Couverture de NAPO_102

Article de revue

Comptes rendus

Pages 104 à 106

Notes

  • [1]
    D’après la définition de R. Girardet, Mythes et mythologies politiques, Paris, Seuil, 1985, p. 13-18.
  • [2]
    Car omettant les travaux les plus récents : V. Haegele (Éd.), Napoléon & Joseph. Correspondance intégrale 1784-1818, Paris, Tallandier, 2007 ; F. L. Díaz Torrejón, José Napoleón I en el sur de España. Un viaje regio por Andalucía (enero-mayo 1810, Córdoba, CajaSur, 2008.
  • [3]
    Cf. F. J. Ramón Solans, « El legado historiográfico de Miguel Artola: afrancesados, josefinos, juramentados y colaboracionistas », Rolde, 124-125, 2008, www.rolde.org.
  • [4]
    M. Ardit Lucas, Revolución liberal y revuelta campesina: un ensayo sobre la desintegración del Régimen feudal en el País valenciano (1793-1840), Barcelona, Ariel, 1977, p. 196-207 ; J.-M. Lafon, L’Andalousie et Napoléon. Contre-insurrection, collaboration et résistances dans le midi de l’Espagne (1808-1814), Paris, Nouveau Monde/Fondation Napoléon, 2007, p. 216-336.
  • [5]
    Voir notamment « La invención de la Guerra de la Independencia », Studia Historica. Historia contemporánea, 12, 1994, p. 78-99 et « El nacionalismo español como mito movilizador. Cuatro guerras », Cultura y movilización en la España contemporánea, R. Cruz & M. Pérez Ledesma (Coord.), Madrid, Alianza Editorial, 1998, p. 35-67.
  • [6]
    J.-Ph. Luis, « Balance historiográfico del bicentenario de la Guerra de la Independencia : las aportaciones científicas », Ayer, 75-3, 2009, p. 303-325, p. 321.
  • [7]
    Il approfondit notamment les pistes ouvertes par le colloque Sombras de mayo. Mitos y memorias de la Guerra de la Independencia en España (1808-1908), Madrid, Casa de Velázquez, 2007.
English version

Ricardo García Cárcel, El sueño de la nación indomable. Los mitos de la Guerra de la Independencia, Madrid, Temas de Hoy, 2008, 430 p., ISBN°: 978-84-8460-538-6. 9,90 € (1re édition 2007)

1Moderniste et spécialiste d’histoire culturelle, l’auteur s’attaque ici à une entreprise ambitieuse et d’autant plus nécessaire qu’elle s’inscrit dans (contre ?) la vague commémorative du Bicentenaire du conflit contre Napoléon. En analysant la vision des acteurs (surtout du côté espagnol) puis l’ensemble du processus historiographique consacré à l’événement depuis la 1re Restauration (1814-1820), il s’efforce d’en mettre au jour les différents mythes constitutifs [1], en dix essais d’ampleur inégale. Cette démarche s’accompagne d’un louable souci de vulgarisation, perceptible ainsi par les biographies compilées des principaux protagonistes, et éparses dans le texte. On ne peut que déplorer, à cet égard, les nombreuses coquilles, particulièrement dans les notes.

2L’examen des figures de premier plan (Godoy, Ferdinand VII…) constitue une synthèse bienvenue, parfois rapide – ainsi pour le roi Joseph [2] – mais souvent stimulante, notamment lorsqu’il note l’ambivalence de l’attitude napoléonienne envers l’Espagne (p. 70-73), mêlant mépris et paternalisme. Il en va de même pour le soulèvement madrilène du 2 mai : bilan des pertes respectives et thèses du complot (français ou fernandino) représentent des enjeux politiques, finement analysés. Les versants militaires et internationaux (à travers Wellington) du conflit sont rapidement évoqués, mais de façon satisfaisante.

3L’analyse des sièges (p. 159-170) est intitulée « Résister ou périr » ; mais, de fait, la « guerre des maisons » se limita à Saragosse, dont l’exemple ne peut être généralisé, sauf dans la rhétorique patriotique. Et, dans la plupart des cas, la poliorcétique française finit par l’emporter, les assiégés perdant chaque fois un matériel militaire précieux et des soldats expérimentés, comme l’a notamment souligné la récente biographie du général du génie Rogniat par Bruno Colson (Economica, 2006). C’est dire si le mythe – omniprésent car lié à la filiation hispanique avec Numance, Sagonte – apparaît ici éloigné de la réalité…

4Plus gênante s’avère l’absence de prise en compte de la dimension de guerre civile. En effet, le chapitre consacré à « l’Anti-Espagne des Afrancesados » s’en tient à l’acception idéologique du terme, ne se démarquant qu’insuffisamment des travaux pionniers de Miguel Artola sur le sujet, dans les années 1950 [3]. Ici, l’étude des Provinces basques et de la Catalogne, au demeurant intéressante, apparaît surtout déterminée par la situation politique actuelle de l’Espagne. Pour plus de pertinence, elle aurait dû être complétée par celle du Royaume de Valence et de la Basse Andalousie, cas flagrants de collaboration (économique et/ou militaire) des élites sociales locales avec l’occupant impérial [4]. Le risque, ici, est d’accréditer, même inconsciemment, le mythe d’une résistance unanimiste aux anciens alliés devenus des envahisseurs.

5Les deux derniers essais, davantage développés, sont consacrés à la « nation indomptable », la supposée apparition du nationalisme espagnol durant le conflit, et à la « révolution » promue par les députés liberales des Cortes de Cadix. Ils correspondent aux principales problématiques dégagées par l’historiographie révisionniste des années 1990, notamment impulsée par José Álvarez Junco [5], dont l’auteur entend se distancier. Il en dénonce d’ailleurs le caractère essentiellement destructeur dès l’introduction (p. 16-17). Or le chantier est toujours en cours, et les synthèses d’ensemble, à l’échelle européenne du conflit, font encore défaut. Et si l’interprétation des événements reste en suspens, c’est le résultat logique – et il faut l’espérer, provisoire – de leur complexité désormais reconnue [6]. D’autre part, ramener ce révisionnisme aux seules politiques des Communautés autonomes de l’Espagne démocratique et aux pressions des nationalismes périphériques (p. 223) peut paraître réducteur. Surtout si l’on considère le rôle joué par des hispanisants tels l’Américain John Lawrence Tone ou l’Anglais Charles J. Esdaile, qui se proclament, à juste titre, révisionnistes… Malgré tout, il convient de louer l’approche nuancée de l’auteur, qui semble cependant davantage aboutie dans son dernier chapitre, quand il souligne la modération et les limites du programme politique des liberales aux Cortes de Cadix.

6Nous avons donc là un ouvrage important, par son ouverture chronologique et thématique, s’agissant d’un terrain historiographique peu exploré [7]. En outre, il incite à la réflexion et à la discussion, sur un sujet encore trop souvent perçu de façon monolithique.
Jean-Marc Lafon


Date de mise en ligne : 03/11/2010.

https://doi.org/10.3917/napo.102.0104

Notes

  • [1]
    D’après la définition de R. Girardet, Mythes et mythologies politiques, Paris, Seuil, 1985, p. 13-18.
  • [2]
    Car omettant les travaux les plus récents : V. Haegele (Éd.), Napoléon & Joseph. Correspondance intégrale 1784-1818, Paris, Tallandier, 2007 ; F. L. Díaz Torrejón, José Napoleón I en el sur de España. Un viaje regio por Andalucía (enero-mayo 1810, Córdoba, CajaSur, 2008.
  • [3]
    Cf. F. J. Ramón Solans, « El legado historiográfico de Miguel Artola: afrancesados, josefinos, juramentados y colaboracionistas », Rolde, 124-125, 2008, www.rolde.org.
  • [4]
    M. Ardit Lucas, Revolución liberal y revuelta campesina: un ensayo sobre la desintegración del Régimen feudal en el País valenciano (1793-1840), Barcelona, Ariel, 1977, p. 196-207 ; J.-M. Lafon, L’Andalousie et Napoléon. Contre-insurrection, collaboration et résistances dans le midi de l’Espagne (1808-1814), Paris, Nouveau Monde/Fondation Napoléon, 2007, p. 216-336.
  • [5]
    Voir notamment « La invención de la Guerra de la Independencia », Studia Historica. Historia contemporánea, 12, 1994, p. 78-99 et « El nacionalismo español como mito movilizador. Cuatro guerras », Cultura y movilización en la España contemporánea, R. Cruz & M. Pérez Ledesma (Coord.), Madrid, Alianza Editorial, 1998, p. 35-67.
  • [6]
    J.-Ph. Luis, « Balance historiográfico del bicentenario de la Guerra de la Independencia : las aportaciones científicas », Ayer, 75-3, 2009, p. 303-325, p. 321.
  • [7]
    Il approfondit notamment les pistes ouvertes par le colloque Sombras de mayo. Mitos y memorias de la Guerra de la Independencia en España (1808-1908), Madrid, Casa de Velázquez, 2007.
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