Notes
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[1]
Éditions Ravet-Anceau, dans la collection « Polars en nord ».
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[2]
Le roman a reçu le prix du meilleur polar français du magazine culturel Transfuge (en ligne).
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[3]
Rappelons que l’actuelle Université de Corse n’a été fondée qu’à la fin des années soixante-dix.
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[4]
D’après une interview parue dans la revue en ligne Plume-libre.com (consultable sur internet) en septembre 2017.
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[5]
« Et je te préviens, s’il s’avise de grimper sur la table de la cuisine, il va goûter de ma savate. » Le destinataire de ces paroles vigoureuses est Kahn, un chat blessé recueilli par le commissaire (Le Cimetière des chimères, p. 177).
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[6]
Paru en 2013, Le Cimetière des chimères a reçu le prix Calibre 47 et le prix Soleil noir de Vaison-la-Romaine. D’autres romans ont été récompensés : Des forêts et des âmes, Éditions Au-delà du raisonnable, 2014 (Pocket, 2017), a été finaliste des sélections du prix des lecteurs Quai du polar/20 minutes et du grand prix de littérature policière. Des nouvelles avec des personnages non récurrents sont également parues comme Le Dernier Homme (Atelier in8, collection polaroïd, décembre 2017), une nouvelle qui se déroule dans un hameau isolé de Corse (reprise dans un Coffret intitulé Autour de minuit chez le même éditeur), Double casquette ou La Bête noire (souvent accessibles sous format électronique).
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[7]
« Chapardeur de quignons de pain, lorsqu’il était enfant, escamoteur de poules à l’adolescence, cambrioleur de haut vol à l’âge adulte » (Carrières noires, p. 145).
-
[8]
Carrières noires, Une enquête de Pierre-Arsène Leoni, Pocket, Éditions Au-delà du raisonnable, 2012, p. 9.
-
[9]
Le second quatrain du sonnet des « Correspondances » de Baudelaire est placé en exergue du roman.
-
[10]
Interview citée supra.
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[11]
Le texte joue sur des typographies différentes, qui permettent d’insérer des éléments dans l’intrigue : écriture cursive (p. 150-51, caractères autres proches du script pour un journal dont l’auteur reste anonyme (« Lui », p. 9-10, 113-114, 153-54, 189-90 ; « Elle », p. 217-18, 235), italiques pour entrer dans l’intériorité de certains personnages (p. 171 : Peut-être que tu ne cherches pas au bon endroit. Faudra que tu penses à demander à Sénéchal, si elle aurait vu quelque chose d’approchant dans l’appart du mari).
-
[12]
La « note au lecteur » finale (p. 283) signale la source du récit, « un fait-divers survenu à Flavin, dans l’Aveyron ».
-
[13]
Dans l’interview parue dans Plume Livre, un second titre mettant en scène le personnage de Mathilde Sénéchal est annoncé comme en cours de rédaction.
-
[14]
Diffusion le 10 mars 2017 sur TSR puis en avril sur TF1 et France 3.
1Elena Piacentini écrit des polars, avec une grande régularité, puisqu’un roman est paru chaque année depuis Un Corse à Lille [1] (2008), titre de la collection « Polars en nord » chez Ravet-Anceau, où elle met pour la première fois en scène le personnage du commandant Pierre-Arsène Leoni. Suivent chez le même éditeur Art brut (2009) et Vendetta chez les Ch’tis (2010). À partir de 2012, les romans suivants, Carrières noires (2012), Le Cimetière des chimères (2013), Des forêts et des âmes (2014) et Aux vents mauvais (2017) paraissent à Paris chez « Au delà du raisonnable ». Enfin, le dernier en date, Comme de longs échos, est publié au Fleuve noir en 2017 [2]. Le travail et les intentions d’Elena Piacentini sont connus à travers de nombreuses interviews qu’elle a données lors de salons du livre, à FR3 ou sur des sites internet. Elle y dit son enfance solitaire et son goût pour la lecture.
2Née à Bastia le 5 novembre 1969, Elena Piacentini a, comme beaucoup de jeunes Corses de ces années-là, quitté l’île pour ses études [3] sur le continent et les circonstances l’ont menée de plus en plus vers le nord de la France (la Normandie puis Lille). C’est là qu’elle vit depuis 2003 et travaille dans les ressources humaines, métier qui a été pour elle une source d’inspiration. Elle a retenu de ses études un intérêt pour l’humain qui transparaît dans ses romans. Comme elle l’explique dans une interview :
Après mon diplôme, je suis devenue consultante en ressources humaines, activité que j’exerce toujours même si c’est aujourd’hui en pointillés. L’expérience que j’ai acquise au travers de ma profession m’est précieuse dans la construction de mes personnages. Mon métier me permet de rester ancrée dans le réel qui est une source inépuisable d’inspiration, pour le meilleur comme pour le pire ! [4]
4De son enfance dans un petit village de Corse, auprès de sa grand-mère, on retrouve l’écho chez le personnage principal de ses premiers romans. Natif du nord de la Corse et chargé des enquêtes criminelles à Lille, Pierre-Arsène Leoni est resté très proche de sa « mémé Angèle », qui l’a élevée dans un village de la Castagnicia. Sa grand-mère sera amenée à le rejoindre dans le nord lorsque le commandant perd brutalement la femme qu’il aime, Marie, et reste seul avec un bébé, la petite Lisandra. Elle veille fidèlement sur son petit-fils et son arrière-petite-fille et ici ou là, s’exprime dans sa langue d’origine, souvent pour « délimiter clairement son territoire » : E ti prevengu, s’ella lipiglia di cullà annat’à u tavulinu di a cucina, hà da paspà a mia ciavatta [5].
5Un Corse à Lille installe le commissaire à la DIPJ (Direction interrégionale de la police judiciaire) de cette ville ; il y travaille avec plusieurs adjoints, que l’on retrouve de texte en texte et qui constituent quelques types : le commandant Baudoin Vanberghe et son obsession de la nourriture, le très catholique capitaine François de Saint-Venant, prêtre défroqué désormais père de famille nombreuse, les lieutenants Grégoire Parsky, ancien baroudeur en ex-Yougoslavie, et Thierry Muissen, le benjamin, groupe auquel il faut rajouter le personnage du médecin légiste, Éliane Ducatel, qu’une amitié amoureuse lie à Leoni. C’est elle qui a fait revenir à Lille le commissaire exilé en Corse après la mort de sa compagne, et a décidé mémé Angèle à l’y suivre.
6La ville de Lille, ses différents quartiers et ses environs (Marcq-en-Barœul, Roubaix entre autres), servent de cadre aux romans, qui mentionnent souvent des lieux inattendus (les carrières de Lezennes, le cimetière de l’Est, le Musée des Beaux-Arts). Les crimes du présent trouvent presque toujours leurs racines dans le passé, à travers des personnages qui servent de relais, qui en gardent la mémoire et qui, méprisés ou vaincus dans leur chair ou dans leur dignité, se vengent, parfois cruellement. La sympathie de l’auteur va aux petits, tant les enfants perdus que ceux dont l’enfance ou l’adolescence a été marquée par une agression, une perte, ou l’absence d’amour (Le Cimetière des chimères [6], Carrières noires), les ouvrières qui ont perdu leur emploi, les femmes vieillissantes, mais que leur volonté et leur joie de vivre font résister aux situations les plus douloureuses, comme les trois amies de Carrières noires dont le rêve est de pouvoir passer du temps près de la mer à La Panne.
7Cette résistance, c’est aussi celle de son personnage principal, que la vie n’a pas épargné tant dans le passé que dans le présent : non seulement sa compagne est tuée, mais il est fréquemment blessé ou en danger lui-même. En revanche, les financiers véreux, les politiciens ambitieux, ceux qui ont mené des transactions immobilières douteuses, voire les faux artistes trouvent peu de grâce aux yeux du commissaire comme de sa créatrice.
8Si les intrigues sont souvent complexes et les causes des meurtres parfois sordides, insérant bien l’œuvre dans le genre du polar noir, l’activité de Leoni, sa volonté tenace et le soutien fidèle de son équipe – ou de complices et compagnons auxquels il fait appel en cas de nécessité comme son ami d’enfance Ange, personnage qui flirte souvent avec la légalité [7] – lui assurent un succès dans ses enquêtes, même si le dénouement de celles-ci laisse souvent un goût amer, tant l’univers dans lequel évoluent les personnages est sombre et le regard sur l’humanité pessimiste. Pas de manichéisme mais une interrogation sur les frontières, les limites, ce qui fait basculer les gens ordinaires confrontés à des situations extrêmes. En témoigne par exemple l’« avertissement au lecteur » précédant Carrières noires [8] : « La frontière séparant le bien du mal est la seule ligne de démarcation qui m’intéresse, même si elle n’est pas toujours aussi nette qu’on aimerait le croire. » Cette interrogation est politique, au sens le plus large du terme, comme le montre aussi la phrase de Benjamin Franklin placée en exergue du même roman : « La démocratie, c’est deux loups et un agneau votant ce qu’il y aura au dîner. La liberté, c’est un agneau bien armé qui conteste le scrutin ».
9Avec son dernier roman, Comme de longs échos [9] (Fleuve noir éditions, 2017) Elena Piacentini invente de nouveaux personnages, notamment le chef de groupe, le commandant Albert Lazaret, le capitaine Mathilde Sénéchal, commissaire à la DIPJ comme l’était Leoni, les lieutenants Franck Sqalli et Damien Delage et le brigadier Sylvie Muller. Le médecin légiste est également ici une femme, le docteur Viviane Bécart. Comme Elena Piacentini le dit dans une interview : « Constituer une équipe dans un roman, c’est un peu comme dans la vraie vie, il faut trouver des complémentarités [10] ». De multiples lieux lillois, Wazemmes, le Vieux-Lille, la place du Général-de-Gaulle, le quai du Vault, la cité Franchomme, rue du Buisson et les rues voisines du Bois et du Ballon, le boulevard de Turin, près de la gare de Lille-Europe, mais aussi Roubaix et la forêt de Mormal dans les derniers chapitres, servent successivement de cadre au roman.
10Des zones d’ombre entourent l’enquêteur principal, l’officier de police Sénéchal, « affectée depuis trois ans à la DIPJ de Lille » (p. 23), comme antérieurement le commissaire Leoni. L’intrigue tourne ainsi tout autant autour du crime que du parcours et des secrets des enquêteurs. Là encore le passé et l’enfance pèsent leur poids de silence :
De la fillette qu’elle fut et dont les cauchemars lui renvoient l’écho avec la régularité des marées, Mathilde a perdu les rondeurs. Sauf parfois un vestige, quand elle rit, événement rare et fugace. Son corps filiforme est ciselé par les courses auxquelles son inconscient la condamne deux à trois fois par semaine, sans qu’elle sache à quelle faute ou tare originelle, elle doit cette punition.
12Les cicatrices physiques signalent des traumatismes anciens que le récit s’emploie à expliquer ou dénouer, d’autant que « Les défaillances de Mathilde n’ont d’égale que son énergie à les vaincre » (p. 22).
13Nous laisserons le lecteur suivre les péripéties [11] de ce fait divers [12] (une femme assassinée, un bébé disparu) lillois qui résonne en écho, d’où le titre, avec une affaire analogue, vieille de vingt ans, qui s’est déroulée à Toulouse. L’enquête se fera donc en collaboration entre l’enquêteur d’alors, Pierre Orsalhier, venu d’Ariège, et Mathilde Sénéchal [13].
14Renouant avec ses racines, Elena Piacentini a participé récemment (en collaboration avec Catherine Touzet) à l’écriture du scénario de Tensions au Cap Corse, téléfilm policier réalisé par Stéphanie Murat [14], avec Amira Casar dans le rôle de Gabrielle Monti, enquêtrice de retour au pays, et Richard Bohringer, dans celui de son père, l’ancien juge d’instruction Xavier Monti. Une fois encore, c’est en plongeant dans le passé que l’on pourra résoudre une affaire de meurtre.
15Entre Corse et Lille, Elena Piacentini construit donc depuis maintenant une dizaine d’années une œuvre policière aux héros attachants qui la place parmi les auteurs reconnus du genre du polar.
Notes
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[1]
Éditions Ravet-Anceau, dans la collection « Polars en nord ».
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[2]
Le roman a reçu le prix du meilleur polar français du magazine culturel Transfuge (en ligne).
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[3]
Rappelons que l’actuelle Université de Corse n’a été fondée qu’à la fin des années soixante-dix.
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[4]
D’après une interview parue dans la revue en ligne Plume-libre.com (consultable sur internet) en septembre 2017.
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[5]
« Et je te préviens, s’il s’avise de grimper sur la table de la cuisine, il va goûter de ma savate. » Le destinataire de ces paroles vigoureuses est Kahn, un chat blessé recueilli par le commissaire (Le Cimetière des chimères, p. 177).
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[6]
Paru en 2013, Le Cimetière des chimères a reçu le prix Calibre 47 et le prix Soleil noir de Vaison-la-Romaine. D’autres romans ont été récompensés : Des forêts et des âmes, Éditions Au-delà du raisonnable, 2014 (Pocket, 2017), a été finaliste des sélections du prix des lecteurs Quai du polar/20 minutes et du grand prix de littérature policière. Des nouvelles avec des personnages non récurrents sont également parues comme Le Dernier Homme (Atelier in8, collection polaroïd, décembre 2017), une nouvelle qui se déroule dans un hameau isolé de Corse (reprise dans un Coffret intitulé Autour de minuit chez le même éditeur), Double casquette ou La Bête noire (souvent accessibles sous format électronique).
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[7]
« Chapardeur de quignons de pain, lorsqu’il était enfant, escamoteur de poules à l’adolescence, cambrioleur de haut vol à l’âge adulte » (Carrières noires, p. 145).
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[8]
Carrières noires, Une enquête de Pierre-Arsène Leoni, Pocket, Éditions Au-delà du raisonnable, 2012, p. 9.
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[9]
Le second quatrain du sonnet des « Correspondances » de Baudelaire est placé en exergue du roman.
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[10]
Interview citée supra.
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[11]
Le texte joue sur des typographies différentes, qui permettent d’insérer des éléments dans l’intrigue : écriture cursive (p. 150-51, caractères autres proches du script pour un journal dont l’auteur reste anonyme (« Lui », p. 9-10, 113-114, 153-54, 189-90 ; « Elle », p. 217-18, 235), italiques pour entrer dans l’intériorité de certains personnages (p. 171 : Peut-être que tu ne cherches pas au bon endroit. Faudra que tu penses à demander à Sénéchal, si elle aurait vu quelque chose d’approchant dans l’appart du mari).
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[12]
La « note au lecteur » finale (p. 283) signale la source du récit, « un fait-divers survenu à Flavin, dans l’Aveyron ».
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[13]
Dans l’interview parue dans Plume Livre, un second titre mettant en scène le personnage de Mathilde Sénéchal est annoncé comme en cours de rédaction.
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Diffusion le 10 mars 2017 sur TSR puis en avril sur TF1 et France 3.