La parole vivante ne prend forme que dans l’échange ; avant, elle est orientée vers une réponse et, après, elle est dirigée symétriquement vers une question. Il faut à la fois l’une et l’autre : celle qui reçoit la question avant et celle qui y répond après. Au sein de la rencontre, toute l’action se joue entre deux temps. L’un ne va pas sans l’autre suivant le rapport contradictoire de la simultanéité et de la succession qu’illustrent certains tableaux partagés respectivement en deux parties « avant » et « après ».

2Sans devoir prétendre à un inventaire des occurrences nouant les deux termes « avant » et « après », je me propose ici de considérer certaines de ces correspondances dialogiques pour en souligner la fonction opératoire dans le champ élargi de la peinture. Comment concilier la fixité de la peinture et sa lecture diachronique ? La temporalisation de la représentation s’oppose-t-elle au temps représenté ? Comment faire l’expérience d’un espace de correspondances entre différentes manières de faire et différentes façons de voir ? Comme pour les tableaux Before and After qu’Andy Warhol réalise en 1961 et 1962, ou pour les différents panneaux formant pendants, Before et After, que William Hogarth exécute dans les années 1730, le passage d’une peinture à l’autre, entre avant et après, atteste une similitude autant qu’il marque une différence. À l’image de l’échange dialogique qu’elles impliquent, ces peintures sont ambivalentes : à la fois négatives et affirmatives, transparentes et opaques, actuelles et inactuelles.

Dialogue

3La peinture est partout. C’est l’idée du dialogisme que toute œuvre influe sur notre vision du monde en constituant une réponse à d’autres œuvres. Non seulement elle est perçue en comparaison avec d’autres objets artistiques, mais elle est conçue en rapport avec d’autres modèles dont elle renouvelle la connaissance. Selon l’esthétique formaliste, l’émergence d’une nouvelle forme n’est pas vouée à générer un contenu inédit, mais à remplacer une forme ancienne qui s’est vue dépouillée de ses qualités esthétiques. Plus largement, pour Mikhaïl Bakhtine, tout énoncé est affecté par un autre en tant qu’il est produit et présenté à la lumière de points de vue différents. Or, si la confrontation implique la relation unissant un texte à un texte antérieur sur lequel il se greffe après coup, c’est inversement que cette relation est interprétée. Elle oriente à rebours le cours naturel des choses en renversant leur rapport consécutif. « On va toujours de Mallarmé à Villon, mais on ne va pas de Villon à Mallarmé. » [2] Bertrand Lavier n’est pas le seul à le rappeler après Malraux. Suivant une lecture structuraliste, Tzvetan Todorov donne l’exemple de l’histoire du genou blessé dans le livre de Laurence Sterne, la Vie et les Opinions de Tristram Shandy, reprise par Diderot au cours du dialogue de Jacques le Fataliste et son maître. Les différences entre les deux textes ne comptent pas moins que leurs similitudes. Au contraire, relève Todorov, « nombre de détails sont changés, de sorte que le texte de Diderot, bien que très proche de celui de Sterne, n’est pas compréhensible si on ne tient pas compte du décalage entre les deux » [3]. C’est parmi ces détails que le changement s’opère entre les deux épisodes, où Jacques d’un côté chez Diderot, le caporal Trim de l’autre chez Sterne, voient momentanément leur blessure soulagée : le premier avec une bouteille de vin dont il boit « un ou deux coups à la hâte », le second au moyen des « quelques gouttes » du cordial qu’on lui verse sur du sucre [4]. Cette correspondance ne pouvait être tenue pour négligeable pour le lecteur contemporain. Diderot lui-même en lieu et place de son narrateur le déclare à l’attention de son lecteur. « On ne peut comprendre le texte sans tenir compte de sa signification double » [5], commente Todorov : il explique le geste de secours de la femme qui sert du vin à Jacques et signifie à la fois le texte de Sterne dont il dérive. On rappellera en ce sens les dernières pages toute borgésiennes du roman de Diderot dans lesquelles il reconnaît sa dette envers son aîné :

4

« Voici le second paragraphe, copié de la vie de Tristram Shandy, à moins que l’entretien de Jacques le Fataliste et de son maître ne soit antérieur à cet ouvrage, et que le ministre Sterne ne soit le plagiaire, ce que je ne crois pas » [6]

Continuité et contiguïté

5Les deux expositions rétrospectives que Franck Scurti présentaient simultanément de décembre 2002 à février 2003 au Centre national de la photographie et au Palais de Tokyo, portaient le même titre : Before and After. Un livre consacré au groupe de punk The Clash est à l’origine de cette appellation. Adolescent, Scurti est subjugué par leur manière de vivre, leur existence et leur musique. Leur histoire semble donner raison au vœu de l’esthétique, de l’art et de la vie confondus. Entre les Clash avant leur concert et après, la frontière est poreuse : « Il n’y avait pas de séparation entre ce qu’ils vivaient sur scène et leurs vies. » [7]. Des pièces relativement connues de l’artiste à ses réalisations les plus récentes, l’expression before and after ne manque pas effectivement de soutenir l’idée d’une exposition retraçant son parcours suivant son développement chronologique. Scurti s’est expliqué à ce sujet lors d’un entretien avec Jérôme Sans publié dans le catalogue de l’exposition.

6

« Aujourd’hui, Before and After c’est un peu comme cela que je conçois mon travail : réaliser, s’approprier, détourner, s’inscrire dans des relations et se situer dans le temps. »

7Et de préciser :

8

« Pour moi une œuvre est active et il y a l’instauration d’un présent avec celui qui la regarde. Il s’agit de l’organisation d’une temporalité car on le sait, le présent crée toujours un avant et un après. Il y a donc aussi l’existence d’un “maintenant” qui serait la durée de l’expo » [8]

9Réalisée pour l’occasion dans l’une et l’autre des galeries du Centre national de la photographie et du Palais de Tokyo, la pièce éponyme, Before and After, est exemplaire de la capacité de Scurti de considérer dialectiquement la peinture en termes de continuité et de contiguïté. L’œuvre s’apparente à une farce donnée à répéter par les médiateurs des expositions. Elle consiste à exposer d’un côté des chaises de jardin fraîchement repeintes en bleu et à désigner d’un autre côté l’empreinte des lattes de ces chaises sur les vêtements des médiateurs. Les rayures bleues sur leur dos renvoient à la définition de l’indice par Charles S. Peirce, « l’indice n’affirme rien ; il dit seulement : “Là”. Il se saisit pour ainsi dire de vos yeux et les force à regarder un objet particulier et c’est tout [9] ». Clin d’œil à la blague éculée mettant en garde contre les risques de la peinture fraîche, l’œuvre de Scurti puise sa logique dans le gag chorégraphié par Jacques Tati dans Playtime lors de la soirée d’ouverture du Royal Garden. Tout se passe en dépit du bon sens et tout fonctionne à l’envers, à l’insu des protagonistes qui portent au milieu du dos l’estampille d’une couronne triomphale laissée par le motif du dossier de leur chaise. Les incidents se répercutent entre les objets et leurs usagers, enchaînant les causes et leurs effets singuliers. Il faut une panne de la climatisation pour plonger subséquemment la salle du Royal Garden dans une chaleur étouffante. L’étonnement que provoque le signe indiciel est subordonné à la relation existentielle qui le rattache à l’objet qu’il dénote. Selon Peirce :

10

« Tout ce qui attire l’attention est un indice. Tout ce qui nous surprend est un indice, dans la mesure où il marque la jonction entre deux positions de l’expérience. » [10]

Franck Scurti, Before and After, 2002. Intervention avec les médiateurs et gardiens pendant l’exposition Before and After, Palais de Tokyo, Paris, 3 décembre 2002-16 février 2002

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Franck Scurti, Before and After, 2002. Intervention avec les médiateurs et gardiens pendant l’exposition Before and After, Palais de Tokyo, Paris, 3 décembre 2002-16 février 2002

11Parmi les exemples d’indices que le sémioticien américain ajoute à ses analyses, on retient généralement celui de la girouette qui indique, d’une part, la direction du vent sans pour autant lui ressembler et sollicite, d’autre part, notre attention dans cette même direction. Elle agit à la manière dont on pointe l’index pour désigner ce dont on parle. Comme la girouette, le geste de montrer du doigt établit une relation dynamique et spatiale entre un signe et son référent. C’est précisément à cette première fonction de connexion vivante entre l’œuvre et le regardeur qu’est assujetti le médiateur d’expositions. Le rôle que lui fait jouer Scurti dans Before and After le libère de la place du gardien rivé à sa chaise. La décision de se lever ne va pas sans laisser de traces en identifiant au vu de tout le monde le médiateur aux rayures horizontales de peinture bleue, qu’il arbore largement sur ses vêtements au niveau de ses fesses. La plaisanterie cuisante dont Duchamp s’honora sur la Joconde en l’affublant d’une coquette moustache ne visait-elle pas le culte de la peinture et de ses icônes ? Son nouveau titre, épelé en français, tournait en dérision sa valeur et portait un coup à la réputation même de son modèle.

12Dans sa théorie des signes, Peirce écrit :

13

« On ne peut énoncer aucun fait sans utiliser quelque signe servant d’indice. Si A dit à B : “Il y a un incendie”, B demandera “Où ?”. Sur ce, A sera forcé d’avoir recours à un indice, même s’il veut simplement dire quelque part dans l’univers réel, passé ou futur. Sans quoi il n’aurait fait que dire qu’il existe une idée d’incendie, ce qui ne fournirait aucune information, puisque le mot “incendie”, sauf s’il était déjà connu, serait inintelligible. Si A indique du doigt l’incendie, son doigt est dynamiquement lié à l’incendie, autant que si un avertisseur d’incendie automatique l’avait réellement tourné dans cette direction, tout en forçant les yeux de B à se tourner dans cette direction, son attention à se fixer sur lui et son entendement à reconnaître que sa question à trouvé une réponse. » [11]

14Mais si on reconnaît la force de l’indice à diriger le regard sur son objet, il faut également souligner la dimension temporelle comprise dans le rapport entre contiguïté et continuité. Que l’on songe à la charge qui incombait aux gardiens du musée Van Abbemuseum d’Eindhoven revêtus de gilets signés par Daniel Buren et tissés en bandes verticales alternées blanches et fuchsia (« Essai hétéroclite : les gilets », 1981), le médiateur de Before and After est « quelqu’un par qui le message passe [12] » tout en étant sa propre marque, à la fois empreinte et « amorce de sa communication ». Il n’exhibe pas un blason mais supporte plutôt les effets du ridicule. Il met en évidence la composante communicationnelle de l’humour qui suppose d’abord une connivence entre l’humoriste et son public. Signe parmi les signes, il invalide le sérieux d’un médium réduit à ses constituants autant qu’il réactive les propriétés intempestives d’une peinture prompte à imprégner le réel.

L’art de la retouche

15Du Witz, ou du wit en anglais, Jean-Luc Nancy dit qu’il est « l’impropre par excellence [13] ». Non seulement il résiste aux différents efforts de traduction, mais il se dérobe aux multiples tentatives de définition qui lui assigneraient un rôle immuable. S’il ne cesse d’opposer sa plasticité à la rigueur de la philosophie, il ne quitte pas moins la place que lui assigne la critique d’art en le reléguant au niveau de la frivolité des illustrations et de la vulgarité des caricatures. Il trouble l’opposition entre l’intérieur et l’extérieur suivant la possibilité de convertir une chaise de jardin en une chaise de musée, en transposant un objet d’un lieu à un autre. Pour confesser la difficulté de définir le pop art, Andy Warhol suggérait une réponse en deux temps :

16

« Ça consiste simplement à prendre ce qui est dehors et à le mettre dedans, ou à prendre le dedans et le mettre dehors. » [14]

17Offertes à la curiosité des badauds, en arrière-plan de mannequins d’étalage, c’est en guise de décor pour une vitrine du grand magasin de prêt-à-porter new-yorkais Bonwit Teller que Warhol fait valoir ses premières grandes peintures. À mi-chemin entre le dedans et le dehors, la surface transparente de la vitre paraît abolir la frontière entre les passants et le défilé des mannequins fixés dans leur pose. Derrière ces silhouettes, les cinq tableaux que Warhol exhibe aux yeux de la rue en avril 1961 sont autant d’arrêts sur image, extraits de supports divers et détournés de leur signification première, pour être reportés ensuite sur des toiles tendues sur châssis. Peints à la main, ils livrent ouvertement le sujet de leur inspiration sans rien dissimuler de leur exécution artisanale. Ces deux aspects liés aux notions de recyclage et d’appropriation ne cachent rien de la pratique encore hésitante du jeune peintre. Leur découpe prélevée d’un continuum et leur transcription démarquée en très gros plan oscillent parallèlement entre un rendu linéaire, mécanique et impersonnel, et une facture picturale, gestuelle et expressive. C’est tout uniment qu’ils préfigurent les éléments caractéristiques de l’œuvre des années soixante et mobilisent les conventions des pratiques publicitaires prescrivant au préalable la lisibilité du message à communiquer telles que Warhol les appliquait dans ses activités d’illustrateur. Avant et après 1, exposé dans la vitrine de Bonwit Teller, peut se lire comme le condensé de plusieurs problématiques formelles et temporelles. L’œuvre date de 1961 et mesure 172,7 x 137,2 [15]. Aux côtés des tableaux inspirés de bandes dessinées, Superman et Saturday’s Popeye, elle tranche visiblement autant sur leurs couleurs vives rouge et bleue que sur les marques expressives des mouvements qu’ils mettent en scène. Issue de la série des Nose Job commencée la même année que Dick Tracy en 1960, Avant et après 1 prend pour modèle une publicité pour la chirurgie esthétique imprimée dans le journal National Enquirer. Deux profils féminins placés l’un à côté de l’autre couvrent la largeur de la toile : on les dirait calqués sur le même contour à la seule différence notoire du nez qui, à gauche, frise le grotesque tandis qu’à droite il répond aux promesses d’une heureuse rhinoplastie. Alors que la première silhouette avance un long appareil busqué, presque disproportionné, la seconde satisfait aux critères de la mode américaine du moment en dessinant un nez en trompette. Sans devoir épiloguer sur l’anecdote, il est difficile de ne pas évoquer ici les complexes que Warhol éprouvait vis-à-vis d’un nez qui lui valait jusque dans sa famille le surnom de « Andy le Warhola au nez rouge ». Ils devaient le conduire en 1957 à l’hôpital Saint-Luc pour se voir raboter sans grand succès un nez comparable à celui de W. C. Fields. Sorti de l’opération, « j’étais le même en dessous, mais j’avais un pansement par-dessus », raconte-t-il dans Ma philosophie de A à B[16]. Quelque dix ans plus tôt, pendant qu’il termine ses études au Carnegie Institute of Technology de Pittsburgh l’année 1948-1949, le titre qu’il attribue à un portrait peint dans un style expressionniste montrant un personnage grotesque se curant une narine est aussi explicite : J’ai hérité ma figure mais mon nez, c’est moi qui le fait[17]. La confession personnelle, fut-ce la plus risible, ne va pas sans faire penser à ce tour particulier qualifié de « métalepse » par lequel l’auteur apparaît lui-même dans l’espace de sa création. Sans devoir chercher une origine à Avant et après, je pense en particulier à l’astucieuse parade agencée par Hitchcock au creux d’un détail pour donner vie à l’un de ses fameux « caméos », dans le décor réduit de son film Lifeboat, en apparaissant, non pas une fois, mais deux fois simultanément dans un journal, pour la publicité du produit amaigrissant Reduco, avec une image le montrant avant le régime et une autre après.

18Variante parmi les différentes versions des Nose Job, aujourd’hui collection du Metropolitan Museum de New York, Avant et après 1 vise cependant moins à magnifier la piètre image d’une annonce publicitaire d’un spécialiste en chirurgie réparatrice qu’à la recopier, à la mettre à plat à la surface d’un tableau. Une fois tracée pour être agrandie à l’aide d’un épiscope, l’image dépeinte apparaît ici saisie au plus près de la matérialité du subjectile. Car si elle consiste à entourer par un trait le contour d’un visage pour en cerner les limites, à l’instar du geste de la fille de Dibutades célébré par Pline, l’opération de peindre ne revient pas moins à remplir les vides. Le badigeon fuligineux que Warhol étend grossièrement sur le fond s’applique autant à circonscrire qu’à épargner les figures jumelles. Leur réserve est une réalité physique sans relief ni modelé que seule la marque des yeux, des narines et des lèvres vient parachever. Mais c’est aussi discrètement qu’elle se fait jour dans l’intervalle séparant au centre du tableau les deux images accolées. La réserve en suspens permet de faire le raccord suivant la convention qui impose de lire de gauche à droite. La composition du tableau recouvrant conséquemment la structuration du temps, elle ménage à la fois le passage entre deux images similaires et l’écart que ces dernières mettent en scène entre leur modèle imprimé mécaniquement et leur facture picturale « faite main ». Sans doute ne devrait-on pas manquer de reconnaître la situation cardinale qu’occupe Avant et après 1 dans une anthologie des peintures « miroiriques », étonnamment en vogue aux États-Unis à la fin des années cinquante et au début des années soixante. Force serait alors de mettre l’œuvre de Warhol en regard des deux fameuses combine paintings exécutées en 1957 par Robert Rauschenberg, Factum I et Factum II, de Jasper’s Dilemma (1962) de Frank Stella et de Step-on Can with Leg (1961) de Roy Lichtenstein – que j’examine en particulier plus bas. Par la suite, on ne comptera plus les productions de Warhol redoublant les mêmes clichés sérigraphiés sur une ou deux toiles en diptyque. Mais il serait aussi judicieux en ce sens d’inscrire Avant et après dans la longue série des rapports entre la peinture et le cinéma, tels que le réalisateur de Chelsea Girls lui-même n’a cessé de les renvoyer l’un à l’autre. Suivant cette logique, le dialogisme intéresse autant les liens entre un art et un autre que les frottements entre les formes elles-mêmes, conventionnelles et populaires, idéales et vulgaires, sérieuses et humoristiques. Ce n’est plus aux différences du jeu des sept erreurs que l’œuvre renverrait à ce titre, mais plutôt aux analogies qui règlent les relations entre deux photogrammes sur un même support. Il est enfin difficile de faire la part du hasard dans le fait que l’exposition du Bonwit Teller donne à voir dans le même temps que Avant et après un autre tableau, Réclame, reproduisant à une échelle considérablement plus réduite la publicité sur la chirurgie esthétique. N’est-ce pas au Witz qu’il revient, selon Jean Paul, de chercher et de comparer tandis que l’acuité « trouve et distingue des rapports entre les rapports déjà trouvés de grandeurs commensurables et semblables » [18] ? Passant ainsi de gauche à droite ou inversement, et d’une taille à l’autre, les peintures se complètent sans se superposer pour permettre d’ajuster le début et la fin de la légende « Noses reshaped ».

19La juxtaposition de Réclame et de Avant et après 1, en devanture d’un magasin, illustre la définition du dialogisme consistant à percevoir une œuvre en lien avec une autre et à l’aide des associations qu’elles suscitent réciproquement. D’un côté, elle fait écho au redoublement que figure l’échantillon publicitaire comme s’il s’agissait, au sens propre comme au sens figuré, de jouer sur les deux tableaux. D’un autre côté, elle invite à la comparaison en soulignant autant leurs concordances et leurs divergences que leur incomplétude. Il est aussi clair que les lettres tronquées de la légende « Noses reshaped » ne montrent pas moins nettement la présence d’un hors-champ dans le prolongement de l’espace visible que le regard tourné vers l’extérieur du cadre. Une autre manière propre au geste warholien d’attirer l’attention sur les limites de la représentation tient au détachement qu’il affiche en feignant de livrer la peinture à elle-même, débordant, dégoulinant ou recouvrant encore ses propres bavures. Si elles donnent une nouvelle fois l’occasion de comparer les deux profils de Avant et après 1, les larmes noires qui coulent le long de leur joue soulignent autant le changement d’une peinture à l’autre que le passage du plat d’une image imprimée sur un journal à la verticalité d’un tableau dressé. Tout à la fois maladroites et maîtrisées, elles ne peuvent manquer d’évoquer les maculatures que Rauschenberg reportat de Factum1 à Factum2 en renvoyant dos-à-dos identité expressionniste et répétition mécanique. Dans cette perspective, le défi que ces accidents contrôlés opposent à l’idée même d’original parle visiblement du temps qui s’écoule et laisse des traces. Il oppose à la notion de copie l’éloge d’un maquillage élevé au rang des beaux-arts, tout comme s’il s’agissait d’actualiser l’enseignement d’un Roger de Piles exhortant que « l’on sait assez que la Peinture n’est qu’un fard » et « qu’il est de son essence de tromper » [19].

Franck Scurti, Before and After, 2002

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Franck Scurti, Before and After, 2002

20À la fin des années soixante-dix, l’art de la cosmétique n’avait plus de secrets pour Warhol devenu expert en portraits. « Omettez toujours les défauts », conseille-t-il au nom de ses préceptes esthétiques. « Ils ne font pas partie de la bonne image que vous souhaitez [20]. » Il explique que l’opération de gommer les boutons sur un visage vise à occulter un état temporaire qui n’a rien à voir avec ce que nous paraissons réellement. Les retouches qu’il appliquait en couvrant les rides de ses modèles sous un maquillage blanc intensifiaient les effets du flash pour effacer les ombres et les reliefs. Dans Avant et après 1, la promesse d’un changement s’oppose aux recommandations paradoxales de Warhol poussant, en outre, à accentuer ses mêmes défauts :

21

« Si vous avez le teint naturellement pâle, il faut mettre plein de fard à joues pour compenser. Mais si vous avez un grand nez, arborez-le fièrement, et si vous avez un bouton, mettez de la pommade dessus, de manière à le faire clairement ressortir. » [21]

22Or, l’annonce assurant de devenir autre vise au contraire à réduire tout écart par rapport à la normale. Le phantasme de devenir belle aspire au lieu commun, au stéréotype ; soit échapper aux disgrâces de son physique pour ressembler à l’autre, fût-ce une image, plutôt qu’à soi-même. Si nul produit n’est à vendre, il s’agit de vanter les bénéfices d’une transfiguration emblématique des pouvoirs de la peinture de couvrir et de révéler indifféremment. Le détachement apparent que feint d’affecter l’attitude de Warhol vis-à-vis de Avant et après 1 partage l’ambiguïté des deux images réunies en un tableau. Contrairement à l’idée de rédimer leur banalité, leur agrandissement n’atteste pas tant une critique du simulacre qu’il ne provoque les effets d’un mot d’esprit instaurant le moyen de faire et de montrer conjointement une chose et son contraire.

23Loin d’enjoliver la publicité prometteuse, Avant et après 1 tire sa force de la veine comique du Witz que Freud démasque sous les traits du dieu à deux profils Janus Bifrons[22]. Réunies en une seule tête, les deux faces opposées dont jouit la divinité latine illustrent une forme d’ambivalence caractéristique des techniques du mot d’esprit à mettre en balance à toute occasion le sens et le non-sens de toute chose. L’histoire raconte que le dieu du temps Saturne avait donné à Janus la faculté de connaître le passé et l’avenir. Dieu des portes, il est le maître des transitions et des passages, allant d’un état à un autre, sautant d’un temps à un autre et changeant d’un lieu à un autre. La formule de Karl Fischer que cite Freud dans le Mot d’esprit et sa relation à l’inconscient est à cet égard particulièrement parlante pour décrire un processus d’unification jouant avec les mêmes mots :

24

« La vie humaine se divise en deux moitiés : dans la première, on souhaite que la seconde vienne ; et dans la seconde, on souhaite que la première revienne. » [23]

25L’exemple met en mots la duplicité que reflète le double visage à la Janus, trogne austère d’un côté, mine riante de l’autre, dépeint par Warhol dans son Avant et après 1. S’il est vrai qu’il néglige la fusion des profils siamois en une tête, ce dernier n’impose cependant pas d’épouser une position univoque, mais contraint en revanche « à avoir deux conceptions différentes » [24]. Miracle de la retouche, métamorphosant une sorcière en princesse ou une mère en sa propre fille, Avant et après 1 dévoile non seulement un résultat mais également un acte.

Une fois n’est pas coutume

26Dans plusieurs de ses courtes proses, Walter Benjamin se plaît à citer le proverbe allemand Einmal ist keinmal que les traductions interprètent littéralement : « Une fois, ce n’est aucune fois. » À l’encontre de la phrase inaugurale des contes d’enfant, « l’une fois », écrit-il dans « Brèves ombres », « peut devenir “un pas une fois” » [25]. Comment pourrais-je voir en effet ce qui se donne en une fois ? Comment comprendre ce qui vient après sans savoir ce qui se passe avant, et comment saisir ce qui est avant sans connaître la suite qui est après ? Le temps ne passe pas mais il revient, ainsi que « une fois » n’est pas unique, mais au moins « seconde fois ». Le prodige de la chirurgie plastique peinte par Warhol est ainsi de paraître plus jeune après coup. La touche de pinceau retouchée n’efface pas la première touche, elle la redouble non pour la répéter à l’identique, mais pour la reprendre sur place en un second mouvement.

27

« Tout événement, écrit Françoise Proust, donne le sentiment d’un déjà-vu, comme s’il était bordé et doublé, d’un côté en avant de lui, par des présages et des avertissements, et, d’un autre côté, en arrière de lui, par des spectres et des revenants. » [26]

28Dans son livre l’Histoire à contretemps consacré au temps historique chez Benjamin, elle explique que le passé et le futur ne s’opposent pas et ne se repoussent pas :

29

« L’avenir est attendu, le passé est mémorisé. L’avenir est anticipable dans le présent, de même que le passé est incorporé au présent. » [27]

Surface totale

30La construction d’un diptyque coupé en deux plis « avant » et « après » n’implique pas une conception du temps différente. Dans le tableau à charnières Poubelle à pédale avec jambe de 1961 de Roy Lichtenstein [28], par exemple, l’image de gauche et l’image de droite « se bordent et se doublent » l’une l’autre, identiques à un détail près. Sur chacune d’elles, une même jambe de femme, coupée au-dessus du genou, se profile du bord supérieur gauche et pénètre en diagonale dans la surface du tableau pour poser la pointe de son pied sur la pédale d’une poubelle. Poubelle à pédale avec jambe ne montre tout compte fait rien d’autre que le titre n’énonce. Seule différence remarquable entre les images : tandis que rien ne les distingue selon toute apparence, Lichtenstein a peint la première poubelle à gauche en position fermée et la deuxième à droite en position ouverte. Aussi minime soit-il, le changement entre avant et après l’ouverture de la poubelle s’apparente à la manière dont Françoise Proust décrit l liaison du tragique et du comique :

« Sous l’effet d’un léger coup de pouce, une tonalité tragique vire à la pitrerie et à la bouffonnerie, et, inversement, toute tonalité comique, sous le même coup de pouce, peut virer à l’infinie tristesse ou au sarcasme. » [29]
Pour Lichtenstein, il suffit d’une pression à peine perceptible de l’élégante chaussure talon pour actionner la poubelle.

Franck Scurti, Before and After, 2002

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Franck Scurti, Before and After, 2002

31L’absurdité manifeste de l’œuvre de Lichtenstein ne peut pas tromper : non pas tant pour ce qu’elle montre, dont l’idiotie saute aux yeux, que pour la manière dont elle traite son sujet. Sans ne rien dissimuler de l’origine triviale de son modèle calqué sur le dessin explicatif du fonctionnement d’une poubelle, elle affiche ouvertement que ce n’est pas sur une image que le peintre travaille, mais de toute évidence sur le plan d’un tableau. Le diptyque de Poubelle à pédale avec jambe ne fonctionne guère autrement en reproduisant la même peinture sur deux panneaux pour faire, d’un côté, résonner l’écho du transfert du cliché de départ et pour faire apparaître, d’un autre côté, l’impression d’un mouvement à l’arrivée. Contrairement aux images mouvantes du cinéma, il n’y a ici nulle coïncidence entre le temps de perception et le temps de leur exécution. « Je me soucie moins de raconter une histoire que de représenter les moyens dont on se sert pour raconter une histoire » [30], déclare Lichtenstein. Lorsqu’il peint Poubelle à pédale avec jambe à l’aide de couleurs non mélangées, il n’a pas encore fait du point Benday sa marque de fabrique, mais c’est par le piquetage de la peinture sur la toile qu’il révèle le pointillage de la trame d’imprimerie. En adhérant à la texture du support, le rendu qu’il obtient par cette action manuelle renvoie à l’impression mécanique du mode d’emploi illustré de la poubelle.

32Partant d’une image trouvée à son agrandissement sur toile, c’est aussi en deux temps que « la pensée fait son chemin pour arriver à l’idée qu’il n’est plus nécessaire de toucher la poubelle pour l’ouvrir. » [31]. Comment joindre l’utile à l’agréable ? Retourner le bon sens et l’insensé l’un dans l’autre ? Ou appareiller l’humour et le sérieux, à défaut de tragique ? Du déplacement de l’image-source à sa reproduction sur deux panneaux, la technique détachée qu’applique Lichtenstein se refuse à transformer autant qu’elle s’abstient de détourner ou de dénoncer. Elle s’exerce avec la même neutralité à profiler d’un cerne épais le galbe de la jambe et le contour rectiligne de la poubelle, à colorier le tissage des carreaux Vichy de la jupe et les pétales des fleurs enjolivant la poubelle, à couvrir en aplat le fond bleu outremer et le couvercle rouge de la poubelle. Nulle ombre au tableau pour contrarier l’immédiateté de sa lecture ; aucun relief, aucune trace – maculatures, bavures, dégoulinades – pour brouiller sa lisibilité. Opposé au primat d’une œuvre unique et indivise, Poubelle à pédale avec jambe impose contradictoirement, soit de dédaigner une peinture dépourvue de qualités ostensibles pour constater la prégnance d’un sujet original, soit de pointer l’insignifiance de ce dernier pour apprécier les moyens plastiques d’un dispositif hors du commun [32]. On rappellera que d’aucuns parmi les moins naïfs en sont venus à se demander si l’artiste en personne ne se payait pas leur tête au regard d’une peinture qu’on leur demandait apparemment de prendre au sérieux. Pour Leo Steinberg [33], par exemple, la prédominance de l’iconographie faisait littéralement obstacle au médium au point d’en occulter les effets. On se demandera alors si la réponse suivante de Lichtenstein put sortir l’historien d’art de son embarras :

33

« Dans l’expressionnisme abstrait, le tableau contient l’idée de diriger le regard vers l’objet. Vous posez un coup de pinceau sur la toile, vous réagissez à ce coup de pinceau, vous en mettez un autre, et le tableau transmet la signification de ces gestes. Ma différence c’est qu’au lieu de diriger l’œil vers la surface totale, je donne l’impression de le diriger vers l’objet. Là réside l’humour. Car mon œuvre est quand même conçue comme une surface totale ». [34]

Conscience parodique

34Au mouvement contradictoire que présente la surface totale de l’œuvre de Lichtenstein correspond la relation mécanique que dépeint le diptyque de Poubelle à pédale avec jambe. L’humour qu’il suggère en reproduisant quasiment la même image d’un panneau à l’autre ne va pas sans rappeler les cas que recense Freud tout au long de son livre le Mot d’esprit et sa relation à l’inconscient. Il est aussi important que les histoires drôles qu’il relate touchent souvent à la question du double et mettent en scène deux protagonistes, tout en supposant la présence indispensable d’un tiers pour que soit communiqué l’humour.

35Exécutées par William Hogarth dans les années 1730, les deux tableaux Avant et Après jouent d’une même opposition qui exige de la part du spectateur de combler le vide qui les sépare. Il existe trois versions de ces deux tableaux formant pendants. Toutes disent une nouvelle fois qu’elles recouvrent d’autres peintures et poursuivent le dialogue incessant avec d’autres tableaux. La première version, qui se situe dans un cadre champêtre, annonce ouvertement sa teneur érotique en parodiant le genre des « fêtes galantes » chères à Antoine Watteau et à Nicolas Lancret. À charge au spectateur d’adopter la « conscience créatrice [35] » que recommande Bakhtine à l’égard de la parodie ; comme l’humour, elle fait de lui un complice, exigeant sa participation, pour percevoir la référence et les allusions autant que pour interpréter les sous-entendus et clarifier les ellipses. Dans Avant, on assiste au prélude courtois incitant un jeune homme soigné à entreprendre une jeune femme dont l’attitude tend encore maladroitement à feindre l’embarras. Le titre du premier tableau est explicitement programmatique : il annonce un espace préliminaire et pousse à suivre une lecture temporelle de gauche à droite. Dans le second tableau, on retrouve en miroir les deux personnages dans une situation encore confuse après leurs derniers ébats amoureux. Si le décor en plein air n’a évidemment pas changé, on s’attarde à loisir sur les gestes que suggèrent leurs attitudes entre Avant et Après : d’une scène à l’autre, la jambe du soupirant qui s’était négligemment introduite dans les plis de la robe laisse après coup un grand vide entre les jambes découvertes de sa maîtresse. Entre temps, les pommes suspendues dans leur chute ont fini par toucher terre pour donner raison à la force de gravitation universelle, ainsi que le jeune Newton put l’énoncer dans son verger. Chacun de ces mouvements en appellent autant au plaisir du regard sur la peinture qu’aux charmes de la sociabilité qui animent les conversation pieces, dont Hogarth s’est fait le spécialiste à partir de 1730. Les figures géométriques qu’ils dessinent entre jeux de mains et coordinations des bras ne masquent rien des récits que ses tableaux agencent d’une image à l’autre. Le bien nommé ensemble des deux pendants Avant et Après est à cet égard exemplaire d’une conception inédite de la représentation picturale en séquence, d’après laquelle on a voulu voir le geste artistique le plus célèbre du peintre anglais [36].

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Franck Scurti, Before and After, 2002

36Dans les « Notes autobiographiques » qu’il rédige à la fin de sa vie, Hogarth se compare à un auteur dramatique :

37

« Le tableau est pour moi la scène d’un théâtre où hommes et femmes sont mes acteurs qui, au moyen de certains gestes et de certaines actions, sont censés présenter une pantomime. » [37]

38La relation de contiguïté que ses peintures mettent en scène entre différents moments ne se réduit cependant pas à la seule histoire qu’elles illustrent sous le regard du spectateur. L’influence de la « culture de papier [38] », dont Hogarth était lui-même issu en tant qu’illustrateur, justifie en outre le passage d’un mode de production à un régime de reproduction en diffusant ses peintures par le biais de gravures accessibles à un plus grand nombre. Dans cette perspective, les estampes d’Avant et d’Après qui paraissent en 1736 ne diffèrent pas seulement des versions à l’huile parce qu’elles inversent leur modèle, mais parce qu’elles supposent un nouvel horizon d’attente. En circulant dans toute l’Europe, elles révèlent un espace de fiction engageant autant à regarder l’image qu’elle démarque de la peinture qu’à en faire la lecture à la manière d’un livre qui se déplie à plat sur deux pages. Comme la deuxième version peinte sur toile qu’il recopie, le tirage imprimé montre cette fois le couple autrement employé à s’étreindre et à se repousser dans une chambre à coucher. Tandis qu’Avant décrit sans ambiguïté la femme en train de se débattre pour se défendre contre les ardeurs d’un soupirant exalté qui la tire vers le lit, Après détaille le trouble des deux personnages occupés, pour l’un, à se rhabiller et, pour l’autre, la robe chiffonnée, à implorer quelque secrète attention, silence ou secours. Si le point de vue reste inchangé d’un pendant à l’autre, les scènes ne donnent pas le même spectacle. Elles lèvent le voile sur deux temps : l’un ouvre et l’autre achève un épisode central laissé vide à l’attention du spectateur. La table de toilette en équilibre à laquelle se raccroche la malheureuse pour échapper à l’emprise pressante du libertin suspend momentanément sa chute ; son renversement au sol avec le miroir cassé est aussi explicite pour dénoter la faute commise. De gauche à droite, l’homme assis s’est dressé pour remonter son haut-de-chausse alors que la femme, auparavant debout, peine à se relever du lit. Compte tenu du contexte, la posture du chien, que l’on voit bondir à la première image et couché à la seconde image, symbolise non moins crûment l’appétence sexuelle aiguillonnée puis assouvie. Parallèlement, le remplacement des tableaux de fleurs dans la version peinte, par l’iconographie suggestive de Cupidon, aura mis à jour une allusion comique au thème de la pulsion libidinale. En même temps que l’on passe de la première à la deuxième estampe, la chute effective de la coiffeuse divulgue un tableau supplémentaire d’un Cupidon, qui ne cache pas sa joie d’avoir tiré son coup en désignant la fusée éclatée qu’il se préparait à allumer dans le premier tableau. Les deux stades, au début et à la fin, marquent un laps de temps perceptible à travers le déplacement du rayon lumineux qui éclaire tour à tour chacun des tableaux du Cupidon avant et après avoir mis le feu aux poudres.

39Reprise continuelle d’un commencement et d’une suite, les gravures de William Hogarth ne se bornent pas à calquer à l’envers les peintures éponymes antérieures. Elles ne les répètent pas non plus, mais elles proposent plutôt d’en donner une nouvelle lecture parodique équivalant à une « contre-partie » ou une « contre-épreuve » comique [39]. La notion d’altérité propre au dialogisme est déterminante pour comprendre la corrélation que Bakhtine établit entre la parodie et l’humour. Il écrit dans Esthétique et théorie du roman :

40

« L’œuvre qui pastiche et parodie introduit constamment dans le sérieux étriqué du noble style direct, le correctif du rire et de la critique, le correctif de la réalité, toujours plus riche, plus substantielle, et surtout plus contradictoire et plus multilingue, que ce que peut contenir le genre noble et direct ». [40]

41Les multiples détails apportés aux gravures Avant et Après n’ont rien de gratuit mais composent ce « correctif de la réalité » dialoguant avec la peinture de départ d’un panneau à l’autre. Nettement lisibles pour le regardeur attentif, les titres des livres que Hogarth ajoute à sa version gravée parlent d’eux-mêmes en révélant leur sujet contradictoire. Les deux premiers tombent de la table qui chancelle dans Avant : l’un est signé par un évêque anglican, Lewis Bayly, et prône ouvertement sur sa couverture The Pratice of Piety ; l’autre est en revanche un recueil de poèmes licencieux écrit par John Wilmot, comte de Rochester et libertin notoire du xviie siècle. Le troisième livre, dans Après, posé aux pieds de l’homme, renvoie à la maxime attribuée à Aristote connue en latin, Omne Animal Post Coïtum Triste.

42En intitulant ses deux expositions Before and After, organisées simultanément dans deux espaces différents, Franck Scurti souligne la dimension d’une temporalité déterminante à l’activation des œuvres par les visiteurs. La reprise du titre de l’œuvre réalisée pour l’occasion ajoute à cette dimension le poids d’un gag rebattu, en forçant le spectateur « à utiliser ses capacités d’observation et, ce faisant, à établir un lien réel entre son esprit et l’objet [41] ». Tout comme l’humour permet de rapprocher et de concilier, l’index que l’on pointe permet d’établir une liaison. Côte à côte, les deux estampes de Hogarth, tirées de ses tableaux peints, appellent autant à considérer leur rapport contradictoire qu’à interpréter l’ellipse qui les unit. L’espace qui sépare Avant et Après appartient au temps de la peinture : tel le silence entre deux répliques d’un dialogue, il assure le passage entre deux sens qui se répondent en fonction de leur connaissance mutuelle. Comme dans Before and After1 de Warhol et dans Poubelle à pédale avec jambe de Lichtenstein, le dialogisme ne limite pas l’échange à une pratique d’imitation, mais vise autant à transposer des manières de faire qu’à transformer des manières de voir.

43Contre toute apparence, l’idée de peindre en deux temps ne se réduit pas à découper deux images jumelles destinées à une projection stéréoscopique. Elle résiste au contraire au sentiment d’accommodation pour apprendre à voir de l’extérieur, « avec les yeux d’un autre », d’une manière dédoublée. Suivant la description de Bakhtine pour analyser la conscience parodique, il s’agit d’apprendre « du point de vue d’un autre langage, d’un autre style possibles[42]. » Faire après ce qui a été peint avant ne signifie pas dupliquer, ni contrefaire, ni répéter. La reprise ne consiste pas à copier ou à recopier, mais à faire et à voir autrement. Elle définit une autre manière de penser la peinture en dialogue.


Date de mise en ligne : 15/11/2012

https://doi.org/10.3917/nre.007.0047

Notes

  • [1]
    Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman (1924), traduit du russe par D. Olivier, Paris, Gallimard, « Tel », 2001, p. 103.
  • [2]
    Bertrand Lavier, « La grande joie des longs chantiers » (entretien avec Jacques Henric, Art Press, n° 155, février 1991), dans Conversations, 1982-2001, Genève, Mamco, 2001, p. 110. La formule empruntée à André Malraux est reprise à différentes occasions par Lavier. Voir par exemple « La touche de Van Gogh », propos recueillis par Élisabeth Lebovici (Beaux-arts magazine, n° 76, avril 1990), ibid., p. 85.
  • [3]
    Tzvetan Todorov, Qu’est-ce que le structuralisme ?, vol. II, « Poétique » (1968), Paris, Seuil, « Points », 1973, p. 43.
  • [4]
    Les extraits sont respectivement tirés des fameux passages suivants : le premier de Denis Diderot, Jacques le Fataliste et son maître, Paris, Flammarion, « GF », 1990, p. 29 ; le second de Laurence Sterne, La Vie et les Opinions de Tristram Shandy, traduit de l’anglais par G. Jouvet, Auch, Éd. Tristram, 2004, p. 789.
  • [5]
    Tzvetan Todorov, Qu’est-ce que le structuralisme ?, vol II, « Poétique », op. cit., p. 44.
  • [6]
    Denis Diderot, Jacques le Fataliste et son maître, op. cit., p. 313.
  • [7]
    Franck Scurti, « Before & After, Franck Scurti interviewé par Jérôme Sans », dans Before and After, catalogue d’exposition, Paris, Palais de Tokyo, site de création contemporaine, Centre national de la photographie, 2002, p. 131.
  • [8]
    Ibid.
  • [9]
    Charles S. Peirce, Écrits sur le signe, traduit de l’anglais par G. Deledalle, Paris, Seuil, « L’ordre philosophique », 1978, p. 144.
  • [10]
    Ibid., p. 154.
  • [11]
    Ibid., p. 159.
  • [12]
    Franck Scurti, « Before & After, Franck Scurti interviewé par Jérôme Sans », Before and After, op. cit., p. 132.
  • [13]
    Jean-Luc Nancy, présentation du texte de Jean Paul, « Sur le trait d’esprit (Witz) », traduit de l’allemand par A.-M. Lang et J.-L. Nancy, Poétique, n° 15, 1973, p. 368. Jean-Luc Nancy ajoute à propos du wit, « et, s’il n’est pas le malpropre, il est du moins l’incongru de la philosophie. »
  • [14]
    Andy Warhol, « Andy Warhol : ma véritable histoire » (entretien avec Gretchen Berg, 1966 ; le texte publié dans les Cahiers du cinéma, n° 205, octobre 1968 est connu sous le titre « Rien à perdre »), Entretiens 1962-1987, traduit de l’américain par A. Cueff, Paris, Grasset, 2006, p. 104.
  • [15]
    On recense trois peintures intitulées Avant et après : la première, Avant et après 1, 1961 (caséine sur toile, 172,7 x 137,2 cm, New York, Metropolitan Museum), que je me propose d’analyser ; la deuxième, Avant et après, 1961 (caséine sur toile, 137,1 x 177,3 cm, New York, The museum of Moderne Art) et la troisième, Avant et après 3, 1962 (acrylique sur toile, 182,9 x 255,9 cm, New York, The Withney Museum of American Art). Contrairement à ce que déclare Alain Cueff, directeur scientifique de l’exposition Warhol aux Galeries nationales du Grand Palais en 2009, ce n’est pas la peinture de la collection du Museum of Modern Art mais bien celle du Metropolitan Museum qui est exposée dans la vitrine du magasin Bonwit Teller. Voir Alain Cuef, « Cosmétique de l’ombre », Warhol. Le grand monde d’Andy Warhol, catalogue d’exposition, Paris Réunion des musées nationaux, 2009, p. 27. Voir également la photo -graphie de la vitrine du magasin Bonwit Teller reproduite dans ibid., p. 42.
  • [16]
    Andy Warhol, Ma philosophie de A à B et vice-versa (1975), traduit de l’américain par M. Véron, Paris, Flammarion, 1977, p. 58.
  • [17]
    Andy Warhol a signé en réalité deux tableaux avec le même intitulé The Lord Gave me my Face, But I Can Pick my Own Nose, ou selon une deuxième version The Broad Gave me my Face, But I Can Pick my Own Nose, autrement traduit Le Seigneur [ou la grosse] m’a refilé mon visage, mais je peux me gratter le nez tout seul. L’un et l’autre ont été peints en 1948, le premier, tempéra sur panneau aggloméré, 62,2 x 76,2 (présenté lors de l’exposition « Le grand monde d’Andy Warhol », Paris, Galeries nationales du Grand Palais, 18 mars-13 juillet 2009), le second, huile sur panneau aggloméré (92,7 x 45,7), Pittsburgh, collection famille Paul Warhola.
  • [18]
    Jean Paul, « Sur le trait d’esprit », dans Cours préparatoire d’esthétique (1804, 1813), traduit de l’allemand par A.-M. Lang et J.-L. Nancy, Lausanne, L’Âge d’homme, 1979, p. 171.
  • [19]
    Roger de Piles, Cours de peinture par principes 1708, Paris, Gallimard, « Tel », 1989, p. 169.
  • [20]
    Andy Warhol, Ma philosophie de A à B et vice-versa, op. cit., p. 56.
  • [21]
    Ibid., p. 60.
  • [22]
    Voir Sigmund Freud, le Mot d’esprit et sa relation à l’inconscient (1905), traduit de l’allemand par D. Messier, Paris, Gallimard, « Connaissance de l’inconscient », 1998, p. 282, p. 376-377. Sur cette figure de double visage à la Janus à laquelle Freud compare son Witz, voir en particulier Sarah Kofman, Pourquoi rit-on ?, Paris, Galilée, 1986, p. 41 sq. et le chapitre « Un Janus double face », p. 74-82.
  • [23]
    Cité dans Sigmund Freud, Le Mot d’esprit et sa relation à l’inconscient, op. cit., p. 137.
  • [24]
    Ibid., p. 376.
  • [25]
    Walter Benjamin, « Brèves ombres (1) », Images de pensée, traduit de l’allemand par J.-F. Poirier et J. Lacoste, Paris, Bourgois, « Détroits », 1998, p. 124.
  • [26]
    Françoise Proust, L’Histoire à contretemps, le Temps historique chez Walter Benjamin (1994), Paris, Le Livre de poche, « Biblio Essais », 1999, p. 68.
  • [27]
    Ibid., p. 62.
  • [28]
    Roy Lichtenstein, Poubelle à pédale avec jambe (« Step-on Can with Leg »), 1961. Huile sur toile, 2 panneaux, chacun : 82,5 x 67,5. Collection particulière.
  • [29]
    Françoise Proust, L’Histoire à contretemps, op. cit., p. 240.
  • [30]
    Raphaël Sorin, « Roy Lichtenstein » (janvier 1968), dans Pop Art 68, Produits d’entretiens, Paris, L’Échoppe, 1996, p. 16.
  • [31]
    Janis Hendrickson, Roy Lichtenstein, traduction française de F. Laugier, Cologne, Taschen, 2001, p. 30.
  • [32]
    Voir Bernard Marcadé, « La peinture et son ombre », Artstudio, « Spécial Roy Lichtenstein », op. cit., p. 122.
  • [33]
    Voir ibid.. Voir également Robert Rosenblum, « Roy Lichtenstein : passé, présent, futur », ibid., p. 47.
  • [34]
    Cité dans Bernard Marcadé, « La peinture et son ombre », ibid., p. 124.
  • [35]
    Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, op. cit., p. 418. Selon Bakhtine, c’est « à la lumière d’un autre langage et style possibles que le discours direct donné est parodié, travesti, raillé. La conscience créatrice se tient comme à la lisière des langages et des styles. »
  • [36]
    Voir Frédéric Ogée et Olivier Meslay, « William Hogarth et la modernité », William Hogarth, catalogue d’exposition, Paris, Hazan, musée du Louvre, 2006, p. 23-29.
  • [37]
    William Hogarth, « Autobiographical Notes », cité dans ibidem, p. 27.
  • [38]
    L’expression « paper culture » est de David Bindman, dans Hogarth and his Times, Londres, 1997. Voir Frédéric Ogée et Olivier Meslay, « William Hogarth et la modernité », William Hogarth, op. cit., p. 28.
  • [39]
    Les mots « contrepartie » ou « contre-épreuve » sont empruntés à Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, op. cit., p. 412 en particulier.
  • [40]
    Ibid., p. 414.
  • [41]
    Charles S. Peirce, Écrits sur le signe, op. cit., p. 155.
  • [42]
    Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, op. cit., p. 418.

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