Notes
-
[1]
Bichindaritz, I. (1995). Incremental concept learning and case-based reasonning: for a cooperative approach. In I.D. Watson (Ed.), Progress in case-based reasoning (p. 91-106). Berlin: Springer.
-
[2]
Dans un ouvrage plus récent (2012) Guillemette préfère la traduction de « théorisation enracinée » à celle de « théorie ancrée » car « un ancrage empêche un bateau (ou une maison, par exemple) de bouger ; cette symbolique est contraire aux fondements épistémologiques de la Grounded Theory », tandis que la notion d’enracinement renvoie à « une façon de nommer le processus que constitue cette méthodologie, un processus qui consiste à constamment lier construction théorique aux données de terrain, un processus qui n’est jamais complètement terminé. Le terme « enracinée » correspond à la famille sémantique anglaise des mots « field », « root », « ground ».
-
[3]
Ces recommandations ont pour objectif de donner aux professionnels des repères susceptibles d’améliorer et d’harmoniser leurs pratiques et de favoriser l’épanouissement personnel, la participation à la vie sociale et l’autonomie de l’enfant et de l’adolescent.
-
[4]
Autisme et autres troubles envahissants du développement : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l’enfant et l’adolescent, HAS, ANESM, Méthode recommandations par consensus formalisé, 2012, p. 27
-
[5]
Sur le site Autisme Research Institute : Le « Docteur Münchhausen » n’exercera plus : http://www.autism.com/trans_french_ARRIv19no22005munchhausen Dans une publication de 2005, on peut lire que « Des milliers de parents ont été emprisonnés ou séparés de leur enfant pour s’être vus gratifier d’un diagnostic de “syndrome de Münchhausen par procuration“, trouble psychiatrique théorique qui conduirait les parents à maltraiter leur enfant afin de susciter l’attention du corps médical. » ARRI, 19(2). Note de l’éditeur : « Le syndrome de Münchhausen par procuration restera dans l’histoire, aux côtés de la théorie de la “mère réfrigérante“ de l’autisme, comme l’une des plus grandes injustices perpétrées contre les parents d’enfants malades. »
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[6]
Tweets à copier/coller pour demain samedi 12 septembre : 12/09/15 les 3 otages de l’ASE38 n’ont toujours pas été libérés : @CDIsere @ChTaubira @s_neuville @Elysee @manuelvalls #placementsabusifs
12/09/15 les 3 otages de l’ASE38 n’ont toujours pas été libérés @RMCinfo @franceinter @franceinfo @ Europe1 @RTLFrance #placementsabusifs
12/09/15 les 3 otages de l’ASE38 n’ont pas encore été libérés @le_Parisien @lemondefr @LeFigaro_France
@libe @ledauphine #placementsabusifs -
[7]
Nous avons conduit un entretien avec Magali Pignard qui figure dans ce dossier et où elle présente son parcours de personnes concernée à double titre, en tant que mère d’un enfant autiste sévère et non verbal et en tant que personne avec syndrome d’Asperger, de surcroît militante sur son blog de l’Express.
-
[8]
Déclaration orale à propos des femmes et des mères autistes lors de la 62e section du CEDAW (convention sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes), dans le cadre du Comité des Nations Unies pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 30 octobre 2015 au Palais des Nations à Genève. Sur le lien suivant figure le texte complet de cette intervention : http://allianceautiste.org/wp/wp-content/uploads/2015/11/20151030-AA_OrgIntl_ONU-CEDAW-d%C3%A9claration-orale-1.pdf
-
[9]
C. Philip (2009). Autisme et parentalité. Éditions Dunod.
-
[10]
TCC : Thérapies comportementales et cognitives.
-
[11]
« Ein Stück der Seelenkunde ». Définition donnée dans un des derniers articles de Freud : Some elementary lessons in Psychoanalysis (1938), rééd. in Gesammelte Werke, XVIII, p. 142.
-
[12]
É. Roudinesco (1999). Pourquoi la psychanalyse ? Fayard, p. 39.
-
[13]
Notons qu’alors que le site Internet utilise le sigle EgaliTED, pour faire ressortir la catégorie TED (Troubles envahissants du développement), la page facebook utilise le sigle « Egalited ». C’est la raison pour laquelle dans cet article nous utilisons tantôt un sigle et tantôt un autre selon que nous ciblons le site ou la page facebook.
-
[14]
Site EgaliTED : http://www.egalited.org/ « Bienvenue sur le site du collectif EgaliTED. Notre collectif a pour ambition de défendre les droits des personnes porteuses d’autisme et des autres Troubles Envahissants du Développement. Nous entendons œuvrer pour l’égalité des personnes autistes, la défense de leurs droits, et leur inclusion sociale, sur le modèle des meilleures pratiques en vigueur dans le monde. Ce site rassemble des informations et des ressources pour toutes les familles touchées par l’autisme. »
-
[15]
D. Boullier (2015, 5 septembre). Les sciences sociales ne jouent plus leur rôle de contre-pouvoir. Le Monde.
1 Les réseaux sociaux jouent aujourd’hui un rôle très important pour l’expression de ceux que l’on appelle les usagers dans le champ médico-social et que nous nommons témoins dans l’intitulé de ce dossier. Compte tenu de notre implication dans un certain nombre de ces réseaux, notamment dans des groupes concernés par l’autisme, certains privés, d’autres publics, notre objectif dans cet article est à la fois de montrer le rôle que jouent ces réseaux pour les usagers-témoins du handicap, mais aussi d’analyser la situation de l’autisme aujourd’hui, à travers un exemple très représentatif de son histoire très mouvementée et polémique. Nous avons fait le choix de ne présenter qu’une situation et de l’analyser en détails, en suivant toutes les étapes de son déroulement. Il s’agit d’une affaire qui s’est développée dans les réseaux sociaux en pleine période estivale 2015, engendrant une très forte mobilisation des usagers pour défendre une des leurs, menacée par l’ASE, de perdre la garde de ses trois enfants autistes. Cet exemple fait apparaître à la fois des divergences entre témoins et experts, mais aussi des divergences profondes entre experts dans le champ de l’autisme, aboutissement de toute une histoire. La co-construction des discours dans ce domaine a encore bien des difficultés à se mettre en œuvre. Les réseaux sociaux permettent à ceux (les témoins) dont les points de vue sont encore le moins pris en compte dans notre société, malgré des avancées, de s’exprimer en toute liberté et de se rassembler pour se faire entendre, même si leurs actions ne sont pas toujours suivis d’effets. Ils permettent aussi, en donnant la parole aux témoins, de faire apparaître les divergences entre témoins et experts et même entre experts, tout en constituant une source d’empowerment pour les acteurs.
Présentation de la méthodologie
2 C’est la méthode de l’étude de cas que nous avons choisie pour cette étude. Mais que faut-il entendre par là ? Jacques Leplat (2002) explique qu’« il existe de nombreuses définitions du terme de cas. Pour un spécialiste du raisonnement à base de cas, le cas a pu être défini comme “un ensemble de données empiriques“ (Bichindaritz, 1995 [1]). Très généralement, le cas est un objet, un événement, une situation constituant une unité d’analyse ». De même Jacques Hamel déclare que « l’étude de cas consiste à rapporter un événement à son contexte et à le considérer sous cet aspect pour voir comment il s’y manifeste et s’y développe ». Comme l’indique J. Leplat « en se référant à un mot à la mode, on peut donc dire que le cas est un événement situé ». Dans cette contribution nous avons choisi un événement situé dans les réseaux sociaux. Tel est le contexte de l’événement que nous allons étudier. Il s’agit de présenter une situation singulière pour développer l’analyse en détails et en profondeur. Nous analysons ici des écrits postés dans les réseaux sociaux qui constituent la matière de cette étude. Puis nous observerons l’évolution de cette situation qui a connu un certain nombre de rebondissements et nous ferons cette analyse en direct et en gros plan. Comme le fait remarquer Jacques Leplat, « le cas peut revêtir une épaisseur temporelle plus ou moins grande. Il peut être une situation considérée à un moment donné, mais aussi une situation dans son développement ». Pour ce qui nous concerne, le cas choisi a une certaine épaisseur temporelle que nous allons prendre en compte. Et comme dans toute analyse de cas, nous commencerons par décrire la situation en apportant un certain nombre d’informations. Ce n’est que dans un second temps que nous prendrons une distance pour développer une analyse et tirer un certain nombre d’enseignements. Le réel est complexe, donc la méthodologie doit être plurielle, comme l’indique J. Hamel : « l’étude de cas constitue une sorte de présentation la plus complète et la plus détaillée de l’objet étudié ». Nous essayerons de montrer que cet objet se construit progressivement grâce à des informations rassemblées et reliées entre elles. L’objet est le résultat d’un montage. C’est ce montage que nous présenterons dans un premier temps en respectant la chronologie des faits. L’étape descriptive est la première étape, coûteuse en temps, car elle suppose au préalable un recueil de données et une sélection de ces données. Ce recueil a nécessité la construction d’une sorte de journal de bord où les événements ont été enregistrés au fur et à mesure de leur déroulement. Ce recueil et cette sélection de données permettront dans un second temps de tirer un certain nombre d’enseignements au regard du contexte actuel et de l’histoire de l’autisme. Nous développerons enfin dans la partie discussion de cette étude une analyse du contexte de l’événement choisi, celui des réseaux sociaux, car nous souhaitons mettre en question un certain nombre d’a priori plutôt négatifs ou péjoratifs sur ce contexte, en raison de quoi peu de chercheurs encore s’y investissent.
3 L’approche que nous privilégions s’inscrit dans une méthodologie de recherche issue de la sociologie, la « Grounded theory » mise au point par deux sociologues américains Glaser et Strauss (1967) que le professeur québécois Pierre Paillé (1994) a traduit par « théorisation ancrée ». Cette théorisation est en effet ancrée sur les données de terrain. C’est une méthode qualitative « visant à générer inductivement une théorisation au sujet d’un phénomène culturel, social ou psychologique, en procédant à la conceptualisation et la mise en relation progressives et valides de données empiriques qualitatives » (Paillé, 1996, p. 184). Autrement dit cette méthode consiste en un aller-retour constant et progressif entre des données recueillies sur le terrain et un processus de théorisation. Et ce terme de théorisation désigne « à la fois le processus et le résultat, tout en indiquant que le résultat lui-même n’est pas une fin mais plutôt l’état dans lequel se trouve, à un moment donné, une construction théorique donnée » (Paillé, 1996, p. 184). C’est bien ce que nous tentons de construire à partir de ces données empiriques recueillies dans le contexte de facebook. Dans une démarche inductive, nous tentons d’explorer un champ de recherche, sans hypothèse à vérifier, et sans revue préalable de la littérature sur le sujet. Comme le précise Guillemette (2006 [2]) : « Dans une recherche réalisée avec l’approche GT (Grounded theory), le chercheur suspend temporairement le recours à des cadres théoriques existants au profit d’une ouverture à ce qui émerge des données de terrain. » Tel est bien notre objectif dans cet article.
L’affaire Rachel : un combat entre témoins et experts et entre experts
Présentation de cette affaire
4 L’affaire que nous présentons a fait l’objet d’échanges très suivis et très intenses dans plusieurs groupes facebook, notamment un groupe privé intitulé Egalited que nous nommons avec l’autorisation de son président. Il va de soi que dans cet exposé, nous respecterons l’anonymat des personnes qui se sont exprimées dans ce groupe, apportant parfois leur propre témoignage. Nous avons effectué des choix dans l’exposé des données très nombreuses de cette affaire. Seul un certain nombre de posts ont été sélectionnés, ceux qui nous ont semblé les plus importants.
Visuel de l’affaire Rachel dans les réseaux sociaux
Visuel de l’affaire Rachel dans les réseaux sociaux
5 Cette affaire évoquée dans les réseaux sociaux avec cette image suggestive commence le 10 juillet 2015, lorsqu’à Grenoble un juge décide le placement de trois enfants autistes à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) en accusant la mère d’être atteinte du syndrome de Münchhausen par procuration, un trouble psychiatrique non reconnu au plan international, qui conduirait un parent (essentiellement une mère) à maltraiter ses enfants pour attirer l’attention du corps médical sur elle. C’est un expert psychiatre nommé par le juge saisi de l’affaire qui a fait ce diagnostic. Comme le suggère cette image, cette décision a eu pour conséquence de semer la panique dans cette famille en menaçant de séparer cette mère de ses trois enfants. Elle a fait suite à un signalement de l’hôpital de jour accueillant ces enfants qui a porté ce qu’on appelle « une information préoccupante », remettant en question la qualité du milieu familial. Danièle Langloys (2015), présidente de l’association Autisme France, dans un long rapport publié à la suite de cette affaire (p. 6), montre qu’il ne s’agit pas là d’une décision exceptionnelle et pointe des signalements abusifs récurrents de familles avec des enfants autistes. Elle remarque qu’« une famille, bien souvent une mère seule, est dénoncée. Une information préoccupante est alors enclenchée contre elle et envoyée au service départemental de l’Aide sociale à l’enfance : premier stade de l’engrenage infernal. Les PMI, Camps, CMP, hôpitaux de jour le font, mais ce peut être aussi un enseignant, l’Éducation nationale, un auxiliaire de vie scolaire ou un voisin ». Elle indique que ces signalements abusifs sont bien souvent liés à une méconnaissance des troubles du spectre de l’autisme, encore très fréquemment expliqués en France par des carences éducatives. Comme il est dit dans ce rapport (2012) : « ces services sont en général tous noyautés par une idéologie psychanalytique : les troubles de l’enfant viennent forcément de la mère, trop fusionnelle ou trop froide, selon l’humeur des professionnels, et si la mère souhaite obtenir un diagnostic de trouble neuro-développemental, c’est forcément qu’elle nie sa culpabilité, elle doit donc être dénoncée et sanctionnée. C’est à plus forte raison le cas si, constatant que son enfant régresse dans les Camsp ou hôpitaux de jour, elle souhaite en partir pour aller chercher en libéral des interventions efficaces et conformes aux recommandations de la Haute autorité de santé [3] ». Notons que dans ces recommandations, la psychanalyse n’a pas été classée dans la liste des méthodes recommandées pour l’autisme. Elle a été déclarée comme « non consensuelle » et comme cela est exprimé clairement dans ce rapport : « L’absence de données sur leur efficacité et la divergence des avis exprimés ne permettent pas de conclure à la pertinence des interventions fondées sur : les approches psychanalytiques ; la psychothérapie institutionnelle [4]. » C’est dans ce contexte que le signalement de l’hôpital de jour dans cette affaire prend tout son sens.
6 Notons que ce syndrome de Münchhausen par procuration va tout à fait dans le sens d’une reconnaissance de la responsabilité de la mère dans ces troubles, conformément à l’approche psychanalytique classique. Par ailleurs nous constatons que ce syndrome fait l’objet d’une contestation au plan international, comme cela est mentionné dans un article [5] dans lequel on peut lire que « Le fameux pédiatre à l’origine de ce diagnostic a été privé d’exercer par l’ordre des médecins britannique et sa théorie est aujourd’hui discréditée. Le conseil de l’ordre des médecins a précisé que Roy Meadow avait “abusé de son statut de médecin“, après que les tribunaux aient rejeté trois accusations d’infanticide maternel largement fondées sur un témoignage fallacieux de sa part. » On peut donc s’étonner qu’en France un tel diagnostic soit pris au sérieux par la justice. Dans ce même article il est indiqué que le Sunday Times londonien a qualifié le scandale du syndrome de Münchhausen par procuration comme « l’une des aberrations judiciaires probablement les plus graves de l’histoire », en rappelant que les instances gouvernementales ont ignoré pendant des années les mises en garde formulées sur les risques d’erreur inhérents à ce diagnostic. Parmi les professionnels à l’origine de ces mises en garde, il faut citer Judith Gould, éducatrice travaillant avec des enfants autistes, qui avait indiqué dès 1998 qu’un certain nombre de parents d’enfants autistes « s’étaient trouvés plongés dans un scénario cauchemardesque digne de Kafka » pour avoir été suspectés d’être atteints de ce syndrome. « Au lieu de bénéficier de l’empathie et de l’aide qu’ils étaient en droit d’attendre des professionnels qu’ils consultaient. », disait-elle, « ils étaient accusés, le plus souvent les mères, d’avoir inventé ou délibérément induit les troubles de leur enfant afin d’attirer l’attention ».
7 Ce qui est ici décrit par Judith Gould correspond très exactement à cet événement auquel nous nous intéressons et qui vient de se produire en France, sachant que ce n’est pas la première fois dans notre pays, comme le montrent d’autres témoignages de parents d’enfants autistes. Comment cette affaire s’est-elle développée dans les réseaux sociaux ?
Début de l’affaire Rachel : un message dans les réseaux sociaux
8 C’est dans un groupe privé Autisme, composé majoritairement de parents d’enfants avec autisme et de quelques professionnels, le groupe Egalited, que cette affaire a débuté et s’est développée, engendrant une forte mobilisation. C’est l’avocate de la mère, régulièrement sollicitée par les parents dans le domaine de l’autisme, qui lance l’alerte dans un message posté sur la page du groupe :
Bonjour à tous. Nous avons besoin de votre aide et c’est extrêmement urgent. Nous tentons d’éviter le placement de 3 enfants et de nous battre contre un rapport d’expert très accusatoire. Je suis déjà grandement aidée par AF (Autisme France) et ENVOL ISERE, mais ça ne saurait suffire.
APPEL À TOUTES LES ASSOCIATIONS :
Merci de nous envoyer un courrier ou attestation d’une page maximum expliquant les difficultés voire l’impossibilité pour les familles d’obtenir un diagnostic d’autisme au sein des CMP, CAMSP et hôpitaux de jour, et du scandale qui consiste à accuser les mères de l’origine des troubles. Il s’agit, pour une fois, de faire front tous ensemble. Merci pour eux. De mon côté, je ferai tout ce qu’il est possible de faire.
10 Suite à ce message, des échanges commencent à se développer en même temps qu’une forte mobilisation. Le groupe va être informé étape par étape des événements liés à cette affaire, dite affaire Rachel, prénom de la mère concernée. Plusieurs associations s’engagent dont la plus importante Autisme France avec Danièle Langloys, sa présidente. Cette dernière va se montrer très active et appeler elle aussi à la mobilisation, comme l’indique ce message posté dans le groupe Egalited :
D. Langloys s’exprime : « Voici le témoignage d’une présidente d’association locale qui a accompagné Rachel que nous connaissons tous. Lisez et continuez à vous révolter !
La présidente d’association : « Je me permets d’apporter mon témoignage. Ce matin j’ai accompagné Rachel, ses 3 enfants et les grands-parents à la pouponnière et au foyer du X. La fille de 9 ans sera donc au foyer. Elle l’a visité avec sa maman. Les locaux sont délabrés. Elle a rencontré dans la salle à manger un grand adolescent qui mangeait un bout de pain en lançant des injures, et un autre qui mangeait seul. Elle partagera sa chambre avec une jeune de 12 ans, elle a pu la visiter. Les 2 garçons seront à la pouponnière, et quand la directrice a vu ces 2 petits se chamailler (comme 2 petits frères), elle a dit : il faudra les séparer. La maman a demandé si les 3 enfants pourront se voir (les 2 bâtiments sont à quelques mètres). La 1re rencontre pourra avoir lieu jeudi prochain pendant 1h 1/4, puis après « on verra ». La maman aura une visite médiatisée d’1 heure tous les 15 jours. Les grands-parents ne verront plus leurs petits-enfants (et réciproquement) pendant toute la période que durera ce placement.
J’ai pu parler avec la fille de 9 ans qui en avait envie : elle ne veut pas y aller (elle aurait dû être en colonie depuis dimanche dernier). Je lui ai dit que toutes les associations écrivaient pour les soutenir, même celle de l’Ile de la Réunion et j’ai dit : ton Papy va te montrer sur une carte du monde où c’est… Que tous les jours on penserait à eux et que l’on fera tout pour qu’ils se retrouvent tous ensemble. Elle m’a répondu « et on fera une grande fête et on pleurera, mais de joie… ». Un des garçons ne veut pas y aller, il ne mange plus, il est souvent complètement renfermé.
J’ai vécu ce matin avec cette famille la descente aux enfers… Quelle justice des enfants !!!!!
À propos de l’ASE : j’ai rencontré ce matin 2 éducateurs, j’avais l’impression d’être en face d’automates qui répétaient leur leçon, je n’ai pas vu 2 secondes d’humanité.
J’espère que mon témoignage vous permettra de comprendre le sort qui est réservé à cette famille détruite à ce jour. Ils rentrent demain à 16 h 30 ».
12 Voici un aperçu des commentaires à la suite de ce post, qui montrent la réactivité des parents : Comme on peut le constater, nous avons retiré les noms des personnes pour respecter l’anonymat, même si beaucoup ont des pseudos pour se protéger. Toutes les minutes un nouveau commentaire apparait :
Révoltant !!
16 juillet, 18:04 ·
J ai envie de crier, de vomir
Nous ne laisserons pas ses enfants là bas, leurs places sont auprès de leur mère.
16 juillet, 18:05 ·
ça fend vraiment le cœur
16 juillet, 18:05 ·
Y a pas de mots pour décrire… abomination s’approche un petit peu de la réalité
16 juillet, 18:06 ·
p….ca me fait mal au cœur…pas de mot…tellement triste
16 juillet, 18:07
Je suis bouleversée, il ne faut rien lâcher et continuer la lutte coûte que coûte., pour que de pareilles injustices ne soient plus possibles !
16 juillet, 18:08 · 1
C’est l’enfer
Mobilisation des membres des réseaux sociaux
14 La mobilisation alors s’enclenche. Une image va circuler. On y voit une mère séparée de ses enfants, eux-mêmes séparés entre eux. Le « J’accuse » traduit la mobilisation collective. Dans les réseaux sociaux, les supports visuels sont très importants. Bien souvent les membres des groupes décident de les mettre sur leur page personnelle. Plus tard une autre image va se diffuser très largement, sur le mode de celle Nous sommes Charlie.
15 Cette affaire va connaître plusieurs rebondissements, certains positifs, d’autres alarmants jusqu’au dénouement. En attendant une cagnotte est ouverte pour Rachel, car cette situation a des conséquences financières importantes pour la famille.
16 Le 22 juillet l’avocate poste ce message dont la tonalité n’est pas très encourageante :
Bon… Le Ministère Public s’est positionné contre nous et l’ASE de dire que les enfants avaient été préparés au placement (sic), l’avocate adverse a plaidé le danger que représentait la mère… J’ai plaidé, j’ai tout dit, nos pièces sont bonnes, notre dossier tient la route, seulement voilà, ça fait beaucoup de monde contre nous. Le 1er président rendra sa décision le 24/07 à 14h. J’aimerais vous rassurer, vous dire que c’est gagné mais je n’ai aucune idée de ce qui va se passer. Il nous faut attendre, encore…
18 L’étape suivante est plus positive, mais pour autant rien n’est vraiment réglé. Il s’agit seulement d’une suspension du jugement en cette période de vacances.
19 Un nouveau message de l’avocate de cette mère :
AFFAIRE RACHEL :
Je viens d’avoir un appel du Directeur général des services du département. Il a pris la décision de donner une réponse favorable à notre demande et suspend l’exécution du jugement jusqu’à mercredi, date de mon audience devant le premier président de la CA pour tenter d’obtenir la levée de l’exécution provisoire. Bref, pour le moment, les enfants restent chez eux !
Merci à tous ! À toutes les associations qui nous soutiennent, les médecins, et Danièle Langloys et des membres du groupe Egalited, et tous ceux que j’oublie et qui œuvrent autant que possible.
21 On entre alors dans cette période de congé. Tout le monde pense qu’il faut attendre la rentrée. Le président du groupe Egalited informe ceux qui se questionnent :
Point mort volontaire pour le moment. Le jugement doit être mis en application, mais les associations ont demandé au CD38 de placer les enfants chez les grands-parents. Le juge étant parti en vacances, le CD38 à la vue du dossier que l’avocate et les associations lui ont présenté, a trouvé urgent de surtout ne rien faire en attendant que le juge revienne. Donc statu quo pour le moment, au moins. Les enfants sont avec Rachel pour le moment, et elle les a inscrits en colo pour fin août.
On verra à la rentrée ce qui se passera, en espérant que l’appel soit rapide et qu’on explose tout le monde.
23 Mais à la surprise de tous, un nouvel événement se produit, alors que tout le monde pense que tout est suspendu pendant ces congés. En plein mois d’août, un nouveau rebondissement montre que décidément l’affaire est loin d’être réglée :
24 Le 5 août, le dossier R. Rachel doit présenter les enfants au Conseil général de l’Isère à 11 heures et placement lundi 11 h 30 en foyer.
25 Ce nouveau post suscite une série de commentaires incriminant l’orientation psychanalytique (« psy kk » de l’ASE). Malgré les congés, les réactions sont importantes et la mobilisation reprend. Un exemple parmi les commentaires ci-dessous :
On peut tourner tout dans tous les sens, on ne trouve pas de logique à cela, SAUF si on est dans un pays où la psychanalyse règne… car alors la mère devient une machine à « détruire » les « sujets » enfants… qu’ils soient autistes diagnostiqués ou pas ne change pas grand-chose… car la mère est alors source d’autisme. Les éléments clé sont : le rapport du prétendu expert et la sensibilité du juge à ses conclusions psykk. Sachant qu’à l’ASE c’est 100 % dominé par les idées et concepts de la secte psykk… au final on a un consensus, juge compris… c’est démoniaque.
27 C’est à ce moment que l’on assiste à une amplification de la mobilisation d’une majorité d’associations. En pleine période estivale, elles seront plus d’une centaine à soutenir ce dossier et s’exprimeront dans un communiqué de presse que nous publions ci-dessous.
Mobilisation des associations : communiqué de presse des associations concernant l’affaire Rachel
28 Les associations se mobilisent à la suite des membres des réseaux sociaux. L’affaire va alors se diffuser aussi dans la presse : 127 associations pour l’autisme publient le communiqué ci-dessous. Dans ce communiqué les associations porte-parole des usagers, remettent en cause la légitimité d’experts qui discréditent des diagnostics pourtant effectués par des professionnels compétents dans le domaine de l’autisme. Elles affirment et dénoncent le fait que ces soit-disant experts qui exercent dans un certain nombre d’institutions sanitaires comme les CMP, CMPP, hôpitaux de jour et dont les professionnels sont imprégnés par l’approche psychanalytique, continuent d’accuser les mères d’être à l’origine des troubles de leur enfant et n’hésitent pas à appeler l’ASE pour les séparer de leur enfant.
29 C’est ainsi que des parents accusés de maltraitance envers leur enfant, se retournent contre certains professionnels du soin pour les accuser à leur tour de maltraitance. Il s’agit donc d’une sorte de retour à l’envoyeur des usagers vers certains professionnels, lorsque les parents posent la question de savoir de quel côté se trouvent l’injustice et la maltraitance. Mais malgré l’indication du docteur Sonié, responsable du Centre de ressources autisme Rhône-Alpes qui met en garde contre ce placement dans une institution non adaptée pour ces trois enfants, la décision est maintenue.
30 Malgré cette mobilisation collective les enfants sont tout de même placés conformément à la décision du juge. Il faudra maintenant attendre plusieurs mois afin qu’un appel soit lancé pour remettre en question cette décision juridique de placement.
Sollicitation du CRA local pour les diagnostics des enfants
31 Le collectif ne désarme pas et se prépare à un futur appel de cette décision de justice, en sollicitant le CRA (Centre de ressources autisme) pour examiner les trois enfants et revoir le diagnostic. Fin août en effet, alors que les enfants sont placés depuis un moment, le groupe qui s’est mobilisé parvient à obtenir un rendez-vous pour des diagnostics par le CRA, alors qu’il faut habituellement environ un an d’attente avant d’obtenir un bilan. Si la responsable du CRA (le docteur Sonié) s’était exprimée concernant le risque pour les enfants de ce placement, les diagnostics n’avaient pas encore été examinés par le CRA. Seule la mère avait évoqué ces diagnostics qui avaient été infirmés par l’expert psychiatre mandaté par le juge. Cette fois ce sont des experts de l’autisme qui s’expriment, et c’est d’autant plus important pour ce dossier qu’ils pourront contrebalancer le diagnostic de l’expert (non spécialiste de l’autisme) et pourtant pris en compte par le juge, avec pour conséquence le placement des enfants en foyer. Mais ce foyer qui accueille les enfants prétend d’abord qu’il n’a pas assez de personnels pour les accompagner, ce qui est immédiatement interprété comme un désaccord avec cette démarche. Compte tenu de la pression exercée par le collectif, les enfants se présentent tout de même au rendez-vous fixé par le CRA. Les bilans sont alors effectués et le diagnostic est posé. Cet épisode a encore créé des remous sur Internet.
32 Le 2 septembre le président du groupe Egalited poste ce message relatif au diagnostic posé par le CRA :
Affaire Rachel : Pour rappel, la décision judiciaire se base sur le fait que les enfants n’auraient rien, que tout viendrait de la mère.
Le CRA vient de confirmer que les 3 enfants sont bien dans les troubles du spectre autistique et que donc les démarches de Rachel étaient fondées.
Vous comprendrez bien que cela relève du secret médical et que donc nous ne rentrerons pas dans le détail. Mais les faits sont là.
Merci au CRA et à sa responsable qui prend ses responsabilités.
34 La mère Rachel s’exprime après ce diagnostic elle exprime sa satisfaction : « Oui je le savais, après, les voir écris sa fait “drôle“, je li et reli, et entendre un médecin de CRA me dire que j’avais raison de m’inquiéter, que mes démarches étaient toute bonne, que c’est pas éducatif, qu’ils ont progresser grâce à tout ce que j’ai pu mettre en place, entre vendredi et aujourd’hui le CRA m’a redonner une place de mère. » Les fautes d’orthographe ont été laissées délibérément. Elles montrent que cette mère appartient à un milieu défavorisé. Ce qui confirme la remarque du collectif autisme engagé dans ce mouvement de protestation : « Il est inacceptable que des familles soient broyées par ce système, qui s’attaque de préférence aux plus faibles, mères isolées, familles étrangères, socialement défavorisées… » Cela correspond bien à la situation de cette mère qui élève seule ses trois enfants et appartient à un milieu plutôt défavorisé.
35 Une autre mère réagit alors à ce message de Rachel et la conforte dans son rôle :
« Heureuse nouvelle. Oh comme je comprends ce que tu ressens quand enfin un pro te dit que non t’es pas folle, oui tu avais raison, oui tes choix ont été les bons pour tes enfants. Et quand on va jusqu’à te féliciter pour ta persévérance et ton combat pour tes enfants. Ça fait un bien fou. »
37 Reste que malgré ce diagnostic du CRA établi en ce début du mois de septembre, pour le moment il faut attendre que l’appel soit possible. Les enfants sont toujours placés et séparés de leur mère.
Médiatisation de l’affaire Rachel
38 Le Conseil de l’Isère, mis en cause dans cette affaire, réagit alors dans un communiqué que nous publions ci-dessous, prenant fait et cause pour les institutions. Il argumente pour défendre ces institutions mises en cause par les associations, et présente ce « communiqué à charge » comme inacceptable. Il considère cette action comme « médiatique et scandaleuse ». Il accuse les associations d’être parties prenantes, c’est-à–dire proches de la personne concernée par ce jugement, et rappelle que l’on ne peut aller à l’encontre d’une décision de justice. Il affirme par ailleurs qu’il « comprend » cette contestation des familles mais il rappelle que ce sont « des experts médicaux » qui se sont prononcés et qu’il faut respecter cette « expertise ». Il faut aussi respecter la loi et la décision de justice : « la décision de justice s’impose » et donc accepter le placement de ces trois enfants. Le Conseil rappelle d’ailleurs à la fin de ce communiqué que « l’intérêt des enfants est le critère principal qui guide l’action des services du département », et appelle « au calme et à la mesure » en retournant la situation et en se présentant plus ou moins comme victime d’une accusation injustifiée, il parle en termes de « diffamation » (voir ce communiqué en annexe de l’article).
Autres témoignages d’affaires analogues dans les réseaux sociaux
39 En parcourant les discussions dans les groupes, on découvre que cette affaire est loin d’être la seule et il apparaît ici que l’affaire Rachel incite d’autres parents à témoigner. Cette affaire a un effet social, elle encourage d’autres qui étaient restés dans le silence, à s’exprimer. Elle déclenche des témoignages. À titre d’exemple, dans une discussion, une mère témoigne d’une histoire analogue. On comprend que cette mère finit par douter d’elle-même et reste comme figée dans un fatalisme, n’osant pas remettre en question le bien-fondé des déclarations d’experts.
Bonjour, c’est assez difficile à expliquer, à raconter. Je me suis plainte des services de l’ASE qui me rendent clairement responsable des troubles envahissants du développement de ma fille, qui a 8 ans. Ils m’ont même dit que je représentais un risque pour mon bébé d’un mois, car “il ne faut pas que je lui transmette ces mêmes troubles“… Je passe les détails. Ils sont culpabilisants et me font énormément douter en tant que maman. Suite à cette plainte, j’ai reçu un courrier du député qui me dit fermement que l’ASE n’agit que dans l’intérêt de mes enfants et que je me fais passer pour une victime ; ça me fait perdre confiance en moi en tant que maman. Je me demande ce que j’ai bien pu faire pour qu’on me perçoive comme une maman aussi “indigne“… Je ne sais plus quoi penser.
41 Et au fil de la discussion et par les réponses qu’elle apporte aux questions qui lui sont posées, on découvre cette autre affaire, qui est restée dans l’ombre et n’a pas suscité la même mobilisation, car elle est passée inaperçue. Ce qui vient de se passer pousse cette mère à témoigner pour la première fois. On apprend que « Le procureur a prononcé un non-lieu sur la demande d’assistance éducative que l’ASE a formulé pour mon bébé à peine né ! » On essaie alors d’en savoir un peu plus sur cette histoire. On comprend que, si le non-lieu a pu être prononcé pour le bébé, l’ASE continue néanmoins de s’occuper d’elle pour son autre enfant diagnostiqué autiste. D’où sa plainte auprès de son député concernant l’acharnement de l’ASE.
Apparemment, c’est la sage-femme qui me suivait pour ma grossesse, qui travaille dans le même conseil général que l’ASE, qui a “alerté “, en disant en gros que j’étais dans un couple pas solide (?) et que mon compagnon, ancien enfant placé lui aussi, n’avait pas «les outils pour être un bon père» du fait qu’il a été placé. Et comme ma fille est TED, selon eux c’est de ma faute…
43 Et dans ce témoignage on retrouve une fois de plus cette conception de l’autisme causé par des carences éducatives familiales qui met en cause les parents de ces enfants, tenus pour responsables de la pathologue de leur enfant.
L’avocate s’exprime sur son blog et fait le point sur cette affaire :
44 Sophie Janois, avocate à la cour qui a suivi cette affaire et qui a lancé la mobilisation, s’exprime dans un article sur son blog : elle reprend l’argument des parents mais en tant qu’expert incriminant l’emprise de la psychanalyse et la culpabilisation des parents.
Il s’agit d’un scandale dont je suis témoin en ma qualité d’avocat, mais que les institutions françaises, dans toutes ses strates, ont beaucoup de mal à traiter. Cela s’explique, en partie, par l’emprise de la psychanalyse, exception française, dernier bastion d’une armée tenue par des impératifs financiers, accusant les mères de tous les maux, et notamment d’être à l’origine des troubles du développement de leur enfant.
46 Elle rappelle et résume les éléments de cette affaire dans laquelle, malgré son expérience et son implication, elle est restée impuissante, ce qui implique l’existence d’une hiérarchie dans la crédibilité des experts. Il ne suffit pas d’être avocat à la cour avec une expérience dans le champ de l’autisme, comme cette professionnelle très respectée des parents pour obtenir gain de cause, cette affaire le prouve. Les points de vue des médecins sont davantage pris en compte. Ce sont eux qui sont tout en haut de la hiérarchie. Qui dit handicap dit nécessairement santé et médecine avant tout, même si dans ce champ médical tous les experts ne sont pas d’accord entre eux.
En l’espèce, un “pédo“psychiatre s’est vu confier l’expertise des 3 enfants et même des parents. Alors que l’autisme avait été diagnostiqué pour l’un et suspecté pour les deux autres enfants, cet expert a balayé d’un revers de la main cette réalité. Rachel serait “beaucoup trop attachée à une représentation invalidante et alarmiste de ses enfants qui développeraient des comportements préoccupants (excitation excessive, agressivité, énurésie, troubles du sommeil et du transit alimentaire), outre les risques de prises en charge médicales abusives“. Pour résumer, il est reproché à Rachel d’être convaincue, sans raison, que ses enfants sont atteints de troubles autistiques, ce qui nuiraità leur sécurité psychique, leur épanouissement personnel et leur équilibre affectif. Cette mère aimante s’est vu arracher ses trois enfants confiés aux services de l’Aide sociale à l’enfance. L’une, de 9 ans, vit aujourd’hui dans un foyer pour adolescents, les deux autres de 6 et 4 ans dans une pouponnière. Ce en violation des textes internationaux visant à protéger les fratries des séparations. Ce contre l’avis de médecins particulièrement reconnus en matière d’autisme qui ont alerté sur les terribles conséquences d’un tel acte.
Nous avons fait appel de cette décision. Mères, enfants, médecins, associations et des milliers de personnes concernées par l’autisme attendent beaucoup de la décision à venir…
48 Pour l’heure en effet il faut encore attendre l’appel pour espérer voir le dénouement de cette affaire et pour savoir si cette mère va retrouver ses enfants. Le temps lui paraît très long. Elle s’exprime dans les réseaux sociaux pour avoir une aide morale et sentir qu’elle n’est pas seule.
49 Ce n’est pas seulement sur Facebook que cette affaire circule, mais également sur tweeter comme le montrent ces tweets postés régulièrement toutes les semaines [6]. Notons que des personnes avec autisme se sont également exprimées sur cette affaire, comme Magali Pignard [7], personne avec syndrome d’Asperger, mère d’un enfant autiste sévère et très engagée dans les réseaux sociaux. En tant que membre d’Alliance Autiste, une association de personnes avec autisme, elle a eu l’occasion de donner son point de vue sur cette affaire dans le cadre de l’ONU le 30 octobre 2015 [8].
50 Dans cette déclaration, elle rappelle d’abord la situation française : « la prégnance de la psychanalyse parmi les professionnels du social et médico-social, et ceux-ci qui considèrent que l’autisme est une psychose provoquée par une mauvaise relation maternelle […] » et « Ils n’hésitent pas à remettre en question le diagnostic d’autisme voire à faire pression sur le centre de dépistage pour ne pas diagnostiquer tel ou tel enfant. » Mais elle fait aussi apparaître un autre aspect de la situation de Rachel que nous n’avons pas mis en avant, qui est que cette femme non seulement est seule avec ses enfants, mais elle est aussi elle-même concernée par l’autisme, puisqu’elle a un syndrome d’Asperger et cela n’arrange pas sa situation : « En France, lorsqu’une mère isolée a un enfant autiste, il y a un risque non négligeable que cet enfant lui soit enlevé pour être placé en foyer ou famille d’accueil. » et elle explique que ce risque est encore accru lorsque la mère est elle-même autiste. Et en tant que personne concernée (puisqu’elle est elle-même autiste et mère d’enfant autiste) elle donne des éléments pour comprendre la situation :
« En effet, une femme autiste ne comprend pas vraiment les conventions sociales et par conséquent a du mal à les suivre ; elle n’a pas conscience que les professionnels censés l’aider la jugent sur son apparence, dont elle se souciera généralement peu. Une femme autiste a souvent un comportement décalé, interprété comme une attitude “bizarre” (par exemple elle pourrait parler d’un ton monocorde, ne pas regarder dans les yeux, avoir un visage inexpressif ou avoir ou des tics nerveux, se tenir trop près ou trop loin de l’interlocuteur, ne paraissant pas l’écouter, paraissant être ailleurs). Ce comportement général sera perçu comme suspect par les professionnels (médecin, assistante sociale, puéricultrice, pédopsychiatre). »
52 Cette analyse d’une personne concernée est précieuse car elle fait mieux comprendre pourquoi malgré une défense active avec une avocate compétente, et malgré l’appel de cette décision de placement, la décision du juge a été maintenue.
Analyse de l’affaire rachel au regard de l’histoire de l’autisme
Deux combats qui se chevauchent : celui entre experts et témoins et celui entre experts
53 Cette affaire montre d’abord un écart et une tension entre le discours du premier expert psychiatre non spécialisé dans l’autisme, saisi et dont l’avis a été suivi par le juge qui considère que la mère se trompe en suspectant de l’autisme chez ses enfants, et le discours de la mère elle-même soutenu par d’autres parents, une avocate et par le CRA que l’on peut qualifier de témoins. Mais cette affaire fait aussi apparaître un désaccord entre les experts eux-mêmes au sujet de l’autisme, comme le pointe Sophie Janois (voir ci-dessus) ainsi que Danièle Langloys présidente d’Autisme France dans ses témoignages, notamment dans son billet d’humeur intitulé J’accuse.
J’accuse une majorité de psychiatres de continuer à défendre une vision obsolète et grotesque de l’autisme, en violation du Code de Santé Publique qui leur fait obligation d’actualiser leurs connaissances, pour garder leur pouvoir et l’argent des formations psychanalytiques, et de ne pas être montés au créneau sur ce ridicule syndrome de Münchhausen. Nous sommes la risée du monde entier, mais qu’importe… Pas un syndicat de psychiatres n’a soutenu les recommandations de bonnes pratiques de 2012 en autisme, ni le plan autisme 3 qui y est fermement adossé. Pas un syndicat de psychiatres ne soutient l’actualisation des connaissances demandée par madame Neuville dans le cadre du DPC (Développement professionnel continu). […]
Et les mères doivent continuer à entendre dire qu’elles n’ont pas érotisé leur enfant, ou qu’elles sont “phalliquement lourdes“, ou qu’elles sont en état de “sidération“ face à leur enfant, ce qui provoque l’autisme, ou qu’elles sont trop froides ou trop fusionnelles, ne laissent pas la place au père, qui seul, dans le catéchisme freudien, “incarne l’espoir d’un dégagement par rapport à l’emprise ou à l’empreinte maternelle“. Le rôle du père, dans ce même catéchisme qui imprègne toutes les formations (médecins, infirmiers, travailleurs sociaux, psychologues) est de “séparer l’enfant de la mère et de le faire entrer dans le monde social“. “Le père apparaît comme tiers et comme obstacle qui s’oppose aux désirs de fusion de la mère et au désir incestueux de l’enfant.“ Ces imbécillités, inventées il y a plus d’un siècle, sont partout abandonnées, sauf en France !
55 Ainsi ce débat entre témoins et experts s’inscrit dans un autre débat, plus ancien, entre experts, qui continue à se perpétuer en France à propos de l’autisme. Entre les neurosciences et la psychanalyse, chacun défend sa thèse, dans le contexte actuel des recommandations de bonnes pratiques de la Haute autorité de santé publiées en 2012, lesquelles comme nous l’avons précisé, n’ont pas intégré la psychanalyse parmi les pratiques recommandées, celle-ci n’ayant pas apporté de preuves scientifiques de son efficacité dans ce domaine. Par ailleurs aujourd’hui les professionnels qui tiennent les postes clés dans les PMI, Camsp, CMPP, mais aussi dans les institutions comme les hôpitaux de jours, sont majoritairement encore formés à l’approche psychanalytique. Ce qui engendre, dans cette affaire Rachel comme dans bien d’autres, beaucoup de difficultés comme les familles le déplorent, en matière de diagnostics mais aussi de prises en charge inappropriées.
Rappel des grandes étapes de l’histoire de l’autisme
56 Pour mieux comprendre cette affaire Rachel, il est important de donner un aperçu synthétique de l’histoire de l’autisme pour appréhender les enjeux de cette situation.
57 Dans notre travail de thèse, Philip (2009 [9]) et dans un dossier de La nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation (2012), nous avons présenté cette histoire dans le détail comme une « histoire troublée » datant du début du siècle dernier et parcourue de courants contraires qui ont provoqué bien des turbulences et des remous, lesquels ont quelque peu obscurci et perturbé la compréhension que l’on pouvait avoir de ce syndrome complexe. L’autisme a été situé dans une catégorie Troubles envahissants du développement (TED) par le DSM IV (classification américaine) et la CIM 10 (classification internationale), très proches l’une de l’autre pour ce qui est de l’autisme, alors qu’il a longtemps été rangé dans la catégorie des psychoses par la classification française, la CFTMEA dont l’arrière-plan est psychanalytique. Le DSM V qui vient de sortir parle désormais de TSA (Troubles du spectre de l’autisme) qui se substitue aux TED. Cette histoire a connu une accélération ces vingt dernières années. Pour la première fois dans l’histoire d’un handicap, les parents ont joué un rôle majeur à travers leurs associations.
L’origine de cette histoire : découverte de Kanner en 1943
58 Kanner, le psychiatre autrichien qui a parlé d’autisme pour la première fois, s’est trouvé d’emblée partagé entre deux interprétations contradictoires : d’un côté il a indiqué que « nous devons supposer que ces enfants sont venus au monde avec une incapacité biologique innée à développer les contacts affectifs usuels avec autrui ». En affirmant cela, il semble s’écarter de l’explication psychologique du trouble. Pourtant il la réintroduit en imaginant volontiers l’autiste actif dans ce repli qu’il interprète comme coupure et rupture de toutes relations et refus d’ouverture face à un environnement vécu comme menaçant. Kanner lance ainsi la première hypothèse explicative, de nature psychologique, puisqu’il lui semble dans un premier temps que les mères de ces enfants ont, elles aussi, un profil particulier : très centrées sur elles-mêmes et sur leur carrière professionnelle, froides sur le plan affectif, incapables d’apporter à l’enfant la sécurité affective dont tout enfant a besoin pour se développer normalement. C’est ainsi que l’autisme sera expliqué dans un premier temps, par une distorsion de la relation entre la mère et l’enfant. Pourtant Kanner reviendra sur cette première hypothèse parce qu’il comprendra intuitivement que non seulement il fait fausse route, et que cette piste ne mène nulle part, mais encore qu’elle fait du tort aux mères en renforçant leur culpabilité, en en faisant officiellement des responsables de la pathologie de leur enfant.
59 Il y a donc là, d’emblée, dans cette histoire, au moment même de la découverte de cette pathologie, une implication des mères et des parents dans la pathologie elle-même dont on aura beaucoup de mal à se défaire, surtout en France, même si son auteur y a lui-même assez vite renoncé. Car même si Kanner renonce à cette explication psychologique, d’autres à sa suite la reprendront, entre autres Bruno Bettelheim, lequel a connu un grand succès dans les années 1970-1980, malmenant ainsi une multitude de parents, non seulement aux États-Unis mais un peu partout dans le monde et en France. Cette histoire imprègne encore la situation actuelle, comme le montre l’affaire que nous avons prise pour exemple.
La période 1943-1960 : mise en place des premières prises en charge
60 Dans cette période, que se passe-t–il ? Ce sont les premières prises en charge qui sont mises en place, mais elles restent relativement isolées. Il y a Bruno Bettelheim et son école orthogénique en 1950, inspiré par une conception psychologique de l’autisme qu’il a reprise de Kanner. Il connaîtra une grande influence en France à partir des années 1970 et jusque dans les années 1980. Comme toujours, il faut entre 10 et 15 ans pour que les pratiques des États-Unis soient connues en France. Il y a aussi Alfred et Françoise Brauner qui adaptent les programmes éducatifs de Seguin et de Montessori (en 1948). Ils travaillent en région parisienne dans un IME de Saint-Mandé. Ils ont rédigé un ouvrage dans lequel ils témoignent de leur pratique. Comme le notent Chapireau, Constant et Durand (1997) dans un chapitre de leur livre consacré à l’autisme : « à partir des années 60, le diagnostic d’autisme est porté plus souvent mais le flou des critères diagnostiques reste la règle » (p. 113).
La période des années 1960-1980 : le triomphe en France de la psychanalyse et le rejet des figures parentales
61 Selon ces mêmes auteurs, durant cette période, deux courants se dessinent : Dans les pays anglo-saxons :
62 « Une révision des concepts amène à distinguer les syndromes autistiques des psychoses. La référence aux aspects émotionnels et psychiatriques est réservée aux psychoses. L’autisme est décrit comme trouble envahissant du développement. » Cette référence a été reconnue en France très tardivement, en 1995, dans le texte d’une circulaire sur l’autisme, c’est-à–dire une vingtaine d’années plus tard. « Par ailleurs l’hypothèse d’une origine organique s’affirme de plus en plus. » Là encore il faudra beaucoup de temps pour qu’en France cette conception-là s’affirme. Pour l’heure, c’est le triomphe de l’approche psychanalytique, dont on n’est pas encore tout à fait sorti en France.
63 En France à la même époque :
64 Durant cette période, c’est Bruno Bettelheim qui constitue la référence en matière d’autisme. Il a été rendu célèbre en France grâce aux films de Daniel Karlin, notamment son film sur Marcia, un cas décrit dans son non moins célèbre livre La forteresse vide. Bettelheim appréhende l’enfant autiste comme prisonnier d’une « situation extrême », déshumanisante, qui le conduit à se « replier sur lui-même » pour continuer à vivre comme « un mort-vivant ». Bettelheim préconise de couper le lien pathologique qui unit ces parents coupables à leurs enfants pour donner à ces derniers une chance de se reconstruire. Comme le rappelle Bernadette Rogé (2003), « le terme de “parentectomie“ a été utilisé par analogie avec un acte chirurgical pour décrire cette rupture du lien entre l’enfant et sa famille ». Ainsi Bettelheim, dans son livre majeur intitulé La forteresse vide (1967), écrit : « Le facteur qui précipite l’enfant dans l’autisme est le désir de ses parents qu’il n’existe pas. » Lorsqu’ils confient leurs enfants à l’école orthogénique, les parents doivent accepter de ne plus voir leur enfant pendant un certain temps, pour laisser l’institution thérapeutique faire son travail salvateur. En échange Bettelheim leur promet la guérison.
65 Cette situation de rupture proposée aux parents n’est pas sans faire penser à ces situations d’enfants placés dans des familles d’accueil, décrites par Martine Lani Bayle (1990), ce qui les prive, parfois brutalement, de tout ce qui constitue leur passé et leur identité. C’est bien la situation de ces trois enfants de Rachel considérée comme une mauvaise mère à l’origine des difficultés de ses enfants.
Situation actuelle : la controverse entre approche psychanalytique et approche comportementale
66 Comme l’explique Chamak (2007), « dans les années 1990 une crise s’est installée : crise de confiance chez les parents, crise de gestion de l’accueil et de la prise en charge faute de places, crise des modèles, crise de la pédopsychiatrie française et de son isolement par rapport aux modèles anglo-saxons. Plusieurs associations de parents réclamaient que les psychiatres français adoptent la classification internationale et que soient généralisées les méthodes éducatives et comportementales ». Les associations de parents ont en effet contribué à faire évoluer les représentations de l’autisme et ont influencé les politiques publiques. Elles se sont impliquées dans la promotion des méthodes éducatives et comportementales intitulées : Thérapies cognitives et comportementales (TCC), thérapies qui impliquent une participation active des parents, ce qui n’était pas le cas auparavant lorsque les psychothérapies psychanalytiques étaient majoritaires. Les recommandations de la HAS (Haute autorité de la santé) sorties en 2012 se sont inscrites dans cette controverse entre experts de l’autisme. Elles ont reconnu la validité scientifique des TCC (en particulier Teacch et ABA). Ces recommandations ont suscité une très vive polémique dont nous ne sommes pas encore sortis aujourd’hui.
67 C’est donc une véritable guerre qui s’est engagée, comme l’explique Jean Bart (2014), « qui met d’un côté les psychiatres et les psychanalystes et de l’autre les neurologues et généticiens. Les méthodes s’affrontent aussi entre les tenants d’une approche organique et ceux d’une approche psychologique ». Dans un article Jacques Van Rillaer (2013) partisan de la psychologie scientifique, c’est-à–dire « basée sur des preuves », rappelle que le mot thérapie est souvent préféré à celui de psychothérapie (on parle ainsi des TCC [10]) parce que le préfixe psycho évoque l’âme (psuckê) « les comportementalistes ne s’occupent pas de l’âme, mais de comportements – c’est-à– dire des actions, des pensées, des émotions –, de l’organisme et de l’environnement physique et social. Rappelons que Freud définissait la psychanalyse comme “une partie de la science de l’âme [11]“ et que c’est par référence à cette entité que certains freudiens, comme Élisabeth Roudinesco, affirment l’impossibilité d’évaluer les effets des cures psychanalytiques : “L’évaluation dite ‘expérimentale‘ des résultats thérapeutiques n’a guère de valeur en psychanalyse : elle réduit toujours l’âme à une chose [12].” »
68 Et ce manque d’évaluation scientifique est bien la raison pour laquelle la psychanalyse n’est pas recommandée par la HAS, car elle n’est pas validée par des recherches internationales.
69 Avant de revenir à notre cas exemplaire, notons que cette controverse entre experts de l’autisme se trouve en arrière-plan. Se référer en effet à ce syndrome de Münchhausen, c’est nier ces nouvelles approches de l’autisme et psychologiser la situation en rendant une fois de plus la mère responsable du mal être de ses enfants. Nous sommes très loin d’être sortis de cette controverse et des spécialistes en France continuent de se référer à une approche qui n’a pas fait ses preuves.
Discussion : impact des réseaux sociaux sur l’empowerment et la recherche
Prise en compte du contexte de cet « événement situé »
70 Dans cette affaire, nous sommes dans un contexte particulier qui est celui des réseaux sociaux (ici facebook) et nous nous devons de prendre en compte la spécificité de ce contexte. Et pour ce faire nous nous référerons au cadre théorique de « l’interactonnisme structural » (Degenne, Forsé, 1994), dans lequel sont pris en compte comme objets d’étude non les caractéristiques des individus eux-mêmes, mais plutôt les relations entre les individus et les effets de ces relations sur leurs comportements. Quant au réseau social, Michel Forsé (2008) en propose la définition suivante : « Un réseau social est un ensemble de relations entre un ensemble d’acteurs. Cet ensemble peut être organisé (une entreprise, par exemple) ou non (comme un réseau d’amis) et ces relations peuvent être de nature fort diverse (pouvoir, échanges de cadeaux, conseil, etc.), spécialisées ou non, symétriques ou non (Lemieux, 1999). Les acteurs sont le plus souvent des individus, mais il peut aussi s’agir de ménages, d’associations, etc. » Et comme l’explique Pierre Merklé (2004), « l’analyse des réseaux sociaux est un moyen d’élucider des structures sociales et de s’interroger sur leurs rôles ». C’est bien en ce sens que l’analyse de ce contexte nous intéresse ici. Le réseau social par ailleurs est bien un système de relations. Comme l’explique Forsé la cohésion du groupe est d’autant plus importante que les échanges sont denses et fréquents, ce qui est assurément le cas du groupe qui constitue le contexte de notre étude. Il s’agit d’un groupe assez homogène, privé, donc non ouvert (c’est-à–dire non public comme d’autres). Les personnes qui le constituent ont un même rôle social puisqu’il s’agit essentiellement de parents d’enfants autistes (ces parents pouvant être autistes eux-mêmes) et de quelques professionnels qui ont été acceptés dans le groupe et dont le rôle est d’aider les parents et de les informer. Cette configuration du réseau peut expliquer son efficacité dans l’action. Ce réseau social peut s’apparenter à ce que Degenne et Forsé (1994) appellent « un cercle social ». Selon ces auteurs, « un cercle social est un ensemble d’individus entre lesquels fonctionnent certains codes, certaines règles, des symboles, des représentations, plus généralement un système d’inter– reconnaissance. Les individus qui constituent un cercle social ne se connaissent pas nécessairement, mais ils se reconnaissent à travers des comportements, des pratiques qui manifestent leur appartenance à ce cercle ». Ainsi les cercles sociaux ont trois caractéristiques selon ces auteurs : « La cohésion interne due à la force des relations entre membres, l’identité par rapport aux autres, (sa distinction, ses modes d’exclusion) et la complémentarité des rôles de ces membres. »
71 Assurément on retrouve bien ces caractéristiques dans le groupe nommé Egalited [13], sachant que dans cet intitulé il y a à la fois la notion d’égalité qui est une valeur revendiquée de ce groupe et le sigle TED qui renvoie aux Troubles envahissants du développement et à l’autisme. Un site Internet existe d’ailleurs avec le même intitulé mais orthographié autrement [14]. Sur ce site une mise en garde à destination des parents figure sur la page d’accueil : « Gardez en tête qu’à partir du moment où vous êtes confrontés à l’autisme, votre vie va être bouleversée. Compte tenu de l’incompétence notoire de nombreux professionnels médicaux et paramédicaux dans ce domaine, vous ne pourrez pas faire aveuglément confiance au “docteur en blouse blanche“. Il vous faudra vous informer par vous-même, vous former, faire preuve de recul et d’esprit critique. Le meilleur spécialiste de votre enfant, c’est vous, le parent, pas le médecin. Le meilleur allié de votre enfant, c’est encore vous. La seule personne apte à décider de ce qui est bon ou pas pour lui, c’est toujours vous et personne d’autre. Nul ne défendra les droits de votre enfant à votre place. » Cette mise en garde montre bien que ce qui est nommé comme « un collectif » s’adresse bien aux parents et les resitue d’emblée dans leur responsabilité propre en attirant leur attention sur le manque de compétences de certains professionnels médicaux, ce qui renvoie au débat entre experts dans le champ de l’autisme déjà évoqué.
72 En l’absence d’une tâche précise comme celle que nous étudions ici, le réseau véhicule de l’information, avec une grande fluidité et promptitude. Lorsqu’il s’agit de se mobiliser dans une action, nous constatons la rapidité de la mobilisation d’une grande partie de ses membres, une forte implication, un suivi régulier des messages et surtout une capacité importante à créer une pensée collective.
73 Dans ce groupe facebook tout s’est enchaîné de façon très rapide. Cela a débuté par un simple post dans ce groupe privé, il s’en est suivi des courriers associatifs, puis un communiqué de presse (avec le soutien officiel d’une centaine d’associations) qui a permis de relayer l’affaire dans la presse et sur les ondes et de rendre ainsi le débat public. On peut ainsi mesurer le poids de ces réseaux qui ont permis à ces parents de se faire entendre, même en pleine période estivale. Ainsi l’affaire n’est pas restée dans ce groupe privé où tout a débuté, mais s’est très vite répandue dans d’autres groupes sur l’autisme et a surtout été relayé par les medias, en très peu de temps. Pour ce qui est de la presse, citons à titre d’exemple le Dauphiné Libéré, journal local, qui a choisi de publier côte à côte les deux versions de l’affaire, celle des associations révoltées par cette action injuste de l’ASE et celle du Conseil général qui se place du côté des institutions, notamment celle de la justice, et qui les défend.
L’impact des réseaux sociaux sur les usagers : le développement de l’empowerment
74 Cet exemple montre à coup sûr l’importance des réseaux sociaux dans le pouvoir qu’ils donnent à de simples citoyens, ici des témoins du handicap, parents d’enfants autistes, de faire entendre leur voix en se rassemblant autour d’une cause commune. Même si cette notion d’empowerment est très largement utilisée aujourd’hui dans différents domaines, il nous semble intéressant de nous y référer dans le cadre de cette étude. En effet, si l’empowerment représente « le développement du pouvoir des individus ou des groupes en vue d’améliorer leur condition », comme l’expliquent L. Baudin, Z. Bourdier et L. Querel (2013), ou encore Thomas Kirszbaun (2011) qui le décrit comme « un processus par lequel un sujet, collectif ou individuel, augmente son pouvoir d’agir pour mieux maîtriser son destin », ou bien encore Yann le Bossé (2003) qui souligne la dimension de « maîtrise » dans cette notion, en la présentant comme « la capacité des personnes et des communautés à exercer un contrôle sur la définition et la nature des changements qui les concernent », alors on peut considérer que les réseaux sociaux, quand ils sont organisés et conduits comme des « cercles sociaux », peuvent avoir cette capacité de développer l’empowerment de ceux que le secteur médico-social appellent les usagers. Au lieu de les laisser dans une position qui consiste à subir des situations souvent insupportables comme celles que nous rapportons, elle leur donne cette possibilité de se rassembler autour d’une cause commune. Pas seulement pour s’exprimer et échanger, mais véritablement pour agir. De façon encore plus directe que dans le cadre des associations, où bien souvent, seul(e) le (la) président(e) s’exprime, ces réseaux leur donnent cette capacité de se mobiliser pour une cause. Ils leur donnent cette capacité d’agir et les transforment en acteurs, là où ils avaient tendance à être réduits à des spectateurs. Comme l’explique Yves Le Bossé, cette définition de l’empowerment comme pouvoir d’agir permet de comprendre que l’empowerment « se distingue du seul pouvoir d’influence ou de domination, en ce sens qu’il ne vise pas tant le rapport de force que la conduite d’un projet signifiant ». Pouvoir agir c’est avoir les moyens de se mettre en action. Les réseaux sociaux, bien utilisés, donnent à ces parents les conditions de possibilité d’une telle mobilisation. Cela est rarement reconnu et pris en compte, tant on a une idée réductrice de ces réseaux sociaux. Ils sont en effet actuellement encore déconsidérés et ramenés à l’expression de la subjectivité des personnes qui y étalent leur vie personnelle. De ce fait les chercheurs s’y intéressent très peu, il faut le reconnaître. Dans notre recherche bibliographique, nous avons eu bien des difficultés à trouver de telles analyses.
Incidence des réseaux sociaux sur la recherche
75 Cette affaire rendue publique montre l’importance des réseaux sociaux (ici facebook) qui donnent aux usagers la possibilité de s’exprimer et de se rassembler pour faire entendre leurs points de vue. Nous sommes à l’ère de ce que certains appellent la révolution numérique, qui permet à tous les citoyens de s’informer, d’échanger et de se rassembler. Actuellement ces réseaux n’intéressent pas beaucoup les chercheurs, comme le remarque Dominique Boullier dans un article du journal Le Monde [15]. Il a publié récemment un ouvrage sur la question (2016), et dans cet article du Monde il répond aux questions d’un journaliste et s’étonne de ce que les sociologues aujourd’hui ne se soient pas encore engagés dans cette analyse des matériaux numériques, comme nous avons tenté nous-même modestement de le faire ici, à partir d’une histoire. Mais combien d’autres histoires se développent sur la toile. Que de matériaux, disponibles pour les chercheurs et actuellement sous-exploités ? Dans cette révolution numérique, on assiste à ce que Dominique Boullier appelle « une accélération du temps sur l’observation de la société ». On peut trouver dans ces réseaux « l’écoute en temps réel des traces des consommateurs », ce qui pour l’heure n’intéresse que les publicistes. Mais c’est oublier que « ces plates-formes comme facebook ou google portent en elles une pensée sur la société, difficile à avaler pour les sciences sociales ». À titre d’exemple, le succès du hashtag je suis Charlie renvoie à un phénomène social, « dont on ne peut dire qu’il ne constitue pas un matériau intéressant ».
76 Cet article note un phénomène d’amplification qui occupe désormais tout l’espace. Ces échanges dont nous avons donné des exemples disent des choses sur notre société et produisent des effets importants sur l’opinion. Il s’agit là d’un phénomène significatif de notre temps et il serait temps que les chercheurs s’en emparent pour ne pas laisser les seuls journalistes commenter ces événements, comme celui qui vient de circuler dans les réseaux sociaux exhibant la photo de cet enfant de migrant mort sur une plage de Turquie.
77 L’auteur de l’article cité (Dominique Boullier) regrette que les sociologues privilégient les études à long terme, « alors qu’il faudrait donner leur place à l’étude des “vibrations“, phénomènes de propagation sociale, et aux technologies qui les favorisent ». Il plaide ainsi pour des « sciences sociales de troisième génération, qui s’emparent de ces nouveaux phénomènes pour les requalifier : il faut inventer des concepts, des outils et des limites de validité pour ces nouvelles données, ces traces auxquelles nous n’avions pas accès ». Grâce à cette technologie on peut aussi, comme nous l’avons montré, suivre l’histoire en direct. Ce chercheur avant-gardiste en vient à proposer la création d’une nouvelle discipline, les Social data sciences, une approche qui entend équiper en numérique toutes les sciences sociales, en formant ce qu’il appelle « des chercheurs hybrides », compétents en matière de statistiques, algorithmes et Sciences sociales. Les sciences sociales ne doivent donc pas se laisser déborder par le numérique, elles doivent prendre en compte cette société de la « haute fréquence » et ne pas rester enfermées dans leur tour d’ivoire, en ignorant cette accélération de l’information et en la considérant comme sans intérêt et superficielle. Il est temps de prendre en compte « cette accélération qui permet une connexion généralisée de tous les acteurs »
Le rôle des collectifs pour le handicap : associations et réseaux
78 Un ouvrage de sociologie récent analyse l’histoire du handicap. Dans son chapitre 5 intitulé : « Mobilisations et action collective », nous constatons que seule l’action des associations est évoquée, laissant complètement de côté et dans l’ombre le rôle des réseaux sociaux. Une preuve s’il en est que ces réseaux sociaux ne sont pas encore pris en compte par les chercheurs, comme l’affirme Dominique Boullier. En effet lorsque les collectifs de personnes handicapées sont évoqués, c’est d’emblée les associations qui sont citées. Certes ces dernières ont joué et jouent encore un rôle essentiel dans les politiques du handicap. Mais notre exemple montre que les collectifs de personnes concernées par le handicap existent aussi dans les réseaux sociaux. Bien souvent ils précèdent l’expression des associations de parents d’enfants handicapés. Leur action est encore passée sous silence parce que méconnue. Comme le suggère Dominique Boullier, il faudrait que les chercheurs s’y intéressent. Certes avant l’ère du numérique, les associations étaient le seul relais entre les usagers et les politiques et la seule possibilité pour eux de s’exprimer et de se faire entendre. Ces collectifs associatifs ont joué un rôle décisif dans l’histoire du handicap. Comme le rappellent les auteurs du chapitre I (Ville et al., 2014, p. 129), « ces associations œuvrent essentiellement sur deux axes : elles élaborent d’une part un espace de partage et une culture commune, à partir d’identités singulières et éclatées ; elles défendent d’autre part leur cause auprès des pouvoirs publics ». Ces collectifs associatifs défendent le principe d’autodétermination qui se résume dans cette affirmation : « Nothing about us without us », « Rien sur nous sans nous ». Le concept qui fonde ce principe est celui d’empowerment » (p. 142), déjà évoqué. Il est intéressant de constater que ce mouvement intellectuel et social soutient également les échanges et les mobilisations dans les réseaux sociaux. Certes les associations et même les mouvements interassociatifs ont encore un rôle très important à jouer, notamment dans l’internationalisation de la question du handicap. Mais ce que montre notre étude c’est que les réseaux sociaux constituent aujourd’hui un nouveau champ de mobilisation qui précède même celui des associations. C’est en effet d’abord dans les réseaux sociaux que l’affaire Rachel s’est développée avec une rapidité fulgurante, suscitant dans un second temps une mobilisation associative, puis interassociative, qui sera d’ailleurs relayée auprès de l’ONU, portée par les associations. Il est donc temps de reconnaître le rôle décisif que peuvent jouer ces réseaux dans l’expression des personnes concernées, dans leur information aussi et dans l’aide qu’ils apportent pour la défense de leurs droits fondamentaux. Nous espérons avoir apporté une pierre à cet édifice en voie de construction. Cette expression libre est d’autant plus nécessaire que, même si aujourd’hui l’expression des usagers relève de l’obligation légale, « il n’en reste pas moins que personnes malades et handicapées doivent souvent batailler pour être entendues », comme le remarquent les auteurs du chapitre déjà cité (p. 150).
79 « Les choix de recherche sur les maladies chroniques restent globalement élaborés par les médecins et axés sur l’étiologie et les traitements. Or pour nombre de personnes malades et handicapées, vivre mieux au quotidien, grâce à des aménagements cliniques, techniques et ergonomiques, importe plus qu’une hypothétique guérison. » C’est dire combien le pouvoir des experts, surtout médicaux, est encore important dans notre pays. Dans le champ de l’autisme, rappelons que les recommandations de bonnes pratiques pour l’autisme ont été élaborées par la HAS (Haute autorité de santé) en 2012, considérée comme seule apte à émettre un point de vue. Ainsi ces espaces numériques sont-ils très importants pour ces personnes concernées par le handicap. Ils leur permettent à la fois de s’exprimer en toute liberté et de se mobiliser pour défendre leurs droits.
Ce visuel ci-dessus a été posté et actualisé de jour en jour dans les réseaux sociaux
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Conclusion : dernières nouvelles de l’affaire rachel et aboutissement législatif et réglementaire
80 Les dernières nouvelles sont données dans un message publié par l’avocate Sophie Janois (février 2016) :
81 Aperçu des raisons du maintien du placement suite à l’appel :
– On reproche à Rachel d’avoir dit que ses enfants sont autistes alors qu’ils sont diagnostiqués TED…. (Oui oui…) Ils ne sont donc pas autistes… (Oui oui…) (évidemment autisme était employé au sens commun du terme…)
– de s’être tournée vers les professionnels de santé au lieu de se tourner vers une aide éducative,
– Les enfants doivent donc être protégés d’une représentation invalidante et alarmiste… (sic)
– De fait est maintenue l’idée qu’elle serait Münnchausen par procuration, et ce d’autant que les enfants évoluent bien depuis la mise à distance de leur mère (ils évoluaient bien avec leur mère aussi…)
– Pour l’ainée des enfants, on reconnait enfin l’autisme parce qu’il est écrit Asperger sur son diagnostic (ouf, ce n’est pas écrit TED), mais alors, plutôt que de donner pour une fois raison à Rachel, on s’inquiète de la façon dont elle va s’emparer du diagnostic dans sa relation avec sa fille…
– Sa posture n’est pas rassurante pour l’avenir car elle demeure convaincue qu’elle a un combat à mener contre toutes les institutions pour démontrer envers et contre tous les handicaps des garçons (Quelles institutions ? Quel combat ? Rachel n’a jamais même attaqué une MDPH devant un TCI, et la reconnaissance MDPH d’un des garçons ? Ah mais oui, TED ne veut pas dire autisme et donc pas de handicap, enfin… si je comprends bien…) Le placement reste donc justifié.
Quand une Cour d’appel joue avec les termes médicaux qu’elle ne maîtrise pas, elle commet des erreurs. L’erreur judiciaire est donc entérinée. Vous aussi vos yeux saignent ?
83 Si l’affaire Rachel pour le moment n’a pas connu d’aboutissement positif dans la mesure où le Juge n’est pas revenu sur sa décision de placement des enfants suite à l’information préoccupante, la seule note positive de cette affaire est la publication récente d’une mesure (mesure 38) ajoutée en annexe au Plan autisme 3 : un plan d’action Aide sociale à l’enfance en relation avec l’Autisme. Le groupe Egalited et l’association Autisme France, très impliqués dans cette affaire Rachel, se sont livrés à un combat pour aboutir à cette mesure. (Voir en annexe 2 quelques extraits de cette mesure). Un décret est également en cours de préparation pour préciser les modalités de l’évaluation des Informations préoccupantes (IP) et « favoriser le recours aux experts dans les situations qui le justifient (notamment quand les enfants sont atteints de troubles du spectre de l’autisme ou qu’il existe un doute sur le diagnostic) ». Ainsi toute cette mobilisation ne se sera pas développée en vain, puisque contrairement à ce qui s’est passé dans cette affaire, les juges seront désormais dans l’obligation de recourir à de vrais experts en cas de suspicion d’autisme, ce qui n’a pas été le cas pour Rachel. Ainsi cette affaire aura-t–elle pour conséquence de modifier un certain nombre de situations insupportables liées à une méconnaissance de ces Troubles du spectre de l’autisme (TSA).
Annexe 1
Annexe 2 : extraits de l’annexe au plan autisme 2013-2017 (mesure 8)
84 Comité de suivi 15 juin 2016
85
Action 2 : Sensibiliser et former les professionnels impliqués dans le premier niveau d’informations préoccupantes.
Il convient que les professionnels impliqués dans le premier niveau d’informations préoccupantes (professionnels de santé ou du travail social, enseignants…) soient mieux informés, sensibilisés mais également formés aux spécificités de l’autisme conformément aux recommandations HAS/ANESM en vigueur. Il convient qu’ils puissent s’appuyer sur des outils communs, comme des grilles de signaux d’alerte qui permettent de faciliter le repérage de l’autisme et donnent des repères pour distinguer les manifestations de carence et de maltraitance des symptômes de l’autisme.
86 Action 6 : Développer les connaissances des magistrats en matière de handicap et de santé – Sensibiliser les juges des enfants et magistrats des parquets chargés des affaires des mineurs aux problématiques de l’autisme et du handicap, notamment en provoquant la publication d’articles dans les revues spécialisées des magistrats ou dans les revues lues par ceux-ci (Actualités sociales hebdomadaires, Journal du droit des jeunes, Lien social…), – Organiser régulièrement une conférence sur l’autisme au sein des écoles de la magistrature.
87
Action 8 : Afin notamment d’améliorer la qualité de la qualification de l’information préoccupante et de l’évaluation de la situation.
Dans chaque département, l’ARS désigne en lien avec les associations représentatives les ressources expertes en matière de troubles du spectre de l’autisme, chargée d’établir un diagnostic en urgence pour les enfants faisant l’objet d’une transmission d’Information préoccupante (IP) ou accompagnés dans le cadre d’une décision de protection de l’enfance et présentant une suspicion de troubles du spectre de l’autisme (CRA, ou toute autre ressource dont l’expertise et la conformité aux recommandations HAS et ANESM existantes est confirmée par l’ARS.
88 Le président du Conseil départemental aura recours à cette ressource dans le cadre de l’évaluation de l’IP ou en amont de la qualification (lors de la transmission d’information ou dans le cadre du dialogue informel mis en place) dès lors qu’il existe un doute sur la nature des troubles de l’enfant et donc la nécessité d’établir rapidement un diagnostic formalisé.
89 La décision relative à la qualification de l’information préoccupante est un moment clé et donc une responsabilité particulière qui justifierait qu’elle soit exercée par un cadre par délégation du président du Conseil départemental.
90 Ces ressources expertes en matière de diagnostic de TSA seront également mobilisables à chaque fois que nécessaire dans le cadre du processus de protection de l’enfance.
Bibliographie
Références
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- Ville, I., Fillion, E., Ravaud, J.–F. (2014). Introduction à la Sociologie du handicap, Histoire, Politiques et Expériences. Louvain-La-Neuve : Édition De Boeck.
Mots-clés éditeurs : Controverses, Histoire de l’autisme, Usagers, Réseaux sociaux, Autisme, Associations, Experts, Étude de cas, Témoignages
Mise en ligne 26/01/2017
https://doi.org/10.3917/nras.075.0133Notes
-
[1]
Bichindaritz, I. (1995). Incremental concept learning and case-based reasonning: for a cooperative approach. In I.D. Watson (Ed.), Progress in case-based reasoning (p. 91-106). Berlin: Springer.
-
[2]
Dans un ouvrage plus récent (2012) Guillemette préfère la traduction de « théorisation enracinée » à celle de « théorie ancrée » car « un ancrage empêche un bateau (ou une maison, par exemple) de bouger ; cette symbolique est contraire aux fondements épistémologiques de la Grounded Theory », tandis que la notion d’enracinement renvoie à « une façon de nommer le processus que constitue cette méthodologie, un processus qui consiste à constamment lier construction théorique aux données de terrain, un processus qui n’est jamais complètement terminé. Le terme « enracinée » correspond à la famille sémantique anglaise des mots « field », « root », « ground ».
-
[3]
Ces recommandations ont pour objectif de donner aux professionnels des repères susceptibles d’améliorer et d’harmoniser leurs pratiques et de favoriser l’épanouissement personnel, la participation à la vie sociale et l’autonomie de l’enfant et de l’adolescent.
-
[4]
Autisme et autres troubles envahissants du développement : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l’enfant et l’adolescent, HAS, ANESM, Méthode recommandations par consensus formalisé, 2012, p. 27
-
[5]
Sur le site Autisme Research Institute : Le « Docteur Münchhausen » n’exercera plus : http://www.autism.com/trans_french_ARRIv19no22005munchhausen Dans une publication de 2005, on peut lire que « Des milliers de parents ont été emprisonnés ou séparés de leur enfant pour s’être vus gratifier d’un diagnostic de “syndrome de Münchhausen par procuration“, trouble psychiatrique théorique qui conduirait les parents à maltraiter leur enfant afin de susciter l’attention du corps médical. » ARRI, 19(2). Note de l’éditeur : « Le syndrome de Münchhausen par procuration restera dans l’histoire, aux côtés de la théorie de la “mère réfrigérante“ de l’autisme, comme l’une des plus grandes injustices perpétrées contre les parents d’enfants malades. »
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[6]
Tweets à copier/coller pour demain samedi 12 septembre : 12/09/15 les 3 otages de l’ASE38 n’ont toujours pas été libérés : @CDIsere @ChTaubira @s_neuville @Elysee @manuelvalls #placementsabusifs
12/09/15 les 3 otages de l’ASE38 n’ont toujours pas été libérés @RMCinfo @franceinter @franceinfo @ Europe1 @RTLFrance #placementsabusifs
12/09/15 les 3 otages de l’ASE38 n’ont pas encore été libérés @le_Parisien @lemondefr @LeFigaro_France
@libe @ledauphine #placementsabusifs -
[7]
Nous avons conduit un entretien avec Magali Pignard qui figure dans ce dossier et où elle présente son parcours de personnes concernée à double titre, en tant que mère d’un enfant autiste sévère et non verbal et en tant que personne avec syndrome d’Asperger, de surcroît militante sur son blog de l’Express.
-
[8]
Déclaration orale à propos des femmes et des mères autistes lors de la 62e section du CEDAW (convention sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes), dans le cadre du Comité des Nations Unies pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 30 octobre 2015 au Palais des Nations à Genève. Sur le lien suivant figure le texte complet de cette intervention : http://allianceautiste.org/wp/wp-content/uploads/2015/11/20151030-AA_OrgIntl_ONU-CEDAW-d%C3%A9claration-orale-1.pdf
-
[9]
C. Philip (2009). Autisme et parentalité. Éditions Dunod.
-
[10]
TCC : Thérapies comportementales et cognitives.
-
[11]
« Ein Stück der Seelenkunde ». Définition donnée dans un des derniers articles de Freud : Some elementary lessons in Psychoanalysis (1938), rééd. in Gesammelte Werke, XVIII, p. 142.
-
[12]
É. Roudinesco (1999). Pourquoi la psychanalyse ? Fayard, p. 39.
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[13]
Notons qu’alors que le site Internet utilise le sigle EgaliTED, pour faire ressortir la catégorie TED (Troubles envahissants du développement), la page facebook utilise le sigle « Egalited ». C’est la raison pour laquelle dans cet article nous utilisons tantôt un sigle et tantôt un autre selon que nous ciblons le site ou la page facebook.
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[14]
Site EgaliTED : http://www.egalited.org/ « Bienvenue sur le site du collectif EgaliTED. Notre collectif a pour ambition de défendre les droits des personnes porteuses d’autisme et des autres Troubles Envahissants du Développement. Nous entendons œuvrer pour l’égalité des personnes autistes, la défense de leurs droits, et leur inclusion sociale, sur le modèle des meilleures pratiques en vigueur dans le monde. Ce site rassemble des informations et des ressources pour toutes les familles touchées par l’autisme. »
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[15]
D. Boullier (2015, 5 septembre). Les sciences sociales ne jouent plus leur rôle de contre-pouvoir. Le Monde.