Notes
-
[1]
J. Ajuriaguerra, Manuel de psychiatrie de l’enfant, « l’enfant et l’école », Masson, Paris, 1974, 861-874.
-
[2]
N. Catheline, Psychopathologie de la scolarité. De la maternelle à l’Université, Masson, Issy-les-Moulineaux, 2003, p. 212, p. 216.
-
[3]
Ibid.
-
[4]
M.-C. Le Heuzey, M.-C. Mouren, Phobie scolaire. Comment aider les enfants et les adolescents en mal d’école?? Josette Lyon, Paris, 2008, p. 18, p. 19, p. 118.
-
[5]
E. Jagut, « Phobie scolaire, un trouble méconnu », Le Monde de l’Éducation, n° 309, décembre 2002, p. 52.
-
[6]
Estime de soi et réussite pour tous, Acte du séminaire académique CRDP académie de Grenoble, p. 93.
-
[7]
7 Le Monde de l’éducation, décembre 2006, n° 353, « Profs-élèves, faut-il s’aimer pour réussir?? » En ligne?: <http://www.lemonde.fr/mde/anciens/decem2006.html>
-
[8]
M.-C. Le Heuzey, M.-C. Mouren, opus cit.
-
[9]
Y. Barrere, M. Botbol, N. Mammar, L’absentéisme scolaire. Du normal au pathologique, Hachette Littératures, Paris, 2006, p. 214.
-
[10]
M.-C. Le Heuzey, M.-C. Mouren, opus cit.
-
[11]
Site de la Fédération pour l’enseignement des malades à domicile et à l’hôpital?: <www.femdh.fr>
1 Évoquer la phobie scolaire n’est jamais simple car ce terme recèle une complexité diagnostique et une multitude d’expressions symptomatiques qui peuvent laisser perplexe.
2 Les dispositifs pédagogiques qui vont soutenir l’élève lors de cet arrêt temporaire de scolarité ainsi que les stratégies thérapeutiques mises en place lors du suivi des enfants et adolescents souffrant de phobie scolaire ne peuvent alors s’imaginer qu’à travers cette diversité clinique.
3 Les parcours présentés ici, à travers l’histoire de plusieurs jeunes, détailleront chronologiquement les prises en charges successives tant au niveau pédagogique que thérapeutique et illustreront parfaitement la souplesse et l’adaptabilité constante nécessaire face à ce trouble complexe.
4 Derrière ce terme de phobie scolaire qui pourrait se traduire par peur de l’école ou école qui fait peur se cache une problématique à facettes multiples.
5 Est-ce l’école qui devient cause d’anxiété ou est-ce l’enfant qui à un moment de sa vie ne peut se rendre dans le lieu école?? Est-ce l’école qui est à l’origine du trouble?? Ou ne devient-elle pas une manifestation symptomatique comme d’autres?: élément d’un tout dont la globalité serait la clé du trouble de l’enfant?? L’école ne serait alors qu’un révélateur.
6 Quoi qu’il en soit, le refus anxieux de l’école que J. Ajuguierra définit comme « enfants qui pour des raisons irrationnelles, refusent d’aller à l’école et résistent avec des réactions d’anxiété très vives ou de paniques quand on essaie de les y forcer [1]» s’accompagne d’une multitude de symptômes divers et variés?: anxiété, panique, maux de ventre, vomissements, céphalées, diarrhées, troubles du sommeil, crises d’angoisse le dimanche soir et le lundi matin, sur le trajet de l’école voire même à la seule pensée de l’école.
7 On ne retrouve pas forcément d’élément déclenchant à l’absentéisme scolaire persistant même si on identifie parfois un évènement marquant dans la vie familiale ou scolaire de l’enfant. De plus certaines classes peuvent être considérées comme étant des passages clés dans sa scolarité (changement de cycle, d’école) et donc plus « à risque ».
8 Il en est de même de la durée des troubles pouvant aller de quelques mois à quelques années.
9 À ce terme de phobie scolaire ou refus anxieux de l’école, s’accole une pluralité de modèles psychopathologiques. L’évaluation diagnostique est alors primordiale afin d’orienter la prise en charge soignante?: de l’ambulatoire à l’hospitalisation, là encore, nous retrouvons un éventail de possibilités thérapeutiques.
10 Les dispositifs pédagogiques qui s’envisagent au service du soin, s’adaptent à la durée de l’absentéisme et à la capacité de l’enfant de s’inscrire dans des apprentissages scolaires.
Parcours d’adolescents
11 Nous avons choisi d’illustrer les dispositifs existants dans l’académie de Grenoble par des vignettes cliniques avec en encart la description des dispositifs mobilisés pour ces jeunes y compris du côté du soin.
Tatiana
12 T. est une jeune fille de 10 ans inscrite en CM1 dans une école élémentaire, scolairement elle ne présente aucune difficulté particulière. Les premiers signes d’alerte apparaissent à l’âge de 9 ans lorsque T. a de plus en plus de mal à venir en classe?: maux de ventre associés à des vomissements à chaque veille de reprise scolaire. Les difficultés sont telles que les absences perlées deviennent de plus en plus fréquentes et entraînent un décrochage, ses parents décident alors d’une prise en charge en ambulatoire en CMPP par un pédopsychiatre. Parallèlement à ces soins, durant plusieurs semaines, T. va bénéficier d’un aménagement au niveau des évaluations et quelques heures de Sapad en cours individuels au domicile lui permettent de reprendre pied. L’année suivante T. n’éprouve plus de difficultés majeures, mais cela recommence lors du passage au collège. Dès la rentrée, T. ne parvient pas à être assidue et les symptômes constatés deux années auparavant reprennent et entraînent de très nombreuses absences durant les deux premiers mois. Sur le plan des soins, un accompagnement en hospitalisation de jour ou HDJ débute au sein d’un service pour adolescents en clinique psychiatrique. Sur le plan scolaire?: un projet d’accueil individualisé ou PAI est mis en place afin de contractualiser une reprise régulière et progressive des cours?: d’abord quatre demi-journées de présence par semaine au collège durant le mois de novembre puis progressivement des matières seront ajoutées. Pour permettre une bonne transition entre l’emploi du temps aménagé et la reprise que l’on espère totale, des heures de cours individuelles par le Sapad sont organisées. Ces cours individuels se dérouleront au sein du collège mais l’entrée de la jeune dans le collège sera décalée par rapport à celle des autres élèves, afin d’éliminer un facteur anxiogène. Ce dispositif porte ses fruits?: les symptômes s’effacent et la jeune revient au bout de six semaines avec un emploi du temps complet au collège. La prise en charge médicale de la jeune va changer puisqu’après quelques semaines d’HDJ, le relais est assuré auprès d’une psychologue en libéral.
13 À l’heure actuelle T. suit une scolarité normale en 5e dans le même collège.
14 Dans le cas de T. nous pouvons observer une situation de rechute?: une fragilité latente de la jeune qui se révèle après une année sans problème majeur. La problématique du refus anxieux de l’école réside dans le fait qu’une fois les symptômes estompés, il persiste une certaine fragilité, qui est particulièrement mise à jour lors de l’adolescence période où tous les affects sont exacerbés. Comme le souligne N. Catheline?: « Il est certain que l’adolescence avec la mise en tension qu’elle réalise au plan de l’organisation de la personnalité constitue un moment particulièrement favorable à l’éclosion de cette pathologie [2]»
15 Par ailleurs, elle évoque l’entrée au collège qui « constitue encore trop souvent une rupture plus qu’un passage [3]», et ainsi peut être un facteur entraînant un déclenchement de refus anxieux de l’école. Les changements d’établissement (6e et 2de), de contenu et de méthodologie comme en classe de 4e sont autant de paliers qui peuvent révéler des faiblesses et peuvent entraîner un décrochage. L’association d’un accompagnement pédagogique et de soins adaptés constitue un levier sur lequel l’ensemble des professionnels pourront agir. Dans le cas de T., sur le plan de la scolarité, des aménagements d’emploi du temps au sein d’un PAI avec un accompagnement pédagogique individualisé ont permis la reprise sans encombre de la jeune. Dans son cas le Sapad est intervenu au sein du collège avec une entrée de T. au collège différée par rapport aux autres élèves, ce dispositif a certainement participé à sa sécurisation.
16 Un absentéisme important doit engager des soins adaptés, M.-F. Le Heuzey l’écrit en ces termes?: « Un absentéisme ponctuel peut-être anodin s’il n’est pas répété, mais manquer l’école de façon prolongée ou répétée est un signe qui relève de la pédopsychiatrie [4]». Au niveau des soins, l’importance de poser un diagnostic rapide est un facteur d’une meilleure prise en charge comme le soutient E. Jagut « un diagnostic précoce permet à l’enfant de mieux s’en sortir et lui évite une déscolarisation trop longue [5]».
17 Dans son cas, T. a notamment bénéficié d’une HDJ, ce mode de prise en charge possède plusieurs atouts en faveur d’un accompagnement du jeune ayant un refus anxieux de l’école.
Prise en charge médicale en ambulatoir
Le Sapad
Hôpital de jour
PAI
La phobie de Vincent (ou le témoignage d’une maman d’enfant phobique)
18 V. est un garçon de 12 ans, scolarisé en 6e qui est signalé pour une déscolarisation totale en novembre.
« V. est le 2e de la famille. En nourrice dès 6 mois puis en crèche avant son entrée en maternelle où un retard de langage l’a conduit chez une orthophoniste. C’était un enfant réservé, discret et minutieux.
L’année de CP, a été laborieuse?! Surtout pour la lecture. On nous a conseillé un bilan chez un neuropédiatre, en CE1. Le diagnostic de dyslexie sévère est posé avec des capacités intellectuelles élevées qui lui permettraient de compenser son handicap. Contrairement à ce qu’avait envisagé le spécialiste, V. ne réussissait pas. Peu à peu, il perd l’estime qu’il avait de lui-même. »
20 Des études ont montré que les enfants dyslexiques ont une perception très défavorable de leurs capacités cognitives en rapport avec leurs difficultés scolaires [6].
« C’est en CM2, que V. a commencé à aller très mal. Les résultats aux évaluations étaient donnés à haute-voix et V. fut surnommé NA (non acquis) ! En février, les premiers symptômes sont apparus?: malaises, panique, problème d’endormissement… En avril, il ne pouvait plus aller à l’école qu’à mi-temps et en mai, plus du tout?! Nous nous sommes sentis totalement abandonnés. »
22 V. a fait sa rentrée en 6e. Il a tenu avec grande difficulté jusqu’en octobre. Et la panique l’a de nouveau submergé. Devant ces troubles phobiques majeurs, il a dû être hospitalisé en hôpital psychiatrique pour adolescents pendant cinq semaines au cours desquelles il fera une tentative de suicide. Les soins entrepris lui permettront de sortir de l’hospitalisation pour poursuivre l’accompagnement en HDJ.
« C’était une épreuve chaque jour de se rendre aux soins. Il fuguait, sautait du taxi en route et pouvait se mettre gravement en danger. Mon mari et moi-même partions chaque jour avec lui. C’est ainsi que l’activité artisanale du papa s’est retrouvée en difficulté par manque de travail et j’ai moi-même été licenciée. Nous avons dû vendre notre maison »
24 Nous observons souvent autour des jeunes phobiques scolaires un système familial profondément remanié où la phobie scolaire est présentée comme à l’origine de ces bouleversements.
« Puis, nous avons l’un et l’autre retrouvé du travail et un logement. V. a commencé des cours particuliers dans le cadre de l’USE de l’établissement de soins. Peu après, le collège nous proposait la mise en place du Sapad. Deux professeurs volontaires de l’établissement venaient donner des cours à notre domicile en dehors des heures de la clinique. Ce fut un succès et une reprise progressive de confiance pour V. »
26 Le dispositif USE s’adresse à des élèves qui présentent des troubles psychologiques, comme le refus anxieux de l’école. La souplesse dans les modalités d’enseignement permet une réassurance des jeunes. Les cours se sont déroulés en individuel puis en petits groupes et toujours en lien avec les soignants. Les évaluations se sont organisées de manière différenciée tout en s’articulant autour des socles de compétence. Un lien avec l’établissement d’origine a permis de préparer le retour.
27 Les professeurs qui sont intervenus dans le cadre du Sapad étaient les professeurs de la classe de V. Ils ont travaillé également avec empathie, souplesse offrant des prises en charge adaptées, structurantes et valorisantes. Les cours ont été ensuite proposés dans l’enceinte de son collège avec des horaires décalés.
28 Tous les aménagements soulageant l’angoisse des jeunes peuvent être imaginés. Voici les plus courants?:
- Pour les jeunes dans l’impossibilité de se rendre au collège, des cours au domicile de l’élève sont mis en place pour un temps limité.
- Au collège?: arrivée et départ en horaires décalés afin d’éviter au maximum la rencontre avec d’autres élèves.
- Choix stratégique de la salle de cours en accord avec le jeune, souvent à proximité de l’accueil et de la sortie.
- Reconnaissance en amont des lieux par l’élève.
- Accompagnement du jeune à son arrivée au collège jusque dans la salle de cours par la personne choisie pour l’accueillir.
- Choix des matières travaillées.
30 Ces modalités, qui peuvent apparaître comme anodines, sont autant d’éléments assurant la stabilité de la reprise dans le lieu scolaire.
« V. a poursuivi sa reprise en effectuant des stages en entreprises. Il a 17 ans, est en formation par alternance en CAP mécanique aéronefs. Il vit dans un studio à 40 km de nous, est heureux, gagne en assurance et est très fier de son indépendance. Enfin nous sortons du tunnel après 6 ans d’accompagnement. Nous avons toujours cru en notre fils. C’est lui qui nous a guidés vers la sortie. Merci au Sapad, merci aux enseignants qui lui ont redonné l’envie d’apprendre en regagnant l’estime de lui-même, merci au Chef d’établissement toujours proche et compréhensif. Aux parents d’enfants en phobie scolaire?: ne vous sentez pas coupables, épaulez au mieux vos enfants en recherchant les bons partenaires de soins et du monde éducatif?! »
32 Dans le cas de V., on voit l’intrication des aspects phobiques qui se sont développés chez un enfant fragile avec des troubles instrumentaux entraînant une dévalorisation accentuée par l’école [7].
Hospitalisation complète en pédopsychiatrie
L’USE
Bérénice
33 B. est une adolescente de 18 ans scolarisée en lycée, elle se rend au collège puis au lycée sans appréhension. Après une brillante classe de seconde, elle s’oriente vers une 1re S où les premières difficultés apparaissent, un absentéisme, d’abord de manière isolée puis par périodes de plusieurs jours à la suite?: suffisamment pour être en difficulté scolaire mais pas assez pour mettre en place un dispositif pédagogique adapté. Elle redouble et décide de changer d’établissement?: après une rentrée sans encombre, à la fin du premier trimestre, les premiers signes de décrochage réapparaissent et les absences se font de plus en plus nombreuses. À la fin de l’année scolaire, elle ne se rend plus du tout au lycée et ne peut passer les épreuves anticipées du Bac.
34 À la rentrée suivante, une réorientation vers une 1re technique dans un nouveau lycée lui permet de prendre un nouveau départ, en enlevant une certaine pression quant à son cursus et aux exigences que la jeune s’impose. Les troubles phobiques persistant, la scolarité se déclinera comme suit?: le dispositif Cned pour les matières générales associé à des heures de cours individuelles par le Sapad pour les matières techniques au sein du lycée. Simultanément, des soins démarrent en HDJ dans une clinique.
35 Malheureusement B. ne peut ni suivre les cours du Cned, ni renvoyer les devoirs et ne peut assister qu’aux deux premiers cours individuels au lycée. Dans chacune de ces situations elle perd tous ses moyens. Les soignants qui la suivent, au regard de ces échecs, décident l’arrêt du Cned et la suspension du Sapad. B. sera à présent prise en charge par une psychologue en cabinet. Une nouvelle réorientation se décide en concertation entre la Conseillère d’orientation psychologue (COP), la psychologue, la jeune et la famille?: pour la rentrée suivante, B. va aller en Greta (structures de l’EN qui organisent des formations pour adultes).
36 La scolarité en Greta sur une semaine est organisée comme suit?: 2 jours en cours, au sein d’un groupe restreint d’étudiants (maximum 8 jeunes) puis 3 jours en stage dans une entreprise. Les angoisses liées au lycée et au fait de rendre des documents baissent, les expériences en stage sont très positives, elle obtient de bonnes appréciations et reprend peu à peu confiance en elle. Cette tendance se confirme avec l’obtention de son permis de conduire. Le passage des examens fait ressurgir des angoisses mais sans commune mesure avec ce que la jeune pouvait développer les années précédentes. Ainsi elle réussit ses examens de fin d’année. L’année suivante, malgré un épisode dépressif apparu lors d’évaluations, elle parvient à valider son année et ses stages. Sur le plan personnel, elle affirme son autonomie en habitant dans son propre logement avec son ami.
37 Durant les deux dernières années, le suivi psychologique s’est doucement distendu en accord avec le soignant.
38 Ce que nous pouvons souligner dans le cas de B. est la succession de dispositifs et de solutions tentés. Malheureusement, ces expériences sont parfois nécessaires pour trouver la clé à la problématique de refus anxieux de l’école. Le Cned peut apparaître comme un dispositif qui ne va pas dans le sens d’une dynamique de sortie du domicile, si bien qu’il n’est pas préconisé par les soignants. Pourtant, dans certains cas, il peut être une solution pour pallier à une reprise inenvisageable afin que le jeune ne décroche pas complètement et avance dans son cursus scolaire. Une certaine souplesse a été possible puisque B. a pu s’inscrire dans les matières générales et conserver une partie en présentiel au lycée pour des matières techniques.
39 Un autre trait saillant dans cette description concerne l’importance de l’orientation. L’errance scolaire de la jeune va dans le sens de M.-F. Le Heuzey?: « Le changement d’établissement est rarement la solution miracle pour résoudre une situation de refus scolaire [8]». Au regard des échecs successifs dans une scolarité dite générale puis technologique, il était devenu indispensable d’envisager une orientation adaptée, non pas aux capacités intellectuelles de la jeune, mais bien à ce qu’elle était capable de supporter en terme d’angoisse et d’environnement. Dans sa situation, une formation en alternance a été salvatrice. Des cours théoriques en petits groupes(< 10 élèves) avec une partie pratique en entreprise ont permis à la jeune de restaurer son estime d’elle-même, de révéler qu’elle était capable de dépasser son problème certes avec des rechutes, mais qui finalement lui ont permis d’acquérir une formation professionnalisante et diplômante. Plusieurs avantages se dégagent de la formation en alternance?:
- Les temps obligatoires en présentiel dans l’établissement ne représentent qu’une petite partie de la formation globale, temps qui est anxiogène dans la plupart des cas.
- L’effectif réduit permet au jeune d’adopter en classe un positionnement différent de la place prise au sein d’un grand groupe, dans certains cas la faible exposition à ce facteur fait diminuer l’angoisse.
- Enfin, le jeune touche du doigt des applications liées à son cursus et participe activement à l’élaboration de son projet?: cette mise en perspective peut contribuer à la restauration de son estime de soi.
Le Cned
L’élève doit renvoyer un certain nombre de devoirs aux enseignants du Cned avec une limite de date d’envoi pour chacun afin que la progression soit balisée. La scolarité par ce biais est très complète, cependant cette modalité requiert une grande autonomie de la part de l’élève et un encadrement par la famille. Divers aménagements sont possibles autant en terme de nombre de matières suivies qu’au niveau de l’organisation de la scolarité.
Stéphanie
41 S. a 12 ans, est inscrite en 6e et ne peut plus aller au collège depuis 10 semaines lorsqu’elle nous est signalée.
« La rentrée était souhaitée par S. qui est une excellente élève, adorant étudier. Elle a été élue déléguée de sa classe?!
Nous n’avons rien remarqué de particulier avant mi-octobre. Premiers signes d’alerte?: perte d’entrain, pleurs fréquents, se sentant mal le soir au coucher, expliquant que des camarades s’étaient moquées d’elle. Puis une mauvaise note a semblé tout faire basculer?!
Nous avons été conviés au collège, on nous apprend que S. se réfugie de plus en plus à l’infirmerie. Un PAI la soulage d’un certain nombre de cours et son professeur principal se propose de la prendre en cours individuel dans sa discipline. »
43 S. a essayé, en vain. Même avec les aménagements proposés, elle ne pourra pas reprendre le collège. Après quelques tentatives qui mobilisent établissement et parents, ces derniers acceptent la proposition du médecin psychiatre?: une hospitalisation dans un établissement médical et scolaire [9].
44 Après avoir été scolarisée une quinzaine de jours dans une classe dite?: « classe passerelle » dans laquelle S. a repris peu à peu confiance, cette jeune élève a réintégré progressivement une classe de 6e et a vite repris plaisir dans les apprentissages.
45 Son bon niveau lui a permis d’aider d’autres élèves et ainsi de se renforcer elle-même.
« S. rentrait tous les week-ends. Les premiers retours, ont été un peu difficiles, surtout le dimanche soir lorsqu’il fallait repartir de la maison. Puis bien vite, elle s’est faite à sa nouvelle vie d’internat. Elle était heureuse de retrouver ses éducateurs, toujours prêts à l’écouter, à l’encourager. Elle racontait les histoires d’autres jeunes en rupture scolaire qui souffraient d’angoisses pareillement et cela semblait la rassurer. Elle expliquait que les professeurs étaient différents et qu’elle n’avait plus peur de l’école?! »
47 Il a fallu deux essais de reprise dans son établissement d’origine avant que S. ne réussisse son vrai retour. Elle a terminé son année scolaire avec un emploi du temps presque complet et poursuivi son collège sans difficulté.
48 Dans le cas de S. l’hospitalisation a été rapide car quel « quel que soit le diagnostic, plus l’absentéisme se prolonge, moins bon est le pronostic » explique M.-F. Le Heuzey [10].
49 La jeune fille qui était restée isolée au domicile s’est sentie sécurisée par l’internat. Elle a pu reprendre dans d’excellentes conditions les apprentissages et a assez vite (4 mois de séjour) repris le chemin de son établissement.
50 Les réponses scolaires de l’établissement de soins de Chanay sont multiples et variables.
- Prise en charge en classe passerelle. C’est dans un lieu protégé (à proximité du service éducatif, lieu de vie), avec un groupe restreint (8 à 10 patients), où sont accueillis les élèves qui ne peuvent pas encore franchir la porte d’une classe. Les activités proposées permettent aux patients de se remettre à faire des choses avec leurs mains, avec leur tête, avec les autres dans un cadre créatif et récréatif. Le travail manuel, les arts plastiques, les médias informatiques et vidéos tiennent une place importante.
- Prise en charge individualisée ou en petits groupes.
- La personnalisation de la prise en charge scolaire ainsi que son adaptabilité en fonction de l’évolution médicale de l’adolescent font de cette hospitalisation une réponse adéquate aux jeunes en rupture et en phobie de l’école. L’élève reste inscrit dans son établissement d’origine et tout est mis en place pour que le séjour hospitalier soit certes une parenthèse mais pas un frein à la poursuite de la validation de l’année scolaire en cours.
Le CMS de Chanay
Martin
53 M. est un jeune adolescent de 16 ans, fils unique, vivant seul avec sa mère. Ses parents sont divorcés et M. entretient peu de relations avec son père. Il n’a jamais eu besoin de travailler ni en primaire, ni en collège car c’est un excellent élève.
« Mon fils a toujours souffert?: aller à l’école est un combat surtout depuis le CM2. Il est agoraphobe. »
55 M, après de nombreux passages à l’infirmerie, des retours de plus en plus fréquents à la maison, décroche, ne peut plus aller au lycée. Nous sommes en février. Un PAI est alors organisé et le programme ci-dessous proposé?:
- Sapad pour les matières scientifiques au lycée.
- Cours individuels avec des enseignants de l’association « l’école à l’hôpital dans une bibliothèque de proximité (choix d’un lieu neutre afin d’éviter l’établissement mais aussi le domicile du jeune).
- Maintien des cours de français dans sa classe (matière choisie par M.).
57 M. poursuit sa lutte quotidienne. Il est un peu soulagé avec les cours individuels. Mais sa souffrance est toujours très forte et des soins sont organisés en HDJ au mois de juin. Puis suivra une hospitalisation en HTP d’un mois avec poursuite des soins en HDJ. Plusieurs essais de retour au lycée sont tentés?: en vain.
« C’est très difficile, voire impossible d’imaginer l’arrêt des études de mon fils. J’ai demandé un 3e essai pour sa seconde?! M. a fait la rentrée, tout semblait se relancer, puis au bout de 15 jours, c’est de nouveau l’effondrement, il a été pris de panique face à la foule. »
59 M. fera un essai de scolarité au Cned. Il validera 2/5 de son année mais ne pourra pas aller au-delà. L’année suivante, nouvel essai au Cned et nouvel échec. N’ayant acquis aucune habitude de travail ni d’organisation, il ne peut répondre aux exigences de ce type de scolarité.
60 M. est toujours suivi en HDJ après 5 ans de décrochage. Il n’a pu reprendre le chemin du lycée ni valider aucune étude. Un dossier MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) est en cours pour une reconnaissance de handicap.
61 Dans de rares cas, lorsque les troubles persistent et sont accompagnés de signes graves, le refus scolaire est alors un mode de révélation d’autres pathologies psychiatriques.
L’association « L’école à l’hôpital d’Annecy »
Conclusion
62 Les trajectoires décrites et les parcours de ces jeunes mettent l’accent sur la diversité, diversité de cas, diversité de réponses apportées. On ne peut que se réjouir de la reprise de scolarité chez la majorité des jeunes mais avouer parfois que l’échec est présent et que certains adolescents ne retrouvent jamais le chemin de l’école.
63 Parfois également, la trajectoire est chaotique et le sentier semé d’embûches ce qui occasionne des allers-retours entre l’école et la maison. Ce que l’on peut retenir c’est que la phobie scolaire procure un sentiment certain de perplexité et il est parfois difficile de comprendre pourquoi cela a commencé et pourquoi cela s’est terminé. On peut cependant insister sur la présence, dans une grande majorité de cas, de signes précurseurs à certains moments du cursus scolaire. Il semble important de ne pas négliger ces premiers symptômes, passés trop souvent inaperçus.
64 Dans la prise en charge de ces enfants et adolescent, plusieurs aspects semblent déterminants?: la reconnaissance et la compréhension du trouble par l’établissement scolaire ainsi qu’une équipe pluridisciplinaire solide autour du jeune qui puisse élaborer du lien, lien entre l’école et le soin, trait d’union primordial dans la reprise du jeune.
Bibliographie
- Ajuriaguerra (J.), Manuel de psychiatrie de l’enfant, « l’enfant et l’école », Masson, Paris, 1974, 861-874.
- Barrere (Y.), Botbol (M.), Mammar (N.), L’absentéisme scolaire. Du normal au pathologique, Hachette Littératures, Paris, 2006, p. 214.
- Catheline (N.), Psychopathologie de la scolarité. De la maternelle à l’Université, Masson, Issy-les-Moulineaux, 2003, p. 212, p. 216.
- Jagut (E.), « Phobie scolaire, un trouble méconnu », Le Monde de l’Éducation, n° 309, décembre 2002, p. 52.
- Lamotte (F.), Pertes, renoncements et dimensions suicidaires dans les phobies scolaires à l’adolescence, Diplôme inter-universitaire?: étude et prise en charge des conduites suicidaires, 2005.
- Le Heuzey (M.-F.), Mouren (M.-C.), Phobie scolaire. Comment aider les enfants et les adolescents en mal d’école?? Josette Lyon, Paris, 2008, p. 18, p. 19, p. 118.
- Le Monde de l’éducation, décembre 2006, n° 353, « Profs-élèves, faut-il s’aimer pour réussir?? » En ligne?: <http://www.lemonde.fr/mde/anciens/decem2006.html>
- Estime de soi et réussite pour tous, Acte du séminaire académique CRDP académie de Grenoble, p. 93.
- Site de la Fédération pour l’enseignement des malades à domicile et à l’hôpital?: <www.femdh.fr>
Mots-clés éditeurs : Partenariat, Phobie, École, Soin, Parcours, Pédopsychiatrie
Date de mise en ligne : 07/02/2015
https://doi.org/10.3917/nras.062.0159Notes
-
[1]
J. Ajuriaguerra, Manuel de psychiatrie de l’enfant, « l’enfant et l’école », Masson, Paris, 1974, 861-874.
-
[2]
N. Catheline, Psychopathologie de la scolarité. De la maternelle à l’Université, Masson, Issy-les-Moulineaux, 2003, p. 212, p. 216.
-
[3]
Ibid.
-
[4]
M.-C. Le Heuzey, M.-C. Mouren, Phobie scolaire. Comment aider les enfants et les adolescents en mal d’école?? Josette Lyon, Paris, 2008, p. 18, p. 19, p. 118.
-
[5]
E. Jagut, « Phobie scolaire, un trouble méconnu », Le Monde de l’Éducation, n° 309, décembre 2002, p. 52.
-
[6]
Estime de soi et réussite pour tous, Acte du séminaire académique CRDP académie de Grenoble, p. 93.
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[7]
7 Le Monde de l’éducation, décembre 2006, n° 353, « Profs-élèves, faut-il s’aimer pour réussir?? » En ligne?: <http://www.lemonde.fr/mde/anciens/decem2006.html>
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[8]
M.-C. Le Heuzey, M.-C. Mouren, opus cit.
-
[9]
Y. Barrere, M. Botbol, N. Mammar, L’absentéisme scolaire. Du normal au pathologique, Hachette Littératures, Paris, 2006, p. 214.
-
[10]
M.-C. Le Heuzey, M.-C. Mouren, opus cit.
-
[11]
Site de la Fédération pour l’enseignement des malades à domicile et à l’hôpital?: <www.femdh.fr>