« Que croyez-vous que soit un artiste ? Un imbécile qui n’a que des yeux s’il est peintre, des oreilles s’il est musicien, ou une lyre à tous les étages du cœur s’il est poète, ou même, s’il est boxeur, seulement des muscles ? Bien au contraire, il est en même temps un être politique, constamment en éveil devant les déchirants ou doux évènements du monde, se façonnant de toute pièce à leur image ... ».
C’est ainsi que Picasso définissait l’artiste, être social et témoin forcé des tragédies du monde qu’il ne peut empêcher d’habiter son œuvre et sa pensée. On ne peut qu’être d’accord avec cette affirmation et s’attendre à ce que les artistes, face à toutes les horreurs du monde, cherchent à répondre à ces douleurs et osent prendre position devant une réalité impossible à ignorer.
Or, au regard du vide esthétique que l’on relève face à la tragédie qui a marqué l’Algérie dans les années quatre-vingt dix, la question qui vient à l’esprit est la suivante : dans le champ immense de l’expression artistique, pourquoi est-il si difficile aujourd’hui de retrouver des traces de ce que la société a vécu si directement et si crûment ? Retrouver cet être « constamment en éveil devant les déchirants et doux évènements du monde … » semble difficile et appliquer la sentence de l’historien d’art anglais Norbert Lyton disant que « …l’art qui ne concourt pas au combat en détourne l’attention » serait un jugement peut-être trop hâtif, trop réducteur. Mais, vu la force et l’ampleur des évènements, et devant une situation aussi complexe, il nous a paru nécessaire d’approfondir la réflexion…