Notes
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[1]
Cf. Paule Parent et Claude Gonnet, 1965. Ou encore Bernard Lory, conseiller référendaire à la Cour des comptes, ancien directeur général de la population et de l’action sociale : « Sans doute y a-t-il toujours eu des enfants inadaptés mais c’est seulement très récemment que ce problème social est devenu un souci essentiel pour les pouvoirs publics et l’un des objectifs fondamentaux de la politique sociale. » (in Esprit, 1965, p.600).
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[2]
Cette présentation biographique succincte mériterait d’être complétée. Son rôle est seulement d’introduire le texte de conférence ci-après.
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[3]
Désormais intitulé INSHEA depuis la loi de 2005 sur les personnes handicapées.
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[4]
Le texte a été établi par Éric Plaisance, Michel Salines et Monique Vial.
1Les années 1960 sont des années de profondes transformations de l’école en France. L’ordonnance de 1959 prolonge la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans, en vue de son application en 1967. Différents décrets du ministère de l’Éducation au cours des années suivantes consacrent l’ouverture progressive de l’enseignement du second degré (en classe de 6e) à tous les enfants, quelles que soient leurs provenances (écoles primaires communales ou classes élémentaires des lycées), d’abord dans des collèges différenciés avec des jeux de filières (collèges d’enseignement secondaire et collèges d’enseignement général), puis dans un collège unique, créé par la réforme du ministre Haby en 1975. On passe alors d’une organisation segmentée en filières hiérarchisés et cloisonnées à une logique de « système » scolaire (Prost, 1992), qui fonctionne par degrés ou par niveaux, en remplacement des ordres d’enseignement (Lelièvre, 1990).
2Dans ce contexte de réformes qui ouvre vers le système actuel et qui soulève la question centrale de la démocratisation de l’enseignement (démocratisation seulement quantitative ou aussi qualitative ?), le devenir de l’enseignement spécial est lui aussi en débat. Il est désormais formalisé sous le vocable de l’enfance dite inadaptée, dont la genèse remonte au régime de Vichy (Chauvière, 2009). Dès le début des années 1960, c’est la formulation explicite d’une politique volontariste globale qui se met en place et définit les catégories d’enfants inadaptés (et la nécessaire précocité de leur éducation), les institutions, les ministères impliqués et la formation des professionnels correspondants [1]. Le rapport de l’intergroupe Enfance inadaptée du Ve plan de développement économique et social, publié en 1965, est significatif de cette orientation et de l’engagement de l’État. Il réunit les spécialistes des différents secteurs de l’enfance et se propose de définir en premier lieu les « grandes lignes d’une classification des enfants en cause et, corrélativement, les types des équipements propres à les accueillir ». De fait, le repérage de différents types de déficiences et de niveaux d’éducabilité (« inéducables », « semi éducables » et « éducables ») aboutit à une répartition de compétences entre les équipements scolaires (ministère de l’Éducation nationale) pour les déficiences les plus légères, et les équipements sanitaires et sociaux (ministère de la Santé) pour les déficiences plus graves. Cette logique classificatoire et clairement administrative est réaffirmée dans le rapport de François Bloch-Laîné, adressé au Premier ministre Pompidou en 1967 sous le titre Étude du problème général de l’inadaptation des personnes handicapées et qui concerne à la fois les enfants et les adultes. Devant les difficultés de vocabulaire et de nomenclature, devant les relations complexes de cause à effet entre le handicap et l’inadaptation, le rapporteur estime que « les administrateurs ne sauraient attendre » et qu’il leur faut « accomplir un effort d’ordre, malgré l’absence de certitude. » Il propose à son tour un classement provisoire des « inadaptés » mais en les reliant maintenant au vocabulaire du handicap. Selon lui, les personnes sont dites « handicapées » quand elles subissent « des troubles qui constituent pour eux des “handicaps”, c’est-à-dire des faiblesses, des servitudes particulières par rapport à la normale, celle-ci étant définie comme la moyenne des capacités et des chances de la plupart des individus vivant dans la même société. » De tels textes normatifs qui établissent un rapprochement entre inadaptation et handicap, sont des jalons qui préparent la loi de 1975 qui retiendra exclusivement l’expression « personnes handicapées ».
3Cette même période des années 1960 connait un développement spectaculaire de l’enseignement spécial, aussi bien des classes en milieu scolaire ordinaire que des établissements séparés. Le développement des classes et des écoles spéciales par le ministère de l’Éducation nationale va de pair avec les initiatives d’associations, par exemple des associations de parents. Ceux-ci constatent le manque de places dans les structures de l’Éducation nationale, mais refusent aussi l’accueil de leurs enfants dans les hôpitaux psychiatriques. Ils créent ainsi leurs propres structures, des instituts médico-éducatifs, qui bénéficient de financements publics, s’ils répondent à des conditions techniques fixées par décret. Par exemple, l’Union nationale des associations de parents d’enfants inadaptés (Unapei) est créée en 1960 comme fédération regroupant des associations locales existantes mais la dénomination générale enfants inadaptés renvoie en fait à des enfants avec déficience intellectuelle plus ou moins sévère.
4Pour soutenir de tels développements, les pouvoirs publics tentent d’effectuer un dénombrement des besoins, c’est-à-dire d’établir la correspondance entre le nombre estimé d’enfants présentant diverses déficiences et les capacités d’accueil. Les bilans montrent la grande insuffisance des accueils, la nécessité d’accélérer la planification des équipements et, dans le cadre de l’Éducation nationale, d’appliquer à l’enfance inadaptée les mesures de carte scolaire en vigueur pour l’ensemble du système (Heurdier, 2016, qui cite différents documents officiels des années 1965-1966).
5Pourtant, ce nouveau développement du spécial, aussi bien dans l’Éducation nationale que dans le secteur associatif, suscite de plus en plus de doutes. L’argument selon lequel le passage de certains élèves par le spécial leur permettrait de retrouver ultérieurement le circuit normal ou quasi normal est contredit par le constat des effets de filière qui maintiennent les élèves dans les orientations initiales ségrégatives. Plus généralement, les échecs scolaires dans le milieu scolaire ordinaire, la mise en évidence de leur lien avec les appartenances sociales, les débats sur la pertinence de la notion même de débilité, mènent à de vives critiques de l’institution scolaire. Ainsi, les classes de perfectionnement dont la création en 1909 visait la fréquentation par des enfants arriérés (Vial, 1979, 1990) mais dont la progression était restée très faible jusqu’à la fin des années cinquante, accueillent de plus en plus d’élèves et leur prolongement est assuré dans le second degré sous la forme de Sections d’éducation spécialisée pour « déficients intellectuels légers » en 1967. Or, ce sont en réalité des élèves en difficultés scolaires diverses qui sont ainsi diagnostiqués avec « déficience intellectuelle légère » et cette extrapolation est largement contestée. Les travaux du Cresas (Centre de recherche de l’éducation spécialisée et de l’adaptation scolaire), qui s’amorcent à la fin des années 1960, mettent radicalement en cause une extension sans limites du spécial sur le modèle d’une vision pathologisante des difficultés des élèves. En d’autres termes, l’attribution généralisée de caractéristiques pathologiques est un leurre qui masque à la fois les liens avec les appartenances sociales et le rôle propre de l’institution scolaire dans la mise en échec de certains élèves (Cresas, 1980). Pourtant, le spécial est nourri de contradictions parfois porteuses de progrès, car, dans cette même période, des niches d’innovations sont à l’œuvre, en grande partie parce que les instituteurs y bénéficient d’une marge plus grande de liberté d’action (par exemple avec la pédagogie institutionnelle : Vasquez, Oury, 1967).
6C’est en fonction de ces analyses critiques sur l’école conservatrice (Bourdieu, 1966) et de la défiance plus générale qui s’exerce à l’égard des institutions en 1968, que des évolutions se font jour au sein même de l’Éducation nationale. Devant les impasses du spécial sans limites, des dispositifs nouveaux sont créés en 1970 au nom de l’adaptation et de la prévention : ce sont des classes d’adaptation et des équipes de professionnels spécialisés (psychologue et rééducateurs), des Groupes d’aide psychopédagogique (GAPP). On voit bien ici un renversement de perspectives : ce n’est plus l’enfant inadapté qui est au premier plan, mais la promotion de mesures d’adaptation institutionnelle, ce ne sont pas non plus des réadaptations tardives mais des actions préventives censées agir, dès l’école maternelle, contre l’échec scolaire. Une autre évolution significative concerne les dénominations des services de l’Éducation nationale : une sous-direction de l’enfance inadaptée avait été créée en 1964 (rattachée à la Direction de la pédagogie, des enseignements scolaires et de l’orientation) mais, en 1969, elle devient la sous-direction de l’adaptation et de l’éducation spécialisée, avec la volonté de mettre l’accent sur la prévention et le dépistage plutôt que de se cantonner à une vision négative de l’inadaptation.
7Un autre renversement est opéré par loi d’orientation de 1975 en faveur des personnes handicapées qui consacre le vocabulaire du handicap, comme « référentiel d’action publique » (Barral et al., 2000). Elle affirme, en effet, « l’obligation éducative », en posant ainsi le principe fondamental de l’éducabilité de tous et de tout type de handicap, contrecarrant les exclusions à ce droit. Elle signifie la vanité des anciens débats sur les niveaux d’éducabilité (inéducable/semi-éducable/éducable) qui ont tant marqué négativement l’histoire de l’éducation jusqu’aux années 1960. Pourtant, dans les débats parlementaires et dans diverses positions syndicales ou associatives, une formulation plus ambitieuse que l’obligation éducative était réclamée : l’obligation scolaire. C’est finalement la notion d’obligation éducative qui a été retenue en fonction de l’argument selon lequel celle-ci dépasse et englobe la scolarité, et laisse même ouverte la priorité à accorder, si nécessaire, au soin et au traitement. Ceci révélait bien la tension existante entre les acteurs favorables à une position de principe sur la scolarisation (quelles qu’en soient les diverses modalités possibles) et les tenants d’une orientation médicalisante. La loi énonçait aussi que l’obligation pouvait être mise en œuvre soit dans l’éducation ordinaire, soit dans l’éducation spéciale. Cette dernière étant définie comme associant « des actions pédagogiques, psychologiques, sociales, médicales et para médicales, soit dans des établissements ordinaires, soit dans des établissements ou par des services spécialisés ».
8La question de l’intégration scolaire n’était pas énoncée comme telle dans la loi de 1975, avec ces termes précis. Il était bien question d’une priorité à accorder à « l’accès du mineur et de l’adulte handicapés aux institutions ouvertes à l’ensemble de la population et leur maintien dans un cadre ordinaire de travail et de vie » et, en conséquence, à l’accueil dans des classes ordinaires, avant d’envisager d’autres modalités. Mais c’est seulement sept ans plus tard, exactement en 1982-1983, que deux circulaires ont engagé clairement les pouvoirs publics dans cette voie, avec les signatures conjointes du ministère de l’Éducation et du ministère de la Solidarité (ou des Affaires Sociales et de la Solidarité, selon les dates). Les enfants concernés ne se limitaient pas à ceux qui étaient reconnus handicapés en fonction de la loi de 1975, ils pouvaient être aussi « en difficulté en raison d’une maladie, de troubles de la personnalité ou de troubles graves du comportement » (circulaire de 1983). Comme si les élèves en cause ne se laissaient plus seulement « appréhender selon les catégories de déficience qui ont présidé à la construction du secteur » (Mège-Courteix, 1999, p. 121). L’intégration visée se déclinait selon des modalités diverses : l’intégration « individuelle » désignant la présence d’un enfant handicapé dans une classe ordinaire ; l’intégration « collective » définissant un groupe d’enfants handicapés dans une classe spéciale d’une école ordinaire ; enfin, l’intégration dite « partielle » concernant surtout des enfants issus d’un établissement ou d’un service spécialisé et fréquentant pour un temps donné une école ordinaire. La souplesse des formules était bien soulignée ainsi que la volonté de « décloisonner » les institutions, et cet ensemble marquait une étape décisive vers le dépassement de l’éducation spéciale. Il est vrai que cette intégration définie « en cascades » (Gottlieb, 1981) était loin de l’intégration mise en place en Italie dès 1977 où elle désignait l’accueil en classe ordinaire de tous les enfants handicapés. Dans ce cas, l’intégration était radicale, alors que l’intégration à la française était de type réformiste, mais orientant déjà vers une nette inflexion des représentations, des dispositifs et des pratiques, annonçant des orientations plus ambitieuses qui seront prises ensuite sous l’égide de la scolarisation de tous dans les écoles ordinaires.
Un acteur-clé : Aimé Labregère. Éléments de biographie [2]
9C’est dans ce cadre général que se situe l’action d’Aimé Labregère (1925-1991) qui a joué un rôle majeur sur les évolutions institutionnelles des années 1960-1970, bien au-delà de la seule promotion de l’intégration scolaire. Après une scolarité en école primaire et en collège, puis à l’École normale d’instituteurs de Limoges, il est instituteur à Chateau-Chervier en Haute-Vienne, où il exerce ces fonctions pendant 3 ans, tout en poursuivant des études universitaires, et il obtient une licence en lettres-philosophie et le Capes pour l’enseignement secondaire. Nommé professeur en lettres et philosophie à Bordeaux, il y enseigne 2 ans et obtient en 1954 le certificat d’aptitude à l’inspection des écoles primaires. À ce titre, il devient inspecteur à Tulle, en Corrèze, où il exerce jusqu’en 1959.
10Il entre en 1960 comme professeur au Centre national d’éducation de plein air (Cnepa) à Suresnes – qui deviendra en 1971 le Centre national d’études et de formation pour l’enfance inadaptée (Cnefei) – dont il devient directeur-adjoint, et ce jusqu’en 1965. Il passe l’agrégation de lettres modernes et a l’occasion de se rendre aux États-Unis, à l’université de Syracuse, pour étudier les méthodes développées pour l’éducation spécialisée. En 1965, en tant qu’Inspecteur d’académie, il est appelé au ministère de l’Éducation nationale en qualité de Conseiller technique pour l’enfance inadaptée, dans la sous-direction du même nom, dirigée par Philippe Venturini. Il quitte ce poste en 1982 pour devenir directeur des services d’information et d’orientation de l’académie de Limoges.
11En 1969, impressionné par les travaux de l’institut de défectologie de Moscou et appuyé par Jean Petit (inspecteur général) et Claude Gonnet (directeur du Centre national de pédagogie spéciale - CNPS), il crée le Cresas (Centre de recherche de l’éducation spécialisée et de l’adaptation scolaire) et en confie la direction à Mira Stambak, psychologue, maître de recherches au CNRS. Ce centre de recherche focalisera ses études sur les échecs et la sélection scolaires, mais s’intéressera dès le début à l’intégration des enfants handicapés dans l’école (notamment avec les équipes de Ronchin, Bologne, Barcelone). À compter des années 2000, une partie notable des recherches du Cresas se consacreront à cette question (par exemple, travaux d’Aliette Vérillon et Brigitte Belmont).
12En 1974, Aimé Labregère représente avec Monique Vial le ministère de l’Éducation nationale dans la mission interministérielle de quatre personnes sur la rééducation psychomotrice mise en place par Éducation nationale et Santé. La mission accomplit un gros travail d’enquête, d’analyse et de propositions : son rapport sera enterré de belle manière par Marie-Madeleine Dienesch, alors secrétaire d’État à l’Action sociale et à la Réadaptation. Une occasion de vivre sur le tas le poids du lobbying dans les allées du pouvoir !…
13C’est Aimé Labregère qui rédigera, en qualité de commissaire du gouvernement, représentant le ministère de l’Éducation nationale, une partie des textes accompagnant la loi de 1975 sur les personnes handicapées. On lui devait déjà l’essentiel des textes de 1970 sur les classes d’adaptation et les groupes d’aide et d’adaptation psychopédagogique, et toute une série de mesures importantes sur le recrutement et la formation des enseignants spécialisés. Il a aussi été plusieurs fois appelé comme expert auprès de l’Unesco et de l’OCDE, organisme pour lequel il a édité en 1981 et 1990 plusieurs ouvrages référencés ci après : c’est dire son rayonnement international qui l’a amené à visiter plusieurs pays et à y être invité comme conférencier dans différents colloques.
Une conférence d’Aimé Labregère en 1984
14Le texte présenté ici a été établi à partir de la transcription d’une conférence donnée à Caen, à l’École normale d’institutrices et d’instituteurs du département du Calvados. À la demande du directeur, Michel Salines, ex-directeur adjoint du Centre national d’études et de formation pour l’enfance inadaptée (Cnefei) [3], c’est la question de l’intégration scolaire qui en était le sujet. Nous avons respecté le contenu du texte transcrit, tout en supprimant les répétitions, les formulations ou les hésitations orales qui en alourdissaient la lecture et nous ont paru desservir sa mise en valeur écrite [4].
15La date de la conférence (1984) mérite d’être notée car elle succède aux circulaires sur l’intégration scolaire des 29 janvier 1982 et 1983, textes auxquels Labregère avait lui-même largement contribué comme conseiller technique au ministère de l’Éducation. Il est donc particulièrement utile de repérer comment l’auteur restitue la problématique de l’intégration dans ce contexte de nouveautés institutionnelles.
16Ce texte n’a guère le style d’une conférence purement académique car il est parsemé d’expressions familières, d’anecdotes, de témoignages personnels, mais cela ne se fait jamais au détriment d’une pensée rigoureuse et militante en faveur de l’intégration. Les références à des travaux scientifiques, souvent étrangers, sont une forte caractéristique des propos de l’auteur qui cite de nombreux auteurs, par exemple suédois, américains, italiens. Muni de ces références, il jette un regard critique sur les notions d’intégration et de handicap. Il renvoie aux distinctions diffusées par l’Organisation mondiale de la santé qui s’inspiraient en réalité des travaux de Wood et Bury que Labregère ne manque pas de citer. Ce sont maintenant des distinctions bien connues mais, dans les années quatre-vingt, c’était loin d’être le cas. Il formule des analyses devenues très actuelles sur l’articulation entre compensation et accessibilité, qu’il condense dans des expressions telles que « l’accessibilité change complètement l’incapacité » ; ou encore « le handicap c’est le regard des autres ».
17Une autre forte caractéristique de sa conférence est l’appel à son expérience internationale, à ses observations de terrain, à ses contacts avec des praticiens ou des universitaires. C’est là que les anecdotes prennent tout leur sens, car elles suscitent la réflexion en révélant des réalités qui sont souvent significatives des différences par rapport à la situation française.
18C’est à partir de ces comparaisons internationales mettant en chantier une histoire de l’intégration que le conférencier présente la situation française et relate son expérience au ministère de l’Éducation à partir de 1964. C’est-à-dire, à peu de choses près, au moment où s’échafaudait le Ve plan de développement économique social avec son versant sur l’enfance inadaptée. On ressent à la lecture de ces textes que, tout en étant fermement convaincu de la justesse des transformations qu’il avait contribué à introduire, Labregère pensait qu’il ne fallait pas non plus trop brusquer les choses, ni surtout les esprits, tant les représentations anciennes du handicap et, plus spécifiquement, de la déficience intellectuelle, en termes d’irréductibilité et de stabilité des déficits, continuaient à peser, y compris au sein du ministère de l’Éducation, et à empêcher des transformations plus radicales. Sous cet angle, la référence qui est faite à l’Italie et à son militantisme met bien en évidence, par contraste, les difficultés françaises, qui reposent sur une sorte de timidité à transformer les institutions et les pratiques en faveur de l’intégration en milieu scolaire ordinaire. Des exemples précis illustrent bien ces difficultés : le mode de pensée médicalisant, les institutions privées du type des instituts médico pédagogiques constituent bien des obstacles, mais les réticences, voire les oppositions, au sein même du système scolaire mènent Labregère à lancer un appel à chacun de ses auditeurs pour « faire sa propre révolution culturelle dans sa tête ».
Remerciements
Le texte de conférence qui suit cette introduction historique est publié grâce à Michel Salines, Inspecteur d’académie, aujourd’hui décédé, qui fut directeur adjoint du CNEFEI (actuellement INSHEA). Nous lui sommes très reconnaissants de cette tâche qu’il nous avait confiée de publier ce texte.Bibliographie
Références
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- Bourdieu, P. (1966). L’école conservatrice. Les inégalités devant l’école et devant la culture. Revue française de sociologie, 7(3), 325-347.
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- Centre de recherches sur l’éducation spécialisée et l’adaptation scolaire (Cresas). (1974). Pourquoi les échecs scolaires dans les premières années de la scolarité. Recherches pédagogiques, 68 (numéro spécial).
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Références bibliographiques d’Aimé Labregère par ordre chronologique
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- Labregère, A. (1985). Habiter chez soi, synthèse par A. Labregère. Réadaptation, 325, 7-11.
- Labregère, A. (1985). Angleterre. La technologie de l’information et le travail des jeunes handicapés, synthèse par A. Labregère. Réadaptation, 325, 12-16.
- Labregère, A. (1985). Japon. La transition entre L‘école et la vie active pour les retardés mentaux, synthèse par A. Labregère. Réadaptation, 325, 17-18.
- Labregère, A. (1990). L’insertion des personnes handicapées. Paris : La Documentation française. Biographie générale en fin de volume.
Autres références sur Aimé Labregère
- Catteaux, A. (1994). Aimé Labregère un militant actif, un novateur. Mouv’Ance, 30, 6-7.
- Archives nationales : 20010376/8 F17BIS 2001.22/8. Intitulé : Colloques portant sur les problèmes posés par l’intégration des enfants handicapés dans le milieu scolaire traditionnel.
Mots-clés éditeurs : Enseignement spécial, Adaptation, Intégration, Prévention
Date de mise en ligne : 02/06/2021.
https://doi.org/10.3917/nresi.090.0245Notes
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Cf. Paule Parent et Claude Gonnet, 1965. Ou encore Bernard Lory, conseiller référendaire à la Cour des comptes, ancien directeur général de la population et de l’action sociale : « Sans doute y a-t-il toujours eu des enfants inadaptés mais c’est seulement très récemment que ce problème social est devenu un souci essentiel pour les pouvoirs publics et l’un des objectifs fondamentaux de la politique sociale. » (in Esprit, 1965, p.600).
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Cette présentation biographique succincte mériterait d’être complétée. Son rôle est seulement d’introduire le texte de conférence ci-après.
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Désormais intitulé INSHEA depuis la loi de 2005 sur les personnes handicapées.
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Le texte a été établi par Éric Plaisance, Michel Salines et Monique Vial.