1 La Section d’enseignement général et professionnel adapté (Segpa) du collège de la Vallée à Avon, en Seine-et-Marne, propose une préprofessionnalisation dans les champs de l’alimentation – service et du bâtiment, à soixante élèves scolarisés de la 6^e à la 3^e. L’équipe pédagogique tente en permanence de s’adapter à la grande hétérogénéité de son public, en accompagnant chaque élève vers la réussite scolaire et en s’efforçant, jour après jour, de construire, pour et avec chacun, un projet professionnel réaliste et réalisable.

2 Or, l’évolution rapide des métiers, des cursus scolaires et des parcours de formation nécessite une adaptation constante au monde extérieur. Ceci passe notamment par la maîtrise des Technologies de l’information et de la communication dans l’enseignement (Tice), apprentissage sanctionné par le Brevet informatique et internet (B2i).

3 Pourtant, le nomadisme informatique des élèves de la Segpa devenait bien pesant. Les enseignants se heurtaient régulièrement à l’impossibilité de réserver un créneau horaire pour accéder aux ordinateurs. En effet, avec les injonctions fortes de validation du B2i au collège, la salle informatique est prise d’assaut, interdisant pratiquement aux élèves relevant de la Segpa d’y accéder. Ce problème matériel avait, de fait, une incidence sur les progressions pédagogiques, obligeant les enseignants à bâtir l’enchaînement de leurs séquences en fonction de la disponibilité ou non de la salle. Parfois même, les défaillances d’un matériel informatique bien trop sollicité, ruinaient totalement une séance.

4 Cette situation très préjudiciable aux élèves de la Segpa ne dérangeait pourtant pas – loin s’en faut – certains enseignants, réfractaires aux Tice, outils qu’ils considèrent au mieux comme des gadgets, au pire comme un cauchemar pédagogique. Il est vrai que l’usage des Tice modifie la place de l’enseignant, l’oblige à revoir en profondeur ses pratiques et à prendre des risques par rapport à un outil mal maîtrisé sur le plan technique et le plan pédagogique.

5 Comment alors résoudre le paradoxe d’être obligé de réserver une salle spécialisée pour accéder à des ordinateurs alors même que cet outil doit être banalisé dans les séances d’enseignement ? Comment améliorer le dispositif pour donner accès à tous les élèves à un matériel adéquat : il nous fallait donc lutter sans attendre contre la fracture numérique au sein même de l’établissement. Fallait-il créer une nouvelle salle ? Quels choix techniques effectuer lors de cet équipement ? Mais est-ce seulement une question d’équipement ? Comment faire alors évoluer les pratiques ? Quels sont les effets attendus ? Quels sont les impacts sur les apprentissages, sur la motivation des élèves ? Quelle formation pour accompagner les enseignants ?

6 Après avoir envisagé plusieurs solutions (création d’une nouvelle salle, construction différente des emplois du temps, implantation des ordinateurs dans les salles de classe), nous avons, le chef d’établissement et moi-même, choisi d’expérimenter l’installation d’une classe nomade au sein de la Segpa en procédant à l’acquisition de treize ordinateurs portables pour les élèves. L’implantation de ce matériel devait nous permettre d’ancrer définitivement les élèves et les enseignants dans le monde numérique et de concourir à l’égalité des chances. Il ne s’agissait pas seulement en effet d’équiper les élèves mais le but était plus ambitieux : utiliser ces ordinateurs à chaque séance dans chaque discipline !

Aspects techniques et logiciels

7 L’acquisition de ces treize ordinateurs portables s’est faite sur demande auprès du Conseil général lors d’un appel à projet. La Segpa a de plus financé sur ses fonds propres l’achat indispensable d’un ordinateur portable supplémentaire destiné aux professeurs ainsi que le vidéo projecteur. Nous avons, dans un second temps, équipé chaque classe d’un ordinateur fixe et d’une imprimante supplémentaire, également sur les fonds propres, fonds qui proviennent d’une part du budget et d’autre part de l’apport de la taxe d’apprentissage.

8 Mais si choisir des ordinateurs portables est d’autant plus aisé que ce matériel s’est largement démocratisé et que les prix ont baissé, décider l’achat des logiciels est plus complexe. Pour le système d’exploitation l’idée d’utiliser Linux  [1] a été évoquée mais a été différée, les machines étant déjà sous Windows XP et la réflexion sur la compatibilité avec les logiciels les plus employés par les enseignants étant à mener. Windows XP est par ailleurs largement utilisé dans l’établissement ce qui en rend son utilisation plus naturelle et sa maintenance plus facile.

9 Pour les logiciels, là encore, une réflexion plus poussée quant à l’utilisation de logiciels libres [2]  (et gratuits) reste à conduire. Tout en étant pleinement convaincue de l’intérêt pédagogique et budgétaire des logiciels libres, ce choix engage toute l’équipe. Finalement les logiciels installés sont des logiciels commerciaux comme la suite bureautique Microsoft (Word, Excel, PowerPoint), Médiator [3], Adobe Acrobat Pro [4] et un logiciel libre, Gibii [5].

10 Ces logiciels sont utilisés en classe par les enseignants en fonction des projets et de l’avancée des élèves. L’outil informatique est utilisé notamment en technologie au travers d’activités liées à la bureautique. Tandis que les deux professeurs certifiés de technologie prennent les élèves en classes de 6^e et 5^e, ce sont les PLP qui effectuent les cours des classes de 4^e et de 3^e.

11 Les élèves y apprennent les techniques de recherche de stage sur internet, utilisent régulièrement le traitement de textes pour les rédactions des CV, l’élaboration des rapports de stages, des récits d’expériences, des recettes, etc. Les PLP assistent les élèves pour la mise en forme des rapports de stages (mise en page, insertion d’images, de textes…) tandis que ce sont les professeurs des écoles qui effectuent la correction après avoir récupéré les documents grâce aux clefs USB de la classe nomade.

12 Alors que l’investissement financier était bien conséquent, lorsque le matériel est arrivé, il est pourtant resté près de quatre mois dans la réserve ! Il fallait donc trouver un « déclencheur » pour inciter les enseignants à l’utiliser. J’ai donc demandé, dans le cadre de l’Aide négociée  [6], une formation à la Segpa pour l’ensemble des enseignants. Cette formation s’est déroulée sur deux journées, l’une sur du temps travaillé, l’autre sur un jour non travaillé. Les enseignants n’ont pas eu le choix des journées mais avaient partagé l’idée de cette formation. Il n’y eut donc aucun absent.

Des personnels impliqués mais qui réclament une véritable formation aux Tice

13 Comme dans de nombreuses Segpa les enseignants ont des parcours professionnels très différents. Ainsi trois professeurs des écoles titulaires du Capa-SH option F, deux Professeurs de lycée professionnel (PLP), deux professeurs de technologie, quatre professeurs d’EPS certifiés, quatre professeurs certifiés d’anglais et un professeur de musique interviennent-ils auprès des élèves de la Segpa. Naturellement, les besoins en formation de ces enseignants et leurs attentes professionnelles quant à cet outil ne sont pas les mêmes.

14 Par ailleurs, à la rentrée de septembre 2008, l’arrivée de nouveaux collègues m’a contrainte à demander, à nouveau, une formation qui a eu lieu seulement en février 2009. Les difficultés à organiser ce type de formation ont fait qu’elle est arrivée malheureusement un peu tard dans l’année, sur une journée « banalisée ». Il est vrai cependant que les enseignants jeunes sont généralement plus à l’aise avec ces nouvelles technologies quand les enseignants plus âgés (catégorie dont je fais partie) sont nettement moins initiés. Mais, les formations aux Tice sont trop rares dans l’Éducation nationale : seuls quelques collègues « chanceux » ont pu en bénéficier. Il faut alors régulièrement déployer des stratégies afin de rassurer les collègues. Il y a en effet un gouffre entre l’utilisation personnelle et la mise en place d’un enseignement incluant les nouvelles technologies.

15 Il faut tout d’abord se sentir à l’aise avec la résolution de problèmes causés par de mauvaises manipulations des élèves. Il faut ensuite accepter que le savoir n’est plus dispensé par l’enseignant lors de séances frontales et par lui seul. Il faut donc intégrer une nouvelle façon de penser les apprentissages, la construction des séances et leur enchaînement. De même la préparation des séances est différente : la sélection des ressources disponibles sur Internet et la construction des supports projetés aux élèves nécessitent une anticipation et des compétences techniques.

Un support technique à professionnaliser

16 L’inquiétude – bien légitime – des enseignants est aussi que le matériel, les logiciels et les réseaux fonctionnent parfaitement. Une panne matérielle laisse en effet l’enseignant totalement démuni et le gêne considérablement dans le déroulement de sa séance. Même si l’enseignant a de réelles connaissances techniques il n’a que rarement le temps d’apporter une solution à une panne tout en continuant son cours. Il faut donc une maintenance à toute épreuve tant corrective (réparation des ordinateurs, re-paramétrages ou réinstallation de logiciels) que préventive.

17 Souvent, dans les collèges ordinaires, ce sont les professeurs de technologie qui assurent la maintenance [7] des salles informatiques dont ils sont grands utilisateurs. Dans notre Segpa, nous n’avons pas ce lien particulier avec les professeurs de technologie du collège mais lors de soucis techniques, l’un d’entre eux sait toutefois se rendre disponible.

18 Nous faisons aussi appel à une personne extérieure pour des demandes plus techniques : installation de logiciels d’interface poste professeur – postes élèves, paramétrage d’une imprimante en réseau ou en cas de panne… Hélas ceci repose sur la bonne volonté d’un jeune ingénieur bénévole car les services institutionnels se sont souvent montrés bien décevants.

Des projets nombreux qui permettent de travailler le B2i

19 En 6^e, un tiers des élèves de la Segpa ont été orientés dans cette section, par la Commission départementale d’orientation vers les enseignements adaptés du second degré (CDOEA) à la suite d’une scolarité en Classe d’intégration scolaire (Clis). Les autres ont vécu une scolarité douloureuse en école primaire, ayant souvent redoublé une classe (le CP majoritairement, parfois le CE2). Enfin, quelques élèves intègrent la Segpa via la Maison départementale pour le handicap, soit à la suite d’un passage dans une Unité pédagogique d’intégration (UPI), soit à partir d’un Institut médico éducatif (IME). Dans les autres niveaux de la Segpa, les élèves, orientés par la CDOEA, arrivent de collège : souvent après une année de 6^e difficile et parfois après une année de 5^e voire une année de 4^e.

20 Pour ces élèves en « difficultés graves et durables » miser sur une classe nomade est apparu à l’équipe pédagogique comme un levier efficace pour les remotiver et les impliquer davantage dans leur scolarité. De fait, l’absentéisme a considérablement diminué depuis l’utilisation de ce matériel ce qui constitue, à mon avis, un premier indicateur favorable. Développer sans cesse de nouvelles stratégies d’apprentissage est un défi pour les enseignants. Apprendre à apprendre, autrement, en utilisant des ordinateurs, est un challenge tant pour les élèves que pour les enseignants. L’enthousiasme des élèves à l’idée d’utiliser la classe nomade est réel alors que ces mêmes élèves vivaient péniblement leur scolarisation auparavant.

21 L’aspect ludique de ces outils incite les élèves à chercher les bonnes réponses dans la bonne humeur, mais les oblige aussi à être à la fois rapides et rigoureux – l’ordinateur est un correcteur implacable  [8]. L’utilisation d’Internet encourage à la lecture de documents divers. L’outil informatique permet aussi la réalisation d’écrits de qualité, la création collective d’exposés sur des supports multimédia (utilisation de diaporama et/ou réalisation de ceux-ci).

22 Les Tice permettent, sans que l’élève s’en rende compte, l’entraînement quotidien de ses différents types de mémoires (mémoire sélective, mémoire immédiate, mémoire à long terme) et permettent de faire un parallèle avec le stockage et la restitution des données informatiques : types de classement, types de dossiers… L’élève apprend à trouver la bonne information, la classer, la retrouver, la transférer totalement ou partiellement.

23 Pour un élève scolarisé en Segpa, dont l’une des caractéristiques est la difficulté à se déplacer hors de son environnement proche, la communication sur des forums, lui permet pourtant paradoxalement d’être en contact quotidien avec des élèves de classes éloignées géographiquement. Ainsi, dans le cadre de l’éducation au développement durable du projet d’établissement, les élèves de la Segpa sont en lien permanent avec des classes qui participent à l’éco-parlement  [9] des jeunes d’Île-de-France. Ce projet à pour but d’élaborer à plusieurs classes un plan de communication sur des actions ciblées en faveur de l’environnement. Les conclusions et les demandes seront remises en main propre aux élus du Conseil régional d’Île-de-France lors d’une journée de restitution. L’utilisation des Tice est un passage obligé et les compétences développées (notamment l’utilisation des réseaux, du courriel, des forums…) sont nombreuses.

24Mais les élèves ont aussi été amenés à échanger régulièrement sur un forum associatif dans le cadre de leur participation au jury de l’Enfant et le 7^e art [10]. Ce projet consiste à se rendre au cinéma afin de voir plusieurs films du même genre et à élire celui qui les aura le plus passionnés. Les élèves doivent d’abord donner leur avis après une formation à la lecture de l’image réalisée par les animateurs de l’association. Ensuite, l’utilisation du traitement de textes rend plus aisé le travail de rédaction de critique de film. Enfin, les élèves doivent réaliser un petit film numérique (qui sera présenté lors d’une journée d’élection de films), pour défendre l’argumentaire construit qu’ils proposeront à l’ensemble des classes participantes. La participation fréquente à ces forums banalise d’autant plus l’utilisation de l’ordinateur que le matériel utilisé est mobile et donc facilement accessible. C’est tout l’intérêt de la classe nomade.

25 Par ailleurs les élèves de la Segpa ont réalisé un diaporama rassemblant toutes les actions mises en place dans le collège afin de préserver l’environnement de l’établissement. Il s’agit d’un concours organisé par la réserve de biosphère de Fontainebleau. Les élèves ont utilisé des appareils photo numériques et intégré les photos dans le diaporama pour présenter les différentes actions : creusement d’une mare, création d’un jardin potager, plantations de fleurs et d’arbres, récupération et tri des déchets, élection d’éco délégués [11], construction d’un abri de jardin et d’un système de récupération d’eau afin d’assurer l’arrosage à moindre frais des plantations réalisées.

26 Enfin, les enseignants et les élèves sont inscrits sur le site de soutien scolaire en ligne « Paraschool [12] ». Ce site Internet est une banque de données rassemblant des leçons, des exercices d’application et des animations de qualité qui le rendent bien attractif pour de jeunes adolescents.

27 Au travers de tous ces projets, la mise en place de situations nombreuses permet aux élèves de développer de véritables compétences d’utilisation des Tice. La classe nomade évite d’être obligé d’aller dans une salle spécialisée : l’ordinateur est immédiatement disponible dés qu’il est nécessaire et du coup les situations d’évaluation des items du B2i sont moins artificielles. Au départ les compétences évaluées étaient certes assez basiques : mise en route du matériel, utilisation rationnelle du clavier et des périphériques par exemple. Après plusieurs mois d’utilisation, les élèves de la Segpa sont presque tous véritablement aguerris et savent déjà se servir seuls de logiciels professionnels de création multimédia !

28 Pour les élèves qui maîtrisent moins bien que les autres les techniques, les plages horaires consacrées à l’accompagnement éducatif sont bien utiles et permettent une remise à niveau. La vie revient dans ces classes qui manquaient de dynamisme pour les apprentissages.

Des garde-fous indispensables

29 Bien entendu l’utilisation massive des Tice, et en particulier d’Internet, peut présenter des risques avec des adolescents. Mais comme la classe nomade est reliée au serveur de l’établissement, nous bénéficions des filtres mis en place par l’Éducation nationale, filtres qui bloquent l’accès aux sites interdits aux mineurs. De plus un programme spécial, installé sur les ordinateurs portables des élèves et sur la machine de l’enseignant permet à ce dernier de vérifier ce que font les élèves et aussi de neutraliser l’ouverture de sites dangereux et mal filtrés.

30 Mais le plus efficace en ce domaine est d’éduquer les jeunes le plus tôt possible. Aussi, dans le cadre du Comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté, toutes les classes assistent en début d’année scolaire à une animation sur les dangers d’Internet. Le premier des risques qui guettent ces jeunes utilisateurs des Tice est de divulguer des informations personnelles et privées qui vont ensuite circuler sur Internet. Ces informations sont classiquement récupérées par des formulaires d’identification, des questionnaires ou des cookies [13]. Le deuxième risque est d’être la proie facile de sites commerciaux déguisés en jeux. L’élève risque alors d’effectuer des achats en ligne, et d’emprunter – sans leur accord – les moyens de paiements de ses parents. Parfois ces sites ne sont pas suffisamment sécurisés ou sont des pièges ce qui dans les deux cas met en péril la sécurité du moyen de paiement. Le troisième risque, beaucoup plus grave, est, par l’intermédiaire des forums ou des chats, de se retrouver en contact et d’échanger des informations avec des inconnus malintentionnés. Les parades techniques ne suffisent alors pas. Seule une information régulière dispensée aux élèves et à leurs parents, suivie de débats est réellement efficace.

31 La charte d’utilisation d’internet est lue en classe et signée par les familles à chaque inscription ou ré inscription des élèves. Nous signons également une autorisation à l’utilisation des images des élèves. L’école, lieu d‘apprentissage des Tice, devient aussi un lieu d’échange avec les parents sur les usages raisonnés de ces technologies.

32 D’ailleurs, les familles des élèves de Segpa, loin d’être réticentes, profitent souvent des compétences et connaissances de leurs enfants pour se former elles-mêmes et en sont reconnaissantes à l’École. Quant aux quelques familles, qui par leur travail, sont amenées à utiliser régulièrement l’informatique, elles nous informent de ce qu’elles ont trouvé sur internet, enrichissant ainsi le travail mené dans le cadre de la classe nomade.

33 Enfin, pour répondre davantage aux interrogations des familles, l’association « Clic-déclic  [14] » accompagne chaque année l’équipe enseignante lors d’une soirée consacrée à leur information.

Une pédagogie qui évolue positivement

34 Les enseignants, confrontés aux mêmes problèmes quand ils utilisent le matériel de la classe nomade, ont pris l’habitude de s’entraider. Ils échangent des adresses de sites, des techniques de manipulations, mutualisent des supports. Loin d’assister à une querelle entre les anciens et les modernes, la communication s’est réinstallée entre la jeune et l’ancienne génération d’enseignants.

35 D’ailleurs, le travail avec un vidéoprojecteur se systématise peu à peu. Il est vrai que les enseignants ont vite constaté qu’un cours construit autour d’une projection d’un document cinématographique [15]  à vocation pédagogique suscite l’intérêt de tous les élèves, même des plus turbulents. La projection d’une animation en SVT  [16] ou en histoire-géographie facilite les apprentissages en sollicitant les mémoires visuelles et auditives, mémoires fortement sollicitées chez nos élèves quand ils sont devant la télévision ou sur des jeux électroniques. Les jeunes retrouvent également progressivement de l’appétence pour la lecture car l’outil informatique ne fait pas tout. Les consignes prennent toute leur valeur, les explications écrites toute leur authenticité.

Motiver les enseignants

36 L’utilisation du vidéoprojecteur conduit aussi les enseignants à adopter une pédagogie moins frontale, certes beaucoup plus efficace avec les élèves de la Segpa, mais parfois déstabilisante pour certains enseignants. Il faut alors régulièrement remotiver l’équipe, valoriser les enseignants, leur apporter un soutien technique et pédagogique. Nous utilisons d’ailleurs souvent une partie de la réunion de synthèse à la résolution des problèmes techniques, soit par une discussion, soit en testant nous-mêmes logiciels et matériels en conditions réelles. Nous avons en outre consacré du temps à notre auto-formation : utilisation du logiciel de surveillance des postes, simulation de séances avec les ordinateurs portables de la classe nomade, navigation en équipe sur des sites réservés aux enseignants [17] .

37 Une ergothérapeute est même venue nous montrer comment elle travaillait avec l’un de nos élèves dyslexique avec un procédé de reconnaissance vocale [18]  tandis qu’une animatrice du site « Paraschool  [19]» est venue nous initier au fonctionnement du site.

38 Des modalités originales permettent aussi de sécuriser les enseignants : intervention de deux adultes en même temps dans une classe lors des premières séances, aménagement de temps d’observation, par un collègue encore hésitant, de séances menées en classe nomade par un collègue plus chevronné quant aux usages des Tice, utilisation de la moitié des portables seulement afin de mieux différencier les apprentissages : un groupe d’élèves travaille sans ordinateur pendant que l’autre travaille avec les portables. La valorisation régulière des personnels est essentielle : leurs travaux sont relayés dans la « gazette de l’établissement », un reportage  [20] est même réalisé en 2008 par le Conseil général…

Conclusion

39 Redonner à l’École son attractivité et son sens est essentiel pour remettre en selle des élèves en difficulté « grave et durable ». La classe nomade y participe. Elle limite aussi la fracture numérique en accompagnant une révolution numérique qui, il faut bien le dire, est arrivée dans certains foyers un peu rapidement et dans d’autres pas du tout. Bien que 80 % des familles soient raccordées à Internet, les accès haut débit n’existent pas toujours dans les villages, la Seine-et-Marne étant un vaste territoire, et les usages concernant cet outil ne sont pas toujours à la mesure de l’investissement financier consenti.

40 Depuis la rentrée 2009, le collège où est implantée la Segpa, fait partie des premiers établissements de l’académie  [21] à accueillir le « cartable en ligne ». Il s’agit d’un espace numérique, accessible sur Internet de façon sécurisée, où seront stockés les cours des enseignants, des ressources pédagogiques, le carnet de notes, l’emploi du temps des élèves, des dictionnaires, des encyclopédies, des fiches métiers… Les parents peuvent, à tout moment, consulter le travail effectué en classe et communiquer avec les professeurs et avec l’administration. Le chef d’établissement peut inscrire sur le site du collège les événements importants, les dates de réunion ou informer sur les actions inscrites au projet d’établissement. Afin que les parents de la Segpa se saisissent eux aussi de cette opportunité, nous réfléchissons déjà à leur proposer une formation. Elle serait financée par le Comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté et se réaliserait avec des partenaires comme un Greta.

41 L’arrivée du « Cartable en ligne » est parfois mal vécue par les enseignants : ils craignent un regard trop inquisiteur des familles sur leur travail, la comparaison entre les classes, les disciplines, les établissements, la disparition de la « relation » au profit de la « communication ». Pourtant il me semble que l’apport de ces techniques peut nous servir de levier pour amorcer dans nos établissements, une réflexion sur l’école du xxi^e siècle. L’arrivée d’internet et des technologies nouvelles comme les tableaux blancs interactifs est une chance qu’il faut savoir saisir. Nous n’avons pas le droit de laisser les élèves en marge de ces progrès – surtout les élèves les plus en difficulté.