Notes
-
[1]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain – La Guerre des Forts (Fayard), p. 12.
-
[2]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 92.
-
[3]
Tablettes de l’Aisne, 2 février 1935.
-
[4]
Histoire patriotique du général Boulanger, attribuée à Michel MORPHY (Fayard), p. 1003.
-
[5]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain – La Guerre des Forts (Fayard), p. 148.
-
[6]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 11.
-
[7]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 36.
-
[8]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 528.
-
[9]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 510.
-
[10]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 486.
-
[11]
Le Petit Journal, 14 juin 1886
-
[12]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain - La Guerre des Forts (Fayard), p. 148.
-
[13]
Capitaine DANRIT, op. cit., préface, lettre à M. Claretie.
-
[14]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 392.
-
[15]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 11.
-
[16]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 726.
-
[17]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 760.
-
[18]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 757.
-
[19]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain – Le Journal de guerre du Lieutenant Von Piefke (Fayard), p. 2827.
-
[20]
Honoré BEULAY, Mémoires d’un grenadier de la Grande Armée (Champion, 1907), préface du cdt Driant
-
[21]
Général BOULANGER, L’Invasion Allemande – Guerre franco-allemande de 1870-71 (Rouff, 1888-1891)
-
[22]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain – La Guerre des Forts (Fayard), p. 757-759.
-
[23]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 992.
-
[24]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain - La Guerre en rase campagne (Fayard), p. 1346.
-
[25]
Capitaine DANRIT, op. cit., pp. 1351, 1352, 1363, 1365.
-
[26]
Hervé PAUL, Neufchâtel-sur-Aisne, Vingt siècles d’un village français (Ed. DEFG, 2017).
-
[27]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain – La Guerre en ballons (Fayard), p. 1838.
-
[28]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain - La Guerre en rase campagne (Fayard), p. 1268.
-
[29]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain – La Guerre en ballons (Fayard), p. 1821.
-
[30]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 2358.
-
[31]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 1880.
-
[32]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 2471.
-
[33]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 2389.
-
[34]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 1724.
-
[35]
Capitaine DANRIT, L’Invasion noire (Flammarion), préface, lettre à M. Jules Verne.
-
[36]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain - La Guerre des Forts (Fayard), préface, lettre à M. Jules Claretie.
-
[37]
Capitaine DANRIT, Histoire d’une famille de soldats – Petit Marsouin (Delagrave), p. 159-161.
-
[38]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 164.
-
[39]
Notes reçues au Lycée Impérial de Reims en classe de 4e (1869-1870)
-
[40]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 168.
-
[41]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain – La Guerre des Forts (Fayard), p. 912.
-
[42]
Capitaine DANRIT, Histoire d’une famille de soldats – Petit Marsouin (Delagrave), p. 172.
-
[43]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 183.
-
[44]
Capitaine DANRIT, Robinsons sous-marins (Flammarion), p. 16.
-
[45]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain – La Guerre en rase campagne (Fayard), p. 807.
-
[46]
Capitaine DANRIT, Robinsons sous-marins (Flammarion), p. 40-43.
-
[47]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 398.
-
[48]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 408-411.
-
[49]
Capitaine DANRIT, « Les Saint-Cyriens chez eux », in Le Monde Moderne (juillet-décembre 1896), p. 209-219.
-
[50]
Capitaine DANRIT, La Guerre fatale (Flammarion), p. 999.
-
[51]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 1163, note 1.
-
[52]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 1019.
-
[53]
Capitaine DANRIT, Histoire d’une famille de soldats – Petit Marsouin (Delagrave), dédicace à Jean de Sémant.
-
[54]
Capitaine DANRIT, La Guerre souterraine (Flammarion), p. 264-266.
-
[55]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain - La Guerre des Forts (Fayard), préface, lettre à M. Jules Claretie.
-
[56]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain - La Guerre en rase campagne (Fayard), p. 1694.
-
[57]
Capitaine DANRIT, La Guerre fatale (Flammarion), p. 853-854.
-
[58]
in Le Combat du Bois des Caures par le général H. J. Fournier (2016), p. 194.
-
[59]
Capitaine DANRIT, La Guerre fatale (Flammarion), p. 904.
-
[60]
Lt-colonel DRIANT, Ordre du jour n° 33, du 20 janvier 1916.
-
[61]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain – La Guerre en rase campagne (Fayard), p. 1195.
-
[62]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain – La Guerre des Forts (Fayard), p. 572.
-
[63]
Lettre du caporal VANDELANGUEN (56e BCP) à Robert DRIANT (Noël 1914).
-
[64]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 572.
-
[65]
in Le Combat du Bois des Caures par le général H. J. Fournier (2016), p. 184.
-
[66]
Frédéric SCHWINDT, « La mort du soldat », in Les Guerres du Capitaine Danrit, Le Rocambole n° 74 (2016), p. 131.
-
[67]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain – La Guerre des Forts (Fayard), p. 586 et 589.
-
[68]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain – La Guerre en rase campagne (Fayard), p. 1196.
-
[69]
Un ravin couronné de bois… c’est exactement la position des Bois des Caures et d’Haumont, séparés par un ravin que Driant avait identifié comme une faiblesse par où les Allemandes chercheraient à s’introduire.
-
[70]
Le corps du lt-colonel Driant fut exhumé en 1919 pour être identifié, puis inhumé au même endroit. La veuve du Colonel Driant raconte que les gens du pays qui étaient présent apportèrent alors des brassées de coquelicots et de bleuets qui furent déposées dans le cercueil où reposaient les restes d’Émile Driant.
-
[71]
Capitaine DANRIT, Robinsons sous-marins (Flammarion), p. 123-125.
Sorti de Saint-Cyr en 1877, j’étais encore enfant quand les corps d’armée germains sont passés, se succédant sans interruption, dans ce petit village de Neufchâtel, l’un de leurs gites d’étape, près de Reims, sur la route de Paris. Et je me souvenais qu’alors, furieux de mon impuissance et de ma jeunesse, je m’étais juré de grandir bien vite et d’être officier pour le jour de la revanche [1].
1À la lecture de ces quelques lignes, ceux qui connaissent sa vie auront reconnu le portrait d’Émile Driant. Né en 1855, à Neufchâtel-sur-Aisne, il y vit en effet passer les troupes allemandes lors de la défaite de 1870, alors qu’il n’était qu’adolescent. Ce souvenir, resté profondément ancré dans le cœur du jeune homme, le décida alors à devenir officier ; il entra en 1875 à Saint-Cyr dont il sortit sous-lieutenant en 1877.
2Pourtant, ces propos ne sont pas d’Émile Driant lui-même, mais extraits de son premier roman, La Guerre des Forts, et posés, comme une confidence, sur les lèvres de son narrateur et personnage principal, le jeune Lieutenant Danrit. Mais alors, qui parle ? Est-ce le capitaine Driant, l’officier ? Le Capitaine Danrit, l’écrivain ? Ou bien ce lieutenant Danrit, narrateur et héros de fiction ? On peut légitimement se poser la question. Et, à la lecture de certains passages, cette question se pose pour une grande partie de son œuvre.
3En effet, le Capitaine Danrit – l’anagramme est déjà assez transparent – a disséminé des indices autobiographiques plus ou moins explicites, dans à peu près tous ses romans. Leur étude exhaustive mériterait une thèse approfondie. Contentons-nous ici de parcourir cette forêt de références et de découvrir ce qu’elles nous révèlent d’Émile Driant, de certains événements de sa vie, de traits de son caractère, et ce qu’elles pourront nous dire aussi sur son œuvre littéraire.
4Entre son premier roman et le dernier, l’œuvre du Capitaine Danrit a connu une évolution.
5La Guerre des Forts, son premier ouvrage, a un statut bien particulier puisqu’il est écrit entièrement à la première personne et met en scène, comme personnage principal et narrateur, un lieutenant Danrit qui a tous les traits de son auteur.
6Dans les deux volumes suivants, La Guerre en rase campagne et La Guerre en ballons – qui, avec La Guerre des Forts, forment La Guerre de Demain – les anecdotes personnelles sont encore très présentes, mais parfois moins explicites.
7Puis, ces références sont beaucoup plus discrètes dans la suite de l’œuvre, à l’exception de Petit Marsouin (1898) et des Robinson Sous-marins (1908), dans lesquels certains passages évoquent très clairement la vie de leur auteur.
8Parcourons ces trois phases pour y explorer les références autobiographiques qu’elles contiennent et ce qu’elles peuvent nous apprendre.
1. La Guerre des Forts, entre anticipation et autobiographie
Du capitaine Driant au lieutenant Danrit
9C’est dans sa propre expérience personnelle que le Capitaine Danrit ira puiser pour construire la trame de son premier roman : se souvenant du jeune Lieutenant qu’il avait été, en sortant de Saint-Cyr, au 54e Régiment d’Infanterie de Compiègne, et aux heures passées en détachement au Fort de Liouville, tourné vers la frontière, guettant le jour où le conflit qui rendrait à la France les régions annexées se déclencherait enfin, espérant pouvoir, en première ligne, contribuer à la victoire. Ce sont les pensées et les sentiments que le lieutenant Driant avait à 25 ans que le capitaine Danrit réveille pour donner vie à son premier héros, le lieutenant Danrit.
Dessin du Fort Liouville par le sous-lieutenant Émile Driant (décembre 1880)
Dessin du Fort Liouville par le sous-lieutenant Émile Driant (décembre 1880)
10Le parallèle est évident entre l’auteur et son personnage. Le Lieutenant Danrit – dans le passage cité au début de cet article – confie être né à Neufchâtel et être sorti de Saint-Cyr en 1877, comme son créateur. Il connaît parfaitement le Fort de Liouville où se déroule l’intrigue ; tout comme Driant qui y fut détaché en 1880 et y passera de longs mois, y effectuant notamment des relevés topographiques.
11On imagine volontiers que Driant a aussi goûté aux parties de chasse aux alentours du Fort évoquées au début de l’ouvrage. Il devait être accompagné de sa petite levrette, « Neigette », qui apparaît aux côtés du Lieutenant Danrit : cette petite chienne qui « bondissait et lui sautait à la figure pour l’embrasser », puis, qui, « docile, se réunit en boule, sur le pied de son lit, sa place favorite, qu’elle lui réchauffait pendant les longues soirées d’hiver [2]. » C’est une anecdote amusante qui nous apprend que le lieutenant Driant a bien eu une chienne de ce nom. En effet, en 1930 – rapporte un journal de l’Aisne [3] –, à Séry-les-Mézières, des ouvriers trouvèrent un collier de chien sur le cuivre duquel on déchiffra l’inscription suivante : « lieutenant Driant, 54e » et le nom du chien « Neigette ».
12Le capitaine Driant et le Lieutenant Danrit ont aussi en commun un goût très prononcé pour la photographie. Dans son Histoire du Général Boulanger, c’est en faisant référence à son appareil photographique que Michel Morphy évoque la présence d’Émile Driant aux côtés du Général Boulanger, alors commandant la Division française en Tunisie :
13Un de ses officiers d’ordonnance, le capitaine Driant, soldat merveilleux, d’une intelligence aussi souple que d’un ardent courage, possédait artistement l’emploi de la photographie qui va plus vite que le crayon [4].
14Comment ne pas reconnaître le même capitaine Driant sous les traits du lieutenant Danrit dans ce passage de La Guerre des Forts :
Campagne (mon ordonnance) avait monté mon appareil photographique : depuis qu’il me suivait dans mes excursions, il m’aidait dans mes développements, et me suppléait dans les tirages, virages, fixages et lavages ; il était devenu aussi fort que moi.
– On dit qu’ils (les Allemands après un assaut qui vira à la défaite) vont venir ramasser leurs morts, me dit-il, quand j’entrai, est-ce que nous n’allons pas prendre cette vue-là ?
– Mon pauvre Campagne, tu as une bonne idée, c’est vrai, mais je tombe de sommeil.
– Oh ! Mon lieutenant, vous ne pouvez pas rater ça : songez donc à votre album.
Il avait raison, le brave garçon : depuis six ans, j’amassais dans mon album toutes les vues militaires possibles : scènes d’intérieur de chambres, exercices, revues, tirs, etc. Et j’irais manquer un pareil tableau ! Le photographe se réveilla en moi. […]
Je ne regrettai pas l’idée de mon ordonnance : si on travaillait ferme dans le fort, le terrain extérieur présentait l’animation la plus extraordinaire. […] Je braquai mon objectif sur la ligne des voitures, sur les tas de casemates disposées ça et là, en prenant comme premier plan la ligne de nos sentinelles. Grâce à la rapidité des plaques Monckven dont je me servais et à l’appareil à guillotine adapté à l’objectif, je pus prendre plusieurs vues instantanées de cet inoubliable tableau sans avoir à dire aux Allemands la phrase sacramentelle : « ne bougez plus ! » Pour terminer, je pris aussi quelques-unes de nos ruines à nous, et Campagne, enveloppant soigneusement les châssis dans le voile noir, emporta le tout avec un air de profonde satisfaction. Il ne fallait pas songer à les développer maintenant : plus tard, après la guerre on verrait [5].
16Ces fameux albums, Émile Driant en a laissé de précieux, notamment trois volumes imposants pris en Tunisie, retraçant en effet des scènes d’intérieurs, d’exercice, de tirs, ou d’expéditions dans l’arrière-pays. Les négatifs de ces clichés, sous formes de plaques, sont conservés au Musée du Tau, au Mans, où ils ont été déposés par un de ses descendants. D’autres albums très précieux rassemblent des photos prises en 1915, à proximité du Bois des Caures, et retracent la vie des Chasseurs des 56e et 59e Bataillons de Chasseurs à pied, sous les ordres du lt-colonel Driant, lorsqu’ils sont au repos dans les villages avoisinants, à Vacherauville et Samogneux. Là encore les scènes d’intérieurs, les revues et exercices sont nombreux, mais aussi des scènes plus amusantes, tels ces chasseurs – pris en photo par leur colonel – se baignant dans la Meuse devant un panneau Baignade interdite. Il existe aussi quelques photographies de l’époque où Driant était au 54e RI, à Compiègne : il prend des poses avec ses camarades, simulant des scènes de duel, de combat, où se moquant de l’un d’eux assis à un chevalet en train de peindre ; les légendes caustiques inscrites à la main sous la photo font penser aux selfies et snapchats actuels.
17Précisément, sur une de ces photographies, l’on retrouve un certain nombre de camarades du 54e RI qui apparaissent dans La Guerre des Forts. C’est le cas notamment de « Montbar » qui, dans le roman, est affecté au fort voisin de Girouville. Ce Montbar est en réalité le lieutenant de Montbas, un officier du 54e RI, « un de mes meilleurs amis du 54e » [6] confie Danrit. Sur le même cliché figure le lieutenant Souverain, rebaptisé « Souterrain » dans le roman – ce qui permet à son auteur de faire un bon mot dont il semble friand : « avec un nom comme ça, on se met dans le génie ou dans les mines ». Danrit en fait un portrait haut en couleurs :
18Gentil camarade d’ailleurs, sorti de Saint-Cyr depuis 2 ans : mais il menait une conduite ! Une conduite de bâton de chaise, comme on dit, prenant sans cesse un jupon pour point de direction [7].
19Sur le même cliché, aux côtés de Souterrain et Montbar, il y a encore le futur général Tassin, et le Dr Chrysti – qui apparaîtra dans La Guerre en rase campagne – dont les noms n’ont pas été modifiés.
Émile Driant et ses camarades du 54e RI à Saint Mihiel, en 1882 (de haut en bas, de gauche à droite : le lieutenant de Montbas, le lieutenant Vincent, un officier d’Intendance, un autre officier d’Intendance, le lieutenant Tassin, le Docteur Christy, le sous-lieutenant Souverain, le sous-lieutenant Driant)
Émile Driant et ses camarades du 54e RI à Saint Mihiel, en 1882 (de haut en bas, de gauche à droite : le lieutenant de Montbas, le lieutenant Vincent, un officier d’Intendance, un autre officier d’Intendance, le lieutenant Tassin, le Docteur Christy, le sous-lieutenant Souverain, le sous-lieutenant Driant)
20Parmi les personnages que Driant a réellement côtoyés et qui font une apparition dans La Guerre des Forts, il n’y a pas seulement ces anciens camarades du 54e. On trouve aussi des personnages comme le « Père Mireau, le vieux cabaretier (d’un village voisin du fort) » [8] qui est en fait le Père Moreau de Neufchâtel-sur-Aisne ou des personnages plus célèbres comme Paul Déroulède. Lorsqu’un des personnages évoque la figure du fondateur de la Ligue des Patriotes, il demande au lieutenant Danrit :
– Vous le connaissez, je crois.
– Oui, mon capitaine (répond Danrit), beaucoup ; et j’ai un recueil de ses Chants du soldat sur lequel il m’a donné lui-même le titre d’ami [9].
22Et en effet, Déroulède lui avait dédicacé un exemplaire avec cette mention : « à mon cher ami, le capitaine Driant, amical souvenir d’un ancien zouave. Paul Déroulède (1890) ».
23Il y a aussi le Commandant Renard dont le ballon survole le fort assiégé et qui à l’aide d’un téléphone descendu à la hauteur du sol entame une conversation avec le lieutenant Danrit :
– Je suis le commandant Renard […]
– Comment, c’est vous, mon commandant ! Vous souvient-il d’un lieutenant qui fit avec vous en 1886 une ascension par un temps assez vilain, une ascension terminée dans l’Oise, au milieu d’un orage…
– C’est vous, Danrit ? [10]
25Cette fameuse ascension a bien eu lieu et fut relatée dans la presse de l’époque :
26Le commandant Renard directeur de l’école d’aérostation militaire de Chalais-Meudon, a fait, avec deux autres officiers, une nouvelle ascension en ballon libre qui a réussi, malgré des courants difficiles dus à la température orageuse et variable que nous subissons. Après avoir plané à une hauteur de 1 000 mètres environ au-dessus du Louvre, le ballon s’est dirigé vers le Nord-Est, et la descente eut lieu près du Plessis-Belleville, sur la route de Soissons. Le lieutenant Driant, compagnon du commandant Renard, et officier d’ordonnance du général Boulanger, a pris à grande distance des vues photographiques instantanées de Paris et de la campagne environnante [11].
27Ces photographies prises lors de cette ascension, Driant les a prêtées au lieutenant Danrit dans la casemate duquel étaient « accrochées aux murs […] des vues de Paris, Compiègne, Senlis prises en ballon en 1886 [12].
28Lorsque l’on constate, à travers ces quelques exemples, tout ce qu’il y a de Driant dans le personnage du lieutenant Danrit, on se demande dans quelle mesure le lieutenant Danrit ne nous parle pas aussi du capitaine Driant. Surtout lorsque l’auteur déclare dès sa préface :
29[…] le fort de Liouville, je l’ai habité et commandé ; les camarades qui s’y meuvent sont mes anciens amis de régiment ; les soldats que j’y nomme sont ceux de ma première compagnie ; les caractères des uns et des autres, ceux que je leur ai connus [13].
30L’on s’imagine alors volontiers que certaines anecdotes évoquées dans le roman nous parlent de leur auteur.
Du lieutenant Danrit au capitaine Driant
31Certaines anecdotes, par exemple, nous éclairent sur la relation que Driant pouvait entretenir avec ses camarades lorsqu’il était jeune lieutenant à Compiègne. Lorsque le lieutenant Danrit dit à propos de « Souterrain » (Souverain) et ses camarades :
32Nous aimions ce grand enfant chacun à notre manière. Je l’avais piloté à la sortie de Saint-Cyr, présenté aux camarades, accompagné dans ses visites d’arrivée au régiment, cette corvée traditionnelle et réglementaire. Plus d’une fois, il avait eu à subir mes remontrances amicales, à entendre les reproches paternels du capitaine, mais tous trois nous formions une petite famille dont il était le benjamin. Quelles bonnes parties nous avions faites sur la Meuse dans notre barque l’Alsace-Lorraine, avec de Montbar causant sans cesse, le grand Tassin toujours sérieux, le commandant Rollet tenant le gouvernail, le gros Vincent dont le poids nous inspirait si souvent des inquiétudes pour l’équilibre de notre embarcation. Et cette partie de pêche où il était allé en grande tenue et en chapeau de paille. Ce couvre-chef qui valait bien cinq sous ayant été emporté par un coup de vent ; il s’était jeté à l’eau pour le rattraper sans penser à son dolman neuf. Avions-nous ri à table le soir quand il nous raconta son sauvetage ? Et cette chorale qu’il avait formée avec les meilleurs chanteurs du bataillon, et qui donnait le soir sur l’eau des concerts où l’on accourait des villages voisins [14].
33Que dire encore de l’épisode suivant entre Danrit (Driant) et de Montbar (de Montbas) affectés respectivement aux forts de Liouville et Girouville :
34Nous faisions de longues causettes avec le téléphone, et nous avions même, certain soir, joué un tour pendable au bureau télégraphique de Commercy. Le fil qui partait de son fort à lui, Girouville, et celui qui venait du mien à Liouville, se réunissaient sur un poteau unique dans le Bois de Vignon, pour arriver en une seule ligne à Commercy. Mais c’était dans ce bureau seulement que la jonction des deux fils pouvait être opérée, et, suivant que l’employé était plus ou moins distrait, nous avions une communication plus ou moins assurée. Un soir, avec l’aide d’une ordonnance qui s’était hissée au poteau de jonction, nous avions réuni les deux fils par un troisième, obtenant ainsi une jonction continue et définitive… Mais à partir de ce jour, ce fut une cacophonie sans pareille, un mêli-mêlo à n’en plus finir entre les bureaux de Commercy, Girouville et Liouville : une dépêche envoyée par l’un s’en allait à la fois dans les deux autres. Par contre, notre téléphone fonctionnait à merveille et nous n’avions plus besoin que Commercy nous donnât la communication : c’était l’essentiel, au moins pour nous. On ne découvrit notre stratagème qu’au bout de huit jours ; si l’aveu que j’en fais tombe sous les yeux du commandant de l’artillerie qui a si énergiquement maudit ses auteurs, j’espère qu’il m’obtiendra mon pardon [15].
35L’anecdote est trop juteuse pour ne pas contenir une bonne part de réalité, et on imagine volontiers qu’elle n’est pas seulement l’œuvre du fictif lieutenant Danrit.
36On peut citer encore cette anecdote à propos d’un autre personnage du roman, « Fleurat » (dans la réalité, capitaine de Fleurac) :
37Ah ! Ces amitiés dans l’armée, comme elles sont vraies, profondes et durables. J’avais connu de Fleurat quelques années auparavant au Camp de Châlons-sur-Marne, à l’école de tir, à la suite d’une affaire d’honneur dans laquelle je lui servis de témoin, affaire dans laquelle il avait eu le beau rôle et où j’avais pu apprécier ses qualités de cœur et de caractère. Nous nous étions liés étroitement comme on sait se lier chez nous. Je l’avais assisté à son mariage l’année précédente […] [16].
38Voilà de beaux passages qui nous disent combien les solides amitiés nouées dans le cadre militaire tenaient à cœur au capitaine Driant. Cette habitude de mettre en scène ses camarades, amis et relations est vraiment une caractéristique que l’on retrouvera par la suite dans toute l’œuvre du Capitaine Danrit, nous le verrons.
39À propos de Fleurat, ce que le Capitaine Danrit dit des fonctions d’ordonnance qu’il tenait, dans le roman, auprès du général Roque, pourrait tout à fait s’appliquer aux fonctions tenues par Driant lui-même auprès du général Boulanger, quelques mois plus tôt :
40Voilà de jolies fonctions quand on sait les remplir comme (de Fleurat) les comprenait. Il y a des gens qui s’imaginent qu’un officier d’ordonnance est quelque chose comme le premier domestique de son général, et que tout son rôle consiste à porter sa pèlerine derrière lui, à faire sa partie de billard, et à choisir ses cigares. Allons donc ! Il est certain qu’il supplée son chef dans certaines circonstances où un général n’aurait que faire : il s’occupe de tous les détails de ses voyages par exemple, mais en ami et non pas en intendant, et cette besogne n’est qu’une partie sans importance du travail qu’il fournit. L’officier d’ordonnance doit être et est presque toujours auprès de son général l’intermédiaire obligeant de ses camarades. C’est lui qui, profitant des moments favorables (car il y a des instants de mauvaise humeur qu’il faut laisser passer), demande au brigadier ou au divisionnaire, ces petites faveurs, ces améliorations, autorisations, tolérances ou mutations qui tiennent à cœur aux officiers d’un régiment. C’est lui qui doit servir de tampon quand une tuile menace quelqu’un des subordonnés, lui qui doit plaider les circonstances atténuantes pour un camarade malheureux ou menacé. En un mot, mis à même de rendre service, il ne doit laisser échapper aucune occasion d’en rendre. […] Je laisse à leur pose et à leurs effets de jambe ceux qui comprendraient autrement ces fonctions. Notez d’ailleurs que cette manière d’être profite à tout le monde et quelque fois au général plus qu’à tout autre, car ils sont nombreux chez nous, fort heureusement, les grands chefs qui tiennent à l’affection de leurs subordonnés, et qui l’acquièrent sûrement lorsqu’ils peuvent connaître leurs désirs et leurs besoins. Il ne s’agit pas toujours de vouloir le bien, il faut savoir le faire [17].
Le genre littéraire du journal de siège ou de campagne
41Si le lieutenant Danrit est si proche du capitaine Driant, c’est aussi lié au parti-pris littéraire adopté par l’auteur de La Guerre des Forts. Tout le récit est présenté comme un journal de siège écrit à la première personne : « tenu au jour le jour et quelque fois heure par heure pendant ces 22 jours » [18] écrira l’auteur et narrateur dans la conclusion de l’ouvrage.
42Le Capitaine Danrit reprendra ce procédé dans Le Journal de guerre du lieutenant von Piefke – pendant de La Guerre des Forts vu du côté allemand – précisant à la fin de ce dernier ouvrage : « On a dit que les Mémoires étaient “les miettes” de l’Histoire » ; nous t’offrons, ami lecteur, quelques miettes de l’Histoire de demain [19] ! »
43Émile Driant apprécie particulièrement ces récits vécus, ces « miettes de l’Histoire » – fussent-elles celles de demain ! Il développa cette idée dans la préface qu’il offrit, en 1907, à la publication des Mémoires d’Honoré Beulay :
44S’il est une source à laquelle la jeunesse française devrait en tout temps – aujourd’hui surtout – puiser le culte et la pratique des vertus ancestrales, c’est dans ces témoignages vécus, rapportés des quatre coins du monde par d’héroïques aïeux ; c’est dans les Mémoires que l’on trouve les enseignements les plus vrais. C’est dans la simplicité de la vie quotidienne de leurs auteurs, c’est dans les élans provoqués en eux par les grands événements, c’est dans l’esprit de renoncement et de camaraderie qui faisait nos pères si grands aux heures de défaite, c’est dans ces récits sans grandiloquence et sans prétention que l’on comprend le mieux la mentalité des générations. On a appelé les Mémoires « les Miettes de l’Histoire ». Le terme est inexact, ils ne sont pas, une fois l’histoire écrite, ce qui reste à glaner par l’historien ; ils sont une partie des éléments mêmes dont cet historien doit se servir pour donner à son œuvre la note vraie et le coloris de l’époque. À ce titre, les Mémoires d’Honoré Beulay qui partit petit soldat d’un village de Beauce et qui revint officier du fond de la Russie, eussent été de ceux qu’un peintre de la grande épopée eut consulté avec fruit [20].
45C’est cette touche d’authenticité – la note vraie et le coloris – que le Capitaine Danrit a probablement recherchée pour son premier roman.
46On imagine volontiers que l’envie d’écrire à son tour lui soit venue d’un contact régulier et assidu avec la littérature, et en particulier ce type d’ouvrage… Nous pouvons même formuler l’hypothèse qu’il ait eu un contact récent et prolongé avec les récits de la Guerre de 1870, juste quelques mois avant de prendre la plume. En effet, de mai 1888 à octobre 1891, le général Boulanger a publié sous son nom, en feuilletons, une histoire de la Guerre de 1870, sous le titre – très danritien – de L’Invasion Allemande [21]. Il est probable que pour réaliser cette œuvre le général Boulanger ait dû recourir à de petites mains qui ont patiemment collecté et ordonné les nombreux témoignages et récits laissés ou confiés de vive-voix par les acteurs du conflit. Si aucun indice ne vient confirmer cette hypothèse, que Driant ait participé directement à l’écriture de cette somme, rien ne nous empêche non plus de l’imaginer, surtout lorsqu’on connaît les liens qui unissaient les deux hommes, ainsi que la passion de l’officier d’ordonnance pour l’Histoire. Et l’écriture de La Guerre de Demain ne prendrait-elle pas tout son sens rédigée dans la continuité d’un tel ouvrage ? En tout cas, nous y reviendrons, elle s’inscrit dans la continuité des années passées auprès de Boulanger au Ministère de la Guerre.
2. La Guerre en rase campagne et La Guerre en ballons, la promotion des réformes Boulanger
Des récits de campagne en quête d’authenticité
47Si le Capitaine Danrit a cherché à donner à son premier roman la touche d’authenticité que comporte un journal de siège ou de campagne écrit à la première personne, il cherchera à conserver cette même touche dans les deux volumes qui forment la suite de La Guerre de Demain. Il s’en explique dans la conclusion de La Guerre des Forts en annonçant les volumes suivants :
La première partie de ce travail a paru intéresser ceux qui ont bien voulu prendre la peine de la parcourir, et leur nombre a dépassé de beaucoup le chiffre que j’avais espéré, puisqu’il a atteint une centaine de mille. J’ai reçu de nombreuses lettres d’amis inconnus que je remercie ici, et si j’en parle, c’est que dans l’une d’elles j’ai trouvé l’expression d’un regret ainsi formulé : « vous avez raconté la guerre de forteresse et nous avons, en suivant les péripéties de la première heure, vu jouer le premier acte de ce grand drame si passionnant. Pourquoi d’autres officiers, placés dans une situation différente de la vôtre, n’ont-ils pas eu l’idée de conserver comme vous la trace de ce glorieux passé ? Un de vos camarades appartenant à un régiment de marche nous aurait donné ainsi la guerre en rase campagne ; un aéronaute (et il y en eut beaucoup dans cette campagne) nous aurait fait assister à la guerre en ballon dirigeable, la plus nouvelle, la plus attrayante de toutes. Un officier de marine nous aurait raconté la campagne navale, l’héroïsme des torpilleurs (etc.). » J’ai répondu à mon correspondant que je comprenais ses regrets et que j’allais chercher à les atténuer en partie, en écrivant moi-même, sinon tous les actes suivants du drame, du moins deux d’entre eux : « La guerre en rase campagne et la guerre en ballons ». Je ne me dissimule pas que je m’impose ainsi un qualificatif de prétentieux. Et d’ailleurs, m’objectera-t-on certainement, quel intérêt pourront avoir les récits qui vont suivre ? Vous allez parler de choses que vous n’avez pas vues, n’ayant pu vous trouver en plusieurs endroits à la fois. Si votre épopée du fort de Liouville a trouvé des lecteurs attentifs, c’est parce que vous traduisiez des émotions ressenties, c’est parce que vous mettiez des couleurs réelles sur des esquisses dessinées par les événements : vos chapitres suivants ne seront que des articles de journaux ou des feuilletons de romancier militaire. […]
En ce qui concerne la Guerre en rase campagne qui va suivre, je n’invente rien non plus ; je ne suis qu’un fidèle copiste ; en voici la raison. J’ai parlé du lieutenant Croze du 4e Zouaves… il se trouva que cet officier, lui aussi, avait dès la première heure, écrit des notes sur tout ce qu’il voyait autour de lui. Avant de faire la triste fin dont j’ai parlé, mon lieutenant m’avait montré ses notes et les avait complétées verbalement par des récits humoristiques. Après la guerre, quelques jours avant de mourir, il les remit à son frère, professeur de mathématiques des plus distingués, lequel me les adressa comme un dernier souvenir de l’ami que je perdais. C’est avec ses notes d’abord, avec les miennes ensuite, que j’ai pu reconstituer l’histoire du régiment depuis le premier jour de la mobilisation jusqu’à la conclusion de la paix. […] Je trouve en procédant de la sorte un premier avantage des plus appréciables : j’élimine le moi du récit ; ce mot a dû revenir trop souvent sous ma plume dans mon journal de siège, j’en demande sincèrement pardon à mes lecteurs. Dès maintenant il disparaît. Quant à la guerre en ballons, je n’aurai pas besoin non plus pour l’écrire de faire appel à la fantaisie. J’ai pour ami l’un des hommes qui se distinguèrent le plus dans les entreprises hardies de cette campagne spéciale. C’est à lui que je dois le récit détaillé de ses aventures dans la région des nuages, et je ne résiste pas au désir de les faire connaître, si peu ferré que je sois sur la partie mécanique de la navigation aérienne [22].
49Si le lieutenant Danrit de La Guerre des Forts reste le narrateur des deux ouvrages suivants, il n’en est plus le personnage principal et central, et n’y fait que des apparitions anecdotiques. Pourtant, le capitaine Driant a beau se cacher derrière de nouveaux personnages, les références autobiographiques demeurent toujours très présentes.
Souvenirs de Tunis et de son enfance
50La Guerre en rase campagne met en scène le 4e Régiment de Zouaves où sert le capitaine Driant lorsqu’il écrit La Guerre de Demain. Les scènes décrites au début de l’ouvrage, évoquant la vie à Tunis, sont en tout point conformes à la réalité. La caserne du 4e Zouaves telle qu’elle est décrite correspond aux photographies prises par Driant dans ses fameux albums. Lorsque l’auteur décrit les paysages d’Aïn-Draham, où l’on sait que le capitaine Driant fut un temps détaché, ils sont encore tout frais dans sa mémoire :
51[…] il est terrible l’hiver là-haut, avec la neige pendant 5 mois, le vent qui enlève les toitures, le froid qui pousse les panthères et les hyènes hors des bois et les amène jusqu’aux cuisines du camp […]. On ne se croirait jamais en Afrique, à Aïn-Draham quand novembre arrive [23].
52Le paquebot Saint-Augustin arrivant à Tunis, dont l’arrière a été arraché par un tir d’obus en mer, n’est autre que le paquebot qui conduisit le jeune couple Driant en Tunisie juste après leur mariage.
La fanfare du 4e Régiment de Zouaves, à Tunis, photographiéepar le capitaine Driant
La fanfare du 4e Régiment de Zouaves, à Tunis, photographiéepar le capitaine Driant
53Le Capitaine Danrit trouve encore des procédés pour mettre en scène les lieux de son enfance. Dans La Guerre en rase campagne, l’auteur laisse un long moment la parole
54[…] à un simple zouave, mort, trois jours après la bataille, d’un coup de feu venu d’on ne sait où. On trouva sur lui une lettre complètement terminée et mise sous enveloppe […]. Elle était adressée à de braves gens d’un petit chef lieu de canton du département de l’Aisne, qui a nom Neufchâtel. C’est un village coquet comme une petite ville, à cheval sur la jolie rivière qui a donné son nom au département [24].
55En mettant en scène un habitant de son village natal, le Capitaine Danrit peut encore offrir quelques clins d’œil savoureux à ses proches : à son père, « qui (se) plaignai(t) souvent parce qu’(il avait) eu une vingtaine de Prussiens à loger en 1870, pendant cinq mois… », à M. Prudhomme dont le bois se situe « dans le coude de la rivière d’Aisne, vous savez, de l’autre côté du pont », au père Mercier, et ses carnassières « quand il va à la chasse aux lapins », à la trogne rouge « du cabaretier de la rue d’Evergnicourt », à M. Manil, le notaire, dont il a reçu vingt francs et qu’il remercie… Le pauvre zouave conclut :
56Nous en ferons une fête, ce jour-là, quand je reviendrai ; nous inviterons les Merlette, les Olion, les Duru et puis aussi les Poncelet, parce que décidément, elle est bien gentille leur petite Juliette, et que si je dois me mettre la corde au cou, c’est celle-là que je conduirai un beau matin à M. Moraine, notre bonhomme de maire, avec votre consentement [25].
57Ces personnages, Émile Driant les a certainement côtoyés ; MM. Prudhomme et Moraine sont d’ailleurs d’anciens maires de Neufchâtel, cités par Hervé Paul dans son histoire de Neufchâtel-sur-Aisne [26].
58Dans La Guerre en ballons, les deux protagonistes, le colonel Pinon et le savant Marcel Bouty sont, comme par hasard, d’ancien camarades du Lycée de Reims, établissement où le jeune Émile Driant fit sa scolarité… l’occasion d’évoquer « ce brave père Lalande, notre vieux proviseur », et peut-être de s’en faire pardonner ? « M’en a-t-il collé des séquestres ! » [27].
Évocation de camarades et relations
59Comme dans le premier volume de La Guerre de Demain, le Capitaine Danrit met en scène des relations qu’il a vraiment connues, parfois en travestissant les noms.
60Le général « Fareau de Kerbeh » [28] qui fait une apparition dans La Guerre en rase campagne, à la tête d’une brigade de dragons, n’est-il pas le fameux général Faverot de Kerbrech, un des maîtres de l’équitation française, camarade de promotion du général Boulanger, et qui fut témoin du capitaine Driant à son mariage avec la jeune Marcelle Boulanger ?
61Derrière le capitaine « Radice », le latiniste qu’est Émile Driant n’a-t-il pas caché son ami Racine, ancien du 4e Zouaves (racine : radix, en latin) ?
62Le journaliste « Ch. Ch. » [29], auteur des indiscrétions dans Le Figaro sur l’expédition en ballon du colonel Pinon, n’est-il pas Charles Chincholle, un ami d’Émile Driant, qui publiera d’ailleurs dans les colonnes du même journal certaines indiscrétions que Driant lui avait confiées par lettre et qui vaudront à ce dernier quelques jours d’arrêt ?
63Il y a aussi dans La Guerre en ballons, ce général russe, « Annenkoff » [30], fondateur du chemin de fer transcaspien, dont la sœur, Alexandra, épousa le vicomte Eugène-Melchior de Vogüé, l’académicien qui introduisit la littérature russe en France, et qui est aussi un ami intime d’Émile Driant.
64Il faut surtout citer Capazza, « un aéronaute qui a déjà une centaine d’ascensions à son actif et qui ne rêve que de nouvelles tentatives aériennes » [31], et qui fait partie de l’équipage du dirigeable La Patrie, dans La Guerre en ballons. À propos des parachutes-lest, dont il est l’inventeur, Capazza confie :
65[…] je les ai expérimentés en 1886, dans une ascension assez mouvementée au-dessus de Paris ; je puis dire mouvementée, car, au départ le vent était si violent que notre ballon alla se crever contre l’une des cloches à gaz de l’usine de la Villette, et l’on ne put le raccommoder que très sommairement ; puis nous faillîmes faire une culbute de 1 500 mètres au milieu du Champ de Mars ; nous l’évitâmes précisément grâce au parachute lest ; enfin, notre voyage se termina par un trainage, fort désagréable, en Eure et Loire, à la lisière de la forêt d’Épernon. Nous avions jeté notre lest, perdu nos parachutes et nous commencions à nous déchausser pour sacrifier nos bottines. Je m’en souviendrai longtemps de cette ascension là ! Il y avait là, avec moi, dans la nacelle, deux officiers du cabinet du ministre de la Guerre, le colonel Peigné et le capitaine Driant. Le premier, parti avec un superbe veston en flanelle blanche, revint tout vert d’un trainage de 500 mètres dans les blés en herbe ; le second laissa une des manches de son dolman au sommet de la cloche à gaz sur laquelle nous avions été donner [32].
66C’est à peu près en ces termes que la presse de l’époque se fit l’écho de cette expédition. À la fin de ce passage, Capazza s’adresse au narrateur, le lieutenant Danrit : « Connaissez-vous ces deux officiers ? » ; « Oui, dis-je, un peu », lui fait répondre l’auteur, non sans un certain humour…
67Ce même Capazza est l’inventeur d’un modèle de ballon lenticulaire, très original ; c’est ce même modèle que le Capitaine Danrit mettra en scène dans L’Invasion noire et dans Ordre du Tzar.
L’influence décisive du général Boulanger, pygmalion du Capitaine Danrit
68Cette frontière entre la fiction et la réalité n’est pas toujours évidente et peut prêter parfois à confusion. Le Capitaine Danrit, qui a pris trente jours d’arrêt pour avoir publié La Guerre de Demain sans autorisation ministérielle, doit faire attention à l’interprétation dont ses écrits pourraient faire l’objet, surtout en tant que gendre du général Boulanger.
69Dans La Guerre en Ballons, d’ailleurs, il reprend un moment la parole à son narrateur, le lieutenant Danrit, pour s’expliquer dans une note de bas de page :
70On a pu remarquer que toute appréciation politique, toute allusion personnelle a été rigoureusement bannie de cet ouvrage ; cependant la phrase ci-dessus (on nous l’a fait remarquer) pourrait prêter à des appréciations erronées et d’aucuns pourraient croire qu’elle vise l’ancienne Ligue des Patriotes et son chef, Paul Déroulède. Qu’il soit bien spécifié ici qu’une pareille intention n’est jamais venue à l’idée de celui qui écrit ces lignes [33].
71Si le capitaine Driant n’a jamais suivi le général Boulanger dans son aventure politique, ni participé, de près ou de loin, au mouvement boulangiste, il demeure pourtant fidèle à celui dont il fut l’officier d’ordonnance durant trois ans et qui devint son beau-père.
72À l’Hôtel de Brienne, il a pu faire la connaissance de personnages remarquables et notamment découvrir les nombreuses innovations alors en cours de développement qui pourraient être utiles à l’art de la guerre. On a vu précédemment que le capitaine Driant avait participé, en tant qu’officier d’ordonnance du ministre de la Guerre, à de nombreuses ascensions en ballons et qu’il suivait assidûment les travaux de l’école de Meudon dans ce domaine. Mais il n’y a pas que l’aérostation.
73Aux côtés du général Boulanger, il a assisté et participé aux premières loges à un travail de réforme et de modernisation de l’armée considérable : entre autres, le remplacement du fusil Gras par le fusil Lebel, l’organisation de la mobilisation en cas de guerre rendue possible en deux jours au lieu de cinq, la refonte et l’organisation des services secrets (2e Bureau), et, en sous-main, le rapprochement avec la Russie en vue d’une future alliance.
Le Général Boulanger et son État-Major à l’Hôtel de Brienne (Émile Driant, à gauche, 1er rang)
Le Général Boulanger et son État-Major à l’Hôtel de Brienne (Émile Driant, à gauche, 1er rang)
74La Guerre de Demain, dans son ensemble, semble une formidable opération de « service après-vente » des réformes entreprises sous le ministère Boulanger. Le Capitaine Danrit y vante constamment, et avec une insistance trop forte pour ne pas être un peu suspecte, les mérites du fusil « modèle 1886 », de sa petite balle, de sa poudre sans fumée… Il est même en mesure de rapporter des anecdotes sur sa création :
75Figurez-vous qu’au moment des expériences de Châlons-sur-Marne sur le fusil de petit calibre, l’école normale de Chalons était très embarrassée : les enveloppes expérimentées pour les balles étaient les unes trop dures, comme celle du fusil prussien et dégradaient beaucoup, les autres trop malléables et entraient en fusion à la vitesse initiale de 670 mètres, qui était donnée aux projectiles d’expérience. Un beau matin, le colonel Lebel désespérant de trouver le métal voulu reçut d’un industriel des offres de service pour la fabrication d’un étui à cartouches de sa composition ; or, il se trouva que l’alliage ainsi présenté ne convenait pas pour faire des étuis à cartouches, mais réalisait l’idéal voulu pour faire des enveloppes de balles ; dès lors, le fusil de petit calibre était fait [34].
76Il en est de même pour les longs développements, très détaillés, que le Capitaine Danrit consacre à la mobilisation : les délais, le matériel à emporter, l’organisation des trains de transport de troupes, du ravitaillement, des hôpitaux de campagne… autant de dossiers que le jeune officier d’ordonnance a pu suivre au ministère de la guerre. Là encore, on voit que le Capitaine Danrit au début de sa carrière littéraire va puiser d’abord dans sa propre expérience personnelle.
3. Après La Guerre de Demain, l’essor d’un romancier
La naissance progressive d’un romancier
77Tout se passe comme si, au début de sa carrière littéraire, le Capitaine Danrit était resté très proche de l’expérience du capitaine Driant, comme pour légitimer son audace à s’aventurer en littérature. Un officier, tenu au devoir de réserve, ne s’aventure sur ce terrain que s’il a des choses à dire : soit pour partager le récit de ses campagnes, soit pour partager quelque analyse stratégique utile à l’institution. Or, lorsqu’il fut « piqué de la tarentule d’écrire » [35] – pour reprendre l’expression de Driant lui-même – le jeune Émile Driant est alors capitaine au 4e Régiment de Zouaves, en Tunisie. Il n’a aucune campagne glorieuse à son actif, si ce n’est ces quelques années très intenses passées auprès du ministre de la Guerre.
78C’est probablement le contact avec toutes ces découvertes et innovations, au Ministère de la Guerre, qui a dû enflammer la vive imagination du jeune officier qui se plaît alors à imaginer les multiples applications possibles de toutes ces nouveautés.
79Dans une lettre à Jules Verne, il explique d’ailleurs son projet : essayer « d’appliquer aux sciences qui dérivent de la guerre », le « merveilleux procédé » de Jules Verne : amuser pour instruire, instruire pour être utile. Il est encore plus précis dans la préface de La Guerre de Demain :
80En écrivant ce livre sous une forme imagée, j’ai voulu inspirer, aux Français qui me liront, confiance dans l’issue de la lutte. Dans ce but, je leur montre les ressources de leur pays, je les familiarise avec les nouveautés qui interviendraient dans les batailles prochaines : mélinite, fusil Lebel, ballon dirigeable, etc [36].
81Puis, comme s’il prenait peu à peu goût au travail d’écriture et confiance dans sa plume, le Capitaine Danrit élargira progressivement son champ d’expérience et s’aventurera hors des sentiers parcourus par le capitaine Driant, pour continuer d’amuser, pour instruire sur de nouveaux sujets.
82C’est ainsi qu’après La Guerre de Demain, dans laquelle les références autobiographiques – nous l’avons vu – sont très nombreuses, le Capitaine Danrit abordera des sujets beaucoup plus variés et parfois éloignés de sa propre expérience. Il abandonnera d’ailleurs, par la suite, le modèle du journal de siège, et son narrateur privilégié, le lieutenant Danrit, ne réapparaîtra plus.
83Est-ce à dire qu’il n’y aurait plus de références autobiographiques dans la suite de l’œuvre du Capitaine Danrit ? C’est loin d’être le cas… Émile Driant réapparaît notamment très clairement dans deux ouvrages : Petit Marsouin (1899) et Robinsons Sous-marins (1907) ; et son œuvre continue d’être truffée de références à son parcours et ses relations.
Le personnage d’Émile Andrit dans Petit Marsouin
84Dans Petit Marsouin, dernier volume et 3e époque de la trilogie Histoire d’une famille de soldat, Émile Driant se met de nouveau en scène, mais dans un rôle de second plan : il est le jeune Émile Andrit – anagramme tout aussi transparent que Danrit – camarade à St-Cyr du personnage principal, Jean Cardignac.
85À travers les yeux d’Andrit, le Capitaine Danrit évoque ses premières impressions en arrivant à l’École Spéciale Militaire, à Saint-Cyr, et en profite pour nous livrer de nouvelles anecdotes sur son enfance :
86Le nouvel ami de Georges était le fils d’un modeste juge de paix de l’Aisne. Ses parents s’étaient imposé de vrais sacrifices pour lui faire faire les études les plus complètes. Ils venaient d’en être récompensés par un succès très grand : car, bien que s’étant préparé dans un lycée de province à Reims, Émile Andrit avait été reçu dans un très beau rang du premier coup. Officier : il n’avait jamais rêvé d’autre carrière que celle-là. Pourtant, comme il l’avait dit à Georges, nulle influence atavique ne s’était exercée pour l’orienter de ce côté : aucun de ses parents n’avait été militaire. Mais l’enfant avait été bercé par les souvenirs du premier Empire et de ses gloires ; cent fois son grand-père lui avait parlé des bulletins de la Grande Armée, des victoires succédant aux victoires, de l’enthousiasme populaire à la naissance du Roi de Rome. Le vieillard avait vu le Grand Homme passer un jour à cheval, dans la rue de Vesle, à Reims, calme sur son cheval blanc, alors qu’autour de lui s’accumulaient les armées prussiennes, autrichiennes et russes. Il avait touché un autre jour, à Laon, sa redingote grise, toute humide encore d’une nuit passée au bivouac, au milieu de sa Garde ; et tous ces mystérieux enthousiasmes qui avaient vibré dans l’âme française pendant vingt ans, se retrouvaient, sous la forme d’un culte presque religieux, au fond de l’âme de ce petit saint-cyrien, enfant du peuple. Aussi dès qu’il avait été en âge de songer à l’avenir, il s’était dit : « j’entrerai dans l’armée ». Comme c’était un Napoléon qui régnait alors, qu’on était même tout près des événements d’Italie, que la guerre du Mexique, malgré les fautes qui en avaient marqué l’origine, jetait encore en France, à travers l’Océan, des bouffées d’héroïsme, il avait rêvé une carrière brillante, comme celle de ces officiers de la Grande Armée, partis soldats, avec la conviction qu’ils portaient dans leur giberne, suivant l’expression d’Oudinot, un bâton de maréchal de France. Mais, la guerre, l’horrible guerre de 1870 était venue : il avait vu passer dans son petit village de l’Aisne, et la débandade de l’armée de Mac-Mahon, et les sombres régiments prussiens de Sedan. À ce spectacle si différent des tableaux que l’histoire du passé avait gravés dans sa jeune âme, il avait éprouvé une souffrance aiguë qu’il ne devait plus jamais oublier. Comme il aurait voulu alors avoir l’âge d’homme pour prendre le fusil, lui aussi ; mais il n’avait que quatorze ans et ses parents l’avaient retenu. Toutefois sa vocation avait été renforcée par ces lugubres visions de défaites ; bien plus, elle s’était épurée, cette vocation, et il avait cessé de voir, dans la carrière des armes, le brillant des uniformes et le reflet des victoires d’autrefois. Il avait entendu dire autour de lui que tous les Français allaient travailler en silence au relèvement de leur pays, que l’armée nouvelle allait avoir une mission réparatrice, que l’officier d’aujourd’hui devait désormais consacrer au travail le temps que l’officier de jadis consacrait à un plaisir ; et avec plus de force encore, il avait répété « je serai officier ». Son père eut préféré qu’il fît son droit et entrât dans la magistrature ; il n’avait pas essayé cependant de contrecarrer cette vocation, depuis si longtemps manifestée. Le jeune homme entrait à Saint-Cyr dans les cent premiers ; l’essentiel était d’ailleurs d’y entrer, et il allait travailler ferme pour gagner des places [37].
87À travers Andrit, le Capitaine Danrit dresse le portrait d’un jeune homme plutôt timide et inquiet, ou en tout cas impressionné par ce monde si nouveau pour lui :
88Moi je sens que j’ai tout à apprendre, tout à transformer en moi… Je vais être maladroit… emprunté… « cosaque », comme disent les anciens… ils vont me brimer… J’en ai peur, moi, des anciens. […] Je sais bien que les brimades forment le caractère… Mais tel que tu me vois, j’ai mauvais caractère, et j’ai peur de les supporter avec peine. […] Au Lycée de Reims, si je n’avais pas eu des succès au concours général, on m’aurait mis dix fois à la porte tant j’étais turbulent et indiscipliné [38].
89Les appréciations reçues par le jeune élève Émile Driant pendant sa scolarité confirment ce « mauvais caractère » : « Élève intelligent, suffisamment laborieux. 11 récompenses pour le travail mais 22 punitions pour la conduite. Caractère aussi vif que bon [39]. »
90Le Capitaine Danrit, qui a été élève-officier à Saint-Cyr, mais qui y est capitaine-instructeur à l’époque où il écrit Petit Marsouin, nous livre quelques scènes de la vie à l’École, telle que le jeune Émile Driant a pu les vivre, et notamment les fameuses brimades qu’il redoutait tant et qu’en tant que capitaine-instructeur il a parfois combattu lorsqu’elles dépassaient les limites acceptables.
91Il y a les brimades qui font se
92succéder harmonieusement les jeux de l’esprit aux exercices physiques » et qui consistent à « répéter 35 fois cette phrase de Théocrite : Le culte du détail est la menue monnaie du succès ! […] en y mettant chaque fois une intonation aussi variée que pénétrante » [40].
93Celle-ci a dû tellement le marquer qu’il l’avait déjà mentionnée dans un passage de La Guerre de Demain [41] ! Ou bien cette autre brimade où un ancien s’adresse au jeune Andrit en ces termes :
94Monsieur Bazar, votre physionomie remarquablement intelligente et le parfum de poésie qui se dégage de toute votre personne m’engage à vous confier un travail que vous voudrez bien faire à vos moments perdus. Il s’agit simplement de deux cents vers alexandrins à m’extraire du sujet suivant : de l’influence des queues de morues sur les ondulations de la mer [42] !
95Malgré ces brimades qui forgent le caractère et l’esprit, le jeune Andrit ne se laisse pas distraire de ses études et parviendra en fin d’année à la quatrième place, comme le jeune Émile Driant, et en partie grâce au même talent :
96Il s’était montré acharné au travail pendant cette année-là. Il avait d’ailleurs un avantage : il dessinait à merveille. Ses levées de plans, ses agrandissements topographiques, ses copies de cartes avaient toujours les meilleures notes, et comme le dessin sous toutes ses formes – prenez-en bien note, futurs saint-cyriens – tient une grande place dans le programme d’enseignement de l’École, il s’était trouvé tout naturellement en tête de sa promotion [43].
97Il ne faut toutefois pas voir une identité absolue entre le personnage d’Émile Andrit et le jeune Émile Driant. La preuve : à l’issue de sa scolarité, Andrit aurait voulu choisir l’infanterie coloniale, mais déclare que ses parents s’y sont opposés. Il est possible que les parents Driant aient eu une influence sur la première affectation de leur fils ; ce qui pourrait expliquer le choix du 54e Régiment d’Infanterie, à Compiègne, à proximité du berceau familial, choix peu prestigieux et étonnant lorsque l’on sort en 4e position de l’École. Mais il est tout à fait improbable qu’Émile Driant à sa sortie de St-Cyr ait songé aux colonies, alors que la Guerre de 1870 était encore toute récente et que toute l’énergie et l’ambition du jeune sous-lieutenant Driant était tendue vers la Revanche contre l’Allemagne ; un régiment d’infanterie comme le 54e aurait pu lui garantir une place en première ligne. Le choix de l’infanterie coloniale évoqué par Andrit est peut-être davantage celui du capitaine Driant, de l’officier qui a mûri, qui ne voit pas venir la Revanche tant attendue, qui s’interroge sur ses choix de carrière et se demande s’il ne s’est pas trompé et si ce n’est pas dans des contrées plus lointaines que pourrait s’épanouir au mieux sa carrière d’officier. On sait que dans un moment de lassitude, le capitaine Driant songea à suivre son ami Villebois-Mareuil et à s’engager contre les Anglais aux côtés des Boers.
Le capitaine Driant et ses enfants dans Robinsons sous-marins
98L’autre ouvrage notable dans lequel Émile Driant se met directement en scène est son Robinsons sous-marins. Cette fois-ci il y occupe un rôle d’arrière plan et donne une place de choix à ses deux aînés, Georges et Marie-Thérèse, avec comme paysage la villa qu’il a fait construire en Tunisie.
99Arrivant à Byzerte, le héros du roman, un officier d’infanterie, décrit le paysage, et notamment une villa qui s’avère être la Villa Marie-Thérèse construite par Driant :
100Sur la colline de Byrsa dont les pentes se montraient piquées de trous noirs, qui étaient les fouilles du P. Delattre, s’élevait, dans son style mauresque, la cathédrale du cardinal Lavigerie. Au bord de la pente, une petite villa aux colonnes de marbre blanc surgissait d’un bouquet de verdure. Elle avait été bâtie depuis mon dernier voyage et je la remarquais pour la première fois. Sa vue n’avait d’ailleurs laissé dans mon esprit, au passage, qu’une idée fugitive. Le drame qui nous guettait allait la fixer, à jamais, dans ma mémoire. [...] [44]
101De ce paysage, de ce site du domaine de Lavigerie, le Capitaine Danrit disait déjà dans La Guerre en rase campagne, qu’il est « un des plus beaux du monde » [45].
102Alors que, le lendemain, ce même personnage s’apprête à effectuer la plongée en sous-marin, dont l’issue dramatique constituera l’intrigue du roman, le Capitaine Danrit fait entrer en scène sa propre fille :
103Au bord du plateau de Byrsa, la petite villa neuve que j’avais remarquée en passant la veille, était assise toute blanche, et son jardin, rempli d’arbres, descendait le long de la pente, entouré d’un mur surmonté d’une grille. Sur sa terrasse, une forme gracile était debout et le soleil couchant, très rouge, qui flambait derrière elle lui faisait comme une auréole. [...] Cette jeune fille – car ce ne pouvait être qu’une jeune fille – qui dressait ainsi sa fine silhouette au milieu de ce décor antique, irradiait des effluves du couchant ; cette jeune fille, qui regardait la mer, aperçut soudain notre tourelle courant à la surface de l’eau, car je la vis lever le bras et agiter un mouchoir. Nul autre bateau n’était en vue et cet adieu, si naturel, ce signal presque instinctif fait à ceux qui partent sur la grande bleue ne pouvait s’adresser qu’à nous. Je grimpai aussitôt les degrés de l’échelle intérieure ; malgré la recommandation de Jacques, je redescendis sur la passerelle extérieure, me mouillant d’ailleurs copieusement les pieds et sans regrets puisqu’ils l’étaient déjà, et à mon tour, j’agitai mon mouchoir, un mouchoir blanc. Elle dut le voir, elle le vit – je le sais aujourd’hui – et son geste devint plus rapide. La vie de deux hommes a dépendu de cette gracieuse vision ! Et que bénie soit l’exquise enfant qui porte le doux nom de Marie-Thérèse, et la blanche villa qui porte son nom [46] !
104Le dernier chapitre du roman se déroule à la Villa Marie-Thérèse, après l’heureux dénouement du terrible accident qui conduisit le sous-marin à rester six jours au fond de la mer, ne laissant que deux ultimes survivants, alors que le héros rescapé se réveille après trois jours d’un profond sommeil. Le Capitaine Danrit offre alors une nouvelle description de sa fille chérie :
105Comme je me soulevais sur mon oreiller, tout à fait rentré cette fois dans le monde des vivants, la porte s’entrouvrit doucement et j’aperçus un gracieux visage de jeune fille. C’était presque une enfant, seize ans à peine, de grands yeux bruns très expressifs ombragés de longs cils, un front très pur où se jouaient des mèches folles échappées d’une masse de cheveux bruns, une taille de sylphe et de la grâce dans les moindres gestes : je devinai aussitôt la fine silhouette de la villa de Byrsa. [...] Le propriétaire de la villa, le Capitaine D.., appartenait justement au 4e Zouaves, mon ancien régiment. Il était marié à une femme exquise qui se montra la plus attentive des gardes malades. Tous deux avaient insisté le jour du sauvetage pour que nous fussions transportés chez eux [47].
106Le soir, après le diner, Marie-Thérèse raconte son inquiétude lorsqu’elle apprit que le sous-marin qu’elle avait aperçu était porté disparu. Elle guetta plusieurs jours le point où elle l’avait vu disparaître sous les flots, jusqu’au jour où reparut enfin à la surface un bout du submersible :
107Je ne quittai point des yeux le point où la tourelle avait disparu, un peu plus haut que Byrsa, là en face de Carthage, quand un bruit bien particulier, quelque chose comme l’appel qu’on entend à bord du transatlantique quand il va partir me fit tressaillir. Je tournai la tête vers le point d’où ce bruit semblait sortir de l’eau et alors, un peu plus à droite, presque en face des ports, j’aperçus nettement deux points noirs qui n’y étaient pas une minute auparavant. Elle se leva, montra la mer, et dit le doigt étendu – C’était là ! [...] Je n’eus pas une seconde d’hésitation : c’était la Libellule qui montrait de nouveau ses ailes au-dessus de l’eau. Ce ne pouvait être qu’elle. J’éveillai aussitôt mes parents et, pendant que mon père se hâtait à bicyclette pour aller prévenir à La Goulette car le téléphone ne marchait pas à pareille heure, je décidai mon frère à sauter avec moi dans notre petite barque que vous voyez là, amarrée à hauteur des ports. – Et cela sans me le dire, interrompit Mme D.. d’un ton de tendre reproche. – Oui, Maman, je craignais trop de recevoir la défense d’y aller, bien que souvent, Georges et moi, nous fassions des promenades jusqu’à Bou-Saïd quand la mer est calme. Quelle émotion quand nous approchâmes ! [...] Les hélices tournaient à une vitesse terrifiante à 50 centimètres à peine au-dessus de l’eau ; à 20 mètres d’elles, on sentait l’air qu’elles faisaient tourbillonner. Georges craignait en approchant que nous ne fussions happés par l’une d’elles, mais je venais d’apercevoir au ras de l’eau quelque chose comme un anneau ou un crochet : j’avais mon idée ; je décidai mon frère à s’approcher et comme il manie fort bien les rames, à maintenir un instant l’arrière de la barque de manière que je pusse atteindre ce crochet. [...] J’avais apporté le paquet de ficelle du cerf-volant de mes petits frères Raoul et Robert, poursuivit la jeune fille : j’en attachai l’extrémité à ce crochet, puis Georges avec beaucoup d’adresse nous éloigna rapidement pendant que sa ficelle se dévidait. – C’est très mal ce que tu as fait là, Marie-Thérèse, interrompit une voix d’enfant, tu m’as perdu ma pelote de ficelle. – Tu nous en rendras une plus grosse, clama une autre voix au timbre suraigu. Et deux bambins charmants, aux cheveux bouclés, de six et huit ans, firent irruption au milieu du cercle. On les calma et la jeune fille acheva son récit par phrases entrecoupées. – Quand nous fumes au bout de la corde… une cinquantaine de mètres… j’en fixai l’autre extrémité à l’un des bancs de la barque… puis je le jetai à l’eau.
108– Une heure après, quand je revins de La Goulette ayant donné l’alerte, dit le Capitaine D..., il n’y avait plus d’hélices à la surface de l’eau, mais le canot automobile du Capitaine du Port qui arriva en même temps que moi, trouva le banc surnageant au-dessus du point de réengloutissement. Grâce à cette heureuse idée de fillette, le scaphandrier qu’il amenait trouva la Libellule sans tâtonner [48].
109Ce « Capitaine D… », officier au 4e Zouaves, qui fait de la bicyclette, habitant cette Villa Marie-Thérèse, avec son épouse et ses quatre enfants, est peut-être la plus explicite de toutes les références autobiographiques. Alors qu’il écrit ces lignes, Émile Danrit a quitté la Tunisie depuis presque 10 ans… Il a quitté l’Armée… Ses derniers fils, Raoul et Robert, nés tous deux à Troyes, ont grandi loin de ces rivages de Bizerte. Danrit semble y dépeindre la vision fantasmée d’un bonheur familial dont la Villa Marie-Thérèse, idéalisée, restera à jamais le théâtre privilégié.
Hommage à ses différents régiments et bataillons
110Si Petit Marsouin et Robinsons Sous-marins ont un statut particulier du fait des ces références autobiographiques très explicites, les autres œuvres publiées après La Guerre de Demain n’échappent pas non plus à toute référence à la vie de leur auteur, même si elles sont plus discrètes.
111Dans l’ensemble de son œuvre, le Capitaine Danrit aura rendu hommage à toutes les unités où il aura servi, à l’exception de la dernière, le groupement des 56e et 59e BCP qu’il commandait au Bois des Caures, à qui il dédiera tout de même la nouvelle édition de La Guerre souterraine.
112Nous l’avons vu, il évoque longuement, dans Petit Marsouin, l’École Spéciale Militaire de Saint-Cyr où il fut à la fois élève et instructeur. Il complètera cet aperçu de la vie à l’École, davantage en journaliste qu’en écrivain, en publiant, dans une revue, un article très vivant sur Les Saint-Cyriens chez eux [49]. Dans L’Invasion noire, le héros est un saint-cyrien de la Promotion de Siam ; il a eu pour camarade de promotion le prince Omar, le fils du sultan qui soulève et fanatise le continent africain. C’est cette promotion de Siam que le capitaine Driant encadra à St-Cyr en tant qu’instructeur. Et le fameux Omar n’est pas sans rappeler l’émir Khaled (Khaled el-Hassani ben el-Hachemi), petit-fils de l’émir Abd El-Khader, que le capitaine Driant eut pour élève-officier. Ce n’est probablement pas un hasard si, dans le roman, le jeune Omar cite Abd El-Khader comme modèle et se réclame de sa doctrine.
113Le 54e Régiment d’Infanterie où Émile Driant servit en sortant de St-Cyr tient une place de premier plan dans La Guerre des Forts, mais apparaît aussi dans La Révolution de Demain.
114Le 43e de Ligne où il fut affecté après le 54e et avec qui il partit en Tunisie la première fois, est brièvement mentionné dans La Guerre des Forts : c’est dans ce régiment que sera affecté le capitaine Orsat, le commandant du Fort de Liouville, pour terminer la Guerre de Demain.
115Le 4e Régiment de Zouaves tient une place de choix ; c’est celui où Émile Driant aura servi le plus longtemps. C’est le 4e Zouaves que les lecteurs sont invités à suivre dans La Guerre en rase campagne, depuis la mobilisation à Tunis, le débarquement à Marseille, les combats de Neufchâteau, la libération de Strasbourg et jusqu’à l’entrée victorieuse en Allemagne. Il apparaissait déjà à la fin de La Guerre des Forts, et réapparaîtra au début de La Guerre Fatale pour défendre Bizerte face à l’attaque surprise des Britanniques et pour empêcher leur débarquement.
116Enfin, le 1er Bataillon de Chasseurs à Pied, dont le commandant Driant fut le chef de corps de 1899 à 1905, n’est pas en reste puisque c’est lui qui aura l’honneur de débarquer en Angleterre à la fin de La Guerre Fatale, défilant au chant de La Protestation [50] – chant de tradition des Chasseurs à pied – dans les rues de Canterbury.
Hommage à ses camarades et relations
117Que ce soit dans ces unités ou dans d’autres rôles, le Capitaine Danrit continue à faire apparaître ses proches et relations. Contrairement aux premiers romans, il s’agit désormais davantage de leur rendre hommage que d’apporter une touche d’authenticité.
118Contentons-nous ici de quelques exemples remarquables. Par exemple, dans La Guerre fatale, le général Jeannerod, Généralissime commandant le débarquement en Angleterre, est en fait son ancien chef de corps, colonel au 4e Régiment de Zouaves, lorsque le capitaine Driant y était affecté. Les deux hommes devinrent des amis. Aux côtés de ce général Jeannerod, le Capitaine Danrit met en scène son fils, Henry Jeannerod, qu’il a bien connu ; la mort de ce dernier donne lieu à une scène très émouvante. L’auteur s’en explique dans une note :
119Henri Jeannerod, sorti de St-Cyr en 1899 et mort en pleine force, à 22 ans, le 3 juillet 1900, comme sous-lieutenant au 26e Dragons, à l’École de Cavalerie de Saumur, était un officier accompli d’une élévation de cœur et de caractère qui eurent fait de lui en campagne l’homme de devoir que j’ai essayé de peindre ici. Ses dernières paroles furent pour exprimer le regret de ne pas mourir sur un champ de bataille et de partir trop jeune pour avoir été utile à son pays. Il m’a semblé que le plus pur hommage à rendre à sa mémoire était de rêver pour lui ce rôle qu’il avait ambitionné par-dessus tout. Que mon ancien colonel au 4e Zouaves, que sa noble mère si éprouvée veuillent bien voir dans l’évocation que j’ai faite de son souvenir resté vivace au fond de mon cœur, l’expression de ma respectueuse affection pour eux et pour lui [51] !
120Dans le même roman, La Guerre fatale, le Capitaine Danrit fait apparaître son ami le capitaine Gérard à la tête d’une de ces toutes nouvelles compagnies de cyclistes [52]. Gérard est l’inventeur de la bicyclette pliante éponyme, dont le capitaine Driant, lorsqu’il était instructeur à Saint-Cyr, s’était procuré un des premiers exemplaires. Émile Driant était un ardent promoteur de la bicyclette, qu’il pratiquait couramment au sein du club qu’il avait créé à Versailles et avec lequel il organisait des courses de 100 km autour de Paris.
121Dans Petit Marsouin, le Capitaine Danrit fait aussi apparaître son ami et illustrateur, Paul Cousturier. Sous son vrai nom, ou le pseudonyme de Paul de Sémant, Paul Cousturier aura illustré tous les premiers ouvrages du Capitaine Danrit (La Guerre de Demain, L’Invasion noire, L’Histoire d’une Famille de Soldats), avant de laisser la place à Georges Dutriac lorsque le Capitaine Danrit changera d’éditeur et passera chez Flammarion. À la fin du Petit Marsouin, le héros, Georges Cardignac, rencontre par hasard son ami Paul Cousturier. Ils assisteront à l’hommage rendu à la dépouille de l’amiral Courbet, et Paul Cousturier sera invité à peindre la scène. C’est ainsi que, pour l’ouvrage, l’illustrateur se retrouve à devoir se représenter lui-même, le pinceau en main.
122Pour rendre hommage à son ami et illustrateur, le Capitaine Danrit avait déjà dédicacé à son fils, le petit Jean de Sémant, la deuxième partie de l’Histoire d’une Famille de Soldats, les Filleuls de Napoléon, en ces termes :
123Au bon petit Français, au futur soldat qu’est Jean de Sémant, j’offre ce livre des « Filleuls de Napoléon », suite de l’Histoire de ce « Jean Tapin » que le crayon de Paul de Sémant fait revivre ici, sous les traits intelligents et avec le regard profond de son fils. Je mets en même temps dans cette dédicace une amicale gratitude pour l’artiste qui, depuis dix ans, parsemant mes modestes essais d’illustrations aussi fidèles que vivantes, m’a puissamment aidé dans ma tâche de glorifier l’Armée française et de rappeler aux oublieux que la Patrie est mutilée [53].
124Dans La Guerre Souterraine, réédition corrigée des Robinsons Souterrains, le Capitaine Danrit met en scène le sous-lieutenant Delcassé qui combattra sous les ordres du lt-colonel Driant dans la région de Verdun en 1914 ; il est le fils de l’homme politique et confrère de Driant à la Chambre, Théophile Delcassé. Est-ce sa conduite lors des combats de Gercours, en septembre 1914 – où grièvement blessé, il déclara à ses hommes : « Continuez ! J’ai six balles dans mon revolver, je sais ce qui me reste à faire. » – qui incita le Capitaine Danrit à ajouter ce personnage dans sa réédition corrigée des Robinsons Souterrains ?
125Il rend aussi hommage à son camarade de promotion à St-Cyr, le général Louis de Maud’Huy dont il fait un portrait particulièrement élogieux alors que, dans le roman, il le fait se rendre sur le terrain, dans la mine, pour rencontrer l’équipe de soldats qui vient de réaliser un exploit :
126Il est de la race des chefs qui savent ce qu’on peut obtenir par la puissance de l’exemple, et sans se préoccuper des étoiles, qui peut-être interdiraient à un autre de marcher à quatre pattes dans un souterrain où ses soldats ont failli trouver la mort et d’où ils vont partir pour un nouvel exploit ; sans s’arrêter aux objections nouvelles que l’officier supérieur croit de son devoir d’ajouter aux précédentes, le Commandant du corps de siège, une ampoule à la main, arrive à l’orifice et se penche…
127Il en fait un modèle de chef proche du soldat, qui n’hésite pas à aller au plus près du terrain et à encourager chacun de ses hommes :
128« Toi, mon petit, dit le grand chef avec une expression indéfinissable d’affection dans son tutoiement : écoute-moi bien, que le fort soit pris ou non demain soir, tu m’entends bien, je te remettrai moi-même une croix de la Légion d’honneur, à laquelle je tiens pourtant, car c’est la première que j’ai portée. Tu es un brave enfant !... ». […]
Ancien chasseur et commandant de chasseurs lui-même, le général se tenait sur le passage de la petite colonne. Il complimenta le sous-officier de tête sur sa belle humeur et lui tendit la main : il serra toutes les autres, jetant à ces braves qui allaient tenter un de ces coups de bravoure dont l’armée française a toujours été coutumière, le réconfort d’un mot vibrant et d’une parole affectueuse [54].
4. De l’autobiographie à l’anticipation biographique
Vivre la vie d’officier appelé à jouer un rôle dans la guerre de demain
130À travers ce portrait du général de Maud’huy, il nous semble aussi apercevoir le type de général qu’aurait été le lt-colonel Driant durant la Grande Guerre, s’il n’avait pas été arrêté dans sa carrière, contraint à démissionner et à quitter l’Armée.
131C’est peut-être un nouvel aspect de la dimension autobiographique des romans du Capitaine Danrit : certes, Danrit met en scène, nous l’avons vu, des personnes ou des événements passés de la vie d’Émile Driant, nous dévoilant certains aspects de l’officier et de l’homme qu’il a été ; mais au-delà de celui qu’il a été, n’anticipe-t-il pas surtout l’homme et l’officier qu’Émile Driant devra être le jour où il serait amené à jouer un rôle de premier plan ?
132C’est le projet que le Capitaine Danrit annonce dès la lettre-préface de La Guerre des Forts : « J’ai essayé de vivre la vie de l’officier appelé à jouer un rôle dans la Guerre de Demain » [55]. C’est au fond le ressort profond de l’œuvre du Capitaine Danrit : il s’agit non seulement de préparer les Français aux conflits futurs et au rôle qui leur reviendra ; mais il s’agit aussi pour Émile Driant de réfléchir au rôle qui sera le sien. Il a suivi en ce sens la recommandation qu’il offrait aux officiers dans La Guerre en rase campagne :
133S’il est une recommandation utile à faire à un officier en campagne et marchant à proximité de l’ennemi, c’est précisément celle-là : observez toujours le terrain, supposez une attaque de l’ennemi et demandez-vous ce que vous feriez. Cette manière de faire habitue l’esprit aux problèmes souvent complexes et embarrassants de la tactique, supprime par là même toute hésitation lorsqu’il faut prendre réellement un parti ; en un mot, donne de la décision et du coup d’œil [56].
134C’est en se confrontant dans ses romans à des situations diverses mais toujours possibles et réalistes, et en se demandant ce qu’il ferait, que le Capitaine Danrit a permis au lt-colonel Driant d’acquérir la sagesse et l’expérience dont il a fait preuve durant la Grande Guerre.
135Il est intéressant alors de relire les passages dans lesquels le Capitaine Danrit évoque ses modèles d’officier et de constater à quel point ils se rapprochent du style de commandement adopté par Driant lui-même.
136C’est en particulier dans La Guerre fatale, à travers la figure du commandant Costurier, que le Capitaine Danrit développe de façon structurée ses convictions sur le commandement, même si on peut les retrouver disséminées dans l’ensemble de son œuvre et dans l’exemple de chaque officier supérieur qu’il décrit :
137Le commandant est un chef qui exige beaucoup de tous, mais il est humain, bienveillant, prend son monde par le cœur et il n’est pas un Chasseur qui ne soit prêt à se jeter pour lui tête baissée dans n’importe quel danger. […] Il prétend que le soldat est fait pour la guerre, que le moral à la guerre jouera le rôle capital, en dépit des perfectionnements de l’arme et il soigne avant tout le moral de son monde. Joint à cela, il est solide, le premier partout, ne comptant pas avec la fatigue, gai avec le chasseur, aimant les chansons de route, provoquant l’entrain et la belle humeur, se roulant dans une couverture au milieu de nous et vivant de notre vie à tous ; bref, c’est le chef que l’on suit par affection et non par crainte [57].
138C’est exactement la description qu’en feront les Chasseurs des 56e et 59e BCP qui ont combattu sous ses ordres au Bois des Caures. Le sergent Dutoo a très bien résumé le style de commandement adopté par le lt-colonel Driant :
139Commander : il n’y avait qu’une seule façon de le bien faire : par persuasion. Le commandement par persuasion, le seul, disait Driant, que j’aie jamais compris, parce que, dans le danger, là où il n’y a plus de sanction, là où il n’y a plus que la confiance ou la peur, le soldat ne suivra jamais que le chef qu’il aime [58].
140Driant ne se contente pas de donner des ordres en espérant obtenir une obéissance servile et disciplinée, il fait appel à l’intelligence et à la volonté de chaque combattant ; en cela, il est fidèle à l’approche théorisée dans La Guerre fatale :
141Tenir le soldat au courant de ce qui se passe et des mouvements qu’on va faire, ne pas le considérer comme une machine numérotée, marchant, s’arrêtant et tirant à commandement ; lui montrer au contraire qu’il est un être intelligent, que le chef ne craint pas de lui confier sa pensée, de l’initier à la manœuvre, de lui indiquer le but à atteindre. C’était pour lui la vraie, la seule méthode à employer avec le soldat débrouillard, dévoué et intelligent qu’est le soldat français : sachant à quelle opération il participe et quel objectif on vise, il s’emploiera ainsi bien mieux au succès final [59].
142C’est le style de commandement qu’a employé le lt-colonel Driant avec ses chasseurs. Son Ordre du jour du 20 janvier 1916 en est une illustration frappante :
143L’heure est donc venue pour les gradés et les chasseurs des deux bataillons de se préparer à l’action et pour chacun de réfléchir au rôle qui va lui incomber. Il faut surtout qu’à tous les échelons on soit pénétré de l’idée que, dans une lutte aussi morcelée comme celle qui s’apprête, nul ne doit se retrancher derrière l’absence d’ordres pour rester inerte. Multiples seront les interruptions de communications, fréquentes les occasions où les fractions de tout effectif se trouveront livrées à elles-mêmes. Résister, arrêter l’ennemi par tous les moyens, telle doit être la pensée dominante de tous : les Chasseurs se rappelleront surtout que dans les combats auxquels ils ont assisté depuis 17 mois, ils n’ont laissé entre les mains de l’ennemi d’autres prisonniers que les blessés. Les Chasseurs ne se rendent pas [60] !
144C’est ainsi que réagiront les chasseurs des 56e et 59e BCP lors de l’offensive allemande des 21 et 22 février, avec les résultats que nous connaissons.
145Plus étonnant, ce discours nous rappelle le discours du colonel Durrier à ses Zouaves, à la veille de la bataille de Neufchâteau, dans La Guerre en rase campagne, écrite 30 ans plus tôt :
146L’ennemi est signalé sur tout le front par les ballons captifs. Il arrive surtout en masses profondes le long de la route de Sarreguemines et du chemin de fer de Toul. Il est signalé également en forces considérables sur la route de Colombey à Vaucouleurs sur l’extrême gauche. Le village de Coursel, occupé par le régiment, se trouve presqu’au débouché du chemin de fer de Toul. Il va donc subir le premier choc de forces cent fois supérieures. Il est inutile de rappeler aux Zouaves qu’ils ont maintes fois combattu dans les mêmes conditions et que, placés à un poste de danger, ils doivent se montrer dignes de l’honneur qui leur est fait. Le colonel sait que tous feront leur devoir. On va employer le temps qui reste à masquer le plus possible les préparatifs de défense trop visibles de loin, pour éviter d’attirer trop tôt sur le village les coups de l’artillerie ennemie. […]. Il est impossible au colonel de donner une direction d’ensemble au combat qui va s’engager ; les chefs de bataillon eux-mêmes ne pourront donner à leurs compagnies que des indications générales. Elles se résument toutes dans les deux suivantes : « tenir jusqu’au dernier moment avec la plus extrême énergie et ne pas se laisser couper des ponts. » […] « Zouaves du 4e Régiment, pensez au Drapeau ! » [61]
147Le portrait du commandant Randal, dans La Guerre des Forts, est aussi très proche de l’officier qu’incarnera Driant, et l’admiration que lui voue le lieutenant Danrit dans le roman, n’est pas éloignée de celle que ses chasseurs porteront à leur chef.
148[Le Commandant Randal] était devenu comme un père pour nous ; ce n’était pas seulement le chef à qui l’on obéit, c’était l’homme en qui se reposait la confiance de tous ; son âge, ses connaissances étendues, sa rigidité, son esprit de décision, tout en lui en imposait [62].
149Un « père » c’est ainsi que les chasseurs des 56e et 59e BCP appelaient leur colonel. L’un d’eux écrivait à un des enfants Driant, pour le remercier d’un colis reçu pour Noël :
150« Veuillez être mon interprète près de Monsieur votre père pour l’assurer de mon amour et mon admiration pour lui. Que Dieu vous garde et qu’il nous garde votre bien aimé père qui depuis 5 mois vous a quittés pour devenir le nôtre. » [63]
151Du Commandant Randal, le lieutenant Danrit remarque :
152Jamais il n’avait manifesté devant nous une hésitation. Il savait toujours ce qu’il voulait ou, du moins, paraissait le savoir, et s’il avait quelque fois des anxiétés, des angoisses, s’il était à certaines heures effrayé par sa responsabilité croissante, nous ne pouvions nous en douter, car il ne mettait jamais son âme à nu devant nous. Et c’est une qualité maîtresse pour un chef, de savoir se posséder, car tous les yeux sont fixés sur lui et la moindre de ses hésitations ou de ses appréhensions correspond à une diminution de confiance chez ses subordonnés [64].
153C’est précisément ce que le lt-colonel Driant s’est efforcé d’incarner ; il l’écrivait à son épouse quelques jours avant sa mort :
154Pour que [le soldat] croie et suive, il ne faut pas qu’il soit témoin d’une hésitation et, dès lors on n’hésite pas devant les situations qui, en temps ordinaire, exigeraient de la réflexion. Ce qui est certain, c’est que cette influence ainsi acquise à la longue devient une espèce de foi et, sous les mitrailleuses, l’homme part sans hésiter quand on le lui dit. Les chefs qui n’obtiennent pas cela ne méritent pas de commander [65].
Écrire sa propre mort
155Frédéric Schwindt a écrit, dans une formule aussi belle que juste : « Driant aura écrit sa vie et sa mort et vécu ses œuvres » [66]. C’est en effet aussi vrai de sa mort que de sa vie.
156Les mots du Commandant Randal, rendant l’âme entouré de ses officiers, dans le Fort de Liouville assiégé par l’ennemi, après des jours d’une héroïque résistance, ces mots Émile Driant aurait pu les prononcer :
157« Approchez-vous, mes amis, mes chers camarades, approchez-vous !, dit le commandant Randal, mon rêve avait toujours été de mourir au milieu de vous. Je remercie Dieu de m’avoir donné cette dernière consolation. » […] « Mes camarades, mes amis, dit le Commandant d’une voix creuse et affaiblie, je vous dis adieu, adieu du fond du cœur ; nous n’avons passé que quinze jours ensemble, mais quinze jours qui comptent dans l’existence et qui terminent la mienne sans que je songe à m’en plaindre. C’est vrai, poursuivit-il après un moment de silence, j’aurais voulu voir la France victorieuse, et je serais parti tout à fait content si j’avais pu voir repasser en déroute, sous notre canon, leurs armées d’invasion, mais j’emporte avec moi le souvenir du devoir accompli jusqu’au bout, avec vous et grâce à vous… Merci à vous, mes amis, mes derniers amis ; nous avons résisté à trois assauts, un contre vingt, et tué à l’ennemi dix fois plus de monde que nous n’en avions nous-mêmes ; nous l’avons tenu en échec assez longtemps maintenant pour que notre but soit atteint. » [67]
158Mourir au combat, c’était le rêve du lieutenant Croze écrivant à son frère dans La Guerre en rase campagne ; c’était probablement aussi celui du lt-colonel Driant :
159Si je ne vous revois pas, que la pensée de ma mort ne vous soit pas amère. […] Mourir pour mourir, j’aimerais mieux tomber pour mon pays que de m’éteindre tranquillement dans mon lit comme une lampe sans mèche. Après tout, deux branches en croix sur une tombe au milieu d’un champ de bataille sont le plus beau monument qu’on puisse élever à un soldat, et avant tout je suis soldat [68].
160Nous terminerons cette évocation par cette étonnante citation extraite des Robinsons Sous-marins dans laquelle le Capitaine Danrit décrit la mort qui sera la sienne, dix ans plus tard, au Bois des Caures. Le héros, enfermé au fond du sous-marin gisant au fond de la baie de Bizerte, et commençant à manquer d’oxygène, s’assoupit et fait un cauchemar. Il se voit sur un champ de bataille, au milieu d’une canonnade, entouré de Chasseurs à pied qui luttent comme des diables :
Je suis sur un champ de bataille. Les balles sifflent leur meurtrière cantilène à travers les rangs qui s’éclaircissent ; les obus à la mélinite éclatent, projetant leurs jets caractéristiques de fumée noire, traversés de rouges éclairs. L’air est empesté de leur âcre vapeur ; je respire à peine. […]
Quel est ce ravin couronné de bois que précisent mes regards enfiévrés ? [69] […] Près de moi, des chasseurs à pied tirent, tirent sans arrêt, couchés dans les sillons… […] Je veux crier « en avant ! » et soudain une douleur aigüe me traverse : j’ai nettement perçu un sifflement plus proche dans l’intense bourdonnement des projectiles qui passent en essaims rageurs et je tombe assis, montrant la colline, du bras qui s’alourdit de plus en plus…
Une balle m’est entrée dans le flanc en achevant son juron dans un bruit mat de chairs traversées et d’os pulvérisés : puis une autre m’atteint au milieu du front et il me semble que mon cerveau éclate comme une grenade mûre.
Une main glacée me couche tout du long dans un sillon au milieu de coquelicots et de bleuets [70]. Un silence : la canonnade s’affaiblit, la fusillade s’éteint, l’ombre monte au ciel.
Soudain un mouvement général s’opère parmi tous les cadavres qui m’entourent et qu’éclaire de lueurs sanglantes le disque lunaire. Peu à peu tous ces corps se rapprochent, se tassent par lits réguliers : je me sens pris par la tête et par les pieds ; des mains invisibles me couchent au milieu d’eux. Je suis contre un petit soldat imberbe, à capote bleue […]. Les yeux du petit chasseur sont fermés ; il semble dormir ; mais il a comme moi un trou au milieu du front [71].
Notes
-
[1]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain – La Guerre des Forts (Fayard), p. 12.
-
[2]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 92.
-
[3]
Tablettes de l’Aisne, 2 février 1935.
-
[4]
Histoire patriotique du général Boulanger, attribuée à Michel MORPHY (Fayard), p. 1003.
-
[5]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain – La Guerre des Forts (Fayard), p. 148.
-
[6]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 11.
-
[7]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 36.
-
[8]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 528.
-
[9]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 510.
-
[10]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 486.
-
[11]
Le Petit Journal, 14 juin 1886
-
[12]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain - La Guerre des Forts (Fayard), p. 148.
-
[13]
Capitaine DANRIT, op. cit., préface, lettre à M. Claretie.
-
[14]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 392.
-
[15]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 11.
-
[16]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 726.
-
[17]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 760.
-
[18]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 757.
-
[19]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain – Le Journal de guerre du Lieutenant Von Piefke (Fayard), p. 2827.
-
[20]
Honoré BEULAY, Mémoires d’un grenadier de la Grande Armée (Champion, 1907), préface du cdt Driant
-
[21]
Général BOULANGER, L’Invasion Allemande – Guerre franco-allemande de 1870-71 (Rouff, 1888-1891)
-
[22]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain – La Guerre des Forts (Fayard), p. 757-759.
-
[23]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 992.
-
[24]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain - La Guerre en rase campagne (Fayard), p. 1346.
-
[25]
Capitaine DANRIT, op. cit., pp. 1351, 1352, 1363, 1365.
-
[26]
Hervé PAUL, Neufchâtel-sur-Aisne, Vingt siècles d’un village français (Ed. DEFG, 2017).
-
[27]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain – La Guerre en ballons (Fayard), p. 1838.
-
[28]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain - La Guerre en rase campagne (Fayard), p. 1268.
-
[29]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain – La Guerre en ballons (Fayard), p. 1821.
-
[30]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 2358.
-
[31]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 1880.
-
[32]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 2471.
-
[33]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 2389.
-
[34]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 1724.
-
[35]
Capitaine DANRIT, L’Invasion noire (Flammarion), préface, lettre à M. Jules Verne.
-
[36]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain - La Guerre des Forts (Fayard), préface, lettre à M. Jules Claretie.
-
[37]
Capitaine DANRIT, Histoire d’une famille de soldats – Petit Marsouin (Delagrave), p. 159-161.
-
[38]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 164.
-
[39]
Notes reçues au Lycée Impérial de Reims en classe de 4e (1869-1870)
-
[40]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 168.
-
[41]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain – La Guerre des Forts (Fayard), p. 912.
-
[42]
Capitaine DANRIT, Histoire d’une famille de soldats – Petit Marsouin (Delagrave), p. 172.
-
[43]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 183.
-
[44]
Capitaine DANRIT, Robinsons sous-marins (Flammarion), p. 16.
-
[45]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain – La Guerre en rase campagne (Fayard), p. 807.
-
[46]
Capitaine DANRIT, Robinsons sous-marins (Flammarion), p. 40-43.
-
[47]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 398.
-
[48]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 408-411.
-
[49]
Capitaine DANRIT, « Les Saint-Cyriens chez eux », in Le Monde Moderne (juillet-décembre 1896), p. 209-219.
-
[50]
Capitaine DANRIT, La Guerre fatale (Flammarion), p. 999.
-
[51]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 1163, note 1.
-
[52]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 1019.
-
[53]
Capitaine DANRIT, Histoire d’une famille de soldats – Petit Marsouin (Delagrave), dédicace à Jean de Sémant.
-
[54]
Capitaine DANRIT, La Guerre souterraine (Flammarion), p. 264-266.
-
[55]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain - La Guerre des Forts (Fayard), préface, lettre à M. Jules Claretie.
-
[56]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain - La Guerre en rase campagne (Fayard), p. 1694.
-
[57]
Capitaine DANRIT, La Guerre fatale (Flammarion), p. 853-854.
-
[58]
in Le Combat du Bois des Caures par le général H. J. Fournier (2016), p. 194.
-
[59]
Capitaine DANRIT, La Guerre fatale (Flammarion), p. 904.
-
[60]
Lt-colonel DRIANT, Ordre du jour n° 33, du 20 janvier 1916.
-
[61]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain – La Guerre en rase campagne (Fayard), p. 1195.
-
[62]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain – La Guerre des Forts (Fayard), p. 572.
-
[63]
Lettre du caporal VANDELANGUEN (56e BCP) à Robert DRIANT (Noël 1914).
-
[64]
Capitaine DANRIT, op. cit., p. 572.
-
[65]
in Le Combat du Bois des Caures par le général H. J. Fournier (2016), p. 184.
-
[66]
Frédéric SCHWINDT, « La mort du soldat », in Les Guerres du Capitaine Danrit, Le Rocambole n° 74 (2016), p. 131.
-
[67]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain – La Guerre des Forts (Fayard), p. 586 et 589.
-
[68]
Capitaine DANRIT, La Guerre de Demain – La Guerre en rase campagne (Fayard), p. 1196.
-
[69]
Un ravin couronné de bois… c’est exactement la position des Bois des Caures et d’Haumont, séparés par un ravin que Driant avait identifié comme une faiblesse par où les Allemandes chercheraient à s’introduire.
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[70]
Le corps du lt-colonel Driant fut exhumé en 1919 pour être identifié, puis inhumé au même endroit. La veuve du Colonel Driant raconte que les gens du pays qui étaient présent apportèrent alors des brassées de coquelicots et de bleuets qui furent déposées dans le cercueil où reposaient les restes d’Émile Driant.
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[71]
Capitaine DANRIT, Robinsons sous-marins (Flammarion), p. 123-125.