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Article de revue

Clinique de l'interaction : pourquoi et comment créer une instance interdisciplinaire en établissement spécialisé ?

Pages 201 à 213

Notes

  • [1]
  • [2]
    On emploiera ici le terme de jeune pour désigner de façon générique l’enfant et l’adolescent.
  • [3]
    Qu’il s’agisse de l’intervention unique d’un établissement spécialisé ou de l’intervention concertée entre une école ordinaire et un service ou un établissement spécialisé, ce dispositif est institué pour le jeune concerné, et il constitue un système d’action mis en œuvre à son intention. C’est en ce sens qu’on entendra ici l’expression système institutionnel.
  • [4]
    Ce qui ne dénie aucune valeur à la théorie, mais la considère au service de la réalité de la personne et donc à approcher de sa situation et non l’inverse.
  • [5]
    Je remercie à ce titre : Didier Changenet, Jean-Claude Crusson, François Delacourt, Vincent Defour, Noëlle Demersseman, François Homerville, Yann Mari Magré, Pia Perrot, Colette Prud’homme, Dominique Raquin, Patrick Rey, Francis Vergne, Françoise Voisin.
  • [6]
    Cette instance se distingue :
    - de la synthèse de projet individuel (ou d’une réunion intermédiaire de suivi), qui doit aboutir à la définition d’objectifs et de moyens correspondants ;
    - de l’analyse de la pratique, effectuée avec un intervenant extérieur et centrée sur le vécu des professionnels, sans visée opératoire ;
    - des réunions thématiques de l’ordre de la commission de travail dédiée à l’élaboration de dispositions opératoires concernant le fonctionnement de l’établissement.
  • [7]
    L’homme pluriel, les ressorts de l’action, Essais et Recherches, Nathan, Paris, 1998, p. 177.
  • [8]
    On entendra ici par proposition le fait d’énoncer une hypothèse explicative (« On suppose que cette conduite… ») aussi bien qu’une action éventuelle (« On pourrait faire… »).
  • [9]
    On restera prudent quand au degré de réalisation scripturaire à atteindre. La tension sur les temps de réflexion ou de concertation disponibles dans les établissements et services est aujourd’hui telle qu’il est inopérant voire contre-productif de les surcharger par des exigences élevées qui se révèlent intenables ou remplies au détriment d’autres aspects de l’action. Rien ne sert de projeter des dispositions dont on n’a pas les moyens.
  • [10]
    Voir Bertrand Dubreuil, Le professionnalisme en action sociale et médico-sociale. Des savoirs à reconnaître, Dunod, Paris, 2009.

1 Les jeunes  [2] accompagnées par les professionnels du secteur social et médico-social ont des besoins éducatifs particuliers requérant une réponse spécifique, à laquelle concourent des personnels spécialisés. L’un des aspects fondamentaux de l’interaction pédagogique, éducative, parfois thérapeutique mise en œuvre pour des enfants ou des adolescents dont certains comportements sont hors des normes scolaires et sociales, consiste à s’efforcer de comprendre leurs « bonnes raisons » de se conduire comme ils le font, aussi inappropriées puissent-elles sembler de prime abord.

2 Un jeune est orienté vers un établissement ou un service spécialisé l’accompagnant notamment dans sa scolarité parce que la société, par le biais des instances désignées à cet effet, a identifié – nommé – une difficulté rencontrée dans son existence. Elle a caractérisé la constitution et/ou la conduite de ce jeune comme une spécificité problématique dans son contexte d’existence : lésion sensorielle ou motrice, déficit cognitif, trouble relationnel, trouble de la personnalité, atteinte neurologique, etc. Quelle que soit la dénomination, le jeune est socialement inscrit sur le registre d’une spécificité au regard de la normalité, autrement dit sur le registre de l’a-normalité.

3 Si cette inscription sociale rendait compte à elle seule de la difficulté du jeune, il conviendrait de lui appliquer une réponse standardisée relative à la catégorie à laquelle il est identifié. Mais la situation de chaque jeune est singulière et la technicité propre au secteur médico-social relève d’une médiation qui reformule la définition normée de ses besoins en définition clinique, c’est-à-dire une définition en situation pour un jeune.

4 Dans le cas d’une situation de handicap, il s’agit pour les acteurs concernés de comprendre en quoi ce handicap perturbe le développement, l’existence, le rapport à l’environnement de ce jeune, et quelles stratégies il développe en conséquence. Dans le cas d’un trouble de la conduite ou de la personnalité, il s’agit de comprendre en quoi les conduites adoptées par le jeune, quelque problématiques qu’elles semblent, constituent des réponses à une souffrance ou une difficulté de vivre dans son environnement.

5 La première action des professionnels – enseignants, éducateurs, personnels psycho-médicaux – consiste donc à comprendre la situation du jeune avant de développer une action à son intention. Mais, outre que cette compréhension demande une attention aux indices signifiants de la difficulté rencontrée, elle implique de considérer l’interaction de cette difficulté et de l’environnement du jeune. Et en tout premier lieu de l’environnement constitué par le dispositif d’accompagnement qui lui est dédié, autrement dit un système d’action ou système institutionnel  [3]. Qu’il s’agisse d’un service ou d’un établissement, d’un accueil temporaire ou permanent, d’une prise en charge de tous les instants ou d’un accompagnement ambulatoire, le système constitué par l’institution et, en proximité, par l’équipe ou les équipes professionnelles, interagit avec la problématique du jeune. D’une part ce système réagit et s’adapte à cette problématique (on peut parler d’effets de miroir et de mimétisme), participant donc d’un nouvel équilibre (selon le principe d’homéostasie). D’autre part, du fait de ses propres particularités (les particularités de ses bénéficiaires, la commande sociale, ses dysfonctionnements et concrétions internes, les intérêts respectifs de ses acteurs, etc.) le système développe lui-même une action qui affecte le jeune dans son équilibre et l’induit dans certaines conduites.

De l’interaction entre la problématique du jeune et le système institutionnel

6 Je me propose ici d’exposer une vignette clinique illustrant :

7

  • d’une part l’interaction entre problématique du jeune et système institutionnel,
  • d’autre part le fait que l’approche interdisciplinaire implique de se distancier de la seule interprétation de la conduite du jeune sur le versant psychologique pour l’appréhender à partir de la structure même de la situation évoquée.

8

Cédric, 11 ans, est scolarisé à temps partiel (4 demi-journées) en école élémentaire et accueilli en institut médico-éducatif le reste de la semaine. Il bénéficie de l’accompagnement d’une auxiliaire de vie scolaire.
Un diagnostic de dyspraxie a été posé, associé à des traits autistiques. Cédric parvient à effectuer des acquisitions scolaires mais son niveau est hétérogène et ses progrès très irréguliers. Sur le plan du comportement, il est plutôt calme, voire effacé, inhibé dans les situations de groupe. Sa relative stabilité a permis son accueil dans la classe après deux années dans l’IME mais des problèmes surgissent régulièrement, liés à un état de fatigue ou des situations qui l‘insécurisent parce qu’il n’a pu les anticiper, qu’elles comportent des éléments d’imprévisibilité ou se caractérisent par un espace moins délimité. Cependant, ni l’enseignant, ni les éducateurs de l’IME ne parviennent à déterminer précisément les contextes anxiogènes en sorte de les prévenir.
Ces situations se caractérisent par des crises de colère assez impressionnantes, suivies d’un mutisme absolu, Cédric se repliant sur lui-même et se figeant des heures durant. Outre que de telles explosions impressionnent les autres enfants qui y voient des accès de folie compte tenu des « cris sauvages » de Cédric, celui-ci se met parfois en danger, se mordant puis se frappant contre les murs, ou met en danger ses camarades en jetant des objets ou en se précipitant contre eux lorsqu’il s’aperçoit qu’on le regarde.
Ce comportement se développe depuis quelques mois dans la classe et à l’IME.

9 Les professionnels – l’enseignant, deux éducatrices, une psychologue, une psychomotricienne, le directeur de l’école primaire, le chef de service éducatif – évoquent cette situation parce qu’ils s’interrogent sur l’attitude des parents à l’égard d’une proposition d’orientation en internat spécialisé. Les parents ont en effet fait part à l’IME de vacances problématiques, au cours desquelles Cédric s’est mis dans des « colères effrayantes », s’automutilant et frappant ses parents. Les professionnels ont « saisi l’occasion » de ces propos pour évoquer l’orientation future vers un internat compte tenu de leur propre inquiétude quant à l’évolution de Cédric, ce d’autant qu’il grandit rapidement et est susceptible de brutalités dangereuses pour d’autres enfants. Les parents ont acquiescé à la proposition d’un rendez-vous avec un établissement mais, lorsqu’ils s’y sont présentés, ont dénié souhaiter une orientation en internat, attribuant unilatéralement cette éventualité à l’IME et y associant l’école primaire qui « accuse Cédric de tous les maux alors que ce sont ses camarades qui le cherchent ».

10 L’équipe interdisciplinaire s’interroge sur ce qu’elle appelle « l’ambivalence des parents » et la façon de la résoudre au profit de Cédric. L’analyse de la situation se poursuit. Devant sa complexité et compte tenu de l’importance des décisions à prendre, les professionnels ont entrepris de noter sur un tableau papier les différents éléments qu’ils évoquent, sans rechercher immédiatement de solution et en considérant que leurs ressentis à l’égard des parents et les interprétations de la conduite de ces derniers et de Cédric constituent des matériaux d’analyse, constitutifs du problème, au même titre que la problématique de l’enfant et le positionnement parental.

11

L’enseignant de l’école primaire et l’une des éducatrices évoquent leur regret que Cédric ne puisse assister aux séances projetées avec une psychomotricienne en CMP, séances qui visaient d’une part à favoriser la régulation d’une tonicité contribuant aux éclats de l’enfant et d’autre part à le soutenir dans certaines difficultés instrumentales. Les parents ont en effet refusé d’effectuer le transport que cela impliquait. L’équipe fait un lien entre ce qu’elle dénomme l’ambivalence des parents à l’égard d’une orientation en internat et le refus de ces derniers d’assumer un transport
Or il apparaît que ce transport devrait normalement être assuré par un taxi dans le cadre d’un financement relevant de la sécurité sociale, mais qu’il fait l’objet d’une divergence interinstitutionnelle d’interprétation des textes. Outre le fait que les parents ont effectivement raison en droit de ne pas assumer ce transport hebdomadaire, il est possible qu’ils n’aient pas non plus les disponibilités horaires correspondantes.

12 À ce stade, relevant différents éléments recensés sur le tableau papier, l’équipe se demande donc pourquoi elle établit un lien entre ce refus et le rejet de l’orientation vers un internat. Trois remarques s’imposent après débat.

13

  • L’IME et l’école, sans l’avoir jusqu’alors partagé leur inquiétude, s’interrogent sur leurs capacités de continuer à accueillir Cédric au regard de son évolution récente.
  • L’ambivalence attribuée aux parents à l’égard de l’orientation en internat constitue une supposition que n’étaye aucun élément objectif et leur rejet de cette éventualité est assez logique dans la mesure où elle leur a été suggérée dans un moment de désarroi. Ils ont de « bonnes raisons » d’en attribuer la responsabilité aux professionnels plutôt que de considérer qu’ils seraient en difficulté éducative ou en proie à des sentiments de rejet consécutifs au comportement de leur enfant.
  • Il n’y a pas de lien à établir entre le refus des parents d’assurer le transport relatif aux séances de psychomotricité et leur supposée ambivalence à l’égard de l’orientation en internat ; cette rupture logique témoigne sans doute d’un positionnement des professionnels insuffisamment éclairci.

14 Les professionnels s’interrogent alors sur la chronologie des « crises » de Cédric. Ils émettent d’abord l’hypothèse qu’elles sont peut-être liées au projet d’orientation en internat, qui serait vécu par les parents et l’enfant comme une forme d’abandon ou comme le signe que les troubles de Cédric ne sont plus supportés par l’école et l’IME.

15 Mais il apparaît que ces crises se sont amplifiées avant les vacances scolaires et que donc le projet d’orientation en internat ne vient pas les expliquer. Toutefois, les professionnels de l’IME et ceux de l’école réalisent alors que le questionnement quant à leur capacité à continuer d’accompagner Cédric est antérieur à ce projet. Il n’est donc pas exclu que celui-ci ait perçu cette indécision, d’autant plus que les équipes respectivement scolaires et médico-sociales n’ont pas partagé ce sentiment, laissant à chacun la responsabilité d’aborder la question et craignant d’apparaître en difficulté sans raison objectivable.

16 À partir de cette hypothèse l’équipe décide de se déterminer quant à sa capacité à poursuivre l’accompagnement de Cédric de façon satisfaisante (sachant par ailleurs qu’au final la décision d’une orientation relève des parents et de la CDA). Un débat s’instaure sur les risques encourus respectivement à l’école et à l’IME. Ce qu’il me semble important de souligner, c’est l’idée que les professionnels ne se déterminent pas ici au travers de faux-semblants, mais prennent la responsabilité d’évaluer (de leur point de vue) s’ils sont en capacité d’assurer correctement l’accompagnement de l’enfant. L’élaboration se développe sous la forme d’un arbre de décision.

17

  • Oui ou non, le maintien de Cédric à l’IME est-il envisageable ? ? Oui, en modifiant certains aspects de son accompagnement.
  • Oui ou non, le maintien de Cédric à l’école est-il envisageable dans les conditions actuelles ? ? Non à terme.
  • Oui ou non, est-il envisageable avec un allégement de sa présence ? ? Oui, une seule séquence se révèle particulièrement problématique.
  • Oui ou non, la prise en charge par l’IME sur cette séquence est-elle envisageable ? ? Oui.
  • Oui ou non, peut-on en conséquence annoncer aux parents et à Cédric qu’il continuera d’être accueilli à l’école et à l’IME jusqu’à la fin de l’année scolaire ? ? Oui.
  • Oui ou non, faut-il abandonner l’éventualité d’une orientation à terme en internat ? Non, compte tenu de la gravité des troubles de Cédric et du soutien des parents que cela nécessitera lors de l’adolescence.
  • Oui ou non, les parents nous semblent-ils en position d’aborder avec nous cette éventualité ? Oui, dans la mesure où nous les avons assurés de notre souhait de poursuivre avec leur enfant, où ils sont eux-mêmes inquiets de leur capacité à réguler ses comportements et parce que nous prendrons clairement l’initiative d’une orientation à l’égard de laquelle ils éprouvent légitimement des sentiments contradictoires.

De la logique de l’interdisciplinarité

18 Cette vignette clinique illustre la nécessité d’une analyse approfondie de la situation pour prendre une décision, engager une orientation, déterminer la stratégie à adopter avec un jeune et/ou ses parents devant un problème d’importance. J’ai employé intentionnellement le terme de « vignette clinique » et on a pu s’attendre à un exposé psychologique ou psychopathologique. Or la clinique ne relève exclusivement ni de la psychologie, ni de la médecine, ni d’ailleurs d’aucune autre discipline telle que la sociologie ou le droit. Elle est une posture d’analyse, en l’occurrence l’analyse en situation du problème rencontré et non en laboratoire. On pourrait dire : en réalité et non en théorie  [4].

19 Si la pluridisciplinarité est la pluralité des approches et des analyses par discipline professionnelle ou scientifique, considérant que chacun de ces points de vue est nécessaire, l’interdisciplinarité est une approche qui non seulement s’efforce d’élaborer un point de vue hybride, métissé ou composite selon la sensibilité qu’on aura, mais qui en plus doit conduire à aborder une situation dans sa structure même. Cela implique de recenser sans distinction un maximum de détails de la situation, sans les interpréter d’emblée à partir d’une discipline particulière mais en considérant faits, dires et interprétations comme autant de matériaux qu’il faut déposer devant soi pour prendre la distance qui permettra de les voir, alors que la position d’acteur de la situation induit un point de vue particulier, non dépourvu d’intérêt mais au double sens du terme (intéressant mais aussi intéressé). Répétons-le, il s’agit de se déprendre suffisamment de la représentation qu’on se fait de la situation pour en percevoir la structure car elle est porteuse du sens de l’interaction qui se joue entre les protagonistes.

20 L’analyse précédente – comme d’autres réalisées sur le même mode – est le fait de professionnels ordinaires. L’élaboration clinique n’est pas en effet l’apanage d’une élite savante, elle ne nécessite pas – au moins de façon permanente – la présence d’un tiers externe supposé éclairer les professionnels engagés dans l’action. Par contre elle exige un cadre méthodologique.

21 Par ailleurs, si elle nécessite qu’on se donne le temps d’une élaboration qui accepte de passer par l’exposé détaillé de la situation, par l’exploration de certaines impasses, par le tâtonnement et l’avancement pas à pas au travers de décisions logiques, elle permet non seulement d’appréhender la complexité de la situation et d’élaborer une stratégie en conséquence, mais aussi d’élaborer du savoir-faire collectif qui affine l’action ultérieure des professionnels en situation et enrichit leur réflexion.

22 Des établissements et des services expérimentent cette élaboration clinique avec le souci de ne pas présupposer la supériorité d’un modèle théorique mais d’exploiter les concepts issus des sciences humaines pour autant qu’ils se révèlent utiles en situation. Je présente ci-après les conditions d’une instance de réflexion interdisciplinaire visant à soutenir l’acquisition de savoir-faire par l’analyse de situations. Cette instance repose sur le postulat que les savoir-faire professionnels se construisent à la rencontre des problèmes que posent les jeunes accompagnés.

23 Elle a été définie dans le cadre d’un séminaire de professionnels du secteur social et médico-social  [5]. C’est donc une élaboration collective, que nous considérons provisoire car elle doit s’expérimenter en fonction des contextes institutionnels pour rester vivante. À chacun de s’emparer de ce qu’il juge pertinent dans son contexte d’action professionnelle.

Une instance d’analyse de situations et d’élaboration de savoir-faire

24 Tout d’abord, l’existence et la réussite de cette instance implique que le dispositif des autres réunions au sein de l’établissement ou du service soit précisément défini, de telle sorte qu’elle ne soit pas envahie par l’expression d’insatisfactions fonctionnelles, l’attente de décisions structurelles, d’une résolution à court terme de comportements problématiques ou d’un débriefing à chaud. Il importe également qu’elle ne soit pas initiée pour résoudre une crise institutionnelle ou soutenir un processus de changement. Enfin, sa perspective critique est susceptible d’identifier certains disfonctionnements, de contribuer à leur analyse et donc à leur résolution, mais sa vocation est d’abord de soutenir une réflexion qui n’engage pas de réponse opératoire directe ou/et immédiate, qui permet la construction de savoir-faire sur le moyen et long terme et donc l’amélioration des compétences de l’équipe interdisciplinaire.

Une instance d’infusion

25 L’instance analyse :

26

  • soit la situation d’un jeune dont les conduites requièrent une prise de distance, une compréhension approfondie,
  • soit les situations proches ou similaires de plusieurs jeunes, témoignant d’un même problème qu’il importe de comprendre  [6].

27 L’objectif de cette instance n’est pas seulement d’offrir des perspectives de traitement de la situation problème abordée mais de développer la capacité des professionnels à appréhender ensuite en situation les conduites des jeunes :

28

  • dans leur complexité,
  • au-delà des représentations courantes,
  • en s’efforçant de percevoir leurs bonnes raisons d’agir et le sens que peut prendre pour elles dispositions institutionnelles et pratiques professionnelles,
  • pour développer à leur égard des savoir-faire appropriés.

29 En situation les professionnels n’auront évidemment pas le loisir d’effectuer une analyse approfondie de l’interaction vécue avec le jeune. Mais l’analyse de situations problèmes dans une instance dédiée à cet effet soutient l’acquisition d’un savoir-faire en situation qui s’apparente au sens pratique identifié par les sciences humaines : analyse intuitive d’un problème, réaction instantanée, vision systémique d’une situation complexe, regard réflexif concomitant à l’action.

30 Pour définir cette notion, Bernard Lahire propose l’exemple du joueur de tennis. « Si, au moment où le joueur est pris dans le match, il ne peut compter que sur ses habiletés incorporées, celles-ci peuvent être le produit de tout un travail de réflexion, de correction, de calcul, de stratégie, etc., accumulé durant les heures d’entraînement. L’entraîneur peut rationaliser la pratique du joueur, lui faire prendre conscience de ses coups, de ses défauts, de ses lacunes, il peut « corriger le tir » en orientant les habitudes de jeu du joueur. L’action exécutée dans l’urgence, le jour du match, bénéficie de toute cette préparation [7]. »

31 Comme se forgent les stratégies au travers de l’entraînement, s’élaborent les savoir-faire au travers de l’analyse des situations vécues et des hypothèses de sens qu’elles occasionnent. Cette instance est donc susceptible d’émettre des propositions  [8]. Espace de théorisation, elle ne l’est pas au sens de la recherche pure mais de la confrontation entre les connaissances issues des sciences humaines et les situations rencontrées avec les jeunes.

32 Il importe par contre que les propositions émises ne soient pas acquises dans le cadre de cette instance mais fassent l’objet d’une validation ultérieure, soit au niveau du groupe des professionnels directement concernés, soit par l’encadrement dans une instance décisionnelle. Elles ne doivent pas en effet obéir à une opérationnalité immédiate mais être médiatisées soit par une instance d’autorité, soit par la libre appropriation qu’en fait chaque professionnel relativement à sa personnalité et au contexte de son action. Ainsi que l’énonçait un participant du séminaire précité, ce n’est pas une instance de décision mais une instance d’infusion : les savoir-faire qui s’y élaborent se diffusent par imprégnation.

33 Une telle disposition vise à prévenir la dérive qui consisterait à investir cette instance comme le lieu d’énonciation des pratiques auxquelles se conformer. Il serait cependant illusoire de penser que ne s’y produisent pas des effets relevant du conformisme à une instance institutionnellement valorisée. Mais le fait que la responsabilité d’agir se prenne ultérieurement et à un autre niveau permet que le processus reste ouvert de façon dialectique.

Une interdisciplinarité formative et spéculative

34 On apprend au travers de la difficulté rencontrée. C’est ce qui conduit les professionnels du secteur social et médico-social à développer des savoir-faire relatifs aux problématiques des jeunes accompagnés. Cette instance vise à les faire émerger dans une double perspective :

35

  • formative, notamment par la transmission aux nouveaux professionnels des compétences collectivement acquises par l’équipe,
  • spéculative, en renouvelant les pratiques, en approfondissant la connaissance des problématiques du public, en élaborant des perspectives théoriques.

36 Pour que cette instance soutienne ces perspectives, il faut qu’elle produise des écrits sur ce qu’elle a élaboré et que ces écrits soient institutionnellement valorisés, ce qui implique une qualité de formulation qui les rende intéressants parce qu’argumentés et aisément lisibles. Une attention particulière doit donc être accordée à la rédaction du compte rendu. La valorisation de l’instance passe par la qualité du support scripturaire, par sa diffusion dans l’établissement ou le service, par l’éventuelle récollection sous formes d’annales  [9].

37 Il faut cependant veiller à ce que la réflexion ne soit pas dominée par des débats généraux, qui semblent parfois atteindre un haut niveau théorique mais se révèlent peu opératoires et reposent souvent sur des représentations professionnelles en vogue plus que sur une élaboration spéculative. La méthodologie proposée plus loin repose sur le postulat que le savoir-faire se dégage de l’analyse des situations problèmes, sollicitant les concepts des sciences humaines non pas a priori mais pour autant qu’ils contribuent à éclairer les problèmes rencontrés de façon jugée vraisemblable par les professionnels concernés.

38 Ces savoir-faire sont transversaux à l’ensemble de l’équipe, constitués dans l’interdisciplinarité, visant une cohérence d’approche dans l’interaction avec le jeune, sous des formes différenciées selon les rôles et compétences respectives. La parole de chaque professionnel est considérée de même valeur, quels que soient son niveau et son type de qualification. Les erreurs dans les conduites des uns ou des autres, notamment relatives à la moindre expérience, n’y sont pas considérées comme des indicateurs d’insuffisance particulière mais comme l’opportunité d’éclairer l’interaction entre problématique du jeune et, en réaction, conduites professionnelles, représentations collectives et dispositions institutionnelles.

39 Cela implique notamment que les différentes disciplines professionnelles contribuent aux exposés de situations, que certaines n’en soient pas écartées au prétexte qu’elles seraient moins qualifiées pour les problématiser et, à l’inverse, que d’autres ne se tiennent pas en retrait, apportant leur interprétation des situations mais ne se mettant pas elles-mêmes en jeu et/ou réservant leur apport en invoquant la confidentialité de leur exercice professionnel. Pour garantir l’égal accès et l’égale participation de tous, il importe notamment que les situations fassent l’objet d’une inscription préalable selon des modalités explicites. A contrario, l’apparente spontanéité en début de séance conduit progressivement à l’influence dominante de l’un ou l’autre corps professionnel.

40 Pour soutenir l’échange productif, l’animation est déterminante. Celui ou celle qui l’assure doivent être relativement familiers de la méthodologie d’analyse employée. Par ailleurs, dans la mesure où les situations analysées participent de l’imaginaire institutionnel, l’animation requiert un cadre symbolique affirmé, relevant d’une autorité légitime pour réguler les débats et garantir le respect des personnes. Une animation tournante paraît donc difficile à envisager. Mais, à l’opposé, l’animation systématique par le directeur, personnage garant du cadre symbolique, risque de donner à l’instance une importance telle qu’elle devienne le lieu soit d’énonciation des modalités de fonctionnement, soit d’expression des insatisfactions ou des résistances aux dispositions initiées dans d’autres instances. À un degré sans doute moindre, le risque vaut également pour l’animation par le chef de service. Par ailleurs, l’animation par un psychologue ou le psychiatre semble contradictoire avec la dimension d’interdisciplinarité de l’instance. Elle risque de lui donner une connotation spécifique ou/et d’empêcher leurs apports, l’animateur étant tenu à une certaine réserve pour se concentrer sur la méthodologie, garantir la répartition des interventions, le rythme de l’analyse.

41 À la lumière de diverses expériences menées dans des établissements et services, il apparaît que, si l’animation par l’un ou l’autre des précédents acteurs institutionnels comporte en effet des risques, elle ne provoque pas automatiquement les dérives supposées lorsque l’animateur exerce son rôle avec pondération, développe son propre point de vue de façon réservée. Mais il semble aussi que la meilleure manière de prévenir ces dérives consiste à développer progressivement une animation assurée par différents membres de l’équipe, dont ceux précédemment cités, à la double condition d’une capacité de régulation d’un groupe de professionnels et d’un éventuel temps de formation méthodologique.

42 En tout état de cause, doit être assurée la présence d’un cadre d’autorité pour garantir l’expression de tous et le respect de l’objet auquel est dédiée cette instance.

La structure d’intelligence de la situation

43 Les modalités méthodologiques employées ne reposent pas sur un système théorique mais sur l’hypothèse que les clés d’explication d’une situation résident dans la situation elle-même, que la structure de la situation nous informe sur le sens qu’elle est susceptible de prendre pour chacun des acteurs. L’analyse consiste à travailler en commun les données de la situation, en utilisant de façon opportune des concepts définis dans le cadre des sciences humaines, de manière à percevoir le sens de la situation au travers de sa structure, non seulement au regard des éléments de la situation mais aussi des représentations qui l’accompagnent et que se font ceux qui l’exposent. De façon opportune, parce qu’il ne s’agit pas d’utiliser a priori une théorie pour appréhender la situation, mais de déconstruire cette situation, s’ouvrant ainsi à sa singularité, pour que des concepts en sciences humaines apportent un éclairage vrai-semblable au regard de ses caractéristiques.

44 Une situation qui fait problème est par nature une situation qui comporte des éléments non élucidés, non perçus jusqu’alors ou dissimulés par les projections. Nous en avons une représentation, mais le sens en est opacifié de telle sorte qu’elle n’offre pas de prise. Si on accepte en outre l’idée qu’on participe de cette situation, il y a tout lieu de penser que cette représentation nous en dissimule certains éléments. Il faut donc la décomposer, faire éclater la figure qu’elle constitue à nos yeux, identifier suffisamment de paramètres, tant projectifs que factuels, pour se distancier de représentations projectives, et recomposer la figure à partir des indices de sens apportés par ces paramètres.

45 Pour autant, l’analyse n’a pas la prétention de découvrir la vérité d’une situation. Celle-ci est multiforme et évolutive. Il s’agit empiriquement de faire émerger un sens opératoire qui en relancera la dynamique, d’ouvrir la situation de telle sorte qu’elle évolue, alors qu’une situation problème est bloquée parce qu’elle répète indéfiniment la structure qui la constitue.

46 La méthodologie consiste donc à exposer la situation dans le détail pour en déceler le sens au fil de l’apparition des éléments qui la caractérisent. Pour ce faire, les outils d’analyse suivants peuvent être employés :

47

  • Description linéaire de la situation, de l’événement, en veillant à n’omettre aucun détail susceptible d’être signifiant et en repérant :
    • les ruptures logiques du raisonnement dans la présentation des circonstances (elles signalent un élément caché, un implicite),
    • les éléments ou la structure d’éléments récurrents,
    • les similitudes de conduites entre acteurs (effets de miroir),
    • les éléments qui se contredisent,
    • les éléments insolites (qui ne semblent pas à propos).

48

  • Sur le mode de l’arbre de décision :
    • exploration de l’un des paramètres de la situation pour évaluer s’il constitue un facteur explicatif, ou d’une perspective d’action pour évaluer si elle est susceptible d’engager un processus pertinent,
    • en cas d’infirmation, exploration d’un autre paramètre ou d’une autre perspective, etc.

49 Il s’agit d’échapper au raisonnement circulaire qui tente de prendre tous les éléments en considération sans jamais trancher un argument ou un autre. L’arbre de décision consiste à faire des choix, souvent provisoires, pour hiérarchiser progressivement les facteurs constitutifs de la situation.

50

  • Constitution d’un tableau qui vise à distinguer des séries d’éléments. Par exemple :
    • les conduites du jeune et les conduites des professionnels,
    • les intentions des professionnels et leurs conduites,
    • les différentes circonstances d’observation des conduites problématiques.
  • Confrontation des conduites professionnelles :
    • aux intentions déclarées par les professionnels ou aux orientations institutionnelles,
    • à la raison d’être de l’établissement ou du service.

51 Il s’agit de repérer le degré de congruence entre les conduites professionnelles et les intentions ou le cadre symbolique. Cette approche repose sur l’hypothèse qu’une insuffisante congruence indique un manque de cohérence et donc des messages contradictoires à l’intention du jeune.

52

  • Adoption systématique du point de vue de l’enfant ou de l’adolescent en recherchant ses bonnes raisons d’agir comme tel au vu des conduites professionnelles et/ou de sa problématique, puis identification des conduites professionnelles susceptibles de prendre un sens favorable à l’amélioration de sa problématique (renforcement de potentialités, pédagogie du détour, abandon d’objectifs surdimensionnés, etc.).

53 Par ailleurs la démarche suppose un accord des participants sur certains préalables.

54

  • Les informations fournies par les uns et les autres doivent être mises en mémoire, autrement dit progressivement enregistrées sur un support, pour permettre une appréhension systémique.
  • Ce support mnésique doit être à la vue de tous les participants pour qu’ils contribuent à la réflexion (tableau, vidéo-projecteur, photocopies)
  • Le débat doit :
    • se développer à un rythme tempéré pour permettre l’inscription détaillée sur le support,
    • être ordonné au sens où il faut s’arrêter sur chaque idée et non rebondir d’idée en idée sans approfondissement, comme on l’observe souvent dans les débats de fond.
  • Les outils d’analyse doivent être portés à la connaissance des participants pour qu’ils s’emparent de leurs modalités d’exécution. Cela leur permet notamment :
    • de faire des propositions en cours d’analyse sur les outils appropriés,
    • de rappeler les principes d’exécution et donc de contribuer à la considération des avis de chacun.

55 La méthodologie est constitutive d’une telle instance de réflexion. Seul le passage par une discipline garantit qu’elle ne soit instrumentalisée par divers enjeux institutionnels et ne devienne le lieu d’exercice de relations de pouvoir faussant l’expression régulée des points de vue dans leur diversité.

56 Elle repose sur le postulat empirique que le savoir-faire se construit à partir de l’étude de situations. S’il n’est pas impossible d’envisager une approche par thématique (ex : le repas, les relations de dépendance intrafamiliale, la pudeur chez les adolescents, etc.), celle-ci ne produira de savoir-faire que dans la mesure où seront d’abord rassemblées des situations concrètes, non pas considérées comme illustratives, mais comme matériau de recherche dont émergera une connaissance supplémentaire ou plus approfondie des problématiques du public concerné.

57 La dimension d’abord descriptive du travail, sur le mode phénoménologique, est déterminante. Il ne s’agit pas, dans un premier temps, d’émettre des hypothèses mais de déposer le matériau. Pour com-prendre une situation, il faut d’abord se dé-prendre du sens que nous lui donnons et qui ne se révèle pas opératoire ou que nous considérons insatisfaisant. Autrement dit : prenons une loupe pour examiner les mille détails, recensons les indices pour en apprendre plus. La recherche relève d’une démarche d’entomologiste, de détective méticuleux, avant que ne se dégage une structure de sens.

La nécessité d’une formation à l’animation de l’instance ?

58 La formation préalable à l’animation d’une telle instance est-elle nécessaire ? Je répondrai plutôt ici par la négative dans la mesure où les outils proposés relèvent du corpus ordinaire de l’animation et de modalités d’analyse courantes en sciences humaines, voire pour certains de la simple logique. Mais l’appréhension rationnelle de ces outils n’induit pas d’emblée leur familiarité d’utilisation et leur utilisation mécanique ne produit pas les effets attendus. Il faut donc peut-être envisager un processus formatif de cet ordre :

59

  • approche et expérimentation des outils dans le cadre d’une séquence formative initiale,
  • mise en œuvre au sein de l’établissement ou du service,
  • débriefing formatif pour partager difficultés et réussites.

60 C’est par une appropriation concrète de cet ordre que l’animateur se familiarisera aux outils, en sorte que l’équipe interdisciplinaire s’en empare à son tour sur le mode participatif. L’animation d’une telle instance implique par ailleurs une assise en sciences humaines et une expérience professionnelle, afin que le groupe se sente en confiance devant une compétence clinique, non de l’ordre de la maîtrise d’une discipline particulière, mais de la capacité à analyser des situations en exploitant des concepts appropriés.

61 La déconstruction des représentations implique un temps de mise à plat des situations susceptible de générer une indécision (où va-t-on ?) que l’animateur doit accepter comme un passage nécessaire et donc réguler à son niveau et au niveau du groupe. L’utilisation des outils peut paraître artificielle et faire l’objet de réserves initiales. Sans doute faut-il un climat suffisamment consensuel pour engager le processus, mais celui-ci implique aussi d’énoncer clairement l’intérêt d’une discipline de raisonnement en lui présupposant des effets.

62 Il faut ainsi, si l’on va jusqu’au bout de la logique que nous avons exposée, écarter la perspective d’un accompagnement par un intervenant extérieur même à intervalles espacés. La démarche peut éventuellement s’entamer à partir d’une expérience initiale de formation, s’enrichir d’interactions avec diverses formations individuelles ou collectives en externe ou en interne. Mais l’établissement ou le service doit être porteur de la démarche puisque celle-ci repose sur le postulat que les professionnels sont susceptibles de dégager des savoir-faire au contact de leur public  [10].

Notes

  • [1]
  • [2]
    On emploiera ici le terme de jeune pour désigner de façon générique l’enfant et l’adolescent.
  • [3]
    Qu’il s’agisse de l’intervention unique d’un établissement spécialisé ou de l’intervention concertée entre une école ordinaire et un service ou un établissement spécialisé, ce dispositif est institué pour le jeune concerné, et il constitue un système d’action mis en œuvre à son intention. C’est en ce sens qu’on entendra ici l’expression système institutionnel.
  • [4]
    Ce qui ne dénie aucune valeur à la théorie, mais la considère au service de la réalité de la personne et donc à approcher de sa situation et non l’inverse.
  • [5]
    Je remercie à ce titre : Didier Changenet, Jean-Claude Crusson, François Delacourt, Vincent Defour, Noëlle Demersseman, François Homerville, Yann Mari Magré, Pia Perrot, Colette Prud’homme, Dominique Raquin, Patrick Rey, Francis Vergne, Françoise Voisin.
  • [6]
    Cette instance se distingue :
    - de la synthèse de projet individuel (ou d’une réunion intermédiaire de suivi), qui doit aboutir à la définition d’objectifs et de moyens correspondants ;
    - de l’analyse de la pratique, effectuée avec un intervenant extérieur et centrée sur le vécu des professionnels, sans visée opératoire ;
    - des réunions thématiques de l’ordre de la commission de travail dédiée à l’élaboration de dispositions opératoires concernant le fonctionnement de l’établissement.
  • [7]
    L’homme pluriel, les ressorts de l’action, Essais et Recherches, Nathan, Paris, 1998, p. 177.
  • [8]
    On entendra ici par proposition le fait d’énoncer une hypothèse explicative (« On suppose que cette conduite… ») aussi bien qu’une action éventuelle (« On pourrait faire… »).
  • [9]
    On restera prudent quand au degré de réalisation scripturaire à atteindre. La tension sur les temps de réflexion ou de concertation disponibles dans les établissements et services est aujourd’hui telle qu’il est inopérant voire contre-productif de les surcharger par des exigences élevées qui se révèlent intenables ou remplies au détriment d’autres aspects de l’action. Rien ne sert de projeter des dispositions dont on n’a pas les moyens.
  • [10]
    Voir Bertrand Dubreuil, Le professionnalisme en action sociale et médico-sociale. Des savoirs à reconnaître, Dunod, Paris, 2009.
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