Couverture de NRAS_034

Article de revue

Comment pratiquer les arts plastiques avec des enfants autistes dits « de bas niveau », présentant une déficience intellectuelle et des troubles associés ?

Atelier conduit dans un IME de la région parisienne

Pages 289 à 294

1 L’institutrice spécialisée me présente les enfants lors d’une séance de psychomotricité. Ceux-ci sont sollicités afin de réaliser, en marchant, différents parcours

2 mis en place dans l’espace de la salle. Je fais ainsi la connaissance de Michael, onze ans, qui ne parle pas mais s’exprime au moyen d’une gamme de cris variés et de balancements plus ou moins violents lorsqu’il est assis. Le dos de sa main porte les marques des morsures que fréquemment il s’inflige. Béatrice, treize ans, paraît plus calme. Elle affiche la plupart du temps un large sourire et utilise quelques mots. Quant à Philippe, seize ans, il semble comprendre beaucoup de choses, il répète souvent les mots émis par les adultes tels que : « oui », « c ‘est bien », « comme ça », et exécute les tâches demandées avec le sourire, en cachant néanmoins son visage derrière ses bras repliés, tout en émettant des sortes de grondements.

3 Ces enfants n’ont jamais fait d’arts plastiques. Par où commencer ?

4 Avec l’enseignante spécialisée, nous convenons de mettre en place un projet de peinture qui ferait le lien avec le travail portant sur les parcours psychomoteurs. Nous décidons d’exploiter un motif très simple : la ligne droite.

5 Chaque séance d’arts plastiques sera donc précédée d’une séance de psychomotricité. Durée totale : une heure maximum.

6 Au préalable il est nécessaire de rappeler que la motricité concerne l’ensemble des relations entre vie mentale, vie affective et somatique, ainsi que leur expression sur le plan corporel. Elle considère leurs manifestations sous l’angle fonctionnel et expressif et dans leurs interactions avec les facteurs culturels, sociaux et physiques qui fondent la personne humaine. Le psychomotricien s’adresse à ce que la motricité représente, c’est-à-dire à la personnalité en action, en agissant sur les fonctions psychomotrices du sujet, confronté à des difficultés psychologiques vécues et exprimées corporellement. Les moyens qu’il utilise reposent sur des techniques de relaxation dynamiques, d’éducation gestuelle, d’expression corporelle ou plastique, ainsi que sur des activités rythmiques de jeu, d’équilibration et de coordination (Dictionnaire de l’enseignement et de l’éducation spécialisée, Fuster Philippe, p. 143, 161).

7 L’objectif du travail est d’amener les enfants à appréhender le tracé d’une ligne droite en le vivant au préalable dans l’espace avec leur corps, (parcours moteur d’une longueur de dix mètres environ dans la salle de psycho motricité), puis en le concrétisant sur l’espace à deux dimensions d’une feuille posée à plat, ainsi que sur des panneaux verticaux.

Première séance : parcours moteur

Repère dans l’espace : la ligne d’un point à un autre

8 Dans la pièce, l’espace à parcourir trace une ligne matérialisée par des objets : (petits pieds de couleur en plastique). Le point de départ et le point d’arrivée sont symbolisés par un cerceau. Les enfants sont incités à regarder la droite ainsi formée et à marcher dessus. Ils partent du premier cerceau pour aller se placer à l’intérieur du deuxième, en bout de ligne.

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  1. Une deuxième ligne est tracée à la craie sur le sol à côté de la première. Elle est parcourue d’abord par les adultes. Il s’agit de faire un aller et retour d’un cerceau à un autre. Les enfants devront faire de même, puis nous leur demanderons de poser des objets le long du trajet pour qu’ils visualisent leur parcours.
  2. Sur le parcours, nous posons un tunnel en plastique par lequel devront passer les enfants. Au retour, ils devront à nouveau traverser le tunnel en tenant une corde. Consigne est donnée de ne pas la lâcher (un adulte tient l’autre bout de la corde). Arrivé à destination, l’enfant tend la corde pour matérialiser l’espace parcouru.

10 Philippe et Béatrice participent spontanément à l’activité. Ils sont très contents et fiers de réussir. Michael a besoin d’être sollicité et aidé. Cet enfant qui a le plus de mal à communiquer et à entrer dans l’action, semble observer néanmoins de temps en temps les autres avec intérêt. Il regarde le plus souvent de loin, et manifeste sa présence par des cris envoyés dans la salle.

11 Après l’activité portant sur la motricité nous disposons dans la salle trois tapis sur lesquels nous plaçons une feuille de papier. Dans un coin, un grand carton est posé sur un chevalet.

Activité de peinture

12 À disposition : trois couleurs, trois pinceaux fins (un par couleur).

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  1. L’objectif est d’amener dans un premier temps les enfants à tracer sur la feuille posée à plat une ligne. Conventionnellement, on dit que cette ligne est verticale, autrement dit : du haut de la feuille vers le bas, mais pour les enfants il s’agit surtout de matérialiser un parcours sur un espace restreint, en mettant en mouvement d’autres parties du corps : le bras, la main, en utilisant un pinceau fin enduit de peinture fluide de la couleur de leur choix. L’espace à parcourir est celui d’une feuille de format A4, cependant les enfants ont besoin d’effectuer plusieurs essais avant d’obtenir un trait continu. On donne autant de feuilles qu’il est nécessaire. Un adulte au préalable a montré comment faire, en traçant lui-même un trait de couleur. Le travail est individualisé, il y a un adulte par enfant (l’enseignante spécialisée, l’éducatrice, l’enseignante en arts plastiques).
  2. La consigne est la même : tracer une ligne continue à la peinture. L’espace à parcourir est plus grand, le support est vertical (le grand carton posé sur le chevalet). Le geste dans l’espace à peindre est cette fois effectivement vertical. Là encore, plusieurs essais sont nécessaires pour que les enfants réussissent à tracer un trait continu du haut du carton jusqu’en bas.

14 Nous plaçons un autre chevalet à côté du premier, sur lequel repose un autre carton de même taille. Même consigne, même geste, seul change l’outil : le bâton de pastel gras remplace le pinceau. Béatrice comprend vite ce qu’il faut faire et retrouve rapidement le geste approprié. Philippe se prend au jeu. Son plaisir se manifeste par diverses mimiques du visage et l’émission de sons variés. Il a repéré tout de suite le mouvement du haut vers le bas et continue le trait, même s’il n’y a plus de matière sur son pinceau. Peu à peu, son geste s’affirme et se fait plus rapide. « C’est bien », dit-il sans cesse. Quant à Michael, après avoir été beaucoup encouragé, il réussit à laisser quelques traces sur le carton avant de retourner s’asseoir au fond de la salle où il reste tranquille sans se frapper ni se mordre. Il reviendra avec nos encouragements, pour laisser sur le deuxième carton un trait au pastel tout à fait adapté à la consigne demandée. Michael, de sa place, après avoir sans doute observé les gestes des autres, a pris un réel plaisir à répondre à nos sollicitations et à faire comme les autres, l’espace d’un instant.

Deuxième séance

Parcours moteur

15Révision de la première séance de motricité (rappel des différents parcours)

16 Innovation :

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  1. On concrétise la ligne droite en demandant cette fois aux enfants, tout en progressant sur la trajectoire entre les deux cerceaux, de placer des chapeaux de métal en couleur. Puis, en faisant le chemin inverse, de ramasser les chapeaux en les emboîtant les uns dans les autres.
  2. On incite les enfants à parcourir la distance entre les deux cerceaux sur des planches en plastique de couleur que l’on a disposées pour former une ligne droite. Aller et retour.
  3. À l’aller, sur le chemin conduisant d’un cercle à l’autre, quatre anneaux en plastique de couleur sont posés par les enfants à tour de rôle ( sur des croix préalablement tracées à la craie). Quand un enfant parvient au bout de la ligne à l’intérieur du cerceau, l’animatrice lui met en main le bout d’une corde. En effectuant le trajet du retour, l’enfant devra sans la lâcher, passer au fur et à mesure la corde dans les anneaux qui sont posés à terre. Parvenu à son point de départ, il se retrouve debout dans le cercle, face à l’adulte qui tient l’autre extrémité du lien. Celui-ci incite alors l’enfant à tendre la corde pour faire une belle ligne droite. Progressivement l’enfant doit comprendre que s’il lève le bras, la ligne formée par la corde n’est plus horizontale et les anneaux enfilés glissent vers le sol en s’éloignant de lui. En revanche s’il se baisse, les anneaux se rapprochent.

Peinture

18 Les enfants continuent le travail sur la ligne droite :

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  1. Travail au sol. Feuille blanche format A3 avec de la gouache fluide et un pinceau brosse de largeur moyenne. La consigne est la même que dans la séance précédente : tracer une ligne droite partant du haut vers le bas (un adulte montre le geste d’abord), puis une deuxième, une troisième, etc.
  2. Travail à la verticale sur deux grands cartons posés sur des chevalets. Consigne : sur le carton n° 1, tracer une ligne droite du haut vers le bas. L’énoncé de la consigne pour les enfants est : « regarde, tu vas tracer un trait tout droit, tu commences par en haut et tu descends, tu descends tout en bas… comme ça » (geste à l’appui, l’adulte tient la main de l’enfant et oriente son geste). Ensuite tu retournes à ta place et c’est le tour de quelqu’un d’autre. Avec de la gouache fluide et un pinceau brosse large. Sur le carton n° 2, la consigne est la même : on remplace la peinture par des pastels gras. (par la suite, au moyen d’un élastique, on attachera ensemble trois ou quatre pastels choisis dans une gamme de couleur. Les enfants travaillent sur le même support chacun à son tour. Au bout de quelque temps, chacun sait qu’il peut intervenir quand l’autre a fini de tracer sa ligne. À la fin de la séance les deux grands cartons sont recouverts de traits verticaux de couleurs différentes.
  3. Pour finir la séance, retour sur des feuilles posées à plat. Les enfants devront cette fois tracer des lignes de la gauche vers la droite. À la peinture ou au pastel, autant de fois qu’ils veulent.

20 Et l’on s’en tient là, car les enfants manifestent des signes de fatigue…

Troisième séance : peinture

21 Constitution de panneaux à partir du travail des enfants

22 Lignes au pastel gras. Panneaux obtenus en superposant des rectangles découpés sur les grands cartons initialement travaillés sur le chevalet.

23 Assemblage de diverses découpes effectuées sur les panneaux en carton.

24 Les adultes ont procédé à la découpe et ont ensuite suggéré plusieurs positionnements aux enfants : « comment on pose les rectangles, comme ceci ? Ou comme cela ?….. ». Béatrice et Philippe se sont manifestés en montrant du doigt les emplacements de leur choix et en intervenant sur le sens du positionnement des découpes, ce qui pour ces enfants constitue un progrès supplémentaire en matière d’investissement dans le travail proposé.

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