Couverture de NRESI_086

Article de revue

Un robot pour aimer la classe

Étude avec des adolescents en situation de handicap moteur avec des troubles associés

Pages 263 à 272

1Les élèves d’institut d’éducation motrice rendent parfois difficiles les pratiques scolaires par leurs besoins éducatifs spécifiques et leur peu d’attrait pour l’école. L’enseignant est alors à la recherche de supports et d’activités pour leur permettre d’aller vers ces pratiques et des apprentissages. Cet article décrit et analyse un projet réalisé dans la classe de Sandrine Leclerc autour de l’utilisation de la robotique. Ce n’est pas un propos sur la robotique mais une réflexion d’enseignants sur l’usage de la robotique.

Le projet

Le cadre et les sujets

2Mené de septembre 2017 à décembre 2018 à l’Institut d’éducation motrice Rossetti de Nice (06) dans le cadre d’un partenariat avec l’Orna (Observation des ressources numériques adaptées), ce projet concerne un groupe de huit garçons âgés de 12 à 16 ans en situation de handicap moteur associé à des troubles cognitifs et comportementaux. Leur emploi du temps est partagé entre soin, éducatif et scolarité. L’importance de leurs troubles ne leur permet pas une scolarisation à temps plein.

3Sur le plan moteur, ils ont des difficultés de déplacement. Cinq ont une marche hésitante acquise vers 6 ans. Trois étaient tributaires d’une tierce personne pour se déplacer jusqu’à 6 ans, ensuite ils ont eu la possibilité d’utiliser un fauteuil électrique. Ceci a des conséquences sur leur représentation de l’espace et les manipulations d’objets. Réaliser un geste leur demande tellement de concentration qu’ils en oublient parfois pourquoi ils l’ont fait. Leurs troubles moteurs touchent aussi l’usage de la parole. Trois élèves en sont privés mais l’un peut s’exprimer en langue des signes avec un vocabulaire simple pour la vie quotidienne (j’ai mal, je veux…) ; les deux autres pointent l’objet souhaité mais n’utilisent pas les pictogrammes. Les autres ont des troubles articulatoires qui les rendent inintelligibles et un code de communication peu efficace.

4Des troubles sévères de l’attention, de la concentration, de la mémorisation et de la planification entravent considérablement leurs apprentissages. Pour eux, il est difficile de travailler en groupe et de gérer ses émotions. Ils s’adressent le plus souvent à l’adulte en ignorant leurs camarades. En réalisant une tâche, ils peuvent à tout moment dévier sur un autre sujet ou, au contraire, persister dans une idée ou une action, même en se rendant compte qu’elle ne fonctionne pas.

5La majorité des élèves a des compétences hétérogènes de cycle 1. Deux lisent quelques mots simples, quatre ne reconnaissent que quelques lettres de l’alphabet et deux ne reconnaissent ni lettres ni chiffres. La comptine numérique est instable jusqu’à 10. Les repères spatiaux ne sont pas acquis et ils n’utilisent pas le vocabulaire des déplacements (avance, recule, tourne à droite/ à gauche) car sa compréhension en est très aléatoire.

Objectifs du projet

6Ces jeunes semblent lassés par la scolarité qu’ils vivent difficilement et comme quelque chose de peu attrayant. Ils viennent en classe en « boudant ». Leur parcours est fait d’échecs à répétition comme l’illustre l’apprentissage de la lecture, à laquelle ils s’attellent depuis de nombreuses années. En classe, ils ne posent pas de questions, sont passifs et paraissent être dans l’attente permanente d’une tâche à réaliser de façon automatique car ils sont déstabilisés dès que l’on sort du question/réponse et qu’on les laisse chercher.

7Ces constats ont conduit à la mise en place d’un projet pour atteindre un double objectif. Le premier est de leur redonner l’envie de venir en classe et de dépasser leur passivité. Le second est de trouver des supports et des activités pouvant les conduire à des apprentissages. Le défi à relever est d’amener ces jeunes à devenir des élèves à part entière. Le choix de l’utilisation d’un robot est posé comme : pouvant les intéresser ; s’adaptant à tous les niveaux sans être infantilisant ; la possibilité de travailler indirectement différents domaines d’apprentissages. C’est un objet inconnu qui peut susciter la curiosité. Et le fait de n’avoir qu’un robot peut permettre aux élèves d’interagir.

Présentation du Roamer too

8De forme ovoïde, le « Roamer too », de Valliant-technology est un robot de sol qui se déplace. Il possède 4 claviers interchangeables permettant de complexifier les tâches en fonction de l’âge ou des capacités cognitives des élèves. Sur le clavier enfant, il est possible de le faire avancer, reculer, pivoter, faire varier sa vitesse. Il est utilisé ici pour un déplacement (avancer-reculer) et une rotation (gauche ou droite d’un quart de tour). Pour réaliser une action sur le robot, il faut utiliser 3 boutons (flèches (bleu), nombre (jaune) et go (vert)). Ces trois boutons sont à actionner dans un ordre précis. Si on change l’ordre, cela ne marche pas. Pour réaliser une action, il s’agit d’appuyer en premier sur une flèche, puis des chiffres pour constituer un nombre. Ce nombre peut correspondre à une distance que le robot doit parcourir ou une mesure d’angle, par exemple 90 pour faire tourner le robot d’un quart de tour. La touche GO lance le programme.

9Entre chaque essai, il faut effacer la mémoire du robot : l’enseignante le fait ici sans le faire remarquer aux élèves.

Le contenu du projet

10Les élèves devront programmer le robot de sol pour qu’il suive un chemin prédéfini en utilisant les actions : avancer, reculer, tourner à droite ou à gauche. Cela implique de comprendre le fonctionnement du robot, de connaitre les actions de déplacement et de respecter une procédure de programmation.

11Le projet est structuré en 6 séquences. La première est la découverte de l’objet. Dans les séquences 2 et 4, les élèves doivent imiter les déplacements du robot. Il s’agit d’utiliser le déplacement de son corps dans le « méso-espace » pour ancrer le vocabulaire spatial ou donner une explication de la programmation élaborée. Les élèves programment le robot pour avancer ou tourner dans les séquences 3 et 5. Lors de la séquence 6, le robot doit combiner ces deux actions.

12Pour élaborer leur programme, les élèves disposent de cartes de codage identiques aux touches du robot, données dans le format A6 pour faciliter leur préhension et aimantées pour ne pas bouger. L’élève tape lui-même son programme pour avoir le plaisir de manipuler le robot.

13Un cahier « robotique » s’écrit au fil des séances en utilisant du texte, des photos et des pictogrammes. Les constats y sont consignés. Il constitue la mémoire des résultats.

Image 1 : photos du Roamer too

Déroulement du projet

14La séance de robotique se déroule en groupe, tous les mardis pendant 45 minutes. Un objectif principal est fixé par séance.

15La posture et l’action de l’enseignante sont importantes. Toute tentative d’essai est valorisée et encouragée. Du temps est laissé aux élèves avant d’intervenir pour les engager à poser des questions et à se lancer dans l’activité. L’intérêt d’un mauvais résultat est expliqué en ce qu’il peut apprendre. L’entraide est favorisée dans les manipulations.

16Des adaptations sont portées en regard des besoins des élèves. La première est une ritualisation pour les placer dans le cadre : chaque séance débute en reprenant son cahier d’expérience pour se rappeler ce qui a été fait la séance précédente. L’écriture au tableau du programme utilise le même code couleur que les touches du pavé tactile. Pour la communication, des cartes sont conçues avec le même signe et la même couleur que ces touches.

17Et l’on sait qu’il sera nécessaire de répéter plusieurs fois la même séance.

L’analyse du projet

18Le recueil des données consiste à observer le comportement des élèves, à prendre des photos, des vidéos, des notes, et à enregistrer les échanges. L’ensemble de ces données est pris en compte pour l’analyse. Pour en faciliter la lecture, les séances ont été regroupées par séquence. Une séquence correspond à un objectif à atteindre.

Les séquences et leur analyse

Séquence 1 : Découverte de l’objet et observation

19Six séances pour déceler les détails du robot et son utilité. Les élèves sont installés autour d’une table ronde avec le robot au centre. Après un premier tour de table, ils peuvent toucher l’objet.

20Leur première réaction a été de dire « Je ne sais pas ». Lors de la dernière séance, Sofiane pense que c’est « une calculette », en montrant les chiffres. Pour Kévin, c’est de la « musique », après encouragement et un temps il montre la touche avec une note de musique. Sofiane déchiffre « GO » et « STOP ». Noah dit « STOP avancer » mais Maurice lui fait signe que non et Sofiane précise : « c’est le contraire, c’est arrêter ». Noah manipule le Roamer et s’aperçoit qu’il roule mais pour Sofiane il roule mal. Lors de cette séquence, Arthur écoute sans prendre part aux échanges. Louis et Robert semblent être ailleurs. En manipulant, Sofiane a trouvé le bouton marche/arrêt et appuie sur GO par hasard. Le robot, programmé antérieurement, réalise l’action. Les élèves sont étonnés. L’action est refaite plusieurs fois. Pour la décrire, ils utilisent leurs mains sans pouvoir mettre un mot.

21Il a été nécessaire de les guider pour les amener à décrire ce qu’ils voyaient. Sans sollicitation, aucune justification n’est proposée. La description du déplacement n’est pas réalisée, en partie par manque de vocabulaire. Certaines séances n’ont pas fait avancer leur découverte : ils sont restés sur leurs idées sans écouter celles des autres. L’appropriation du robot est partielle : des touches passent inaperçues. Le fonctionnement du robot provoque l’étonnement mais pas encore l’interrogation.

Séquence 2 : Les premières notions de déplacement

22Huit séances pour acquérir les notions « avancer » et « reculer ». Le robot réalise un parcours par pré-programmation, et les élèves doivent le reproduire en se déplaçant par eux-mêmes. Chaque élève a pu réaliser le parcours en utilisant son mode de déplacement le plus autonome : en fauteuil électrique, en marchant avec une aide, et l’un en « flèche » (dispositif permettant de se déplacer seul en étant assis).

23Une séance d’appropriation d’un parcours tracé au sol est proposée. Cinq élèves ne bougent pas, Louis se déplace dans sa flèche avec plaisir. Ensuite, le robot rentre en action, les élèves doivent l’imiter. Tous se déplacent mais Louis et Robert ne tiennent pas compte du modèle robot. Le déplacement en reculant a été très difficile à réaliser, et il a été nécessaire d’être à côté d’eux pour qu’ils osent le faire. Après beaucoup d’hésitations, Kévin, en fauteuil électrique, se lance. Lors de la troisième séance, le déplacement est réalisé à l’identique sans pouvoir y mettre encore un mot. La recherche des pictogrammes a été réalisée avec l’aide de l’orthophoniste en classe. Les séances suivantes, les élèves ont assimilé les termes « avancer » et « reculer ». Pour chaque action faite, les élèves la nomment soit en oralisant soit en choisissant le pictogramme. Lors de la dernière séance, les élèves se passent du robot pour imaginer et nommer leur déplacement. Louis et Robert commencent à prendre en compte les consignes de déplacement mais l’intervention de l’adulte est souvent nécessaire pour répéter la consigne et réorienter le déplacement.

24Les élèves ont rapidement réalisé le mouvement « avancer » mais il a fallu les guider pour s’engager dans « reculer ». En effet, l’action n’est pas quotidienne. On fait demi-tour et on avance plutôt que de reculer. Une des difficultés dans l’usage des pictogrammes est l’orientation de l’image : une flèche indique la direction. Les élèves se sont appropriés le déplacement avant de pouvoir le nommer. L’utilisation du déplacement corporel dans le méso-espace permet de mieux comprendre et mémoriser ces notions. Tout au long des séances, le langage de l’enseignante et leur utilisation des pictogrammes accompagnent leur action. Ils progressent de l’espace vécu vers sa représentation.

Séquence 3 : Le robot avance ou recule

25Dix séances pour apprendre à programmer le Roamer à avancer ou reculer. Afin de différencier les deux flèches avancer et reculer, l’une est hachurée en rouge.

26Quatre séances ont été consacrées à mettre en place la procédure de déplacement du robot. Différents essais sont réalisés : la procédure émise est affichée au tableau puis testée. Si le robot n’avance pas, elle est mise de côté. Après 10 minutes d’essais infructueux, sentant le découragement envahir les élèves, une comparaison avec leur jeu vidéo est faite : comment faire avancer un personnage ? Sofiane étonné : « facile, appuie manette », et Kévin précise « flèche ». Une des particularités des élèves qui oralisent, est qu’ils répondent souvent par le mot-clé. Ainsi comment faire avancer notre robot – qui est notre personnage –, Arthur montre une flèche (celle qui est vers l’avant) qu’on hachure. Ils essaient mais cela ne fonctionne pas. Ils commencent à comprendre qu’il manque quelque chose et Noah précise « chiffre ». Ils procèdent à un autre essai : la flèche, un chiffre (le 2) et GO. Et le Roamer avance. Plusieurs essais sont effectués avec différents chiffres.

27Les séances suivantes ont permis d’ancrer la procédure et pour Sofiane de tester des nombres de plus en plus grands. Ne sachant pas les écrire, les chiffres du nombre oralisé lui sont donnés l’un après l’autre. Après quelques essais, il constate qu’il faut parfois taper un nombre de 2 chiffres. Sofiane souhaite que le robot arrive à la porte. Il compte le nombre de pas et trouve 19. Il programme le Roamer qui s’arrête bien avant la porte et obtient le même résultat en recommençant. Découragé, il passe le robot à Maurice en lui disant « fais toi, moi j’arrive pas ». C’est la première interaction dans le groupe sans intervention enseignante. Maurice retape et le résultat est identique. Alors il pose le robot et annonce « marche pas ». Pour ne pas rester sur un échec, l’enseignante propose à Sofiane de faire un pas en traçant le point de départ et le point d’arrivée de ce pas. Le robot est programmé pour faire aussi un pas sur le même parcours. Il s’arrête avant le point d’arrivée du pas de Sofiane. Après plusieurs essais, il comprend que son pas vaut trois « pas » du Roamer.

28Passés quelques découragements, les élèves ne se lassent pas de programmer le robot. La mise en place de la procédure de déplacement a été longue malgré la présence de « fiches mémo ». L’organisation de la page et le sens de la lecture n’étant pas acquis (sauf pour deux) rendent peu efficace l’usage d’une fiche. Aucun d’entre eux, ne se sert de son cahier pour y rechercher l’information. Une des difficultés rencontrées a été l’orientation du robot. Malgré la disposition du clavier, le devant de l’appareil n’est pas toujours repéré et une flèche hachurée leur est nécessaire pour orienter le robot.

29L’idée de Sofiane pour mesurer la distance à la porte n’a pas été couronnée de succès par manque de connaissances mathématiques. Les élèves commencent à interagir entre eux.

Séquence 4 : « tourner »

30Huit séances pour poursuivre les apprentissages des notions de déplacement, en introduisant : « tourner » puis « tourner à gauche » ou « à droite » et enfin « tourner à gauche ou à droite d’un quart de tour ». Un dispositif identique à la séquence 2 est mis en place. Le parcours tracé au sol, composé d’une ligne blanche, sert de repère pour que l’élève indique s’il est à gauche ou à droite de cette ligne. Le robot préprogrammé se déplacera autour de la ligne tantôt à gauche tantôt à droite. Les élèves imitent le robot. Les pictogrammes d’origine « tourner à gauche » ou « à droite » sont deux flèches orientées. Ils ont été modifiés en rajoutant une silhouette de dos, représentant l’élève, permettant ainsi l’orientation de la flèche. Le repérage entre droite et gauche a nécessité une adaptation : bracelet mis à droite car l’ensemble des élèves sont droitiers. En utilisant le méso-espace, les élèves se déplacent et s’arrêtent pour dire s’ils sont à droite ou à gauche de la ligne. L’expression « tourner à gauche (ou à droite) d’un quart de tour comme le robot » a été comprise en une séance. Seulement trois élèves annoncent s’ils tournent à gauche ou à droite au moyen de leurs pictogrammes. Trois autres le disent mais en se trompant parfois ce qui laisse sceptique sur leur réelle compréhension.

31Deux élèves ne comprennent pas la consigne « tourner à droite ou à gauche ». Comme lors de la séquence 2, les expressions « tourner à droite ou à gauche » sont comprises avant d’être utilisées sous forme de pictogrammes pour décrire leur déplacement.

Séquence 5 : faire tourner le robot

32Six séances pour programmer le robot afin qu’il tourne à droite ou à gauche d’un quart de tour.

33Deux élèves pressentent qu’il est nécessaire d’appuyer sur les flèches non encore utilisées et sur un chiffre. Chaque élève code à l’aide des cartes son programme. Il est affiché au tableau, puis tapé sur le robot, réalisé puis validé collectivement Ils ont des difficultés à se rendre compte d’une rotation car le mouvement du robot est rapide et ils oublient la position de départ. L’aide a consisté à indiquer la position initiale et finale du robot par un trait sur la table. Pour faire tourner le robot d’un quart de tour, les nombres proposés étaient le fruit du hasard. Afin de valider ce nombre, un élève, comme dans la séquence 4, fait un quart de tour à gauche ou à droite. Si le robot et l’élève regardent dans la même direction alors le nombre tapé est retenu. De nombreux essais ont conduit finalement à la programmation pour tourner d’un quart de tour à gauche ou à droite.

34À ce stade, les élèves s’entraident (par affinités) de plus en plus : l’un tient le robot, l’autre appuie sur les touches et un troisième redit le programme au tableau. Le travail de groupe existe. Il est nécessaire de les guider dans la visualisation de l’action et dans l’interprétation des résultats pour les valider ou pas. Le découragement n’apparaît plus malgré de nombreux essais infructueux.

Séquence 6 : programme complexe

35En dix séances, il s’agit de programmer le robot pour enchainer au moins deux actions (avancer ou reculer et tourner à droite ou à gauche d’un quart de tour).

36L’association de deux actions nécessite la suppression du « Go » intermédiaire, 2 séances ont été nécessaires. Il leur est difficile de structurer leur propos pour que les actions soient réalisées dans l’ordre souhaité. L’adaptation mise en place est d’écrire au tableau chaque action d’une couleur différente dans le sens vertical puis de ne rendre visible que celle devant être codée (1 action = 1 couleur). Le programme est dévoilé qu’à la fin. Lors de la dernière séance, le robot doit suivre une piste dessinée sur un carton. Par exemple, il doit avancer de 3 pas et tourner à droite. Confrontés à la notion d’évaluation de la distance, ils ont tenté des programmes mais n’arrivent pas à estimer si le nombre proposé est trop grand ou trop petit et à l’ajuster pour la programmation suivante.

37Avec des rappels de procédures écrites ou orales, six élèves sont capables de faire avancer ou reculer, tourner à droite ou à gauche le robot. Mais la compréhension de chaque instruction n’est que partielle.

38Maintenant, tous les élèves essayent de programmer. L’accompagnement est nécessaire pour prendre en compte les résultats et réaliser un programme plus complexe qui demande une planification des actions : en premier je veux que le robot….. puis après il doit ….. .

Commentaire général

La robotique à l’école

39L’intérêt pour la robotique s’est fortement accru ces dernières années dans le contexte éducatif (Dossier ifé, 2017). Dans différents domaines avec l’idée de développer la découverte de la pensée algorithmique par des activités de programmation, elle est présente dans les programmes du cycle 1 au cycle 4. Depuis quelques années, la robotique pénètre « l’enseignement adapté » (Greff, 2017). Il en est fait usage de différentes façons. Soit en la mettant service des apprentissages (Virey, 2010) soit en l’intégrant dans des actions d’adaptations (Sarralié, 2003).

40On relève souvent trois applications pédagogiques de la robotique : l’apprentissage de la robotique, l’apprentissage avec la robotique et l’apprentissage par la robotique (Gaudiello et Zibetti, 2016). Le projet ne visait pas l’apprentissage de la robotique, mais simplement l’acquisition d’un minimum sur le fonctionnement du Roamer. L’apprentissage par la robotique de connaissances disciplinaires scolaires est aussi limité. En effet, si le robot a permis de donner du sens à certaines notions numériques et topologiques, son usage a surtout bénéficié au développement de compétences cognitives générales. L’apprentissage avec la robotique a servi l’évolution de leur comportement face à l’école, ce qui était l’objectif premier.

Les bénéfices cognitifs

41Le feed-back immédiat que renvoie le robot quand la procédure établie par l’élève lui est donnée semble avoir renforcé le travail de planification des élèves. Les voir utiliser les cartes de commandes pour écrire le programme avant de le vérifier sur le robot, peut s’interpréter comme la mise en place d’une certaine anticipation. En les observant utiliser les cartes de programmation pour communiquer aux autres leur procédure, on peut aussi penser qu’ils comprennent l’utilité d’un pictogramme, surtout ceux qui ont peu de code de communication. L’usage de la robotique a favorisé le développement d’« habilités cognitives » comme la consultation de documents, et un effet métacognitif avec un certain regard sur l’action. On relève aussi que, comme le mouvement est suivi d’effet, ils se concentrent et s’attachent à bien le réaliser. Au fils de séances, on a observé la constitution d’un capital d’expériences permettant de se familiariser et d’utiliser le robot.

Les bénéfices sur l’attitude

42L’apprentissage avec la robotique, basée sur l’interaction entre apprenants, enseignante et robot, a fait évoluer leur attitude tout au long de l’année. On observe qu’ils s’engagent dans l’activité, osent essayer, toucher et recommencer. Au bout de deux essais infructueux, ils continuent, ils persévèrent. À la fin du projet, ils commencent à poser des questions, s’écoutent et attendent leur tour pour prendre la parole. Ils s’entraident dans la programmation du robot.

43Au fur et à mesure de l’année, le cahier de robotique s’enrichit, on y colle les photos de leur codage et des différentes activités faites : ils y prennent de plus en plus d’intérêt. Dans la semaine, certains feuillettent le cahier pour le plaisir de revoir les différentes photos où ils peuvent apparaître.

44Ils viennent avec le sourire en classe et ils attendent la séance de robotique. Durant cette séance, ils échangent entre eux et émettent des désirs : deux élèves ont demandé de travailler les nombres pour « les écrire sur le robot ».

Des limites

45On note une meilleure organisation de leur activité pour laquelle ils s’attachent à prendre de l’information, se fixent des buts et installent des règles. Mais l’activité est vite perturbée. Ainsi, sur des longues distances, le robot dévie et manque de précision. Ce paramètre est difficilement interprétable par les élèves. Il est nécessaire de privilégier les distances plus courtes, pour qu’il y ait une adéquation entre leur programme et la réalisation du déplacement. Ou bien encore, pour certains, le pavé tactile sur le Roamer est difficile à utiliser par manque de précision dans le geste et de force musculaire pour appuyer. Cet aspect peut être contourné par l’apport d’un tiers et pousser ainsi au travail de groupe. On relève aussi que les possibilités d’inférences en situation et la conceptualisation restent pauvres. Certaines connaissances leur manquent. Par exemple, lors de la tentative de déplacement jusqu’à la porte, s’ils comprennent qu’un de leur pas vaut 3 déplacements pour le robot : que valent 19 pas ? Ils ne donnent pas de sens à la nécessité de taper 90 après la flèche pour faire tourner le robot à angle droit.

46Après plus d’un an et demi d’utilisation, toutes les fonctions du robot n’ont pas été explorées. Aucune question n’est encore apparue à propos des touches qui n’ont jamais servi. Ils se contentent d’utiliser celles déjà connues. Ils s’enferment, comme le font les élèves en grande difficulté, dans la répétition de procédures connues et effectives.

47En fin de projet, les programmes restent élémentaires. L’objet demeure attractif et ils ont plaisir à le manipuler et à taper leur programme malgré l’effort de concentration que cela leur demande. Si, de temps en temps, ils se passent de son intervention, l’enseignante doit faire du lien : entre eux et entre les différents éléments de l’activité.

Conclusion

48Le recours à la robotique par l’utilisation du robot de sol se présente en premier lieu comme un « détour » pour « enrôler » les jeunes présentés ici dans des pratiques scolaires. L’observation première est l’étonnement qu’ils montrent devant le robot qui, objet nouveau et insolite, devient une source de motivation pour rentrer dans les activités. Pour eux, il est aussi la possibilité d’une action sur le réel dont ils peuvent appréhender l’effet. « Compagnon » pour les élèves d’un cheminement plus attrayant vers l’école, le « Roamer too » se pose pour l’enseignant comme « assistant » en lui offrant des opportunités de médiations et d’activités.

Références


Mots-clés éditeurs : Motivation, Handicap moteur, Robot de sol, Programmation, Projet pédagogique

Date de mise en ligne : 08/11/2019

https://doi.org/10.3917/nresi.086.0263

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