Couverture de NEG_016

Article de revue

Commerce international et incertitudes sur les effets environnementaux et sanitaires des biens. Les négociations autour du bœuf aux hormones et des OGM.

Pages 23 à 37

Notes

  • [1]
    Nous définirons valeur comme « un élément d’un système symbolique qui sert de critère pour choisir une orientation parmi les diverses possibilités qu’une situation laisse par elle-même ouvertes » (Parsons, 1952, p. 12).
  • [2]
    Le principe de précaution est défini par la loi française n° 95-101 du 2 Février 1995 (dite loi Barnier) comme le principe « selon lequel l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable ». Le principe de précaution est également inscrit dans l’article 191 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Il a également été intégré dans la Constitution française de 1958 en 2005 (Charte de l’environnement de 2004, article 5). Notons également l’existence de ce principe en droit allemand (Vorsorgeprinzip) dans la loi de 1974 sur la qualité de l’air. Ce principe justifiait l’action publique pour réduire les risques avant qu’on n’ait de preuve entière de l’existence de dommages, afin d’éviter des impacts sérieux ou irréversibles (EEA, 2001, p. 13).
  • [3]
    Les OGM peuvent être définis comme « tout organisme vivant possédant une combinaison de matériel génétique inédite obtenue par recours à la biotechnologie moderne » (article 3.g, Protocole de Cartagena, 2000).
  • [4]
    De surcroît, l’Union Européenne interdisait également cette production de bœuf aux hormones sur son territoire.
  • [5]
    La testostérone, la progestérone, l’acétate de trenbolone, le zéranol et l’acétate de mélengestrol.
  • [6]
    Selon une étude financée par la Commission européenne (Marris et al., 2001) réalisée de 1998 à 2000 dans 5 pays (Allemagne, Espagne, France, Italie et Royaume Uni), les personnes enquêtées à travers 55 groupes de discussion étaient réticentes vis-à-vis des bénéfices d’une industrialisation encore plus poussée de la chaîne alimentaire avec les OGM, et pensaient que les incertitudes liées au devenir des OGM devraient être admises par les institutions, et prises en compte dans les décisions.
  • [7]
    Notons que le protocole régule les organismes vivant modifiés (OVM). Ce sont des organismes qui peuvent se reproduire et qui croissent quand ils sont plantés dans le sol, comme le maïs génétiquement modifié. Ils concernent aussi des cultures non alimentaires comme le coton génétiquement modifié. Ils ne concernent pas par contre des aliments issus de produits génétiquement modifiés (Mbengue et Thomas, 2004)
  • [8]
    La Commission Européenne a levé ce moratoire pour certains aliments génétiquement modifiés. Le 19 mai 2004, la Commission Européenne a autorisé pour la première fois un aliment génétiquement modifié : le maïs bt-11. Ce maïs est autorisé pour dix ans à la consommation (boîtes de conserves) mais ne peut être cultivé.
  • [9]
    Une étude économétrique du CEPII évalue que les Etats-Unis ont perdu 1.97 milliards de dollars entre 2003 et 2005 du fait du moratoire européen, des mesures spécifiques aux produits et des interdictions nationales. Ce chiffre est évalué à 349.6 millions de dollars pour le Canada et 52.2 millions de dollars pour l’Argentine (Disdier et Fontagné, 2009 : 24).
  • [10]
    Nous nous référons ici aux règles formelles (textes législatifs), bien que les règles informelles (non écrites) puissent coexister aussi (conventions).
  • [11]
    Le jugement rendu par l’Organe de règlement des différends le 12 juillet 1999 concernant le bœuf aux hormones est illustratif de la primauté accordée à l’évaluation des risques. L’ORD remarque que le principe de précaution ne justifie pas l’interdiction imposée par l’UE à l’importation de viande et de produits carnés provenant d’animaux traités à des fins anabolisantes avec l’une des cinq hormones en cause, dans la mesure où cette interdiction ne s’appuie pas sur la base d’une évaluation des risques (Marre, 2000).
  • [12]
    L’UE avait d’ailleurs tenté d’intégrer le principe de précaution dans le Codex Alimentarius. La commission du Codex Alimentarius a refusé de l’insérer en septembre 2007, jugeant que ce principe pouvait être plus utilisé comme un moyen de restreindre le commerce international que comme une mesure visant à protéger les consommateurs.
  • [13]
    Voir le tableau de l’annexe 1 qui distingue les biens d’expérience, de recherche et de croyance des biens indéterminés.
  • [14]
    Contrairement au risque pour lequel il est possible d’établir une probabilité d’occurrence d’un danger, l’incertitude radicale concerne les évènements qui ne peuvent pas être dotés d’une probabilité quelconque, parce qu’il n’existe pas de connaissances scientifiques stabilisées permettant d’établir des probabilités (Knight, 1921).

Introduction

1Les négociations internationales portant sur le commerce international des produits comme le bœuf aux hormones et les OGM mettent en avant la complexité des négociations agricoles. En effet, l’aboutissement de ces négociations est d’autant plus difficile qu’elles combinent plusieurs paramètres :

2Les négociations sont basées sur des intérêts divergents. Les deux principaux protagonistes, les États-Unis et l’Union Européenne, sont des superpuissances dans le secteur agricole qui sont en concurrence sur les mêmes produits. Dans le cas du bœuf aux hormones, l’UE était en situation de surproduction du bœuf lorsqu’elle a interdit l’importation de bœuf aux hormones en provenance des États-Unis.

3Les négociations reposent sur des valeurs [1] différentes. Ces deux biens comportent des risques environnementaux et/ou sanitaires qui ne sont pas définis de la même manière par les protagonistes. Dans le cadre des négociations internationales sur les OGM et le bœuf aux hormones, nous sommes en présence d’une incertitude relative aux impacts futurs d’un bien mise en avant par un groupe d’agents influent (l’UE). Des interprétations rivales coexistent sur l’importance à accorder aux incertitudes scientifiques. L’incertitude est utilisée par les agents afin de refuser un produit en se basant sur le principe de précaution, ce qui a pour conséquence de restreindre les marchés. Les agents agissent sur cette incertitude, sans pouvoir la « contrôler » : elle est amplifiée ou minimisée pour justifier différentes expertises et actions des agents (moratoire de l’UE). Des interprétations causales différentes coexistent, et aucune d’entre elles n’est acceptée comme l’unique et bonne réponse. Les États-Unis rejettent l’utilisation du principe de précaution [2] comme argumentation légitime de refus d’importation de produits. De son côté, l’Union Européenne se base sur ce principe pour justifier ses interdictions d’importations. Ces valeurs contradictoires se sont basées sur des règles parallèles incompatibles, qui se sont construites progressivement, parallèlement à ces disputes.

4Dans cet article, nous développerons deux cas d’étude : le différend sur le bœuf aux hormones et celui sur les organismes génétiquement modifiés (OGM). Nous mettrons en avant les similarités des deux cas d’étude (tentative d’éviter les conflits, construction de règles parallèles), pour ensuite dégager les différences des différends (issue des négociations). Nous proposerons une grille de lecture économique, facilitant la compréhension de ces négociations avec le concept d’institutions parallèles (Vahabi, 2010). Nous aboutirons enfin à introduire le concept de biens indéterminés (Lupton, 2005). Ce concept prend en compte l’utilisation de l’incertitude radicale sur les effets sanitaires et environnementaux des biens (comme le bœuf aux hormones ou les OGM) comme argument de justification de restriction des marchés.

Similitudes et différences des négociations internationales sur le bœuf aux hormones et les OGM

Similitudes

5Nous sommes confrontés à deux différends portant sur l’emploi du principe de précaution par l’UE. Ce principe justifie un refus d’importation de produits jugés potentiellement dangereux pour la santé humaine et/ou pour l’environnement. Dans les deux cas, les protagonistes tentent d’éviter le conflit, élaborent des règles parallèles incompatibles pour enfin porter l’affaire devant l’Organe de Règlement des Différends de l’OMC.

La tentative d’éviter le conflit

6Avant que les deux affaires du bœuf aux hormones et des OGM ne soient portées devant l’Organe de Règlement des Différends de l’OMC, un accord est tenté afin d’éviter une guerre commerciale fastidieuse et coûteuse.

7Concernant le bœuf aux hormones, et antérieurement au refus d’importation de l’UE du bœuf aux hormones provenant des États-Unis et du Canada, un accord avait été tenté entre les États-Unis et l’UE : une équipe de la FDA-CVM (Food and Drug Administration’s Center on Veterinary Medecine) a rencontré les fonctionnaires européens en 1982 afin de discuter des hormones et trouver un accord. Mais les négociations échouent.

8Ni les États-Unis ni l’UE ne souhaitent entrer dans une guerre commerciale coûteuse, pouvant perturber les négociations au sein de l’Uruguay Round qui avaient démarré en 1986 (Hanrahan, 2000). Un compromis est recherché dans le cadre d’un groupe créé en 1989 ayant pour objectif de trouver un accord provisoire. Du côté américain, deux représentants de l’USDA (United States Department of Agriculture) ainsi que deux de l’USTR (United States Trade Representative) participent (Devereaux et al., 2006). Quant à l’UE, des représentants de la DG Agriculture et de la DG Commerce sont présents. L’objectif de l’UE est de parvenir à un accord sur les exportations de bœuf américain sans hormones, mais l’aboutissement de cet accord est vain. Les États-Unis soutiennent le fait que leur agriculture serait compromise si les Américains savaient que n’était exporté que du bœuf sans hormones pour des raisons sanitaires. Les États-Unis redoutent que la crainte vis-à-vis du bœuf aux hormones se propage à d’autres produits biotechnologiques.

9Quant aux OGM [3], les États-Unis ont hésité à soumettre le cas devant l’OMC. Ce pays tente de négocier avec l’UE qui avait déjà mis en place un ensemble de directives (dont la directive 90/220/CE) concernant l’utilisation des OGM, justifiant le moratoire (depuis 1998) vis-à-vis de la mise sur le marché d’OGM sur son territoire, dans l’attente de la mise en place d’un cadre réglementaire européen qui garantisse la traçabilité et l’étiquetage des OGM et de leurs produits dérivés.

10Un forum consultatif UE/États-Unis sur la biotechnologie a été créé en 2000, sous l’initiative du président de la Commission Européenne Romano Prodi, et du Président des États-Unis, Bill Clinton. Ce forum regroupe dix experts européens et dix experts américains (composés de scientifiques, d’associations environnementales et agricoles, ainsi que de représentants des compagnies biotechnologiques), et a comme objectif de discuter de l’utilisation des biotechnologies dans l’agriculture et l’alimentation. Suite aux négociations internes de ce groupe, celui-ci propose une labellisation des produits ainsi qu’une traçabilité accrue, estimant que le choix des OGM revient aux consommateurs. Cette position est critiquée par certains représentants du gouvernement américain, soulevant les coûts d’une telle proposition, qui augmenterait de l’ordre de 10 à 30 %. Un accord n’est pas trouvé à la suite de ces négociations.

La construction de règles parallèles

11Conjointement aux négociations et aux différends des protagonistes, ceux-ci vont œuvrer pour justifier leur position dans le cadre de règles régissant le commerce international. D’abord les États-Unis proposeront un texte qui influencera grandement l’accord SPS. Ensuite, l’UE cherchera à faire intégrer le principe de précaution dans le protocole de Cartagena.

12Pour ce qui est du bœuf aux hormones, l’UE interdit l’importation de bœuf américain et canadien élevé aux hormones de croissance depuis 1988, conformément à plusieurs directives européennes interdisant l’utilisation des hormones de croissance dans l’Union Européenne (directives du conseil des ministres du 31 juillet 1981, du 7 mars 1988 et du 17 mai 1988, ainsi que la directive 96/22/CE du 29 avril 1996). L’enjeu de cette interdiction est important, et représente des pertes d’environ 250 millions de dollars par an pour le Canada et les États-Unis. Ces États pénalisés y voient une mesure de protectionnisme déguisé. Ils contestent le caractère scientifique de l’interdiction, et affirment qu’il n’existe aucune preuve scientifique indiquant que ces hormones représentent des risques pour la santé humaine, à condition que les bonnes pratiques vétérinaires soient respectées. L’UE a rejeté cet argument en mettant en avant le principe de précaution pour justifier son interdiction : compte tenu des incertitudes scientifiques affectant l’évaluation des risques pour la santé humaine, un moratoire était justifié [4].

13L’opposition des États-Unis se poursuit, mais ne trouve pas de soutien dans le cadre du GATT (Standards code), et ce pays négocie vigoureusement au sein de l’Uruguay Round en se basant sur un document produit par des membres de l’USDA pour résoudre les conflits liés aux produits sanitaires et phytosanitaires (le document est intitulé « The Sanitary and Phytosanitary Dispute Settlement Paper »). La majorité des participants (96 nations) à l’Uruguay Round était favorable à la position américaine concernant le bœuf aux hormones, et vote pour l’accord SPS, qui rentrera en vigueur en 1994. Ainsi, voit-on émerger un ensemble de règles (l’accord SPS) encadrant le règlement des différends du commerce international des produits sanitaires et phytosanitaires.

Encadré 1. Extraits de l’accord SPS
Article 3.3. Les Membres pourront introduire ou maintenir des mesures sanitaires ou phytosanitaires qui entraînent un niveau de protection sanitaire ou phytosanitaire plus élevé que celui qui serait obtenu avec des mesures fondées sur les normes, directives ou recommandations internationales pertinentes s’il y a une justification scientifique ou si cela est la conséquence du niveau de protection sanitaire ou phytosanitaire qu’un Membre juge approprié conformément aux dispositions pertinentes des paragraphes 1 à 8 de l’article 5.2 Nonobstant ce qui précède, aucune mesure qui entraîne un niveau de protection sanitaire ou phytosanitaire différent de celui qui serait obtenu avec des mesures fondées sur les normes, directives ou recommandations internationales ne sera incompatible avec une autre disposition du présent accord.
Article 5.1. Les Membres feront en sorte que leurs mesures sanitaires ou phytosanitaires soient établies sur la base d’une évaluation, selon qu’il sera approprié en fonction des circonstances, des risques pour la santé et la vie des personnes et des animaux ou pour la préservation des végétaux, compte tenu des techniques d’évaluation des risques élaborées par les organisations internationales compétentes.
Article 5.3. Pour évaluer le risque pour la santé et la vie des animaux ou pour la préservation des végétaux et déterminer la mesure à appliquer pour obtenir le niveau approprié de protection sanitaire ou phytosanitaire contre ce risque, les Membres tiendront compte, en tant que facteurs économiques pertinents : du dommage potentiel en termes de perte de production ou de ventes dans le cas de l’entrée, de l’établissement ou de la dissémination d’un parasite ou d’une maladie ; des coûts de la lutte ou de l’éradication sur le territoire du Membre importateur ; et du rapport coût-efficacité d’autres approches qui permettraient de limiter les risques.
Article 5.7. Dans les cas où les preuves scientifiques pertinentes seront insuffisantes, un Membre pourra provisoirement adopter des mesures sanitaires ou phytosanitaires sur la base des renseignements pertinents disponibles, y compris ceux qui émanent des organisations internationales compétentes ainsi que ceux qui découlent des mesures sanitaires ou phytosanitaires appliquées par d’autres Membres. Dans de telles circonstances, les Membres s’efforceront d’obtenir les renseignements additionnels nécessaires pour procéder à une évaluation plus objective du risque et examineront en conséquence la mesure sanitaire ou phytosanitaire dans un délai raisonnable.
Source : Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires

14L’accord SPS servira alors de référentiel juridique à cette dispute sur le bœuf aux hormones. Depuis la création de l’OMC en 1995, l’Organe de Règlement des Différends a pour objectif de régler les différends commerciaux, en se basant sur les règles qui relèvent du champ d’application des accords OMC (dont l’accord SPS). Cet organe tranche les différends commerciaux, et joue un rôle d’arbitre, se basant sur un mécanisme fortement juridicisé (Devereaux et al., 2006). Cet accord accepte qu’un État prenne des mesures provisoires d’interdiction sur la base des informations scientifiques disponibles selon l’article 5.7. Les États-Unis portent l’affaire devant l’OMC en janvier 1996. La position de l’UE leur apparaît incompatible avec les accords SPS et les obligations de l’UE en tant que membre de l’OMC. En 1997, un premier panel réuni par l’OMC estime que l’UE n’ayant pas montré l’existence de risques, adopte un niveau de protection du consommateur arbitraire créant des discriminations par rapport au bœuf aux hormones. L’UE soutient que des divergences entre experts existent sur les effets nocifs éventuels de la consommation de viande d’animaux élevés aux hormones (Rainelli, 1999). Après appel, un nouveau jugement est rendu en février 1998 : l’UE doit apporter des indications scientifiques pertinentes pour justifier son interdiction. Faute de preuves scientifiques suffisantes, les États-Unis et le Canada ont été autorisés de prendre des contre-mesures sur un montant annuel d’importations (correspondant à 116,8 millions de dollars américains et 11,3 millions de dollars canadiens), selon le Mémorandum de règlement des différends. Suite à cette condamnation, les recherches scientifiques européennes ont été poursuivies et ont pu démontrer les effets d’une hormone (l’œstradiol 17?) sur le développement de tumeurs cancéreuses. Ces recherches ont justifié une nouvelle directive (directive 2003/74/CE) imposant une interdiction permanente par rapport à l’œstradiol 17?, et une interdiction provisoire pour cinq autres hormones basée sur le principe de précaution [5]. L’UE a conséquemment informé l’OMC de ses mesures, prônant que les sanctions des États-Unis et du Canada étaient injustifiées. Mais ces deux pays n’ont pas levé leurs sanctions, et les États-Unis ont renforcé leurs mesures douanières sur certains produits européens.

15S’agissant des OGM, l’Union Européenne a refusé toute importation d’OGM venant de l’Argentine, du Canada et des États-Unis de 1998 à 2004. En effet, le 24 juin 1999, lors du conseil des ministres européens de l’Environnement, cinq États (Danemark, Italie, France, Grèce et Luxembourg) observent que les systèmes d’autorisation et de surveillance des OGM en Europe sont incomplets. Ces États demandent une suspension de toute nouvelle mise sur le marché des OGM (à savoir un moratoire) pour pouvoir avoir le temps de développer une évaluation des risques, prenant en compte la particularité des écosystèmes européens ; un système de surveillance des OGM une fois autorisés ; et un dispositif d’étiquetage et de traçabilité des OGM et des produits dérivés. Les cinq États membres à la source du moratoire souhaitent une évaluation plus poussée des risques compte tenu des incertitudes environnementales et sanitaires persistantes. Par ailleurs, cette réticence est aussi soutenue par les associations de consommateurs et associations environnementalistes et une importante partie de l’opinion publique européenne [6]. Le tableau synthétique suivant fait état des avantages et limites des OGM afin de mettre en avant les raisons expliquant la réticence des cinq États membres, et les arguments émis par les pays prônant le libre-échange des OGM.

Tableau 1

Avantages et limites des OGM

Tableau 1
Avantages Limites • Une production agricole accrue du fait d’une limitation des contaminations des cultures par les insectes • Une alimentation plus nutritive • Des bénéfices environnementaux du fait des cultures OGM requérant moins de pesticides • Des organismes résistants au froid • Des bénéfices sociaux rattachés à ces bénéfices économiques et environnementaux (la possibilité de donner l’opportunité aux pays en développement de nourrir des populations croissantes en sous-nutrition). • Risques sanitaires liés aux conséquences des OGM sur leur pouvoir allergisant, leur toxicité, la résistance aux antibiotiques et leurs dommages sur le système immunitaire. • Risques environnementaux liés à la possibilité de nuire aux insectes qui ne sont pas visés par les cultures OGM, et l’atteinte à la biodiversité. Les cultures OGM risquent aussi de contaminer d’autres cultures non-OGM (capacité d’invasion) • Ces risques doivent aussi intégrer les dommages potentiels dans le long terme que l’on ne connaît pas encore (incertitude radicale). • Risques économiques et institutionnels liés aux droits de propriété (brevetage des OGM).

Avantages et limites des OGM

Source : tableau établi à partir de Bevilacqua (2007)

16L’Union Européenne souhaite créer ses propres règles au niveau du commerce international des OGM, et participe activement au protocole sur la biosécurité dans le cadre de l’ONU. Les négociations ont démarré en 1996, et des alliances se forment rapidement. Parmi les groupes qui se forment, on en distingue trois principaux : le groupe Union européenne, qui est le groupe le plus cohérent politiquement et géographiquement (Biagiotti, 2003). Celui-ci défend la régulation des échanges internationaux, et la mise en place du principe de précaution. Le deuxième groupe est le groupe « du même esprit » (like-minded group), regroupant soixante-dix-sept pays en développement ainsi que la Chine. Faute de régulation nationale environnementale propre, les pays de ce groupe comptent sur le protocole pour orienter leur propre législation (Biagiotti, 2003). Ils soutiennent ainsi l’Union Européenne. Enfin, le groupe de Miami est en totale contradiction avec les objectifs des deux premiers groupes. Il est composé des États-Unis, du Canada, de l’Argentine, de l’Uruguay, de l’Australie et du Chili. Tous sont exportateurs de produits génétiquement modifiés. Ils s’opposent à toute régulation internationale et à l’application du principe de précaution. Après trois ans, le protocole [7] a été adopté le 30 janvier 2000, et est entré en vigueur en 2003. Les États-Unis, le Canada et l’Argentine ne font pas partie des signataires du protocole.

17Sous la pression de vingt-cinq associations agricoles américaines et du Sénat, les États-Unis contestent la décision européenne le 7 août 2003 devant l’Organe de Règlement des Différends. Ils sont accompagnées de l’Argentine et du Canada. Ces pays exigent l’établissement d’un panel pour examiner ce cas (Bevilacqua, 2007). Le cadre réglementaire européen n’est pas contesté par les plaignants (l’Argentine, le Canada et les États-Unis), mais ces derniers remettent en cause l’application du moratoire [8]. Selon eux, ce dernier est injustifié parce c’est un moratoire de fait, à savoir qu’il n’a pas été adopté à travers une règle européenne formelle ou un processus de décision. De façon plus spécifique, les cinq États (Danemark, Italie, France, Grèce et Luxembourg) sont reprochés de faire tout ce qui est dans leur pouvoir de maintenir le moratoire (Bernasconi-Osterwalder et Oliva, 2006), alors que la procédure communautaire d’autorisation a conclu à une décision favorable à la mise sur le marché. De leur côté, les cinq pays européens poursuivent leur moratoire. La Commission Européenne défend l’idée selon laquelle le Protocole de Cartagena constitue la source la plus pertinente des règles internationales répondant aux exigences de l’accord SPS (O’Hara et Borron, 2007).

Différences

L’issue des conflits

18L’issue des conflits est différente dans les deux affaires. Le cas du bœuf aux hormones est illustratif d’une procédure longue de négociations, qui ont été encadrées par le GATT puis par l’OMC à partir de 1996. En mai 2009, l’UE et les États-Unis ont finalement trouvé un compromis temporaire après des négociations bilatérales (accord intérimaire) : l’UE autorise des quantités plus importantes de viande américaine sans hormones (20 000 tonnes, puis 45 000 tonnes après trois ans). De leur côté, les États-Unis renoncent à une forte hausse des droits de douane pour le roquefort (de l’ordre de 300 %) et l’eau minérale. Puis en septembre 2009, les États-Unis et l’Union Européenne ont établi un mémorandum d’accord concernant l’importation de viande bovine de haute qualité dans l’Union Européenne et le niveau des droits majorés appliqués par les États-Unis à certains produits de l’Union Européenne. Ainsi, l’issue du conflit ne résulte pas d’une voie médiane entre les positions des États-Unis et de l’UE. Chaque partie est restée sur sa position, mais une solution économique a été trouvée en acceptant l’entrée du bœuf sans hormones sur le marché européen. La segmentation du marché (sans hormones/avec hormones) a permis de classer cette affaire.

19En revanche, cette segmentation n’est pas encore envisagée dans le cas des OGM. Comme dans le cas du bœuf aux hormones, les États-Unis ont rejeté le principe de précaution et la référence au protocole de Cartagena, et cette position a été soutenue par l’OMC. L’Organe de règlement des différends de l’OMC a tranché le 29 décembre 2006, jugeant que l’UE a appliqué ce moratoire de fait, qui n’est pas jugé en conformité avec l’accord SPS puisque les mesures de l’UE ne sont pas en accord avec l’annexe C (1.a.) selon laquelle les procédures visant à vérifier et à assurer le respect des mesures sanitaires ou phytosanitaires doivent être engagées et achevées « sans retard injustifié et d’une manière non moins favorable pour les produits importés que pour les produits similaires d’origine nationale ». Cette décision révèle une différence d’interprétation des OGM entre l’OMC et les plaignants d’une part et les cinq États membres d’autre part.

Graphique 1

Des interprétations différentes des OGM

Graphique 1

Des interprétations différentes des OGM

20Les plaignants adoptent une vision des OGM basée sur le principe d’équivalence en substance : le produit est considéré comme équivalent à un produit ne contenant pas d’OGM. De ce fait, la mise sur le marché de ce produit ne nécessite pas d’étiquetage aux États-Unis et au Canada. Cette vision est d’ailleurs partagée par l’OMC qui se réfère à l’annexe C (1.a.) de l’accord SPS, jugeant que l’UE a retardé la mise sur le marché de produits « similaires » à ceux produits sur le territoire national [9]. Contrairement à l’affaire du bœuf aux hormones, l’affaire n’a pas trouvé d’issue favorable à travers une différenciation des produits avec ou sans OGM, puisque les États-Unis et le Canada rejettent l’option de l’étiquetage, jugée trop coûteuse. La décision de l’ORD n’a pas été suivie jusqu’à présent de nouvelles négociations.

Comprendre les négociations internationales sur le bœuf aux hormones et les OGM dans le cadre de la théorie économique

Une interprétation en termes d’institutions parallèles

21Dans les cas étudiés, nous sommes en présence de la formation d’institutions parallèles. Nous définirons une institution comme un ensemble de règles communes, reconnues par la collectivité comme étant celles qui imposent l’ordre social [10]. Les règles n’émergent pas ex nihilo, mais résultent de conflits et de négociations (Lupton, 2011). L’existence des règles ne peut être dissociée de l’existence de tensions et de conflits, d’où leur dynamique et leur évolution. Elles sont nées et changent en raison des conflits, et des rapports de pouvoir changeants. Différentes règles formelles contradictoires encadrant le commerce international se sont créées au fil du temps, qui ont également émergé suite aux disputes sur le bœuf aux hormones (accord SPS), puis des OGM (l’introduction du principe de précaution dans le protocole de Cartagena).

22Les États-Unis ont largement influencé l’accord SPS qui favorise une approche en termes d’évaluation des risques [11]. Avec l’apprentissage des négociations sur le bœuf aux hormones et l’incapacité du GATT à répondre à leur plainte (Devereaux et al., 2006), ce pays a compris qu’il fallait un cadre réglementaire défendant leur position d’exportateur de produits agricoles, en limitant la référence au principe de précaution (défendu par l’UE). Ce cadre leur a permis de sanctionner l’Union européenne qui ne respectait pas les règles de l’OMC.

23Fort de cette expérience, l’Union européenne a saisi qu’elle devait être un acteur majeur dans la construction du Protocole de Cartagena, pour proposer ses propres règles du commerce international, intégrant le principe de précaution. Elle a donc tenté d’être le moteur de la création d’une nouvelle institution parallèle à celle en place. Cette institution a pour objet de changer les règles anciennes pour en créer de nouvelles. Néanmoins, les règles anciennes n’ont pas été modifiées, et la résolution de la dispute a été gérée dans le cadre de l’accord SPS.

24De ce fait, les négociations sur les OGM dans le cadre de l’OMC ont été d’autant plus complexes qu’il n’y a pas un unique régime réglementaire traitant la question des OGM, mais « un ensemble fractionné et quelquefois conflictuel de traités sur les droits de propriété, le commerce et l’environnement, accompagné de droit coutumier ou des principes ambigus » (Murphy, 2001 : 5). Cet ensemble est composé de l’accord SPS, l’accord sur les obstacles techniques au commerce, l’accord sur les droits de propriété intellectuelle, l’accord sur l’OMC, les normes du Codex Alimentarius [12], et le Protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques, sans compter toutes les législations nationales et régionales ayant un impact transnational (Bevilacqua, 2007). L’OMC a donné la priorité à l’accord SPS, empêchant l’application du principe de précaution, puisque selon l’article 5.1, les mesures SPS doivent être basées sur une évaluation des risques. Afin de régler le différend, l’OMC a donc tranché en se basant essentiellement sur l’accord SPS malgré les autres accords en place. Ainsi, la coexistence d’institutions parallèles contradictoires est résolue par la balance de pouvoir respective des institutions (Vahabi, 2010). Dans les deux cas du bœuf aux hormones et des OGM, l’accord SPS prévaut dans la résolution des conflits.

25Les conflits, et les négociations visant à trouver un accord, n’aboutissent pas toujours à la résolution d’une affaire. Certains conflits peuvent ne jamais être réglés et demeurent des problèmes politiques non résolus avec l’existence d’institutions parallèles incompatibles et durables. Il semblerait que nous soyons dans ce cas de figure pour les OGM. Bien que l’accord SPS soit reconnu comme un cadre légitime pour l’UE, cette dernière continue de s’appuyer sur le protocole de Cartagena qui reconnaît le principe de précaution.

Les biens indéterminés

26Ce qui est particulièrement intéressant dans ces deux différends est le fait que l’incertitude scientifique soit mobilisée par l’UE comme justification du refus d’un produit au motif que des incertitudes persistent sur l’évaluation des risques (Lupton, 2011). L’utilisation du principe de précaution (incertitudes persistantes sur les impacts environnementaux et/ou sanitaires des produits) par l’UE conduit à bloquer un marché (cas des OGM) ou à une restriction de marché (cas du bœuf aux hormones). Nous sommes donc face à une configuration de biens indéterminés (Lupton, 2005). Les biens indéterminés sont des biens pour lesquels l’incertitude scientifique est utilisée comme justificatif de refus des produits sur un marché. Des interprétations rivales coexistent sur l’importance à accorder aux incertitudes scientifiques. Les États-Unis minimisent son importance, considérant que le principe de précaution n’est pas reconnu dans le droit international.

27Contrairement aux biens d’expérience, de recherche (Nelson, 1970) et de croyance (Darby et Karni, 1973) [13] pour lesquels les marchés peuvent poser des problèmes d’asymétrie d’information, les biens indéterminés concernent des marchés restreints ou bloqués du fait de l’utilisation stratégique de l’incertitude radicale [14] comme justificatif de refus d’importation d’un produit (Lupton, 2005).

Conclusion

28Nous avons analysé deux cas sur les conflits autour des échanges internationaux de produits : le bœuf aux hormones et les OGM. Nous avons dégagé les similitudes de ces deux différends (évitement d’un conflit, existence de règles parallèles) ainsi que leurs différences (issue des conflits).

29Dans les deux cas, nous sommes confrontés à des marchés qui sont restreints ou bloqués par l’UE, sur la base du principe de précaution. Cela nous a amené à proposer un cadre théorique permettant de comprendre cette configuration de marché, pour lesquels les incertitudes scientifiques sont mises en avant par un groupe influent (l’UE) pour justifier un refus d’importation de bœuf aux hormones ou d’OGM. Nous avons donc proposé une lecture en termes d’institutions parallèles et de biens indéterminés.

30Il semble que les règles de l’OMC ne rendent pas suffisamment compte de cette incertitude scientifique. Bien que l’accord SPS fasse allusion à l’incertitude scientifique sur les effets environnementaux et sanitaires des biens (notamment dans l’article 5.7), il donne « peu de principes directeurs sur des situations d’incertitudes ou d’ambiguïté scientifique… cette faiblesse dans l’accord SPS deviendra de plus en plus évidente et difficile » (James, 2000, p. 21-22).


Annexe I
Tableau 1

Différence entre les biens d’expérience, de recherche et de croyance (biens ERC) et les biens indéterminés

Tableau 1
Nature de l’incertitude Partage d’information Coûts d’acquisition de l’information Problèmes de marché Biens ERC Manque d’information du côté du consommateur. Cette information peut être acquise par le consommateur à travers la recherche. Pour les biens d’expérience et de croyance, l’incertitude qualitative peut être assimilée au risque (Knight, 1921). Le producteur/vendeur est omniscient, alors que le consommateur est imparfaitement informé. Les coûts d’acquisition de l’information sont plus élevés pour les biens de croyance. Lorsque cela est possible, l’expérience ou la recherche sera utilisée pour acquérir l’information, en fonction des coûts de chaque option. Ces coûts peuvent être évalués ex ante. Les problèmes de sélection adverse et d’aléa moral peuvent exister particulièrement pour les biens de croyance. La qualité offerte est inférieure au niveau espéré par les consommateurs, et ces derniers anticipent ceci : il n’y aura alors pas de demande. Biens indéterminés Les lacunes dans la connaissance fait que toute l’information sur les caractéristiques des biens (et leurs conséquences) n’existe pas a priori. L’incertitude peut être qualifiée d’incertitude radicale. Certaines des caractéristiques (et leurs effets sanitaires et environnementaux) ne sont ni connues du producteur/vendeur, ni du consommateur, ni des autres agents liés au marché. Les coûts ne peuvent pas être évalués ex ante car ils sont liés à la production même de l’information (recherche scientifique). Les marchés peuvent être restreints ou peuvent s’effondrer, à cause d’un désaccord entre experts sur les caractéristiques du bien, et/ou parce que des agents influents interdisent le produit sur la base d’incertitudes persistantes quant à ses attributs (et leurs conséquences).

Différence entre les biens d’expérience, de recherche et de croyance (biens ERC) et les biens indéterminés

Source : Lupton, 2005

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  • Textes juridiques


Mots-clés éditeurs : bœuf aux hormones, biens indéterminés, OGM, principe de précaution, négociations internationales

Mise en ligne 31/01/2012

https://doi.org/10.3917/neg.016.0023

Notes

  • [1]
    Nous définirons valeur comme « un élément d’un système symbolique qui sert de critère pour choisir une orientation parmi les diverses possibilités qu’une situation laisse par elle-même ouvertes » (Parsons, 1952, p. 12).
  • [2]
    Le principe de précaution est défini par la loi française n° 95-101 du 2 Février 1995 (dite loi Barnier) comme le principe « selon lequel l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable ». Le principe de précaution est également inscrit dans l’article 191 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Il a également été intégré dans la Constitution française de 1958 en 2005 (Charte de l’environnement de 2004, article 5). Notons également l’existence de ce principe en droit allemand (Vorsorgeprinzip) dans la loi de 1974 sur la qualité de l’air. Ce principe justifiait l’action publique pour réduire les risques avant qu’on n’ait de preuve entière de l’existence de dommages, afin d’éviter des impacts sérieux ou irréversibles (EEA, 2001, p. 13).
  • [3]
    Les OGM peuvent être définis comme « tout organisme vivant possédant une combinaison de matériel génétique inédite obtenue par recours à la biotechnologie moderne » (article 3.g, Protocole de Cartagena, 2000).
  • [4]
    De surcroît, l’Union Européenne interdisait également cette production de bœuf aux hormones sur son territoire.
  • [5]
    La testostérone, la progestérone, l’acétate de trenbolone, le zéranol et l’acétate de mélengestrol.
  • [6]
    Selon une étude financée par la Commission européenne (Marris et al., 2001) réalisée de 1998 à 2000 dans 5 pays (Allemagne, Espagne, France, Italie et Royaume Uni), les personnes enquêtées à travers 55 groupes de discussion étaient réticentes vis-à-vis des bénéfices d’une industrialisation encore plus poussée de la chaîne alimentaire avec les OGM, et pensaient que les incertitudes liées au devenir des OGM devraient être admises par les institutions, et prises en compte dans les décisions.
  • [7]
    Notons que le protocole régule les organismes vivant modifiés (OVM). Ce sont des organismes qui peuvent se reproduire et qui croissent quand ils sont plantés dans le sol, comme le maïs génétiquement modifié. Ils concernent aussi des cultures non alimentaires comme le coton génétiquement modifié. Ils ne concernent pas par contre des aliments issus de produits génétiquement modifiés (Mbengue et Thomas, 2004)
  • [8]
    La Commission Européenne a levé ce moratoire pour certains aliments génétiquement modifiés. Le 19 mai 2004, la Commission Européenne a autorisé pour la première fois un aliment génétiquement modifié : le maïs bt-11. Ce maïs est autorisé pour dix ans à la consommation (boîtes de conserves) mais ne peut être cultivé.
  • [9]
    Une étude économétrique du CEPII évalue que les Etats-Unis ont perdu 1.97 milliards de dollars entre 2003 et 2005 du fait du moratoire européen, des mesures spécifiques aux produits et des interdictions nationales. Ce chiffre est évalué à 349.6 millions de dollars pour le Canada et 52.2 millions de dollars pour l’Argentine (Disdier et Fontagné, 2009 : 24).
  • [10]
    Nous nous référons ici aux règles formelles (textes législatifs), bien que les règles informelles (non écrites) puissent coexister aussi (conventions).
  • [11]
    Le jugement rendu par l’Organe de règlement des différends le 12 juillet 1999 concernant le bœuf aux hormones est illustratif de la primauté accordée à l’évaluation des risques. L’ORD remarque que le principe de précaution ne justifie pas l’interdiction imposée par l’UE à l’importation de viande et de produits carnés provenant d’animaux traités à des fins anabolisantes avec l’une des cinq hormones en cause, dans la mesure où cette interdiction ne s’appuie pas sur la base d’une évaluation des risques (Marre, 2000).
  • [12]
    L’UE avait d’ailleurs tenté d’intégrer le principe de précaution dans le Codex Alimentarius. La commission du Codex Alimentarius a refusé de l’insérer en septembre 2007, jugeant que ce principe pouvait être plus utilisé comme un moyen de restreindre le commerce international que comme une mesure visant à protéger les consommateurs.
  • [13]
    Voir le tableau de l’annexe 1 qui distingue les biens d’expérience, de recherche et de croyance des biens indéterminés.
  • [14]
    Contrairement au risque pour lequel il est possible d’établir une probabilité d’occurrence d’un danger, l’incertitude radicale concerne les évènements qui ne peuvent pas être dotés d’une probabilité quelconque, parce qu’il n’existe pas de connaissances scientifiques stabilisées permettant d’établir des probabilités (Knight, 1921).
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